Émancipés aujourd’hui, fils de l’Occident, héritiers de tant d’œuvres, et comme portés sur les épaules de tant de générations, espérons mieux ; mais, si nous nous appelons philosophes, n’en venons jamais, par une sorte d’orgueil intellectuel, à oublier les origines si grossières et si humbles de toute société civile. […] Lisant plus tard les Mémoires de Marmont, il l’appelle « un de ces aventuriers (fort bien élevés d’ailleurs), que la Révolution française a fait percer ». — « Je m’étonne toujours, dit-il, qu’on ait pris part à de si grandes choses, touché à de si grandes affaires et vécu en telle compagnie, et qu’on n’ait que cela à dire ? […] Je ne fais qu’indiquer les groupes opposés d’esprit, ceux que M. de Tocqueville appelle réalistes en politique, et ceux dont il est lui-même, les raisonneurs ou généralisateurs ; les praticiens et les théoriciens. […] Ce n’est pas seulement le découragement de moi-même, mais des hommes, à la vue chaque jour plus claire du petit nombre de choses que nous savons, de leur incertitude, de leur répétition incessante dans des mots nouveaux depuis trois mille ans, enfin de l’insignifiance de notre espèce, de notre monde, de notre destinée, de ce que nous appelons nos grandes révolutions et de nos grandes affaires… Il faut travailler pourtant : car c’est la seule ressource qui nous reste pour oublier ce qu’il y a de triste à survivre à l’empire de ses idées, etc. […] C’est une partie de ses écrits que je connaissais peu, si toutefois on peut appeler cela des écrits ; ce sont des improvisations dans lesquelles son génie, moins contraint qu’ailleurs, m’a paru heurté et presque sauvage, mais plus vigoureux encore et peut-être plus grand que dans aucun de ses ouvrages.
Ticknor et de tout le monde, de revenir sur ce sujet inépuisable, sur le grand homme auteur du chef-d’œuvre, et qui, dans sa vie misérable et tourmentée, a su être, à force de bonne humeur et de génie facile, un des bienfaiteurs immortels de la race humaine : j’appelle ainsi ces rares esprits qui procurent à l’homme de bons et délicieux moments en toute sécurité et innocence. […] Il avait un goût vif pour les lettres ; il prit grand plaisir de bonne heure à voir les représentations de celui qu’il appelait « le grand Lope de Rueda », batteur d’or de son métier, fameux acteur et auteur de pastorales qui se jouaient avec une extrême simplicité sur des tréteaux. […] Un de ses maîtres, Lopez de Hoyos, régent de collège, publiant en 1569 un recueil de vers funéraires, inscriptions, allégories, devises, composées pour les obsèques de la reine Élisabeth, femme de Philippe II, donna plusieurs pièces de la composition de Cervantes qu’il appelait « son cher et bien-aimé disciple. » Cervantes avait alors vingt et un ans. […] » Plus de quarante ans après, lorsque Cervantes eut fait la première partie de Don Quichotte et qu’un intrus s’avisa de la continuer en voulant lui ravir sa gloire, ce continuateur pseudonyme eut la malheureuse pensée d’insulter non-seulement à la vieillesse du noble et original écrivain, mais encore à son infirmité, à sa blessure, et de dire, en parlant au singulier de sa main et avec intention, « qu’il avait plus de langue que de mains. » Sur quoi Cervantes, dans la préface de la seconde partie de Don Quichotte, répliqua : « Ce que je n’ai pu m’empêcher de ressentir, c’est qu’il m’appelle injurieusement vieux et manchot, comme s’il avait été en mon pouvoir de retenir le temps, de faire qu’il ne passât point pour moi, ou comme si ma main eût été brisée dans quelque taverne, et non dans la plus éclatante rencontre qu’aient vue les siècles passés et présents, et qu’espèrent voir les siècles à venir. […] En 1590, découragé apparemment ou bien tenté par la fortune, il eut l’idée de s’expatrier et adressa au roi une requête pour obtenir quelque place en Amérique, dans cette contrée qu’il appelle quelque part « le pis aller et le refuge des désespérés d’Espagne. » Il énumérait à l’appui de sa requête ses longs services, ses aventures, ses souffrances en Alger ; et cet ensemble de pièces et d’attestations, longtemps enseveli dans des archives, est devenu un document inappréciable pour ses biographes.
