/ 1833
748. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vie de Jésus, par M. Ernest Renan »

Qu’est-ce donc si ce saint, aux yeux de la foi et de la conscience, est le saint des saints, si c’est une des personnes de Dieu ? […] Je n’examine pas le fond ; mais le temps a assemblé et amassé autour de ces établissements antiques et séculaires tant d’intérêts, tant d’existences morales et autres, tant de vertus, tant de faiblesses, tant de consciences timorées et tendres, tant de bienfaits avec des inconvénients qui se retrouvent plus ou moins partout, mais, à coup sûr, tant d’habitudes enracinées et respectables, qu’on ne saurait y toucher et les ébranler sans jouer l’avenir même des sociétés… » On voit la suite.

749. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset. »

On fit venir, l’année suivante, à Strasbourg, des Pères de l’Oratoire, dont était le célèbre Du Guet, pour tâter encore les consciences et sonder le terrain sur cette œuvre des conversions : elles ne prirent pas, — ni chez les Catholiques, ni chez les Protestants : « Les Catholiques, écrivait Du Guet (1682), sont soldats pour la plupart, occupés à la citadelle, aux forts, à autre chose qu’a leur conscience ; les hérétiques bourgeois sont sur leurs gardes, et le magistrat est un homme délicat qui a l’œil à tout, qui se plaint de tout, et qui fait de toutes choses une affaire d’État. » Strasbourg, en maintenant sa communion mi-partie et en sauvant quelques-unes de ses franchises municipales, fut vite assimilée et gagnée aux sentiments et aux destinées de sa patrie nouvelle.

750. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. (Suite et fin.) »

Martha, dans un volume où il a rassemblé plusieurs philosophes et poètes de l’Empire romain59, lui a consacré tout un chapitre sous ce titre : l’Examen de conscience d’un Empereur. […] Marc-Aurèle n’avait à offrir que la patience, la résignation, la conscience du devoir accompli, la satisfaction interne sobre et austère, les palliatifs de la sagesse, les moyens humains : il n’a parlé, il ne parle encore qu’à quelques-uns.

751. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Recueillements poétiques (1839) »

Ce n’est pas même une comparaison que j’établis là, c’est une identité que j’exprime : l’art, pour l’artiste, fait partie de sa conscience et de sa morale. […] Mais c’est trop douter ; la conscience aussi, en pareil cas, dit non et se soulève ; je reviens à la règle sûre, déjà posée : l’art, comme la morale, comme tous les genres de vérités, existe indépendamment du succès même. 

752. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre I. François Rabelais »

Non, mais Rabelais a conscience de la force infinie de la nature : telle qu’il la saisit en lui, puissante, active, voulante, telle il la sent partout ; à quoi bon chiffres et mesures ? […] Car je veux bien qu’il n’ait pas dégoût (et il ne pouvait en avoir sans se démentir lui-même), du moins il a conscience et réflexion, et son sujet ne l’entraîne pas : il le règle comme il veut.

753. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Pierre Loti »

J’avoue moi-même que ma conscience de critique en est tout inquiétée. […] Ce lit d’amour, la nuit, sur une barque, dans le golfe de Salonique ; puis cette vie de silence et de solitude, pendant une année, dans une vieille maison du plus vieux quartier de Constantinople, je ne sais pas de rêve plus doux, plus amollissant, ni en qui s’endorment mieux la conscience et la volonté.

754. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Stéphane Mallarmé » pp. 146-168

Ils vivent dans cette ombre où, dit Vielé-Griffin, « marchèrent côte à côte Vigny et Baudelaire, Verlaine et Mallarmé » et il ajoute : Cette ombre où vit Verhaeren, où Laforgue est mort, fut, pour ceux à côté desquels j’ai pris conscience de la vie, comme l’ombre des lauriers. […] Le dernier mot appartient à Remy de Gourmont : « Là où la poésie de Mallarmé est belle, elle le demeure incomparablement. » * *   * Jules Laforgue estime que Mallarmé ne relève que de la conscience parnassienne dont il fut « l’apothéose » et M. 

755. (1890) L’avenir de la science « V »

Il est trop clair d’abord que la seule conscience d’avoir reculé devant la saine méthode et le sentiment permanent d’une objection non réelle jetteraient sur toute la vie ultérieure un scepticisme plus désolant que la négation même. […] Avec une conscience de l’humanité aussi développée que la nôtre, nous aurions bien vite fait le rapprochement, nous nous jugerions comme nous jugeons le passé, nous nous critiquerions tout vivants.

756. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VI. Pour clientèle catholique »

J’avoue que le pamphlétaire m’est un compagnon moins précieux : il se laisse aller à trop de lyrisme excrémentiel ; trop volontiers il inflige aux condamnés de sa conscience le supplice du pal et, avec une insistance barbarement joyeuse, il nous montre que les culs qu’il va transpercer ne sont pas propres. […] Celui qui semblait pouvoir être le noble pamphlétaire de sa propre conscience est devenu bassement le pamphlétaire d’un parti.

757. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — II. » pp. 494-514

Ne croyez pas que Mallet du Pan fût un avocat consultant comme un autre, qu’il se contentât de donner son avis en conscience, et qu’il se tînt quitte ensuite et content : non pas ! […] Rien qu’à l’accent, il est évident qu’avec ce fonds d’humeur républicaine et cette conscience d’homme libre qui se retrouve à nu dès qu’on le presse trop au vif, Mallet du Pan en prend son parti ; il est à bout à la vue de tant de fautes, de sottises, et d’une partie d’échecs si mal jouée : « C’est un bonheur insigne, s’écrie-t-il ; de n’être rien qu’indépendant dans des conjonctures si désespérées, au milieu d’hommes qui ruineraient, par leur façon de faire, les conjonctures les plus favorables. » On voit à présent, sans qu’il y ait doute, quelle franche et particulière nature d’avocat consultant et de conseiller royaliste c’était que Mallet du Pan, ce paysan du Danube de l’émigration.

758. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre V. Le génie et la folie »

Le propre du génie est de se posséder lui-même, et non d’être entraîné par une force aveugle et fatale, de gouverner ses idées, et non d’être subjugué par des images, d’avoir la conscience nette et distincte de ce qu’il veut et de ce qu’il voit, et non de se perdre dans une extase vide et absurde, semblable à celle des fakirs de l’Inde. […] Moreau (de Tours), fidèle à sa peinture fantastique du génie, exagère tout, la distraction comme l’enthousiasme : « De même qu’en s’exaltant outre mesure, dit-il, l’imagination touche au délire ; l’attention, par sa tension exagérée, touche au fait le plus grave de l’aliénation mentale, à la perte de la conscience, à l’extase. » Ce sont là de grandes exagérations.

759. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre III : La littérature du xviiie et du xixe  siècle »

Par le principe des vérités générales, il est accessible et sympathique à tout ce que le xviiie  siècle a pu dire de vrai ; mais en même temps, par le principe de la discipline, il se défie même de ses plus grands écrivains, et il est toujours plus près de la restriction de l’éloge ; cependant, à peine a-t-il hasardé une critique, que sa raison et sa conscience lui font craindre d’être trop sévère, et le voilà qui loue de nouveau pour blâmer encore aussitôt après. […] Soyez l’interprète, l’avocat de cette grande époque, et réveillez dans ma conscience le goût de ces sortes de vérités que j’oublie trop, j’y donne les mains ; mais, pour me toucher, il faut que vous partagiez ma passion, car vouloir que je sois un contemporain de Bossuet qui accorde quelque chose à Voltaire et à Montesquieu, voilà qui est impossible : ce n’est pas là la réalité.

760. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre V. Seconde partie. Des mœurs et des opinions » pp. 114-142

Mais, je l’ai déjà dit, il faut que les mœurs cèdent et se façonnent ; il faut qu’elles s’accoutument aux outrages, et que leur conscience soit en elles-mêmes. […] Si nous parcourions toute la série d’idées que peut faite naître le sujet qui nous occupe, nous verrions que le duel, reste de nos anciennes mœurs, s’est conservé intact dans nos mœurs nouvelles, mais qu’il commence à sortir de la sphère des opinions ; que l’institution du jury, réclamée par nos opinions, et regardée avec raison comme le fondement de toutes nos garanties sociales et de nos libertés actuelles, n’est point entrée dans nos mœurs, puisque nous obéissons avec tant de répugnance à la loi qui nous impose le devoir de juger nos pairs, puisque les jugements rendus dans le sanctuaire de la justice, sous la responsabilité de la conscience des jurés, sont attaqués ouvertement, et discutés comme nous discutons tout ; nous verrions enfin que si nous n’étions pas soutenus par l’esprit de parti, nous nous acquitterions de nos fonctions d’électeurs avec une négligence que l’on prévoit déjà pour l’avenir.

761. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Philarète Chasles » pp. 111-136

Et si, malheureusement, il n’eut pas plus que Sainte-Beuve la conscience et la conviction morale, si nécessaires pour juger sainement les œuvres de l’esprit, il s’en vengea, du moins, par l’étendue, l’horizon, le mouvement d’esprit de sa critique. […] Cela n’en a ni la conscience, ni la sévérité, ni la certitude.

762. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IX : M. Jouffroy écrivain »

Les heures de la nuit s’écoulaient, et je ne m’en apercevais pas ; je suivais avec anxiété ma pensée, qui de couche en couche descendait vers le fond de ma conscience, et, dissipant l’une après l’autre toutes les illusions qui m’en avaient jusque-là dérobé la vue, m’en rendait de moment en moment les détours plus visibles ! […] « Je souffre, disait-il, toutes les fois que je-suis obligé de traduire en paroles des phénomènes intérieurs ; les expressions de la langue suggèrent à l’esprit des images qui ressemblent si peu aux phénomènes que sent la conscience, que de telles descriptions font toujours pitié à ceux qui les donnent61. » Les grands romanciers donnent des descriptions aussi difficiles que celles des psychologues, et néanmoins très-claires ; c’est qu’ils les composent de petits faits62.

763. (1925) Les écrivains. Première série (1884-1894)

Caro, qui, dans cette triste cérémonie, représentait la conscience des honnêtes gens. […] Roger Ballu se trouva fort gêné, car il a la conscience droite, et puis il voulait émettre une opinion juste, administrative et bureaucratiquement motivée. […] Sa conscience et son estomac d’Allemand n’eurent aucun scrupule à m’en faire confidence. […] Paul Hervieu, c’est cette chose rare et grande qu’on rencontre très peu, dans les poètes : la conscience. […] Et c’est cette conscience qui double la puissance et la variété de la sensation.

764. (1863) Causeries parisiennes. Première série pp. -419

On a exproprié la conscience humaine pour cause d’utilité publique ; que peuvent demander de plus les héritiers des montagnards ? […] Elle en avait la conscience, et défiait parfois le lecteur avec une audace charmante. […] Une sainte et digne femme n’a pas « un grain de poussière, pas une toile d’araignée à la vitre de sa conscience ». […] Ils appelaient cela le triomphe de la liberté de conscience. […] Elles trompent la conscience publique par des théories, et cherchent à apaiser par des sentences vides sa soif innée de justice.

765. (1916) Les idées et les hommes. Troisième série pp. 1-315

Elle a pris conscience de l’héroïsme qui lui est demandé. […] Est-ce qu’on a une conscience, oui ou non ? […] Et le gouvernement du Roi, qui maintient l’ordre dans l’État, calme le remuement des consciences. […] La conscience disparaîtrait, laissant toute liberté à l’acte inconscient nécessairement parfait dans les limites de sa fin. […] Puis il examinait un phénomène de la pensée religieuse et, bref, de la conscience la plus intime et secrète.

766. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre VIII. De la clarté et des termes techniques »

Mais avec du talent, de la conscience, une connaissance solide de la langue, on se tire avec honneur de la difficulté.

767. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Casuistique. » pp. 184-190

Mais, ayons la franchise de le dire, ce meurtre est si spécial, il peut être entouré de circonstances qui en voilent et en travestissent si parfaitement l’abomination, que la conscience, même d’un honnête homme peut en être troublée et n’y plus voir très clair.

768. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Villiers de L'Isle-Adam, Auguste de (1838-1889) »

Il est bon de montrer au public le néant de ses théories dramatiques et de mettre sa conscience en repos.

769. (1887) Discours et conférences « Appendice à la précédente conférence »

Rien de plus instructif que d’étudier ainsi, dans ses manifestations originales et sincères, la conscience de l’Asiatique éclairé.

770. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre premier. Impossibilité de s’en tenir à l’étude de quelques grandes œuvres » pp. 108-111

Mais qu’un homme, un grand écrivain, si l’on veut, vienne préciser ce qui était nuageux, condenser ce qui était éparpillé, mettre en pleine lumière ce qui était encore enveloppé d’ombre, exposer brillamment ces besoins que beaucoup sentaient sans en avoir la conscience bien nette, alors on lui sait gré d’avoir « dit le secret de tout le monde », d’avoir exprimé tout haut ce que tant d’autres pensaient tout bas, d’avoir donné une voix à des aspirations jusque-là presque muettes.

771. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Lucrèce Borgia » (1833) »

Et de cette façon, sa conscience se reposera du moins tranquille et sereine sur son œuvre.

772. (1761) Salon de 1761 « Peinture — M. Pierre » pp. 122-126

Pour vos femmes, et le reste de votre composition, je conviens qu’il y a de la beauté ; des caractères de l’expression ; de la sévérité de couleur ; mais mettez la main sur la conscience, et rendez gloire à la vérité !

773. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre V. Première partie. Les idées anciennes devenues inintelligibles » pp. 106-113

L’orateur enfin ne peut être animé, ne peut être entraîné hors de lui-même, et ramener ainsi son auditoire à un centre commun, que par la conscience de l’impression qu’il produit, de l’ascendant qu’il exerce.

774. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre I. Définition des idées égalitaires »

Ces hommes, dont elles affirment la valeur, ne sont-ils pas, par définition, non seulement les plus complexes de tous les objets — par suite aussi ceux qui, tout en appartenant à un même genre, sont susceptibles de différer le plus les uns des autres — mais encore les seuls sujets qui, ayant la pleine conscience d’eux-mêmes, sont capables de poser les unes en face des autres leurs individualités ?

775. (1936) Histoire de la littérature française de 1789 à nos jours pp. -564

Mais la seconde partie nous introduit pour la première fois et en plein dans la conscience littéraire de cette génération de 1789, dans les problèmes qui se posent pour elle. […] Cela, Fichte aurait pu l’apprendre de Mme de Staël, comme Mme de Staël eût appris de Fichte la philosophie dialectique de la conscience. […] Elle a été, plus qu’une étape, un principe de la conscience européenne en formation. […] En poésie, le frêle renouveau classique de 1843 doit être tenu pour la conscience de ce malaise ou de cette carence, autant et plus que pour une réalité positive. […] Le monde de Vigny est un monde sans Dieu, la conscience de Vigny est la conscience tragique d’un monde sans Dieu.

776. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Camille Jordan, et Madame de Staël »

« La loi n’a pas connu le prêtre pour l’honorer, elle ne doit pas le connaître pour le soupçonner. » Il expliquait comment quantité d’honnêtes ecclésiastiques, tout prêts d’ailleurs à obéir aux lois, s’étaient refusés par scrupule à prêter ce serment qu’on exigeait d’eux et qui leur semblait recéler des pièges pour leur conscience. […] Mais ce qui lui importe, c’est de recueillir des votes indépendants, c’est de savoir ce qu’entendent dans cette grande circonstance, sous quelle condition viennent de souscrire tous ces hommes qui ont une opinion, une conscience, et dont la voix semble l’interprète naturel de la vérité et de la justice. […] Rien n’est si habile, rien n’est si éclairé qu’une haute conscience et un désintéressement complet de tout intérêt personnel. […] C’est dans ma conscience que je cherche votre opinion […] Nature intègre, conscience restée vierge et non usée, ils ne le connaissaient qu’à demi.

777. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre V. Swift. » pp. 2-82

Au contraire, les partis anglais furent toujours des corps compacts et vivants, liés par des intérêts d’argent, de rang et de conscience, ne prenant les théories que pour drapeau ou pour appoint, sortes d’États secondaires qui, comme jadis les deux ordres de Rome, essayaient légalement d’accaparer l’État. […] On représente encore comme un grand avantage pour le public que, si nous écartons tout d’un coup l’institution de l’Évangile, toute religion sera naturellement bannie pour toujours, et par suite avec elle tous les fâcheux préjugés de l’éducation qui, sous les noms de vertu, conscience, honneur, justice et autres semblables, ne servent qu’à troubler la paix de l’esprit humain979. […] Le hêtre a sur la tête une très-galante perruque, et il n’y a pas de plus joli justaucorps blanc que celui du bouleau. » De même pour les qualités de l’âme : « la religion n’est-elle pas un manteau, et la conscience une culotte, qui, quoique employée à couvrir la saleté et l’impudicité, se met bas très-aisément pour le service de l’une et de l’autre ? […] It is likewise proposed as a great advantage to the publick that if we once discard the system of the Gospel, all religion will of course be banished for ever, and consequently along with it, those grievous prejudices of education, which under the names of virtue, conscience, honour, justice, and the like, are so apt to disturb the peace of human minds, and the notions thereof are so hard to be eradicated by right reason, or free-thinking. […] Observe how sparkish a periwig adorns the head of the beech, and what a fine doublet of white satin is worn by the birch… Is not religion a cloak, honesty a pair of shoes worn out in the dirt, self-love a surtout, vanity a shirt, and conscience a pair of breeches, which, though a cover for lewdness as well as nastiness, is easily slipt down for the service of both ?

778. (1894) La bataille littéraire. Cinquième série (1889-1890) pp. 1-349

Toudouze a étudié ce coin de la Bretagne avec une rare conscience et la fidélité du récit vient ajouter encore à l’intérêt d’un roman vraiment et simplement émouvant. […] Qu’importe à Jacques si sa conscience n’est faite que des idées transmises par une lente hérédité de justice ? […] Non en public, parbleu, pas à haute voix, mais au fond, dans les aveux, qu’on se chuchote dans la cave de sa conscience. […] Je le trouvai si laid quand il rentra ainsi tondu à la maison, qu’il en eut conscience et qu’il courut bien vite acheter une perruque ! […] Mais après un sincère appel à ma conscience, je garde la profonde conviction de n’avoir, dans ces Mémoires, ni jamais de ma vie, fait grief sciemment à personne ou cédé à des sentiments dont je doive rougir.

