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572. (1884) Articles. Revue des deux mondes

Les poètes, qui ne sont pas tenus d’être conséquens avec eux-mêmes, chantent également et l’ascension glorieuse de l’humanité, d’abord sauvage, à la vie civilisée, et l’inévitable décadence qui fait sortir de générations pires que leurs ancêtres une postérité plus vicieuse encore. […] Non moins intéressante est la critique de cette autre prétendue loi, également spécieuse, également célèbre, que l’humanité se développe comme un organisme vivant. […] C’est également la méthode d’Aristote qu’appliquent les médecins anatomistes d’Alexandrie, les Hérophile, les Erasistrate, et ils ne rectifient quelques-unes de ses erreurs qu’en marchant dans la voie qu’il a tracée.

573. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre IX : Insuffisance des documents géologiques »

Et de même, quand une espèce semble avoir disparu avant que les strates supérieures de la formation soient déposées, il serait également présomptueux de supposer, d’après cela seulement, qu’elle soit entièrement éteinte. […] Si ces anciennes couches primitives avaient été complétement détruites par dénudation ou oblitérées par le métamorphisme, nous devrions retrouver seulement de faibles restes des formations qui les ont immédiatement suivies, et ces lambeaux devraient se présenter également à nous dans un état général d’altération métamorphique. […] Supposons, par exemple, que la mer affleure un continent parallèlement à une grande faille entre deux de ses formations géologiques superposées, et même consécutives, mais très différentes au point de vue minéralogique, ce qui doit être fréquent, il en résulte que tant que les vagues battent la formation supérieure, et jusqu’à sa dénudation ou sa disparition complète sous les eaux, les sédiments qui en proviennent, livrés aux courants marins, vont sans doute se déposer à quelque distance sur un fond également en voie de s’affaisser ou tout au plus stationnaire. […] Il s’ensuit que les premières terres émergées, éparses à fleur d’eau dans des mers presque partout également profondes, n’ont pu donner lieu qu’à de premiers dépôts très lentement formés.

574. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — I. » pp. 1-19

Il n’est pas donné à tous les esprits de sentir et de goûter également ce genre de beautés et de mérites de Massillon : il en est, je le sais, qui le trouvent monotone, sans assez de relief et de ces traits qui s’enfoncent, sans assez de ces images ou de ces pensées qui font éclat. […] L’Oraison funèbre qu’il prononça de Louis XIV, et dont j’ai cité l’admirable début, a de beaux détails, mais pèche également par l’ensemble : Massillon, en louant, ne sait point prendre de ces grands partis comme Bossuet ; il mêle des vérités et des restrictions qui font nuance, là où il faudrait une couleur éclatante, une touche large et soutenue.

575. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — II. (Fin.) » pp. 20-37

Le Régent disait qu’il était né ennuyé : combien d’hommes depuis, qui, sans être régents du royaume ni fils de France, ont également commencé par l’ennui une vie que les passions n’ont pu qu’agiter et ravager sans la remplir ! […] Approchez des grands ; jetez les yeux vous-même sur une de ces personnes qui ont vieilli dans les passions, et que le long usage des plaisirs a rendues également inhabiles et au vice et à la vertu.

576. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Chateaubriand. Anniversaire du Génie du christianisme. » pp. 74-90

Et après cette première citation : Dans un autre endroit, continue Chateaubriand, je peins ainsi les tombeaux de Saint-Denis avant leur destruction : « On frissonne en voyant ces vastes ruines où sont mêlées également la grandeur et la petitesse, les mémoires fameuses et les mémoires ignorées, etc. » Je supprime encore ce second morceau, inséré à la suite du premier, et qui prêterait aux mêmes observations comparatives ; mais je vais donner toute la fin de la lettre avec son détail mélangé, afin que le lecteur en reçoive l’impression entière, telle qu’elle ressort dans son désordre et son abandon : Je n’ai pas besoin de vous dire qu’auprès de ces couleurs sombres on trouve de riantes sépultures, telles que nos cimetières de campagne, les tombeaux chez les sauvages de l’Amérique (où se trouve le tombeau dans l’arbre), etc. […] Or si l’âme souffre par elle-même indépendamment du corps, il est à croire qu’elle pourra souffrir également dans une autre vie ; conséquemment l’autre monde ne vaut pas mieux que celui-ci.

577. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Maucroix, l’ami de La Fontaine. Ses Œuvres diverses publiées par M. Louis Paris. » pp. 217-234

Cependant, disons à son honneur que lorsque la marquise, ayant épuisé ses coquetteries à la Cour et en tous lieux, délaissée de son mari, frappée dans sa beauté, se voyant malade et dépérissante, cherchait un lieu où s’abriter, ce fut à Reims, chez MM. de Maucroix, le nôtre et son frère, qu’elle fut recueillie, qu’elle reçut les derniers soins et qu’elle mourut, aussi bien que sa mère, qui y était morte également. […] Prenez au contraire l’abbé de Chaulieu, de vingt ans plus jeune que Maucroix, et qui mourut onze ans après lui, ayant également poussé très loin sa carrière, et vous aurez l’épicurien à la fois de pratique et de système, celui qui, au milieu de ses refrains bachiques ou de ses nonchalances voluptueuses, raisonnera sur la mort en des vers philosophiques selon les principes d’Épicure tour à tour, ou selon ceux du déisme.

578. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — II » pp. 254-269

Quant au fond, il recommande tout ce que son maître a également recommandé, de ne point laisser les valets ni servantes embabouiner cette tendre jeunesse de sots contes ni de fadaises ; de ne pas croire que l’esprit des enfants ne se puisse appliquer aux bonnes choses aussi aisément qu’aux inutiles et vaines : « Il ne faut pas plus d’esprit à entendre les beaux exemples de Valère Maxime et toute l’histoire grecque et romaine, qui est la plus belle science et leçon du monde, qu’à entendre Amadis de Gaule… Il ne se faut pas délier de la portée et suffisance de l’esprit, mais il le faut savoir bien conduire et manier. » Il s’élève contre la coutume, alors presque universelle, de battre et fouetter les enfants ; c’est le moyen de leur rendre l’esprit bas et servile, car alors « s’ils font ce que l’on requiert d’eux, c’est parce qu’on les regarde, c’est par crainte et non gaiement et noblement, et ainsi non honnêtement. » Dans l’instruction proprement dite, il veut qu’en tout on vise bien plutôt au jugement et au développement du bon sens naturel qu’à l’art et à la science acquise ou à la mémoire ; c’est à cette occasion qu’il établit tous les caractères qui séparent la raison et la sagesse d’avec la fausse science. […] [NdA] La tactique de Montaigne, de Bayle et autres sceptiques, c’est ou bien de rabaisser l’homme jusqu’au niveau des bêtes pour lui ôter le privilège de l’immortalité, ou bien d’élever les bêtes quasi jusqu’au rang de l’homme pour forcer à conclure que, s’il a une âme immortelle, elles en doivent avoir une également : or c’est là une conclusion qui répugne et devant laquelle on recule volontiers.

579. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Journal d’Olivier Lefèvre d’Ormesson, publié par M. Chéruel » pp. 35-52

C’est vers ce temps qu’il acquit une terre d’Ormesson (près de Saint-Denis), qui n’est pas la même que celle du même nom en Brie, plus connue, appartenant également à la famille, et il commença de se faire appeler M. d’Ormesson, le nom de Lefèvre étant trop commun. […] Il y prêcha l’Avent. » — Un historien du barreau (si une telle histoire est possible) aurait également à consulter d’Ormesson pour les plaidoiries et actions mémorables des avocats pendant ce laps de temps.

580. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Lammenais » pp. 22-43

Si pour lui, dans l’ordre intellectuel, le vrai est tout entier d’un côté et le faux de l’autre, dans l’ordre moral le bien absolu, à ses yeux, est également tout d’un côté, et le mal du côté opposé ; à droite les bons, à gauche les méchants ; les agneaux séparés des boucs, pas de mélange ! […] Ainsi, à cette même comtesse de Senfft, après qu’il a franchi son Rubicon et qu’il a pris pied sur l’autre rivage : « Plus je vais, plus je m’émerveille de voir à quel point les opinions qui ont en nous les plus profondes racines dépendent du temps où nous avons vécu, de la société où nous sommes nés, et de mille circonstances également passagères.

581. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Caractères de La Bruyère. Par M. Adrien Destailleur. »

Il n’en est pas de plus propre à faire respecter l’esprit français à l’étranger (ce qui n’est pas également vrai de tous nos chefs-d’œuvre domestiques), et en même temps il y a profit pour chacun de l’avoir, soir et matin, sur sa table de nuit. […] J. d’Ortigue l’a trouvée écrite à la main sur le dernier feuillet d’un volume de La Bruyère qui semble avoir appartenu à quelque académicien de la fin du xviie  siècle : « La première place qui vaqua dans l’Académie française, après que M. de La Bruyère y fut reçu, étant à remplir, MM. les abbés de Caumartin et Boileau furent proposés et partagèrent également entre eux les suffrages de l’Assemblée jusqu’à la voix de M. de La Bruyère.

582. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Œuvres complètes d’Hyppolyte Rigault avec notice de M. Saint-Marc Girardin. »

Je ne crois pas que si l’Université moderne avait eu à produire un échantillon d’elle-même, elle eût pu choisir un plus parfait modèle entre les élèves dont elle s’honore ; car il n’était pas comme d’autres également brillants, mais infidèles : il n’aspirait pas à en sortir. […] Depuis 1853, il donna également des articles littéraires au Journal des Débats, avec redoublement d’activité dans les dernières années.

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