Ce qui est bien certain, du moins, c’est que la reine Marguerite n’y avait rien perdu des délicatesses de son esprit, puisque c’est là qu’elle entreprit d’écrire, en quelques après-dînées, ses mémoires pour venir en aide au récit de Brantôme, et le rectifier en quelques points. […] Elle se trouve là en compagnie de plusieurs dames parentes de Brantôme, Mme de Dampierre, tante de celui-ci, et Mme de Retz, sa cousine, et elle commence avec la plus âgée des deux une véritable amitié ; car, avec la cousine plus jeune, cette amitié ne viendra que plus tard. […] N’oubliez pas l’art de s’accommoder et de se mettre, les inventions nouvelles en ce genre qui ne venaient que d’elle ; elle était reine de la mode et de la façon (fashion). Telle elle parut en toute circonstance solennelle, et notamment ce jour où, aux Tuileries, la reine mère festoya les seigneurs polonais qui venaient offrir la couronne au duc d’Anjou, et où Ronsard présent confessa que la belle déesse Aurore elle-même était vaincue ; et mieux encore ce jour de Pâques fleuries à Blois, où on la vit à la procession, toute coiffée et comme étoilée de diamants et de pierreries, vêtue d’une robe de drap d’or frisé venue de Constantinople, qui eût par son poids écrasé toute autre, mais que sa belle, riche et forte taille soutenait si bien ; tenant et portant à la main sa palme, son rameau bénit, « d’une royale majesté, d’une grâce moitié altière et moitié douce ». […] Elle-même nous dit que ce goût de l’étude et de la lecture ne lui vint pour la première fois que dans une première captivité où Henri III la retint quelques mois en 1575, et nous en sommes encore aux années sans nuages.
Elle jouit de ces charmants tableaux encore plus qu’elle ne songe à les mesurer ou à les classer ; elle en aime l’auteur, elle le reconnaît pour celui qui a le plus reproduit en lui et dans sa poésie toute réelle les traits de la race et du génie de nos pères ; et, si un critique plus hardi que Voltaire vient à dire : « Notre véritable Homère, l’Homère des Français, qui le croirait ? […] La Fontaine vint à Paris, plut à Fouquet, bon juge de l’esprit, et le voilà transporté tout d’un coup au milieu de la société la plus brillante, devenu le poète ordinaire des merveilles et des magnificences de Vaux. […] Les Contes lui seraient aisément venus dans ce lieu-là, non pas les Fables ; les belles fables de La Fontaine, très probablement, ne seraient jamais écloses dans les jardins de Vaux et au milieu de ces molles délices : il fallut, pour qu’elles pussent naître avec toute leur morale agréable et forte, que le bonhomme eût senti élever son génie dans la compagnie de Boileau, de Racine, de Molière, et que, sans se laisser éblouir par Louis XIV, il eût pourtant subi insensiblement l’ascendant glorieux de cette grandeur. […] Je me détourne de ses Contes qu’il entreprit d’abord (1665) pour plaire à la duchesse de Bouillon, une des nièces de Mazarin, et qu’il continua de tout temps pour se complaire à lui-même, et j’en viens aux Fables qui lui avaient été demandées pour Monseigneur le Dauphin. […] Qu’on veuille bien se retracer avec netteté la différence des deux races : d’une part, nos vieux Gaulois, nos auteurs de contes et de fabliaux, Villon, Rabelais, Régnier, et tous ceux, plus ou moins connus, dont l’esprit vient se résumer et se personnifier en La Fontaine comme en un héritier qui les couronne et les rajeunit, si bien qu’on le peut définir le dernier et le plus grand des vieux poètes français, l’Homère en qui ils s’assemblent une dernière fois librement, et se confondent.
Et quand nous entrions, nous avions l’air de si mauvaise humeur que, se méprenant sur notre démarche, il croyait que nous venions le provoquer en duel. […] La peur venait à voir sortir de la bouche du président la peine, ainsi que le sourcillement d’une fontaine, toujours égal et intarissable et sans arrêt. […] que c’est bien la femme de l’adjudant. » Et aussitôt, par la fenêtre : « Lieutenant, venez voir la charge de ce bougre de Jacques ! […] Pendant que nous sommes à Veules, un matin, tombe chez les Leroy, Jacques qui vient passer une journée avec nous. […] La première fois que la femme vient se rendre, quelle pudeur, un tout petit tintement !
Il y a cinq ou six ans, un monsieur, trompé par sa place, vint lui offrir un livre nouveau, et lui demander son crédit sur la presse. […] Le mammifère jeté dans l’air respire par des poumons que l’air vient baigner ; les branchies du poisson montent dans sa tête, vont toucher l’oxygène dans l’eau qui le contient, et se munissent d’ouïes pour rejeter cette eau inutile ; le poulet renfermé dans l’œuf respire, par les vaisseaux de l’allantoïde, l’air qui traverse la coquille poreuse ; le fœtus du mammifère reçoit l’air par la communication des vaisseaux de sa mère et des siens. […] De ce groupe de dispositions morales, on peut déduire tous les détails importants de la constitution romaine ; et il se déduit lui-même de la faculté égoïste et politique que vous avez d’abord détachée. — Portez-la dans la vie privée : vous verrez naître l’esprit intéressé et légiste, l’économie, la frugalité, l’avarice, l’avidité, toutes les coutumes calculatrices qui peuvent conserver et acquérir, les formes minutieuses de transmission juridique, les habitudes de chicane, toutes les dispositions qui sont une garantie ou une arme publique et légale. — Portez-la dans les affections privées : la famille, transformée en institution politique et despotique, fondée, non sur les sentiments naturels, mais sur une communauté d’obéissance et de rites, n’est plus que la chose et la propriété du père, sorte de province léguée chaque fois par une loi en présence de l’État, employée à fournir des soldats au public. — Portez-la dans la région : la région, fondée par l’esprit positif et pratique, dépourvue de philosophie et de poésie, prend pour dieux de sèches abstractions, des fléaux vénérés par crainte, des dieux étrangers importés par intérêt, la patrie adorée par orgueil ; pour culte une terreur sourde et superstitieuse, des cérémonies minutieuses, prosaïques et sanglantes ; pour prêtres des corps organisés de laïques, simples administrateurs, nommés dans l’intérêt de l’État et soumis aux pouvoirs civils. — Portez-la dans l’art : l’art, méprisé, composé d’importations ou de dépouilles, réduit à l’utile, ne produit rien par lui-même que des œuvres politiques et pratiques, documents d’administration, pamphlets, maximes de conduite ; aidé plus tard par la culture étrangère, il n’aboutit qu’à l’éloquence, arme de forum, à la satire, arme de morale, à l’histoire, recueil oratoire de souvenirs politiques ; il ne se développe que par l’imitation, et quand le génie de Rome périt sous un esprit nouveau. — Portez-la dans la science : la science, privée de l’esprit scientifique et philosophique, réduite à des imitations, à des traductions, à des applications, n’est populaire que par la morale, corps de règles pratiques, étudiées pour un but pratique, avec les Grecs pour guides ; et sa seule invention originale est la jurisprudence, compilation de lois, qui reste un manuel de juges, tant que la philosophie grecque n’est pas venue l’organiser et le rapprocher du droit naturel. […] Elle ne vient pas d’une chose extérieure, étrangère au monde, ni d’une chose mystérieuse, cachée dans le monde. Elle vient d’un fait général semblable aux autres, loi génératrice d’où les autres se déduisent, de même que de la loi de l’attraction dérivent tous les phénomènes de la pesanteur, de même que de la loi des ondulations dérivent tous les phénomènes de la lumière, de même que de l’existence du type dérivent toutes les fonctions de l’animal, de même que de la faculté maîtresse d’un peuple dérivent toutes les parties de ses institutions et tous les événements de son histoire.
Il venait me voir de temps en temps pendant ses courses à Paris. […] Ainsi l’État vient toujours de la nature. […] Dès qu’un citoyen semblait s’élever au-dessus de tous les autres par sa richesse, par la foule de ses partisans, ou par tout autre avantage politique, l’ostracisme venait le frapper d’un exil plus ou moins long. […] « De là vient que la plupart des gouvernements sont ou oligarchiques ou démocratiques. […] Dans la démagogie surtout il faut empêcher non-seulement qu’on en vienne au partage des biens des riches, mais même qu’on partage l’usufruit ; ce qui, dans quelques États, a lieu par des moyens détournés.
En 1688, il quitta le collège et l’Irlande, et vint à Leicester où le spectacle de la pauvreté de sa mère aigrit encore sa tristesse. […] Au commencement de cette année, 1701, qui fut la dernière et la plus agitée du règne de Guillaume, Swift vint à Londres et y trouva tous les esprits émus. […] Votre fortune à venir en dépend. […] Mais le jour vint enfin où les trois frères trouvèrent dans le testament autre chose qu’une lacune sur les embellissements imposés par la mode. […] On montrait, longtemps après cette funeste histoire, le berceau entouré de fleurs, et rafraîchi par un ruisseau, où Swift et Vanessa venaient souvent s’asseoir avec des livres et passaient de longues heures, toujours trop courtes pour l’amante délaissée.
C’est dans cette partition — la dernière en date — que viennent aboutir les thèmes, « les supports des tendances passionnelles » (R. […] Puis vint le tourbillon où tout s’abîma : et les lettres, qui avaient longtemps survécu à leur utilité, durent à leur tour s’effacer. […] Quand donc un artiste viendra-t-il qui associera ces qualités et ces formes, au profit d’une complète vie littéraire ? […] Abot (une planche de 12 X 17, à 3 fr.) que nous avions annoncé vient d’être publié. […] Les deux premières représentations de la Goetterdaemmerung à Dresde viennent d’avoir lieu, le 2 et le 4 juin.
Quoi qu’il en soit, le jour est enfin venu pour nous ; mais comme la nuit avait été longue, le crépuscule et l’aurore de ce jour ont été longs aussi. […] Je leur conseille de suivre en pareille occasion l’exemple de ce physicien, qui voulant expliquer pourquoi les caves sont plus chaudes en hiver qu’en été, dit que cela vient peut-être de telle cause, peut-être de telle autre, et peut-être aussi de ce que cela n’est pas vrai. […] Du moins l’honneur qu’ils nous font de venir chercher en France nos goûts, nos airs, et jusqu’à nos préjugés, est une sorte d’éloge tacite et involontaire, dont la vanité française doit s’accommoder mieux que d’aucun autre. […] Aussi le commerce intime des grands avec les gens de lettres ne finit que trop souvent par quelque rupture éclatante ; rupture qui vient presque toujours de l’oubli des égards réciproques auxquels on a manqué de part ou d’autre, peut-être même des deux côtés. […] Il en est de même des ouvrages annoncés qu’on attend depuis longtemps ; le public ne vit pas d’espérance ; plus elle a été longue, plus il veut que les effets y répondent, et malheur à qui le vient frustrer de son attente.
Il faut donc, pour conclure, autre chose que cette production qu’a Féval comme tout le monde et qui n’est plus un mérite, pour que la Critique vienne à lui en attendant la gloire. […] la conversion racontée ici est un fait réel, soit de la vie de Brucker, qui s’est converti à un certain moment d’une vie longtemps profane, ou de la vie de Paul Féval, certainement moins profane, et qui vient aussi de se convertir. […] Ce n’en est pas une, puisqu’on n’a pas marché, que le récit, qui commence le roman à venir et finit le volume actuel, de cette mort d’un père pénétrant des premières impressions chrétiennes l’âme d’un enfant qui les retrouvera un jour dans son âme et qui redeviendra chrétien. […] Quant à l’histoire qu’il vient d’écrire, cette heureuse infidélité aux habitudes de toute sa vie et à l’emploi de ses facultés qui lui a si bien réussi, nous avons dit notre opinion sur le talent inattendu qu’il révèle, et que le livre Jésuites ! […] Puis vint la peste des commendataires !
Or l’idée de poser une pluralité de Temps mathématiques n’était jamais venue à l’esprit avant la théorie de la Relativité ; c’est donc uniquement à celle-ci qu’on se référerait pour mettre en doute l’unité du Temps. […] Nous pouvons imaginer en effet, comme tout à l’heure, que le duplicata S′ se soit détaché à un certain moment de S et doive ensuite venir le retrouver. […] La première est intérieure aux événements, elle fait partie de leur matérialité, elle vient d’eux. […] Le moment n’est pas venu d’analyser la conception de l’Espace-Temps de Minkowski, adoptée par Einstein. […] Soient en effet (fig. 6), dans le système mobile S′, deux points A′ et B′ qui viennent, pendant le trajet du système se poser sur deux points A et B du système immobile S, dont S′ est le duplicata.
Sainte-Beuve, on sent que Soumet s’en est allé et que Théophile Gautier est venu. […] Mérimée, la filiation d’idées qui vient d’aboutir aux Faux Démétrius. […] Le faible et imbécile Fédor vint à mourir sur ces entrefaites, et l’on ne manqua pas de dire que c’était Boris qui l’avait empoisonné. […] « Tout est dit, et l’on vient trop tard », — écrivait, il y a cent soixante-sept ans, un penseur illustre, à la première page de son livre ; à plus forte raison, aujourd’hui que l’imagination humaine se sent tarir comme une nourrice épuisée, pouvons-nous dire : L’on vient trop tard, tout est chanté ! […] Il venait d’écraser, du haut de sa gloire inattaquable et sereine, la versification haineuse et méchante de Barthélemy.
Puis est apparu sous la portière, à quatre pattes, un joli gamin tout frisotté, qui, après quelques instants d’hésitation, s’est décidé à venir à nous. […] Quelquefois les maris le savent si bien, que pour punir leurs épouses, ils les privent de leurs faveurs, et les font ainsi, — et cela sans un reproche, sans une parole — venir à résipiscence. […] C’est ainsi que dans le tableau de Jacquet, la robe de velours rouge venait d’une princesse russe, morte dans un misérable garni. […] Et cette robe, Jacquet, la voyait tous les jours, et ce beau ton, qu’il sentait sien, lui faisait venir des idées de vol. […] « Un autre jour, un autre mot vint… malheureusement je ne me le rappelle plus… non je ne me le rappelle plus.
