Et ce n’est qu’en s’humiliant ainsi qu’elle est grande, parce qu’elle vous élève et vous rend digne. […] La Vénus de Médicis m’a rendu joliment fière. […] Je voudrais rendre meilleure une créature humaine en exploitant l’influence que je puis avoir sur elle. […] On se rend ridicule en étant jaloux. […] Si je rendais bien l’effet de sève de printemps, de soleil, ce serait beau.
Eu poètes fameux rends nos climats fertiles. […] Cela devait le rendre plus irritable encore. […] Une bonne digestion nous rend bienveillants. […] On y voyait tracés en longues raies noires les fréquents services qu’elle m’avait rendus ! […] La perruque des rendez-vous galants était à cinq petites boucles flottantes.
Œdipe à Colone repose tout entier sur cette idée, que l’expiation, non seulement rend innocent, mais rend saint, rend objet sacré celui qui l’a acceptée, qui l’a subie et qui l’a comprise. […] Rendus à la vie commune, ils ne se confondaient pas pourtant dans la masse. […] C’est cela qu’il faut rendre, et c’est ainsi qu’il faut sauver le rôle, stupide du reste. […] Qu’une blessure rend aimable ! […] Ils ont rendu, — avec intérêts, — au public ce que le public leur a prêté.
Toutes choses qu’on est obligé de négliger dans un froid compte rendu. […] … Je vois à votre physionomie que vous ne vous rendez pas un compte exact de ce que doit être, de nos jours, un véritable écrivain ! […] C’est une belle âme et — je dois me rendre à l’évidence — je suis un bien triste sire. […] Ils sont marqués, dessinés d’un trait, du trait qu’il faut pour les rendre vivants et inoubliables. […] Elle n’est ni à côté, ni au-delà de la vie ; elle semble seulement prolonger les faits observés, et les rendre plus clairs.
Cette conclusion nous démontre que Tolstoï ne se rend pas exactement compte de ce qu’est l’esthétique. […] C’est ce qui rend les religions inaptes à toute œuvre d’avancement. […] Wagner : son compte rendu de Siegfried. […] Bizet me rend fécond. Tout ce qui est bon me rend fécond.
Jamais la vanité de l’action n’a été rendue plus sensible que dans ce journal d’un voyageur. […] Pensons-y, pour que la lecture de ce roman hâtif et contestable ne nous rende point injuste. […] Tout ce que vous dites là me le rend fort sympathique. […] Les nuances de ce crépuscule d’amour sont rendues avec précision. […] Ce sont les deux phases de son développement où l’art rend à la vie l’étincelle qu’il en a reçue.
Ils s’y rendront en petit nombre — et plus nombreux si le snobisme y met la main — sans aucun préjugé moral, national, ni religieux, ni même simplement humain. […] De là cette préciosité, ces intrigues inextricables et ces tours elliptiques qui rendent la plupart de ses dernières tragédies à peu près illisibles et peut-être injouables, hélas ! […] À moins que l’auteur défaillant ne se rende, armes et bagages, et ne se décide à flatter les préférences avouées que ses prédécesseurs auront inculquées au public. […] L’instrument existe, c’est un grand point ; mais faute d’un public assuré et uni, il ne rendra pas ce qu’il devrait rendre. […] François Porché qui n’a qu’à demi réussi à rendre à la « pièce en vers » son plein souffle.
Ce sont donc ces sortes de gens qui, en employant ces mots abominables, rendent le plus grand service aux lettres ; sans eux et leur vocabulaire spécial, la langue perdrait et sa couleur et son énergie. […] Cette langue française si claire, si simple, si concise dans sa construction, ils la surchargent, la dérangent, la rendent parfois prétentieuse et inintelligible. […] Le journal qui se tire, à des millions d’exemplaires et qui se vend cinq centimes en rend la lecture inutile ; et je considère le feuilleton qu’il publie, comme une superfétation, un pléonasme. […] Quels services n’a-t-elle pas rendus et n’est-elle pas appelée à rendre ! […] Les savants sont modestes intrépides travailleurs, ils cherchent, étudient et expérimentent par eux-mêmes j’appuie avec intention sur le mot parce que l’expérimentation rend circonspects ceux qui s’y livrent.
Lebrun, où il rendait un hommage à Delille, lui valut une visite du vieux poëte, ce qui était alors une gloire. […] En même temps, le changement de régime avait pour effet de rendre sans réserve le poëte à la vie littéraire ; il n’y appartenait plus tout entier depuis quelques années. […] Il la paya complète : la pension de 1,200 francs qu’il devait à l’Empereur pour son ode A la Grande Armée lui fut ôtée par le ministère Villèle pour cet hommage de reconnaissance rendu au bienfaiteur mort. […] Lebrun, dans ses vers, rendit aux rivages célèbres quelque chose de leur naturelle et sauvage verdeur ; on sentit l’homme qui avait visité ce pays de renaissante mémoire, avant de le chanter. […] Elle s’appelait alors Mlle Du Colombier ; il en parle dans le Mémorial de Sainte-Hélène : « On n’eût pas pu être plus innocents que nous, dit-il ; nous nous ménagions de petits rendez-vous.
Et toutefois, que de services rendus par ce concert et cette émulation de travaux, par cette mise en œuvre incessante, par ces résurrections imprévues ! […] Je ne puis, après tant de collaborateurs autorisés et curieux qui ont tout dit, qui ont dit plus et même autrement que je n’aurais su trouver pour mon compte sur chaque sujet en particulier, je ne puis faire ici qu’une chose : présenter une vue générale et, en me tenant au point de vue du goût, qui doit se combiner avec le point de vue historique et non s’y confondre, indiquer les belles saisons, les bons siècles, les vraiment heureux moments de cette poésie française qui a si souvent brisé avec son passé, qui s’est si peu souvenue d’elle-même, et à qui il était bon d’offrir une fois ses titres au complet, pour lui rendre tout son orgueil et son courage. […] Et même vieux et cassé avant l’âge, il ne cessa d’avoir, jusqu’au bout, de ces retours et de ses assauts de verve qu’il a rendus avec feu. […] Concilions-les du moins dans notre critique ouverte, équitable, nous gardant de les imiter dans leur mutuelle injustice, et de rendre, à notre tour, la pareille au rigoureux Malherbe pour s’être donné le tort de rebuter une telle poésie et de s’aliéner un tel compère ! […] Un petit exemple, entre beaucoup d’autres, m’a frappé et me servira à rendre ma pensée.
Nulle flatterie plus délicate ; nous lui savons gré de nous rendre contents de notre esprit. […] Sans sortir du ton de la conversation ordinaire et comme en se jouant, il met en petites phrases portatives les plus grandes découvertes et les plus grandes hypothèses de l’esprit humain, les théories de Descartes, Malebranche, Leibnitz, Locke et Newton, les diverses religions de l’antiquité et des temps modernes, tous les systèmes connus de physique, de physiologie, de géologie, de morale, de droit naturel, d’économie politique468, bref, en tout ordre de connaissances, toutes les conceptions d’ensemble que l’espèce humaine au dix-huitième siècle avait atteintes. — Sa pente est si forte de ce côté, qu’elle l’entraîne trop loin ; il rapetisse les grandes choses à force de les rendre accessibles. […] Amuser, s’amuser, « faire passer son âme par tous les modes imaginables », comme un foyer ardent où l’on jette tour à tour les substances les plus diverses pour lui faire rendre toutes les flammes, tous les pétillements et tous les parfums, voilà son premier instinct. « La vie, dit-il encore, est un enfant qu’il faut bercer jusqu’à ce qu’il s’endorme. » Il n’y eut jamais de créature mortelle plus excitée et plus excitante, plus impropre au silence et plus hostile à l’ennui471, mieux douée pour la conversation, plus visiblement destinée à devenir la reine d’un siècle sociable où, avec six jolis contes, trente bons mots et un peu d’usage, un homme avait son passeport mondain et la certitude d’être bien accueilli partout. […] Jamais la pensée du siècle ne s’est montrée sous un déguisement qui la rendît plus visible, ni sous une parure qui la rendît plus attrayante. […] Je ne reviens pas du culte que je lui ai rendu (car c’en était un) ; je ne me consolerai pas qu’il en ait coûté la vie à l’illustre David Hume qui, pour me complaire, se chargea de conduire en Angleterre cet animal immonde. » 482.
Il y avait donné rendez-vous à sa femme Porcia et à ses enfants ; mais Porcia, persécutée à cause de son mari par le vice-roi de Naples, et par ses propres frères qui refusaient de lui payer sa dot, fut contrainte d’entrer dans un monastère et de prendre le voile au couvent de San-Festo. […] Elle se refusait par tendresse à le rendre à son père, qui l’appelait près de lui à Pesaro. […] Les angoisses du père et du fils se calmèrent bientôt en apprenant que les Turcs avaient respecté la rare beauté de Cornélia, et l’avaient rendue à son mari pour une modique rançon. […] De Bologne, il se rendit à Mantoue pour rejoindre son père ; mais, quand il arriva à la cour de Mantoue, son père en était déjà reparti pour retourner à Rome. […] « Il partit de Paris », dit Balzac, « avec le même habit qu’il portait en y arrivant. » C’était aux approches de la Saint-Barthélemy ; il se rendit à Rome avec son ami Manzuoli, un des secrétaires du cardinal, et fut accueilli par le pape Pie V, auquel il adressa une ode latine qui lui mérita sa faveur.
À son retour, il quitta le château de Tégel, pour aller fonder à Hambourg l’institut d’enseignement qui a rendu son nom populaire. […] Dans la solitude de l’océan on salue une étoile comme un ami dont on est séparé depuis longtemps, et surtout pour les Espagnols et les Portugais, une religieuse croyance leur rend chère cette constellation. […] « Nous avons parlé plus haut de sa promotion au conseil privé du roi, avec le titre d’excellence, et nous ajoutions que non-seulement en général toutes les Académies célèbres des sciences et des arts, ainsi que toutes les sociétés éminentes du monde, recherchaient comme un grand honneur de compter Humboldt parmi leurs membres, mais que les princes de tous les pays s’empressaient de lui payer le tribut de leur considération, ce qui était en même temps un hommage rendu à la science, en lui conférant leurs ordres les plus élevés. […] Dans sa première jeunesse, employé à l’armée prussienne, il rendit quelques légers services à sa cour dans les négociations qui succédèrent à la guerre, et qui firent congédier l’armée de Condé. […] Et voilà qu’aujourd’hui votre chargé d’affaires s’est rendu chez notre ministre des affaires étrangères, pour lui rendre compte des inquiétudes que la mission de mon fils a excitées dans votre cabinet et parmi la population berlinoise.
Tant qu’il avait vécu, la bonne fille n’avait pas voulu tenter de délivrer son amant pour ne pas priver son vieux père des douceurs qu’il trouvait dans son jeune camarade de chaîne, et pour qu’on ne punît pas le vieillard de l’évasion du jeune homme ; mais quand son père fut mort et que la pauvre enfant pensa qu’on allait donner je ne sais quel compagnon de lit et de fers à son amant, alors elle ne put plus tenir à sa douleur, à sa honte, et elle pensa à se perdre, s’il le fallait, pour le délivrer ; un signe, un demi-mot, une lime cachée dans un morceau de pain blanc rompu du bon côté, malgré le surveillant, sur le seuil de sa porte ; un rendez-vous nocturne, indiqué à demi-voix pour la nuit suivante, sur la côte à l’embouchure de l’Arno, furent compris du jeune homme. […] Je ne répondis rien en apprenant que le jugement serait rendu le jour même où j’entrais en service près de Hyeronimo, dans sa propre prison. […] — Moi, dit-elle, en paraissant chercher dans sa mémoire sans y rien trouver : non, je n’ai plus rien au monde, dans les poches de ma veste, que sa boucle d’oreille de laiton cassée, qu’il m’avait donnée le jour de nos noces, et la lime que je lui avais achetée pour limer sa ceinture de fer et qu’il m’a rendue en s’évadant, comme deux reliques de notre amour et de notre délivrance. […] Je pris le peloton, je le déroulai, je pris la lime, que je glissai entre ma veste et ma chemise, et je lui rendis la boucle d’oreille cassée, qu’elle baisa plusieurs fois en la cachant dans sa poitrine. […] laissez-moi descendre vite à la ville pour qu’on me la rende avant qu’elle ait été salie dans son âme par le contact avec ces malfaiteurs et ces bourreaux !
