Si maintenant, allant me promener, je pense à Pierre comme à un homme de taille normale et à Paul comme à un nain, si je laisse Paul à l’état de nain quand je me le figure revenu auprès de Pierre et reprenant sa conversation avec Pierre, nécessairement j’aboutirai à des absurdités ou à des paradoxes : je n’ai pas le droit de mettre en rapport Pierre demeuré normal et Paul devenu nain, de supposer que celui-ci puisse causer avec celui-là, le voir, l’entendre, accomplir n’importe quel acte, car Paul, en tant que nain, n’est qu’une représentation, une image, un fantôme. […] Sans doute il arrive au physicien relativiste, comme à tout autre physicien, de mettre en mouvement le système de référence où il s’était d’abord installé ; mais alors, bon gré mal gré, consciemment ou inconsciemment, il en adopte un autre, ne fût-ce que pour un instant ; il localise sa personnalité réelle dans ce nouveau système, qui devient ainsi immobile par définition ; et ce n’est plus alors qu’une image de lui-même qu’il aperçoit par la pensée dans ce qui était tout à l’heure, dans ce qui va redevenir à l’instant, son système de référence. […] Bref, le mouvement peut être uniforme ou varié, peu importe : il y aura toujours réciprocité entre les deux systèmes que nous aurons à mettre en présence. […] Nous disions : 1° que la théorie de la Relativité est obligée de mettre sur le même plan la « vision réelle » et la « vision virtuelle », la mesure effectivement prise par un physicien existant et celle qui est censée avoir été prise par un physicien simplement imaginé ; 2° que la forme donnée à cette théorie depuis Minkowski a précisément pour effet de dissimuler la différence entre le réel et le virtuel, entre ce qui est perçu ou perceptible et ce qui ne l’est pas. […] Du point de vue physico-mathématique, le raisonnement est d’ailleurs irréprochable : le physicien met sur la même ligne les mesures effectivement prises dans un système et celles qui, de ce système, apparaissent comme effectivement prises dans un autre.
Tout le butin épars, toute la monnaie des autres, mise en tas et en monceau, aurait-elle valu et pesé un seul talent d’or de celle-là ? […] Grâce à cette divulgation de pièces diplomatiques, ce que quelques érudits seuls possédaient autrefois, ce qui était le domaine propre d’un Foncemagne, d’un père Griffet, a été mis à la disposition de tous. […] quand je vois ces titres qu’on y affiche pas trop complaisamment, ces promesses et ces engagements publics de découvertes, tel ou tel personnage d’après des documents inédits, je me défie un peu du goût et de la parfaite justesse des conclusionsad ; je ne conseillerai pas de mettre, mais j’aimerai tout autant qu’on mît en tête une bonne fois : tel ou tel personnage d’après des idées et des vues judicieuses fussent-elles même anciennes. […] Nous tâcherons donc, messieurs, de ne pas admirer plus qu’il ne faut, ni autrement qu’il ne faut ; — de ne pas tout donner à un siècle, même à un grand siècle ; de ne pas tout mettre à la fois sur quelques grands écrivains. […] Il se pourra quelquefois que, dans cette quantité d’appréciations, d’estimations successives, où je mettrai tout mon soin, nous différions un peu de mesure, qu’il y ait des cas où vous me trouviez moins vif que vous ne comptiez, et que vous admiriez plus que moi certaines qualités de nos écrivains ; je serai heureux d’être en cela comme en d’autres choses, dépassé par vous.
Il n’y mettait d’ailleurs aucune prétention, aucune forfanterie, et n’affichait point des airs d’émigré. […] Celui qui y a mis le plus en. doit le plus retirer… » Se fondant sur ce texte, M. […] Toute une littérature y circulait en manuscrit, et à petit bruit, à l’usage d’un petit nombre de lecteurs, qui ne souhaitaient pas d’autre publicité… » Maintenant, en juge plus froid et plus désintéressé du débat, je me permets de trouver qu’il y a un peu d’excès dans l’importance qu’on met à un semblable détail. […] Les traductions de César par d’Ablancourt, et de Quinte-Curce par Vaugelas, avaient mis ces discussions à l’ordre du jour dans le beau monde ; grâce à d’Ablancourt encore, on pouvait suivre d’étape en étape la Retraite des dix mille avec cet agréable et instructif Xénophon, de qui Gustave Adolphe avait, dit qu’il ne connaissait que lui d’historien. […] Je mettrai encore ici deux ou trois réflexions que le sujet me suggère.
Mais comme nous croyons aussi que, dans l’inventaire posthume, si les contemporains les plus immédiats et les mieux informés ne s’en mêlent promptement pour y mettre ordre, il s’introduit bien du faux qui s’enregistre et finit par s’accréditer, il nous semble qu’il y a lieu à l’avance, et sous les regards mêmes de l’objet, dans l’observation secrète et l’atmosphère intelligente de sa vie, d’exprimer la pensée générale qui l’anime, de saisir la loi de sa course et de la tracer dès l’origine, ne fût-ce que par une ligne non colorée, avec ses inflexions fidèles toutefois et les accidents précis de son développement. […] Le théâtre mis de côté, la satire, qui lui traversa l’esprit un moment, repoussée comme âcre et odieuse, il prit une grande et solennelle détermination : c’était de composer un poëme épique, un Clovis. […] Elle se mettait avec tant de goût, et tout lui allait si bien ! […] Ce goût du simple et du réel le conduisit à un genre d’idylle qu’il mit à exécution, et dans lequel il visait à reproduire les mœurs pastorales, modernes et chrétiennes, en les reportant vers le xvie siècle, et sans intervention de fausse mythologie. […] Le poëte mettra ensuite autant de temps qu’il voudra à la confection extérieure, à la rime, à la lime, peu importe ; il y mettrait deux mois ou deux ans, que ce serait aussi vif que le premier jour : car, encore une fois, comme il le dit, il tient son affaire.
« Ordinairement, quand on est un peu en retard pour répondre aux lettres de ses amis, on donne pour excuse de grandes occupations : quant à moi, si j’ai un peu trop tardé à vous écrire, je ne veux pas tant mettre ma faute sur le compte de mes occupations, quoiqu’elles ne m’aient pas manqué, que sur le chagrin bien amer de la perte de cet homme sous le patronage duquel j’étais naguère si heureux de me trouver, avec tous ceux qui font profession de littérature ou avec tous les gens de lettres. […] Appelé un peu tard, il se mit à essayer d’un remède composé avec une poudre de toutes sortes de pierres précieuses pilées. […] » se mit-il à dire, et soulevant avec peine ses bras presque sans force, il me saisit et me serra les deux mains. […] Il le pria d’abord de l’excuser de lui avoir donné cette peine et de la mettre sur le compte de l’affection et de la bienveillance qu’il avait pour lui ; qu’il rendrait plus volontiers l’âme s’il avait d’abord rassasié ses yeux mourants de la vue d’un ami qui lui était si cher. […] Que de travail et d’industrie ne mit-il pas dans la recherche et l’achat, dans tous les coins du monde, des livres écrits dans les diverses langues !
Mais il en veut aux grands, de mettre la fortune à ce prix. […] Le livre des « caractères » La Bruyère a mis son œuvre sous le couvert des anciens, en faisant précéder ses Caractères d’une traduction de ceux de Théophraste. […] L’action physique qui accompagne les paroles de Lise en fait vigoureusement ressortir le ridicule : Lise se moque ainsi « pendant qu’elle se regarde au miroir, qu’elle met du rouge sur son visage et qu’elle place des mouches ». […] Fénelon se trouve ainsi être presque le premier de nos écrivains qui ait mis en communication la littérature et les arts458. […] Et ce prêtre mystique, ce grand seigneur porte en lui bien des germes de l’avenir, de ce xviiie siècle qui va tuer la noblesse et mettre en péril la religion.
C’est à Bâle qu’il publia ce livre, sans le signer de son nom, « si peu, dit-il, je me proposois de me mettre en réputation par ce moyen » ; L’Institution chrétienne égala ce qu’on en avait attendu. […] Mais ce premier principe demeure comme le fond de la réforme religieuse ; et quand on y regarde de près, on reconnaît dans toutes les institutions de détail du protestantisme cette mise en suspicion des œuvres. […] Une femme était mise en prison pour avoir porté les cheveux plus rabattus que ne le prescrivait le règlement de Calvin. […] Deux frères sont arrêtés, et mis en prison. […] La Vierge Marie lisait les heures de Notre-Dame ; Abraham et Isaac récitaient, avant de se mettre au lit, leur Pater noster et leur Ave, Maria.
Le rapport de cause à effet a lieu d’ordinaire entre un groupe d’antécédents et un groupe de conséquents, quoiqu’en général, par un procédé tout arbitraire, on mette à part un de ces antécédents sous le nom de cause, les autres étant appelés simplement des conditions. Ainsi un homme mange d’un certain mets et en meurt : on dit que ce mets est la cause de sa mort. […] Toutes ces uniformités, qui sont de simples résultats de causation, seraient alors mises à nu et expliquées, et chaque événement individuel pourrait être prévu, pourvu que nous eussions les données nécessaires. […] « La doctrine du libre arbitre met en évidence précisément cette portion de la vérité que le mot nécessité fait perdre de vue, c’est-à-dire la faculté que possède l’homme de coopérer à la formation de son caractère. […] Mill, comme on le voit, c’est que, même à mettre les choses au pis, le fatalisme absolu ne supprimerait pas la responsabilité, c’est-à-dire la punition114.
Sans parler des hommes qui, en fait de procédés, s’y montrent capables de tout, les femmes qu’il met en scène sont emportées, violentes, surtout intéressées et cupides. […] dans cette indigne histoire ou chronique scandaleuse de son temps, n’avait-il pas trouvé moyen de mettre, à côté de Mme d’Olonne et de Mme de Montglat, sa propre cousine, cette charmante Mme de Sévigné elle-même ! […] Elle lui avait pardonné son injure, mais à condition de s’en ressouvenir et de la lui rappeler toujours : « Levez-vous, comte, je ne veux point vous tuer à terre, lui écrivait-elle quand il faisait semblant de se mettre à genoux : ou reprenez votre épée pour recommencer notre combat… » En pleine paix, en pleine amitié, un mot, une saillie soudaine de cette innocente railleuse, laissait deviner son ancienne rancune, et montrait bien qu’elle se sentait désormais sur lui tous les avantages. […] Et, en effet, Bussy avait été excellent, dans le principe, pour mettre sa jolie cousine en humeur et en veine de style épistolaire : il était l’homme qu’il lui fallait pour lui renvoyer le volant, comme on dit ; mais il ne s’apercevait pas, en avançant, qu’elle pouvait très bien se passer de lui, dire à d’autres les mêmes jolies choses, en répandre de tous côtés et en retrouver sans cesse, et qu’il n’était plus lui-même assez vif et assez alerte pour ne pas perdre au vis-à-vis devant cette grâce supérieure et naturelle. […] Il y avait fait mettre Mme de Montglat, et au bas du portrait une inscription sanglante.
On ajourne la réponse, et, en attendant, on se met à ouvrir son cœur. […] Chaque jour je le paraissais davantage, et M. de Montperreux se crut payé de retour longtemps avant que je le lui eusse appris. » Tout ce récit que Mirabeau met dans la bouche de Sophie, et qui fait le milieu du second Dialogue, est plein de noblesse, de raison, de dignité dans l’aveu d’une faute, d’une demi-faute. […] quelle différence met votre sexe à ce devoir ? […] Remarquez avec quel art il saisissait le seul moyen de mettre les apparences de mon côté et de légitimer aux yeux de tant de témoins son entrée nocturne dans ma maison. […] Mme de Monnier, arrivée à Paris, fut mise dans une espèce de pension rue de Charonne, puis envoyée dans un couvent à Gien.
À cette date, et avant que ses instincts cruels aient été mis directement aux prises avec les événements et avec les tentations ambitieuses, Saint-Just est encore imbu des doctrines philanthropiques du xviiie siècle en matière pénale : c’est un élève de Beccaria. […] Ainsi l’échafaud de Marie-Antoinette est mis sur la même ligne que le courage de nos armées. […] Toutes les fois que Robespierre a besoin d’un rapporteur impassible, sophistique, aux lèvres d’airain et au front de marbre, pour épurer la Convention et envoyer à l’échafaud, sous couleur de bien public, d’anciens amis et complices, il met en avant Saint-Just, qui s’acquitte de cette tâche comme d’un sacerdoce. […] On a dit, et lui-même annonçait à ses amis, qu’ encore un dernier coup de collier, la clémence allait être mise à l’ordre du jour . […] Il y a de jeunes fous et de vieux philosophes qui ont mis dans leur oratoire, au nombre de leurs saints, ce jeune homme atroce et théâtral, auquel on est même embarrassé, quand on embrasse sa courte et sinistre carrière, d’appliquer une seule fois le mot humain de pitié.
