Ce tombeur des Girondins, toujours souriant et parlant peu, hochant la tête et mâchonnant son éternel cigare, vous donnait tout d’abord un assez médiocre impression. […] Elle résistera, parce qu’elle relève des éternels principes classiques de perfection et de travail qui ont engendré les chefs-d’œuvre de toutes les littératures. […] On le voyait alors chaque soir se promener sur la place d’Armes, avant le dîner, généralement seul, fumant son éternel cigare. […] Il s’asseyait au bureau du secrétariat avec les camarades, et riait et causait, tout en fumant son éternel cigare. […] La fatalité a ses caprices : cet éternel parleur était affecté d’un bégaiement terrible, dont il riait lui-même, frappant du pied, enlevant de force les syllabes, les yeux fermés, la tête haute.
Christel, assis au bout, son chapeau sur la nuque, regardait ébahi ; la mère Orchel, avec sa grosse face rouge, se tenait debout sur la porte de la cuisine, la bouche béante : et la petite Sûzel, assise dans le vieux fauteuil de cuir, entre le grand fourneau de fonte et la vieille horloge, qui battait sa cadence éternelle, Sûzel, en manches de chemise et petit corset de toile bleue, était là, sa douce figure cachée dans son tablier sur les genoux. […] Je suis venu chez vous, Christel, comme le serviteur d’Abraham, Éléazar, chez Laban : cette affaire est procédée de l’Éternel. — Bénissons la volonté de l’Éternel !
Supposez Raphaël éternel, immobile devant la toile, peignant nécessairement et sans cesse. […] Je ne vous dirai point quelle fut la durée de mon enchantement ; l’immobilité des êtres, la solitude d’un lieu, son silence profond suspendent le temps, il n’y en a plus, rien ne le mesure, l’homme devient comme éternel. […] Figure humaine de tous les âges, de tous les états, de toutes les nations ; arbres, animaux, paysages, marines, perspectives ; toute sorte de poésie, rochers imposans, montagnes éternelles, eaux dormantes, agitées, précipitées, torrens, mers tranquilles, mers en fureur, sites variés à l’infini, fabriques grecques, romaines, gothiques ; architecture civile, militaire, ancienne, moderne, ruines, palais, chaumières, constructions, gréemens, manœuvres, vaisseaux ; cieux, lointains, calme, temps orageux, temps serein, ciel de diverses saisons, lumières de diverses heures du jour, tempêtes, naufrages, situations déplorables, victimes et scènes pathétiques de toute espèce ; jour, nuit, lumières naturelles, artificielles, effets séparés ou confondus de ces lumières.
*** La vie de Louise Labé, la Belle Cordière lyonnaise, n’est pas moins mêlée de légende que celle de la grande Sapho, éternel modèle de toutes les femmes poètes. […] Mais il luy feist veoir que l’envie Etoit le tyran de sa vie, Qui le suit d’un pas éternel, Qui tousjours, tousjours l’accompaigne, Comme une furie compaigne Le dos d’un pâle criminel. […] C’est en ce moment qu’il composa son Adieu à la Pologne, satire véhémente et comme remplie d’une joie de délivrance : Adieu, Pologne, adieu, plaines désertes, Tousjours de neige et de glaces couvertes, Adieu, pays, d’un éternel adieu ! […] que ces éternels modernistes prêtent à rire ! […] C’est un sujet nouveau d’une haine implacable, De voir sur votre sang la peine du coupable, Et les dieux vous en font une éternelle loi, S’ils punissent en lui ce qu’ils ont fait pour moi.
Comme on y sent contre la fortune ce juste et muet mépris qui est la vengeance éternelle des hommes écrasés par l’iniquité de leurs contemporains ! […] Ce livre du Prince n’en restera pas moins le texte d’une éternelle et équivoque controverse entre les amis et les ennemis de la morale politique.
C’est la science des muscles, toute une statique mystérieuse et quotidiennement pratiquée par les prisonniers, ces éternels envieux des mouches et des oiseaux. […] Il hésite à entrer dans le prétoire, il regarde le loquet et la porte derrière laquelle est son éternelle infamie ; il recule, près de faiblir.
Et l’âme sociale emploie simultanément et successivement, avec souplesse, les moyens les plus variés et les plus complexes pour séduire et pour dompter un éternel antagoniste. […] Souvent on isole, sans que personne sache pourquoi, un des devoirs de l’individu, on le considère seul, on le tient pour absolument sacré, et on l’impose de son mieux, à tort et à travers, au nom de la morale éternelle.
L’art, dans sa haute sérénité, peut devenir une consolation aux plus grandes douleurs, mais c’est à la seule condition qu’il n’y ait point de rapports entre lui et d’éternels souvenirs … Pour moi, lorsque j’entends la musique de Wagner, j’entends la marche des soldats du vainqueur, le chant de ses triomphes, les sanglots de la défaite. […] Dans quelques années, on pourra peut-être, sans inconvénient, jouer l’œuvre du maître allemand sur nos scènes lyriques ; le temps guérit toutes les blessures, et nulle rancune n’est éternelle.
De même pour l’immortalité et pour l’avenir des destinées humaines : rendant compte, dans son Éloge de Buffon, des Époques de la nature et rappelant l’hypothèse finale du grand naturaliste lorsqu’il peint la lune déjà refroidie et lorsqu’il menace la terre de la perte de sa chaleur et de la destruction de ses habitants : Je demande, s’écrie-t-il, si cette image lugubre et sombre, si cette fin de tout souvenir, de toute pensée, si cet éternel silence n’offrent pas quelque chose d’effrayant à l’esprit ; je demande si le désir des succès et des triomphes, si le dévouement à l’étude, si le zèle du patriotisme, si la vertu même, qui s’appuie si souvent sur l’amour de la gloire, si toutes ces passions, dont les vœux sont sans limites, n’ont pas besoin d’un avenir sans bornes ?
On se le figure bien en ce prieuré perdu, en quelque âpre gorge ou sur un rocher nu des Pyrénées, plongeant son regard tour à tour sur l’Espagne et la France, vieillard tout chenu et à la face meurtrie, dur envers lui-même, se mortifiant, expiant le sang versé ; et cette âme de colère, apaisée enfin, se fixant opiniâtrement à la méditation des années éternelles.
Nous assistons, grâce au journal de Le Dieu, aux derniers sermons de Bossuet, qu’il prêche à l’âge de soixante-quatorze et soixante-quinze ans : le 1er novembre 1701, jour de la Toussaint, « il recueille les restes de ses forces pour exciter les cœurs à l’amour de Dieu, dans un sermon de la béatitude éternelle. » Une autre fois, le 2 avril 1702, dimanche de la Passion, il fait un grand sermon dans sa cathédrale pour l’ouverture du jubilé : Il réduit tout à ce principe : Cui minus dimittitur, minus diligit, que plus l’Église était indulgente, plus on devait s’exciter à l’amour pour mériter ses grâces et parvenir à la vraie conversion.