On pourrait dire même que Bertolai (si jamais Bertolai a vécu et mis le poème en sa première forme), on pourrait dire que Bertolai avait l’instinct du développement épique, au meilleur sens du mot : il savait faire rendre à une situation ce qu’elle contenait d’émotion et d’intérêt. […] Aimeri promettant Narbonne à Charlemagne27, le duel d’Olivier et de Roland sont deux épisodes, que Victor Hugo a rendus populaires. […] Ou bien l’on démarque des traditions étrangères pour les rendre au sujet que l’on traite : ainsi le chien de Montargis, vieux conte qu’on trouve déjà dans Plutarque et dans saint Ambroise, vient se mêler aux aventures de la reine Sibille, une des incarnations de l’épouse innocente et calomniée. […] ,Hachette) : rendre le rythme avec le sens, en sacrifiant la rime. Mais je rajeunirai complètement l’orthographe, et d’autre part je conserverai tous les archaïsmes, toutes les constructions insolites qui me permettront de rendre fidèlement l’original sans nuire à la clarté.
J. de Maistre emploie toute son imagination, tout son esprit, toute sa logique à rendre révoltante cette âpre doctrine. […] Cette philosophie, si cruellement analysée par Taine, éleva Royer-Collard au-dessus du niveau commun des bons orateurs, lorsque la Restauration le rendit à la vie politique. […] Dès sa jeunesse il s’était efforcé d’épargner à la Restauration les iniquités capables de la rendre impopulaire ; il avait défendu Ney et Cambronne (1815 et 1810) ; maintenant il défendait dans un autre esprit les accusés de la monarchie de Juillet, Chateaubriand (1833) et Louis Bonaparte (1840). […] Il était bibliophile, amoureux de rares bouquins, fureteur de paperasses inédites ; il dut à ce goût une trouvaille précieuse : il aperçut le vrai texte des Pensées dans le manuscrit jusque-là négligé, et, le premier, il nous rendit tout Pascal. […] Plus clairvoyant que les prélats qui s’inquiétaient de ses discours, il tâchait, en saisissant le plus vif des consciences, de rendre à l’Église la direction des consciences.
La bourgeoisie d’ailleurs a eu parfois le tort de chercher à revenir aux vieux airs de la noblesse ; à quoi elle n’a nullement réussi, et par là elle s’est rendue ridicule. […] Il ne sait pas rendre de monnaie ; veut-il riposter, il tire de sa poche de l’or et pas de sous. […] Que si vos facultés, résonnant simultanément, n’ont jamais rendu ce grand son unique, que nous appelons Dieu, je n’ai plus rien à dire ; vous manquez de l’élément essentiel et caractéristique de notre nature. […] Si l’on poursuit de trop près le fond substantiel, il ne reste rien que l’unité décharnée ; comme les formules mathématiques trop pressées rendent toutes l’identité fondamentale et ne signifient quelque chose qu’à condition de n’être pas trop simplifiées. […] C’est dans les Pères, c’est dans les conciles qu’il faut chercher le vrai christianisme, et non chez des esprits à la fois faibles et légers qui l’ont faussé en l’adoucissant, sans le rendre plus acceptable.
Quels que soient les immenses services rendus à l’industrie par les théories scientifiques, quoique, suivant l’énergique expression de Bacon, la puissance soit nécessairement proportionnée à la connaissance, nous ne devons pas oublier que les sciences ont, avant tout, une destination plus directe et plus élevée, celle de satisfaire au besoin fondamental qu’éprouve notre intelligence de connaître les lois des phénomènes. […] Quelques exemples suffiront d’ailleurs pour rendre sensible cette division, dont l’importance n’est pas encore convenablement appréciée. […] Mais quoique la classification ci-dessus proposée remplisse entièrement cette condition, ce qu’il serait superflu de prouver, il n’en faudrait pas conclure que les habitudes généralement établies aujourd’hui par expérience chez les savants rendraient inutile le travail encyclopédique que nous venons d’exécuter. Elles ont seulement rendu possible une telle opération, qui présente la différence fondamentale d’une conception rationnelle à une classification purement empirique. […] Je n’ai pas besoin de rappeler l’importance de ce résultat, que le lecteur doit se rendre éminemment familier, pour en faire dans toute l’étendue de ce cours une application continuelle.
Le comte de Forcalquier était son fils ; il était homme d’esprit, et sa maison était le rendez-vous de tout ce qu’il y avait de distingué dans la littérature et des personnes les plus aimables. […] Loin de chercher à la rendre facile et à la portée de tout le monde, il en fait une sorte d’escrime où il prend trop d’avantage ; on le quitte mécontent de soi et de lui, et ceux dont il a blessé la vanité s’en vengent en lui donnant la réputation de méchanceté, et en lui refusant les qualités solides du cœur et de l’esprit… M. de Forcalquier n’était fat qu’à moitié, il lui manquait un grain de présomption : « Il ne consulte son goût et ses lumières sur rien ; il adopte les lumières et les sentiments de ceux qu’il croit le plus à la mode et les plus confirmés dans le bel air. » Duclos fut sans doute un de ceux qui le dominèrent pour un temps et qui lui imposèrent dans les choses de l’esprit ; on en sait bien peu sur ce salon de l’hôtel de Brancas. […] Ses principes, ses idées, ses mouvements, ses expressions sont brusques et fermes. » Il y a plus d’un endroit bien vu et bien rendu, et qu’une étude générale de Duclos ne fait que confirmer ; par exemple : « Il n’a que de l’amour-propre et point d’orgueil. […] J’ai cherché, parmi les portraits dessinés qu’on a de lui, celui qui nous rend le mieux l’idée de sa personne : c’est un portrait dessiné par Cochin et gravé par Delvaux.
Cela, sans doute, ne comble pas mes vœux ; tout ce qui pourrait me plaire est à mille lieues de moi ; mais je ne veux point me contraindre, j’aimerais mieux rendre ma vie ! […] … L’on sait assez que la gloire ne rend pas un homme plus grand ; personne ne nie cela ; mais, du moins, elle l’assure de sa grandeur, elle voile sa misère, elle rassasie son âme, enfin elle le rend heureux. […] Gilbert, c’est d’éclairer d’un jour intérieur et certain un assez grand nombre de pages qui, jusqu’à présent, étaient restées inaperçues ou assez insignifiantes dans les œuvres de Vauvenargues, et de leur restituer le caractère biographique et personnel qu’elles ont, et qui désormais les rendra vivantes.
Le bruit des vents et des flots, qui s’engouffre dans cet enfoncement sonore, y rend les plus belles harmonies. […] Les poètes anglais du foyer, Cowper, Wordsworth, ont-ils jamais rendu plus délicieusement les joies d’un intérieur pur, la félicité domestique, ce ressouvenir de l’Éden, que le voyageur qui s’asseyant un moment sous un toit béni, a su dire : Le Val, 20 décembre. — Je ne crois pas avoir jamais senti avec autant d’intimité et de recueillement le bonheur de la vie de famille. […] Tous ces menus détails de la vie intime, dont l’enchaînement constitue la journée, sont pour moi autant de nuances d’un charme continu qui va se développant d’un bout de journée à l’autre : — le salut du matin qui renouvelle en quelque sorte le plaisir de la première arrivée, car la formule avec laquelle on s’aborde est à peu près la même, et d’ailleurs la séparation de la nuit imite assez bien les séparations plus longues, comme elles étant pleine de dangers et d’incertitude ; — le déjeuner, repas dans lequel on fête immédiatement le bonheur de s’être retrouvés ; — la promenade qui suit, sorte de salut et d’adoration que nous allons rendre à la nature, car à mon avis, après avoir adoré Dieu directement dans la prière du matin, il est bon d’aller plier un genou devant cette puissance mystérieuse qu’il a livrée aux adorations secrètes de quelques hommes ; — notre rentrée et notre clôture dans une chambre toute lambrissée à l’antique, donnant sur la mer, inaccessible au bruit du ménage ; en un mot, vrai sanctuaire de travail ; — le dîner qui s’annonce non par le son de la cloche qui sent trop le collège ou la grande maison, mais par une voix douce qui nous appelle d’en bas ; la gaieté, les vives plaisanteries, les conversations brisées en mille pièces qui flottent sans cesse sur la table durant ce repas : le feu pétillant de branches sèches autour duquel nous pressons nos chaises après ce signe de croix qui porte au ciel nos actions de grâces ; les douces choses qui se disent à la chaleur, du feu qui bruit tandis que nous causons ; — et, s’il fait soleil, la promenade au bord de la mer qui voit venir à elle une mère portant son enfant dans ses bras, le père de cet enfant et un étranger, ces deux-ci un bâton à la main ; les petites lèvres de la petite fille qui parle en même temps que les flots, quelquefois les larmes qu’elle verse, et les cris de la douleur enfantine sur le rivage de la mer ; nos pensées à nous, en voyant la mère et l’enfant qui se sourient ou l’enfant qui pleure et la mère qui lâche de l’apaiser avec la douceur de ses caresses et de sa voix, et l’océan qui va toujours roulant son train de vagues et de bruits ; les branches mortes que nous coupons dans le taillis pour nous allumer au retour un feu vif et prompt ; ce petit travail de bûcheron qui nous rapproche de la nature par un contact immédiat et me rappelle l’ardeur de M. […] Lui aussi il était, mais il n’était qu’à demi de la race de René, en ce sens qu’il ne se croyait pas une nature supérieure : bien loin de là, il croyait se sentir pauvre, infirme, pitoyable, et dans ses meilleurs jours une nature plutôt écartée que supérieure : Pour être aimé tel que je suisa, se murmurait-il à lui-même, il faudrait qu’il se rencontrât une âme qui voulût bien s’incliner vers son inférieure, une âme forte qui pliât le genou devant la plus faible, non pour l’adorer, mais pour la servir, la consoler, la garder, comme on fait pour un malade ; une âme enfin douée d’une sensibilité humble autant que profonde, qui se dépouillât assez de l’orgueil, si naturel même à l’amour, pour ensevelir son cœur dans une affection obscure à laquelle le monde ne comprendrait rien, pour consacrer sa vie à un être débile, languissant et tout intérieur, pour se résoudre à concentrer tous ses rayons sur une fleur sans éclat, chétive et toujours tremblante, qui lui rendrait bien de ces parfums dont la douceur charme et pénètre, mais jamais de ceux qui enivrent et exaltent jusqu’à l’heureuse folie du ravissement.
Évidemment, Monsieur, vous ne vous rendez pas bien compte de la valeur des expressions. […] Cousin daignait un jour revenir sur un premier entraînement et enthousiasme, je ne doute pas qu’il n’apportât à la seconde expression de son jugement des réserves qui le rendraient pleinement acceptable. […] En se faisant homme de parti au sortir de la Cour, et homme de guerre au profit d’une faction, La Rochefoucauld ne rendait pas ses chances meilleures et ne faisait que s’exposer à d’autres mécomptes. […] Ne questionnons pas trop La Rochefoucauld, ne lui en demandons pas plus ; jouissons de cette inconséquence, ou de ce qui semble tel, et tenons-lui compte de cet hommage muet, rendu à la nature humaine92.
Il l’a rendu en mainte page avec une énergie poignante. […] Gavarni veut-il nous montrer la fin et l’issue d’un combat de boxeurs, c’est d’abord le vaincu, celui qui est resté sur le carreau : on l’emporte pâle, étendu, la tête renversée, sans connaissance et comme prêt à rendre le dernier soupir ; vous tournez la page et vous voyez le vainqueur : celui-ci, on ne l’emporte pas ; il est debout, on le porte ; deux camarades ont besoin de toute leur force pour le soutenir ; éborgné, fracassé, démoli, croulant, il lui faudra bien des jours pour se refaire, s’il y parvient jamais. […] Parmi les sujets que vient de reproduire excellemment la photographie, je ne puis m’empêcher de signaler encore, pour le dessin comme pour le sentiment, cette scène de l’homme du peuple, de l’ouvrier faisant choix d’une épouse, lui posant la main sur l’épaule, et dans un langage grossier, que la légende a rendu au naturel, lui déclarant une affection grave pourtant et des plus sérieuses : l’attitude et le visage de cette femme debout, les yeux baissés, acceptant avec simplicité une vie commune qui lui sera rude, ont un véritable caractère de chasteté. […] Pour voir et pour rendre tant de scènes et de figures, comment s’y prend Gavarni ?
Pour de petits talents, passe ; mais quand le talent s’élève, quand il est cette puissance supérieure et magique qui sait voir et qui sait rendre, qui devine, qui ressuscite, qui crée de nouveau tout un passé évanoui, qui agrandit du même coup les horizons de la mémoire historique et ceux de la science morale, il mérite aussi quelque respect. […] Il a rendu au monarque et au siècle cet immense service, il les a rajeunis et rafraîchis ; c’est être ingrat que de le méconnaître. […] Mais, même après avoir signalé le côté injuste et tout ce qui manque au portrait de Villars comme général, on est forcé de convenir que l’homme, le glorieux, l’audacieux, est rendu au vif dans les pages de Saint-Simon et qu’on a sous les yeux le personnage en chair et en os. […] De l’esprit, une grande valeur, une plus grande audace, une pointe de folie gouvernée toutefois par l’ambition, et la probité et son contraire fort à la main, avec une flatterie et une bassesse insignes pour le roi, firent sa fortune et le rendirent un personnage à la Cour, craint des ministres et surtout aux couteaux continuels avec M. de Louvois.
