Cette soif de lecture n’a pas pour seul mobile une inerte curiosité ; bien certainement, c’est le désir d’apprendre qui se cache là dessous, le désir d’apprendre et le besoin non moins vif de poursuivre la confirmation des idées qui préoccupent aujourd’hui la masse de notre population. […] Depuis que l’on a inventé le désintéressement des filles entretenues, nous n’avons pas appris qu’aucune conversion soit venue encourager le zèle des apôtres ; ce qui est singulier, car ces Magdeleines qui ne se repentent point, lisent d’ordinaire beaucoup de romans, et auraient eu plus d’une occasion de se piquer d’honneur. […] Profondément ignorant, il a besoin d’apprendre, il le sent ; mais comme M. Jourdain il hésite s’il apprendra la philosophie, l’almanach, ou l’orthographe. Il a délibéré et, en fin de compte, le bourgeois, devenu gentilhomme, s’est résolu à apprendre tout et à se remplir de science autant que possible sans trop s’ennuyer.
Il nous apprend qu’il est voisin de Carlier, l’ancien préfet de police, avec lequel il va fumer presque journellement une cigarette, et qui lui raconte les choses les plus curieuses. […] « L’office ayant été sa première inclination », écrit-il, il apprit son métier des premiers officiers de France, s’attachant à ne rien ignorer concernant les confitures et les liqueurs, mais travaillant encore à savoir faire en perfection toutes sortes d’eaux, tant de fleurs que de fruits, glacées et non glacées, sorbets, crèmes, orgeat, eaux de Pistaches, de Pignons, de Coriandre, d’Anis, de Fenouil et de toutes sortes d’autres grains, et apprenant à distiller des fleurs et des fruits, tant par le chaud que par le froid, et à préparer le chocolat, le thé, le café, que peu de gens, dit-il, connaissent encore en France, — et enfin se donnant après Môre, qui fut envoyé d’Italie au cardinal Mazarin, après Salvator, qui fut envoyé également d’Italie au maréchal de Grammont, se donnant pour le troisième maître d’hôtel qui avait contribué à la vogue de ces boissons. […] Au sujet de La Maison Tellier, Toudouze contait qu’à l’enterrement de Maupassant, se trouvant dans la même voiture, que Hector Malot, celui-ci lui avait appris que c’était lui, qui avait donné l’épisode de la chose à Maupassant, mais qu’il avait gâté ce qu’il lui avait raconté, en terminant la nouvelle par une fête, tandis que la matrulle avait dit à ses femmes : « Et ce soir, dodo toute seule ! […] J’appris longtemps après, que c’était un vieil homme, que ses cheveux étaient blancs, ce qui fit s’évanouir mon rêve, mais je lui continuai toujours mon culte, que je voulus ne pas rendre vulgaire par une correspondance, qui aurait été méprisée par l’auteur lui-même, si j’en crois certains interviews récents. […] Daudet m’appelle près de lui à sa sortie de table, et m’apprend, que ce matin, sont venus chez lui, Geffroy, Hennique, Lecomte, Carrière, Raffaëlli, lui annonçant qu’ils voulaient me donner un banquet ; et lui ont demandé de se mettre à la tête du banquet, et il a accepté, avec l’idée de faire de ce repas, une manifestation plus large que celle de la réunion du Grenier, ainsi que Frantz Jourdain et Roger Marx en avaient eu l’idée.
Quelle gloire, quel empire appartient à ces maîtres dont tout le monde doit, bon gré mal gré, apprendre, avec le nom et l’existence, quelque chose de ce qu’ils ont écrit ! […] Elle avait appris de Boileau lui-même qu’il ne faut jamais présenter au lecteur que « des pensées vraies et des expressions justes ». […] Rien n’est plus agréable à ceux qui n’ont aucun mérité et aucun talent que d’apprendre un beau matin que tel ou tel homme illustre est aussi bête qu’eux. […] Qui donc a appris le nom même d’Alcman, en dehors des érudits de profession ? […] N’ai-je pas lu quelque part que si Saint-Évremond, moins paresseux, avait appris l’anglais, la France aurait pu connaître l’Angleterre plus d’un demi-siècle avant Voltaire et Montesquieu ?
Lafoscade nous apprend ; c’est que Lorenzaccio est, sous sa forme primitive, de George Sand. […] Quand Jobelin apprendra que c’est bien réellement lui qui a été jauni, comment prendra-t-il la chose ? […] Marèze l’apprend tout à coup. […] C’est lui qui apprend à écrire aux gens qui sont capables d’y arriver. […] Lui aussi a tout appris.
C’est en s’admirant sans relâche que Laure apprend à ne pas aimer ; c’est en attachant sur son image un regard ébloui qu’elle enseigne à son cœur l’oubli et le dédain. […] Castruccio arrive à Londres pour jouir de son triomphe ; il apprend sa mésaventure, il court chez Ernest, et lui reproche son indifférence. […] C’est ce que nous apprend le second avertissement postérieur à la représentation. […] Il lui confie son chagrin, et Glavis lui apprend qu’il a, comme lui, demandé la main de Pauline et obtenu la même réponse. […] Deschapelles et apprennent bientôt que Pauline, en promettant sa main à Beauséant, n’a pas oublié Claude Melnotte.
Tandis que Cérès apprend à Triptolème les phénomènes de la terre, Proserpine lui dévoile les secrets de la vie future. […] Il a appris et il répète, depuis son enfance, l’escrime de ces coups de sabre, qu’il s’est accoutumé à considérer comme sa fin probable. […] » C’est-à-dire : « Apprenez que les reines d’Espagne n’ont point de jambes. » Il voulait dire par là qu’elles étaient d’un rang à ne jamais toucher terre. […] Lorsque Louis XIV lui apprit qu’elle allait être reine d’Espagne, elle se jeta en sanglotant à ses pieds. […] Cet homme demanda quel était ce passant mystérieux dont le regard l’avait transpercé ; Salomon lui apprit que c’était l’Ange de la mort.