L’esprit, qui n’est plus arrêté comme dans le temps des castes par des faits sacrés, traditionnels, et par les obstacles de toute nature que le hasard et la coutume avaient mis entre les hommes, l’esprit, qui a contracté l’habitude de pousser chaque principe à ses dernières conséquences, s’indigne d’autant plus de tout ce qui semble faire résistance à ses théories. […] La démocratie met donc l’homme dans l’état où il doit être ; mais c’est à lui d’être ce qu’il doit être. […] Dans sa jeunesse, Tocqueville avait douté ; mais il s’était arrêté dans le doute, et son esprit, curieux surtout des choses politiques, semble avoir mis en réserve les vérités révélées pour s’exercer en toute liberté sur le reste. […] Lorsque les esprits aventureux ont jeté en avant quelques hypothèses, les sociétés se mettent à les vérifier un peu au hasard. […] Si l’on cherche maintenant à quelle conclusion la méthode précédente a conduit M. de Tocqueville, on verra qu’en dehors des vues particulières, qui sont très-nombreuses dans ses écrits, il a mis en pleine lumière cette loi aperçue par quelques auteurs, mais que nul n’avait encore développée comme lui.
Si, au contraire, les deux pensées sont jugées différentes, l’expression provisoire est par là même condamnée ; nous disons qu’elle dénature notre pensée, ou qu’elle la dépasse, ou qu’elle l’amoindrit ; nous ne l’acceptons pas, et nous nous mettons à la recherche d’une expression meilleure. […] Mais si la langue du texte que nous voulons nous assimiler nous est totalement inconnue, il faut l’apprendre, c’est-à-dire apprendre à mettre sous ces mots inconnus des idées d’abord connues, puis nouvelles. […] Alexandre Dumas, dont les manuscrits immaculés sont célèbres, était de ces derniers ; Balzac, au contraire, se ruinait en corrections d’épreuves ; soutiendra-t-on, d’après Boileau, que Balzac concevait moins nettement qu’Alexandre Dumas les personnages qu’il mettait en scène dans ses romans ? […] Quiconque parle d’un sujet sans avoir l’habitude d’en parler cherche ses mots, parle lentement, hésite, tout en sachant bien ce qu’il veut dire ; les intervalles qu’il met entre ses mots prouvent qu’un intervalle existe également entre sa pensée et ses paroles. […] Fournié, p. 326 et 336 : « Nous ne trouvons dans le mot que ce que nous y avons mis », etc.
Je ne vois qu’un moyen de savoir jusqu’où l’on peut aller : c’est de se mettre en route et de marcher. […] Il y a là, se succédant les unes aux autres, des trillions d’oscillations, c’est-à-dire une série d’événements telle que si je voulais les compter, même avec la plus grande économie de temps possible, j’y mettrais des milliers d’années. […] Mettons donc matière et conscience en présence l’une de l’autre : nous verrons que la matière est d’abord ce qui divise et ce qui précise. […] C’est pour se rassurer qu’on cherche l’approbation, et c’est pour soutenir la vitalité peut-être insuffisante de son œuvre qu’on voudrait l’entourer de la chaude admiration des hommes, comme on met dans du coton l’enfant né avant terme. […] La société, qui est la mise en commun des énergies individuelles, bénéficie des efforts de tous et rend à tous leur effort plus facile.
On conçoit que la pompe lyrique et musicale, que la mise en scène, ne fussent pas les mêmes pour l’annonce d’une victoire lointaine, apportée d’Olympie au roi de Syracuse, dans le luxe de sa cour, ou pour le jeune athlète qu’au sortir de la lice une fête civique accueillait à la voix du poëte. […] Tu as cru que je serais semblable à toi ; mais je te conte vaincrai, et je mettrai ton compte sous tes yeux. […] L’homme aux mains innocentes et au cœur pur, qui n’a pas mis sa confiance en de vaines divinités, et qui n’a pas juré, avec le dessein de tromper : celui-là remportera la bénédiction de Jéhovah, et la justice des mains de Dieu, son Sauveur. […] Dieu est sorti de Canaan, et le Saint s’est avancé des monts Paranéens ; sa gloire a voilé les cieux, et la terre a été inondée de sa lumière. » Tel était le langage que le zèle de la religion, l’amour de la patrie, la joie de la victoire et de la délivrance, mettaient dans la bouche d’une femme, chez ce petit peuple hébreu, encore presque ignoré du monde qu’il devait renouveler. […] « Je la mettrai au pouvoir du hérisson ; je la changerai en marais ; je la nettoierai en la détruisant, dit Jéhovah.
Victor Le Clerc et dont était le spirituel Ampère, Beyle, qui était de la partie pour la campagne romaine, égayait les autres, à chaque pas, de ses saillies, et excellait surtout à mettre ses doctes compagnons en rapport avec l’esprit des gens du pays : « Le ciel, disait-il, m’a donné le talent de me faire bien venir des paysans. » Sa prompte et gaillarde accortise, sa taille déjà ronde et à la Silène, je ne sais quel air satyresque qui relevait son propos, tout cela réussissait à merveille auprès des vendangeurs, des moissonneurs, des jeunes filles qui allaient puiser l’eau aux fontaines de Tivoli comme du temps d’Horace. […] Beyle n’y est plus cependant sur son terrain ; on l’y sent un peu novice sur cette terre gauloise ; quand il se met à parler antiquités ou art gothique, on s’aperçoit qu’il vient, l’année précédente, de faire un tour de France avec M. […] Pendant son séjour dans l’État romain, tout en faisant des fouilles et en déterrant des vases noirs « qui ont 2700 ans, à ce qu’ils disent » (je doute là, comme ailleurs, ajoutait-il), il avait mis ses économies à acheter le droit de faire des copies dans des archives de famille gardées avec une jalousie extrême, et d’autant plus grande que les possesseurs ne savaient pas lire : J’ai donc, disait-il, huit volumes in-folio (mais la page écrite d’un seul côté) parfaitement vrais, écrits par les contemporains en demi-jargon. […] Son style, en appuyant, n’éclaircit pas sa pensée ; il se faisait des idées singulières des écrivains proprement dits : Quand je me mets à écrire, disait-il, je ne songe plus à mon beau idéal littéraire ; je suis assiégé par des idées que j’ai besoin de noter. […] Colomb, ami intime de Beyle, et qui eut à mettre en ordre ses papiers, a lui-même certifié le fait.
lui écrivait-il dans l’été de 1678 ; car pour ceux du roi, je ne m’en mets pas autrement en peine. […] » — Moins de deux ans avaient donc suffi pour user et mettre à jour ce grand sentiment. […] Si vous l’aimez, vous reviendrez incessamment voir s’il n’y a pas moyen d’y mettre quelque ordre : entre vous et moi, je le crois totalement perdu. […] » — « La gloire est la preuve de la vertu », a dit Vauvenargues ; et dans un admirable Discours adressé à un jeune ami il expose toute une noble doctrine que je voudrais mettre en regard de cette lettre du chevalier de Bouillon à Chaulieu, et qui la réfute par une éloquence victorieuse : « Insensés que nous sommes, nous craignons toujours d’être dupes ou de l’activité, ou de la gloire, ou de la vertu ! […] C’est pour ton aimable visage, enfin, que le nourrisson d’Atarnée78 a mis en deuil, par sa mort, la clarté du soleil : aussi est-il digne pour ses hauts faits du chant des poètes, et les Muses, filles de Mémoire, le rendront immortel et ne cesseront de le grandir, au nom même de l’hospitalité sainte et de l’inviolable amitié.
Il y a telle lettre où il commence par dire qu’il n’a rien à dire, et, sous prétexte de cela, il se met à trouver de très jolies choses et très sensées ; il y donne toute la théorie de la correspondance familière entre amis : écrire toujours, un mot chassant l’autre, et laisser courir la plume sans y tant songer, comme va la langue quand on cause, comme va le pas quand on chemine. […] L’hiver de 1780-1781 marque le moment où Cowper se mit décidément au travail et devint auteur. […] La composition et la publication de son premier recueil n’avaient fait que le mettre en train et en verve ; il sentait que ce n’était qu’en écrivant, et en écrivant des vers, qu’il pouvait échapper complètement à sa mélancolie : Il y a, disait-il vers ce temps, il y a dans la peine et le travail poétique un plaisir que le poète seul connaît : les tours et les détours, les expédients et les inventions de toute sorte auxquels a recours l’esprit, à la poursuite des termes les plus propres, mais qui se cachent et qui ne se laissent point prendre aisément ; — savoir arrêter les fugitives images qui remplissent le miroir de l’âme, les retenir, les serrer de près, et les forcer de se fixer jusqu’à ce que le crayon en ait tiré dans toutes leurs parties une ressemblance fidèle ; alors disposer ses tableaux avec un tel art que chacun soit vu dans son jour le plus propice, et qu’il brille presque autant par la place qui lui est faite, que par le travail et le talent qu’il nous a coûtés : ce sont là des occupations d’un esprit de poète, si chères, si ravissantes pour sa pensée, et de nature à le distraire si adroitement des sujets de tristesse, que, perdu dans ses propres rêveries, heureux homme ! […] Je suis un brave drapier qu’on estime à la ronde : certainement, pour cette fête, mon ami le décatisseur me prêtera sa bête. » Il est convenu aussi qu’on emportera le vin du logis, car le vin cette année-là est cher. « Le matin venu, la chaise s’avance, mais non jusqu’à la porte, afin qu’on ne puisse pas dire que Mme Gilpin est fière. » Surviennent les contretemps du voyage : au moment où part la chaise de poste, Gilpin, prêt à la suivre et déjà en selle, voit arriver trois pratiques ; on ne refuse jamais des pratiques, et il met pied à terre pour les servir. […] Je veux que vous le chantiez. » La fée avait parlé, et Cowper se mit à l’œuvre, intitulant son poème La Tâche.
Ce jour-là, le jeudi d’après Pâques, il se mit en route à une heure de l’après-midi, par un beau temps et un vent frais, à pied, en compagnie d’Edmond de Cazalès, qui n’était pas encore dans les ordres. […] Cette fois il sut se détourner à temps et alterner dans le mode de sa sensibilité : Je me mis à la considérer (la nature) encore plus attentivement que de coutume, et par degrés la fermentation s’adoucit ; car il sortait des champs, des flots, des bois, une vertu suave et bienfaisante qui me pénétrait et tournait tous mes transports en rêves mélancoliques. […] Faites qu’en la traversant je sois sourd au bruit, inaccessible à ces impressions qui m’accablent quand je passe parmi la foule ; et pour cela mettez devant mes yeux une image, une vision des choses que j’aime, un champ, un vallon, une lande, le Cayla, le Val, quelque chose de la nature. […] Il supposa le dernier des centaures interrogé au haut d’un mont, au bord de son antre, et racontant dans sa mélancolique vieillesse les plaisirs de ses jeunes ans à un mortel curieux, à ce diminutif de centaure qu’on appelle homme ; car l’homme, à le prendre dans cette perspective fabuleuse, grandiose, ne serait qu’un centaure dégradé et mis à pied. […] [NdA] On l’a retrouvée depuis, et elle a été mise dans la seconde édition des Œuvres (1862).