Voyant le trouble d’Élisabeth, il voulut la rassurer par ses caresses, mais s’arrêta tout à coup en voyant apparaître sur sa tête une image lumineuse en forme de crucifix : il lui dit alors de continuer son chemin sans s’inquiéter de lui, et remonta lui-même à la Wartbourg, en méditant avec recueillement sur ce que Dieu faisait d’elle, et emportant avec lui une de ces roses merveilleuses qu’il garda toute sa vie. » Ce miracle des roses rend avec suavité le parfum que l’ensemble du livre exhale. […] Ainsi sainte Élisabeth, dont nous venons de parler, avait, au dire de son biographe, des conversations régulières avec saint Jean l’évangéliste et avec la Vierge, et elle en rendait au réveil un compte exact, qu’on a pu noter. […] J’avais eu, lors de mon séjour en Belgique en 1848, et à mon arrivée à l’Université de Liége, à demander à M. de Montalembert un bon office que je ne crains pas de rappeler et qu’il me rendit avec bonne grâce. […] Sainte-Beuve s’était réfugié en Belgique, pour échapper à la simple menace des conséquences très-atténuées de ses doctrines actuelles. » Cette petite allusion à mon séjour en Belgique est une délicatesse de la part de M. de Montalembert, qui a pu savoir mieux que personne, puisqu’il m’a rendu alors un bon office, à quelle fin j’allais en Belgique.
Sans doute, en considérant avec détail les maîtres, on aurait pu trouver plus d’une fois que l’imitateur n’avait pas tout rendu, qu’il était resté au-dessous ou pour la concision ou pour une certaine simplicité qui ne se refait pas ; c’est l’inconvénient de tous ceux qui imitent, et Horace, mis en regard des Grecs, aurait à répondre sur ces points non moins que Chénier ; mais tout à côté on aurait retrouvé chez celui-ci les avantages, là où il ne traduit plus à proprement parler, et où seulement il s’inspire ; on aurait rendu surtout justice en pleine connaissance de cause à cet esprit vivant qui respirait en lui, à ce souffle qu’on a pu dire maternel, à cette fleur de gâteau sacré et de miel dont son style est comme pétri, et dont on suivrait presque à la trace, dont on nommerait par leur nom les diverses saveurs originelles ; car, à de certains endroits aussi, ne l’oublions pas, l’aimable butin nous a été livré avant la fusion complète et l’entier achèvement. […] Cette fois, c’est un soufflet à Properce que le critique imprudent a donné, et ce n’est pas notre faute si Chénier d’avance l’a rendu. […] Parmi les exemples qu’il cite, on en verrait d’abord qui ne sont pas si répréhensibles qu’il paraît croire : ainsi De la jeunesse en fleur la première étamine me semble très-bien rendre le prima lanugine malas des Latins.
Le latin s’y maintient, extérieur au dialogue dramatique, l’encadrant, le sanctifiant pour ainsi dire : des leçons, des versets, où le texte de l’Écriture est exactement donné, rendent en quelque sorte au poème sa destination première. […] Au moins le poète du xiie siècle sait-il choisir, et retrancher, et abréger : au moins voit-il quelque chose par-delà les faits, il a aperçu la grandeur pathétique du premier péché et du premier crime, et il a tâché de rendre quelque chose des sentiments intimes des acteurs. […] Des scènes décousues qui défilent devant nous comme une collection d’images sous les yeux d’un enfant, nulle préoccupation des caractères, des sentiments et de la vie intérieure, une stricte déclaration des pensées précisément nécessaires pour rendre les actes intelligibles dans leur suite, mais non pas dans leur production, un courant facile et plat de style où sont semés des îlots de rondels, motets et chansons, certains raffinements d’art, et point de poésie : voilà ces Miracles de Notre-Dame. […] Des boniments de forains et de charlatans tiennent aussi quelque chose de l’art théâtral : à plus forte raison, les imitations artistiques de tels boniments, comme ce fameux dit de l’Herberie, où Rutebeuf a rendu tantôt en vers et tantôt en prose le bagou facétieux et l’impudence drolatique des vendeurs de drogues.
On devra étudier la première Légende des siècles presque vers par vers, pour comprendre la délicatesse, la puissance et la variété des effets que le poète fait rendre à toutes les formes de vers, et particulièrement à l’alexandrin : c’est là qu’on devra chercher, en leur perfection, les types variés du vers romantique. […] Vers 1850, la poésie est devenue moins personnelle, elle s’est imprégnée d’esprit scientifique ; elle veut rendre les conceptions générales de l’intelligence, plutôt que les accidents sentimentaux de la vie individuelle. […] Au reste, le maître lui-même rend témoignage du changement des temps par les recueils qu’il envoie de son exil. […] Parallèlement au roman naturaliste peut se développer une poésie naturaliste, tout appliquée à rendre les aspects de la vie familière, de la réalité vulgaire, même triviale, même laide.
De même, quand la sèche et sifflante Mme Astier l’attend à la fin pour lui jeter sa haine à la figure et pour lui apprendre que, s’il est arrivé à l’Académie, c’est qu’elle s’en est mêlée (… Et elle précisait les détails de son élection, lui rappelait son fameux mot sur les voilettes de Mme Astier, qui sentaient le tabac, malgré qu’il ne fumât jamais… « un mot, mon cher, qui vous a rendu plus célèbre que tous vos livres »), je cherche quel intérêt peut avoir une personne si fine à désespérer et à chasser d’auprès d’elle un mari qui ne serait rien sans elle, il est vrai, mais sans qui elle serait moins encore. […] Daudet, parti d’un fait vrai, l’a rendu totalement invraisemblable et faux parce qu’il en a changé toutes les conditions. […] Ce qu’il rend toujours, et qu’il communique, c’est l’impression directe, immédiate, des choses. […] Alphonse Daudet s’est si peu donné la peine de nous la rendre sensible, que nous pourrions presque affecter de ne pas l’apercevoir.
Joubert la naissance, l’inoculation de certaines idées si neuves, si hardies alors, et qu’il rendit plus vraies en les élevant et en les rectifiant. […] Joubert rendait encore à Diderot cette justice qu’il y a bien plus de folies de style que de folies d’idées dans ses ouvrages. […] « S’il est un homme tourmenté, dit-il, par la maudite ambition de mettre tout un livre dans une page, toute une page dans une phrase, et cette phrase dans un mot, c’est moi. » Sa méthode est de toujours rendre une pensée dans une image ; la pensée et l’image pour lui ne font qu’un, et il ne croit tenir l’une que quand il a trouvé l’autre. […] « Je voudrais, dit-il encore, se définissant lui-même à merveille, je voudrais faire passer le sens exquis dans le sens commun, ou rendre commun le sens exquis. » Le bon sens tout seul l’ennuief ; l’ingénieux sans bon sens lui paraît à bon droit méprisable : il veut unir l’un et l’autre, et ce n’est pas une petite entreprise : « Oh !
Je reconnus que le moment de parler était arrivé, et que les vieux temps allaient revenir. » Il se rendit donc à la cour de Ghaznin, où il eut quelque peine encore à se faire remarquer du sultan ; il y parvint enfin et réussit à le charmer. […] Le sultan professait pour lui une admiration passionnée, et se plaisait à dire qu’il avait souvent entendu ces mêmes histoires, mais que la poésie de Ferdousi les rendait comme neuves, et qu’elle inspirait aux auditeurs de l’éloquence, de la bravoure et de la pitié. […] La solution fatale est à la fois entrevue et retardée moyennant des gradations qui vont la rendre plus dramatique. […] Après une lutte acharnée, les deux chefs s’éloignent, se donnant rendez-vous pour le lendemain.
Mme Sand faisait mieux l’an dernier, en son Berry, que de lire les Géorgiques de Virgile ; elle nous rendait sous sa plume les géorgiques de cette France du centre, dans une série de tableaux d’une richesse et d’une délicatesse incomparables. De tout temps, elle avait aimé à nous peindre sa contrée natale ; elle nous l’avait montrée dans Valentine, dans André, en cent endroits ; mais ce n’est plus ici par intervalles et par échappées, comme pour faire décoration à d’autres scènes, qu’elle nous découpe le paysage ; c’est la vie rustique en elle-même qu’elle embrasse ; comme nos bons aïeux, nous dit-elle, elle en a subi l’ivresse, et elle nous la rend avec plénitude. […] Et elle fait mieux que de doubler leur voix, elle la rend méconnaissable. […] Son beau-père lui-même, le père Maurice, l’y engage par toutes sortes de paroles sensées et positives, et Germain s’y rend, bien qu’à regret.
En s’emparant de cette langue qu’il lui avait fallu conquérir et maîtriser, il la força un peu, il la marqua d’un pli qu’elle devait garder désormais ; mais il lui rendit plus qu’il ne lui faisait perdre, et, à bien des égards, il la retrempa et la régénéra. […] « Il n’y a point d’écrivain, a-t-on dit judicieusement, plus propre à rendre le pauvre superbe. » Malgré tout, en le considérant ici, nous lâcherons de ne pas trop nous ressentir nous-même de cette disposition comme personnelle qui porte de bons esprits à lui en vouloir dans les circonstances pénibles que nous traversons. […] Je ne m’attacherai point à le rendre uniforme ; j’aurai toujours celui qui me viendra, j’en changerai selon mon humeur, sans scrupule ; je dirai chaque chose comme je la sens, comme je la vois, sans recherche, sans gêne, sans m’embarrasser de la bigarrure. […] La sensualité de pinceau, à ce degré, ne saurait déplaire ; elle est sobre encore et n’est pas masquée, ce qui la rend plus innocente que celle dont bien des peintres ont usé depuis.
L’alexandrin est fort antérieur à Alexandre de Bernay et à Lambert li Tors ; ces deux grands poètes le rendirent populaire par leur génie à l’heure où l’antiquité enivrait le moyen âge, où Alexandre et Énée, Œdipe et Hélène étaient populaires autant que Berthe et Charlemagne ; leurs vers est le nôtre : Amer nule puciele | ne degna par amor Les biaux chevax d’Arabe, | les mules de Syrie, Les siglatons d’Espagne, | les pales d’Aumarie. […] Trop strictement, peut-on répondre, et nous voulons rendre les estampes non pas moins nettes, mais plus claires et qu’entre les traits noirs se joue plus de soleil, et aussi que les traits soient un peu tremblés comme, fabriquées par la nature, les feuilles sont découpées, quoique uniformes, selon un tel caprice, que l’on ne vit jamais deux feuilles pareilles. […] En tous il y a une grande richesse d’images, la preuve d’une réelle force de création, des variations heureuses sur des thèmes variés, et le souci de rendre sa pensée poétique à la fois comme spectacle et comme musique ; les images chantent et les musiques se dessinent. […] Au lieu d’attirer l’attention sur des discontinuités même voulues et nécessaires, il faut les voiler et les rendre invisibles au premier coup d’œil ; que la note en discord aille par des harmoniques imperceptibles s’absorber dans l’accord des notes fondamentales.
Henry Murger I Il est certains ouvrages qui, la lecture achevée, vous laissent au cœur une sorte de désir dont on ne se rend pas bien compte. […] Au lieu de tirer, Murger songe que le lapereau a peut-être une Mimi qui occupe les attentes du rendez-vous à se lustrer le museau de sa patte — au bord du clapier. […] Je ne suis pas fâché de lui rendre publiquement ici ce que la niaiserie et la mauvaise foi ont prêté si longtemps au romantisme. […] Son style est lâche et peu précis ; sa phrase ne se tient pas toujours bien ; — elle vacille, elle trébuche plus d’une fois avant d’être rendue au point final.