Déjà au XVIII0 siècle toutes les momies venaient d’Alger où elles étaient fabriquées par d’astucieux médecins musulmans. […] Au surplus est-il suffisamment caractérisé par la date de sa venue au jour, où il est certainement seul de son espèce. […] Mais, et c’est là ce que je voulais dire, le ton lâché d’une correspondance peut venir aussi de la qualité du correspondant et du genre d’amitié qu’il inspire. […] Pourtant, il est très possible que les régimes viennent précisément au secours de l’organisme en lui épargnant la moitié de la besogne. […] Il semble qu’on n’ait rien à se reprocher et pourtant le mal est venu, il est là.
Comme le vers se dresse franc, et tout d’une venue ! […] On se retirait de l’amour juste à l’époque où nous venons d’y entrer. […] Et vous voyez qu’Arnolphe en vient à cet excès de désespoir. […] Allons, messieurs, venez ! […] Jamais cette idée n’était venue à personne.
Ponsard, de la vogue de Mademoiselle Rachel, de cette vieille route longtemps abandonnée, qui semblait tout à coup se rouvrir, et dont le poteau indicateur était glorieusement relevé par un poète de talent et une actrice de génie, il m’avoua qu’il venait d’écrire, sous cette impression nouvelle, une tragédie, moins que cela, une étude empruntée à un autre temps et à un autre ordre d’idées que Lucrèce, mais également inspirée par ce retour aux sources antiques, un moment taries ou troublées sous le souffle du romantisme. […] Autran a cet air de cheveux blancs, et ils lui semblent venus dans la peine du labeur et des veilles de l’étude.
Georges Pioch vient d’exaucer notre désir, et j’affirmerai ici, en toute sincérité de cœur et d’esprit, que mon plaisir fut grand à la lecture de ces œuvres : Toi ; la Légende blasphémée. […] C’est le Génie qui se fait Verbe, et dans son vers l’on sent une force d’airain, l’on sent le glaive qu’accompagne une lyre d’or, son flamboiement qui s’écarlate, qui devient rouge de sang, rouge de Vie, et le poète passe, la tête altière, la gloire dans les yeux, splendide, à la conquête des Paradis futurs où viendront se rafraîchir de pureté et se baigner de beauté les souffrants, les esclaves, ceux qui demain seront les Hommes !
Dans cette importante discussion, tout est appuyé sur les preuves les plus incontestables ; on cite, dans les Langues originales, les passages qui viennent au secours des assertions ; on les traduit le plus souvent en faveur de ceux qui n’entendent pas les Langues savantes. […] viennent réclamer, à l’aide de sa plume, la gloire de nous avoir appris tout ce que nous savons en matiere d’Astronomie, de Physique, d’Anatomie, de Chirurgie, de Médecine, de Mathématique, d’Optique, de Métaphysique, de Morale, &c.
Viens que je t’embrasse ; mais crains que coupable du crime de Prométhée, un vautour ne t’attende aussi. […] Si ce groupe enfoui sous la terre pendant quelques milliers d’années, venait d’en être tiré, avec le nom de Phidias en grec, brisé, mutilé, dans les pieds, dans les bras, je le regarderais en admiration et en silence.
Le goût timide & tranquille viendra-t-il lui présenter le frein ? […] Le tems vient où ses eaux pures sont le miroir le plus fidele que puissent consulter les Arts. […] D’où vient que le dénouement de Rodogune est si beau ? […] D’où vient que celui de Britannicus a nui au succès de cette belle tragédie ? […] N’est-il pas permis à ceux qui vivent dans les bois d’ignorer qui tu es & d’où tu viens » ?
Le moment où vint Molière servit tout à fait cette liberté qu’il eut et qu’il se donna. […] On vient dire qu’Élomire (anagramme de Molière) est dans la chambre d’en bas. […] Averti des succès qu’on attribuait à M. de Lauzun près d’elle, il en vint à une explication. […] Ma passion est venue à tel point qu’elle va jusqu’à entrer avec compassion dans ses intérêts. […] Il resta assisté de deux sœurs religieuses, de celles qui viennent ordinairement à Paris quêter pendant le carême, et auxquelles il donnoit l’hospitalité.
Et vous, confrère et médecin, qui trouvez d’ailleurs, dites-vous, mes éloges du docteur Paulin justes et mérités, vous venez, après neuf ans, relever, par une diatribe bruyante, qui vise au grotesque et qui prend en s’affichant des airs de mascarade, quelques négligences et des rapidités inévitables de diction : vous venez en faire une sorte d’éclat et comme de découverte dans un journal quotidien, de telle sorte qu’il ne tenait qu’aux lecteurs de l’Événement, ce jour-là, de croire que je m’étais rendu coupable d’un méfait littéraire assez récent, d’une harangue tout à fait ridicule. […] Homme excellent, qui a beaucoup aimé, beaucoup souffert, qui a de tout temps servi ses semblables jusqu’à en vouloir mourir, le repos enfin lui est venu.
Et le cortège de cette famille naissante vint faire briller sur sa tombe l’éclat de la révélation nouvelle. […] Puis s’arrachant au vague, il en vint à s’occuper scientifiquement et historiquement des religions révélées, et c’est au fort de ces études opiniâtres dans lesquelles s’absorbait sa précoce pensée, que, le nouveau christianisme de Saint-Simon lui étant apparu sous son véritable jour, il se fit une révolution en lui ; que ses études, jusque-là confuses, s’enchaînèrent ; que le chaos du passé se déroula harmonieusement à ses yeux, et qu’il saisit la raison divine des choses, s’écriant à la vue de l’Église de toutes parts croulante et de la synagogue encore debout : « Oui, nous marchons vers une grande, vers une immense unité : la société humaine, du point de vue de l’homme ; le règne de Dieu sur la terre, du point de vue divin ; ce règne que les fidèles appellent tous les jours par leurs prières depuis dix-huit ceints ans. La portion du peuple juif qui a résisté au règne spirituel du Messie, se rendra en voyant venir son règne temporel, et toutes les prophéties seront accomplies, car toutes les prophéties sont vraies. » La justification du mosaïsme ressort avec éclat des travaux d’Eugène.
Or la fortune de ce théâtre ne viendrait-elle pas de cette extraordinaire faculté de Dumas : Suggérer qu’il sait la vérité, la solution des difficultés morales, qu’il va élucider, escamoter le problème, et, manches retroussées, vous faire circuler la solution. — Y a-t-il dans la salle une fille-mère de bonne volonté qui veuille bien me prêter un instant sa fausse situation ? […] À quelle angoisse, à quel doute, a quel scrupule vient-il en aide ? […] Si Francis avait procédé avec la petite Adèle, etc. » Le prototype de ces phrases (un de mes amis prétend l’avoir découvert dans un roman de Bourget) serait : « Si quelqu’un avait voulu se rendre compte des étroits rapports qui lient le physique et le moral, il n’eût eu qu’à entrer, au five o’clock, dans le grand home de la petite Madame de… » Il est certain que ces préceptes tour à tour évangéliques et darwiniens étiquetant immanquablement l’anecdote à venir sont d’un comique à la longue irrésistible.
Après cette cause de dissolution vint la guerre de la Fronde qui divisa toutes les familles de la capitale. […] Dès 1645 donc, le temps était venu où cette femme respectable devait voir sa maison se fermer à la jouissance d’une société choisie, mais nombreuse ; jouissance toute noble, toute glorieuse, mais par cela même d’un éclat incommode pour son âge. […] Petit, dans la vie de Montausier, « venaient y chercher cette noble simplicité et cette liberté honnête qui semblent être bannies du palais des rois.
Car dans leur rêve, des naufs vermeilles par la mort du Soleil, aux cordages de soie, aux voiles pleines et blanches comme des seins, appareillaient vers la Cythère lointaine et bleue… Par quelle aberration en vint-on à faire disparaître l’assonance au profit de la rime ? […] ces vers — l’habitude venue — se martellent avec une facilité combien déplorable, encore aggravée par la richesse de la rime : sonorités de cuivres éclatantes et belles, mais monotones. […] Et désormais l’allitération vient en aide à l’assonance pour modifier, étendre, ou compléter l’Idée.
Toutes ces positions académiques, contraintes, apprêtées, arrangées, toutes ces actions froidement et gauchement exprimées par un pauvre diable et toujours par le même pauvre diable gagé pour venir trois fois la semaine se déshabiller et se faire mannequiner par un professeur, qu’ont-elles de commun avec les positions et les actions de la nature ? […] Les sujets se présenteront en foule à la porte de mon académie, si je les paie bien ; si je suis dans un pays d’esclaves, je les y ferai venir. […] La manière vient du maître, de l’Académie, de l’école et même de l’antique.
Ils les plaçaient au centre de leurs armées, ils leur disaient : " venez nous voir combattre et mourir, soyez les témoins oculaires de notre valeur et de nos actions. […] On n’aperçoit qu’un cavalier sur son cheval ; il vient à vous, et l’homme et l’animal docile sont de la plus grande vérité. […] Cela ne viendrait-il pas de ce que, dans l’impossibilité reconnue et peut-être heureuse de la rendre avec une précision absolue, il y a une lisière de convention sur laquelle on permet à l’art de se promener ?
Quelle plus flagrante violation du respect que l’on doit à, la vie privée que celle qu’elle vient d’accomplir sur la sienne et avec quels détails plus hardis ! […] Ils viennent surtout, d’une cause littéraire. […] Or, comme l’âge est venu et qu’ici il ne peut y avoir d’autre, je me dis qu’il n’y a plus alors que le plaisir de se vanter, pour le seul plaisir de se vanter !
Il ne pensa jamais à être de pied en cap un historien… Il est mort même sans avoir publié ces notules historiques, qu’il avait peut-être préparées pour d’autres plumes que la sienne, tout en se contentant d’initier les autres, de les renseigner, de les instruire, de venir en aide à quelque bon travail futur, et, par ce côté-là encore, éternellement professeur ! […] Nous qui sommes venus après elle, nous avons hérité de cette exhérédation. […] Il souscrit au mot ivre de Valady : « Barbaroux, cet étourdi sublime, qui dans dix ans sera un grand homme. » Sa mort l’empêcha de tromper cette espérance : les dix ans ne seraient jamais venus !
II Et, en effet, pour cet historien catholique qui n’est pas venu, comme pour l’historien politique que voici, le siècle de Philippe II — il faut bien en convenir ! […] … L’Historien catholique, qui n’est pas venu, s’il était venu et s’il eût écrit une histoire du temps de Philippe II, était seul capable d’avoir cette plume-là.
Bohèmes, malgré tout, cependant, ces derniers, malgré leur attitude de Staters et d’olympiens, leur importance, leur influence, leur situation dans tous les mondes, officiels ou non officiels, leurs chaires quand ils sont professeurs, leurs bibliothèques quand ils sont bibliothécaires, leurs palmes d’académiciens quand ils sont de l’Académie : — le signe essentiel, caractéristique, du bohème, n’étant pas de n’avoir point d’habit, mais de n’avoir point de principes, de manquer de l’asile sacré d’une morale fixe autour de la tête et du cœur, de vagabonder dans ses écrits à tout vent de doctrine, et, comme déjà nous l’avons dit, de vivre, enfant de la balle politique ou littéraire venu ou trouvé sous le chou de la circonstance, sans feu ni lieu intellectuel, — c’est-à-dire sans une religion ou sans une philosophie. […] Mais, après la prétention, et même avant, doit venir la définition. Qu’entendent-ils par honnêteté, ces moralistes semés par nous dans les plates-bandes du Journal des Débats, et qui sont venus en une nuit, comme des champignons ; qu’entendent-ils par l’honnêteté, qu’ils invoquent et dont ils se réclament ?
En conséquence, on ne manqua pas de le faire descendre, en droite ligne, de cet Hercule qui, du temps d’Évandre, était venu ou n’était pas venu en Italie. […] Il y a bien, dans une des presqu’îles de l’Inde, un chef de quelques bourgades, qui, assis tranquillement sur sa natte qu’il appelle son trône, dit froidement aux Européens qui le visitent : « Pourquoi ne viens-tu pas voir plus souvent le roi du ciel ?
les étrangers qui viennent chez vous, est-ce que vous ne les dominez pas ? […] Les appréhensions de ce genre viennent toujours d’une certaine oisiveté d’esprit. […] D’où vient donc la misère présente de cet art jadis glorieux ? […] La première inquiétude vint à Rachel, lorsqu’elle sentit que Luc commençait à penser. […] André Gide lui prête une générosité spontanée, dictée par les motifs que je viens d’indiquer.
Warren Hasting arrivait de l’Inde et venait d’être décrété d’accusation. […] Les petites anecdotes curieuses, les détails d’intérieur, la description d’un mobilier viennent couper l’exposé d’une guerre sans le rompre. […] John, le fils aîné du chef, accompagné par vingt hommes de son clan, vint à la rencontre des étrangers, et leur demanda ce que signifiait cette visite. Le lieutenant Lindsay répondit que les soldats venaient en amis et ne demandaient que des logements. […] Chaque jour il venait dans leur maison pour boire le coup du matin.
Véritable sœur d’André Chénier en instinct de dévouement, elle a un cri d’éloquence pour la reine, comme lui pour Louis XVI ; elle viendrait la défendre à la barre, s’il y avait chance de la sauver. […] » D’où vient maintenant qu’un poëte par l’âme et par l’expression, comme l’était Mme de Staël, abordant en vers un sentiment si profond chez elle, l’ait prosaïquement rendu ? […] Les libéraux et républicains se sont toujours montrés assez religieusement classiques en théorie littéraire, et c’est de l’autre côté qu’est venue principalement l’innovation poétique, l’audace brillante et couronnée. […] Se lancer ainsi du premier bond au delà du Rhin, c’était rompre brusquement d’une part avec Bonaparte irrité, c’était rompre aussi avec les habitudes de la philosophie du dix-huitième siècle, qu’elle venait en apparence d’épouser par un choix d’éclat. […] Un scrupule me vient : ce ne fut point au Lycée même, resté fidèle à l’esprit de la Révolution, que La Harpe dut professer ses palinodies anti-philosophiques, au moins les dernières.