Je m’étais toujours figuré, je l’avoue, un rôle tout autre pour un homme de l’école moderne, de cette jeune école un peu vieillie, qui se serait mis sur le retour à étudier de près les Anciens et à déguster dans les textes originaux les poëtes : c’eût été bien plutôt de noter les emprunts, de retrouver la trace de tous ces gracieux larcins, et de nous initier à l’art charmant de celui qui se plaisait souvent à signer : André, le Français-Byzantin. Sans doute, en considérant avec détail les maîtres, on aurait pu trouver plus d’une fois que l’imitateur n’avait pas tout rendu, qu’il était resté au-dessous ou pour la concision ou pour une certaine simplicité qui ne se refait pas ; c’est l’inconvénient de tous ceux qui imitent, et Horace, mis en regard des Grecs, aurait à répondre sur ces points non moins que Chénier ; mais tout à côté on aurait retrouvé chez celui-ci les avantages, là où il ne traduit plus à proprement parler, et où seulement il s’inspire ; on aurait rendu surtout justice en pleine connaissance de cause à cet esprit vivant qui respirait en lui, à ce souffle qu’on a pu dire maternel, à cette fleur de gâteau sacré et de miel dont son style est comme pétri, et dont on suivrait presque à la trace, dont on nommerait par leur nom les diverses saveurs originelles ; car, à de certains endroits aussi, ne l’oublions pas, l’aimable butin nous a été livré avant la fusion complète et l’entier achèvement. […] Dans le chant que met André Chénier sur les lèvres d’Homère, il assemble toute une série de grands sujets, et tandis que se déploie devant nous ce riche canevas, ce tissu des saintes mélodies, on y reconnaît et on se rappelle successivement, tantôt le chant de Silène dans l’églogue vie de Virgile, tantôt le bouclier d’Achille et les diverses scènes qui y sont représentées, puis encore des allusions à diverses circonstances de l’Odyssée ; mais, vers la fin du chant, le combat des Centaures et des Lapithes prend le dessus, et tout d’un coup on y assiste. Ovide, au chant xii des Métamorphoses, avait déjà mis un récit de cette mêlée dans la bouche de Nestor ; Chénier n’a pas à redouter ici la confrontation, et dans ce tableau qu’il résume, pour la vivacité, pour la vigueur concise, il garde bien ses avantages. […] Tout au milieu, il y a mêlé l’Iris odorant de Nossis, sur les tablettes de laquelle Amour lui-même enduisit la cire ; il y a mis la marjolaine de Rhianus qui exhale l’agrément, et le jaune safran d’Érinne aux couleurs virginales…, et Damagète, cette violette noire, et le doux myrte de Callimaque, toujours plein d’un miel épais… Il a cueilli, pour y ajouter, la grappe enivrante d’Hégésippe…, et la pomme mûre des rameaux de Diotime, et la grenade à peine en fleur de Ménécrate… La ronce d’Archiloque aux dards sanglants et quelques gouttes de son amertume y relèvent la chanson de nectar et les mille brins d’élégie d’Anacréon… Le bluet foncé de Polyclète… et le jeune troëne d’Antipater n’y manquent pas…, ni surtout la branche d’or du toujours divin Platon, où tous les fruits de talent resplendissent.
Christel prit les trois petites lettres et les mit à part sur un coin du bureau, comme pour ne pas les mêler aux autres : Quel bonjour empressé, se disait-elle, quel appel impatient et redoublé, quel gracieux chant d’avril devait-il en sortir pour celui qui les lirait ! […] Christel n’apprit ces détails que successivement, et sans rien faire pour s’en enquérir ; mais, quoique sa mère et elle ne reçussent habituellement aucune personne du lieu, les simples propos des voisines, la plupart du temps en émoi si l’on voyait le jeune homme arriver au galop du bout de la place, puis mettre son cheval au pas en approchant, auraient suffi pour instruire. […] Le courrier de Paris arrivait vers deux heures et demie, à l’issue du dîner ; bien peu après, dès que sa mère lassée commençait à sommeiller, Christel s’approchait sans bruit du bureau et faisait rapidement le départ ; puis elle prenait la lettre pour Hervé, mise tout d’abord de côté, et la tenait longtemps dans sa main, et non pas sans trembler, comme si elle se fût permis quelque chose de défendu. […] Elle n’avait pas tardé non plus à distinguer, entre toutes, les lettres qu’il écrivait, tantôt mises dans la boîte par lui-même, qui revenait exprès pour cela, tantôt apportées par un domestique qu’elle eut vite reconnu. […] En peu de temps ils mirent ainsi bien du passé dans leur amour.
Des doctrines, il ne garde que quelques mots, les mots essentiels dont chacun en gros connaît le sens, où chacun peut mettre toute la richesse de sa pensée personnelle : et à ces mots il associe des images que la nature lui fournit. […] Gautier mettait encore dans ses vers des sujets de tableaux : Banville n’y met rien, que des souplesses étonnantes de versification. […] Ses changements d’opinions sont tout à fait légitimes : il eut le tort de vouloir les dissimuler, et de recourir à toute sorte de falsifications de ses propres écrits pour mettre après coup l’unité dans sa vie et dans ses convictions. […] Art d’être grand-père, Mise en liberté.
Voilà pourquoi les dépositaires de l’esprit de la nation, durant ce long période, semblent écrire sous l’action d’une fièvre intense, qui les met sans cesse au-dessus et au-dessous de la raison, rarement dans sa moyenne voie. […] Les plus grands hommes d’une nation sont ceux qu’elle met à mort. […] Dieu étant le seul maître que l’homme doive reconnaître, payer la dîme à un souverain profane, c’est en quelque sorte le mettre à la place de Dieu. […] Des tourterelles sveltes et vives, des merles bleus si légers qu’ils posent sur une herbe sans la faire plier, des alouettes huppées, qui viennent presque se mettre sous les pieds du voyageur, de petites tortues de ruisseaux, dont l’œil est vif et doux, des cigognes à l’air pudique et grave, dépouillant toute timidité, se laissent approcher de très près par l’homme et semblent l’appeler. […] Ces voyages, où la nation réunie se communiquait ses idées, et qui étaient presque toujours des foyers de grande agitation, mettaient Jésus en contact avec l’âme de son peuple, et sans doute lui inspiraient déjà une vive antipathie pour les défauts des représentants officiels du judaïsme.
Il prêtait de son génie à Ossian et l’aurait mis volontiers dans sa cassette, comme Alexandre faisait pour Homère. […] Il fut mis à la demi-paye. […] Il nous dit tout et n’y met pas de fausse retenue. […] Mais c’est une ville profane, où il y a plus d’infidèles que de croyants ; ce serait se mettre au milieu de ses ennemis. […] Ils sont à mettre à côté du curieux volume sur les guerres de Jules César, publié par M.
Déjà un jeune homme doué d’une langue facile, d’une grande éloquence et d’un esprit brillant, avait annoncé le dessein de mettre en vers ces histoires, et le cœur de tous s’en était réjoui. […] C’est alors qu’il ouït parler du sultan Mahmoud, qui, dans sa cour de Ghaznin, s’entourait d’une pléiade de poètes, mettait au concours les histoires des anciens rois, et désirait un homme capable de les orner et de les embellir sans les altérer. […] Au premier rayon de l’aurore, Roustem prit un onyx qu’il portait au bras, et qui était célèbre dans le monde entier ; il le donna à Tehmimeh en disant : Garde ce joyau, et si le ciel veut que tu mettes au monde une fille, prends cet onyx et attache-le aux boucles de ses cheveux sous une bonne étoile et sous d’heureux auspices ; mais si les astres t’accordent un fils, attache-le à son bras, comme l’a porté son père… Là-dessus Roustem part au matin, monté sur son cheval Raksch ; il s’en retourne vers l’Iran, et, durant des années, il n’a plus que de vagues nouvelles de la belle Tehmimeh et du fils qui lui est né ; car c’est un fils et non une fille. […] Sohrab choisit un cheval assez fort pour le porter, un cheval fort comme un éléphant ; il assemble une armée et se met en marche, non pour combattre son père, mais pour combattre et détrôner le souverain dont Roustem est le feudataire, et afin de mettre la race vaillante de Roustem à la place de ce roi déjà fainéant.
Je laisse à de plus osés de mettre la main au feu pour des questions de ce genre : il me suffit, et il doit suffire à ceux qui cherchent avant tout le caractère du personnage, que Mme de Maintenon ait eu dans l’ensemble une ligne de conduite pleine de réserve et de convenance. […] Le fait est, si l’on met toute malice à part, que Mme Scarron, durant ces années les plus périlleuses, paraît n’avoir jamais été troublée par ses sens, jamais poussée par son cœur, et qu’elle était retenue par les deux freins les plus forts de tous, un amour de la considération qui, de son aveu, était sa passion dominante, et une religion précise et pratique dont elle ne se départit jamais : « J’avais, a-t-elle dit, un grand fonds de religion, qui m’empêchait de faire aucun mal, qui m’éloignait de toute faiblesse, qui me faisait haïr tout ce qui pouvait m’attirer le mépris. » Je ne vois pas de raison pour douter de cette parole, sauf accident. […] Plus grande, je fus mise dans des couvents : vous savez combien j’y étais chérie de mes maîtresses et de mes compagnes, toujours par la même raison, parce que je ne songeais, du matin au soir, qu’à les servir et à les obliger. […] Si l’on peut entrevoir ici en Mme de Maintenon, pour peu qu’on y réfléchisse, la femme de quarante-cinq ans la plus experte et la plus consommée en l’art de nouer une trame, une intrigue mi-partie de sensualité et de sentiment, sous couleur de religion et de vertu, on doit reconnaître aussi le talent d’esprit qu’elle dut y mettre et ce charme de conversation par lequel elle amusait, éludait et enchaînait un roi moins ardent qu’autrefois et qui s’étonnait de prendre goût à cette lenteur toute nouvelle. […] Vieille, incommodée par le froid dans ces vastes appartements, elle ne pouvait prendre sur elle de mettre un paravent autour de son fauteuil, car le roi y venait, et cette irrégularité de coup d’œil lui eût déplu : « Il fallait périr en symétrie. » Toutes les querelles, les zizanies, les complications de la famille royale retombaient sur elle : « Je viens d’être tirée, non à quatre chevaux, mais à quatre princes », disait-elle un jour dans son excès de fatigue ; et il fallait, avec l’art dont elle se piquait, qu’elle tournât tous ces ennuis en agrément et en manière de gaieté : elle n’en gardait, de son côté, que les épines.
C’est ce caractère de l’homme et du littérateur que nous tâcherons d’établir et de mettre en vue. […] On ajoutait que sa mère l’avait mis au monde au coin d’une borne dans la rue de La Harpe, faisant entendre que c’était de là que lui venait son nom. […] Le genre des héroïdes était en vogue pour le moment ; Colardeau l’avait mis à la mode par son Épître d’Héloïse à Abélard. […] On conçoit le trouble où un tel éclat dut mettre l’âme irritable de La Harpe. […] Pour la première fois en France, l’enseignement tout à fait littéraire commence et se met en frais d’agrément ; pour la première fois, quand on n’est ni frivole, ni érudit, et qu’on cherche une juste et moyenne culture, on voit se dérouler des cadres faciles qui étendent et reposent la vue de l’esprit, même quand le professeur n’a pas réussi complètement à les remplir.
Si je pouvais l’accélérer en sacrifiant toute ma bibliothèque, j’y mettrais le feu avec autant de zèle qu’Érostrate le mit au temple d’Éphèse. […] Frédéric gronde son ami de s’être formalisé et d’avoir pris au sérieux un badinage ; il continue quelque temps encore ces plaisanteries qui, si elles ne sont pas de très bon goût, ne sont point du tout d’un mauvais cœur ; il essaye, tandis que la guerre se prolonge, de calmer les inquiétudes de son ami, d’adoucir son humeur noire et de lui insinuer de cette philosophie qui se sent déjà du voisinage de la politique : Je vous prie, mettez-vous l’esprit en repos sur l’Europe. […] Frédéric, en les recevant, en y reconnaissant cette inscription que Jordan mettait en tête de tous ses livres : « Jordani et amicorum », se sentit tout ému : Je vous avoue que j’ai eu les larmes aux yeux lorsque j’ai ouvert les livres de mon pauvre défunt Jordan, et que cela m’a fait une véritable peine de penser que cet homme que j’ai tant aimé n’est plus. […] Quand Frédéric a adopté quelqu’un, il est ingénieux à le combler ; il y met une malice aimable.
C’est il y a onze ans que Jadis et Naguère nous vint apporter tant de courbes gracieuses et flexibles, et peu après, la bienveillance de Verlaine me mettait en possession du manuscrit des Illuminations que je publiais immédiatement dans la Vogue. […] Il me semblait insuffisant de mettre au sonnet la tête en bas, de jouer sur le rythme, d’agrandir les perspectives de la symétrie. […] Il enhardit à ne point craindre toute complication d’idées, sous prétexte d’obscurité, à renoncer à la carrure vulgaire dans la mise en page d’une idée. […] L’importance de cette technique nouvelle, en dehors de la mise en valeur d’harmonies forcément négligées, sera de permettre à tout poète de concevoir en lui son vers ou plutôt sa strophe originale, et d’écrire son rythme propre et individuel au lieu d’endosser un uniforme taillé d’avance et qui le réduit à n’être que l’élève de tel glorieux prédécesseur. […] Il nous paraît donc plausible de le scander, en le considérant entre les syllabes environnantes comme un simple intervalle, et en cela nous sommes d’accord avec la déclamation instinctive du langage qui est la vraie base de la rythmique, et même la constitue dès qu’elle se met d’accord avec l’accent d’impulsion qui est son élément de variation, et l’intonation poétique, subordonnée à l’accent d’impulsion, accent et intonation qui comptent, puisque le vers et la strophe sont tout ou partie de phrase chantée et sont de la parole avant d’être une ligne écrite.
