Je sens que des oiseaux sont ivres D’être parmi l’écume inconnue et les cieux… Un automne jonché de taches de rousseur… Et tu fis la blancheur sanglotante des lys… Je t’apporte l’enfant d’une nuit d’Idumée… Tout son col secouera cette blanche agonie… il faudrait bien les attribuer à un poète qui fut artiste au degré absolu. […] Si la sincérité est un mérite, ce n’est pas sans doute un mérite littéraire absolu ; l’art s’accommode fort bien du mensonge et nul n’est tenu de confesser ni ses « communions », ni ses répulsions ; mais j’entends ici par sincérité cette sorte de désintéressement artistique qui fait que l’écrivain, n’ayant peur ni de terrifier le cerveau moyen ni de contrister tels amis ou tels maîtres, déshabille sa pensée selon la calme impudeur de l’innocence extrême du vice parfait, — ou de la passion. […] L’incapacité n’est pas personnelle ; elle est générique et absolue. […] L’architecture de Là-Bas est érigée sur un plan analogue, mais la liberté s’y trouve, non sans profit, restreinte par l’unité du sujet, qui est absolue sous ses faces multiples : ni le Christ de Grunewald, en son extrême violence mystique, son atterrante et consolante hideur, n’est une fugue hors des lignes, ni la démoniaque forêt de Tiffauges, ni la cruelle Messe noire, ni aucun des « morceaux » ne sont déplacés ou inharmoniques ; pourtant, avant la liberté du roman on les eût critiqués, pas en eux-mêmes, mais tels que non rigoureusement nécessaires à la marche du livre. […] L’immoralité absolue, pour les mystiques, c’est la joie de vivre.
Dans cette disposition où il se trouvait quelquefois de prier le ciel pour que les maux de fortune allassent encore plus loin, il était néanmoins obligé de convenir que la Convention, par certains de ses décrets (notamment par son décret final sur la contribution de guerre), lui laissait bien peu à désirer, et qu’elle agissait exactement comme si elle eût voulu combler ses intentions et ses souhaits d’un dépouillement absolu de chacun54. […] J’ai traversé en outre trois fois presque tout le royaume pendant ces temps de trouble, et la paix s’est trouvée partout où j’étais (excepté l’aventure du Champ-de-Mars de l’été de 1791, pendant laquelle j’étais à Paris) ; tout cela me fait croire que, sans oser me regarder comme un préservatif pour mon pays, il sera cependant garanti de grands maux et de désastres absolus tant que je l’habiterai ; non pas, comme je viens de le dire, que je me croie un préservatif, mais c’est parce que je crois que l’on me préserve moi-même, attendu que l’on sait combien la paix m’est chère, et combien je désire l’avancement du règne de mon Dieu… Vous croyez peut-être que la suite des événements va le détromper : pas le moins du monde.
On craint toujours, quand on généralise, d’être trop absolu : la vérité est complexe, et rarement peut-on, en tout ce qui est vivant ou historique, la résumer et la formuler d’un mot, sans qu’il faille y apporter aussitôt des correctifs et des explications qui l’adoucissent et la modifient. […] Les Grecs, en tant qu’ils servent d’ouvriers aux Romains pendant la domination absolue de ces derniers, à l’extrême déclin de la République et depuis Auguste jusqu’à Constantin, subissent la volonté du maître, exécutent ses programmes et se bornent à les orner et à les varier dans le détail, à moins qu’on ne leur permette de rester plus fidèles à l’art grec dans quelques petits temples et monuments : ils sont subordonnés dans tout le reste.
Mais de telles combinaisons sans la volonté qui les surveille de près, et sans le bras qui les exécute, ne sont que des lueurs et restent à l’état d’idées pures ; Louvois, tout absolu qu’il était, dut bientôt céder aux objections. […] Il n’y a pas de système absolu ; la défensive n’est bonne qu’autant qu’elle peut se convertir, à un moment donné, en offensive rapide, et l’un des plus grands talents d’un général est de savoir saisir à point l’initiative, même dans une lutte de pure défense.