Mais l’expérience vient démentir visiblement cette assertion. […] Viens à moi, Juvenal ! […] Le Poète vint & lut ; le Roi bâilla & mourut. […] Achille qui vient dire à Agamemnon. Un bruit assez étrange est venu jusqu’à moi.
A cet écueil vient se briser tout système de réalisme mathématique. […] Le progrès même de ces recherches vint les mettre en péril. […] Elle s’en tient au fait actuel et ne s’occupe ni des origines ni des possibilités à venir. […] D’où vient le lien ? […] D’où vient cette contradiction ?
Quand ces nations viennent à se rasseoir sur les débris du monde antique, un autre phénomène arrête l’historien : tout paraît subitement réglé, tout prend une face uniforme ; des monarchies partout ; à peine de petites républiques qui se changent elles-mêmes en principautés, ou qui sont absorbées par les royaumes voisins. […] Le christianisme a été l’ancre qui a fixé tant de nations flottantes ; il a retenu dans le port ces États qui se briseront peut-être, s’ils viennent à rompre l’anneau commun où la religion les tient attachés.
Le remede est trop foible et vient trop tard. […] Hé qu’y venez vous faire ? […] Venez dans ce temple, devoit-il dire à Thesée ; venez m’entendre sur ces autels redoutables, désavoüer avec serment le crime dont on m’accuse. […] La seconde raison vient du grand nombre des ouvrages. […] Venons à la maniere dont vous combattez mes sentimens.
Je viens d’acheter sous les galeries de l’Odéon une petite brochure intitulée Anti-Lucrèce 17, avec cette épigraphe, Servum pecus, et débutant ainsi : « Un avocat nous a été amené de Vienne en Dauphiné pour être un grand homme. » On l’avait fait venir d’Amiens pour être suisse.
Qu’on ne vienne plus dire que l’École poétique moderne a triomphé sur toute la ligne ; que Lamartine plane d’en haut ; que Victor Hugo, de son rocher de Guernesey, règne dans son soleil couchant et triomphe avec sa Légende des siècles ; M. […] Aujourd’hui, c’est d’Histoire qu’il vient nous entretenir et, s’il vous plaît, d’Histoire ecclésiastique, M.
Parodi est Italien de naissance et je ne sais s’il est venu en France de très bonne heure. […] Mais que de fois aussi le vers jaillit plein, sonore, tout d’une venue, éclatant de franchise et de verve.
Mais leur courage viendrait sans doute à défaillir s’il leur fallait constater que tous leurs efforts ne vont qu’à remplacer un mensonge par un autre et que les conditions mêmes de la vie phénoménale les condamnent à créer sans cesse des perspectives plus ou moins fausses. […] Avec cette conception de la vérité, telle qu’elle vient d’être analysée, on touche au ressort le plus important du mécanisme de la vie.
Les exemples viennent à l’appui des principes ; et une religion qui réclame Bacon, Newton, Bayle, Clarke, Leibnitz, Grotius, Pascal, Arnauld, Nicole, Malebranche, La Bruyère (sans parler des Pères de l’Église, ni de Bossuet, ni de Fénélon, ni de Massillon, ni de Bourdaloue, que nous voulons bien ne compter ici que comme orateurs), une telle religion peut se vanter d’être favorable à la philosophie. […] Les fins morales viennent par cet anneau se rattacher à cette métaphysique, qui n’est alors qu’un chemin plus sublime pour arriver à la vertu.
On guette avec impatience ce qui doit venir, sans pressentir de quel côté cela viendra et ce que cela sera. […] Les vieux la voient venir avec angoisse, car ils craignent de ne pas être témoins de sa fin. […] On a l’impression d’être à une mascarade où chacun est venu dans un déguisement et en tête. […] Stephens et James Collinson ainsi que le sculpteur Thomas Woolner vinrent s’y joindre. […] Elle voudrait que le bien-aimé fût déjà venu à elle, car il viendra.
Il vient fréquemment me surprendre à table, et, mettant de côté la sévérité philosophique, il est avec nous d’une humeur charmante… Que vous dirai-je de Bruttius ? […] Je ne vois pas moins familièrement les gens de lettres qui sont venus avec Cratippus. […] Virgile, le poète divin de Mantoue, était venu à Rome revendiquer, par l’entremise de Mécène, sa petite métairie paternelle dont la guerre civile l’avait dépouillé. […] Deux chapiteaux et deux tronçons de colonnes doriques viennent d’être exhumés des décombres ; ils prouvent qu’une certaine élégance attique avait pénétré avec l’ami de Mécène jusque dans ces cantons reculés. […] Virgile, fils d’un potier de Mantoue et né parmi les pasteurs et les laboureurs des collines du lac de Garde, composait des souvenirs de son enfance des tableaux vivants dans son âme, tableaux qui vivront autant que la nature ; sa supériorité didactique ne vient pas seulement du poète, elle vient du sujet.
La science vraiment élevée n’a commencé que le jour où la raison s’est prise au sérieux et s’est dit à elle-même : « Tout me fait défaut ; de moi seule viendra mon salut. » C’est alors qu’on se met résolument à l’œuvre ; c’est alors que tout reprend son prix en vue du résultat final. […] Ses vérités acquises ne sont pas de lourds théorèmes qui viennent poser à plein devant les esprits les plus grossiers. […] Mais un jour viendra où le stylet de la critique pénétrera à son tour les défauts de la carapace du croyant et atteindra la chair vive. […] Que vient faire dans ce monde de finesse et de ténuité infinie ce vulgaire bon sens avec ses lourdes allures, sa grosse voix et son rire satisfait ? […] Il vient des moments de dégel, où tout se couvre d’humidité, devient flasque et sans tenue.
Tout se réduit toujours à des manières différentes de vibrer, et l’organisme tout entier pourrait être comparé à une lyre vivante dont les cordes, d’abord à l’unisson, finiraient par se tendre de diverses manières et par rendre des sons divers sous la diversité des ondes vibratoires qui viennent les ébranler du dehors. […] Nous ne les sentons pas, ou nous ne les sentons que comme une masse confuse de sensations organiques et internes, sur lesquelles viennent se détacher ici le groupe tranché des odeurs, là le groupe tranché des sons. […] L’impossibilité de l’explication peut venir au contraire d’une trop grande complication. […] Une pareille explication, qui vient se confondre avec celle de Hartmann, n’est-elle pas encore plus inintelligible que le fait même à expliquer ? […] Ne faut-il pas toujours en venir à quelque chose qui soit senti d’une manière immédiate, à quelque « marque » qui se laisse apercevoir en elle-même et par elle-même ?
Le moment semble en effet venu pour les œuvres de Richard Wagner de s’introduire définitivement en nos pays de langue française. […] Et le peuple des amateurs, les artistes pauvres, venus grâce aux bourses de l’Association, ne mènent pas moins gaiement ces jours solennels de Bayreuth. […] de baisser les yeux : « Mais la harpe lance à toute volée un étincelant arpège. » « On dirait que la lumière vient d’éclater au milieu des ténèbres ». […] Vous reconnaîtrez à la coupe de son vêtement le bourgeois de la Saxe ou de la Bavière venu là par patriotisme. […] La Gazette de Cologne, en particulier, annonçait un jour que le roi venait d’offrir à son musicien favori une canne dont la pomme était un cygne en or ciselé et enrichi de brillants valant plusieurs milliers de ducats.
Mais c’est là ce qu’a fait ce dernier venu, Forneron. […] Mais leur tour n’est pas venu. […] Au moment où venait au monde l’enfant prédestiné à être encore plus le roi du Catholicisme que le roi de toutes les Espagnes, Charles-Quint apprenait avec triomphe le sac de Rome et la Papauté scélératement humiliée, et palpitait d’une joie politiquement impie sur le berceau de cet enfant. […] Cette âme du Moyen Âge attardée, qui vint après les choses du Moyen Âge dont le monde moderne, qui apparaissait, ne voulait plus, les haïsseurs de l’Église l’ont assez accusée de superstition, de fanatisme et d’idolâtrie, comme si l’idolâtrie n’était pas le plus intense caractère de l’amour ! […] … L’historien catholique qui n’est pas venu, s’il était venu et s’il eût écrit une histoire du temps de Philippe II, était seul capable d’avoir cette plume-là.
J’avais eu dès longtemps l’idée que le plus gai, le plus franc, le plus copieux et le plus ample de nos chansonniers manquait en effet à une série déjà si longue de poëtes, et qu’après tous ces élégiaques, tous ces lyriques, tous ces sensibles et ces délicats, presque tous mélancoliques et plaintifs, il fallait, lui aussi, l’introduire, dût-il venir un peu tard, pour être le boute-en-train de la bande. […] Son père, qui était venu s’établir à Paris, le mit pour faire ses études au collége Mazarin, et l’écolier, en terminant, y eut pour professeur de rhétorique Geoffroy, nature peu délicate assurément, mais plus nourri de l’antiquité et des Grecs qu’on ne l’était généralement alors, même au sein de l’Université. […] La révolution vint à la traverse et coupa en deux cette gaieté naissante qui allait si aisément prendre son essor. Au moment où la patrie pouvait sembler le moins regrettable, Désaugiers accompagna à Saint-Domingue sa sœur, qui venait d’épouser en France un colon de cette île. […] Les désastres de Saint-Domingue vinrent avertir les heureux colons que la foudre n’était pas loin.
C’est donc, selon la logique, le moment où il faut dire au lecteur : Voilà quel était ce personnage, voilà d’où il venait, voilà comment il était sorti de l’obscurité, voilà dans quelles dispositions de famille, de corps, d’esprit, de passion il arrivait pour participer à l’événement. […] Sa politique n’était que de l’engouement, son système n’était que son abandon alternatif à tous ceux qui lui promettaient le salut du roi. » XII Tout cela est parfaitement indulgent quoique parfaitement historique ; ce qui suit l’est également : « On en vint à la redouter dans le parti de la Révolution. […] XIII Après ce portrait de la cour, viennent ceux de l’Assemblée : on les a lus ; Robespierre vient le dernier. […] On eût dit qu’un génie intime et prophétique lui révélait d’avance la vanité de tous ces talents, la toute-puissance de la volonté et de la patience, et qu’une voix entendue de lui seul lui disait : “Ces hommes qui te méprisent t’appartiennent ; tous les détours de cette Révolution qui ne veut pas te voir viendront aboutir à toi, car tu t’es placé sur sa route comme l’inévitable excès auquel aboutit toute impulsion ! […] Disons-le hardiment, l’histoire à distance le dira un jour comme nous : il vint un moment où l’Assemblée constituante avait le droit de choisir entre la monarchie et la république, et où elle devait choisir la république.
D’où vient-il ? […] Et ils le regardent longtemps filer dans la foule comme les bergers de nos montagnes en ramenant leurs moutons bien comptés au village, les soirs d’un mois d’été, regardent tout ébahis glisser une étoile filante qui vient du ciel s’éteindre dans un étang, sans savoir ce qu’elle a à faire dans la vallée et quel message elle apporte ou elle remporte parmi eux. […] La chevalerie vient du Thibet et les montagnes sont sa patrie. […] Il vint ensuite me visiter à Saint-Point comme compatriote des rochers communs à nos deux familles du Jura. […] XXXI Quoique fort jeune en 1848, le poète de Saint-Lupicin, bien qu’issu comme moi de souche royaliste, fut convoqué par le peuple de son pays à venir au secours de la France sous la forme, alors la seule possible, d’une république de droit commun, sans privilège, sans dictature, et par conséquent sans proscriptions et sans échafauds.
Madame Bacciochi et M. de Fontanes vinrent lui faire les reproches de l’amitié épouvantée. […] Pasquier vint l’embrasser. […] Je fis venir d’Algérie, à la voix de sa mère, le général républicain qui devait me remplacer. […] LXVII Enfin la mort vint, à près de quatre-vingts ans, dénouer doucement cette vie si mémorable et souvent si coupable de ce grand homme. […] Atala vint ensuite et commença ses prodigieux succès.
C’est du Nord aujourd’hui que nous vient la lumière… Mais ne pouvant nier que Villon, Corneille, Malherbe, Baudelaire et Ronsard et quelques autres ne fussent point nés au-dessous de la Loire, M. […] Si parfois le Midi bouge, il bouge sur place, cependant que, par les siècles, les hommes du Nord, munis de haches ou d’arbalètes, vinrent conquérir les terres méridionales du loisir. […] Et que ce ne peut venir que d’un complet changement politique, qu’il faut donc s’empresser d’opérer. […] Et le tour des poètes viendra, Et le tour des poètes est venu… Fernand Gregh Je suis très étonné de la constatation faite par M. […] Raymond de La Tailhède, qui nous vient du Sud-Ouest, etc., etc.
Aux causes générales d’illusion qui troublent le jugement des contemporains sur les choses de la littérature, la politique de notre temps est venue ajouter les complaisances et les injustices de l’esprit de parti. […] L’ambition des reconstructions était venue après les grandes ruines. […] Un mot en dira plus que tout ce détail : tout y vient du cœur, même l’esprit, qui chez tant d’autres vient de la tête ; à plus forte raison la passion, si éloquente et si simple, dans les vers d’Alfred de Musset. […] Une mode vient-elle à tourner les esprits d’un autre côté, tout ce bruit cesse, et voilà de la pâture pour les rares curieux des livres qui ne se lisent plus. […] Tout y vient du temps, et ce qu’une mode y fait lire avec délices, une autre mode en dégoûte.