Voici comment raisonnent la plupart des hommes opulents qui occupent les grands artistes : la somme que je vais mettre en dessins de Boucher, en tableaux de Vernet, de Casanove, de Loutherbourg, est placée au plus haut intérêt. […] Quel rapport y a-t-il entre le salaire qu’on accordait aux maîtres anciens, et la valeur que nous mettons à leurs ouvrages ? […] Ce sont ces gens-là qui décident à tort et à travers des réputations ; qui ont pensé faire mourir Greuze de douleur et de faim ; qui ont des galeries qui ne leur coûtent guères ; des lumières ou plutôt des prétentions qui ne leur coûtent rien ; qui s’interposent entre l’homme opulent et l’artiste indigent ; qui font payer au talent la protection qu’ils lui accordent ; qui lui ouvrent ou ferment les portes ; qui se servent du besoin qu’il a d’eux pour disposer de son temps ; qui le mettent à contribution ; qui lui arrachent à vil prix ses meilleures productions ; qui sont à l’affût, embusqué derrière son chevalet ; qui l’ont condamné secrètement à la mendicité, pour le tenir esclave et dépendant ; qui prêchent sans cesse la modicité de fortune comme un aiguillon nécessaire à l’artiste et à l’homme de lettres, parce que, si la fortune se réunissait une fois au talent et aux lumières, ils ne seroient plus rien ; qui décrient et ruinent le peintre et le statuaire, s’il a de la hauteur et qu’il dédaigne leur protection ou leur conseil ; qui le gênent, le troublent dans son attelier, par l’importunité de leur présence et l’ineptie de leurs conseils ; qui le découragent, qui l’éteignent, et qui le tiennent, tant qu’ils peuvent dans l’alternative cruelle de sacrifier ou son génie, ou son élevation, ou sa fortune. […] Il faut entendre les cris d’une famille honnête, lorsqu’un enfant entraîné par son goût se met à dessiner ou à faire des vers. […] Dussiez-vous, mon ami, me comparer à ces chiens de chasse, mal disciplinés, qui courent indistinctement tout le gibier qui se lève devant eux ; puisque le propos en est jetté, il faut que je le suive et que je me mette aux prises avec un de nos artistes les plus éclairés.
Mais faut-il donc attendre que la secte du Romantisme (car c’est ainsi qu’on l’appelle), entraînée elle-même au-delà du but où elle tend, si toutefois elle se propose un but, en vienne jusque-là, qu’elle mette en problème toutes nos règles, insulte à tous nos chefs-d’œuvre, et pervertisse, par d’illégitimes succès, cette masse flottante d’opinions dont toujours la fortune dispose ? […] Dégoûtés eux-mêmes de leurs froides et lourdes imitations, ils s’en prirent à leurs modèles ; n’ayant pu égaler nos écrivains, ils se mirent à les dédaigner ; et ils résolurent de se faire originaux. […] Il ne raconte pas une action, il la met sous les yeux ; il veut plus qu’émouvoir et plaire, il aspire à faire illusion. […] Nos jeunes écrivains, les plus favorables à ces idées nouvelles, n’ont pas encore osé les préconiser hautement, ni surtout les mettre en pratique. […] Je dirai seulement aux partisans du premier : Soyez vrais, soyez-le, s’il vous est possible, plus que vos maîtres et les nôtres ; mais n’exagérez pas même cette qualité que vous mettez avec raison au-dessus de toutes les autres.
Voici comment je me suis expliqué là-dessus dans L’Événement du 13 avril 1891 : « En fondant un journal que je mettais à la disposition des Jeunes, je ne voulais pas remorquer exclusivement une littérature. […] Simple dans sa mise, correct dans ses mœurs, il a pour idéal le Beau dans le Bien et cherche à conformer ses actes avec ses théories. […] Sous prétexte de philosophie évolutive, ils écrivent une sorte de charabia fort suggestif, dit-on, lorsqu’on le met en musique. […] « Au point de vue gastronomique, c’est un gourmet de la plus haute valeur, un dilettante de cuisines savamment préparées, mais qui n’aime pas moins l’abondance que l’exquisité des mets. […] Le groupement des hommes par races est une utopie pour quiconque a la moindre connaissance des doctrines socialistes, et le culte de la Beauté préconisé par ce bon Raynaud, allez donc en parler à l’armée des malheureux qui n’ont pas un morceau de pain à se mettre sous la dent.
L’Académie elle-même, l’Académie, qui juge les morts (en France on n’est jugé que par ses pairs) et qui met au concours la rédaction de leurs épitaphes, est entrée dans la sympathie universelle et a dernièrement couronné un éloge de l’auteur de ces Mémoires, dont la gloire doit se mesurer à la grandeur monumentale de son livre. […] Il fit de Louis XIV un roi de tapisserie, magnifiquement extérieur et superficiel, mais, sous la casaque bien portée, il ne mit qu’un despote vulgaire, un être médiocre, d’esprit et de cœur. […] Quand il met la main à l’histoire, ce n’est que pour la raconter. […] Il est évident que les Mémoires devenaient alors pour lui ce que le poème de l’Enfer fut pour Dante qui, dit-on, y mit ses ennemis. […] Laissons pour un moment ses vices, qu’il laissa lui-même quand il fut ministre et cardinal, et demandons-nous s’il n’y a pas quelque chose qu’estimerait le cardinal de Richelieu dans ce petit homme bègue de soixante ans, à la santé en ruine, traînant après lui, a dit un historien, « une réputation telle que l’envie elle-même n’aurait pu rien y ajouter », et qui, sans être écrasé par la honte de ses premières années, met aux affaires une main assez vaste pour les embrasser et meurt dans le feu du pouvoir saisi, tué par toute sa vie d’avant le pouvoir.
Il leur parlait de leur pays, de leur village ; il se mettait à leur service pour de menus avis. […] On m’avait mis au poste de secours, là-bas… Je ne voyais rien, je n’ai pu y rester, et quand j’ai vu mes enfants (le 79e) s’élancer si superbement et puis être fauchés, j’ai couru aux artilleurs… Je leur criais : « Mais plus vite, tirez donc plus vite ; vous ne voyez donc pas que ce sont mes gosses qui se font tuer ! […] Nous avons voulu vous oublier, ô Jésus, et vous avez mis de force la mort devant nos yeux. […] Je mets ton sort éternel entre tes mains : suis-moi au Calvaire. […] Il écrit a son père : « Je pense que vous ne serez pas mécontent de votre fils qui vous aime et a cherché à vous imiter. » Le Conseil de guerre l’acquitte, mais il est mis en non-activité.
J’ai eu quelquefois l’idée de traiter, dans une série particulière, des principaux de mes confrères en critique, de dire mon avis vrai sur chacun d’eux ; puis, au moment de prendre la plume, j’ai toujours été retenu par cette idée qu’étant obligé de refuser à chacun quelque chose, quelque qualité essentielle, d’en arriver, après une part d’éloges et une justice largement rendue, à un mais inévitable (car enfin nous-mêmes les critiques, redresseurs de tous, nous ne sommes point parfaits), je paraîtrais dénigrer des écrivains qui me valent au moins et que j’honore, et me mettre, contre mon intention, au-dessus de la plupart. […] Royer-Collard l’a mis en honneur, mais que je n’ai jamais vu pratiquer aussi sincèrement et aussi en conscience que par M. de Sacy. […] J’ai peur de retomber dans un autre paradoxe. » En effet, peu s’en faut que cette fois il ne déplace les rangs, qu’il ne les intervertisse, et qu’il ne mette au premier ce qu’il avait d’abord laissé descendre au dernier dans son estime. […] Je ne défendrai pas La Rochefoucauld ; il n’est pas de ceux qu’on mette son amour-propre à défendre et qu’il y ait honneur à épouser.
Dupanloup, homme d’éloquence et de zèle, mais d’un zèle qui n’est pas toujours sûr, il lui sembla tomber dans un monde tout nouveau : au sortir d’une nourriture chrétienne classique, sévère et sobre, il était mis à un régime bien différent ; il avait affaire pour la première fois à ce catholicisme parisien et mondain, d’une espèce assez singulière, que nous avons vu, dans ses diverses variétés, naître, croître chaque jour et embellir ; catholicisme agité et agitant, superficiel et matériel, fiévreux, ardent à profiter de tous les bruits, de toutes les vogues et de toutes les modes du siècle, de tous les trains de plaisir ou de guerre qui passent, qui vous met à tout propos le feu sous le ventre et vous allume des charbons dans la tête : il en est sorti la belle jeunesse qu’on sait et qu’on voit à l’œuvre. […] Il s’était mis cependant à l’étude de l’Allemagne, et par l’Allemagne il s’était vu initié à ces sciences de formation moderne qui ont tant de peine à pénétrer chez nous et à y prendre pied, même après trente et quarante ans d’existence constatée et régulière. […] Elle doit désirer que son œuvre du moins subsiste, que cette meilleure part d’elle-même où elle a mis le plus vif de sa pensée et toute sa flamme, entre dorénavant dans l’héritage commun, dans le résultat général du travail humain, dans la conscience de l’humanité : c’est par là qu’elle se rachète et qu’elle peut vivre.
L’ambitieux n’a jamais mis la dignité du caractère au-dessus des avantages du pouvoir, et comme aucun prix ne lui a paru trop cher pour l’acquérir, aucune consolation ne doit lui rester après l’avoir perdu. […] L’opinion, blâmant les peines de l’ambition trompée, y met le comble en se refusant à les plaindre : et ce refus est injuste, car la pitié doit avoir une autre destination que l’estime ; c’est à l’étendue du malheur qu’il faut la proportionner. […] Une révolution suspend toute autre puissance que celle de la force ; l’ordre social établit l’ascendant de l’estime, de la vertu : les révolutions mettent tous les hommes aux prises avec leurs moyens physiques ; la sorte d’influence morale qu’elles admettent, c’est le fanatisme de certaines idées qui n’étant susceptible d’aucune modification, ni d’aucune borne, sont des armes de guerre, et non des calculs de l’esprit. […] on voit si bien les bornes de son pouvoir, on sent si souvent qu’on obéit alors même qu’on a l’air de commander ; les passions des hommes sont tellement mises en dehors dans un temps de révolution, qu’aucune illusion n’est possible ; et la plus magique des émotions, celle que fait éprouver les acclamations de tout un peuple, ne peut plus se renouveler pour celui qui a vu ce peuple dans les mouvements d’une révolution.
Que Boccace arrange des meurtres, des empoisonnements, des avortements, des goûts contre nature et toutes sortes de vilenies sanglantes ; qu’il mette des amants sur le bûcher, cela est bon pour des nerfs du quatorzième siècle. […] De loin en loin quelques vers lui venaient, qui mettaient sa conscience en repos ; il allait toucher sa pension, et saluer Mme la surintendante, l’appelait « merveille incomparable », de bonne foi, et de bon coeur. […] Ce que chez vous nous voyons estimer, C’est un mortel qui sait mettre sa vie Pour son ami. […] Il s’oubliait lui-même, il s’enfonçait si bien dans ses personnages fictifs, qu’il s’intéressait à eux, leur parlait, revenait à eux comme à d’anciens amis, leur donnait une place dans sa vie, s’effaçait devant eux, et mettait au jour de véritables êtres.
La religion mise à part et le respect du caractère sacré des œuvres, c’est une lecture exquise et charmante que celle des Évangiles, des Actes des Apôtres et de quelques Épîtres de saint Paul. […] À quoi sert-il de pouvoir mettre deux dates et une formule d’appréciation sous le nom d’un écrivain dont on n’a pas lu et dont on ne lira jamais une ligne ? […] Depuis quelques années, l’étude du français a été mise au premier plan dans l’éducation des jeunes gens. […] Mais ils se mettraient surtout en possession d’une idée générale, pour la soumettre au contrôle de leur expérience personnelle.
Mais il l’est avec une si hyperbolique furie, une satisfaction si proclamée de n’être pas comme nous, un étalage si bruyant, une mise en scène si exaspérée, qu’une défiance m’envahit, que l’intérêt tendre que je tenais tout prêt pour ce revenant des siècles passés hésite, se trouble, tourne en étonnement, et que je ne crois plus avoir devant moi qu’un acteur fastueux, ivre de son rôle et dupe de son masque. […] Mlle Alberte, qui sort du couvent, met, pendant le dîner, son pied sur celui de l’officier qui est en pension chez ses parents, de bons bourgeois de petite ville. […] Comprenez-vous qu’au moment même où je cherche à mettre mes impressions en ordre, il m’en reste encore quelque ahurissement ? […] Mettons, pour sortir de peine, que le chef-d’œuvre de M. d’Aurevilly, c’est M. d’Aurevilly lui-même.
