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492. (1904) En lisant Nietzsche pp. 1-362

Et ce n’est pas tout à fait vrai ; car ces choses-là ne sont jamais vraies et il n’y a que les serpents qui changent de peau et il n’y a aucun animal qui change d’instinct. […] Les animaux savent et comprennent tout ce qu’il faut qu’ils comprennent et sachent pour les nécessités et même pour les agréments de leur vie. […] Elle les transforme en animaux inoffensifs pour elle et malheureusement sans utilité pour personne. […] L’Européen se travestit avec la morale parce qu’il est devenu un animal malade, infirme, estropié, qui a de bonnes raisons pour être apprivoisé, puisqu’il est presque un avorton, quelque chose d’imparfait, d’informe et de gauche. […] L’homme fut d’abord un animal pour qui la lutte contre les fauves et contre les hommes était une nécessité quotidienne.

493. (1923) Au service de la déesse

Quel animal ! […] Et je l’appelle un animal, pour la raison que ses recettes de bonheur sont à peu près dégoûtantes : « Ne songe qu’à ton corps. […] A-t-elle expliqué le passage d’une espèce végétale à une espèce animale ? […] Ramène vers la crèche légitime cet animal maltraité et que te rémunère l’ample don du laitage et de la bouse ! […] Entre les boucs et les brebis, il y a l’heureuse quantité des autres animaux.

494. (1896) Les idées en marche pp. 1-385

« Pauvre animal fourchu !  […] Ce ne sont qu’animaux fourchus de désir, bipèdes en quête de l’impossible. […] Pour la majeure partie des animaux humains, la cage est assez grande. […] Je ferai remarquer à ce propos combien les animaux surtout exotiques portent à la gaîté. […] Les bosses du sol, des animaux, des arbres et des bossus proéminent par l’effet du rire.

495. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome I

Il y en a pour l’ambition, pour le courage, pour la véracité, comme pour la digestion, pour le mouvement musculaire, pour la chaleur animale. […] Bon pour l’animal extérieur et que j’ai mis à la porte. — Mais, lui dit M.  […] Dans un animal, la nutrition, par exemple, est une de ces génératrices. […] Taine, pareil à tous ceux qui croient aux obscures origines animales de l’homme, est persuadé qu’une bête féroce mal endormie peut se réveiller dans chacun de nous. […] Il savoura, comme un barbare, cette voluptueuse impression animale du soleil, si caressante à ceux dont la jeunesse a grandi sous les nuages du Nord.

496. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre II. Les couples de caractères généraux et les propositions générales » pp. 297-385

. — Passage du jugement animal au jugement humain. — Les jugements généraux se multiplient. — Ils sont le résumé et la mesure de l’expérience antérieure. — Comment l’expérience ultérieure les rectifie. — Adaptation graduelle de nos couples de caractères mentaux aux couples de caractères réels. — Nous croyons aujourd’hui que tout caractère général est le second terme d’un couple. — Admission provisoire de cette hypothèse. — Elle est le principe de l’induction scientifique. […] Ainsi, quand dans un nombre la somme des chiffres est divisible par 9, le nombre lui-même est divisible par 3, mais la réciproque n’est pas vraie ; quand un animal a des mamelles, il a des vertèbres, mais la réciproque n’est pas vraie. […] Le mécanisme de cette jonction est très simple, et ici la pensée animale conduit naturellement à la pensée humaine. — Quand un chien voit dans une rigole ou dans un creux un liquide coulant, inodore, incolore et clair, cette perception, en vertu de l’expérience antérieure, suscite en lui par association l’image d’une sensation de froid, et la perception, jointe à l’image, fait chez lui un couple. […] Ainsi, que l’on prenne tous les animaux à mamelles, et notamment les plus différents, la baleine, la chauve-souris, le singe, le cheval, le rat, l’ornithorynque ; qu’on retranche leurs différences. […] Je fais sortir alors dix-sept moutons du premier enclos et dix-sept autres moutons du second ; puis je compte les deux troupeaux ainsi diminués, et je trouve que, dans chaque parc, il y en a dix-huit. — Toutes les fois que, sur un troupeau d’animaux quelconques, ou, plus généralement, sur une collection d’objets ou de faits distincts quelconques, j’ai pratiqué dans des conditions semblables des opérations semblables, j’ai vérifié que l’issue était semblable.

497. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxviiie entretien. Littérature germanique. Les Nibelungen »

« — Si vous ne vous contentez pas d’un seul piqueur, répondit aussitôt le roi, je vous en prêterai quatre, qui connaissent parfaitement la forêt et les sentiers que suivent les animaux. […] Quand l’animal fut abattu, on reprit le chien. […] « Un grand nombre d’animaux perdirent la vie. […] Le vigoureux animal croyait bien être là à l’abri des chasseurs. […] Dès qu’ils virent l’animal, les chiens se mirent à aboyer à grand bruit.

