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1078. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Introduction » pp. 5-10

L’art compris en dehors de la vie ne peut guère que délasser quelques esprits subtils et précieux. Cependant n’oublions jamais que l’art s’écarte également de l’instinct et de la prédication.

1079. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre II. Vue générale des Poèmes où le merveilleux du Christianisme remplace la Mythologie. L’Enfer du Dante, la Jérusalem délivrée. »

C’est là qu’on peut apprendre à mêler les sujets sans les confondre : l’art avec lequel le Tasse vous transporte d’une bataille à une scène d’amour, d’une scène d’amour à un conseil, d’une procession à un palais magique, d’un palais magique à un camp, d’un assaut à la grotte d’un solitaire, du tumulte d’une cité assiégée à la cabane d’un pasteur, cet art, disons-nous, est admirable.

1080. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 39, en quel sens on peut dire que la nature se soit enrichie depuis Raphaël » pp. 387-392

Section 39, en quel sens on peut dire que la nature se soit enrichie depuis Raphaël Au contraire, les peintres qui travaillent aujourd’hui tirent plus de secours de l’art, que Raphaël et ses contemporains n’en pouvoient tirer. Depuis Raphaël, l’art et la nature se sont perfectionnez, et si Raphaël revenoit au monde avec ses talens, il feroit mieux encore qu’il ne l’a pû faire dans le temps où la destinée l’avoit placé, au lieu que Virgile ne pourroit point écrire un poëme épique en françois aussi-bien qu’il l’a écrit en latin.

1081. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Malherbe »

Au lieu de cet insupportable amas de fastidieuse galanterie dont il assassine cette pauvre reine, un poète fécond et véritablement lyrique, en parlait à une princesse du nom de Médicis, n’aurait pas oublié de s’étendre sur les louanges de cette famille illustre, qui a ressuscité les lettres et les arts en Italie, et de là en Europe. Comme elle venait régner en France, il en aurait tiré un augure favorable pour les arts et la littérature de ce pays. […] Balzac l’a remarqué (xxxie Entretien), Malherbe excelle à ces imitations adroites et fines, moins violentes que celles de Ronsard, à cet art qui ne gâte point les inventions d’autrui en se les appropriant, qui les améliore même et les rehausse. Le pauvre en sa cabane… vaut bien le Pallida mors œquo pulsat pede… Ronsard ne savait pas assez l’art d’imiter ; il transportait tout de l’Antiquité, l’arbre et les racines. Malherbe, le premier, a introduit la greffe, l’art de greffer dans notre poésie : Miraturque novas frondes et non sua poma… « Les autres avant lui, a dit Godeau, dans leur excès de passion pour les Anciens, pillaient les pensées plus qu’ils ne les choisissaient. » Malherbe a su choisir.

1082. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1875 » pp. 172-248

Au fond, cet art du xviiie  siècle est un peu le classicisme du joli, il lui manque l’originalité et la grandeur. […] Puis à quoi bon rompre des lances dans ce monde, à propos de l’art français qu’ils ne sentent pas plus que les autres, mais dont ils n’ont pas encore appris le respect. […] Il semble vraiment qu’aux richards, sauf de très rares exceptions, est défendu le goût de l’art, supérieur, — de l’art fait par des mains, qui ne sont plus des mains d’ouvrier. […] Dans les bronzes, des merveilles, des merveilles qui semblent l’idéal de ce que le goût et l’art savant de la fabrication peuvent produire. […] Fumer, en regardant vaguement des choses d’art, ce serait, en ce moment, toute l’ambition de ma vie.