Dans une foule rassemblée sur une place, si quelque danger vient à se produire sur un point, les mouvements de recul pourront être prévus et affecter une forme mécanique. […] En même temps que l’origine appétitive des instincts, qui vient d’être mise en lumière, il faut reconnaître leur origine mécanique. […] De là vient qu’on donne ou refuse son assentiment à une proposition. […] De plus, la conscience de la volition présente, en la fixant dans la mémoire, lui assure une influence sur les volitions à venir. […] Il vient un moment où telle force l’emporte, c’est-à-dire où tels mouvements antérieurs invisibles aboutissent à telle résultante visible.
L’altruisme par-delà la tombe, cela consiste, dans tout ce que l’on fait, dans toutes les choses desquelles on s’occupe, à considérer la postérité qui va venir et à se dire : Mes arrière-neveux me devront cet ombrage… Eh bien ! […] Le Destin se montra soigneux de la pourvoir : Il vint des partis d’importance. […] Après les bons partis, les médiocres gens Vinrent se mettre sur les rangs. […] Un an se passe, et deux, avec inquiétude ; Le chagrin vient ensuite. […] Je dormais tranquillement, Quand un enfant s’en vint faire A ma porte quelque bruit.
Même son fauteuil d’académicien vint vers lui, à toutes roulettes, avec un empressement qui honorait ce fauteuil. […] Aurait-il même la science, la science qu’on peut toujours avoir quand on le veut et quand toutes les bibliothèques de France s’en viennent vers vous sur un signe, comme jadis y vint votre fauteuil d’académicien ? […] Si, de l’adjonction des capacités qu’il regrette, « on en est venu — dit Villemain — à ce qui lui ressemble le moins, le suffrage universel (nous croyons, nous, que c’est ce qui lui ressemble le plus), est-ce une raison pour ne plus souffrir dans le pays un degré supérieur, une aristocratie d’études destinée surtout à la classe aisée, et promettant, par l’habile emploi des premières années de la jeunesse, une recrue certaine d’esprits cultivés ? […] Le commencement paraît splendide ; le milieu brille encore des reflets d’une aurore évanouie, de ces reflets qui ne sont plus dans le ciel mais dont on garde longtemps l’impression dans les yeux ; puis vient la fin grise, déteinte, obscure : telle est l’histoire de Villemain. […] Antigone, voulant ajouter à une gloire qui devient de plus en plus incertaine, a, de ses trop pieuses mains, enterré définitivement son père sous le livre même qu’elle vient d’exhumer.
Nous croyons que les images se créent au fur et à mesure de leur apparition, justement parce qu’elles semblent nous apparaître, c’est-à-dire se produire devant nous et pour nous, venir à nous. […] Je vois aussi votre conscience voyageant perpendiculairement à ces « plans » superposés, ne prenant jamais connaissance que de celui qu’elle traverse, le percevant comme du présent, se souvenant alors de celui qu’elle laisse en arrière, mais ignorant ceux qui sont en avant et qui entrent tour à tour dans son présent pour venir aussitôt enrichir son passé. […] Elle vous donnera moins, car le tas d’images empilées qui constitue la totalité des états de l’univers n’a rien qui implique ou explique le mouvement par lequel votre Espace P les occupe tour à tour, ou par lequel (cela revient au même, selon vous) elles viennent tour à tour remplir l’Espace P où vous êtes. […] c’est l’action même ; et l’obligation où je suis de le vivre, l’impossibilité de jamais enjamber l’intervalle de temps à venir, suffiraient à me démontrer — si je n’en avais pas le sentiment immédiat — que l’avenir est réellement ouvert, imprévisible, indéterminé. […] Mettre ces fantaisies sur la même ligne que la réalité, dire que le mouvement effectivement générateur du bloc n’est que l’un quelconque des mouvements possibles, est négliger le second point sur lequel je viens d’attirer votre attention : dans le bloc tout fait, et affranchi de la durée où il se faisait, le résultat une fois obtenu et détaché ne porte plus la marque expresse du travail par lequel on l’obtint.
Aussi, je ferai remarquer tout d’abord, pour décharger ma conscience, que venir le présenter comme le type et le modèle de la Critique littéraire sous le premier Empire et mettre ce second titre, comme on l’a fait, au frontispice des deux volumes qu’on publie, c’est un peu abuser de la permission qu’on se donne généralement de grossir les choses dans le passé. […] Il se comporte avec Homère comme si tout était dit et épuisé à son sujet, comme si Wolf n’était pas venu. […] Il venait quelquefois à cheval faire sa leçon (je le répète comme on me l’a dit) et s’en retournait au galop ; mais, si le fait est vrai, cela doit remonter à un temps très ancien. […] Il avait consenti un jour à aller présider l’examen dans un pensionnat ou un couvent près de là : ces dames vinrent ensuite pour le remercier ; il ne les reçut point. […] « Le même, dans Bajazet : Quand je fais tout pour lui, s’il ne fait tout pour moi… « La Fontaine dans une fable (la 8me du livre XII) : Ce que je sais, c’est qu’aux grosses paroles On en vient sur un rien, plus des trois quarts du temps.
C’était le temps, il est vrai, où la philanthropie dans toute sa confiance et son ingénuité se donnait carrière, où le sentiment exalté d’humanité qu’aucun échec n’avait encore averti se passait toutes ses espérances et tous ses rêves, où des zélés en venaient jusqu’à proposer de créer des espions du mérite et de la vertu pour dénoncer les beaux génies inconnus et modestes, pour découvrir les belles actions cachées, avec la même vigilance et la même adresse qu’on met à découvrir les mauvaises. […] Morlot, qui lui dit : « Je viens pour vous défendre de veiller les nuits ; vous devez vous ménager pour les vôtres et pour les pauvres. » Et il lui remit une médaille avec cordon rouge. […] Lorsqu’il était malade, il lui demandait de venir le soigner : parfois, elle lui donnait des consolations (qui donc n’en a pas eu besoin ?) […] Je supprime les noms célèbres qui me viennent à la pensée et qui sont présents à la vôtre. […] J’aurais cru manquer de goût et de mesure en me permettant la moindre allusion publique à un livre dont le personnage type n’est point suffisamment connu, et n’est pas apprécié comme il pourrait l’être ; mais il n’est aucun des lecteurs du roman auquel ne soit venu en idée, en m’entendant célébrer le bon curé de Laviron, cet autre curé, si touchant et si respectable, honneur et douleur de la famille des Courbezon ; et je suis bien sûr de ne point manquer au respect que j’ai pour mon sujet, en glissant ici cette note qui satisfera les littérateurs et que comprendront les moralistes.
1834 Il est temps d’en venir, dans cette galerie qui sans cela resterait trop incomplète, au plus fécond, au plus en vogue des romanciers contemporains, au romancier du moment par excellence, à celui qui réunit en si grand nombre les qualités ou les défauts de vitesse, d’abondance, d’intérêt, de hasard et de prestige, que ce titre de conteur et de romancier suppose. […] Il a fallu que j’arrivasse à trente ans, que mes observations se soient mûries et condensées, qu’un jet de lumière les ait même encore éclairées, pour que je pusse comprendre toute la portée des phénomènes dont j’ai été le témoin ignorant. » Il fallut peut-être à M. de Balzac, pour éveiller et ressusciter cet ancien Lambert enseveli en lui, qu’un éclair lui vînt, tombé du front d’Hébal, ce noble frère de la même famille. […] Pour nous, qui n’avons plus qu’à passer l’éponge sur ces produits inconnus, incertains, désavoués, nous en venons à M. de Balzac qui se réveille un matin, sachant beaucoup du monde et des femmes, saisissant les tendresses, les ridicules, et débrouillant à la hâte au dedans de lui-même tout ce qu’il n’y avait point soupçonné jusqu’alors. […] Jeune, il est venu à Paris, vers l’an 1783 ; il s’est fait présenter dans les meilleures sociétés, chez Mme d’Egmont, chez Helvétius, qui pourtant était mort depuis plusieurs années ; mais peu importe l’anachronisme. […] il n’était pas encore le grand homme que nous savons ; il vint un matin chez moi et me dit : “ Mon cher ami, il faut que vous me fassiez le plaisir d’accepter de moi quelque chose… ” Je m’excusais, il insista. — “ A la bonne heure, ” lui dis-je… — “ Il faut, ajouta-t-il, que vous acceptiez mon cheval arabe… ” — “ Un cheval arabe !
Par sa famille, il avait pris les traditions et le ton du xviiie siècle ; avant d’être venu à Paris, il était Parisien. […] J’a cru un instant rencontrer une critique à faire à propos de Saint-Évremond, dont le nom venait un peu tard dans la série, après Rollin ; mais à peine avais-je achevé de lire la phrase, que l’adresse de l’auteur l’avait déjà fait rentrer dans le tissu et ma critique était déjouée. […] Dès qu’on en vient là, il hésite un peu, il parle des maîtres de la lyre et s’y replie scrupuleusement. […] c’est la fuite des choses, Le souvenir des maux qu’on ne peut réparer, Qui m’évoquent chez vous quand la Nuit vient errer Sur le large horizon parmi l’or ou les roses ! […] Arnault, j’en suis venu à reconnaître que M.
Les résultats essentiels qui se tirent de ce mâle et simple récit sont passés dans le fond de leurs opinions et presque de leurs dogmes : cela fait partie de cet héritage commun sur lequel on vit et qu’on ne discute plus, et je doute fort qu’à mesure qu’on ira plus avant dans les voies modernes, et que par conséquent on trouvera plus simple et plus nécessaire ce qui s’est accompli, on en vienne jamais à remettre en cause les articles, même rigides, de ce jugement historique et à les casser. Je vois d’ici venir plus d’un historien futur : on commencera avec le projet de contredire ; puis, chemin faisant, on se trouvera converti, entraîné par le cours des choses, et l’on conclura peu différemment. […] Il avait poussé assez avant ce grand travail, lorsque les événements politiques de 1829-1830 le vinrent distraire et appliquer tout entier avec ses amis à l’entreprise du National. […] Cette position centrale de haute administration et d’études est celle que l’historien a gardée depuis, et qu’il a même su défendre au besoin contre les tentations politiques dont plus d’une l’est venue chercher. […] Nous avons à dire quelques mots des principaux écrits que nous venons d’énumérer ; mais, avant tout, nous parlerons de la manière dont M.Mignet conçoit en général l’histoire elle-même.
Cependant ce gonflement maladroit a moins nui aux Essais qu’il n’aurait fait à un ouvrage mieux composé : comme rien ne se tient, chaque morceau vaut en soi, et ne saurait être affecté de son entourage ; peu importe où ni quand il vienne. […] C’est le moins styliste, le moins puriste des hommes : il n’est pas « de ceux qui pensent la bonne rhythme faire le bon poème », et il n’a cure d’où viennent les mots qui rendent sa pensée : « C’est aux paroles à servir et à suivre ; et que le gascon y arrive, si le français n’y peut aller236 ». […] Mais il ne se pique pas d’inventer : il estime notre langue suffisante, à condition qu’on l’exploite et la cultive. « La recherche des phrases nouvelles et des mots peu connus, disait-il, vient d’une ambition scolastique et puérile : puissé-je ne me servir que de ceux qui servent aux halles à Paris. » Il devait donc moins chercher que fuir le néologisme, et peut-être Calvin et Amyot ont-ils hasardé plus de mots que lui. […] Il dit mon page, mes ancêtres, le tombeau de mes ancêtres : il ne sait d’où est venu à un de ses ascendants l’idée de ce surnom d’Eyquem. […] Mais enfin, elle vient parfois : la gravelle tient Montaigne.
Les détails précis abondent sur l’organisation de ce monde singulier, sur sa hiérarchie, ses règles, ses usages, même sur sa garde-robe ; et ces détails viennent naturellement, au courant de récits ou de conversations. […] Puis le scepticisme, le sens critique, le sentiment du ridicule, l’ironie, qui vient du diable, sont tout ce qu’il y a de plus opposé à l’esprit de sa profession. […] V Après les humbles, voici venir les orgueilleux. […] Voici ce qu’on chante à une « première messe » : Vous, anges de la loi de grâce, Venez tomber à ses genoux, Et devant ce prêtre qui passe, Anges du ciel, prosternez-vous. […] Lors donc que le désir vient à quelques-uns de secouer ce joug et aussi de goûter dans toute leur étendue ces joies superbes de la domination spirituelle, ce qu’ils voient forcément au fond de leurs rêves ambitieux, c’est l’épiscopat, à moins que ce ne soit la direction de quelque ordre monastique.
Outre donc ce qui manquait à l’ordre des vérités philosophiques transmises par l’antiquité au monde moderne, tout un ordre nouveau de vérités morales devait venir du christianisme par la voix de la Réforme, c’est-à-dire de la renaissance de l’antiquité chrétienne. […] On faisait venir presbyter de prœbens iter 69 ; pourquoi pas, dit Henri Estienne, prae aliis bibens ter 70 ? […] Les principes, c’est à savoir les paroles mêmes des livres saints, sont d’abord exposés et interprétés ; puis viennent les témoignages tirés des Pères, dont la suite forme la tradition consacrée dans la matière ; la réfutation des objections suit en dernier lieu. […] Dans un esprit médiocre, le penchant à l’injure vient d’intempérance et de faiblesse, dans un esprit supérieur, c’est le plus souvent la marque de l’excès de confiance dans sa logique. […] Calvin s’était trahi dans une lettre écrite dès 1546, à l’époque où Servet songeait à venir à Genève : « S’il y vient, écrivait-il à son collègue Farel, pour peu que mon autorité puisse prévaloir, je ne souffrirai pas qu’il en sorte vivant76. » Le logicien de la prédestination exécutait sept ans d’avance les prétendus jugements de Dieu, tant il croyait le repentir impossible au prédestiné !