Cette qualité qu’avait Henri IV, ce roi conquérant du sien, de tout faire, de tout voir par soi-même, et d’être infatigable comme César et comme tous les grands hommes, cette nature de diable à quatre est bien sentie et rendue par d’Aubigné. Dans un très bon chapitre du dernier tome, intitulé « Du déclin de la Ligue », l’historien en vient à un double portrait des deux chefs, du roi de Navarre et de Mayenne, et celui-ci, en cédant le pas au vainqueur, n’est pas du tout sacrifié : Le duc de Mayenne avait une probité humaine, une facilité et libéralité qui le rendait très agréable aux siens ; c’était un esprit judicieux et qui se servait de ses expériences, qui mesurait tout à la raison, un courage plus ferme que gaillard, et en tout se pouvait dire capitaine excellent. […] Le duc de Mayenne, interrogé un jour par des amis de d’Aubigné sur la manière dont s’était passé le combat d’Arques et sur ce qui avait précipité la victoire ; après quelques essais d’explication, et se sentant trop pressé, finit par répondre : « Qu’il dise que c’est la vertu de la vieille phalange huguenote et de gens qui de père en fils sont apprivoisés à la mort. » D’Aubigné, qui prend au pied de la lettre la réponse du duc de Mayenne, s’est donné pour tâche dans son Histoire de raconter les exploits et de produire les preuves de cette vertu guerrière, d’en retracer l’âge héroïque dans ses diverses phases : c’est sa page à lui, c’est son coin dans le tableau de son siècle ; et il l’a traité avec assez d’impartialité en général, avec assez de justice rendue au parti contraire, pour qu’on lui accorde à lui-même tous les honneurs dus finalement à un champion de la minorité et à un courageux vaincu.
On y rencontre à chaque page un esprit ferme, exact, sensé, fin, moral, ami des considérations, qui raisonne à l’occasion de chaque incident, mais qui raisonne bien, d’une manière solide et élevée, et qui, quand il décrit, nous rend en fort bonne prose ce dont Chateaubriand le premier nous a donné la poésie en traits hasardeux et sublimes, — Et il a lui-même jugé en termes excellents cette poésie un peu arrangée et toute chateaubrianesque du désert, quand il a dit (non pas dans cette relation, mais dans une de ses lettres) : « Les hommes ont la rage de vouloir orner le vrai au lieu de chercher seulement à le bien peindre. […] Même lorsqu’il se croira un peu détendu et calmé, il rendra cet effet par un mot qui est bien du même ton : « J’attends moins de la vie, je cave moins haut. […] qui l’a rendue efficace ?
Cet assaut n’a pas réussi ; nous y avons eu un général et un adjudant-général tués ; mais l’ennemi, intimidé du premier coup de main, s’est rendu. […] Cependant sa moralité militaire avait à souffrir à la vue des désordres, suite de la victoire ; il y eut en effet de grands excès commis après tant de privations, à l’arrivée dans ces riches plaines, à l’entrée dans la terre promise : La richesse du pays rend à notre armée son amour du pillage, et je fais peste et rage auprès du général en chef pour faire fusiller quelques coupables ; car je prévois de grands malheurs si elle continue. […] Une lettre qu’il avait écrite en ce sens, rendue publique, était devenue un texte à calomnies et à diatribes.
Il s’enfermait volontairement dans la technique et le détail, et méprisait les philosophes qui parlent de tout sans rien savoir : les philosophes le lui rendaient bien, et sa réputation en a souffert. […] Les voyages615 se multipliaient en Italie, en Grèce, dans le Levant ; et les relations des voyageurs rendaient un intérêt aux œuvres de la poésie antique, en faisant connaître tous ces pays où étaient nés les chefs-d’œuvre qui en étaient le cadre ou la matière, en décrivant les ruines de ces monuments dont l’antiquité avait parlé, ou dans lesquels elle s’était survécu. […] Le développement de la phrase dans les pièces manomètres est aussi varié, aussi inégal que possible, de façon à rendre impossible une découpure symétrique.
. — La Morale du joujou, compte rendu du Salon de 1859 (1859). — Les Fleurs du mal, édition augmentée de beaucoup de poèmes, et diminuée des pièces : Lesbos, Femmes damnées, Le Léthé, À celle qui est trop gaie, Les Bijoux, Les Métamorphoses du Vampire (1861). — Les Paradis artificiels (1861). — Histoires extraordinaires ; Nouvelles histoires extraordinaires ; Aventures d’Arthur Gordon Pym ; Eureka ; Histoires grotesques et sérieuses ; œuvres traduites d’Edgar Poe, par Charles Baudelaire (1875). — Œuvres posthumes et Correspondance, rassemblées par M. […] Il ne développe guère que des lieux communs, et je consens qu’il réussisse quelquefois, par les moyens que l’on a vus, à les rendre plus communs encore… Si Baudelaire ne fut pas ce que l’on appelle un fou, du moins fut-ce un malade, et il faut avoir pitié d’un malade, mais il ne faut pas l’imiter. […] Ferdinand Brunetière Tel quel, et malgré les subtilités qui rendent l’accès de son œuvre plus que difficile au grand nombre, Baudelaire demeure un des éducateurs féconds de la génération qui vient.
La volonté, d’après le Dr Toulouse, est essentiellement un frein destiné à rendre finalement automatiques nos réactions utiles. […] La discipline de l’opinion, des mœurs, des idées, de la sociabilité est plus douce, plus généralement applicable et plus efficacement appliquée pour détruire l’originalité que les moyens violents, que leur violence même rend d’un emploi difficile et exceptionnel. […] « Beethoven, disait Goethe à Zelter, est malheureusement une personnalité tout à fait indomptée ; il n’a sans doute pas tort de trouver le monde détestable ; mais ce n’est pas le moyen de le rendre agréable pour lui et pour les autres. » 38.
Pour lui, chaque pièce de vers devait être un roman, « le roman d’une heure, d’une minute, d’un moment psychologique et physiologique, avec le milieu, le cadre du Fait, un Fait signifiant quelque chose », et, dans le rendu de l’heure, de la minute, du moment, il essayait de « donner l’impression du milieu sur le corps, du corps sur l’âme, car il ne comprenait pas le corps sans le milieu, l’âme sans le corps, c’est-à-dire l’idée sans la sensation » et, pour la langue, il rêvait « au lieu du mot qui narre, le mot qui impressionne ». […] Il fallait rendre des comptes. […] Il faut d’ailleurs leur rendre cette justice, qu’ils ne se départaient jamais d’une certaine tenue devant le monde.
» Un jour, il accompagne Mme d’Épinay dans une visite qu’elle rend au précepteur de son fils, et, comme on cause de la manière dont l’enfant doit être élevé, Duclos, avec sa brusquerie habituelle, lance tout à coup ces paroles : « N’allez pas faire la bêtise de lui dire du mal des passions et des plaisirs ; j’aimerais autant qu’il fût mort que condamné à n’en pas avoir. » Rousseau va plus loin encore. […] Bernardin de Saint-Pierre est, comme lui, victime d’une sensibilité trop vive, et il le sait si bien qu’il fait cet aveu significatif : « Une seule épine me fait plus de mal que l’odeur de cent roses ne me fait de plaisir. » Il s’en plaint comme d’une infirmité qui lui a longtemps rendu insupportable le commerce des autres hommes : « Il m’était, dit-il, impossible de rester dans un appartement où il y avait du monde, surtout si les portes en étaient fermées. […] Voici de quel ton il raille sa propre laideur : « Les uns disent que je suis cul-de-jatte ; les autres que je n’ai point de cuisses et que l’on me met sur une table dans un étui, où je cause comme une pie borgne ; et les autres, que mon chapeau tient à une corde qui passe dans une poulie et que je le hausse et le baisse pour saluer ceux qui me visitent… » Il proteste gaiement contre ces peintures de fantaisie ; mais, revues et corrigées par lui, elles ne le rendent pas beaucoup plus séduisant.
La psychologie à posteriori, au contraire, tout en reconnaissant l’existence d’un élément mental dans nos idées, tout en admettant que nos notions d’étendue, solidité, temps, espace, vertu, ne sont pas des copies exactes d’impressions faites sur nos sens, mais un produit du travail de l’esprit, ne considère pas cette production comme le résultat de lois particulières et impénétrables, dont on ne peut rendre aucun compte. […] Elle déclare non que telle chose arrivera toujours, mais que l’effet d’une cause donnée sera tel, tant que cette cause opérera sans être contrariée, par exemple : c’est une proposition scientifique, que la force musculaire tend à rendre les hommes courageux, mais non qu’elle les rend toujours tels ; que l’expérience tend à donner la sagesse, mais non qu’elle la donne toujours.
» Joseph embrassa aussi tous ses frères, et il pleura sur chacun d’eux118. » La voilà, cette histoire de Joseph, et ce n’est point dans l’ouvrage d’un sophiste qu’on la trouve (car rien de ce qui est fait avec le cœur et les larmes n’appartient à des sophistes) ; on la trouve, cette histoire, dans le livre qui sert de base à une religion dédaignée des esprits forts, et qui serait bien en droit de leur rendre mépris pour mépris. […] N’oublions pas de remarquer avec quelle bonté Joseph console ses frères, les excuses qu’il leur fournit en leur disant que, loin de l’avoir rendu misérable, ils sont au contraire la cause de sa grandeur. […] » Elle dit : et comme, lorsque le violent zéphyr amène une pluie tiède du côté de l’occident, les laboureurs préparent le froment et l’orge, et font des corbeilles de jonc très proprement entrelacées, car ils prévoient que cette ondée va amollir la glèbe, et la rendre propre à recevoir les dons précieux de Cérès, ainsi les paroles de Ruth, comme une pluie féconde, attendrirent le cœur de Noëmi. » Autant que nos faibles talents nous ont permis d’imiter Homère, voilà peut-être l’ombre du style de cet immortel génie.
Cet auteur est veritablement posterieur à Quintilianus Aristides ; mais il a vécu avant Boëce qui le cite, et cela suffit pour le rendre d’un grand poids dans la matiere dont il est question. […] " Diodore De Sicile écrit que Philippe, après avoir pris trop de vin la journée dont nous venons de parler, fit plusieurs choses indecentes sur le champ de bataille, mais que les representations de Démadés, athenien, et l’un des prisonniers de guerre, le firent rentrer en lui-même, et que le repentir qu’il eut de s’être oublié, le rendit plus facile, lorsqu’il fut question de traiter avec l’ennemi vaincu. […] Quant à la melodie tragique, je vais en parler plus particulierement et même assez au long, pour confirmer ce que j’ai écrit déja touchant son existence, par des faits qui la rendent indubitable, en montrant que bien que la melodie théatrale des anciens se composât et s’écrivît en notes ; elle n’étoit pas néanmoins un chant proprement dit.
Les autres, qui ont essayé de la singer, — qui lui ont rendu ce flatteur honneur de la singerie, — ont pu se croire de la même force d’ennui, et l’étaient peut-être, mais l’Opinion, cette reine du monde, qui a ses favoris, a toujours trouvé ses bâillements infiniment plus savoureux quand ils lui venaient par la Revue des Deux Mondes que par les autres recueils, créés, à son exemple, pour entretenir les mâchoires humaines dans cette vigoureuse et morale gymnastique du bâillement. […] … On me dit que la Revue Contemporaine n’a pas rendu l’esprit et je le crois bien, mais cela veut dire qu’elle n’est pas morte… Presque soufflée un jour par le mécontentement d’un ministre, elle a protégé assez adroitement contre ce vent tout-puissant son petit bout de bougie et elle s’obstine à existe. […] L’ingénieux Vapereau, l’historiographe de nos grands hommes, a tourné la difficulté affligeante et écrit cette phrase de consolation qui nous rend Buloz sans le prendre à la Suisse : « Buloz (François), littérateur français, d’origine étrangère. » Et c’est si bien trouvé, et c’est si joli, que tout le monde a été content, et moi surtout !!!
L’homme — pour parler comme parlerait Dumas — souille, use et fait crever la femme, et la femme le lui rend. […] C’est un rendu pour un prêté. […] Elle ne sera point condamnée à la rendre.
Des notes discrètes et essentielles rendent cette lecture facile ; des notions sur les auteurs connus ou présumés la rendent souvent piquante et toujours instructive.
Rousseau tué par les chagrins et par la misère… » Après avoir quelque temps continue sur ce ton, l’auteur s’attache à une phrase échappée à M. de Custine dans son livre sur l’Espagne : « En France, dit le spirituel touriste, Rousseau est le seul qui ait rendu témoignage par ses actes autant que par ses paroles à la grandeur du sacerdoce littéraire ; au lieu de vivre de ses écrits, de vendre ses pensées, il copiait de la musique, et ce trafic fournissait à ses besoins. […] Quand le jésuite, qui la veut rendre digne de son jeune parent et protégé, l’a mise au couvent, le voile d’innocence ignorante et les restes secrets d’impudeur dans cette jeune fille sont poursuivis et démêlés comme les moindres veines sous-cutanées, comme les profonds vaisseaux lymphatiques par le préparateur anatomique habile et amoureux du cadavre.
Il aurait pu en faire le sujet de sa préface, et l’aurait rendue moins hautaine et moins naïve, mais plus amusante. […] On lui a contesté encore la vérité des mœurs qu’il s’est piqué de rendre et l’espèce de haute société où il s’est voulu tenir.