498. (1894) Critique de combat

Il a des caresses dans la voix, quand il parle de la maison paternelle ou des bons animaux, serviteurs de l’homme. […] N’a-t-on pas raconté qu’entendant un confrère parler d’un jumart, métis prétendu de la vache et de l’âne, il s’était fait céder en toute propriété le droit de mettre dans son œuvre ce problématique animal ? […] Qui marquera le point précis, où l’inconscient se transforme en conscient, où la plante devient animal ? […] Jusque chez les animaux, nos frères inférieurs ! […] Oui encore, dans le monde animal et végétal, les forts, sauf exception, dévorent les faibles ; est-ce un motif suffisant pour que l’humanité prenne modèle sur cette entremangerie ?

499. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre I. Les Saxons. » pp. 3-71

L’animal est encore trop puissant, trop fougueux, trop indompté. […] Le frémissement des nerfs, la répugnance de l’instinct animal qui, devant les plaies et la mort, se rejette en arrière, tout disparaît sous la volonté irrésistible. […] Là il passait sa vie à écouter les morceaux de l’Écriture, qu’on lui expliquait en saxon, « les ruminant comme un animal pur, et les mettant en vers très-doux. » Ainsi naît la vraie poésie ; ceux-ci prient avec toute l’émotion d’une âme neuve ; ils adorent, ils sont à genoux ; moins ils savent, plus ils sentent. […] Chaque fois qu’il y pense, il la voit intérieurement, comme une rapide apparition lumineuse, et chaque fois sous une face nouvelle, tantôt ondulant sur les vagues limoneuses entre deux bandes « d’écume », tantôt allongeant sur l’eau son ombre énorme, noire, haute comme celle « d’un château, « tantôt enfermant dans ses « flancs caverneux » le fourmillement infini des animaux entassés.

500. (1898) Émile Zola devant les jeunes (articles de La Plume) pp. 106-203

Les grands animaux des campagnes s’accouplent candidement sur la terre nuptiale. […] C’est, tout à coup, la mouvante cellule animale naissant de la pourriture végétale, du sang déliquescent et corrompu, sans doute, de quelque rose préhistorique, C’est la longue genèse, à travers la faune terrestre, après de successives métamorphoses, c’est la longue genèse de l’Ève humaine, de la perfectible et triomphale créature que les religions devaient diviniser plus tard, sous les traits adorables de Vénus et de Marie. […] On lui a fait un grief d’avoir donné, dans ses romans, une telle importance aux fonctions animales, et cela n’a pas laissé d’offusquer certaines âmes pudibondes, légèrement teintées de spiritualisme […] — et l’énorme succès de librairie est dû, avant tout, aux pages où le maître décrit, avec la belle simplicité qui sied, des actes de vie et d’amour des hommes et des animaux.

501. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1867 » pp. 99-182

La beauté de la femme est la beauté d’un bel animal. […] 5 septembre Monologue d’un bourgeois devant l’océan : « La mer est silencieuse et trop loin… Il y a vingt-cinq ans, la mer se retirait moins loin… l’espace est monotone, si on n’a pas le flot… et le flot, on ne l’a que deux heures avant et deux heures après : en tout quatre heures, c’est déjà quelque chose… Mais c’est monotone… du reste ça m’est parfaitement égal… » 8 septembre En voyant une méduse à moitié desséchée sur la plage, je me demandais si la mort dans les animalités végétantes de la vie inférieure ne serait rien qu’une insensible cessation de vivre, et si la douleur de la mort, montant l’échelle animale, et s’aggravant à chaque échelon de l’organisme et de l’intelligence, ne réserverait pas à l’homme seul, toute la cruauté et toute la souffrance de la conscience de mourir. […] Et il cite l’exemple de Saint-Évremond s’entourant, à mesure qu’il vieillissait, de bêtes, d’animaux… et d’hommes, ajoute-t-il en souriant, pour faire plus de vie autour de lui. « Ah ! […] Et, sous un ciel sourd, lamé de bleu froid et de jaune pâle, la route tout au loin, blanche, blanche, blanche, avec ses fréquentations, les pas de la nuit, la trace de l’animal, l’impression de son pied et la bifurcation de la corne sur la blancheur du chemin.

502. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1895 » pp. 297-383

Or un jour, l’éléphant veut s’assurer de la gratitude de la nature et des animaux à son égard, et il trouve que l’eau se fait fraîche, et le sable chaud à ses pieds, que les branches s’écartent docilement de son passage, que les animaux l’entourent respectueusement, quand il se sent mordu au pied par un crocodile. […] Il a rendu la provocation animale de son visage, sous ce front mangé par d’écrasants bandeaux, la lascivité de la taille sans corset, le roulis des hanches dans la marche, le retroussage ballonnant de la jupe, la tombée des mains dans les poches du petit tablier, l’attache dénouée du chapeau au chignon, l’excitation de son dos et de ses bras nus dans l’avachissement de l’étoffe qui l’habille — et cela dans les eaux verdâtres d’une aquarelle de Morgue. […] C’est vraiment très intéressant cet agrandissement, qui, de ces images d’un pouce de hauteur, fait des décors, qui vous donnent l’illusion de la grandeur des hommes, des animaux, des arbres, des constructions.

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