L’idée de placer la France du dix-septième siècle à la tête de l’Europe intellectuelle, de faire accepter de tout le monde l’appellation du Siècle de Louis XIV, de présenter à l’esprit humain, comme sa plus parfaite image, l’esprit français personnifié dans nos écrivains, nos savants et nos artistes, cette idée-là ne vint à Voltaire ni d’un besoin public, ni d’une invitation de la mode. […] Je ne me dissimule pas d’ailleurs que l’Essai sur les mœurs et l’esprit des nations ne soit un livre pour lequel l’heure de l’impartialité n’est pas encore venue. Viendra-t-elle même jamais ? […] « Il m’est venu un bien grand souci, écrivait saint Augustin à un personnage puissant, c’est que Ta Sublimité croie devoir infliger à ces coupables la rigueur de la loi du talion. […] J’en viens au meilleur, au plus charmant, au moins contesté des titres de Voltaire, sa Correspondance.
Un jour viendra où la société sera possible sans esclave, bien que vous, philosophe, ne puissiez l’imaginer », Sénèque n’aurait pas cru sans doute ; peut-être pourtant aurait-il consenti à ne pas faire battre de verges cet innocent rêveur. […] Cette vague venait si fière et elle s’est brisée au grain de sable, et elle expire en caressant faiblement la rive qu’elle semblait vouloir dévorer. […] Tout autre aura le même sort, si une loi périodique, qui lui serait au fond plus favorable qu’on ne pense, ne vient à temps le délivrer du pouvoir. […] S’il venait un jour où l’humanité eût de nouveau besoin d’être gouvernée à la vieille manière, de subir un code à la Lycurgue, cela serait de droit 173. […] Il vient un jour où le parti rétrograde est obligé de se poser en persécuté et de réclamer pour lui les principes qu’il avait combattus.
Que si quelque événement public venait à éclater et à faire vibrer les âmes, il y prenait part avec ardeur, avec élévation ; mais il aimait à rentrer aussitôt après dans ses studieux sentiers, du côté où était sa « ruche », toute remplie, comme il dit, d’un « poétique miel ». Tel il fut pendant des années, avant que le grand orage vînt l’arracher à ses pensées habituelles et le lancer dans l’arène politique. Isolé par goût, sans autre ambition que celle des lettres, des « saintes lettres », comme il les appelle, n’aspirant à rien tant qu’à les voir se retremper aux grandes sources et se régénérer, ne désespérant point d’y aider pour sa part en un siècle dont il appréciait les germes de vie et aussi la corruption et la décadence, il n’entra jamais dans la politique qu’à la façon d’un particulier généreux qui vient remplir son devoir envers la cause commune, dire tout haut ce qu’il pense, applaudir ou s’indigner énergiquement. […] Ce qui me frappe, c’est la raison et l’énergie : l’idée du talent ne vient qu’après. […] La journée du 10 août vint mettre fin à la discussion libre.
Sans parler des maîtres de la philosophie officielle, dont l’enseignement, donné sous forme spiritualiste ou kantienne, fonde la morale sur cette croyance, un penseur comme Amiel en vient à ce compromis de formuler que si l’homme n’est pas libre absolument, du moins il y a du jeu dans le mécanisme de nécessité qui le contraint. […] Il est, à vrai dire, le lieu où des êtres vivants, que d’un terme abstrait nous nommons des instincts, viennent en contact, et, s’unissant ou s’opposant, forment des gouvernements où tel groupe est tour à tour prépondérant. […] Vient-il d’ailleurs à perdre la faculté de ressentir le besoin, qu’il tombe dans l’ennui. […] Enfin, dès que l’on interroge les philosophies, et à mesure que l’on s’adresse aux plus récentes et aux plus hautes, on constate que leurs réponses impliquent des affirmations de plus en plus vagues pour venir jusqu’à n’en plus formuler aucune, ou jusqu’à nier la réalité de l’objet que le désir humain leur avait ordonné de découvrir. […] À la mort naturelle, qui vient à son heure par usure de l’organisme, il a substitué, par le fait de l’intervention médicale, d’innombrables causes de mort lente, d’innombrables maladies diverses.
Si elle lisait quelques livres de plus que les moult génies et nobles damoyselles de sa famille à l’époque des premières Croisades, c’est que l’auteur, au capuchon baissé, de l’Imitation, François de Sales et Fénelon sont venus longtemps après Saint Louis. […] À midi, elle retournait à sa chambre et récitait l’Angelus ; puis venait le dîner. […] Pour contre-balancer, du reste, le mépris des forts qui nous menace, imaginons ce que penserait Pascal, entre les écrits d’Eugénie de Guérin et la vie qu’elle a menée, — lui qui disait que toutes les conquêtes, révolutions et remuements de l’histoire viennent « de cela que certains hommes n’ont pas su rester assis tranquillement dans une chambre », et qui en riait comme il savait rire, ce formidable plaisant ! […] Tirée de sa campagne, amenée en parure, comme une princesse des contes de fées, sous l’éclat intimidant des lustres, elle y vint sans embarras, sans disgrâce, avec un aplomb chaste et patricien qui disait bien, malgré les torts de la fortune, pour quel rôle social elle était faite. […] « Je crois bien qu’elle vit venir la mort, — a écrit Mlle Marie, sa sœur, — mais elle n’en parlait pas : elle aurait craint de nous faire mal.
Au 4 août 1914, derrière les pontifes du socialisme que nous venons d’entendre, tous les militants se sont scandalisés et irrités. […] Et combien aussi les faits viennent justifier les critiques que les anciens de l’Internationale formulaient contre le Socialisme allemand ! […] Gauthiot disait encore : « Pour le socialiste à l’armée, la confiance ne vient pas des galons. […] Ils viennent d’affirmer devant nous, tout en se battant, leur internationalisme et leur pacifisme ; mais tout de même les événements sont de grands maîtres, et, pour échapper au joug intolérable du kaiser, ces révolutionnaires soldats ont dû consentir de sérieuses retouches à leur conception de la vie. […] Il en vient à donner à ce respect du travail manuel une nuance presque religieuse.
Dévoré de désir de se consacrer à Dieu et contrarié sans doute par les desseins de sa famille qui le voulait engager dans l’état paternel, il se déroba par la fuite, vint à Paris sans l’aveu de ses parents, et se jeta dans le noviciat des Jésuites. […] Après avoir prêché avec éclat dans diverses villes de province, et y avoir achevé son apprentissage de la parole publique, Bourdaloue revint à Paris en 1669, et y parut dans l’église de la maison professe des Jésuites, où la foule venait l’entendre : il y débuta en orateur consommé. […] Je sentais s’évanouir également ces idées naturelles ou plutôt de naturaliste et de médecin, qui ne s’y sont pas moins glissées ; ce qui faisait dire à Pline l’Ancien que de toutes les morts la mort subite était la plus enviable « et le comble du bonheur de la vie » ; ce qui a fait dire également à Buffon « que la plupart des hommes meurent sans le savoir ; que la mort n’est pas une chose aussi terrible que nous nous l’imaginons ; que nous la jugeons mal de loin ; que c’est un spectre qui nous épouvante à une certaine distance, et qui disparaît lorsqu’on vient à en approcher de près… ». […] Car dans ce rappel mainte fois répété : Memento, homo…, l’orateur tout à coup se retourne plus particulièrement vers quelques-uns de ceux qui l’écoutent, l’ambitieux, l’avare et l’homme de fortune, le grand seigneur, la femme mondaine, et il leur dit, à chacun, après une description particulière de leur mal et en leur étalant une poussière de mort, semblable à la leur, à ce qu’elle sera un jour : Venez et voyez ! […] [NdA] Le Mercure galant, de juin 1679 (p. 274), annonce que le père Bourdaloue vient d’être nommé prédicateur ordinaire du roi.
Lorsque Bourdaloue parut dans la chaire (1670), un grand événement excitait au plus haut degré l’intérêt dans l’Église de France : les querelles envenimées entre ceux qu’on appelait jansénistes et le pouvoir temporel et spirituel, l’espèce de proscription qui avait mis quelques-uns des principaux chefs du parti à la Bastille, et qui avait dispersé les autres en tous sens, venaient tout d’un coup de s’apaiser ; Rome elle-même avait donné le signal de cette indulgence ; il y avait la paix de l’Église, qui ne devait être qu’une trêve. […] C’est au milieu de ces circonstances (que je ne puis ici qu’esquisser légèrement, mais bien faites pour inspirer une curiosité dont nous n’avons plus idée), que le jésuite Bourdaloue, montant avec éclat dans les chaires de la capitale et dans celle des Tuileries, venait inopinément relever, soutenir l’honneur de son ordre, et planter à son tour le drapeau d’une prédication pressante, éloquente, austère. […] Or qu’était-ce au juste que M. de Tréville, et d’où vient l’intérêt que mettait à ce qui le concernait toute la Cour, et qu’y mettait Bourdaloue lui-même ? […] Il va sans dire que je ne prétends point en ce moment revenir sur le fond des Provinciales, rechercher de qui sont venus les premiers torts, et me constituer arbitre entre Pascal et Bourdaloue : je ne m’applique qu’à démontrer la méthode et l’art de ce dernier. […] Le théologien et futur évêque anglican Burnet, qui était venu en France peu de temps auparavant (1683), et qui y avait vu les hommes les plus distingués en doctrine et en piété (sans oublier M. de Tréville qui venait de reparaître dans le monde), n’avait pas manqué de chercher Bourdaloue : Je fus mené par un évêque, dit-il, aux Jésuites de la rue Saint-Antoine ; j’y vis le père Bourdaloue, estimé le plus grand prédicateur de son temps et l’ornement de son ordre.
Il vint au monde en 1626 à La Chapelle, près de Saint-Denis d’où on lui donna son nom. […] À qui lira de près cet endroit du Voyage en regard de la satire de Boileau, il paraîtra même qu’il y a ici quelque avantage sur cette satire : outre le mérite d’être antérieur par la date et d’avoir indiqué le tour, c’est plus finement venu et moins composé. […] Le bel esprit a changé de forme depuis Chapelle : Gentil-Bernard et Dorat sont venus, qui ont donné à la poésie dite fugitive un certain ton fringant, pimpant, ton de dragon et de mousquetaire. […] Nous n’avions pas une voile, et cependant le navire faisait trois lieues par heure, Peins-toi réunis le sifflement du vent et de la pluie, les éclats du tonnerre, le mugissement des flots qui venaient se briser avec impétuosité contre le vaisseau, et un bourdonnement sourd et continuel dans les cordages ; ajoute à tout cela l’obscurité la plus profonde et un brouillard presque solide que l’ouragan chassait avec violence, et tu auras une légère idée de ce que j’observais alors tout à mon aise. […] Une femme qui venait d’accoucher avait vu un globe de feu au pied de son lit.
à quinze ans ou à dix-huit, vous comprendriez Virgile, Homère et Tacite, et vous ne sauriez point ces choses qui de toutes parts viennent piquer votre curiosité et tenter vos yeux ! […] Ceux qui sont venus un peu plus tard ont encore hérité de ce mouvement et de cette impulsion antérieure, et ils en aiment le souvenir. […] Les personnes qui avaient pu s’effaroucher d’abord en craignant que ces études sérieuses trop multipliées ne vinssent peser sur l’esprit de la jeunesse et l’accabler tristement, devront se rassurer en voyant le sens et la proportion dans lesquels elles sont enseignées. […] On en vint à se servir des parapluies, et cependant l’usage prévatut de garder cette forme de chapeaux, quoiqu’elle fût plus incommode qu’utile. […] [NdA] Je voulais parler de la chaire de Poésie latine au Collège de France à laquelle je venais d’être nommé, sur la présentation presque unanime du Collège même et de l’Académie des inscriptions.
Elle le protégeait en toute rencontre ; quand l’âge de l’étude vint pour lui, elle l’y excita en lui faisant honte de négliger ses talents ; elle était sa confidente la plus chère avant qu’il connût le mal : c’était son bon génie. […] Dans sa première année de règne, Frédéric va visiter sa sœur à l’Ermitage près de Bareith, elle vient à son tour le visiter à Berlin ; l’amitié, et une amitié vive, exaltée, n’a cessé de respirer dans tout ce qu’ils s’écrivent ; Frédéric s’en inspire même pour faire d’assez jolis vers. […] Il m’a promis de venir, l’année qui vient, passer trois mois chez moi, et alors nous capitulerons peut-être pour plus longtemps. […] Alphonse François, dans une lettre à Moncrif, datée de Colmar le 24 avril 1754 (tome i, page 241) : Je fus tout ébahi hier quand on vint me dire dans ma solitude de Colmar que la sœur du roi de Prusse, Mme la margrave de Bareith, m’attendait à souper, et où ?
Le jour où elle placera sa chaire sur une borne, je croirai au salut du peuple. » Ce jour est bien éloigné, s’il doit jamais venir : la borne est bien souvent un écueil. […] Pour cela, il ne faut que vouloir à votre âge ; continuez de chanter ; votre voix n’est pas celle de tout le monde… » Et comme il s’agit de vers, et que c’est à un rimeur qu’il a affaire, il ajoute, en appuyant sur la corde sensible : « Le bien que je vous ai dit de vos vers, ceux-ci viennent le confirmer. […] Je crois plutôt que, nous autres, qui venons au monde pour écrire, grands ou petits, philosophes ou chansonniers, nous naissons avec une écritoire dans la cervelle. […] » On ne saurait mieux dire. — Tout ce qui a touché au romantisme, du temps des belles ardeurs, doit lui savoir gré de la manière dont il remet au pas une de ses plus vieilles connaissances, un classique maussade et saugrenu, à qui l’envie était venue un peu tard d’entrer en lice, satire ou comédie en main, et de pulvériser les modernes. […] Depuis que j’ai publié mon premier article sur Béranger, il m’est venu des communications toutes bénévoles.