Les efforts contradictoires de sa vie — vers la pureté et vers le plaisir — se coalisent en l’effort de sa pensée, quand sonne l’heure de lui donner la forme artistique, avec une intensité qui le met à part de tous les Modernes (à ce point de vue) et qu’il doit sans doute à sa naïve énergie de vivre… N’ayant que ses passions pour matière de son art, plus factice et plus lâche, il n’eût, comme la plupart de nos poètes français, accumulé que des rimes, sans unité d’ensemble : son instinct vital l’a sauvé, l’instinct triomphant qui n’a pas seulement soumis l’intelligence, mais qui, par un miracle, se l’est assimilée, se spiritualisant vers elle, la matérialisant vers lui, réalisant (au sens étymologique du mot) l’idéal, et puis, pour le conquérir, s’ingéniant, sans laisser jamais l’imagination se prendre à d’autres mirages que ceux de la vie elle-même, tels qu’ils sont peints par le hasard, sur le rideau de nos désirs. […] Ce talent ne le met pas à l’abri de la platitude ou de l’obscurité… [Le Figaro (24 mai 1891).] […] Je mets à part sa prose, prose d’humeur, parfois piquante ; elle fait toutes les grimaces, elle a donc tous les caractères, hormis, je pense, les caractères de la beauté. […] Je me rappelle bien, moi, que nous l’y avions mis du vivant même de ce dernier.
Il met deux de ses points en communication avec les deux pôles d’une pile. […] L’Analyse pure met à notre disposition une foule de procédés dont elle nous garantit l’infaillibilité ; elle nous ouvre mille chemins différents où nous pouvons nous engager en toute confiance ; nous sommes assurés de n’y pas rencontrer d’obstacles ; mais, de tous ces chemins, quel est celui qui nous mènera le plus promptement au but ? […] C’est ainsi que les anciennes notions intuitives de nos pères, même lorsque nous les avons abandonnées, impriment encore leur forme aux échafaudages logiques que nous avons mis à leur place. […] Mais il suffit que la chose soit douteuse pour que je sois en droit de reconnaître et d’affirmer une divergence essentielle entre les deux sortes d’intuition ; elles n’ont pas le même objet et semblent mettre en jeu deux facultés différentes de notre âme ; on dirait de deux projecteurs braqués sur deux mondes étrangers l’un à l’autre.
Vous connaissez ce bon d’Hacqueville, l’ami, le confident empressé de Mme de Sévigné et de tout son monde, celui qui se met en quatre et en mille pour tout voir, pour tout savoir, qui sait les dessous de cartes d’un chacun, et qui n’en est pas moins obligeant et indulgent pour cela, incapable de négliger aucun ami absent ou présent, se multipliant de sa plume et de sa personne pour suffire à tout. […] supposez un moment qu’après tout à l’heure deux siècles, d’Hacqueville soit revenu au monde, qu’il se mette à se ressouvenir de ce temps-là, à nous entretenir de Mme de Sévigné et de ses amis, à vouloir tout nous dire et ne rien oublier ; imaginez le récit intime, abondant, interminable, que cela ferait, un récit doublé et redoublé de circuits sans nombre et de toutes sortes de parenthèses ; ou, mieux encore, imaginez une promenade que nous ferions à Saint-Germain ou à Versailles en pleine cour de Louis XIV, avec d’Hacqueville pour maître des cérémonies et pour guide : il donne le bras à Mme de Sévigné, mais il s’arrête à chaque pas, avec chaque personne qu’il rencontre, car il connaît tous les masques, il les accoste un à un, il les questionne pour mieux nous informer ; il revient à Mme de Sévigné toujours, et elle lui dirait : « Mais, les d’Hacqueville, à ce train-là, nous n’en sortirons jamais. » C’est tout à fait l’idée qu’on peut prendre du livre de M. […] Il était venu un matin à l’Arsenal pour voir des canons ; elle sortait pour aller à la messe aux Célestins : Il me reconnut, dit-elle, à ma livrée, mit pied à terre et me mena à la messe, et l’entendit avec moi. […] Le malheur voulut qu’elle prît aussitôt pour Louvois une aversion presque égale à celle qu’elle avait pour son mari, et qu’elle se mît en tête de le leurrer.
S’accoutumer à écrire comme on parle et comme on pense, n’est-ce pas déjà se mettre en demeure de bien penser ? […] Hamilton a mis bon ordre au pronostic de Bussy, et il a rendu à Grammont tout son accent, si même il ne lui a point prêté. […] Mais eût-ce été un autre que l’indigne Soulavie, eût-ce été Rulhière en personne qui eût tenu la plume, il n’y aurait apporté que ce qu’on peut prévoir et deviner ; il y aurait mis du mordant et du goût. […] Il n’avait guère de cervelle, dit Retz ; mais Hamilton a mis en action son étourderie naïve, et nous le fait aimer.
M. de Fezensac, nourri de souvenirs littéraires, a eu le droit de mettre en tête de son écrit ces vers touchants du plus pieux des poètes antiques, de Virgile faisant parler son héros : « Iliaci cineres, et flamma extrema meorum… », ce qu’il traduit ainsi, en l’appropriant à la situation : Ô cendres d’Ilion ! […] Ils remarquaient la mortalité effrayante des chevaux, qui n’avaient à manger le plus souvent que la paille des toits ; une partie de la cavalerie mise à pied, la conduite de l’artillerie rendue plus difficile, les convois d’ambulance forcés de rester en arrière, et par suite les malades presque sans secours dans les hôpitaux. […] Davout, qui commandait d’abord à l’arrière-garde, était chargé de mettre le feu partout, « et jamais ordre ne fut exécuté avec plus d’exactitude et même de scrupule ». […] Un parlementaire envoyé par le général russe vint sommer le maréchal de mettre bas les armes ; on y joignait toutes sortes de compliments pour sa personne.
Digne imitateur de ce poète, qui exhortait les Romains à jeter dans la mer tout leur argent pour être parfaitement heureux, venez-vous nous conseiller, pour être plus heureux aussi, de mettre le feu à nos bibliothèques ? […] Si l’état dont nous jouissons parmi nos semblables nous met à portée de satisfaire sans, aucun travail les besoins physiques et réels, les besoins factices et métaphysiques viennent s’offrir alors comme un aliment nécessaire à nos désirs, et par conséquent à notre existence. […] Mille plumes, et encore plus de clameurs, se sont élevées contre moi, et m’ont fait éprouver que la vérité est comme les en fans, qu’on ne la met point au monde sans douleur. […] Je ne doute point qu’on n’ait été très peu équitable sur l’ouvrage de philosophie que vous avez mis au jour ; mais le premier fruit de la philosophie doit être de s’attendre à l’injustice, et de la pardonner d’avance, sans la braver et sans la craindre.
On y voit Furetière accusé d’avoir prostitué sa sœur pour se mettre en état d’acheter la charge de procureur fiscal de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés ; il y est dit qu’il se déshonora dans ce poste par des prévarications et qu’il s’y fit le protecteur déclaré des filous et des filles publiques ; on y raconte comment il abusa de sa charge pour escroquer, par une manœuvre qui, selon le vocabulaire moderne, serait qualifiée de chantage, le bénéfice d’un jeune abbé ; enfin, retournant une plaisanterie de Furetière contre lui-même, l’auteur prétend que le Roman Bourgeois, — ce détestable ouvrage — a été dédié par lui au bourreau, comme au seul patron digne d’une telle œuvre. […] Titon du Tillet, qui, dans son Parnasse français, a consacré de si pompeuses notices à tant d’écrivains médiocres, se borne à quelques lignes et se met à l’abri derrière les on dit, sans oser remonter aux sources. […] Là, au surplus, s’arrête la similitude ; on ne la ressaisit plus à travers le livre de Furetière que dans certaines boutades à intention comique ou burlesque, comme par exemple la scène ou Nicodème, voulant se jeter aux genoux de sa maîtresse, met en pièces le ménage de Mme Vollichon ; ou celle encore des laquais vengeant leur maître, éclaboussé, par des coups de fouet et de pierres lancés au dos des maquignons. […] Dans ce conflit de deux classes, l’une envahissante, l’autre mise en état de défense par la menace d’une décadence prochaine ; de la bourgeoisie, ou, si l’on veut, de la ville et de la cour, les préférences des gens de lettres étaient pour la noblesse, à laquelle les rattachaient d’abord leur intérêt, leurs pensions, les fonctions de secrétaires, de précepteurs et de bibliothécaires, enfin l’attrait, si puissant pour des esprits délicats, de la bonne compagnie, seule capable de les comprendre et de flatter leur vanité.
La sœur Emmerich35 On s’étonnera peut-être de ce nom, mis à cette place, pour clore cette première série des Bas-bleus ou des femmes littéraires du xixe siècle… « Pourquoi celle-là, ici ? […] cette petite va-nu-pieds, ce brin de genêt à mettre au pied d’un bénitier tout au plus, était, même dès lors, destinée à devenir une Sainte et un poëte du même coup, — du même coup de la grâce de Dieu sur son berceau ! […] Il fallut Brentano, — Brentano, ce poëte profond que le rationalisme allemand a dit égaré, parce qu’il est devenu catholique, — Clément Brentano qui, dès qu’il vit la sainte religieuse, s’arracha du front sa couronne de poëte, — de toutes les couronnes celle qui tient le plus au front des hommes, — et la mit aux pieds de l’Extatique, à ces pieds flamboyants et stigmatisés. […] Brentano, l’ardent et hautain Brentano n’avait jamais beaucoup plié ; mais ici il alla jusqu’à effacer sa rebelle personnalité, jusqu’à n’être plus que le secrétaire qui écrit sous la dictée d’un maître difficile à comprendre, et il fit bien plus que d’écrire cette dictée fidèlement, il la transposa, sans y rien changer, et la mit ainsi à la portée de ceux qui, à cette élévation, ne l’eussent jamais entendue.
L’éditeur anonyme de ce portefeuille de Madame Récamier, trié et surveillé, l’éditeur qui fait la main pieuse, déposant, de nuit, des fleurs sur un tombeau, nous raconte tout ce qui lui plaît sans mettre hardiment, en se nommant, comme il y était tenu, le poids de sa moralité et de son autorité en tête des récits qu’il nous donne et qu’il faudrait appeler, car c’est là leur vrai titre : Souvenirs sur Madame Récamier, par une personne qui l’a bien connue, mais qui n’a pas voulu y mettre son nom. […] Cette Correspondance de Madame Récamier fait descendre la Déesse de son nuage et la met à pied sur la terre. […] Madame Lenormant, qui veut des lettres à tout prix, s’imagine que des lettres à Madame Récamier sont des lettres de Madame Récamier, Il y a Récamier sur l’adresse, on mettra Récamier sur la couverture, et le trébuchet auquel les niais se prendront est tout prêt… Empressés, affriandés, ils chercheront Madame Récamier dans ce paquet de lettres, et ils trouveront, à leur grand dam, Camille Jordan, le philosophe, Madame de Boigne (pas Madame de Staël !)
Vraiment le symbolisme a mis moins de temps que le romantisme ou le Parnasse à devenir historique, à laisser tomber autour de lui la poussière dorée du combat. […] Mais, en somme, il eût vu beaucoup plus clair dans tout cela s’il eût renversé l’ordre de son exposition, étudié d’abord les œuvres de chaque poète, puis, à titre d’indication, les doctrines que le poète a cru imaginer, ou qu’il a empruntées à quelque source extérieure, lorsqu’il s’est mis à réfléchir sur le sens de son œuvre. […] Timidité dans l’emploi d’un instrument nouveau, timidité devant la vie, à laquelle il ne suffit pas de mettre une majuscule, rétraction du poète sur lui, persistance à se contempler et à se dire, hésitation à engager la poésie dans les rets des ficelles dramatiques usuelles, que sais-je ? […] » — La réforme lexicographique n’a pas plus d’importance ; il ne faut mettre au compte de la poésie symboliste ni les fantaisies ingénues de l’école romane, ni l’archaïsme dont M.
Et en effet il ne suffit pas pour qu’un ouvrage prétende à un renom et à une récompense de moralité dans le talent, qu’après avoir présenté des scènes plus ou moins vives et hasardées, empruntées à un monde équivoque, l’auteur se ravisant ajoute après coup je ne sais quelle intention et quel correctif, comme on met une affabulation au bout d’une fable, ou plutôt comme on mettrait un quatrain moral à la fin d’un conte. […] si un jour, dans ces concours annuels, les juges rencontraient quelque jeune ouvrage digne de ces époques fortunées, nous ne croyons pas les engager à l’avance en disant qu’ils n’auraient qu’un regret, celui d’estimer leur prix trop inférieur, leur couronne trop incomplète ; ils la mettraient au pied du chef-d’œuvre.
