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1338. (1927) Quelques progrès dans l’étude du cœur humain (Freud et Proust)

En proie à l’enthousiasme que vient de lui donner un paysage contemplé : Et c’est à ce moment-là encore, — grâce à un paysan qui passait, l’air déjà d’être d’assez mauvaise humeur, qui le fut davantage quand il faillit recevoir mon parapluie dans la figure, et qui répondit sans chaleur à mon « beau temps, n’est-ce pas, il fait bon marcher », — que j’appris que les mêmes émotions ne se produisent pas simultanément, dam un ordre préétabli, chez tous les hommes. […] Au lieu des expressions abstraites « temps où j’étais heureux », « temps où j’étais aimé », qu’il avait souvent prononcées jusque-là et sans trop souffrir, car son intelligence n’y avait enfermé du passé que de prétendus extraits qui n’en conservaient rien, il retrouva tout ce qui de ce bonheur perdu avait fixé à jamais la spécifique et volatile essence ; il revit tout, les pétales neigeux et frisés du chrysanthème qu’elle lui avait jeté dans sa voiture, qu’il avait gardé contre ses lèvres — l’adresse en relief de la « Maison Dorée » sur la lettre où il avait lu : « Ma main tremble si fort en vous écrivant » — le rapprochement de ses sourcils quand elle lui avait dit d’un air suppliant : « Ce n’est pas dans trop longtemps que vous me ferez signe ?  […] Cette phrase par exemple : Voici que comme un caoutchouc tendu qu’on lâche ou comme l’air dans une machine pneumatique qu’on entrouvre, l’idée de la revoir, des lointains où elle était maintenue, revenait d’un bond dans le champ du présent et des possibilités immédiates 29. […] C’était pourtant une chose assez peu importante pour que l’air douloureux qu’elle continuait d’avoir fini par l’étonner. […] C’est au moment où Odette conquise s’abandonne dans les bras de Swann : Il élevait son autre main le long de la joue d’Odette ; elle le regarda de l’air languissant et grave qu’ont les femmes du maître florentin avec lesquelles il lui avait trouvé de la ressemblance ; amenés au bord des paupières, ses yeux brillants, larges et minces comme les leurs, semblaient prêts à se détacher ainsi que deux larmes.

1339. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (2e partie). Littérature de l’Allemagne. » pp. 289-364

Puis, prenant un air comique d’importance : “Je n’ai pas écrit à Nebraska. […] Leur nature calcinée les ferait plutôt croire volcaniques : matière élevée dans les airs par la force démesurée de projection, et retombant du haut de l’atmosphère terrestre sur notre hémisphère. […] Nous y voyons “l’air pur, quand viennent à souffler les vents dévorants du Sud, étendu comme un miroir poli sur les déserts altérés.”

1340. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIe entretien. Le Lépreux de la cité d’Aoste, par M. Xavier de Maistre » pp. 5-79

Jenin un air de fête et de sérénité. […] Elle était un peu maigre, comme sont la plupart des filles à son âge ; mais ses yeux brillants, sa taille fine, son air attirant, n’avaient pas besoin d’embonpoint pour plaire. […] Je passe des journées entières de la belle saison, immobile sur ce rempart, à jouir de l’air et de la beauté de la nature : toutes mes idées alors sont vagues, indécises ; la tristesse repose dans mon cœur sans l’accabler ; mes regards errent sur cette campagne et sur les rochers qui nous environnent ; ces différents aspects sont tellement empreints dans ma mémoire, qu’ils font, pour ainsi dire, partie de moi-même, et chaque site est un ami que je vois avec plaisir tous les jours.

1341. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre III. Molière »

Il suit de là que l’intrigue n’aura qu’une place secondaire : Molière n’y cherche — en général — ni la source du rire, ni l’air de réalité. […] Voici la noblesse provinciale : les Sottenville, fiers du nom et de la race, gourmés, solennels, insolents pour tout ce qui n’est pas né ; leur fille Angélique, une coquette de province qui n’est qu’une coquine ; M. de Pourceaugnac, vaniteux, lourd et sot ; la comtesse d’Escarbagnas, folle du bel air, et qui singe grotesquement les manières de la cour et de Paris. […] Plus tard, dans les vingt années qui suivent la mort de Molière, c’est Baron395 qui, dans son Homme à bonnes fortunes, donne le plus considérable document sur les mœurs françaises, sur cette égoïste sécheresse qu’il sera du bel air désormais de porter dans l’amour : il dessine un don Juan au petit pied, sans ampleur et sans scélératesse, précurseur des méchants et des jolis hommes du xviiie  siècle.