Elle y vient d’abord sans savoir où elle est, ni chez qui. […] Il faut au moins s’entrevoir… « Vous allez voyager, il est tout simple de vous dire que vous penserez quelquefois à moi ; pensez-y surtout quand le soir viendra et que la voiture montera lentement une côte ; imaginez que je suis auprès de vous et que nous ne sommes pas seuls, mais que j’ai pris votre main sous votre mantelet. […] La désillusion est venue d’elle, d’elle seule, mais elle est venue. […] Il avait, à côté du boudoir et du mystère, ce qu’il appelle quelque part « sa cour des miracles et ses truands. » Il nous y faut venir ; mais il est vraiment trop tard pour aujourd’hui.
Je note dans Émile quantités de pensées délicates et pures sur les femmes : « La femme qui vous aime n’est qu’une femme ; celle que nous aimons est un être céleste dont tous les défauts se cachent sous le prisme à travers lequel il vous apparaît. » Ou encore : « Une femme dont on est aimé est une vanité ; une femme que l’on aime est une religion : vous serez tout pour moi, existence, vanité, religion, bonheur, tout. » « Les femmes, qui sont si habiles en dissimulation, feignent plus adroitement que nous un sentiment qu’elles n’éprouvent pas ; mais elles cachent moins bien que les hommes une affection sincère et passionnée, parce qu’elles s’y adonnent davantage. » Sur le bienfait, qui produit des effets si différents selon la terre qui le reçoit, selon les cœurs sur lesquels il tombe : « Toutes les fois que le bienfait ne pénètre et ne touche pas le cœur, il blesse et irrite la vanité. » Sur le désabusement qui vient si tôt, qui devance les saisons, et qui n’est pas même en rapport avec la durée naturelle de la vie : « Il y a un certain âge dans la vie où l’exaltation n’est plus possible ; la sensibilité peut être assez profonde pour assister au spectacle de tant de maux et de tant de douleurs sans être entièrement usée, mais l’exaltation n’a jamais résisté à l’expérience du cœur humain. […] « Pour surgir de l’obscurité il n’est plus qu’un moyen, grattez la terre avec vos ongles, si vous n’avez pas d’outils, mais grattez-la jusqu’à ce que vous ayez arraché une mine de ses entrailles… Quand vous l’aurez trouvée, on viendra vous la disputer, peut-être vous l’enlever ; mais, si vous êtes le plus fort, on viendra vous flatter, et, quand vous n’aurez plus besoin de personne, on viendra vous secourir. » Et ceci encore, qui est dit d’ailleurs en bonne part et sans amertume : « Le temps de la métaphysique a passé. […] « Moins qu’à tout autre, je le sais, il m’appartient, en cette douloureuse circonstance, de prononcer ici les noms de la Religion et de la Raison ; aussi leur langage élevé n’est-il pas celui que je viens faire entendre, mais l’humble langage qui me convient… » Et il donnait quelques conseils pratiques, des conseils qui s’adressaient particulièrement aux témoins, seuls juges du cas d’inévitable extrémité auquel il fallait réduire de plus en plus cette odieuse pratique, débris persistant d’une autre époque.
Quand je dis qu’il l’exalte, je vais trop loin : il le décrit lui et son œuvre, mais il les décrit de telle sorte que sa parole rend le tableau à vous en faire venir l’impression au vif et jusqu’à la peau. […] Taine ; et puisqu’il faut bien, sous peine de monotonie, varier la louange par quelque chicane, je me permettrai de venir le contrarier un peu sur ce point. […] Oui, il était attentif à tout, même dans la conversation ; oui, quand une pensée, une expression heureuse, délicate ou vive, passait devant lui ou lui venait à l’esprit, il était empressé à la recueillir : toujours inquiet du mieux et de l’excellent, il l’amassait goutte à goutte et n’en laissait volontairement distraire aucune parcelle ; il s’y consumait, il se relevait la nuit quand il le fallait, et, comme il ne pouvait se servir seul, il faisait relever son monde, même en hiver, pour écrire une pensée qu’il craignait de perdre, et qui lui aurait échappé au réveil ; car plus d’une de nos pensées, et des meilleures, sont souvent noyées et englouties à jamais entre deux sommeils, comme les Égyptiens dans la mer Rouge. […] en sortant de l’ordre de création, de cette création aveugle et un peu fumeuse, en daignant entrer dans la sphère sereine et tempérée des idées morales, des pensées justes, lucides, des réflexions élevées ou fines qui sont proprement l’objet et, comme dirait Montaigne, le gibier des philosophes et des sages, ne raillons pas trop ce curieux et aimable Pope d’avoir écouté si soigneusement la voix de son démon à lui et de son génie, d’avoir prêté l’oreille aux inspirations purement abstraites et spirituelles qui s’élèvent dans la solitude du cabinet ou dans l’entretien à deux quand on se promène en quelque allée de Tibur ou de Tusculum ; et quand l’esprit, tout en restant calme, se sent excité par l’émulation ou la douce contradiction d’un ami, ne nous scandalisons pas si lui-même, venant avec une sorte d’ingénuité nous initier à sa préoccupation littéraire constante, il nous fait la confidence que voici : « Une fois que Swift et moi nous étions ensemble à la campagne pour quelque temps, il m’arriva un jour de lui dire que si l’on prenait note des pensées qui viennent à l’esprit, à l’improviste, quand on se promène dans les champs ou qu’on flâne dans son cabinet, il y en aurait peut-être quelques-unes qui vaudraient bien celles qui ont été le plus méditées. […] Ce livre d’une critique originale et hardie est comme un arbre venu en pleine terre et qui pousse tous ses rameaux dans le sens et au profit de la sève anglo-saxonne.
Dauban, l’éditeur actuel des Mémoires de Mme Roland et qui arrive à sa date, 71 ans après la mort de cette femme illustre, a beau jeu pour venir nous développer aujourd’hui sa doctrine austère ; il est bon, toutefois, de l’entendre à ce sujet. […] « Je suis un peu embarrassée », dit Mme Roland lorsqu’elle en vient à cette histoire, « de ce que j’ai à raconter ici ; car je veux que mon écrit soit chaste, puisque ma personne n’a pas cessé de l’être, et pourtant ce que je dois dire ne l’est pas trop. » Et en finissant ce récit, de tout point fort circonstancié, elle ajoute : « L’impression de ce qui s’était passé demeura si forte chez moi que, même dans l’âge des lumières et de la raison, je ne me le rappelais qu’avec peine ; que je n’en ai jamais ouvert la bouche à une intime amie qui eut toute ma confiance ; que je l’ai constamment tu à mon mari, à qui je ne cèle pas grand’chose, et qu’il m’a fallu faire dans ce moment même autant d’efforts pour l’écrire que Rousseau en fit pour consigner l’histoire de son ruban volé, avec laquelle la mienne n’a pourtant pas de comparaison. » Je sais bien d’autres histoires des Confessions avec lesquelles celle-ci a plus de ressemblance qu’avec le ruban volé, et ce sont les plus laides ; il suffit, je ne les indiquerai pas avec plus de précision. […] C’est là véritablement une conquête biographique et psychologique importante, que les Lettres inédites à Buzot viennent compléter et couronner. […] Dès que je suis libre, je remonte au cabinet commencer ou continuer d’écrire ; mais, quand le soir arrive, le bon frère nous rejoint ; on lit des journaux ou quelque chose de meilleur ; il vient parfois quelques hommes ; si ce n’est pas moi qui fasse la lecture, je couds modestement en l’écoutant, et j’ai soin que l’enfant ne l’interrompe pas, car il ne nous quitte jamais, si ce n’est lors de quelque repas de cérémonie : comme je ne veux point qu’il embarrasse personne ni qu’il occupe de lui, il demeure à son appartement ou il va promener avec sa bonne et ne paraît qu’à la fin du dessert. […] Mais la Révolution vint ; le cadre s’élargit, la scène s’embrasa, tous les souffles se déchaînèrent ; le milieu favorable aux passions était trouvé.
Venons-en à ce qui semblera un peu moins naturel, à ses lettres d’amour, à cette passion des derniers temps à laquelle l’enhardit la Révolution et dont elle a dit avec justesse : « J’ai connu ces sentiments généreux et terribles qui ne s’enflamment : jamais davantage que dans les bouleversements politiques et la confusion de tous les rapports sociaux. » Elle avait de bonne heure trop réfléchi à l’amour pour le ressentir dans toute sa naïveté. […] » Après quelques raisonnements d’une banalité un peu novice, elle en vient à se peindre elle-même sous le nom de Chloé ; elle semble y faire allusion à son goût de jeune fille pour La Blancherie. […] Je suis venue ici, fière et tranquille, formant des vœux et gardant encore quelque espoir pour les défenseurs de la Liberté ; lorsque j’ai appris le décret d’arrestation contre les vingt-deux, je me suis écriée : Mon pays est perdu ! […] On rougit presque, dans une situation pareille, de venir relever des fautes de goût ; mais à quoi serions-nous bon sans cela ? […] Il y a aussi, à l’occasion de Mme Roland, à dire quelque chose de la femme moderne, de celle de la société présente et à venir ; car elle est un des chefs du cortège, un des guides de la procession future.
Le IXe livre, qui montre Agamemnon résigné à tout céder à Achille, semble néanmoins prématuré et anticipe trop sur le dénoûment ; il vient sans préparation ; il a l’air d’une addition postérieure qu’on n’aura pas voulu laisser en dehors, « et qui n’est nullement en harmonie avec ce grand courant de l’Achilléide qui coule depuis le XIe livre jusqu’au XXIIe. » M. […] Une corporation de chantres, une confrérie tout entière, instituée dans l’île ionienne de Chio, fit de bonne heure de ce nom du grand aveugle le nom patronymique et sacré de la famille des Homérides : toute grande création, et même toute production moyenne12, issue de son sein et propagée par ses membres avec une piété filiale, se renfermait pour elle et venait se placer sous ce nom générique et à demi divin d’Homère : toute autre personnalité avait disparu. […] Grote, un premier Homère de l’Achilléide, un autre Homère d’une Iliade première et restreinte : puis est venu un Homère plus grand et plus ample, le véritable, les embrassant tous deux et les enserrant de son onde puissante comme le fleuve Océan ; puis il y a eu un autre Homère plus doux, plus apaisé, plus lent, plus pareil au soleil couchant dont parle Longin, l’Homère de l’Odyssée. […] C’est dans le texte infime, dans l’étude des tours, des idiotismes propres à l’improvisateur, de ses artifices, qu’il faut chercher la solution de la question que vous venez d’effleurer. » Ici nous rentrons dans les sentiments et les nuances du goût individuel, dans ce qu’il y a de moins transmissible et de moins démontrable. […] Ils viennent d’être le sujet d’une savante étude et d’un examen vraiment critique de la part d’un des jeunes représentants de l’école française.
Le grand siècle du goût, qui allait finir, n’avait pas été précisément le siècle de la philosophie, de la science et des lumières : il s’agissait, l’heure venue, de les introduire. […] Non content de conjecturer qu’il y a des êtres vivants dans les planètes, il veut savoir que ce sont des hommes, des espèces d’humanités ; il veut en venir à deviner, à pénétrer le mode de penser et de sentir, sur quelques points essentiels, de ces humanités si diverses et sans doute fort disparates. […] Pezzani n’hésite pas à affirmer que le vrai christianisme n’a pas à se soucier de cette pluralité des mondes ; qu’il n’en saurait être compromis ; que la venue du Messie n’est point d’ailleurs bornée nécessairement à notre terre ; qu’elle n’est qu’un cas particulier d’une loi divine plus générale. […] Elles ont rendu d’importants services à la navigation et à la géographie ; mais leur plus grand bienfait est d’avoir dissipé les craintes produites par les phénomènes célestes et détruit les erreurs nées de l’ignorance de nos vrais rapports avec la nature ; erreurs et craintes qui renaîtraient promptement si le flambeau des sciences venait à s’éteindre. » — Depuis que cet article est écrit, j’ai su que la question de Galilée, de son procès et de son abjuration, avait été traitée à fond par M. […] N’oublions pas dans quelles dispositions était le savant lorsque lui vint la première idée de ce travail.
Élu grand maître de l’Ordre maçonnique à la mort du duc d’Antin, il y laissa introduire le désordre par son absence et sa complète incurie ; il fallut, après lui, en venir à une réforme. […] Et nous tous, qui que nous soyons, nés heureusement à une époque d’égalité, — de presque égalité, — quand nous avons à juger ces régimes antérieurs et les hommes qui en font partie, qui nous les représentent par des aspects criants, justice est que nous nous disions : Qu’aurions-nous été nous-mêmes, qu’aurions-nous fait, si nous étions venus dans des conditions pareilles où l’on se croit tout permis ? […] Le même Rochambeau nous donne un détail que Valfons, tout occupé de ses affaires personnelles et de ses griefs, a négligé : « M. le comte de Clermont étant entré dans la ville et logé à l’évêché, l’évêque vint lui donner une alarme qui était très bien fondée. […] Voyant enfin qu’il ne pouvait rien obtenir, il y vint lui-même : il dit avec vivacité à M. le comte de Clermont qu’il lui demandait permission de marcher, au nom de toute l’armée. […] Le comte d’Estrées, bouillant d’ardeur, vint à M. le comte de Clermont lui montrer le corps que nous avions combattu se retirant dans le plus grand désordre, et la facilité qu’il y aurait à culbuter dans la Meuse tout ce que nous avions devant nous.