Voilà la façon de penser du plus sincère ami que vous ayez et qui s’appelle Louis de Bourbon. » Nous aurions dès ce moment, si c’était le lieu, à faire quelques remarques sur le style particulier de ce prince du sang, style médiocre, délayé, imagé pourtant, mais d’images volontiers basses et communes, comme de quelqu’un qui use avec un parfait sans gêne des plaisanteries courantes dans le populaire et jusque sur le théâtre de la Foire. […] Laujon, dans cette carrière facile, — pas si facile qu’il semblerait, — se proposait pour maître et pour modèle, il le reconnaît, l’ingénieux Benserade, ce véritable inventeur des ballets modernes et qui, à toutes les critiques dont il se voyait l’objet en son temps de la part du rigide Despréaux, avait pour réponse : « J’ai du moins imaginé un plaisir. » Collé, d’une humeur moins douce que Laujon, et qui sur la fin n’avait de gaieté que dans ses œuvres, fut aussi appelé à Berny. Il raconte, de son ton caustique, comment le prince le consulta un jour sur une pièce dont il se croyait bonnement l’auteur pour en avoir donné ou changé quelques mots, et qui était d’un gentilhomme de sa maison : « Quand cette comédie a été achevée, nous dit Collé, Son Altesse l’appela simplement noire pièce, et il finit par l’appeler ma pièce, en sorte qu’elle a été jouée autant sous le titre de la pièce du prince que sous celui de Barbarin. » Le prince en reçut des compliments de tout le monde, y compris ceux de ce sournois de Collé, avec le même aplomb que Louis XVIII se laissait louer et admirer à bout portant pour un mot de Beugnot. […] La même année qu’il prétendait à un siège à l’Académie et qu’il ambitionnait d’appeler confrères les gens de lettres, il méconnaissait ce qu’il y a de sérieux dans les Lettres mêmes et ce qui leur confère le seul caractère sans lequel elles resteraient à jamais futiles.
Je l’appelle Mlle Delaunay par habitude, car (autre rectification de M. Ravenel)254 elle ne se nommait pas ainsi : son père s’appelait Cordier ; mais, ayant été obligé de s’expatrier pour quelque cause qu’on ne dit pas, il laissa en France sa femme jeune et belle qui reprit son nom de famille ( Delaunay ), et la fille, à son tour, prit le nom de sa mère qui lui est resté. […] Fréron, rendant compte des Mémoires dans son Année littéraire 256, a très-bien remarqué qu’on peut lui appliquer à elle-même ce qu’elle a dit de la duchesse du Maine : « Son esprit n’emploie ni tours, ni figures, ni rien de tout ce qui s’appelle invention. […] En ce qui touche la personne, l’illustre critique s’est montré plus sévère ; il a cru voir jusqu’à travers les peintures railleuses de la femme d’esprit ce qu’il appelle le pli de sa condition : « C’est une soubrette de cour, mais une soubrette. » Mlle Delaunay a-t-elle mérité ce piquant revers ? […] Cet Allemand, qui s’appelait Juste Zinzerling , a publié son voyage sous ce titre : Jodoci Sinceri Itinerarium Galliae…, 1616.
Si l’érudit s’appelle quelquefois Hermagoras59, il peut s’appeler aussi Silvestre Bonnard, et c’est alors une créature délicieuse, car nulle ne joint plus d’intelligence à plus de candeur. II Il peut également s’appeler Gaston Paris. […] Ainsi comprises, les études communes, poursuivies avec le même esprit dans tous les pays civilisés, forment au-dessus des nationalités restreintes, diverses et trop souvent hostiles, une grande patrie qu’aucune guerre ne souille, qu’aucun conquérant ne menace, et où les âmes trouvent le refuge et l’unité que la cité de Dieu leur a donnés en d’autres temps. » Et voici une autre page où cet amour de la vérité s’exprime comme ferait la foi jalouse d’un croyant, en laisse voir les scrupules, les délicatesses, les pieuses intransigeances : … Il y a au cœur de tout homme qui aime véritablement l’étude une secrète répugnance à donner à ses travaux une application immédiate : l’utilité de la science lui paraît surtout résider dans l’élévation et dans le détachement qu’elle impose à l’esprit qui s’y livre ; il a toujours comme une terreur secrète, en indiquant, au public les résultats pratiques qu’on peut tirer de ses recherches, de leur enlever quelque chose de ce que j’appellerai leur pureté. […] Je serais charmé de m’appeler Montmorency : ce serait une joie pour moi d’avoir été déjà glorieux bien loin dans le passé ; mais, si nous ne sommes pas de haute lignée par le sang et le nom, nous sommes du moins, nous les lettrés, d’une grande et vieille race intellectuelle : nous remontons à Téroulde et par-delà, plus haut que les Montmorency ; et cela nous console amplement, et nous remercions M.