Le livre de M. de Carné, qui nous fournit l’occasion de ces remarques, met parfaitement en lumière toutes les pensées politiques, les jugements, les espérances et les doutes de cette école dont il est l’un des principaux soutiens. […] Je citerai surtout l’endroit où, discutant la loi du sacrilége de 1825, il se met lui-même en scène par un brusque mouvement, et se peint tel qu’il était alors sur ces matières avec les agitations de son esprit et les perplexités de sa conscience. […] On ne saurait se mettre en rapport par trop d’aspects avec les âmes intelligentes et généreuses.
Les Allemands sont assurément les plus admirables travailleurs classiques que l’on puisse imaginer ; depuis qu’ils se sont mis à défricher le champ de l’antiquité, ils ont laissé bien peu à faire pour le détail et le positif des recherches ; ils ont exploré, commenté, élucidé les grandes œuvres ; ils en sont maintenant aux bribes et aux fragments, et ils portent là-dedans un esprit de précision et d’analyse qu’on serait plutôt tenté de leur refuser lorsqu’ils parlent et pensent en leur propre nom. […] nous avons la philosophie de l’histoire, qui a mis et mettra bon ordre à tout cela.
La lutte avec les jacobins dura jusqu’au 1er prairial, et ceux-ci mis hors de combat, la lutte avec les royalistes s’engagea aussitôt. […] L’Ouest ne manquait pas de partisans braves et fidèles, de chefs intelligents et intrépides : on les mit en avant à la légère, on les leurra de vaines promesses. […] Il n’est pas jusqu’à ses disgrâces naturelles qui n’influent sur le ton de son récit, et comme le disait il y a peu de temps notre poète populaire, le portrait mis en tête du livre en devient la pièce justificative, le commentaire essentiel.
Par cela même qu’il en a saisi l’esprit, la marche et les ressorts, et qu’il s’est mis, pour le juger, au vrai point de vue des conjonctures, M. […] Sous la sauvegarde des cinq Directeurs régicides et des deux tiers conventionnels, la Constitution de l’an III put être mise en vigueur et observée quelque temps. […] Le 18 fructidor y avait mis fin.
Mais un jour, après la révolution de juillet, les portes de l’ordre social étant ébranlées, à ce que croyait la bourgeoisie, il s’agit de tenir bon et de se mettre en travers, en attendant qu’on eût refait à loisir des verrous neufs. Or, les bras fourrés des doctrinaires ne sont guère solides quand il s’agit de résister à une attaque de fait ; la pensée immuable ne jugeait pas qu’il fût l’heure encore de se mettre en personne sur la brèche. […] On mit la main, par bonheur, sur un maniaque énergique ; on le poussa, il fit son office, et lorsqu’à la fin il cassa sous l’effort, le danger était passé.
Les œuvres où se continuait la précédente époque nous apparaissent noyées au milieu du fatras, des platitudes, des grossièretés, des violences sans caractère et sans décence, par où toute sorte d’écrivassiers flattèrent les passions du peuple, et les entretinrent honteusement sous prétexte de se mettre à sa portée. […] Cela vaut par l’ironie acérée, par la netteté des formules dans le décousu du développement et l’incertitude de la pensée générale, par l’esprit qui revêt la violence, par un accent de passion sincère où la déclamation emphatique et les souvenirs classiques mettent seulement la date. […] Voici, par exemple, comment, en 1769, la France littéraire établit la liste des journalistes et auteurs d’écrits périodiques » : Gazette de France, MM. l’abbé Arnaud et Suard. — Journal des savants, une société de Gens de lettres. — mercure de France, M. de la Place (addition : pour le Mercure, mettez M.
Je mets plus haut, pour ses chefs-d’œuvre, un genre qui appartient spécialement au second empire, et qui en est, à certains égards, l’originale expression : je veux parler de l’opérette telle que l’a compris Offenbach897, surtout lorsque ses rythmes échevelés coururent sur les livrets de MM. […] Mais ce n’est pas pour mettre à l’aise le matérialisme bourgeois qui fait passer l’intérêt et l’argent avant tout : contre ce qu’on pourrait appeler le scribisme, contre l’immoralité décente des classes moyennes, il maintient la nécessité de fonder le mariage sur l’amour. […] Poirier (1854), qui met aux prises deux types si vrais de bourgeois enrichi et de noble ruiné ; dans les Lionnes pauvres (1858), où l’honnête Pommeau et sa femme forment un couple digne de Balzac, et nous offrent le tableau des ravages que l’universel appétit de richesse et de luxe peut faire dans un modeste ménage ; dans Maître Guérin (1864), enfin, qui, malgré son sublime colonel, est peut-être l’œuvre la plus forte de l’auteur par le dessin des caractères : ce faux bonhomme de notaire, qui tourne la loi et qui cite Horace, gourmand et polisson après les affaires faites, cette excellente Mme Guérin, vulgaire, effacée, humble, finissant par juger le mari devant qui elle s’est courbée pendant quarante ans, cet inventeur à demi fou et férocement égoïste, qui sacrifie sa fille à sa chimère, ces trois figures sont posées avec une étonnante sûreté ; Guérin surtout est peut-être le caractère le plus original, le plus creusé que la comédie française nous ait présenté depuis Molière : Turcaret même est dépassé.
Tel est le point de vue original de cet écrivain, tel que chacun peut le vérifier dans son œuvre : dans ses chroniques et ses critiques ; dans ses romans : Mal éclos, histoire d’un répétiteur, — Une belle journée, poème des adultères ratés, roman en trois cents pages dont l’action dure six heures, petit chef-d’œuvre de psychologie bourgeoise, — la Saignée, intéressante évocation des laideurs secondaires du Siège de Paris ; dans son théâtre : mise en drame de Renée Mauperin, — La Pêche, une ironique pochade, — Les Résignés, sa maîtresse œuvre, d’une valeur suprascénique, un oratorio philosophique. […] Aussi bien qui ne se met pas soi-même en ses livres ? […] Le voici, brièvement : (Il est entendu que ces messieurs ne se sont pas mis à une grande table, posant : « Nous allons faire, etc. ».
Les nouveaux venus, trop fiers pour acheter à coups de bassesses et de servilisme la place qu’on leur refusait, trop pressés d’agir pour se mettre à la file et attendre que la vieillesse ou la mort leur eût ménagé des vides, résolurent de marcher au combat avec leurs propres armes, créées de toutes pièces. […] Jamais plus séparés, plus dispersés, n’ont été tous ceux — et ils sont légion — qui tâchent à mettre debout quelque œuvre d’art. […] Les images ont pour but de faire saillir le caractère d’une chose en les faisant reconnaître dans une autre ; la comparaison, en les détachant, les met en évidence.
Le cœur, comme endormi dans un bain, s’affadit, On ne se souvient plus de tout ce qu’Elle a dit, Et l’oubli sur l’amour met lentement ses mousses. […] Quant à Pauvre Lélian (Paul Verlaine, pour mieux dire), l’École dont il est le chef l’a mis en pleine lumière et a donné à sa gloire une impulsion telle qu’il est impossible que ce mouvement ne se continue pas, en sa faveur, dans l’Avenir. […] Cette femme qui, malgré la flamme qu’elle portait au côté, ne se mit ni en dehors, ni au-dessus de la vie, qui accepta simplement sa destinée et fit simplement ses devoirs de jeune fille, d’épouse, de mère et de grand-mère, cette femme réalisait bien la vie que concevait Paul Verlaine. « Toujours le pardon, toujours le sacrifice. » Tel il s’était conçu, lui, surtout « né pour plaire à toute âme un peu fière », « tout prière et tout sourire, sorte d’homme en rêve et capable du mieux », comme il dit de lui-même quelque part.
Il eut la politique de mettre ce poëte au nombre des cinq qu’il faisoit travailler à des drames sur ses idées & sur ses plans, distribuant à chacun un acte, & finissant, par ce moyen, une pièce en moins d’un mois. La tragi-comédie de Mirame, mise sous le nom de saint-Sorlin, est de son éminence, de même que trois autres comédies, les Thuilleries, l’Aveugle de Smyrne, & la grande Pastorale. […] Nous avons de Corneille l’Imitation de Jésus-Christ mise en vers ; traduction trop peu lue.
Cela n’est pas d’une vérité assez exacte et assez générale pour être mis en maxime. […] Ce que La Fontaine appelle ici une fable, est un trait de la bibliothèque orientale qu’il a mis en vers très-heureusement. […] Ce vers est devenu proverbe ; et on le cite souvent à l’occasion de ceux qui se sont mis dans le même cas.
L’Antiope à droite était couchée toute nue, la jambe et la cuisse gauche repliées, la jambe et la cuisse droite étendues ; la figure était ensemble et de chair ; et c’est quelque chose que d’avoir mis une grande figure de femme nue ensemble, c’est quelque chose que d’avoir fait de la chair, j’en connais plus d’un, bien fier de son talent, qui n’en ferait pas autant, mais il était évident à son cou, à ses doigts courts, à ses jambes grêles, à ses pieds, dont les orteils étaient difformes, à son caractère ignoble, à une infinité d’autres défauts, qu’elle avait été peinte d’après sa femme de chambre ou la servante de l’auberge. […] Je lui disais : effacez-moi tout cela ; mettez-moi cet amour en l’air ; qu’en emportant sur son dos le voile qui couvre la nymphe, il saisisse le satyre par la corne et le pousse sur elle. étendez-moi le front de ce satyre, raccourcissez ce visage niais, recourbez ce nez, étendez ces joues, qu’à travers les traits qui déguisent le maître des dieux je le reconnaisse. […] Le pauvre philosophe a mis à contribution les grands, les petits, les indifférens, ses amis, et a fait gagner à l’artiste dissipatrice cinq à six cents louis, dont il ne restait pas une épingle au bout de six mois.
Tout élève, fort ou faible, peut mettre au prix. […] Il s’éleva dans ces entrefaites une voix qui criait : mettons-le à quatre pattes et promenons-le autour de la place avec Milot sur son dos… et peu s’en fallut que cela ne s’exécutât… cependant les académiciens qui s’attendaient à être sifflés, honnis, bafoués, n’osaient se montrer ; ils ne se trompaient pas, ils le furent en effet avec le plus grand éclat possible. […] Ce n’est pas lui, messieurs, qui l’emporte, c’est moi… puis il mit le tableau de son fils sous son bras et s’en alla.
C’étoit la coûtume, suivant Donat, que celui qui avoit composé la déclamation d’une piece mit son nom à la tête avec le nom du poëte qui l’avoit écrite, et le nom du principal acteur qui l’avoit jouée. […] Sur tout la déclamation des cantiques ou monologues qui s’executoit d’une façon très-singuliere, et que nous expliquerons, n’étoit jamais mise en musique par le poëte, mais par des hommes consommez dans la science des arts musicaux, et qui faisoient leur profession de faire representer les pieces dramatiques composées par d’autres. […] Quant au moïen d’écrire en notes la déclamation, soit celui que nous avons indiqué, soit un autre, il ne sçauroit être aussi difficile de le réduire en regles certaines, et d’en mettre la méthode en pratique, qu’il l’étoit de trouver l’art d’écrire en notes les pas et les figures d’une entrée de ballet dansée par huit personnes, principalement les pas étant aussi variez et les figures aussi entrelacées qu’elles le sont aujourd’hui.
Les autres, très nombreux, gens d’esprit, de talent, — et il y en a même peut-être un ou deux qui ont plus de talent que Janin, — ont été engendrés et mis au monde par ce Brahma bramant du feuilleton. […] Comme lui, ils mettent tous leur orgueil et leur gloire à refaire le premier feuilleton qu’il écrivit il y a trente ans. […] Elles ne se sont pas demandé si elles avaient, pour réussir comme lui, les qualités spontanées ou imitées de Janin, lequel a l’art de débrailler Diderot, si débraillé déjà, et de mettre du petit pot à la pâleur anglaise de Sterne, — cette belle pâleur qui crache du sang !
— de mettre leur grain de sel sur la queue de cet aigle d’intelligence, qu’on ne comprend pas plus aisément, par un tel procédé, que les enfants ne prennent de moineaux. […] Quoique Destailleur ait le sentiment fort juste des beautés de détail de son auteur, nous sommes sûr qu’il pouvait, en s’abandonnant à une admiration plus courageuse, trouver mieux, pour les mettre en saillie, que des interjections qui ressemblent à des étiquettes, que les parfait ! […] C’est là, sans doute une délicatesse… mais il est évident aussi que des délicats de cette espèce ne sont pas faits pour traiter largement un mâle sujet littéraire et nous l’ouvrir jusqu’aux entrailles ; il est évident qu’ils n’ont pas été créés et mis au monde pour ne rien comprendre aux énergiques trivialités des grands écrivains, et qu’il leur faut renoncer à écrire la biographie intellectuelle du Génie, aussi bien qu’à peigner, la crinière des lions !