Molière, La Fontaine, et Mme de Sévigné appartiennent à une génération littéraire qui précéda celle dont Racine et Boileau furent les chefs, et ils se distinguent de ces derniers par divers traits qui tiennent à la fois à la nature de leurs génies et à la date de leur venue. […] Mme de Sévigné loue continuellement sa fille sur ce chapitre des lettres : « Vous avez des pensées et des tirades incomparables. » Et elle raconte qu’elle en lit par-ci par-là certains endroits choisis aux gens qui en sont dignes : « quelquefois j’en donne aussi une petite part à Mme de Villars, mais elle s’attache aux tendresses, et les larmes lui en viennent aux yeux. » Si on a contesté à Mme de Sévigné la naïveté de ses lettres, on ne lui a pas moins contesté la sincérité de son amour pour sa fille ; et en cela on a encore oublié le temps où elle vivait, et combien dans cette vie de luxe et de désœuvrement les passions peuvent ressembler à des fantaisies, de même que les manies y deviennent souvent des passions. […] Il y en a cinq ou six dans cette contrariété. » Ces réminiscences un peu fades de pastorales et de romans sont naturelles sous son pinceau, et font agréablement ressortir tant de descriptions fraîches et neuves qui n’appartiennent qu’à elle : « Je suis venue ici (à Livry) achever les beaux jours, et dire adieu aux feuilles : elles sont encore toutes aux arbres, elles n’ont fait que changer de couleur ; au lieu d’être vertes, elles sont aurore, et de tant de sortes d’aurore que cela compose un brocard d’or riche et magnifique, que nous voulons trouver plus beau que du vert, quand ce ne seroit que pour changer. » Et quand elle est aux Rochers : « Je serois fort heureuse dans ces bois, si j’avois une feuille qui chantât : ah ! […] Quel naturel plein de légèreté gracieuse, quelles pages éblouissantes de pur esprit dans Mme de Staël, quand le sentiment ne vient pas à la traverse, et qu’elle laisse sommeiller sa philosophie et sa politique ! […] Montaigne et Regnier en avaient déjà donné d’admirables échantillons, et la reine Marguerite un charmant en ses familiers mémoires, œuvre de quelques aprés-disnées : c’est le style large, lâché, abondant, qui suit davantage le courant des idées ; un style de première venue et prime-sautier, pour parler comme Montaigne lui-même ; c’est celui de La Fontaine et de Molière, celui de Fénelon, de Bossuet, du duc de Saint-Simon et de Mme de Sévigné.
Et c’est en le prononçant qu’il s’acquit d’abord la confiance et le respect de quelques hommes, qui venaient précisément en ce temps-là réaliser la perfection dont il donnait la première formule. […] Puis vint la fameuse séance du 27 janvier 1687, où l’Académie entendit jusqu’au bout la lecture du Poème sur le Siècle de Louis le Grand : grande fut l’indignation de Boileau qui s’épancha en injurieuses épigrammes contre l’Académie des Topinamboux. […] Ce qui intéressait le public contemporain, et ce qui nous intéresse encore aujourd’hui le plus dans les Parallèles, c’est de voir la façon dont Perrault s’y prend pour établir qu’en matière de belles-lettres comme en tout, les anciens étaient des enfants, tandis que les modernes représentent la maturité de l’esprit humain ; et que là aussi il suffit de venir le dernier pour être le plus grand. […] Il était dans une situation fausse, et toute sa colère venait d’un embarras dont il avait le sentiment plus ou moins obscur. […] Ainsi Ronsard devait échouer dans l’ode et dans la grande poésie, non faute de génie, mais parce qu’il venait trop tôt.
Le soir vint : l’orgue en deuil se tut dans le saint lieu. […] La nuit vint : tout se tut ; les flambeaux s’éteignirent : Dans les bois assombris les ruisseaux se plaignirent. […] Elles substituent au nom propre de l’objet le mot qui fait ressortir un attribut, une propriété, un caractère, sur lequel le mot propre n’appellerait pas suffisamment l’attention : ainsi lorsqu’Alfred de Musset représente les paysans de la Forêt-Noire qui viennent perdre leur argent à la roulette de Bade, il ne nomme pas l’argent, mais la sueur qu’il leur a coûtée, le pain qu’il leur donnerait : Je les ai vus, debout, sous la lampe enfumée, Avec leur veste rouge et leurs souliers boueux, Tournant leurs grands chapeaux entre leurs doigts calleux, Poser sous les râteaux la sueur d’une année, Et là, muets d’horreur devant la destinée, Suivre des yeux leur pain qui courait devant eux. […] J’entre dans la vie pour en sortir bientôt ; je viens me montrer comme les autres ; après, il faudra disparaître. […] Alors on ne disait pas : « Mon père labourait son champ ; un soldat est venu lui saisir ses bœufs », on disait noblement : Mon père, au pied des monts Qui bordent Unterwald et que nous habitons, Ouvrait avec le soc son antique héritage ; Un soldat se présente avide de pillage, Et d’un bras forcené saisit les animaux Qui servaient à pas lents ses rustiques travaux.
Au théâtre, Marivaux travailla surtout pour la Comédie-Italienne, qui venait d’être rétablie en 1716. […] Là, il pouvait faire recevoir des pièces qui ne ressemblaient à rien ; et là, le public, venu seulement pour se divertir, se laissait charmer par d’irrégulières inventions qu’il n’eût pas supportées sur la scène de la comédie classique. […] « D’où vient, disait La Bruyère, que l’on rit si librement au théâtre, et que l’on a honte d’y pleurer ? […] Il y avait les théâtres de la Foire, où le public venait s’amuser sans souci des règles, des traditions et des convenances491 : bourgeois, seigneurs, princes s’y récréaient dans l’ordure des parades, la bouffonnerie des farces, l’irrévérence des parodies. […] Puis viennent : la Surprise de l’amour, 1702 ; le Jeu de l’amour et du hasard, 1734 ; les Fausses Confidences, 1737 ; l’Épreuve, 1740, aux Italiens ; le Legs, 1736, à la Comédie-Française.
Les chefs de la population arabe, qui étaient à la fois ceux de la religion, recouvrèrent l’autorité que leur avaient ravie Turcs et mamelouks ; il semblait que les Français ne fussent venus que pour eux. […] Cette circonstance n’échappa point aux docteurs musulmans, et, voyant que ces nouveaux venus n’étaient pas du moins des idolâtres, ils espérèrent bientôt d’en faire des fidèles. […] Non, il préférerait l’eau bénie du Nil, il viendrait habiter la mosquée de Gama el-Azhar, cette première clef de la sainte Kaaba. » À ce discours, les figures de ces vénérables vieillards s’épanouissaient ; leurs corps s’inclinaient, et, les bras croisés, ils s’écriaient : « Tayeh ! […] Ces deux volumes d’un si beau récit, tout semés de mots caractéristiques qui ne peuvent venir que du grand témoin, et dont quelques-uns ont été ajoutés au crayon, sur la dictée, par Napoléon même, ne s’arrêtent pas au moment de son départ d’Égypte. […] « Vous perdez un de vos soldats les plus dévoués, dit-il au général en chef ; un jour, vous regretterez de ne pas mourir comme moi au champ des braves. » En ajoutant de sa main cette parole, le captif de Sainte-Hélène faisait évidemment un retour sur lui-même ; il semblait dire que le colonel avait prophétisé, et que, pour lui, l’heure du regret de survivre était venue.
À ces époques qui suivent un grand danger et où l’on vient d’échapper à de grands malheurs, on sent très distinctement le bien et le mal en toutes choses ; on est disposé à exclure, à interdire ce qui a nui, et c’est le moment où le critique trouve le plus d’appui et de collaboration dans le public. […] Malgré ses défauts et même ses vices, Geoffroy était un critique d’une valeur réelle, d’une grande force de sens, d’une fermeté un peu lourde, mais qui frappait bien quand elle tombait juste, d’une solidité de jugement remarquable quand la passion ou le calcul ne venait pas à la traverse. […] Il faut convenir que celui qui sent de la sorte, quand il vient à porter un coup juste, doit l’assener vigoureusement. […] Le grain de sel venait à la fin, dans une citation, dans une anecdote. […] Presque aveugle depuis des années, il n’allait plus dans le monde, mais on venait à lui.
Vauvenargues avait donné sa démission de capitaine au régiment du Roi, et l’espoir de trouver un dédommagement dans la carrière diplomatique achevait de lui manquer par la ruine totale de sa santé, quand il vint demeurer à Paris pour s’y vouer uniquement aux lettres. […] En l’écrivant, Vauvenargues ne songeait certes pas à faire son portrait ; mais il se retraçait et se proposait son plein idéal à lui-même : Quand je trouve dans un ouvrage une grande imagination avec une grande sagesse, un jugement net et profond, des passions très hautes, mais vraies, nul effort pour paraître grand, une extrême sincérité, beaucoup d’éloquence, et point d’art que celui qui vient du génie, alors je respecte l’auteur : je l’estime autant que les sages ou que les héros qu’il a peints. […] » Il a résumé toute sa théorie à cet égard dans ce mot si souvent cité, et qui, déjà dit par d’autres13, restera attaché à son nom, comme au nom de celui qui était le plus digne de le trouver et de le dire : « Les grandes pensées viennent du cœur. » Comme critique littéraire, et dans les jugements qu’il porte au début sur les écrivains qui ont été le sujet favori de ses lectures, Vauvenargues n’est pas sans inexpérience : sur Corneille, dont l’emphase lui répugne jusqu’à lui masquer même les hautes beautés, sur Molière dont il ne sent pas la puissance comique, Voltaire le redresse avec raison, avec une adresse de conseil délicate et encore flatteuse : Vauvenargues reprend ses avantages quand il parle de La Fontaine, de Pascal ou de Fénelon. […] Ils traitent de superficielle et de frivole cette splendeur d’expression qui emporte avec elle la preuve des grandes pensées… On n’oserait dire qu’il a lui-même atteint à cette splendeur d’expression, et qu’il en soit venu par l’éloquence à rendre la philosophie populaire ; mais il était en voie d’y arriver, et l’on pouvait espérer de trouver en lui, s’il avait vécu, un Locke concis, élégant et éclatant, et avec des hauteurs d’âme inconnues à l’autre. […] Pourtant on trouvait, dans les Pensées et Paradoxes qui venaient aussitôt après ces deux morceaux, plus d’un trait en désaccord avec la doctrine chrétienne rigoureuse ; la seule manière dont Vauvenargues y parle de la mort qui ne doit pas être, selon lui, le but final et la perspective de l’action humaine, et qui lui paraît en elle-même la plus fausse des règles pour juger d’une vie, cette façon d’envisager l’une des quatre fins de l’homme est trop opposée au point de vue de l’orthodoxie et en même temps trop essentielle chez Vauvenargues pour laisser aucun doute sur la direction véritable de ses pensées.
Pourtant Frédéric se forma vite ; il se forme à vue d’œil dans cette correspondance, et il vient un moment où il possède et manie sa prose française de manière à tenir tête vraiment à Voltaire. […] » Il ne semble pas se douter qu’ils ont, en effet, commencé de luire vers la fin de sa vie, et que Goethe déjà est venu. […] Parlant de cet avenir de raison perfectionnée, dont il aperçoit à peine l’aurore, et dont, tout sceptique qu’il est, il ne désespère pas tout à fait pour l’avenir de l’humanité : « Tout dépend pour l’homme, dit-il, du temps où il vient au monde. Quoique je sois venu trop tôt, je ne le regrette pas : j’ai vu Voltaire ; et, si je ne le vois plus, je le lis et il m’écrit. » À de tels accents on devinerait, quand il ne le dirait pas, la passion qui était encore la plus profonde et la plus fondamentale chez Frédéric, celle que Voltaire vivant personnifiait à ses yeux : « Ma dernière passion sera celle des lettres ! […] Et il l’engage à venir passer quelques mois avec lui dès qu’il le pourra : « Nous philosopherons ensemble sur le néant de la vie, sur la philosophie des hommes, sur la vanité du stoïcisme et de tout notre être. » Et il ajoute avec ce mélange de roi-guerrier et de philosophe, qui semblerait contradictoire s’il n’était ici touchant, « qu’il ressentira autant de joie de le tranquilliser que s’il avait gagné une bataille ».
On ajoutait que sa mère l’avait mis au monde au coin d’une borne dans la rue de La Harpe, faisant entendre que c’était de là que lui venait son nom. […] Et il continue de s’étendre sur sa noblesse ; il parle de ses nobles cousins de Suisse dont l’un l’a visité autrefois à Ferneyd, et dont l’autre était venu à Paris, il y avait quelques années, pour entrer au service de France : Sur ma recommandation, dit La Harpe, M. le comte d’Affry (commandant des troupes suisses) eut la bonté de le recevoir sur le champ parmi les cadets gentilshommes de l’un de ses régiments, et ce respectable vieillard, qui connaissait ma famille, n’exigea pas de mon jeune parent d’autre preuve que d’être reconnu par moi pour m’appartenir. […] Il vint, en effet, à neuf heures du matin, et La Harpe se vit entouré de vingt recors 13 qui gardaient toutes les avenues de sa maison. On alla chez le créancier, qui vint recevoir ses deux cents pistoles ; mais la scène dura plus de deux heures, et une bonne âme qui passait dans la rue Saint-Honoré répandit le bruit que La Harpe avait battu sa femme, et qu’une escouade du guet, conduite par le commissaire du quartier, avait rétabli la paix dans le ménage. […] Cette guerre qu’il déclarait aux oppresseurs politiques de la veille, il ne la poursuivit pas moins dans l’ordre littéraire contre les propagateurs des idées philosophiques, qu’il en était venu à considérer comme les premiers auteurs du mal.
« Ils vinrent sur la Bidassoa agiter inutilement aux yeux de nos soldats des couleurs oubliées, et, avant d’enterrer ce drapeau qui trompait leurs espérances, ils crurent lui devoir cet honneur d’être encore une fois mitraillés sous lui. » C’est Carrel qui parle de la sorte. […] Carrel, libre enfin et n’ayant rien abjuré, vint à Paris pour y tenter une carrière ; militaire, il ne pouvait plus songer à l’être ; avocat, il n’avait pas fait sa philosophie et n’était point bachelier. […] Combien de théories ne viennent ainsi qu’en sous-œuvre et après coup, et comme en aide à nos actes passés, à nos faiblesses secrètes ! Mme Courier aurait bien désiré que le passage où se trouvait le mot d’équipée fût modifié et adouci, et elle visita Carrel : « Je vis là pour la première fois Mme Courier, me dit un témoin fidèle, et je n’oublierai jamais ni l’esprit avec lequel elle défendit sa thèse, ni la grâce parfaite de Carrel, maintenant son dire et son jugement. » Nous avançons lentement avec Carrel ; c’est que ce n’est pas un talent littéraire tout simple ni de première venue : c’est un esprit éminent, un caractère supérieur qui s’est tourné par la force des choses aux lettres, à la politique, qui s’y est appliqué avec énergie, avec adresse, et finalement avec triomphe, mais qui était plus fait primitivement, je le crois, pour devenir d’emblée un des généraux remarquables de la République et de l’Empire. […] Thiers, Mignet et Carrel devaient avoir successivement la direction de la feuille, et les deux premiers, comme plus en vue et plus connus du public, devaient commencer ; Carrel ne serait venu comme directeur qu’à sa date, c’est-à-dire en troisième lieu, la troisième année probablement.