Capitaine de frégate, ayant ordre, en 1805, d’appareiller avec la Pomone et deux bricks pour se rendre dans les eaux d’Alger et y réclamer du Dey 250 Génois pris par les corsaires algériens et jetés dans les fers, il montra une énergie, une volonté devant laquelle la puissance barbaresque dut plier. […] Il lui confia 25,000 hommes de troupes bavaroises et wurtembergeoises, avec lesquelles le prince Jérôme s’empara de la Silésie, et rendit à la grande Armée, alors en Pologne, d’utiles services : « Le prince Jérôme, disait l’empereur dans un de ses bulletins, fait preuve d’une grande activité et montre les talents et la prudence qui ne sont d’ordinaire que les fruits d’une longue expérience. » — Le 14 mars 1807, Napoléon nommait son jeune frère général de division, et le 4 mai il écrivait au roi de Naples, Joseph : « Le prince Jérôme se conduit bien, j’en suis fort content, et je me trompe fort s’il n’y a pas en lui de quoi faire un homme de premier ordre.
Voilà, me disais-je en parcourant le recueil local où l’on a réuni les touchants témoignages rendus à M. de Persigny dans ses visites à Saint-Étienne et à Montbrison, et qui sortent tout à fait du ton officiel, voilà une province qui vit, qui échappe au reproche qu’on a souvent adressé à notre centralisation administrative ; d’ailleurs si utile, de n’être qu’un mécanisme, un ensemble de rouages, et de laisser en dehors le cœur et l’âme des populations. […] Il faut rendre à M. de Persigny cette justice qu’il a dans le cœur ce je ne sais quoi d’élevé qui répond bien à un tel sentiment, qui y sollicite et peut y rallier même des adversaires, qui va chercher en chacun ce qui est vibrant, et que le sentiment napoléonien historique et dynastique tel qu’il le conçoit dans son esprit et dans son culte, tel qu’on l’a entendu maintes fois l’exprimer avec une originalité saisissante (toute part faite à un auguste initiateur), est à la fois ami de la démocratie, sauveur et rajeunisseur des hautes classes, animateur de la classe moyenne industrielle en qui il tend à infuser une chaleur de foi politique inaccoutumée.
Il faut, pour bien écrire, des habitudes autant que des réflexions ; et si les idées naissent dans la solitude, les formes propres à ces idées, les images dont on se sert pour les rendre sensibles, appartiennent presque toujours aux souvenirs de l’éducation, et de la société avec laquelle on a vécu. […] Un auteur peut rendre à jamais ridicule une expression dont il s’est inconvenablement servi ; un usage, une opinion, un culte, peuvent relever ou avilir par des idées accessoires l’image la plus naturelle.
Soit qu’on ne sache pas faire usage des mots qu’on connaît, soit qu’on n’ait pas les mots eux-mêmes à sa disposition, on se laisse aller à croire que la langue ne peut pas rendre ce qu’on ne sait pas lui faire dire, et l’on crée des tours de phrases et des termes pour le besoin de sa pensée. […] « Quiconque veut se faire un style durable, disait très bien Joubert, ne doit en user qu’avec une extrême sobriété. » C’est dans la langue commune, héréditaire, vraiment nationale, langue de nos pères qui sera la langue de nos fils, dans cette partie immuable du vocabulaire que Pascal a transmise à Racine et que Voltaire a livrée à Chateaubriand, qu’il faut chercher les expressions qui rendent nos idées.
Mais j’y apportais sans doute trop de zèle, et je vois bien maintenant que je me rendais importun à mes ministres et à mon peuple en m’occupant trop minutieusement des affaires publiques, après les avoir trop longtemps négligées. […] Il s’est échappé de la royauté, comme un moine incroyant de son monastère, pour retourner à la nature, pour vivre vraiment selon sa pensée et selon son cœur, pour jouir librement du vaste monde, sans avoir à rendre des comptes spéciaux, à Dieu et aux hommes, d’une tâche à la légitimité de laquelle il ne croyait plus… Partout l’ordre ancien chancelle.
Les révolutions m’ont rendu la tâche difficile. […] Vous aurez votre repos, et vous vous rendrez en même temps ce témoignage que vous avez fait ce qui dépendait de vous.
Il voulut que le roi, alors âgé de 16 ans, se rendît à l’armée ; le jeune prince fit les campagnes de 1653, 1654, 1655, à Mouzon, à Stenay, à Landrecies, à Condé, à Saint-Guillain. […] Carrousels, cavalcades, courses de bague, beaux chevaux, superbes équipages, habits magnifiques, bannières et devises galantes, tout concourait à rendre enchanteresse cette cour voluptueuse et splendide.
Vous me demanderez d’où vient cela : c’est que l’orgueil de l’amie (madame Scarron) la rend révoltée contre les ordres de madame de Montespan : elle n’aime pas à obéir. […] I, p. 14) : « La marquise d’Heudicourt était la complaisante de madame de Montespan, et lorsqu’on faisait encore un mystère de l’existence du duc du Maine et de son frère, cette marquise avait à la cour un petit appartement où la maîtresse et la gouvernante se rendaient en secret.
C’est-là ce qui forme son essence ; c’est-là le but qu’elle se propose ; c’est-là ce qui la rend si agréable, si intéressante, & ce qui a de tout temps établi son empire sur les ames sensibles. […] Quand nous disons Poésie, nous ne prétendons pas la réduire à la simple versification : on sait en particulier que Mallebranche n’a fait que deux vers en sa vie, qui l’ont même rendu ridicule : nous parlons de cette Poésie, qui bien loin d’être ennemie de la prose, en est l’ame & l’ornement.
Certains traits de cette Comédie auroient pu mieux être développés ; d’autres ne sont qu’effleurés, & il lui en a échappé plusieurs, qui auroient pu la rendre encore plus piquante. […] Si on pardonne ce défaut en faveur des circonstances & des motifs, qui non seulement le justifient, mais en font un mérite, on pourra dire que cet Ecrivain a rendu de vrais services aux Lettres, en frondant avec vigueur les usurpations qui les dégradent.
Les anti-Uranistes, ou Jobelins, préféroient le sonnet de Job à celui d’Uranie : Job, de mille tourmens atteint, Vous rendra sa douleur connue : Mais raisonnablement il craint Que vous n’en soyez pas émue. […] Tous les mouvemens de ses amis & de ses protecteurs ne purent rendre l’ouvrage supportable.
Les mêmes talens qui l’ont rendu célèbre doivent le faire haïr. » Pope, en relevant les défauts & les ridicules de son ennemi, lui reconnoît d’ailleurs du mérite. […] Il eut honte, dans la suite, d’avoir composé cette satyre sanglante, & n’hésita point à la jetter au feu en présence du docteur Swift, qui la retira promptement & lui rendit le mauvais office de la conserver.
Celui même de surpasser un auteur vivant, ne prend le nom d’envie que lorsque ce sentiment nous rend injuste envers un rival. […] Avecque… Ce mot, dans La Fontaine, se trouve souvent de trois syllabes, ce qui rend le vers pesant.
Voilà ce qui rend les galands des tragedies françoises si differens des hommes veritablement amoureux. […] Ces heros, ainsi défigurez, paroîtront peut-être aux petits-fils de ceux qui les admirent tant aujourd’hui, des personnages barboüillez exprès pour être rendus ridicules.
Racine suppose dans sa préface que l’âge seul de Junia Calvina l’empêcha d’être reçuë chez les vestales, puisqu’il pense avoir rendu sa reception dans leur college vrai-semblable, en lui faisant donner par le peuple une dispense d’âge, évenement ridicule par rapport à ce tems-là, où le peuple ne faisoit plus les loix. […] Le vers qu’il fait dire à Mithridate je vous rends dans trois mois aux pieds du Capitole.
Quoique tous les spectateurs deviennent des acteurs dans un tableau, leur action néanmoins ne doit être vive qu’à proportion de l’interêt qu’ils prennent à l’évenement dont on les rend témoins. […] La grande fraïeur peut rendre une femme immobile ; mais le soldat éperdu doit encore se mettre en posture de se servir de ses armes, du moins par un mouvement purement machinal.
Corneille, dit-il, afin d’éviter d’ensanglanter la scéne, rend encore l’action du jeune Horace plus atroce en lui donnant le temps de faire quelque refléxion, et cela sans songer qu’il doit sauver à la fin de la piece le meurtrier de sa soeur. […] Dans la représentation des comédies, il ne s’agit pas de procurer de la veneration aux personnages introduits sur la scéne, mais bien de les rendre reconnoissables aux spectateurs.
C’est un plaisir de malice qui est très sec et très desséchant et qui rend l’esprit très aride. […] A ce jeu, on s’habitue à un immense orgueil et à se considérer comme infiniment supérieur, ce qui d’abord est assez déplaisant, et ce qui ensuite rend très peu capable de grandes choses ; car c’est en regardant en haut qu’on fait effort et qu’on tire de soi tout ce qui est possible qu’on en tire.
Scott et Balzac (Balzac surtout, plus grand que Scott par ce côté) ont inventé des manières si supérieures de couper le jeu et de donner les cartes dans cette fameuse partie d’imagination, qu’après eux la difficulté a pris des proportions qui semblent la rendre invincible. […] entasser stérilement les naucléas, les sirichas, les lianes des bahinias, le teckt, le nyctanthes, le negtali, le bignonia, le mouzzenda (nous pourrions aller comme cela longtemps), c’est écrire une nomenclature de Trissotin botaniste, mais ce n’est pas rendre vivantes pour l’imagination des beautés pittoresques absentes.
chrétiens, comme vous avez rendu le vieux Jacob ingénieux ! […] Il faut rendre cette justice à M. […] Madame Charles avait des rendez-vous. […] Non, puisqu’elle le rend plus heureux. […] Renan rendit d’elle dans ses livres.
tombent sur moi tous les fléaux de la fortune et de la nature pour me rendre un remède si doux ! […] Il vient au monde sur un rocher aride de la Bretagne, avec une santé débile, qui rend quelque temps son existence incertaine. […] Bientôt la Terreur qui rend la France inhabitable, le fixe dans son pays d’adoption. […] Que de fois je me félicitai d’une vigueur qui me rendait cette diversion facile. […] Il ne se compose que de quelques impressions fugitives, et de souvenirs qui ne peuvent rendre la réalité disparue !
Bourget, et dans cette esquisse nous voulons simplement dégager les raisons qui rendent l’habileté de l’auteur nuisible, non pas au succès, mais à la qualité de ses œuvres. […] En sorte que, si l’accumulation des traits destinés à rendre haïssables les tenants de la libre-pensée fausse la peinture qui en est faite et la rend arbitraire, un excès de simplification et de stylisation tend au même résultat en sens inverse à l’endroit des âmes croyantes et religieuses. […] Il sait par quel passage le précieux devient ridicule et par quel progrès le beau Brummel devient le Brummel de Caen : il le rend sensible. […] La connaissance profonde qu’il a des hommes et de leur cœur semble l’avoir rendu non point amer ni pessimiste, mais l’avoir désenchanté. […] Ses meilleures pages rendent un son si véridique qu’il déchire : une main chirurgienne a recueilli ces larmes et ce sang, un œil de peintre a fixé ces gestes et ces décors changeants.
Il y a des soirs où je vais à leur rencontre lyrique comme à un rendez-vous d’amour. […] La Poésie n’exclut pas la vérité de ses attributs ; et un seul volume parfait rend plus de services à l’humanité qu’une édition nationale illustrée en soixante-douze tomes. […] Une lecture de Verlaine m’émeut et me rend meilleur, même quand il me fait sourire. Or, c’est là tout le rôle de la poésie : émouvoir et rendre bon. […] Les hommages qu’on vient de lui rendre n’en ont été que plus nobles et souverains.
L’unité dans la colère, ainsi comprise, ainsi rendue, est une tâche difficile. […] Barbier de la rendre acceptable. […] Barbier l’a rendue dans un admirable dialogue. […] Toutefois nous devons lui rendre cette justice, qu’il se montre courageux et persévérant. […] L’événement n’a pas démenti son espérance ; la tradition a rendu à M.
Les annales boulonnaises ont tenu compte des services administratifs qu’il y rendit. […] J’y entrai et y restai jusqu’en 1834, y ayant rendu quelques services qui ne furent pas toujours très bien reconnus. […] Il m’est resté de cette affaire un sentiment pénible à tout cœur délicat, et plus de crainte que jamais de recevoir rien qui ressemblât à un service de la part de ceux qui ne sont pas dignes en tout de vous le rendre et de vous tenir obligés pour la vie. […] Il n’en restera pas moins dans l’Histoire littéraire une lacune que lui seul, qui aimait tant l’exactitude, aurait pu combler, et l’on n’ose y toucher après lui, même quand on l’a bien connu, parce que la palette intime de l’écrivain, celle qui rendrait le mieux le ton et les nuances de ses sentiments et de son caractère, a été brisée. […] Sainte-Beuve, et se montra constamment d’une reconnaissance à toute épreuve (comme pouvait la ressentir un homme de sa trempe) pour un service que lui avait rendu le marchand de vin de la place Dauphiné : il l’avait gardé une fois quelque temps caché dans sa maison, je ne saurais dire aujourd’hui à quelle époque ni à quelle occasion de terreur (qui n’était plus celle de Robespierre) et où il y allait toujours, pour un conventionnel proscrit, de la tête.