Saint Thomas d’Aquin1 [Le Pays, 19 avril 1859] I Si l’Académie des sciences morales et politiques n’avait pas pris sur elle de mettre au concours saint Thomas d’Aquin et sa doctrine, quel livre ou quel journal, avec la superficialité de nos mœurs littéraires, eût osé jamais parler d’un tel sujet ? […] Charles Jourdain eût été mis au monde par l’Académie des sciences morales et politiques, il se faisait, depuis 1854, une traduction de la Somme de saint Thomas, texte latin en regard, avec notes, commentaires, éclaircissements et toute l’armature nécessaire à un pareil vaisseau en matière de livre ; et qui l’a annoncée ? […] C’est un philosophe qui chasse de race, un philosophe de père en fils, dont le père eut autrefois aussi son prix d’académie, et qui a voulu continuer cette gloire paternelle… Certes, ce n’est pas avec de telles préoccupations que l’on peut dépasser par la fierté ou la soudaineté de l’aperçu, par l’indépendance, par un style vivant et anti-officiel, les conditions du programme de l’Académie, cet établissement de haute bienfaisance littéraire qui n’existe que pour mettre en lumière les talents qui, tout seuls, ne s’y mettraient pas.
Louis Bouilhet n’est présentement aux yeux de la Critique, qui ne croit pas à la solidité des succès que les bourgeois bâtissent, rien de plus que la cinquième roue au char du romantisme qui dételle… Je sais bien qu’il ne nous croira pas, ni pour le romantisme ni pour lui… Il ne croira jamais, parce que nous le lui disons, qu’il n’est qu’un Victor Hugo de dixième venue, un enfant robuste qui n’a pas craint de toucher au cor de ce Roland qui a sonné dans Les Contemplations, son Roncevaux littéraire, et s’est mis à en sonner comme s’il était Roland lui-même, devant crever au bout, non de désespoir, mais de l’entreprise, quoiqu’il ait eu foi, comme un enfant, en sa trompette ! […] Au milieu de toutes les choses que le romantisme a mises en lui, il en est une que le romantisme ne connaît pas, ou du moins connaît fort peu. […] Clogenson est un juge de soixante-dix ans, mis à la retraite, et qui s’est retiré dans la poésie pastorale.
Les spectacles quotidiens que ces sociétés leur offrent, les contacts et les frottements auxquels elles les exposent, les combinaisons diverses où elles les font entrer mettent incessamment en jeu ces mécanismes plus ou moins conscients grâce auxquels les idées sociales se modifient, se précisent, s’élargissent. […] Des tendances que l’histoire met en présence, il est rare que l’une soit tout active, et l’autre toute passive, que l’une ne fasse que donner, et l’autre recevoir. […] Par exemple, si l’on voulait expliquer pourquoi la différenciation a crû dans les sociétés modernes, pourquoi les groupements partiels s’y sont multipliés et entrecroisés, il faudrait tenir compte non pas seulement de l’augmentation du nombre des hommes agglomérés, mais des fins diverses qu’ils se sont fixées, et des moyens que la nature ou l’industrie a mis à leur disposition pour réaliser ces fins.
à être rejeté tôt ou tard et mis à néant par la postérité véritable. […] Elle ne veut pas non plus qu’on la plaisante, surtout quand on y met tant d’afféterie et de gongorisme. […] S’il ne se met pas sur la liste, c’est par pure modestie, et il est bien sûr, d’ailleurs, que ses lecteurs y suppléeront. […] Un heureux hasard, une visite chez un cher et éminent poëte où tout charme et ravive l’imagination et le cœur, a mis entre nos mains ce petit volume de M. […] Il dut causer de rudes insomnies à ces respectables robes noires qui n’entendaient pas laisser mettre leurs doctrines en chansons.
Si vous preniez la peine (eu égard à la disette) de citer quelque chose de mon article de la Revue, vous pourriez mettre un peu les points sur les i. […] Les médecins n’ont songé qu’à sauver le corps ; ils ont saigné, débilité, mis à la diète : — bref, ils ont guéri.
Sainte-Beuve allait tous les dimanches au Constitutionnel, dans l’après-midi, relire les épreuves de son article sur la mise en pages, avant le tirage définitif : il s’isolait, pour être plus tranquille, derrière un des grillages des bureaux de l’administration, qui sont à la porte en entrant, et il lui arriva plus d’une fois d’être dérangé par un passant qui, oubliant que les employés ne sont pas à leur bureau le dimanche, venait lui demander un renseignement relatif aux abonnements ou à la vente au numéro. […] Nous ne demandons qu’à rester dans le rôle obscur et d’observateur malgré nous, qui nous a été fait par huit années de secrétariat, ne cherchant pas à nous exhausser sur la tombe du maître, mais ne négligeant rien non plus, cependant, quand l’occasion s’en présente, de ce qui peut servir à éclairer, par quelque point important et lumineux, la biographie de celui qui nous fit son éditeur posthume, son légataire universel, et nous mit en son lieu et place pour la correction et la publication de ses dernières œuvres.
Viollet-Le-Duc, qui dans sa jeunesse s’est essayé contre l’école alors régnante de Delille par un petit Art poétique qui parut une satire hardie, a depuis pris place parmi les érudits en vieille littérature par une très-bonne édition de Mathurin Regnier (1822) ; il y mit en tête, comme Introduction, une histoire de la Satire en France. […] A l’article d’Olivier de Magny, il n’a garde d’oublier le singulier Sonnet Dialogue entre le nocher Caron et l’amant, sonnet qui dans le temps eut une telle vogue, et fut mis en musique à l’envi par Orlande, Lejeune et d’autres célèbres compositeurs3.
Il met la muse comique au service de ses passions politiques et de ses haines personnelles259. […] Shakespeare, plus grand dans la tragédie que dans la comédie, parce que la première comporte mieux les fantaisies de l’imagination, et que la seconde doit ressembler davantage à une peinture265, Shakespeare ne met presque jamais la vie réelle sur la scène comique266.
La nuit suivante, l’ouïe se mit de la partie, et, ne dormant pas, il entendait ses images fredonner d’une voix lointaine, confuse, mélodieuse, de petites phrases musicales. Il y avait de la lumière, et il les voyait ; et, à l’inverse de ce qui avait lieu au commencement, quand la lumière disparaissait, il ne les voyait plus, au moins de quelque temps. — Enfin, au matin du cinquième jour, un sens nouveau se mit de complicité avec les précédents, pour donner à l’illusion le dernier caractère de la réalité.
D’autre part, quand on s’occupe de disposer les matériaux qu’on a amassés, et qu’on s’ingénie à trouver le meilleur ordre qui éclaire et mette en valeur les idées qu’on a choisies, l’activité inventive de l’esprit ne se repose pas pour cela. […] Le procédé inverse ne mènerait à rien : à quoi bon tracer des cadres, quand on n’a rien à y mettre ?
Une critique sage lui a fait négliger les petits faits, comme superflus ou comme étrangers au but de son Histoire, qui est de mettre au grand jour la doctrine de l’Eglise, sa discipline, ses mœurs. […] Jamais l’ambition inquiete d’étaler ses propres idées, défaut ordinaire à la plupart des Historiens, ne l’entraîne à prévenir les réflexions du Lecteur ; il se contente de le mettre à portée de réfléchir lui-même, en se bornant à la simple narration.
C’est ainsi que Despréaux l’annonce pour le créateur de la belle Poésie parmi nous : Enfin Malherbe vint, & le premier, en France, Fit sentir dans ses Vers une juste cadence, D’un mot mis en sa place enseigna le pouvoir, Et réduisit sa Muse aux regles du devoir. […] Horace a-t-il mis plus d’énergie dans sa fameuse Strophe du Pallida mors aquo pulsat pede, que Malherbe dans sa riche Imitation, que tout le monde sait par cœur ?
Il ne mit qu’une condition à des procédés si beaux en apparence : c’est qu’Homère lui communiqueroit ses poësies. […] Il affectoit de mettre dans sa déclamation ces mouvemens & ce feu qui distinguent si bien l’auteur du simple acteur.
On peut donc introduire des personnages scelerats dans un poëme, ainsi qu’on met des bourreaux dans le tableau qui répresente le martyre d’un saint : mais comme on blâmeroit le peintre qui dépeindroit aimables des hommes ausquels il fait faire une action odieuse, de même on blâmeroit le poëte qui donneroit à des personnages scelerats des qualitez capables de leur concilier la bienveillance du spectateur. […] Ainsi en voïant la tragedie de Phédre, on se prête à la supposition qui faisoit les dieux du paganisme les auteurs et les vengeurs des crimes, bien que cette supposition revolte encore plus le bon sens, que ne le fait la plus extravagante des métamorphoses qu’Ovide a mises en vers.
Il a su mettre l’hyperesthésie de sa vision au service de son amour du vrai. […] Pearsall Smith qui met en évidence la « contemplation créatrice de l’expérience » chez Proust. […] Si l’on appliquait cette règle à nos grands poètes à nous, trois ou quatre mis à part, lesquels y résisteraient ? […] Rencontre heureuse d’une telle tendance et du sujet entre tous adéquat à la mettre dans son plus beau jour. […] Mais comment fallait-il s’y prendre pour nous mettre en possession des faits indispensables ?
Il ajoute plus loin : « L’on a mis dans le discours tout l’ordre et la netteté dont il était capable : cela conduit insensiblement à y mettre de l’esprit. » C’est ce qu’il a fait lui-même, et c’est ce que son exemple encourage les autres à faire. Il eût encore mieux parlé, s’il eût dit qu’on y met plus de brillant ou de clinquant que d’esprit. […] Le moyen de mettre en belles périodes éloquentes la médecine du docteur Sangrado ? […] — et que croyait-il avoir mis de « pindarique » dans son Ode sur la prise de Namur, 1693 ? […] — ou s’il y a mis une intention de satire ?
La civilisation a mis dans la gloire un peu de méthode, provisoirement. […] La pathologie sexuelle a mis cela en lumière. […] Mettons que Pascal s’amuse. […] Ce mot est mis à dessein. […] Il faut mettre ordre à cela et ranger le monde sous la houlette de Berquin.
Désormais il mettra tous ses soins à la retenir près de lui. […] À cette condition seulement il pourra continuer de mettre l’histoire en scène. […] On voit dès les premières pages que l’auteur a thésaurisé avant de se mettre en dépense. […] Pour dire toute ma pensée, je crois qu’il eût mieux valu ne pas mettre aux prises M. […] Je crois donc que le poète ne pouvait légitimement se dispenser de mettre en scène Ingeburge.
Pourquoi prendrions-nous soin de disposer un voile, quand l’intéressée elle-même découvre avec une pareille franchise son âme réellement mise à nu ? […] Pareillement, à distance, avant même de mettre un nom sur un visage, on distingue la silhouette et l’accent national qu’il révèle. […] Laissons dire : il n’est rien comme les esprits brouillons pour mettre sur le compte de l’impuissance ce qui n’est qu’ordre et méthode dans l’art de composer. […] Mais qu’elle connût du même coup et la réputation et les succès de librairie, cette fois c’en était trop : il importait d’y mettre ordre. […] Il faut souligner cette épithète : vivantes. — Car il ne s’agit pas ici d’êtres abstraits, imaginés pour mettre une thèse en valeur.
Il le faut surtout, si l’on met au fond des choses la durée et le libre choix. […] On prend à partie un interlocuteur, réel ou possible, qui se trompe et qu’on met sur ses gardes. […] L’expérience nous met en présence du devenir, voilà la réalité sensible. […] Elle perfectionne cette connaissance, elle en accroît la précision et la portée, mais elle travaille dans le même sens et met en jeu le même mécanisme. […] Le mécanisme ; du mécanisme elle retient tout le dessin ; elle y met simplement d’autres couleurs.
Depuis Galien jusqu’à nos jours cette méthode a été mise en pratique pour déterminer l’usage des organes. […] Voici du ferment pancréatique à l’état sec : il peut être mis en contact avec l’amidon desséché sans qu’il se produise aucune action. […] Une expérience que j’ai exécutée autrefois met bien ces idées en pleine évidence. […] C’est un organisme qui s’est mis lui-même en serre chaude. […] Cet oxygène mis en présence des substances combustibles est prêt à s’y combiner, à créer ainsi un travail, à développer des forces.