1083. (1874) Premiers lundis. Tome II « Des jugements sur notre littérature contemporaine à l’étranger. »

Cette beauté, il faut en convenir, cette harmonie de contours et de composition, qui peut réparer jusqu’à un certain point les désordres du fond, nos écrivains modernes, si éclatants dans le détail, ne l’ont guère, et c’est là peut-être ce qu’il faudrait leur demander plutôt qu’une moralité directe que l’art véritable n’a jamais cherchée et qu’il fuirait, j’en suis sûr, obstinément, sitôt qu’on la lui afficherait avec solennité. […] Dans l’état de démocratie ou plutôt de classe moyenne où nous allons de plus en plus, il y a un écueil, un faux idéal tout à fait à éviter pour l’art et pour le goût. […] Heureuse cette littérature à la fois plus démocratique et plus aristocratique, plus raffinée et plus audacieuse, moins moyenne en un mot, si elle n’est pas jetée hors de toute beauté et de tout calme d’exécution, hors d’un certain bon sens indispensable au génie et de certaines conditions éternelles de l’art, par la pruderie, l’honnêteté exemplaire et les prétentions établies de l’autre littérature !

1084. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre IV. De la philosophie et de l’éloquence des Grecs » pp. 120-134

Ils ne pouvaient donc aller loin dans aucun genre ; il leur manquait ce qu’on ne doit qu’aux sciences exactes, la méthode, c’est-à-dire, l’art de résumer. […] Si le régime républicain n’avait pas cessé d’exister depuis Aristote, les modernes lui seraient aussi supérieurs dans la connaissance de l’art social que dans toute autre étude intellectuelle. […] Le style des historiens grecs est remarquable par l’art de narrer avec intérêt et simplicité, et par la vivacité de quelques-uns de leurs tableaux ; mais ils n’approfondissent point les caractères ; ils ne jugent point les institutions.

1085. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVI. De l’éloquence et de la philosophie des Anglais » pp. 324-337

Ce principe d’utilité, qui a donné, si je puis m’exprimer ainsi, tant de corps à la littérature des Anglais, a retardé cependant chez eux un dernier perfectionnement de l’art, que les Français ont atteint ; c’est la concision dans le style. […] Je n’examine point ce qui est préférable pour le bonheur national ; mais l’art d’écrire et la méthode de composer ne peuvent se perfectionner, en Angleterre, jusqu’au point où l’on devait arriver en France, lorsque les écrivains visaient toujours et presque exclusivement au suffrage des premiers hommes de leur pays. […] Les Anglais ont considéré l’art de la parole, comme tous les talents en général, sous le point de vue de l’utilité ; et c’est ce qui doit arriver à tous les peuples, après un certain temps de repos fondé sur la liberté.

1086. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Musset, Alfred de (1810-1857) »

On est grand quand, à travers les huées, les colères et les trahisons, on donne à l’art et à la société une forme nouvelle, quand, par le livre ou par l’action, et mieux par les deux ensemble, on ouvre une porte fermée de l’avenir, quand on entre le premier dans l’inconnu, quand on est le conducteur d’un demi-siècle. […] La passion est dans l’homme une des grandes sources d’art, comme toutes les forces qu’il a en lui. […] Tout a servi à Musset pour que la rencontre nécessaire de l’art et de la matière se produisit ; sa précocité, sa candeur, son aptitude, malheureuse d’ailleurs, précieuse ici, à rester enfant.

1087. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre huitième. »

Il en est de tous arts. […] Cet art veut, sur tout autre, un suprême mérite. […] C’est l’art de La Fontaine de faire entendre beaucoup plus qu’il ne dit.

1088. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Francis Wey » pp. 229-241

II Cela dit brusquement à Wey, pour l’honneur d’une conception première qui me plaisait excessivement, mais qui supposait la chose la plus rare : l’impersonnalité, ou plutôt la personnalité caméléonesque d’un poète dramatique, je n’ai plus qu’à louer un livre vrai, spirituel, érudit, attentif à tout, et qui, sous prétexte de voyage, nous parle tour à tour politique, art, histoire, morale, société, avec une originalité qui n’a pas le profond, le mordant, la couleur étrange de l’originalité anglaise, mais qui, après tout, a la sienne. […] Son goût pour les arts était vif. Il écrivit sur les arts.

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