1342. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 14 mars 1885. »

Le greffier s’obstine et crie à tue-tête ; les deux airs se donnent la chasse et la cacophonie est d’une fantaisie sans borne. […] À l’air de sa sérénade grotesque, il associe, l’effronté, la poésie de Walter. […] Concert Wagner : Chœur de Hans Sachs ; prière d’Elisabeth ; romance de l’Etoile ; Air de concours ; duo de Lohengrin (3e acte) ; Chœur des Matelots ; rêverie d’Elza ; scène et ballade du Hollandais ; prière de Lohengrin.

1343. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 novembre 1885. »

» Malgré lui, Amfortas, pâle comme un mort, va prendre au fond de l’arche un vase de cristal et l’élève dans les airs. […] Parsifal est toujours là, cloué en terre, d’un air stupide. […] Parsifal la saisit et trace dans l’air le signe de la croix.

1344. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Introduction »

Heine (de l’Allemagne), a dit du plus sec des métaphysiciens : « La lecture de Spinoza nous saisit comme l’aspect de la grande nature dans son calme vivant : c’est une forêt de pensées hautes comme le ciel, dont les cimes fleuries s’agitent en mouvements onduleux, tandis que leurs troncs inébranlables plongent leurs racines dans la terre éternelle : On sent dans ses écrits flotter un souffle qui vous émeut d’une manière indéfinissable : on croit respirer l’air de l’avenir. » Les métaphysiciens sont donc des poëtes qui ont pour but de reconstituer la synthèse du monde Ces grandes épopées cosmogoniques disparaîtront-elles ? […] Nous causons : un homme qui assiste à notre entretien n’y prend part que d’un air distrait, il place quelques mots avec effort, il sourit d’un air forcé : j’en conclus qu’il est en proie à quelque peine cachée.

1345. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre quatrième. Les émotions proprement dites. L’appétit comme origine des émotions et de leurs signes expressifs. »

Les premières, qui ne pouvaient se nourrir que par l’air, devinrent languissantes et bientôt moururent : elles avaient une extrême sensibilité au moindre attouchement ; un souffle, le plus léger mouvement du pot où elles avaient grandi, faisait s’abaisser leur feuillage. […] L’obscurité, une lumière trop vive, un jour tranquille, donnent tour à tour à la figure une physionomie différente : l’obscurité nous fait écarquiller les yeux pour recevoir les rayons trop rares ; l’éclat du soleil nous fait froncer les sourcils pour protéger notre vue ; un jour tranquille imprime au visage un air de sérénité. […] Les moindres vagues que le son produit dans l’air, même à une assez grande distance, peuvent ainsi trouver en elle une expression visible et comme vivante.

1346. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre III. Poëtes françois. » pp. 142-215

Ses plaisanteries ne sont jamais hazardées, & son badinage fait d’autant plus de plaisir, qu’il a toujours l’air naturel, même en offrant les traits les plus ingénieux. […] Un ton de sentiment très-bien soutenu, de la douceur & du naturel, de la naïveté même, & cet air de facilité qui convient au genre, forment le caractère de ses fables. […] Des phrases plus courtes, des périodes mieux coupées feroient mieux sentir l’air de facilité qu’ont presque toutes ses poésies.

1347. (1923) Au service de la déesse

Je rougirais de n’être pas de son avis ; l’ordre d’agir a très bon air. […] Denys d’Halicarnasse et Diodore de Sicile ne recourent plus à Némésis que pour donner « une couleur antique et un air de noblesse » à leurs récits. […] On nous a trop accoutumés à nous figurer les Grecs familiers avec les dieux de leur Olympe et rassurés par l’air humain, si nettement défini, de leurs dieux. […] Le drosera pousse dans les prairies marécageuses, a de bonnes racines et des feuilles qui absorbent, comme les feuilles de toutes les plantes, le gaz carbonique de l’air. […] Les audaces démodées ont un pauvre petit air et ne suffisent pas à orner les romans très ennuyeux.

1348. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome III pp. -

On ne goûta plus que la musique Italienne : il n’eût pas été du bon air d’en médire. […] En effet, on rapporte que, pour donner de l’éclat & l’air naturel à une statue, on y faisoit anciennement appliquer, par une main habile, le vernis & la couleur. […] Il avoit cet air de héros, ce courage, cette confiance, cet esprit fertile en ressources, ce bonheur soutenu, ce concours rare de qualités qui font imaginer & réussir les grandes entreprises. […] Son air patelin & ses paroles emmiellées en imposèrent à beaucoup de monde. […] Il tire alors tout doucement, de sa poche, un chapelet qu’il portoit par précaution, & le tourne d’un air dévot.

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