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1703. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1872 » pp. 3-70

Les choses, dans la nuit éternelle, où Anastasi est plongé, se rappellent à lui, le jour, seulement par un contour et un modelage, mais il ne les voit plus colorées.

1704. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1874 » pp. 106-168

Elle s’est passée au milieu d’une maison sans argent, sous un père changeant tous les jours d’industrie et de commerce, dans le brouillard éternel de cette ville de Lyon, déjà abominée par cette jeune nature amoureuse de soleil.

1705. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Le Comte Léon Tolstoï »

Les maisons, les champs, les rues, les jours, les nuits, le train même de la vie, de l’histoire, de la société sont là ; on y trouve des hommes dignes d’amitié ou de haine, des femmes à aimer, des êtres à qui sourire et d’autres qui déplaisent ; les personnages ont le visage familier et humain, il y a des familles cordiales, de cérémonieux salons, des gens du peuple et des soldats ; les discussions s’engagent sur les éternels problèmes et l’on peut ensuite échanger les plus vains propos ; les êtres y aspirent, s’émeuvent et pensent avec l’infinie variété de nos semblables.

1706. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Conclusions »

De là ce qu’ont de séduisant pour l’imagination les pays exotiques, les temps antiques et disparus que l’on voit si mal et si beaux ; dans l’ordre moral, les passions mystérieuses et fatales, les conception bizarres, tout ce qui dans l’âme est extrême, contradictoire, illimité ; de là, la beauté éternelle des lieux communs idéaux de la poésie, le couchant, le printemps, l’amour, dont la description peut être écourtée à plaisir, et dont le contenu émotionnel demeure dans l’ordre physique ; l’attrait des paysages nocturnes, brumeux, des physionomies à demi voilées, du clair-obscur, la grandeur des arts du nord ; de là, malgré tant de tentatives, l’impossibilité d’une vraie poésie scientifique, didactique, réaliste qui constituerait, si elle existait, la contradiction d’une description précise et d’une idéalisation indéfinie ; de là le fait que la musique est le plus poétique des arts parce qu’il en est le plus vague ; de là encore là demi-synonymie des termes « poétique » et « idéal » ; de là enfin l’impossibilité constante de traduire la poésie d’une langue dans une autre, soit parce qu’il faut commencer par la comprendre exactement avant de l’interpréter, soit parce qu’il est malaisé de trouver des mots qui soient vagues tout à fait de même que dans l’original, sans le déflorer ou le laisser inintelligible.

1707. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — III. Le Poëme épique, ou l’Épopée. » pp. 275-353

Ce sont ces mêmes anciens & pitoyables romans, que Cervantes, dans celui de Dom Quichotte, a couvert d’un ridicule éternel.

1708. (1856) Cours familier de littérature. II « XIIe entretien » pp. 429-507

Je comprends, comme Job, que l’âme, irritée et indignée au commencement de son supplice, sans savoir pourquoi elle l’a mérité, appelle son Créateur en jugement devant l’éternelle équité révoltée en elle, et qu’elle lui dise : « Maudit soit la nuit où un homme a été conçu. » Le blasphème contre l’existence est un péché, mais c’est le plus noble des péchés, car c’est le plus courageux et le plus fier ; c’est le cri du supplicié interpellant et défiant son bourreau dans le supplice ; c’est le péché des braves, et non des lâches : il a sa grandeur au moins dans sa folie.

1709. (1926) L’esprit contre la raison

Au reste, en admettant que l’Occident, limité par les raisons de sa raison, fût assez myope pour confondre ses vues dans le temps et l’espace avec le parfait, l’universel, l’éternel, d’ordre si vulgaire qu’ils aient pu être, les malheurs qui l’ont éveillé de sa béatitude, s’ils marquent une crise politique, économique, bien moins que la période satisfaite de relativo-réalisme, méritent-ils d’être pris pour les signes d’une crise de l’esprit.