Il rugit : « Je veux », et il lutte contre le dragon qui s’appelle « Tu dois ». […] Il a remarqué que « ce qu’ils appellent les lois de l’histoire » ou de la morale « n’est en somme que la coordination logique de leurs désirs ». […] Je voudrais louer convenablement ce que Camille de Sainte-Croix, si bien doué pour la définition rapide, appelle le « beau jardin intellectuel » où Remy de Gourmont « cultive ses paradoxes spéciaux avec une foi de son choix, curieusement faite d’ironie fervente et de caprice raisonné ». […] Avec je ne sais quel critique, Remy de Gourmont appelle « le style des Goncourt un style désécrit ». […] Ils sentaient peut-être que ce qu’on appelait le style leur manquait et ils prétendaient pourtant, avec quelque raison, à un certain mérite d’expression dont le nom n’existait pas encore.
Un ouvrage de M. de Rémusat est fait de tout temps pour attirer l’attention et appeler l’intérêt de ceux qui lisent : aujourd’hui il devra trouver un accueil plus empressé encore et plus favorable auprès de tous ceux qui regrettent l’éloignement d’un si aimable et si ingénieux esprit, qui en veulent à la tourmente politique de l’avoir enveloppé dans son tourbillon, et qui trouveraient certainement des accents pour invoquer les dieux après l’orage, si ce maudit point d’honneur politique ne venait à la traverse, et si l’on ne craignait de déplaire à celui même qui serait l’objet d’un vœu si innocent. […] En entrant il s’entendit appeler, et il alla s’asseoir aux pieds du roi. […] On voit qu’il avait ce qu’on appelle le don de direction. […] Et de son temps même, il trouva un petit moine très sensé et très poli, appelé Gauniton, qui lui dit avec toute sorte de respects ce que tout homme de bon sens et de sens commun lui dirait aujourd’hui. […] Rester en France, y rentrer du moins dès qu’on le peut honorablement, et, pour cela, désirer simplement y revenir, y achever ou y entreprendre de ces œuvres d’esprit desquelles la politique distrait trop souvent et sans compensation suffisante ; s’adresser dans ces nobles études à la société française, qui est toujours prête à vous entendre, et jamais à cette métaphore changeante qu’on appelle le peuple français ; ne pas mêler à ces œuvres plus ou moins sérieuses ou agréables de ces traits qui ne sont là qu’à titre d’épigramme ou d’ironie, et pour constater qu’on est un vaincu ; s’élever sur les faits accomplis d’hier à un jugement historique, et par conséquent grave et respectueux ; tirer parti avec franchise, et sans arrière-pensée, d’une société pacifiée, mais tout industrielle et matérielle, pour y relever, avec un redoublement de zèle et avec une certaine appropriation au temps présent, les goûts de l’esprit, de la vérité littéraire et historique sous ses mille formes, de tout ce qui n’est incompatible avec un gouvernement ferme que s’il s’y mêle des idées hostiles.
Et ce poète, qui s’appelait André Chénier, émerveillé de la variété des sites, de la diversité des productions, de la copieuse fertilité de notre patrie, laissait s’échapper comme un long cri de gratitude ce poème familier à vos mémoires, l’Hymne à la France. […] Je me propose aussi d’établir ou de confirmer dans les esprits de ceux qui m’écoutent un sentiment trop rare de nos jours et que je ne crains pas d’appeler le patriotisme littéraire. […] J’en appelle à vos mémoires, quoi de plus sonore que la prose de Rabelais, de Montaigne, de l’ancien Balzac, de Bossuet, de Saint-Simon, de Massillon, de Mirabeau, que la poésie de Villon, des hommes de la Pléiade, d’Agrippa d’Aubigné, de Maynard, de Corneille, de Rotrou, de Molière, de Victor Hugo ? […] Les autres nations peuvent mettre en ligne à tel ou tel moment des prosateurs de premier ordre comme des tirailleurs isolés : chez nous seulement, depuis le narrateur de la conquête de Constantinople jusqu’au romancier de Mauprat, la Prose s’appelle légion et se présente comme une armée toujours accrue de renforts et continuellement en marche. […] Avec la Renaissance, avec la Pléiade les Rythmes se sont élancés du sol, comme les soldats de Cadmos, et tous agiles, dansants, ailés ; et de la France ils se sont répandus en Europe, appelés et saisis par les poètes de l’Espagne, de l’Italie et de l’Angleterre qui créèrent ou reforgèrent alors toute leur métrique d’après la nôtre.
