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765. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Mémoires »

pourquoi ne pas mettre en circulation jour par jour, pour ainsi dire, ce qui a instruit ou ému, ce qui a appris quelque chose sur l’état de la société ou sur la nature particulière d’un génie ? […] Par le seul fait que l’époque antérieure à la vie publique est terminée jusqu’en 1800, que l’époque postérieure à la retraite politique est tout près d’être terminée d’une façon non moins définitive, nous tenons donc dès à présent un monument sans exemple, et dont l’aspect, même dans cet état inachevé, simule quelque chose d’accompli. […] Le chevalier déclare qu’il renonce à la marine : on décide qu’il achèvera ses études à Dinan et qu’il embrassera l’état ecclésiastique ; mais Dinan est à quatre lieues de Combourg, et il revient perpétuellement à ce gîte austère et chéri jusqu’à ce qu’on s’accoutume à l’y laisser à demeure. […] Ces mots ne sont le plus souvent que de l’esprit, de la verve comique et mordante, mais qui ne se présente pas en ces endroits à l’état direct et simple.

766. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Diderot »

Quelque état qu’on en fasse, elle était plus forte que cela. […] Le jeune Denis, l’aîné des enfants, fut d’abord destiné à l’état ecclésiastique, pour succéder à un oncle chanoine. […] Ce dégoût de la chicane le brouilla avec son père, qui sentait le besoin de brider, de mater par l’étude un naturel aussi passionné, et qui le pressait de faire choix d’un état quelconque ou de rentrer sous le toit paternel. […] Comme il se serait écrié à plus juste titre, en voyant cette relique, telle qu’il les aimait : « Elle me rappelle mon premier état, et l’orgueil s’arrête à l’entrée de mon cœur.

767. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la loi sur la presse »

Sans rentrer dans une discussion rétrospective où tout a été dit (au Corps législatif, puis au Sénat), et dit de part et d’autre on sait avec quelle force et quel talent, j’ai cependant besoin absolument de revenir unpeu en arrière pour introduire les observations que je crois utiles et les exprimer à l’état du moins de regrets dans le présent et de vœux pour l’avenir. […] À ces spectateurs qui ne sont pas obligés d’être bienveillants pour la France, elles donnent une singulière idée de l’état moral de notre pays, de ce qui y est permis et de ce qui y est défendu. […] Quant à moi, si j’avais un article à écrire à propos d’une séance pareille, il me semble que les lois les plus simples et les plus naturelles de la rhétorique me diraient de commencer par mettre le lecteur au fait, de lui expliquer brièvement l’état de la question et le rôle des orateurs, de le faire par ordre et avec suite pour en venir après à discuter à fond l’objet du débat et à apprécier, à juger les différentes opinions en présence. […] Une des choses qui m’ont le plus affligé pendant la discussion de cette loi, c’est de voir combien elle plaçait la France dans un état d’infériorité vis-à-vis d’autres nations ; car toute nation qui ne jouit pas de la pleine liberté de la presse est inférieure virtuellement et censée mineure à cet égard, par comparaison à celles qu'en jouissent.

768. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre septième. »

L’idée était fort heureuse d’imaginer une réunion des principaux personnages des états, et de leur faire tenir des discours où ils se trahissent eux-mêmes, et dévoilent leurs motifs intéressés et ceux de leurs amis. […] Il signifie généralement un état douloureux, inquiet, fort corrupteur à mon sens, si l’on y prend garde. […] Les personnes pieuses, celles qui, ne pouvant s’élever à ce haut état, ne goûtent les ouvrages de spiritualité que par les vues qu’elles y trouvent sur la vie, savent avec quelle onction particulière et quelle douceur saint François de Sales administre ces prescriptions. […] Pendant qu’il hésitait, Henri IV lui fit dire par un de ses amis qu’il désirait de lui un ouvrage qui servit de méthode à toutes les personnes de la cour et du grand monde, sans en excepter les rois et les princes, pour vivre chrétiennement, chacun dans son état.

769. (1890) L’avenir de la science « VIII » p. 200

Le Moyen Âge travaillait autant que nous, le Moyen Âge a produit des esprits aussi actifs, aussi pénétrants que les nôtres ; le Moyen Âge a eu des philosophes, des savants, des poètes ; mais il n’a pas eu de philologues 72 ; de là ce manque de critique qui le constitue à l’état d’enfance intellectuelle. […] L’[en grec] est donc le caractère général de la connaissance de l’antiquité au Moyen Âge, ou, pour mieux dire, de tout l’état intellectuel de cette époque. […] L’imperfection de la lexicographie, l’état d’enfance de la linguistique jetaient aussi beaucoup d’incertitude sur l’exégèse des textes archaïques. […] Il s’imagine que l’humanité a bien réellement traversé les trois états du fétichisme, du polythéisme, du monothéisme, que les premiers hommes furent cannibales, comme les sauvages, etc.

770. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Chamfort. » pp. 539-566

Le lendemain de cette première représentation de Paris, elle dit devant tous les ambassadeurs qu’elle avait été la veille dans des transes, « dans l’état du métromane, jusqu’au moment où elle avait appris le succès ». […] Mais dans le mariage, qui est l’état commun, le point de vue change : le mariage est un grand fardeau, mais c’est aussi une méthode d’espérer, « une belle invention, a-t-on dit, pour nous intéresser au futur comme au présent ». […] — Le voici : Qu’est-ce que le tiers état ? […] » Dans une publication d’alors, à laquelle il prit part (les Tableaux historiques de la Révolution), remarquant que peu d’hommes, parmi ceux qui avaient commencé, avaient été en état de suivre jusqu’au bout le mouvement, il ajoute : « C’est un plaisir qui n’est pas indigne d’un philosophe, d’observer à quelle période de la Révolution chacun d’eux l’a délaissée ou a pris parti contre elle. » Et il note le moment où s’arrêta La Fayette, celui où s’arrêta Barnave : « Que dire, s’écrie-t-il, en voyant La Fayette, après la nuit du 6 octobre, se vouer à Marie-Antoinette, et cette même Marie-Antoinette, arrêtée à Varennes avec son époux, ramenée dans la capitale, et faisant aux Tuileries la partie de whist du jeune Barnave ? 

771. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre deuxième. Le génie, comme puissance de sociabilité et création d’un nouveau milieu social »

Il y eut certainement un même état de l’esprit en France qui se signifia par les théories de Descartes, où la pensée est séparée radicalement de la matière et comme réduite à l’abstraction, par la poésie abstraite de Boileau, par la poésie toute psychologique et aussi trop abstraite de Racine, enfin par la peinture abstraite et idéaliste du Poussin29. […] L’homme ne tend pas moins, et tout naturellement, à persister dans son état moral. […] Taine suppose le milieu antérieur produisant le génie individuel ; il faut supposer le génie individuel produisant un milieu nouveau ou un état nouveau du milieu. […] Dès lors, dans le monde particulier de l’art comme dans le monde social tout entier, il y a deux classes d’hommes à considérer : les novateurs et les répétiteurs, c’est-à-dire les génies et le public, qui répète en lui-même par sympathie les états d’esprit, sentiments, émotions, pensées, que le génie a le premier inventés ou auxquels il a donné une forme nouvelle.

772. (1913) La Fontaine « VII. Ses fables. »

Tu me rendras peut-être encor simple soldat : Je ne veux point changer d’état. » Ulysse espère réussir mieux avec un animal moins fier et qui n’est pas le roi des animaux. […] Je vis libre, content, sans nul soin qui me presse ; Et te dis tout net et tout plat : Je ne veux point changer d’état. » Ulysse va trouver alors un loup. […] Tout bien considéré, je te soutiens en somme Que scélérat pour scélérat, Il vaut mieux être un loup qu’un homme ; Je ne veux point changer d’état. […] Le passage est très curieux : « N’est-ce pas traiter indignement la raison que de la mettre en parallèle avec l’intelligence des animaux, puisqu’on en donne la principale différence, qui consiste en ce que les effets du raisonnement augmentent sans cesse chez nous, au lieu que l’instinct demeure toujours dans un état égal.

773. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Μ. Ε. Renan » pp. 109-147

Un ou deux siècles partout, en Allemagne quelques années, suffisent pour effacer de l’estime des hommes leurs systèmes, qui n’existent plus alors qu’au mince et puéril état de curiosités intellectuelles, et ne conservent, quand ils furent puissants, que le nom de leurs inventeurs. […] Ni les miracles des martyrs que l’esprit moderne cherche à expliquer, mais avec prudence, ni l’état exalté et violent des esprits au moment où des hérésies comme celles de Montanus et de Marcion enflammaient l’atmosphère autour de tout ce qui était chrétien, ne balancent ce fait inouï, qui réalise, dès le commencement du Christianisme, la parole de Jésus-Christ à son Église, sous la plume même de l’auteur de la Vie de Jésus, du négateur avoué du surnaturalisme dans l’Histoire ! […] De même qu’il n’a pas conclu, du fait aperçu de l’Église, à la nécessité du surnaturalisme dans l’Histoire, de même il n’a pas conclu contre son Marc-Aurèle de l’état surnaturellement religieux d’une époque à laquelle il est impossible de rien comprendre sans ce surnaturalisme, lequel, dans les grandes choses humaines, revient sur vous comme une mer, quand on croyait ravoir chassé ! […] Ni les événements sur lesquels je comptais pour élever son talent à la même puissance qu’eux, ces événements d’un moment unique dans l’Histoire : l’incendie de Rome sous Néron, l’état du inonde d’alors, et ce siège de Jérusalem, aussi exceptionnel par l’énergie que la nation qui le soutint, n’ont exalté dans M. 

774. (1773) Discours sur l’origine, les progrès et le genre des romans pp. -

Paméla, Clarice, Grandisson, &c. sont des cours de morale pratique à l’usage de tous les états : on y voit figurer des acteurs de toute condition, c’est-à-dire que nul rang n’y est dédaigné ; motif d’intérêt d’autant plus sûr qu’il rapproche du plus grand nombre des Lecteurs les personnages qui doivent les intéresser. […] On sait maintenant qu’il se trouve des hommes dans tous les états, & que nul état ne donne exclusion à la vertu. […] Il faut même régler le ton qu’on fait prendre à ses Acteurs, sur leur âge, leur état, leur caractere ; ne point faire parler en forcénée une personne douce par tempérament ; ne point prodiguer à tout propos, ces froides exclamations, ces élans désordonnés, ces expressions boursouflées au dehors, vuides au dedans, ce langage, en un mot, qui ne peint absolument rien à force de tout travestir.

775. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » p. 134

Peut-être les pensées qu’il eût tirées de son propre fonds, n’eussent-elles pas été aussi sublimes que celles de l’Auteur des Provinciales ; mais on peut juger, par ses Ouvrages, qu’il étoit en état de composer un bon Livre, sur un aussi solide fondement.

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