C’est parce que la statue de Memnon était brisée, qu’elle rendait un son à l’aurore. […] Plus d’une fois il eut de ces hallucinations qui restituent un instant la forme et l’existence à des personnes dont on pleure la mort, ou qui rendent présentes celles dont on regrette l’absence…. » C’est ainsi qu’ayant perdu sa mère en 1802, M. […] Ce dernier, ainsi que l’abbé Gerbet, est devenu son ami, et la contradiction première a cessé bientôt dans une conciliation que le Christianisme qui leur est commun rend solide et naturelle. […] M. de Beauterne, croyant rendre sa cause et celle de M. […] Pour rendre le voyage moins ennuyeux, elles emportaient une petite bibliothèque choisie par M.
Comme je savais qu’il s’exprimait très-mal sur mon compte, il me vint dans l’esprit qu’il m’adresserait peut-être quelques-unes de ces choses grossières qu’il se plaisait souvent à dire aux femmes, même à celles qui lui faisaient la cour, et j’écrivis à tout hasard, avant de me rendre à la fête, les diverses réponses fières et piquantes que je pourrais lui faire, selon les choses qu’il me dirait. […] Un vieux invalide, à cheveux blancs, assis non loin de là, était resté quelque temps à contempler ces enfants ; enfin, il se leva, et, les prenant par la main, il leur dit, en versant quelques pleurs : « Ne jouez pas là, mes enfants, je vous en prie. » Ces larmes furent tous les honneurs qu’on rendit au descendant du grand Condé, et la terre n’en porta pas longtemps l’empreinte. […] On s’était rendu coupable quand on avait manqué aux nuances délicates de la flatterie, en n’abandonnant pas quiconque était frappé de sa disgrâce. […] Le poëte ne fait, pour ainsi dire, que dégager le sentiment prisonnier au fond de l’âme ; le génie poétique est une disposition intérieure de la même nature que celle qui rend capable d’un généreux sacrifice ; c’est rêver l’héroïsme que composer une belle ode. […] L’idée de la mort, qui décourage les esprits vulgaires, rend le génie plus audacieux, et le mélange des beautés de la nature et des terreurs de la destruction excite je ne sais quel délire de bonheur et d’effroi, sans lequel l’on ne peut ni comprendre ni décrire le spectacle de ce monde.
Certes, ces derniers ont rendu à l’esprit humain un éminent service ; mais leur victoire même les a fait oublier. […] L’orthodoxie met, si j’ose le dire, toute sa provision vitale dans un tube dur et résistant, qui est un fait extérieur et palpable, la révélation, sorte de carapace qui la protège, mais la rend lourde et sans grâce. […] Est-ce de trop vivre dans le monde de l’esprit qui les a rendus inhabiles aux grandes choses ? […] Or, comme on remarquait que la culture lettrée était subversive d’un tel état, on déclamait contre cette culture, qui rendait, disait-on, plus facile à vaincre. […] Le besoin de remplir une vie calme et retirée par d’utiles travaux, des goûts studieux, l’instinct de la compilation et des collections peuvent rendre à l’érudition d’immenses services, mais ne constituent pas l’amour pur de la science.
Ce ne sont pas des Français, ce sont des Grecs et des Romains que les collèges rendent à la société… Quelle ne sera pas l’influence de l’antiquité sur des enfants naïfs, inexpérimentés, qui, pendant six ou sept ans, ont promené leur pensée du Capitole au Parthénon ! […] Un refuge des idées qui régnaient au temps de Louis-Philippe ; le temple des regrets orléanistes ; un rendez-vous pour les débris du régime tombé. […] En revanche, il a trop souvent honoré d’une complaisante indulgence des œuvres douceâtres qui, remplaçant le bon style par les bonnes intentions, auraient mérité des prix de découragement pour avoir porté près de la perfection l’art de rendre la morale ennuyeuse. […] Mais, par un juste retour des choses d’ici-bas, les réalistes et naturalistes, successeurs et héritiers des romantiques, leur rendent la-pareille. […] Mais c’est là le moindre service qu’ils rendent.
Son caractère d’idéale mysticité, est surtout rendu sensible par le pianissimo toujours conservé dans l’orchestre, et qu’interrompt à peine le court moment où les cuivres font resplendir les merveilleuses lignes du seul motif de cette introduction. […] C’est pour cela que j’eusse préféré, je l’avoue, que Sigurd eût été traité en opérette-bouffe, ce qui au moins eût rendu inutile tout rapprochement. […] À partir de ce moment il en est séparé par une nécessité inéluctable : celle qui rend impossible l’union d’un être divin avec une simple femme, dès que celle-ci cesse d’obéir à l’impulsion de son cœur, qui seule peut l’élever jusqu’à lui. […] L’Association, d’abord, est largement ouverte ; les conditions d’admission ont été rendues aussi faciles que possible ; les membres de l’association paient une cotisation annuelle de cinq francs. […] À la mélodie, il regagne la plus haute simplicité naturelle ; il lui rend la source où, en toute époque et toute tentative, elle se pourra renouveler et approcher au type de l’expression humaine le plus pur et le plus riche.
Nos poètes et nos écrivains ont perdu leur temps, mais la nation a gagné une langue ; c’est à nous et à nos neveux de rendre à cette langue le caractère d’originalité, non plus puérile, mais virile, que chaque grand peuple trouve tôt ou tard à l’âge de sa maturité. […] Il effémine avec grâce cette langue trop durcie par la trempe de Bossuet ; il la rend malléable et propre aux plus tendres épanchements de la piété, de la rêverie et de l’amour. […] Elle était née pour rendre au français, trop majestueux et trop tendu par les efforts des imitateurs des langues classiques, la détente, l’élasticité et la volubilité de sens, de mots et de tours. […] « Pour moi, s’il m’est permis après tous les autres de venir rendre les derniers devoirs à ce tombeau, ô prince ! […] Au lieu de déplorer la mort des autres, grand prince, dorénavant, je veux apprendre de vous à rendre la mienne sainte ; heureux si, averti par ces cheveux blancs du compte que je dois rendre de mon administration, je réserve au troupeau que je dois nourrir de la parole de vie les restes d’une voix qui tombe et d’une ardeur qui s’éteint. » XXX La langue française prit dans cette bouche un accent qu’elle ne retrouva pas après lui ; mais il en reste un certain écho dans la voix des grands orateurs de la chaire qui lui succèdent sans l’égaler.
Mallarmé, je devine mieux et j’admire davantage les causes qui rendent ces poèmes parfois si obscurs. […] Mais la nature de Poe était trop différente de sa nature pour rendre possible une imitation réelle. […] Notre siècle pouvait faire une expérience décisive ; et il l’a, au contraire, rendue désormais impossible. […] Nul n’en rendra raison. […] C’est avec de telles idées qu’il a essayé de rendre le bonheur aux hommes.
Sismondi, tout d’abord, et comme par précaution, le lui avait rendu quand il disait, — avant de le connaître personnellement, il est vrai, et sur la simple annonce de l’Histoire de France que Chateaubriand se proposait d’écrire : « J’ai une grande admiration pour son talent, mais il me semble qu’il n’en est aucun moins propre à écrire l’histoire : il a de l’érudition, il est vrai, mais sans critique, et je dirais presque sans bonne foi ; il n’a ni méthode dans l’esprit, ni justesse dans la pensée, ni simplicité dans le style : son Histoire de France sera le plus bizarre roman du monde ; ce sera une multiplicité d’images qui éblouiront les yeux ; la richesse du coloris fait souvent papilloter les objets, et je me représente son style appliqué aux choses sincères comme le clavecin du Père Castel, qui faisait paraître des couleurs au lieu de sons. » Sismondi ne voyait et ne prédisait là que les défauts. […] J’ai visité quelques monuments, quelques cabinets pour l’acquit de ma conscience plus que pour mon plaisir… J’ai peu vu jusqu’à présent le théâtre ; l’heure des dîners et des soirées rend presque impossible d’en profiter… C’est donc dans la société presque uniquement que j’ai trouvé le charme de Paris, et ce charme va croissant à mesure qu’on remonte à des sociétés plus âgées ; je suis confondu du nombre d’hommes et de femmes qui approchent de quatre-vingts ans, dont l’amabilité est infiniment supérieure à celle des jeunes gens. […] Sismondi n’était cependant pas si absorbé par les aimables douairières qu’il ne rendît quelque justice à la génération des femmes plus jeunes. […] C’est ce qui me rend le peuple favorable. […] Cette ressemblance seule est trop frappante pour ne pas rendre inutiles tous les autres déguisements. » — C’est là un admirable morceau de critique et le jugement définitif sur Adolphe que Sismondi a écrit sans y songer.
Un principe pourtant se glissait, s’insinuait partout, et déterminait l’inclinaison dans la plupart des cas : en dehors du Palais, la Ville et la Cour étaient d’accord et dans une sorte d’émulation pour adoucir à l’envi les mots et la façon de les prononcer, pour rendre, en parlant, toute chose plus agréable et plus facile ; c’était là le courant général et la pente. […] Il était de l’avis d’Apulée : qu’il faut pardonner ou même applaudir à la nouveauté des termes, quand ils servent à éclaircir et à démêler les choses : « J’ai vu, dit-il, Exactitude aussi reculé que Sériosité, et depuis il est parvenu au point où nous le voyons par la constellation et le grand ascendant qu’ont tous les mots qui expriment ce que nous ne saurions, exprimer autrement, tant c’est un puissant secret en toutes choses de se rendre nécessaires ! […] « Pour moi, disait Vaugelas, je révère la vénérable Antiquité et les sentiments des doctes ; mais, d’autre part, je ne puis que je ne me rende à cette raison invincible, qui veut que chaque langue soit maîtresse chez soi, surtout dans un empire florissant et une monarchie prédominante et auguste comme est celle de France. » Vaugelas, bien d’accord en cela avec lui-même, pensait que « la plus grande de toutes les erreurs, en matière d’écrire, était de croire, comme faisaient plusieurs, qu’il ne faut pas écrire comme l’on parle. » Il est vrai que cette maxime d’écrire comme l’on parle doit être entendue sainement, selon lui, et moyennant quelque explication délicate. […] On voit d’abord qu’il est ramené un peu malgré lui à dire son avis sur ces questions purement grammaticales de diction et d’élocution ; ce ne sont pas les sujets qu’il préfère : « Mon âme se fait accroire, dit-il, qu’il est temps de s’occuper plus sérieusement, et qu’il y a de la honte à s’amuser encore à des questions de grammaire. » Il proteste d’honorer infiniment l’auteur des Remarques ; les critiques qu’il a essuyées de sa part ne le rendront pas injuste. […] Je ne sais quel guignon ou quel malin génie a rendu jusqu’ici ces décisions vaines.
Qu’on me permette une comparaison qui rendra nettement ma pensée. […] « Ils sont trop grossiers et mal polis, disait-il, pour estre sortis de sa belle boutique. » Depuis lors on a paré à ce genre d’objection, et c’est plutôt le trop de poli qui rend aujourd’hui suspecte la prétendue relique d’autrefois. […] Il les a rendues avec esprit, avec liberté et naturel, mais textuellement. […] Il nous rend en vers gracieux les nuances et les parfums d’un beau jour naissant : L’aube duquel avoit couleur vermeille Et vous estoit aux roses tant pareille Qu’eussiez doublé si la belle prenoit Des fleurs le tainet, ou si elle donnoit Le sien aux fleurs, plus beau que nulles choses : Un mesme tainat avoient l’aube et les roses. […] C’est rendre bien pour mal, voire et aymer Son ennemy : qui est le plus amer Et dur morceau qui soit en l’Escripture, D’autant qu’il est contre nostre nature.
Il semble que les années de solitude ont apporté au poète, dans son île, la seule note qui manquait à ses concerts avant cette heure, la note paisible, amoureuse, sympathique, celle qui fait rendre au cœur humain les vibrations les plus intimes, celle de Charlotte sous la main de Goethe, celle de Bernardin de Saint-Pierre dans Paul et Virginie, celle de René dans Chateaubriand. […] « M. le président s’introduisait par là, si bien que ceux-là même qui l’eussent épié et suivi et qui eussent observé que M. le président se rendait tous les jours mystérieusement quelque part, n’eussent pu se douter qu’aller rue de Babylone, c’était aller rue Blomet. […] « Ce jour-là, le regard de Cosette rendit Marius fou, le regard de Marius rendit Cosette tremblante. […] « — Je m’appelle Cosette. » XXIX Autre interruption qui nous ramène aux Thénardier, maintenant établis à Paris sous le faux nom de Jondrette, et dont les nombreux enfants, échangés, prêtés, rendus, ne savent plus guère à qui ils appartiennent.