1710. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. de Fontanes »

Ose y voler encor : Peut-être ici, fermant ce vaste compas d’or Qui mesurait des cieux les campagnes profondes, L’éternel Géomètre a terminé les mondes. […] Une fois seulement il s’est rencontré directement avec lui, mais peut-être par identité d’objet plutôt que par imitation : Soleil, ce fut un jour de l’année éternelle.

1711. (1902) Le problème du style. Questions d’art, de littérature et de grammaire

Les professeurs de sociologie, avec une hypocrite décence, insinuent doucement que le cerveau n’est peut-être qu’une concrétion de la pensée, qui se débarrasse ainsi de ses impuretés pour continuel plus fluide son voyage éternel dans je devenir. […] De telles orfèvreries remplaceront heureusement l’éternel calice xiiie  siècle, pur et froid, ou xiie , riche de ses cabochons. […] On la pardonnerait plus volontiers à Racine que l’éternelle rime aime-même dont il abuse, par pauvreté verbale, tout le long de ses tragédies.

1712. (1887) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Troisième série pp. 1-326

Et s’il n’est pas permis de recommencer Tartufe, quelle interdiction y a-t-il, si l’éternelle hypocrisie revêt une autre forme, de la porter une fois de plus à la scène ? […] Et voici l’éternel procès : on demande si la philosophie d’un art ou d’une littérature est constituée par des formules incapables d’atteindre, ou trop étroites pour envelopper, les chefs-d’œuvre incontestés de cette littérature et de cet art. […] Mais ces dogmes et ces mystères, une religion les enseigne, et il n’y en a qu’une : c’est donc la vraie religion, celle qu’en ne croyant pas vous mettez non seulement au hasard votre salut éternel, mais encore tout ce qui fait le vrai prix de la vie de ce monde ; et, de plus, vous vous devenez à vous-même, ainsi que la nature et l’histoire, un monstre et un chaos. […] Car enfin, ouvrir sa bourse et n’y rien voir dedans, ce qui d’ailleurs est arrivé plus d’une fois à de plus honnêtes que Gil Blas ; être trompé par une coquette, et pillé par-dessus le marché, ce qui est du train ordinaire et, pour ainsi dire, de l’ordre éternel des choses ; convoiter une place, même modeste, et, s’il y faut un calculateur, se voir préférer un danseur, ce qui paraît être la loi de la distribution des faveurs de ce monde, Le Sage estime, avec son héros, qu’il n’y a jamais là de quoi faire les grands bras, invoquer les hommes et les dieux à témoin de ses infortunes, et se répandre publiquement en injures, lamentations et sanglots romantiques. […] Je regardais passer le monde, je ne voyais pas un visage qui ne fût accommodé d’un nez, de deux yeux et d’une bouche, et je n’en remarquais pas un sur qui la nature n’eût ajusté tout cela dans un goût différent. » C’est précisément ainsi que, dans le monde moral, quelques traits généraux, différemment ajustés, diversifient à l’infini l’éternelle nature humaine, et que, comme il n’y a pas deux visages que nous puissions confondre au point de les prendre l’un pour l’autre, il n’y a pas deux physionomies morales qui n’aient chacune, pour qui sait y lire, sa réelle individualité.

1713. (1889) La bataille littéraire. Première série (1875-1878) pp. -312

On l’eût néanmoins surpris et désobligé en accolant cet adjectif à son nom : Pierre-Paul-Jacques Beuvron ne croyait ni aux anges, ni aux démons, ni à Dieu, ni à l’âme humaine, ni à la vie humaine, ni à la vie éternelle. […] Les murailles badigeonnées, la grande Vierge, le christ lui-même prenaient un frisson de sève, comme si la mort était vaincue par l’éternelle jeunesse de la terre. […] À côté d’œuvres délicates comme celles de Tourguéneff, il nous faut voir figurer des grossièretés réalistes, ou des œuvres d’une monotonie navrante, ou l’éternel petit bruit endormant du samoward ou les jurons d’un mougik ivre ! […] Mais les oncles ne sont pas éternels, et un beau jour André de Peyrade apprit par son notaire la mort de Barbassou-Pacha.

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