Le roi d’abord à part et seul dans un vers ; Condé de même, qui le méritait bien par son sang royal, par son génie, sa gloire et son goût fin de l’esprit ; Enghien, son fils, a un demi vers : puis vient l’élite des juges du premier rang, tous ces noms qui, convenablement prononcés, forment un vers si plein et si riche comme certains vers antiques : …………………… Que Colbert et Vivonne, Que La Rochefoucauld, Marcillac et Pomponne, etc. Mais dans le nom de Montausier, qui vient le dernier à titre d’espoir et de vœu, la malice avec un coin de grâce reparaît. […] Ainsi, un jour, étant au lit (car il se levait tard) et débitant au docteur Arnauld, qui l’était venu voir, sa troisième Épître où se trouve le beau passage qui finit par ces vers : Hâtons-nous, le temps fuit, et nous traîne avec soi : Le moment où je parle est déjà loin de moi ! […] Voici l’une de ces anecdotes qui est toute neuve ; je la tire d’une lettre du père Quesnel à Arnauld ; les deux poètes ne sont point à l’armée cette fois, mais, simplement à Versailles, et il leur arrive néanmoins mésaventure : Mme de Montespan, écrit le père Quesnel (vers 1680), a deux ours qui vont et viennent comme bon leur semble. […] Dans l’intervalle, une seconde place vint à vaquer ; l’Académie y porta Despréaux, et, son nom étant présenté au roi, Louis XIV dit aussitôt « que ce choix lui était très agréable et serait généralement approuvé : Vous pouvez, ajouta-t-il, recevoir incessamment La Fontaine, il a promis d’être sage ».
Du moment que Frédéric monte sur le trône, ces riens prennent de l’importance et du caractère : ainsi, dès les premiers jours du règne, à la fin d’un billet insignifiant : « Adieu, lui écrit Frédéric ; je vais écrire au roi de France, composer un solo, faire des vers à Voltaire, changer les règlements de l’armée, et faire encore cent autres choses de cette espèce. » Dans un court voyage au pays de Liège, Frédéric voit pour la première fois Voltaire qui vient le saluer au château de Meurs sur la Meuse ; le roi, avant d’arriver en Belgique, avait fait une pointe sur Strasbourg où le maréchal de Broglie l’avait reçu, l’avait reconnu à travers son incognito, et lui avait fait les honneurs de la place. […] La guerre elle-même ne vient qu’en second lieu, et être capitaine paraît à Frédéric quelque chose de plus étranger à sa nature que d’être poète. […] Frédéric, dans les intervalles des combats, a essayé de faire venir Jordan à l’armée, au camp de Mollwitz, à celui de Strehlen ; Jordan y est venu, mais, peu belliqueux de sa nature, il a eu quelque faiblesse et s’en est vite retourné. […] Quand le frère de Jordan vint, le lendemain matin, lui annoncer la triste nouvelle, la première chose qui frappa ses yeux, en entrant dans le cabinet du roi, fut le portrait de celui qu’ils avaient perdu.
Et même, ils y sont trop… C’est contre ces contes-là que je viens protester. […] Pour qui aime les correspondances, ces choses plus précieuses que les livres, pour qui a pratiqué seulement un peu celle de Voltaire, de la marquise Du Deffand, du prince de Ligne, des Mirabeau (l’ami des hommes et le Bailli), et même en ces derniers temps de Victor Jacquemont, pour ne pas parler de beaucoup d’autres, et qu’on s’en vient, alléché par les colleurs d’affiches et les reporters, enchantés d’avoir n’importe quoi à reporter pourvu que ça fasse : Pan ! […] Dans ces Lettres, qu’on pourrait intituler : « Lettres d’un homme maussade à une femme maussade », quand il renvoie sa cuisinière et qu’il nous raconte cette intéressante chose, qu’il l’a renvoyée, il nous le dit comme le premier bourgeois venu, comme M. […] Sa jeunesse n’attendit pas longtemps une renommée qui vient souvent si tard à ceux qui la méritent le plus, il fut célèbre dans un temps où la gloire était facile et coulait à pleins bords, à la portée de ceux qui en avaient soif et qui n’avaient qu’à se baisser pour prendre dans leur main de cette eau brillante qui passait. […] » Ailleurs, il dit encore, avec la même vieille ironie empruntée à Voltaire : « Si le Pape venait à manquer, croyez-vous qu’on en ferait un autre ?
Après Socin, après Voltaire, après Strauss, il était naturel de s’attendre à un livre qui aurait achevé l’œuvre de ces grands sacrilèges par une œuvre tenue d’être plus forte, sous peine d’être plus faible, puisque Renan est venu après eux ! […] Je ne lui ai pas fait passer d’examen, mais ce que je veux, ce que le lecteur veut, ce sont des textes, et non pas des récits ou des considérants sur des textes qu’on m’indique (va-t’en voir s’ils viennent, Jean !) […] Sans l’Église, instituée par Jésus-Christ et dont il a dit : « Ceux qui viendront après moi feront de plus grandes choses que moi », Jésus-Christ ne serait pour nous qu’un Don Quichotte de plus dans l’histoire, et nous aurions l’esprit assez ferme pour ne pas chercher des preuves de sa divinité dans l’étude microscopique des Évangiles et dans la pulvérisation des textes les uns par les autres. […] Luther a commencé par déshonorer le grand témoin, mais Renan, venu après Luther, a cru cette besogne du déshonneur de l’Église suffisamment faite pour n’avoir pas besoin d’y revenir. […] Est-ce que l’histoire de tous ses exils et de toutes ses fuites au Moyen Age n’atteste pas qu’il vient, plus fort que jamais, la reprendre toujours ?
On venait d’en avoir copie dans une dépêche interceptée du légat. […] Henri IV dans cette crainte était disposé à négocier, mais ce n’était plus le moment pour Mayenne, qui était tout à la merci des Espagnols et qui dépendait uniquement des secours qu’il en attendait ; un soupçon qu’ils eussent pris de lui l’eût perdu : Voilà pourquoi, dit Mézeray, le président Jeannin, sachant les intentions du duc, ne put être ébranlé par les persuasions du roi en personne ; lequel le menaçant que son opiniâtreté lui pourrait bien causer du repentir, il lui repartit hardiment qu’il entendait bien ce que Sa Majesté voulait dire, mais qu’il ne lui donnerait pas le moyen d’en venir là, car il mourrait sur la brèche en homme de bien. […] Dans une lettre de Henri IV à Sully, datée de Calais, 2 septembre 1602, on lit : « J’écris au président Jeannin qu’il vienne avec vous, car je suis de votre avis qu’il pourra se présenter occasion de l’employer. » Il était conseiller au Conseil d’État ; intendant des finances ; employé et consulté dans toutes les affaires importantes et secrètes. […] C’est à cette ambassade qu’il nous faut venir pour apprécier au complet le président Jeannin, dont elle est demeurée le principal titre de gloire.
J’en viens à la partie du volume que je suis plus à même d’apprécier, et qui me paraît pouvoir s’adresser à tous ; elle se compose de sept morceaux capitaux ou portraits : « Joseph de Maistre », « Lamennais », « Le père Gratry », « M. […] Il sentira bientôt qu’il faut laisser aux lieux d’où il vient toute cette phraséologie scientifique et théologique qui s’adresse plus aux lecteurs de Munich ou de Tubingen qu’à nous. […] M. de Lamartine, dans une conclusion éloquente qui termine ses Entretiens sur de Maistre, a également relevé cette suite de démentis éclatants donnés au prophète du passé ; et, comme pour les consommer et les résumer en un seul, la vieille Savoie elle-même, avec ses glaciers, ses rochers et ses chalets, ne vient-elle pas de rouler, de glisser vers la France ? […] Ce mot ne semblera pas trop fort si l’on prend la peine de relire des sorties telles que la suivante (je supprime la citation probante qui vient à l’appui). — Quelle chute, continue M.
Je disais tout à l’heure que la nature semblait s’essayer, dans cette dernière moitié du règne de Louis XIV, à façonner des cerveaux un peu différents de ce qu’ils avaient été dans la première : il faut ajouter qu’elle y était fort aidée par ce grand auxiliaire et coopérateur nommé Descartes, qui était venu changer ou tout au tout la méthode de raisonner. […] Mais la mort de ses parents le laissant maître de suivre ses goûts, « et persuadé, nous dit Fontenelle, qu’il n’y avait pas de meilleur séjour que Paris pour des philosophes raisonnables », il y vint habiter et se logea au faubourg Saint-Jacques, dans ce qu’il appelait sa cabane, avec son ami Varignon, à qui il constitua une rente de 300 livres par contrat, pour qu’il fût bien établi que des deux amis l’un ne dépendait pas de l’autre. […] Ces camarades, qu’il ne nomme pas, outre Varignon, l’ardent géomètre, c’était quelquefois l’abbé de Vertot, Normand aussi et d’une imagination vive, qui venait les visiter et loger sous leur toit ; c’était ce penseur fin et neuf, et alors très hardi, Fontenelle : J’étais leur compatriote, nous dit celui-ci, et j’allais les voir assez souvent, et quelquefois passer deux ou trois jours avec eux : il y avait encore de la place pour un survenant… Nous nous rassemblions avec un extrême plaisir, jeunes, pleins de la première ardeur du savoir, fort unis et, ce que nous ne comptions peut-être pas alors pour un assez grand bien, peu connus. […] La curiosité lui vint, vers ce même temps, d’aller chez La Bruyère, dont Les Caractères avaient paru depuis peu et étaient le grand succès du moment ; mais là il lui arriva malheur.
Ce qu’on sait mieux, c’est qu’à partir de cette rédaction sous Pisistrate, de nombreux travaux sont venus ordonner de plus en plus, resserrer, éclaircir et aussi polir dans le détail l’œuvre du poëte, en simplifier peut-être les contours, en faire mieux saillir le dessin, en rendre surtout plus nettes les épreuves et le texte même, jusqu’à ce qu’enfin l’œuvre soit sortie telle que nous la possédons, aussi parfaite et divine qu’on la pouvait désirer, des mains du plus grand des critiques, de celui dont le nom est devenu comme celui d’Homère un immortel symbole de perfection et de louange, — des mains d’Aristarque. […] Mais que l’on ne vienne pas non plus demander d’un air de doute quel est donc le sujet de l’Iliade, et si elle a vraiment un sujet ? […] Pour moi donc, n’en déplaise aux mânes du guerrier Pylæmenès, si, dans l’un et l’autre chant où il apparaît, je rencontre, jaillissantes à chaque pas, de ces beautés d’expression comme je viens d’en indiquer, et particulièrement de ces comparaisons uniques et aussi surprenantes que naturelles, j’ai ma réfutation intérieure suffisante, j’ai ma démonstration toute trouvée que c’est toujours du même Homère. […] Après avoir lu, au réveil, une page de l’Iliade, on n’irait pas pour cela conquérir l’Asie ; mais il est de certaines pensées d’abord qui ne naîtraient pas, il en est d’autres qui viendraient et fructifieraient d’elles-mêmes.
Et mourut Pâris et Hélène…… Puis vient la fameuse ballade : Dites-moi où, n’en quel pays, Est Flora la belle Romaine, …. […] Si l’on accuse certaines personnes, et les femmes surtout, de manquer de logique, c’est que, dans leurs raisonnements, les images viennent brusquement expulser les idées, et introduire des objets concrets qui intéressent la sensibilité : l’argumentation commencée selon l’ordre de la raison se poursuit selon l’ordre du cœur ; la conclusion n’a plus la valeur d’une nécessité universelle, mais d’une volonté individuelle. Si la passion vient ainsi fausser le raisonnement, c’est par une faiblesse de la faculté d’abstraire, et le remède consiste à la fortifier le plus possible. […] Qui aurait soutenu naguère que les Grecs appliquaient des couleurs vives sur certaines parties de leurs statues et de leurs temples, on eût ri de son absurde croyance : on lui eût répondu qu’évidemment ce badigeonnage était indigne du sentiment esthétique de ce peuple d’artistes, qu’ils ne pouvaient pas gâter ainsi la pure blancheur du marbre, si simplement belle : cela était évident alors, et pourtant c’était faux ; et les faits sont venus depuis témoigner en faveur de la polychromie.
Mais vienne la chiquenaude : voilà tout en branle ; la machine siffle, fume, crache, craque ; on est stupéfait de la disproportion de son action vertigineuse et de son infernal tapage avec le simple geste qui leur a donné naissance. […] Être vertueux pour aller en paradis, c’est prêter à Dieu à la petite semaine ; et le malheur est que le prêteur donne des crocodiles empaillés, non de bonnes espèces ; car la vertu des sacristies, c’est d’aller à la messe, de ne point toucher aux vases sacrés ; l’amour du prochain vient après. […] Toutes ses impulsions, à lui, lui viennent du dehors ; sa philosophie, et celle de son temps, lui dit que toutes ses idées lui sont venues par ses sens : il est naturel que la nature extérieure, et les sciences qui s’y appliquent, soient l’objet de son étude. […] Dès qu’il conte, il voit ; figures, mouvements, locaux et accessoires, tout est dans son œil, vient sous sa plume ; et son conte est une suite d’estampes.