Il se pourrait néanmoins, que des Français, dans l’espoir de rendre à la tragédie un caractère philosophique, fussent tentés de la faire irrégulière, en se flattant d’obtenir pour le genre romantique, en faveur de sa nouveauté, des permissions, ou, comme on dit, des licences que le classique a perdues. […] Il y a bientôt deux siècles que la maturité dure ; et s’il était vrai qu’à force d’entraves, on la pût rendre moins productive, il n’y aurait encore aucune conséquence à tirer de l’interruption ou de l’infréquence de ses triomphes. […] S’il reste en Angleterre, en Germanie, quelques richesses dont notre théâtre ne se soit pas encore emparé, quel précepte d’Aristote ou de Boileau nous défend de les lui rendre propres ? […] Un poème épique, et à plus forte raison une tragédie, n’est pas un livre d’histoire : il s’agit de recueillir dans les annales ce qui est dramatique, et de rendre tel ce qui ne l’est pas de soi-même. […] vous l’avez rendu à la vie peut-être : de votre part un ressuscité ne m’étonnerait pas plus qu’un revenant ; et comme je me persuade que les hôtes de Macbeth sont, ainsi que moi, doués de la faculté de voir, je ne puis vous dire combien il me faut de réflexions avant de comprendre pourquoi, dans votre sagesse, vous donnez à mes regards plus de puissance, ou plus d’égarement qu’aux leurs.
Si les deux peintres rendent la même passion, quoi d’étonnant qu’ils dessinent le même geste, et que les deux pères emploient la même ruse pour s’assurer de la rivalité des deux fils ? […] Il n’y a peut-être que Corneille qui ait pu rendre l’objet égal à la passion qu’il inspire. […] Il écrivait Britannicus, le plus saisissant tableau qu’on ait tracé de Rome impériale : il l’écrivait en pur artiste, sans idée ni intention de politique, attaché seulement à bien rendre la sombre couleur de Tacite. […] Et, pour doubler l’audace de la peinture, imaginez que ce prophète découvre les crimes futurs de Joas, et risque de rendre odieux le personnage sympathique : faute insigne pour un dramaturge adroit, trait admirable de vérité profonde et de large poésie, qui jette soudainement une vive lumière sur la sinistre histoire de Juda, et sur le triste, le pauvre fond de notre humanité. […] A la fin du siècle, je ne vois à nommer que la pièce de Longepierre (1688), pour une Médée rendue avec une raideur énergique de dessin et une pauvreté de couleur qui font moins songer à l’antiquité qu’à David, et pour un Jason très curieux de réalité prosaïque, dans son rôle de bellâtre égoïste et plat.
La nature, l’oiseau, la femme étant les lieux communs inévitables de toute poésie, il aura soin de les rendre méconnaissables à l’odieuse foule. […] C’est un vrai gentleman, et puis il est damné de toute éternité, ce qui le rend intéressant. […] Théodore de Banville exprimait, il y a quelques années, le regret que Victor Hugo n’ait pas eu le courage de rendre purement et simplement à la poésie la liberté dont elle jouissait à l’âge d’or du seizième siècle. […] « Victor Hugo pouvait, lui, de sa puissante main, briser tous les liens dans lesquels le vers est enfermé et nous le rendre absolument libre, mâchant seulement dans sa bouche écumante le frein d’or de la rime ! […] Théodore de Banville exprimait il y a quelques années, le regret que Victor Hugo n’ait pas eu le courage de rendre purement et simplement à la poésie la liberté dont elle jouissait à l’âge d’or du seizième siècle.
C’était un de ces bons esprits, en très-grand nombre, qui furent comme les ouvriers chargés des taches secondaires dans le grand travail de la Renaissance, Il correspondait en grec avec le savant Budé, l’ami d’Érasme, le protecteur des lettrés auprès des rois Louis XII et François Ier, un des hommes qui ont rendu le plus de services aux lettres, sans pourtant laisser aucun écrit durable. […] Le caractère chevaleresque de François Ier, ses galanteries, avaient rendu de la faveur aux romans de chevalerie, et attiré d’Espagne et d’Italie, les Amadis, les Florestans, les, Philocopes. […] Cette absolution le relevait de toutes ses fautes ; elle lui permettait de rentrer dans le monastère de Maillezais, et d’exercer, avec la permission de son supérieur, et sans rémunération, l’art de la médecine « jusqu’à l’incision et la brûlure exclusivement. » Les termes mêmes de la bulle, qui louaient son zèle pour la religion et les lettres, sa probité et ses bonnes mœurs, rendaient vaines toutes les accusations contre sa vie passée. […] Mais ni l’impiété de Lucien, ni le spiritualisme de Platon, dont la science commence où finit celle d’Hippocrate et de Galien, ni le matérialisme de ce dernier, ne le rendaient indifférent aux systèmes opposés, et à mille autres connaissances de tout ordre qui prenaient place dans cette vaste mémoire pour en sortir quelque jour pêle-mêle, ou en leur lieu, sous les formes les plus capricieuses. […] Rabelais en avait reçu le dépôt de Jean de Meung et de Villon ; il le rendra à La Fontaine, qui le fera voir dans sa perfection.
C’est une âpreté dévorante dont ils ne sont pas maîtres et qui les rend très odieux. […] Ne sachant pas conduire ses passions, il s’y était livré, en se flattant de les étouffer : « J’ai détruit mes passions à peu près comme un homme violent tue son cheval, ne pouvant le gouverner. » On nous dit de cette figure, d’abord si charmante, que le plaisir l’altéra étrangement et que l’humeur finit par la rendre hideuse. […] Peuvent-ils me rendre ma jeunesse, ou m’ôter ma pensée, dont l’usage me console de tout ? […] M. de Lauraguais, qui raconte cela, n’a aucun intérêt à surfaire Chamfort aux dépens de Sieyès ; il est donc à croire que Chamfort fut pour celui-ci ce qu’il fut tant de fois pour Mirabeau, c’est-à-dire la « tête électrique » qui, au moindre frottement, rend l’étincelle. […] Mustapha et Zéangir parut imprimé en 1778 et fut dédié à la reine ; voici cette dédicace, qui n’a pas été reproduite dans les éditions des Œuvres de Chamfort : « Madame, l’indulgente approbation dont Votre Majesté a daigné honorer la tragédie de Mustapha et Zéangir m’avait fait concevoir l’espérance de lui présenter cet ouvrage, et vos bontés ont rendu ce vœu plus cher à ma reconnaissance.
Sieyès, cet ennemi de tout privilège et de toute aristocratie, n’avait pas moins d’éloignement pour la démocratie pure, et il croyait que l’art consistait précisément à rendre la force populaire raisonnablement applicable aux nations modernes, moyennant un système de représentation qu’il combine avec une ingéniosité infinie. […] À l’occasion de je ne sais quelle séance de comité à laquelle il assista vers ce temps de pleine anarchie, il écrivait pour lui, sur un bout de papier, ces notes inachevées, mais qui rendent au vif l’impression répulsive d’une noble intelligence à la vue de procédés si déshonorants pour une nation et pour l’esprit humain : Comité du 20 mars. — Paillasse (Chalier ?) […] Après avoir rendu de grands services diplomatiques à la République française dans son ambassade de Berlin et ailleurs, et avoir influé à l’intérieur sur beaucoup d’actes importants de comité ou de cabinet, nommé membre du Directoire, Sieyès se vit une puissance reconnue et fut recherché de toutes parts. […] Ils m’ont trompé en mentant : je le leur ai rendu sans le vouloir en disant vrai. […] Ceci m’explique encore comment plus tard Sieyès rendit si aisément les armes à Bonaparte, et (sous forme de récompense nationale) se laissa enrichir et combler par lui.
La conviction rend vibrante la parole du poète et nous ne tardons pas à vibrer avec elle, ce qui est la plus haute et la plus complète manière d’admirer78. […] Hugo se pique d’être « utile », de répandre sur les cœurs à pleines mains la pitié et la générosité, comme le prêtre verse sur les têtes ses bénédictions : bénir efficacement, n’est-ce pas avant tout rendre meilleur ? […] Il a rendu ma bouche semblable à un glaive tranchant : Il a fait de moi une flèche aiguë et il m’a caché dans son carquois. […] Je n’ai rien à demander. — Et rien dont tu doives rendre grâces à Dieu ? […] De là, cette glorification raisonnée de la souffrance, qui revient si souvent dans Musset et qui comme nous l’avons déjà remarqué ailleurs103, eût fort étonné un ancien : « Rien ne nous rend plus grand qu’une grande douleur. » (Nuit de mai.
S’en servir pour rendre plausible et vraisemblable l’hypothèse que vous nous proposez, c’est supposer ce qui est en question. […] Si l’on dit que c’est d’un Dieu bon et parfait tout est bon, je n’en disconviens pas ; mais c’est là précisément l’explication philosophique que l’on a déclarée insuffisante, et cette explication, une fois admise, rend inutile toute autre hypothèse, y compris celle du péché originel. […] De plus, chez les animaux, les conséquences du péché ne pourraient être que des conséquences physiques et non morales : qui oserait en effet les rendre responsables du péché d’Adam ? […] Alors le péché inné rend inutile l’hypothèse du péché transmis. […] Une morale qui rend les enfants responsables des fautes de leur père est une morale que l’on peut appeler barbare ; une théologie qui encore aujourd’hui considère les Juifs comme responsables du péché de leurs ancêtres, une théologie qui enseigne un Dieu poursuivant les enfants jusqu’à la troisième et quatrième génération est une théologie farouche dont l’atrocité primitive est recouverte par les prodiges de charité qui plus tard ont fleuri sur cette racine amère.
La psychologie classique n’a guère étudié que les images les plus éclatantes, celles qui apparaissent de temps à autre, à des intervalles rapprochés, mais non d’une manière continue, dans la succession psychique ; ces images sont de toutes sortes, mais chacune d’elles prise à part est relativement simple et homogène, et leur diversité spécifique n’apparaît guère que dans leur succession ; ce sont ces images qu’on appelle des souvenirs ou des imaginations ; leur vivacité relative et le contraste qu’elles offrent entre elles en se succédant les rendent plus évidentes que les autres. L’école anglaise a porté son attention sur les mélanges hétérogènes que forment les images affaiblies par l’habitude, mélanges où la faiblesse et la complexité des éléments réunis par l’association rendent ceux-ci presque méconnaissables ; elle cherche à expliquer par de tels mélanges non seulement la partie matérielle, mais encore la partie formelle de ce que l’on appelle proprement les idées ; double thèse, dont la première moitié n’est pas contestable, dont la seconde n’a pas encore triomphé des objections qui lui ont été opposées. […] Ainsi la parole intérieure, considérée comme puissance, est à son acte ce qu’une majeure générale est à une conclusion particulière ; c’est une puissance imparfaitement déterminée, dont l’acte n’est pas à l’avance rigoureusement fixé, mais seulement préparé dans ses lignes générales et, par là, rendu facile à l’imagination. […] La première opération est rendue facile par les simultanéités de la sensation ; les animaux eux-mêmes la font de bonne heure, comme tous les hommes ; elle consiste à rattacher méthodiquement aux visa-tacta, c’est-à-dire au monde extérieur, au monde étendu, tous les sons qui sont des états forts. […] En résumé, si une cause sensible et facilement observable, le son de la parole audible, suffit pour expliquer la nature spécifique de l’image qui sert de signe intérieur à la pensée, cette même cause ne peut suffire à expliquer l’extension merveilleuse de la parole intérieure, son indépendance, sa vitalité, le caractère impérieux que prend en nous cette habitude ; l’état fort ne rend pas raison de l’état faible, car l’effet dépasse la cause [ch.
Cette orgie matérielle et sensuelle leur parut une impuissance de rendre la vie de l’âme. […] C’est à cette conclusion, du moins, qu’aboutit une théorie récente, dite du monisme, parce qu’elle substitue aux deux éléments, en apparence antagonistes, un élément unique, constitutif de l’être et du monde, et qu’elle rend désormais impropres, dans le langage précis, les appellations « âme » et « corps », « esprit » et « matière ». […] Le plus grand des services que rendra la science, ce sera de dégager ce lien des fables, des superstitions qui le recouvrent, et de centupler notre foi. […] Mais il semble que Zola n’ait jamais vécu profondément et intimement une part quelconque de la vie qu’il a voulu rendre, si ce n’est toutefois ses années de misère et les petites tribulations de la vie artistique et parisienne. […] Je ne sais si nos désirs et nos appétits deviennent plus conscients, mais nous exigeons toujours plus d’air, toujours plus de réalité, et nous souhaitons pour la France un homme nouveau, aussi puissant que Zola, mais plus largement vital, qui ne s’enchaîne pas à une méthode, qui ne compromette pas sa propre liberté, qui étreigne librement la vie, qui se plie à tous ses aspects, qui rende toutes ses couleurs et toutes ses variétés, qui comprenne d’une façon moins étroite la purification par la science de la pensée.