Carjat le mit à la porte. […] Cécile ne pouvait disparaître, et je me mis à vouloir remplacer faucille. […] Barbey d’Aurevilly rend, avouons-le, un franc et loyal hommage à cette superbe épopée où Victor Hugo a mis toutes ses qualités, et aussi tous ses défauts. […] Barbey d’Aurevilly met M. […] S’il entre dans son plan de se comprendre dans ce martyrologe, voici quelques notes que je me fais un plaisir de mettre à sa disposition.
Socrate mettait son empreinte sur ses auditeurs, dont l’un s’appelait Platon. […] Lorsque l’imagination se met à refaire l’histoire, toutes les hypothèses sont possibles. […] Où il est bon, il va jusqu’à l’exquis et à l’excellent ; il peut être le mets des plus délicats ». […] Il y met trop d’ardeur et de passion pour n’avoir pas trouvé quelque agrément à les écrire. […] Quelquefois il en met presque trop, dans un sens ou dans l’autre.
L’aventure qu’il raconte est une aventure vraie, et il a mis dans sa narration une réserve presque excessive. […] Mettons que son ironie soit un peu sèche. […] s’il ne veut pas épuiser la coupe, il ne faut pas y mettre les lèvres ! […] qu’il ne mette point les lèvres à cette coupe qui raccourcit le temps et nous donne tout à la fois ! […] Mettons qu’il excelle dans l’essai, comme Montaigne.
Que l’objet soit un attribut ou une substance, qu’il soit complexe ou abstrait, composé ou simple, son étoffe pour nous est la même : nous n’y mettons que nos manières d’être. […] Tout au plus, de temps en temps, quelque novateur osait les retourner avec précaution pour les mettre en un meilleur jour. […] Vous me dites deux fois la même chose ; vous mettez le même fait sous deux termes différents : vous n’ajoutez pas un fait à un fait, vous allez du même au même. […] Ma conclusion ne m’apprend rien ; elle n’ajoute rien à ma connaissance positive ; elle ne fait que mettre sous une autre forme une connaissance que j’avais déjà. […] Selon les logiciens idéalistes, on démêle cet être en consultant cette notion, et l’idée décomposée met l’essence à nu.
Que l’objet soit un attribut ou une substance, qu’il soit complexe ou abstrait, composé ou simple, son étoffe pour nous est la même : nous n’y mettons que nos manières d’être. […] Tout au plus, de temps en temps, quelque novateur osait les retourner avec précaution pour les mettre en un meilleur jour. […] Vous me dites deux fois la même chose ; vous mettez le même fait sous deux termes différents : vous n’ajoutez pas un fait à un fait, vous allez du même au même. […] Ma conclusion ne m’apprend rien ; elle n’ajoute rien à ma connaissance positive ; elle ne fait que mettre sous une autre forme une connaissance que j’avais déjà. […] Selon les logiciens idéalistes, on démêle cet être en consultant cette notion, et l’idée décomposée met l’essence à nu.
Mettez, mettez hardiment la musique moderne parmi les narcotiques d’importation récente ou d’usage nouveau si chers à nos contemporains, à côté du tabac, de l’opium et du haschisch. […] » L’esprit chevaleresque, avec don Quichotte, peut se mettre au lit et mourir. […] Elle, d’un cœur intrépide, se mit à rire, et le petit nègre s’évanouit. […] C’est lui qui met réellement fin à la littérature chevaleresque et aristocratique. […] Il est vrai qu’il met cet optimisme à un haut prix.
Et d’abord, il s’est présenté lui-même, tel qu’il est, avec son propre accent, avec ses sentiments et ses doctrines ; il n’a pas emprunté aux traditions académiques les exordes tant de fois renouvelés : il a parlé à sa manière, modestement, honnêtement, traçant de l’homme de lettres et du poète le caractère et le rôle qu’il conçoit, et s’y peignant lui-même avec cette sincérité élevée qui vient du cœur : on a senti dès ses premières paroles quelqu’un qui ne se mettait ni au-dessus ni au-dessous de ce qu’il devait être. […] Il a marqué pourtant sa préférence pour le drame généreux de Charlotte Corday, et dans l’analyse qu’il a donnée de cette scène politique effrayante entre Danton, Robespierre et Marat, il a fait voir, par le burin qu’il a appliqué à la définition des trois caractères ainsi mis en présence et en contraste, que la critique aussi est une puissance : l’auditoire s’est senti tressaillir à des accents vertueux et éloquents.
Les bénéfices baissant, les propriétaires ont provoqué une mise à l’enchère, et le journal a été adjugé à M. […] On met encore en avant beaucoup de noms ; mais ces promesses magnifiques tiennent peu d’ordinaire, et le vieux Constitutionnel, en voulant se rajeunir comme Éson, pourrait bien avoir le destin de Pélias.
Il a pensé qu’il serait bon d’attirer vers des spectacles simples, sains, moralisateurs, la foule des travailleurs des champs, des paysans, des pauvres, qui n’ont trop souvent rien de beau à se mettre sous les yeux. […] Le genre comique n’a pas été négligé à Bussang : un acte amusant, le Lundi de la Pentecôte, a mis en joie les spectateurs avec les aventures de divers personnages auxquels la dive bouteille a fait oublier une vieille amitié ; tout finit bien d’ailleurs : réconciliation et mariage remettent les choses en état et rectifient à jamais le fâcheux zigzag que l’ivrognerie a fait faire à l’amitié de ces braves gens.
Si l’Ecrivain dont nous parlons étoit réduit à la seule gloire d’avoir mis au jour de pareilles Productions, sa célébrité auroit fini avec sa vie, & même avant. […] Le talent particulier qu’il a eu de mettre à la portée de tout le monde les matieres les plus abstraites, de revêtir de la clarté & des agrémens du style les sujets les plus ingrats ; de répandre dans ses Ouvrages les connoissances les plus étendues sans affectation, avec ordre & dans la plus grande précision ; de dominer, par l’aisance de son esprit, tout ce qui se présentoit sous sa plume, dans les genres les plus opposés & les plus difficiles ; lui assure la gloire d’une intelligence prompte, fine, profonde, & celle du mérite rare d’avoir su communiquer aux autres, sans effort, ce qui paroissoit, avant lui, au dessus de la pénétration du commun des Lecteurs.
Considérable, car la liste est longue de ceux qui entre dix-huit et trente-six ans on écrit des pages intéressantes, ont participé au mouvement littéraire de ce temps, si fécond en cénacles, si fertile en personnalités curieuses ; dangereux enfin, parce que, malgré deux ans de recherches, nous avons commis des oublis inévitables et surtout parce qu’ayant combattu, nous aussi, dans les rangs de cette jeunesse, nous n’avons pourtant pas hésité à mettre de côté toute camaraderie, toute confraternité, pour présenter un tableau sincère et précis de cette « jeune littérature » dont on parle tant et qu’on connaît si peu. […] Notre temps a mêlé tous les genres, a rompu toutes les barrières, dépassé toutes les limites que l’expérience et l’observation de vingt siècles avaient mises entre les divers modes de l’expression artistique.
Rubens sans mettre des diables à côté de son mauvais larron comme l’avoient pratiqué plusieurs de ses devanciers, n’a pas laissé d’en faire un objet d’horreur. […] Le genie de La Fontaine lui fait rencontrer dans la composition de ses fables, une infinité de traits qui paroissent si naïfs et tellement propres à son sujet, que le premier mouvement du lecteur est de croire qu’il les eut trouver aussi bien que lui, s’il avoit eu à mettre en vers le même apologue.
Cette étymologie, appliquée à l’Homère que l’on a conçu jusqu’ici, est aussi éloignée et aussi forcée qu’elle est convenable et facile relativement à notre Homère, qui liait, composait, c’est-à-dire mettait ensemble les fables. — 5. […] Cette tradition ôte tout crédit à la précédente, d’après laquelle les poèmes d’Homère auraient été corrigés, divisés et mis en ordre du temps des Pisistratides.
Et pareille éducation nous met vis-à-vis des autres peuples, dans un état lamentable d’infériorité. […] On les lit rapidement, sans soupçonner quels soins ils mettent jusque dans les virgules. […] Mettons de côté d’abord, comme décidément inférieure et rapetissante, la question de race et surtout celle de nationalité. […] … Mettez-vous donc à plat ventre, esclaves, comme les Hindous devant le char de Jaggernat, et qu’elles vous passent sur le crâne, les dures bottes éperonnées ! […] Car vous supposez que les lettrés n’attendirent pas la mise en littérature du transformisme ou de l’évolutisme pour créer des courants d’idées nouvelles.
Mais, si cette visite m’a naturellement suggéré quelques réflexions, j’ai pensé qu’il pouvait être opportun, — ou actuel, comme l’on dit, — de les mettre par écrit. […] On a reproché jadis, au spiritualisme officiel, — celui de Cousin et de Jouffroy, — qu’il voulait partout et à tout prix mettre de la morale. […] Berthelot lui-même, d’en être ainsi réduit à se mettre sous la protection d’un vieux politicien tel que M. […] Faut-il donc mettre partout des Majuscules ou des Italiques ? […] Vous avez ri mille fois de la sotte balance qu’Homère a mise dans les mains de son Jupiter, apparemment pour le rendre ridicule.
Les uns tirent du pistolet dans les vitres et tout le monde se retourne lui mit, les pieds dans le plat, ― coram populo, ― plus tard, il devait y ajouter le reste. […] D’ailleurs, ce qui confirme ce jugement, c’est que le sujet mis à l’étude est la nature, et que la nature ne change point. […] La presse, à elle seule, en absorbe de quoi mettre à sec les imaginations les plus fertiles. […] Vous mort, vous n’aurez pas de successeurs et la porte se refermera sur vous. » La littérature a fait son profit de cette mise en demeure. […] Zola quand il a su mettre en relief les turpitudes et les crimes du régime napoléonien, mais nous lui reprochons d’avoir douté de la force ethnique de la nation française et de son énergie morale.
S’il fallait sérieusement subir la destinée du malheureux mis en scène, les loges seraient désertes. […] Je fesais en moi-même l’éloge de la médiocrité qui met également à l’abri du blâme et de l’envie, et je me demandais pourquoi cependant personne ne voudrait perdre de sa sensibilité et devenir médiocre ? […] Je ne m’en pressai pas davantage ; je me mets quelquefois à table le soir, mais il est rare que je mange. […] Pourquoi met-on si fortement l’imagination de l’enfant en jeu, si difficilement celle de l’homme fait ? […] Je mettrais à tout ce système plus de vraisemblance et de clarté, si j’en avais le temps.
De même, les paysages intéressent davantage quand ils ne font que servir de cadre à l’action, qu’ils l’appuient ou lui font repoussoir, qu’ils ne se trouvent pas mis là en dehors et comme à côté de l’intérêt dramatique. […] Si l’art, comme le remarque Taine, s’efforce de mettre en relief le caractère dominateur, c’est qu’il cherche de préférence à reproduire les personnalités puissantes, c’est-à-dire précisément la vie dans ce qu’elle a de plus manifeste. […] Plus tard, c’est le riche que le romancier mettra en contact avec le pauvre (Balzac), le patron avec l’ouvrier, le peuple avec la bourgeoisie, pour instituer ce que Zola veut qu’on appelle des expériences. […] Puis, l’expérimentateur paraît et « institue l’expérience », c’est-à-dire l’ait mouvoir les personnages dans une histoire particulière, pour y montrer que la succession des faits y sera telle que l’exige le déterminisme des phénomènes mis à l’étude. […] toute la poésie de la vieillesse, du passé se souvenant, est là : la fleur et la solitude, mais c’est presque de la mise en scène pour cette figure de vieille femme.
La phrase d’un discours est faite pour qu’on n’en pèse pas tous les mots dans la rapidité du débit, pour que les idées essentielles soient seules mises en relief par des mots saillants. […] L’artiste fait sonner ce carillon intérieur auquel Taine compare le système nerveux : il a pour cela cent moyens, car la vibration invisible court d’une clochette à l’autre ; que l’une d’elles soit tirée de main de maître, toutes les autres se mettront en branle. […] Partout où le ciel mit deux cœurs, s’aimer est doux ! […] Ce qui est vrai, c’est que la rime finale est un moyen de mettre en relief un mot, par conséquent, une image ou une idée. […] Rappelez-vous, à la scène, ces acteurs trop consciencieux qui prétendent, comme on dit, « faire un sort à chaque mot » ; au bout de cinq minutes, les mots qu’ils veulent mettre tous en lumière, étant uniformément éclairés, rentrent tous dans l’ombre.