Puis il en a senti et exprimé la saveur de terroir, il en a appris les mœurs et le patois ; ce qui vaut naturalisation. […] Les corps, — la science nous l’apprend, — se revêtent à nos yeux de couleurs apparentes, purs phénomènes subjectifs. […] Les tout jeunes gens y apprendraient ce que c’est que sobriété, aisance, netteté, prose française enfin. […] Trop long peut-être ce chapitre ; mais on y apprend des choses intéressantes. […] Elle avait appris à lire dans les Entretiens sur la pluralité des mondes.
Il sçavoit un grand nombre de langues, & regarda sur la fin de sa vie comme une perte de temps celui qu’il avoit mis à les apprendre. […] Il n’apprit à quels ennemis il avoit affaire, qu’au moment qu’il embrassa l’opinion de Copernic touchant le systême du monde. […] Leibnitz n’apprit qu’avec un chagrin mortel la perte de son procès. […] Ces lumières confuses étoient pires que l’ignorance ; encore, pour apprendre à balbutier dans les élémens des langues & des sciences, faloit-il payer chèrement des maîtres. […] On apprend, dans les Mémoires chronologiques & dogmatiques du père d’Avrigni(*), que certains n’avoient pas même lu ce livre.
Il en copiait les lettres, et ainsi apprit à écrire. […] J’ai beau lire les témoignages des contemporains et même ceux des modernes, me répéter qu’en son temps il fut le prince des poëtes, que son Épître d’Héloïse à Abeilard fut accueillie par un cri d’enthousiasme, qu’on n’imaginait point alors une plus belle expression de la passion vraie, qu’aujourd’hui encore on l’apprend par cœur comme le récit de Théramène, que Johnson, ce grand juge littéraire, l’a rangée parmi « les plus heureuses productions de l’esprit humain », que lord Byron lui-même l’a préférée à l’ode célèbre de Sapho. […] Sans doute la pauvre Héloïse est une barbare, bien pis, une barbare lettrée ; elle fait des citations savantes, des raisonnements ; elle essaye d’imiter Cicéron, d’arranger des périodes ; il le faut bien, elle écrit dans une langue morte, avec un style appris ; vous en feriez peut-être autant si vous étiez obligé d’écrire en latin à votre maîtresse. […] Pope dédie son poëme à mistress Arabella Fermor avec toutes sortes de révérences ; la vérité est qu’il n’est pas poli ; une Française lui eût renvoyé son livre en lui conseillant d’apprendre à vivre ; pour un éloge de sa beauté, elle y eût trouvé dix sarcasmes contre sa frivolité.
Les règles mêmes de la composition entraient dans sa frêle intelligence ; avant de comprendre les lettres il lisait les notes et comprenait la grammaire des sons ; à l’âge de quatre ans et quelques mois il jouait du petit violon de poche à la proportion de sa taille, et il étudiait par imitation le doigté de l’orgue sur les genoux de l’organiste ; semblable aux anges du tableau de Raphaël, accoudés aux pieds de sainte Cécile, esprits enfantins qui savent tout sans avoir rien appris. […] Le jeune comte Palffy, en passant à Linz, apprit de la comtesse Schlick que nous donnions un concert dans la soirée ; elle fit tant qu’il laissa sa voiture devant la porte et accompagna la comtesse au concert. […] Peut-être l’as-tu déjà appris quelque peu par ta propre expérience. […] Vous donc, mon excellent ami, n’ayez d’autre souci que de me conserver mon père ; encouragez-le ; qu’il ne se laisse point abattre et désoler lorsqu’il apprendra cette fatale nouvelle.
Quand plusieurs impressions frappantes se sont succédé dans l’expérience, il y a un ordre de reproduction successive qu’elles prennent nécessairement et que nous reconnaissons ; mais, quand même nous aurions l’idée a priori du temps, comme d’une grande ligne sans limites, cette idée ne nous apprendrait pas si c’est en fait la flamme qui a précédé la brûlure, la brûlure qui a précédé la flamme, ou si les deux ont été simultanées. […] Nous croyons, au contraire, que l’animal peut sentir et commence par sentir sans aucune intuition du successif, comme si tout était simultané ; qu’il peut agir et agit comme en présence de choses toutes actuelles, alors même que ces choses sont de simples images ; qu’il apprend plus tard à reporter ces images dans un milieu différent de l’actuel, dont il fait d’abord la connaissance par l’appétit et le besoin, sous forme de potentiel s’actualisant ; qu’il découvre enfin et conçoit la succession après avoir fait l’expérience répétée d’un certain nombre de sensations et appétitions successives en fait. […] Kant répond : « Il faudrait alors se borner à dire : — Voilà ce qu’enseigne l’observation générale, et non voilà ce qui doit être. » — Mais en effet, nous ne pouvons rien dire de plus que ceci : — L’observation générale de l’observation même, l’expérience générale de l’expérience nous apprend que nous avons toujours des séries de représentations qui aboutissent à des représentations de séries unilinéaires et se groupent à la fin dans une représentation de série unique, le temps ; si bien que nous ne pouvons-nous figurer autrement les faits d’expérience, n’ayant pour cela aucun moyen. […] Bien plus, si nous apercevions les choses en elles-mêmes, Kant nous apprend (comme s’il y était allé voir) que le temps s’évanouirait ; ce prétendu objet pur d’une intuition pure finit donc par être une ombre, une illusion de la caverne.