Il faut même leur rendre cette justice qu’ils poussent le scrupule jusqu’à ne pas mêler, d’ordinaire, à leur drame, un personnage étranger. […] Nous avons déjà tant de peine à rendre l’aspect extérieur d’une terre étrangère, à comprendre à moitié les usages de ses habitants, leurs plaisirs, leur politesse et le goût particulier qu’ils trouvent à la vie ! […] La foule est grossière ; sa psychologie se réduit à des éléments par trop simples pour être curieux ; elle pense à peine ; elle ne rêve pas ; elle ressemble à une pierre rugueuse, que tout l’effort de l’artiste ne rendra pas agréable à l’œil. […] Un soir, j’ai prié Dieu, lui, le grand artiste, de me rendre capable de faire le travail qu’il veut que je fasse. […] Sans réflexions, sans recherches, c’est le foyer qui apparaît, la maison, le château, le magasin paternel, les chemins ou les rues où l’on courait, les parents, les voisins, les amis d’école ou de collège, la cousine qu’on allait voir volontiers, les grand-tantes auxquelles il fallait rendre une visite annuelle, et tant de joies auxquelles rien n’a ressemblé depuis, et tant de larmes qui n’ont pas toutes séché.
Une succession au trône régulièrement cimentée par des meurtres de famille, un gouvernement de sérail discipliné par la mort, à la moindre faute, au moindre revers, un trésor enrichi par les confiscations et le pillage, une armée de janissaires recrutés dans l’élite du sang chrétien pris et fanatisé dès l’enfance, puis cette autre armée de possesseurs turcs payant du service guerrier le domaine qui leur était échu, et défendant le sol comme une proie, tout cela rendait les armes ottomanes égales au moins à celles de l’Europe ; et, devant les divisions et les troubles des États chrétiens, elles semblaient supérieures. […] « Les grands se sont troublés ; les forts, les puissants, se sont rendus avec effroi ; et toi, ô Dieu, comme la roue du vanneur jette les barbes de l’épi au souffle impétueux du vent, tu as livré ces méchants, qui, fugitifs par milliers, se pâmaient devant un seul homme. […] Rendu enfin à la lumière du jour et à sa chaire, devant un immense auditoire, il reprit ainsi son enseignement : « Je vous disais, à notre dernière séance… » Puis il rappela simplement quelque précepte littéraire, quelque vérité déjà connue, comme si tout autre souvenir de sa longue séquestration eût disparu de sa mémoire. […] Il n’avait pas assez d’enthousiasme naturel pour une œuvre si haute, ni l’art français d’alors assez de maturité savante pour bien rendre sous sa main. […] Malgré les défauts du poëte, l’art même était trouvé : il ne s’agissait plus que de le rendre durable, et, pour ainsi dire, assuré.
Il aboutit lui-même à un échec, puisque sa poésie, au lieu d’être intime, ne fut que terne ; puisque ses traductions de Wordsworth furent loin de rendre la grande simplicité du modèle. […] Non pas qu’on ne trouve, chez eux aussi, des aristocrates de l’âme, avides de rendre un culte à l’Esprit pur, et qui séjournent sur les hauteurs. […] J’y découvre une Déesse majestueuse, qui d’un seul de ses regards se rend maîtresse de mon cœur. […] Tu perdras moins que je ne te rendrai. […] « On s’est plaint, et avec raison peut-être, que nous n’avions pas rendu à ce philosophe toute la justice qu’il méritait.
La France devrait lui rendre plus d’hommages, car, d’éclatante manière, il illustre les Lettres françaises. […] Après La Princesse Maleine, un article enthousiaste d’Octave Mirbeau le rendit tout à coup célèbre en France. […] Il ne renie pas son tempérament, mais rend à la culture latine l’hommage le plus neuf, le plus magnifique. […] Rendons un hommage particulier à l’habile et ingénieuse activité de Maurice Wilmotte : il prête son concours à tant de réunions utiles pour notre cause ! […] On s’en rendit bien compte au discours qu’Albert Ier prononça en inaugurant la section littéraire de l’Exposition de Bruxelles.
C’est d’abord la peinture qui a rendu possible la vision de ces miracles intraduisibles en paroles ; puis la poésie qui, dans le lyrisme, emporte l’âme déjà au-delà des symboles. […] Il peut venir au monde, si le monde s’en veut rendre digne, par la compassion à tout être vivant, par la tempérance, et par la charité, sur qui doit se fonder le socialisme, raisonnable et chrétien. […] Peut-être entendrons-nous un jour des poèmes symphoniques où les bruits de la nature seront pleinement rendus, dépassés même en réalité. […] Non seulement il n’y a pas au monde d’absurdité dont on ne l’ait rendu responsable, mais encore ceux-là même qui le prônent du meilleur cœur n’entrevoient souvent qu’un seul aspect de cet immense génie. […] Lire l’étude de M. de Wolzogen, le Public Idéal, dont le compte rendu est plus loin.
Gabriel Monod, directeur de la Revue Historique, ayant écrit à Richard Wagner pour lui dire son admiration à la Tétralogie et ses regrets de ce qu’Une Capitulation rendit difficile aux Français la juste appréciation d’elle, Richard Wagner lui répondit par une assez longue lettre datée de Sorrente, du 25 octobre 1876, dont la traduction a été publiée après la mort du Maître, par la Revue Politique et Littéraire, en février et reproduite par un grand nombre de journaux français et allemands, puis dans le volume de souvenirs de Richard Wagner publié par M. […] Mais l’éducation française — et du léger siècle — rendit sa métaphysique fort simple, aisément explicable dans la forme, encore, du Roman. […] Notre corps, enlevé par nous au Monde extérieur dont il est une partie, a limité notre Ame ; nous devons rendre au Monde notre corps, le fondre dans l’Unité idéale de l’Univers, afin que nous rendions l’infinie liberté à notre Ame. […] « Connaissez la vérité, disait Jésus, et la vérité vous rendra libres. » Et c’est, encore, la doctrine de Wagner. […] Nous en ferons un compte rendu, détaillé, et en publierons des extraits, notamment des Vainqueurs, le dernier drame projeté par Wagner.
Gavarret parle d’un discours sur Voltaire, que devait prononcer Royer-Collard à l’Académie, et que lui seul et M. de Barante ont entendu : Royer-Collard étant souffrant et ne pouvant se rendre à l’Académie. […] il travaillait à Guernesey, dans une cage de verre, sans stores, avec là-dedans, une réverbération à vous rendre aveugle, et à vous faire fondre la cervelle dans le crâne. […] Il ne va pas cet hiver en Algérie, trouvant que l’humidité chaude de là-bas, le rend cérébralement paresseux. […] Un peintre a rendu merveilleusement ce ciel, ces arbres, cette glace, ces patineurs : c’est Jonckind. […] Causerie avec le peintre Carrière, qui me tire de sa poche, un petit calepin, où il me montre une liste de motifs parisiens qu’il veut peindre, et parmi lesquels, il y a une marche de la foule parisienne, cette ambulation particulière, que j’ai si souvent étudiée d’une chaise d’un café du boulevard, et dont il veut rendre les anneaux, semblables pour lui aux anneaux d’une chaîne.
Il faut ne pas contrarier son maître, et le servir dans son goût, surtout lorsque les circonstances rendent tout autre parti impossible ou dangereux. […] Rendons-lui toutefois la justice qu’il ne paraît pas s’être arrêté longtemps sur cette idée qu’il serait lui-même Premier ministre. […] En ce moment, Bernis en était venu lui-même à un état tout à fait maladif, à une exaltation nerveuse réelle, infiniment honorable dans son principe, mais qui devait le rendre médiocrement propre au rôle qu’au fond il n’ambitionne même plus : « Ne parlez plus de moi pour la première influence, écrit-il d’un ton sincère à Choiseul ; vous me faites tort ; j’ai l’air de vous pousser et de n’être qu’un ambitieux, lorsque je ne suis que citoyen et homme de bon sens. » Dès août 1758, il s’ouvre nettement à Choiseul pour lui offrir sa succession : Réfléchissez mûrement sur une idée que j’ai depuis longtemps : je crois que vous seriez plus propre que moi aux Affaires étrangères en les considérant sous le point de vue de l’alliance. […] Il y parvint heureusement en plus d’une occasion, et il continua de rendre des services de ce genre jusque dans les derniers jours et comme à l’extrémité de son ministère.
La Normandie est une province qui, de tout temps et dès qu’elle s’est senti un passé, s’est volontiers occupée de ses antiquités et de ses grands hommes : elle n’a cessé de vivre d’une sorte de vie qui lui est propre et qui ne la rend que plus française. […] Au contraire, ce qui n’était que bon au lieu de son origine, il sait le rendre meilleur par le transport qu’il en fait. […] S’il dit les choses avec moins de particularité qu’Horace, il ne les rend pas avec moins de naturel ; car, en admettant que (les derniers vers exceptés) il n’y ait point d’ironie proprement dite dans le courant de l’ode d’Horace, on ne peut s’empêcher de remarquer qu’Alfius, ce soudain amateur des champs, se complaît fort, au milieu de son vœu frugal, à nommer les huîtres et les poissons du lac Lucrin, auxquels il déclare renoncer ; il y parle en détail des mets rares, des gelinottes, faisans ou autres oiseaux recherchés, auxquels il se promet désormais de préférer la mauve et l’olive. […] Il passe ses instants de loisir à polir durant des années des épigrammes de toutes sortes qu’il emprunte à Martial, à Catulle ou à de moins dignes, à correspondre avec les académiciens en renom, avec son voisin Balzac, « l’incomparable ermite de la Charente », avec les illustres de Paris, Chapelain, Gomberville et autres : il leur prodigue les louanges pour qu’ils les lui rendent ; il cherche à se rattacher à ceux qui vivent, et à ce qu’on dise de lui le moins possible feu Maynard.
Rathery qui, depuis bien des années, s’est appliqué à la littérature sérieuse et historique, et qui a fait preuve, dans maint travail critique, d’un rare esprit d’exactitude et de finesse, rend en ce moment un véritable service en publiant, au nom de la Société de l’histoire de France, les journaux et mémoires du marquis d’Argenson. […] ) Je ne trouve pas grand mal qu’il ne soit plus notre ministre, car je n’aime qu’une politique bourgeoise, où on vit bien avec ses voisins et où on n’est que leur arbitre, afin de travailler une bonne fois et de suite à perfectionner le dedans du royaume et à rendre tous les Français heureux. […] Chauvelin) combien c’était une chose étonnante et à jamais mémorable que cette valeur française qui, contre l’opinion de tout le monde, rendait nos soldats et officiers plus braves que les vieux soldats de M. de Turenne, et d’une constance opiniâtre inconnue au caractère attribué à notre nation, dans le moment où l’on croyait qu’ils feraient très mal les premières campagnes. Et il en conclut que c’est sur cette fibre mâle de la nation qu’un véritable homme d’État devrait appuyer pour rendre à la politique tout son ressort, et il souhaite qu’on aille en avant.
c’est mieux : le seul amour de la patrie, le seul enthousiasme de la vertu, l’unique désir de rendre la paix à son pays, l’inspire et la transporte jusqu’à l’égarer dans le choix de sa victime. […] Il était parvenu à nouer avec elle un commerce de lettres, et, comme elle partait pour Paris, il résolut de son côté de s’y rendre. […] Mais la nuit porte conseil : il réfléchit au danger de son voyage, et il pense que mieux vaut le différer et partir, non pour Paris, mais pour Reims et Vervins, afin de se rendre de là à la Chartreuse du Val-Saint-Pierre-en-Thiérarche, où il avait un parent, dom Barthélemy Effinger, qu’il n’avait jamais vu, mais qui lui destinait une cure : « Je resterai, se disait-il, au monastère sous prétexte d’en vouloir connaître l’intérieur, les pratiques, et peut-être d’en devenir un des moines ; sous ce prétexte, j’exigerai et j’obtiendrai le secret. » il ne serait allé à Paris qu’un peu plus tard et quand déjà sa famille, inquiète de son absence, l’y aurait fait chercher vainement. […] Je la rendais l’autre jour à Louis XIV, en citant de lui de belles pages ; c’est aujourd’hui le tour de Merlin.