La révision des décrets nous en donnera les moyens, si le côté droit veut y prendre part sans humeur, sans enflammer le côté gauche par une opposition absolue, si enfin vous voulez reconnaître franchement les points principaux de la Constitution. […] « Napoléon. » On ne s’explique une mesure de cette rigueur que par quelque rapport de police sur Malouet, par quelque extrait d’une lettre privée de lui qui aura été interceptée, mais, frappant un si sage et si honnête homme, cet acte du pouvoir absolu, empreint d’humeur et inexpliqué, est de nature à faire plus de tort devant l’histoire à celui qui en est l’auteur qu’à celui qui en a été victime.
Aussi le philosophe, on le conçoit, n’attache pas une très-grande importance, une importance absolue, à la forme extérieure de l’histoire qu’il voit éclore en son temps et prendre sous ses yeux : ce n’est pour lui qu’une écorce et qu’une croûte qui pouvait lever de bien des façons. […] » Voilà des assertions bien absolues ; ce serait la première fois qu’une idée aurait triomphé, durant une longue période, du caractère personnel des gens.
Il est presque arrivé déjà à la moitié de son terme, et il semble vouloir justifier cette parole que Mme de Staël proférait sur lui dès l’origine : « Le xviiie siècle énonçait les principes d’une manière trop absolue ; peut-être le xixe commentera-t-il les faits avec trop de soumission. […] Est-ce exagération d’un système absolu dont un homme d’esprit a peine lui-même à se défendre ?
. — « J’arrive, lui dit-il ; la grâce absolue a été bien loin rejetée. […] Mme de Pontivy, sans être exigeante, mais parce qu’elle était passionnée, trouvait nécessaire et simple que M. de Murçay se retranchât quelquefois certaines paroles, certains jugements, certaines relations même, qui pouvaient aliéner de lui l’esprit de sa tante, plus absolue en vieillissant, et rendre leur commerce moins facile.
Rien surtout ne saurait donner du poème une idée plus favorable que le morceau qui se trouve, du reste très illogiquement, l’ouvrir : le Jugement de Renart est vraiment un chef-d’œuvre, à quelques grossièretés près, et telle de ses parties, comme l’arrivée de dame Pinte demandant justice de Renart pour la mort de Copée, donne la sensation de quelque chose d’achevé, d’absolu, d’une œuvre où la puissance, l’idée de l’écrivain se sont réalisées en perfection. […] De telles absurdités, évidemment, détruisent le sujet, et supposent une absolue méconnaissance des conditions esthétiques selon lesquelles, par sa constitution même, il peut être traité.
Muret, Ramus, Lambin, tous les érudits qui ont fréquenté les cours de l’Université dans le premier tiers du siècle, sont unanimes dans leurs doléances, attestent l’absolue vérité des satires de Rabelais. […] Deux épîtres au Roi, une épitre au Dauphin, une autre à Lyon Jamet, la ballade de frère Lubin, le rondeau à un créancier, nombre d’épigrammes, sont de bien petits, mais d’absolus chefs-d’œuvre.
Triste encore, mais d’une tristesse plus tendre, est le premier des trois Contes que Flaubert donna en 1877 : cette histoire d’un cœur simple — il s’agit d’une pauvre servante de province — est d’une sobriété puissante et d’un art raffiné ; dans l’insignifiance des faits, dans l’absolue pauvreté intellectuelle du sujet, dans la bizarrerie ou la niaiserie de ses manifestations sentimentales, transparaît constamment l’essentielle bonté d’un cœur qui ne sait qu’aimer et se donner ; quelque chose de grand et de touchant se révèle à nous par des effets toujours mesquins ou ridicules ; et ces deux sentiments qui s’accompagnent en nous, donnent une saveur très particulière à l’ouvrage. […] Le subjectivisme, à ce degré, ne se sauve que par l’absolue spontanéité.