Je l’ai appelée, ailleurs, une Théroigne de Méricourt-Philaminte. […] Née à Marseille, elle avait ce que j’appelle la poésie marseillaise. […] Et ce n’est pas trop dire, dans sa brutalité : bêtises… On est, en effet, le dernier des bas-bleus, quand on a écrit ces deux livres… Parmi les bas-bleus qui pullulent, il en est de si piètres qu’ils ne méritent pas même ce nom de bas-bleu, qui monte trop haut, il faut les appeler des « chaussettes ». […] C’est un petit roman corrompu, ratatiné et idiot, dont le théâtre est dans les Pyrénées et qui ne devrait pas s’appeler les Derniers Marquis, car il n’y en a qu’un, et pas plus le Dernier Marquis que le Dernier Bourgeois, — la Dernière Actrice — le Dernier Écolier, — le Dernier Aubergiste, car il y a un bourgeois, — une actrice, — un écolier et un aubergiste dans ce pauvre roman, et tout aussi insignifiants et aussi plats que le marquis de carton, dont l’auteur tire les fils ! […] Son livre de l’Italie des Italiens pourrait s’appeler : Elle et ne serait pas trop Elle non plus, car Elle s’y peint, comme mère et comme femme — ce qui ne fait rien du tout aux Italiens, ni à l’Italie, ni à la vérité !
Il proposait de l’appeler la faction des insociables, et pour son compte il ajoutait gaiement : « Ils ne connaissent encore que la moitié de mes projets : ils me croient membre d’une faction, tandis que je prétends en faire une à moi tout seul. » (11 mars.) […] En même temps qu’il enhardissait les uns, il modérait les autres ; il signalait, il applaudissait, non sans l’avertir, et aurait bien voulu discipliner cette jeunesse muscadine, redevenue sitôt frivole, qui faisait la battue aux Jacobins, et qu’il appelle « la troupe légère de l’opinion publique ». […] Roederer n’eut pas seulement à donner son avis dans le Journal de Paris et dans un petit écrit de celle date intitulé Du gouvernement, il fut appelé sur sa réputation de constituant devant la commission des Onze et fut entendu. […] Roederer mérita d’être complètement du secret et de devenir l’agent le plus actif peut-être de ce qu’il se plaisait à appeler une généreuse et patriotique conspiration. […] [NdA] Sans doute appelé ainsi à cause de sa couverture ; c’est le Journal d’économie publique.
On l’appelle attique et, en un sens, on a raison ; mais convenez aussi que jamais esprit proclamé attique n’a été loué d’une manière plus asiatique et plus somptueuse. Ayant fait toutes mes réserves, j’ai le droit maintenant d’ajouter que ces deux volumes doivent peut-être à ce genre de commentaire animé et plein d’effusion, à tout ce luxe inusité, d’avoir du mouvement et de la vie ; d’un peu nus et d’un peu secs qu’ils eussent été autrement (les écrivains qu’on appelle attiques le sont parfois), ils sont devenus plus nourris, plus riches, d’une lecture plus diversifiée et, somme toute, fort agréable ; seulement, dans le plat varié qu’on nous sert, cela saute aux yeux tout d’abord, la sauce a inondé le poisson. […] A le prendre cependant partout où je puis l’atteindre, je crois pouvoir indiquer sans trop de tâtonnements son genre de mérite, ses qualités et tout à la fois ses faiblesses, — son faible du moins, — ses gentillesses d’esprit, sa supériorité, là où elle existe, et aussi ce que lui-même appelait sa médiocrité. […] Un jour, dans mon respect pour sa science et pour ses condescendances d’amabilité, il m’était arrivé de l’appeler savant et vénérable. […] M. de Feletz, esprit critique dans son genre et qui ne pouvait supporter en silence ce qui lui paraissait faux ou exagéré, me dit : « Vous l’appelez savant, c’est bien ; mais pourquoi vénérable ?