779. (1895) Les mercredis d’un critique, 1894 pp. 3-382

Luther ayant pris le droit, dans sa seule conscience, de protester contre l’Église catholique, je ne vois pas ce qui m’empêcherait de prendre, moi aussi, dans ma seule conscience, le droit de protester contre le protestantisme. […] C’est à lui que Lamartine venait confier ses rêves de spéculations financières ; Chateaubriand ses éternelles doléances d’homme gêné ; Lamennais ses troubles de conscience. […] Foutange plonge, avec une adresse diabolique, jusqu’au fond de ces consciences frustes. […] C’est à cette conscience d’écrivain que nous devons le bloc énorme de détails curieux et effroyables qui forment le volume que nous venons de lire. […] Il nous a confié la douleur que lui causa cette trahison : “L’Allemagne avait été ma maîtresse ; j’avais la conscience de lui devoir ce qu’il y a de meilleur en moi.

780. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXVI » pp. 256-263

— Un autre poëte, moins docte, plus facile et souvent aimable, Ulric Guttinguer, connu de nous pour avoir chanté autrefois notre lac, et qui vient aussi de rassembler ses vers en un seul volume sous ce titre : Les Deux Ages, cite, dans sa préface que nous avons sous les yeux, un passage de Jules Lefèvre, en l’accompagnant d’éloges qui prouvent au moins que tout n’est pas épine dans le sentier : il accorde sans hésiter à son confrère non-seulement la conscience poétique noble et puissante (ce qui n’est que juste), mais encore le génie intime et pénétrant. — Nous ne nous chargeons que de noter en courant : les Aristarques de l’avenir décideront.

781. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre IX. Précision, brièveté, netteté »

Le style est net, d’abord si la conception est nette, si l’écrivain a bien déterminé la qualité, l’étendue et le rapport de ses pensées, s’il a pleine conscience, en un mot, de ce qu’il pense et sent, ensuite s’il donne à chaque idée l’expression propre qui la découvre tout entière et clairement.

782. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Jean Lahor (Henri Cazalis). »

Elle produit et justifie à la fois l’inertie voluptueuse, la charité, le détachement, — même l’héroïsme par la conscience de notre solidarité profonde avec l’univers, et par la soumission volontaire aux fins du Dieu insaisissable et immense dont nous sommes la pensée.

783. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « La Solidarité »

de première classe), vous aurez maintes occasions d’être secourables aux pauvres gens, de faire payer pour eux les riches, de réparer ainsi, dans une petite mesure, l’inégalité des conditions et d’appliquer pour votre compte l’impôt progressif sur le revenu  Notaires (car il y en a ici qui seront notaires), vous pourrez être, un peu, les directeurs de conscience de vos clients et insinuer quelque souci du juste dans les contrats dont vous aurez le dépôt  Avocats ou avoués, vous pourrez souvent par des interprétations d’une généreuse habileté, substituer les commandements de l’équité naturelle, ou même de la pitié, aux prescriptions littérales de la loi, qui est impersonnelle, et qui ne prévoit pas les exceptions  Professeurs, vous formerez les cœurs autant que les esprits ; vous… enfin vous ferez comme vous avez vu faire dans cette maison  Artistes ou écrivains, vous vous rappellerez le mot de La Bruyère, que « l’homme de lettres est trivial (vous savez dans quel sens il l’entend) comme la borne au coin des places » ; vous ne fermerez pas sur vous la porte de votre « tour d’ivoire », et vous songerez aussi que tout ce que vous exprimez, soit par des moyens plastiques, soit par le discours, a son retentissement, bon ou mauvais, chez d’autres hommes et que vous en êtes responsables  Hommes de négoce ou de finance, vous serez exactement probes ; vous ne penserez pas qu’il y ait deux morales, ni qu’il vous soit permis de subordonner votre probité à des hasards, de jouer avec ce que vous n’avez pas, d’être honnête à pile ou face  Industriels, vous pardonnerez beaucoup à l’aveuglement, aux illusions brutales des souffrants ; vous ne fuirez pas leur contact, vous les contraindrez de croire à votre bonne volonté, tant vos actes la feront éclater à leurs yeux ; vous vous résignerez à mettre trente ou quarante ans à faire fortune et à ne pas la faire si grosse : car c’est là qu’il en faudra venir  Hommes politiques, j’allais dire que vous ferez à peu près le contraire de presque tous vos prédécesseurs, mais ce serait une épigramme trop aisée.

784. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Des avantages attachés à la profession de révolutionnaire. » pp. 200-207

On y doit goûter d’âpres jouissances par le sentiment d’une communion parfaite avec des âmes véhémentes et frustes, par la conscience qu’on a de déchaîner et l’illusion qu’on se donne de diriger une puissance aveugle qui vous soulève, vous enveloppe et vous roule dans ses tourbillons ; — tout cela exaspéré encore par la lourde atmosphère des salles et par la brutalité même des sensations dont l’ouïe et l’odorat sont assiégés… Il y a une ivresse physique, une sorte d’hystérie dans la révolte, et qui se multiplie quand on la partage avec une foule.

785. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Chirurgie. » pp. 215-222

« Tout chirurgien vraiment digne de ce nom doit avoir conscience de sa sagacité, de ses aptitudes.

786. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Delavigne, Casimir (1793-1843) »

Jusque dans ce système moyen si bien mis en œuvre par lui, et qu’il faisait chaque fois applaudir, il avait conscience de sa résistance aux endroits qu’il estimait essentiels.

787. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Fort, Paul (1872-1960) »

Typographiées comme de la prose, elles sont écrites en vers et supérieurement mouvementées… Ce poète est une perpétuelle vibration, une machine nerveuse sensible au moindre choc, un cerveau si prompt, que l’émotion, souvent, s’est formulée avant la conscience de l’émotion.

788. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « La réforme prosodique » pp. 120-128

Théodore de Banville avait bien écrit : Elle filait — pensivement — la blanche laine, mais, effrayé de sa propre audace, il n’eut plus de sommeil jusqu’à ce qu’il eût trouve ce correctif : Elle filait d’un doigt — pensif la blanche laine, qui rétablit la paix de sa conscience troublée.

789. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXVI. Jésus au tombeau. »

Ce transport d’ailleurs eût pu se prolonger jusqu’à une heure avancée et entraîner une violation du sabbat ; or les disciples observaient encore avec conscience les prescriptions de la loi juive.

790. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre III » pp. 30-37

Alors les charlatans triomphent, et ils se sentent persuadés de leur puissant génie, en descendant de cette chaire professorale où ils sont montés avec la conscience chargée des avertissements de leur nullité.

791. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XVI, les Érynnies. »

Or la conscience humaine, éclairée et améliorée, protestait contre les expiations barbares du passé ; l’idéal qu’elle se faisait de la vraie justice n’était plus d’accord avec les sauvages représailles personnifiées par les Érynnies.

792. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — L’abbé Boileau, et Jean-Baptiste Thiers. » pp. 297-306

Pour se venger & justifier l’indécence qui se trouve dans plusieurs descriptions de l’Histoire des flagellans, il composa un recueil de cas de conscience, métaphysiques & singuliers, exposés & rendus très librement par Sanchès.

793. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « I. Historiographes et historiens » pp. 1-8

au profit des plus égoïstes passions ou des plus ineptes systèmes ; mais ce n’est pas tout : ils en ont faussé la notion même… L’histoire, proprement dite, devait être un monument de bronze érigé par l’État, et sur lequel une main éprouvée, assez forte et assez honorée pour tenir le burin de l’Ordre social, écrirait les actes législatifs, les faits d’armes et les faits de conscience des personnalités caractéristiques du temps présent ou du passé.

794. (1903) Hommes et idées du XIXe siècle

Sa déception va être le scandale du siècle ; son échec va être la défaite du droit et celle de la conscience humaine. […] Ainsi ce Moi, toujours plus exigeant, absorbait peu à peu toute la nature, toute la société, tout le drame humain, le présent, le passé et le futur, pour devenir, par une progressive expansion, le Moi Conscience d’un temps, le Moi Conscience de l’Humanité et le Moi Conscience du Monde. […] Ils ont auprès des familles, hérités de ce rôle de confidents qu’y jouait le directeur de conscience au temps où les questions de conscience primaient toutes les autres, et qui avait passé au notaire du jour où la question d’argent avait passé au premier plan. […] Elle l’a, par son intervention, utilement secondée dans l’effort qu’elle commençait de faire pour reprendre plus nette conscience d’elle-même. […] Il se livra à un scrupuleux examen de conscience et inventaire de famille.

795. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome II

Il est à la fois très solitaire dans son existence personnelle, et très préoccupé des drames moraux qui peuvent se passer dans la conscience des hommes d’aujourd’hui. […] Cette égalisation du vice et de la vertu devant la conscience ne pouvait que faire horreur au grand honnête homme qu’était M.  […] Aucun tableau de la société brillante du second Empire ne fut tracé d’une main plus magistrale, et jamais drame de conscience plus fortement noué. […] De même il paraissait capable de continuer l’œuvre de ses aïeux par sa puissance de travail et la conscience avec laquelle il prenait son métier de chef au sérieux. […] Avertir ainsi le roi, c’était l’inviter à préparer la défense de sa neutralité ou bien tenter un fléchissement de sa conscience devant l’imminence du péril.

796. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre VI. Milton. » pp. 411-519

Quand la révolution commença à gronder, il revint, par conscience, comme un soldat qui au bruit des armes court au péril, « persuadé qu’il était honteux pour lui de passer oisivement son temps à l’étranger et pour son plaisir, quand ses compatriotes luttaient pour leur liberté. » La lutte engagée, il parut aux premiers rangs, en volontaire, appelant sur lui les coups les plus rudes. […] La conscience, ami, de les avoir perdus, usés pour la défense de la liberté, ma noble tâche, dont l’Europe parle d’un bord à l’autre. […] Chacun se rappelait les bannissements, les confiscations, les supplices, la loi violée systématiquement et sans relâche, la liberté du sujet assiégée par un complot soutenu, l’idolâtrie épiscopale imposée aux consciences chrétiennes, les prédicateurs fidèles chassés dans les déserts de l’Amérique ou livrés au bourreau et au pilori457. […] Dès l’abord il attaqua les prélats ventrus460, « parvenus scolastiques », persécuteurs de la discussion libre, tyrans gagés des consciences chrétiennes. […] The conscience, friend, t’have lost them overply’d In Liberty’s defence, my noble task, Whereof all Europe rings from side to side.

797. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre III. La nouvelle langue. » pp. 165-234

Il a besoin de s’enquérir de l’état de son âme. « Ces vicaires sont si négligents et si lents pour sonder délicatement une conscience !  […] Au contraire, il y a plaisir à voir ces gentillesses musquées, ces petites façons précieuses, la mièvrerie et tout à côté la pruderie, le sourire demi-mondain et tout à la fois demi-monastique ; on respire là un délicat parfum féminin conservé et vieilli sous la guimpe : « Elle était si charitable et si compatissante — qu’elle pleurait si par hasard elle voyait une souris — dans le piége, blessée ou morte. —  Elle avait de petits chiens qu’elle nourrissait — de viande rôtie, de lait, de pain de fine farine. —  Elle pleurait amèrement si l’un d’eux mourait — ou si quelqu’un leur donnait un méchant coup de bâton. —  Elle était toute conscience et tendre cœur. » Beaucoup de vieilles filles se jettent dans ces affections, faute d’autre issue. […] » The Frere arisith up full curtisly,  And her embracith in his armie narrow,  And kissith her swetely and chirkith as a sparow… « Thankid be God that you have soul and life,  Yet sawe I not this day so faire a wife In alle the whole chirche, so God me save… I woll with Thomas speke a litil throwe,  These curates ben full negligent and slowe To gropin tenderly a man ’is conscience… Now, Dame, quod he, je vous die sans dout,  Have I not of a capon but the liver,  And of your white bred but a shiver,  And aftir that a rostid pigg’is hedde,  (But I n’old for me that no beste were dedde, ) Than hadde I ynow for my suffisaunce. […]     But for to speken of hire conscience,  She was so charitable and so pitous,  She wolde wepe if that she saw a mous Caughte in a trappe, if it were ded or bledde. […] But sore wept she if on of hem were dede,  Or if men smote it with a yerde smerte : And all was conscience and tendre herte.

798. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre septième »

Il avait, autant qu’homme de son temps, cette délicatesse de conscience qui fait qu’on ne s’approuve pas de céder à ses penchants, et qu’on sent une sorte de plaisir sévère à s’accuser, à se repentir, à donner, au moins pour quelque temps, l’avantage à sa conscience sur ses passions. […] Par une convenance admirable, les talents parurent appropriés aux différents âges et aux besoins de conscience de Louis XIV. […] On vit monter dans la chaire un homme d’une pénétration extraordinaire, qui lisait au fond des consciences les plus enveloppées, d’une parole plus animée que véhémente, dédaignant d’émouvoir et de plaire, tant il était occupé de convaincre. […] Si j’ai noté, dans les trois grands sermonnaires du dix-septième siècle, ce qui dut aller plus directement à la conscience ou à la sensibilité du roi, c’est pour faire voir que ce grand art de la chaire dut à Louis XIV, outre un roi pour auditeur assidu, et une cour, la plus exercée qui fut jamais au jugement des ouvrages de l’esprit, la liberté, qui en fait la vie et la durée.

799. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1867 » pp. 99-182

Cela ne nous ôte rien de notre confiance et de notre conscience dans l’avenir ; mais cela nous est amer de sentir que, pendant toute notre vie, rien ou presque rien ne nous sera payé pour tout ce que nous avons apporté de neuf, d’humain, d’artiste ; tandis qu’à côté de nous, le tintamarre des moindres petits talents fait tant de bruit, et que ces petits talents touchent un si retentissant viager. […] C’est dans le monde actuel des lettres, et dans le plus haut, un aplatissement des jugements, un écroulement des opinions et des consciences. […] 20 avril Ce voyage que nous craignions, que nous avons fait par conscience, par dévouement à la littérature (Madame Gervaisais), c’est singulier ! […] * * * — Les étrangers parlent haut en public, ils ont la conscience de parler une langue qu’ils sont seuls à comprendre. […] 5 septembre Monologue d’un bourgeois devant l’océan : « La mer est silencieuse et trop loin… Il y a vingt-cinq ans, la mer se retirait moins loin… l’espace est monotone, si on n’a pas le flot… et le flot, on ne l’a que deux heures avant et deux heures après : en tout quatre heures, c’est déjà quelque chose… Mais c’est monotone… du reste ça m’est parfaitement égal… » 8 septembre En voyant une méduse à moitié desséchée sur la plage, je me demandais si la mort dans les animalités végétantes de la vie inférieure ne serait rien qu’une insensible cessation de vivre, et si la douleur de la mort, montant l’échelle animale, et s’aggravant à chaque échelon de l’organisme et de l’intelligence, ne réserverait pas à l’homme seul, toute la cruauté et toute la souffrance de la conscience de mourir.

800. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Charles Labitte »

C’est un point lumineux dans ce demi-jour des premières années où tout est confondu, plaisirs, espérances, regrets, et où les souvenirs sont brouillés et incertains, parce qu’aucune pensée ne les a gravés dans la mémoire ; amour charmant qui ne sait pas ce qu’il veut, qui se prend aux yeux bleus d’une fille comme le papillon aux roses du jardin par un instinct de nature, par une attraction dont il ne sait point les causes et dont il n’entrevoit pas la portée ; innocent besoin d’aimer, qui plus tard se changera en un désir intéressé de plaire et de se voir aimé ; passion douce et sans violence, rêve en l’air ; première épreuve d’une sensibilité qui se développera plus tard ou qui plutôt s’éteindra dans des passions plus sérieuses ; petite inquiétude de cœur qui tourmente souvent un jeune écolier, un de ces enfants aux joues roses que vous croyez si insouciant, mais qui déjà éprouve des agitations inconnues, qui étouffe, qui languit, qui se sent monter au front des rougeurs auxquelles la conscience n’a point part. » — La grâce facile où se jouera si souvent la plume de Charles Labitte se dessine déjà dans cette page délicate où je n’ai pas changé un mot. […] L’illustre chancelier fut en effet, par conscience et par supériorité, on l’a très-bien dit, ce que l’auteur des Colloques avait été par circonspection et par finesse d’esprit. […] Auguste Bernard, déjà connu par ses recherches sur les D’Urfé , fut exécutée avec beaucoup de soin, d’exactitude et de conscience, qualités qui distinguent cet investigateur laborieux.

801. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Introduction. » pp. -

Entre tant d’écrivains qui, depuis Herder, Ottfried Muller et Gœthe, ont continué et rectifié incessamment ce grand effort, que le lecteur considère seulement deux historiens et deux œuvres, l’une le commentaire sur Cromwell de Carlyle, l’autre le Port-Royal de Sainte-Beuve ; il verra avec quelle justesse, quelle sûreté, quelle profondeur, on peut découvrir une âme sous ses actions et sous ses œuvres ; comment, sous le vieux général, au lieu d’un ambitieux vulgairement hypocrite, on retrouve un homme travaillé par les rêveries troubles d’une imagination mélancolique, mais positif d’instinct et de facultés, anglais jusqu’au fond, étrange et incompréhensible pour quiconque n’a pas étudié le climat et la race ; comment avec une centaine de lettres éparses et une vingtaine de discours mutilés, on peut le suivre depuis sa ferme et ses attelages jusqu’à sa tente de général et à son trône de protecteur, dans sa transformation et dans son développement, dans les inquiétudes de sa conscience et dans ses résolutions d’homme d’État, tellement que le mécanisme de sa pensée et de ses actions devient visible, et que la tragédie intime, perpétuellement renouvelée et changeante, qui a labouré cette grande âme ténébreuse, passe, comme celles de Shakspeare, dans l’âme des assistants. […] Cette seconde idée, à son tour, dépend d’une troisième plus générale encore, celle de la perfection morale, telle qu’elle se rencontre dans le Dieu parfait, juge impeccable, rigoureux surveillant des âmes, devant qui toute âme est pécheresse, digne de supplice, incapable de vertu et de salut, sinon par la crise de conscience qu’il provoque et la rénovation du cœur qu’il produit. […] On touche ici le fond de l’homme ; car pour expliquer cette conception, il faut considérer la race elle-même, c’est-à-dire le Germain et l’homme du Nord, sa structure de caractère et d’esprit, ses façons les plus générales de penser et de sentir, cette lenteur et cette froideur de la sensation qui l’empêchent de tomber violemment et facilement sous l’empire du plaisir sensible, cette rudesse du goût, cette irrégularité et ces soubresauts de la conception, qui arrêtent en lui la naissance des belles ordonnances et des formes harmonieuses, ce dédain des apparences, ce besoin du vrai, cette attache aux idées abstraites et nues, qui développe en lui la conscience au détriment du reste.

802. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIe entretien. Madame de Staël »

Il était vertueux avec faste et orgueilleux avec conscience. […] Une protestation jetée au peuple par une main cachée, du sein du nuage, soulageait au moins sa conscience de femme. […] répliquai-je, « il ne s’agit pas de ce que je veux, mais de ce que je pense. » J’ignore si cette réponse lui a été rapportée, mais je suis bien sûre du moins que, s’il l’a sue, il n’y a attaché aucun sens ; car il ne croit à la sincérité des opinions de personne, il considère la morale en tout genre comme une formule qui ne tire pas plus à conséquence que la fin d’une lettre ; et, de même qu’après avoir assuré quelqu’un qu’on est son très-humble serviteur, il ne s’ensuit pas qu’il puisse rien exiger de vous, ainsi Bonaparte croit que lorsque quelqu’un dit qu’il aime la liberté, qu’il croit en Dieu, qu’il préfère sa conscience à son intérêt, c’est un homme qui se conforme à l’usage, qui suit la manière reçue pour expliquer ses prétentions ambitieuses ou ses calculs égoïstes.

803. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre II. Le quinzième siècle (1420-1515) »

Mais l’étrange chose, et faite pour plonger nos consciences d’honnêtes gens, respectueuses des catégories sociales, dans des abîmes de scrupule, l’étrange chose qu’on puisse se demander laquelle en somme valut le mieux de ces deux âmes, et si ce n’est pas dans les profondeurs troubles de celle du ribaud qu’on aurait chance de rencontrer le plus de noblesse morale ! […] Encore ne sais-je pas s’il se tait par conscience du mal ou par crainte de gens actuellement puissants, dont son habileté trop grande avait contrarié les vues. […] En outre, il sait le pouvoir de l’opinion ; il ne vaut rien d’avoir la conscience publique contre soi.

804. (1890) L’avenir de la science « XXIII »

Cet élément peut s’effacer dans les faits vulgaires de l’intelligence ; mais, comme il se trouve indubitablement dans les faits de l’âme exaltée, c’est une raison pour conclure qu’il se trouve en tous ses actes ; car ce qui est à un degré est à tous les autres ; et, d’ailleurs, l’infini se manifeste bien plus énergiquement dans les faits de l’humanité primitive, dans cette vie vague et sans conscience, dans cet état spontané, dans cet enthousiasme natif, dans ces temples et ces pyramides, que dans notre âge de réflexion finie et de vue analytique. […] Elles n’ont pas cette prodigieuse subtilité psychologique, cet esprit de limite, d’intolérance, de particularisme, si j’osais dire, cette force d’abstraction, vrai vampire qui est allé absorbant tout ce qu’il y avait dans l’humanité de suave et de doux, depuis qu’il a été donné à la maigre image du Crucifié de fasciner la conscience humaine. […] Pour nous, le sort en est jeté ; et quand même la superstition et la frivolité, désormais inséparables et auxiliaires l’une de l’autre, parviendraient à engourdir pour un temps la conscience humaine, il sera dit qu’en ce XIXe siècle, le siècle de la peur, il y eut encore quelques hommes qui, nonobstant le mépris vulgaire, aimèrent à être appelés des hommes de l’autre monde ; des hommes qui crurent à la vérité et se passionnèrent à sa recherche, au milieu d’un siècle frivole, parce qu’il était sans foi, et superstitieux parce qu’il était frivole.

805. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1878 » pp. 4-51

Un moment, il cause intelligemment du rôle d’Alceste dans Le Misanthrope, de l’insuffisance de Delaunay, de l’aspect sévère de Geoffroy qui, dit-il, portait la conscience du rôle. […] Mercredi 23 janvier Flaubert dit que toute la descendance de Rousseau, tous les romantiques n’ont pas une conscience bien nette du bien et du mal, et il cite Chateaubriand, Mme Sand, Sainte-Beuve, finissant par laisser tomber de ses lèvres, après un moment de réflexion : « Et c’est vrai que Renan n’a pas l’indignation de l’injuste !  […] Mercredi 3 avril La chanteuse Alboni, cette large et joviale mangeuse, disait à une cuisinière, nouvellement entrée chez elle : « Vois-tu, ma fille, à la maison, dans les plats, il faut qu’il y ait de quoi en manger trois fois, pour chacun. » Samedi 6 avril J’ai la conscience qu’en histoire, sortira bientôt de dessous terre, une génération pareille à celle qui s’est levée dans le roman, une génération qui se mettra à faire l’histoire à mon imitation.

806. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Première partie. De la parole et de la société » pp. 194-242

Les règles de la conscience sont primitives, mais la parole est primitive aussi. Ainsi les règles de la conscience et les lois générales de la société existent en même temps. […] Le verbe est à la fois la plus haute abstraction, la plus forte empreinte de la conscience de soi et de la croyance à ce qui n’est pas soi, l’expression la plus ferme, la plus déliée, la plus flexible et la plus certaine.

807. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — I. » pp. 495-512

C’était l’usage avant de partir pour la Terre-Sainte que d’opérer ces sortes de restitutions et de purger sa conscience. […] Et ces choses vous montrai-je parce que celui-là est bien fol et hardi qui s’ose mettre en tel péril, avec le bien d’autrui sur la conscience ou en péché mortel ; car l’on s’endort le soir là où on ne sait si on ne se trouvera pas au fond de la mer.

808. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — I. » pp. 262-280

Bourdaloue excelle à livrer de ces batailles rangées à la conscience de ses auditeurs. […] Cet homme simple, modeste autant qu’éloquent, entre les mains duquel les plus grands personnages remettaient leur conscience et qu’on voulait pour confesseur habituel après qu’il vous avait converti, Bourdaloue eut l’influence la plus directe sur les dernières années du Grand Condé, et à sa mort, six semaines après Bossuet, il eut à prononcer son oraison funèbre.

809. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — II. (Fin.) » pp. 281-300

Cela s’établit comme un principe : là-dessus, on se fait une conscience, et il n’y a rien que l’on ne se croie permis par un si beau motif. […] Il refusa dans un temps la direction de la conscience de Mme de Maintenon, direction qui, certes, n’était point à mépriser, mais qui l’eût enlevé à d’autres devoirs.

810. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — II » pp. 18-34

J’étais là sous l’impression de la présence de Dieu et dans cet état de l’âme où l’on n’a plus conscience que de Dieu et de soi-même, lorsqu’une voix s’est élevée. […] C’est comme une extase tempérée et tranquille qui ravit l’âme hors d’elle-même sans lui ôter la conscience d’une tristesse permanente et un peu orageuse.

811. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Béranger, recueillie par M. Paul Boiteau. »

C’est un mélange de sages conseils et d’admiration sincère, un reste de vieux respect, égayé de beaucoup de sans-gêne et joint à la conscience qu’il a de sa supériorité pratique. […] Ce dont il convient de le louer résolument, c’est d’avoir mis toujours l’intérêt de la France au-dessus de son opinion individuelle : « J’ai, disait-il à Lamennais, une conscience méticuleuse qui m’empêche d’être homme de parti, comme il faut l’être ; je ne suis qu’homme d’opinion.

812. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. (Suite et fin) »

Je pourrais insister sur d’autres parties de ce Mémoire si digne de son auteur ; j’aimerais à y remarquer une justice rendue en passant à ce modeste et utile officier, Martinet, tué au siège de Doesbourg, à qui Louis XIV accorde, au moment où il le perd, un tribut d’estime et de regret ; je pourrais relever aussi un certain air de satisfaction et de gloire répandu sur l’ensemble et qui couronne la récapitulation, l’espèce d’examen de conscience par où le roi termine le récit de cette magnifique année 1672. […] Son bon esprit et sa fermeté, ajoute le témoin, ne font pas abandonné un instant, et, en parlant avec douceur et bonté à tous ceux à qui il a bien voulu parler, il a conservé toute sa grandeur et sa majesté jusqu’au dernier soupir. » En un mot, Louis XIV s’est montré roi jusqu’à la fin, avec la conscience et le respect de son rôle qui n’était pas un rôle pour lui, mais qui était un ministère.

813. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni (suite et fin.) »

Quand on interroge Gavarni lui-même, il n’a pas la conscience des deux manières distinctes et tranchées. […] Sa nomination, proclamée avec d’autres en séance solennelle au Louvre, fut accueillie par une double salve d’applaudissements, Quelque temps après, Gavarni, qui s’entend peu aux compliments, alla chez M. de Nieuwerkerke : « J’ai voulu voir, lui dit-il, celui qui a eu l’idée de décorer Gavarni. » Arrivé à la plénitude de la vie, à la conscience du talent satisfait qui désormais peut indifféremment continuer ou se reposer, et qui a fait sa course, — après bien des traverses et une de ces douleurs cruelles qui éprouvent à fond le cœur de l’homme35, — Gavarni ne formait plus qu’un souhait : rêver, travailler encore, et trouver son dernier bonheur, comme Candide, à cultiver son jardin.

814. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’Audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. »

Il en parle avec modestie, mais aussi avec la conscience de ce qu’il a tâché d’y mettre, lui, jouissant de tant d’avantages et de commodités pour cela, comme d’avoir vécu « depuis trente-cinq ou quarante ans » au sein de la Cour, « d’avoir fait dès sa tendre jeunesse son apprentissage en notre langue auprès du grand cardinal Du Perron et de M.  […] Il sera toujours vrai aussi que les règles que je donne pour la netteté du langage ou du style subsisteront sans jamais recevoir de changement. » Encore une fois, il est évident qu’à cette date il s’est passé un grand fait sensible et manifeste à tous ; que tous ceux qui étudiaient et pratiquaient la langue ont eu conscience de sa formation définitive, de son entrée dans l’âge adulte et de sa pleine virilité.

815. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Histoire de Louvois par M. Camille Rousset. Victor-Amédée, duc de Savoie. (suite et fin.) »

L’oppression, la contrainte, le sentiment de sa faiblesse joint à la conscience de ce qu’il était et à l’orgueil de sa royale nature, avaient produit dans cetteâme adolescente des replis de l’âme avancée d’un Louis XI ou d’un Tibère. […] Le vertueux, le sage, le philanthrope Catinat se voit chargé d’exterminer ce peuple paisible et fidèle, au cœur de ses vallées : homme de devoir et, après tout, déconsigné, il fera son métier en conscience ; il fouille le pays en tous sens, il relance dans les lieux inaccessibles ces gens « plus difficiles à trouver qu’à vaincre. » Après moins de trois semaines de campagne, il se donne la triste satisfaction d’écrire à Louvois (9 mai 1686) : « Ce pays est parfaitement désolé ; il n’y a plus du tout ni peuples ni bestiaux.

816. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite) »

… de nouveaux ennemis s’élèvent, menaçant de lier nos âmes avec des chaînes séculaires ; aide-nous à sauver notre libre conscience des ongles des loups mercenaires qui pour tout Évangile ont leur panse. » C’est le même sentiment que chez Marwell, plus héroïque et plus martial chez celui-ci, plus purement chrétien chez Milton. Cromwell, je le répète, était, en effet, le boulevard et le bouclier de tous les hommes de conscience et de libre foi.

817. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite et fin.) »

Ce scrupule de conscience atteint et blessé en lui le détermina à exécuter enfin cette fuite toujours retardée. […] Ce qui la caractérise à jamais durant ce long supplice qui date du 6 octobre, c’était le motif qui l’inspirait, la source élevée de ses sentiments, la conscience de ce qu’elle était et de ce que la nature l’avait faite, le dévouement à ses devoirs de royale épouse et de mère, un courage de chaque heure, une constance qui ne se démentit en public à aucun moment, non plus que son air de dignité et de grâce.

818. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire de la Grèce, par M. Grote »

Il y avait quelque chose de vrai dans ce sentiment intime, dans cette résistance de la conscience littéraire. […] La colère d’Achille, qui est annoncée au début comme en devant faire le sujet, semble oubliée et mise de côté après le IIe livre ; elle n’est rappelée qu’à peine et comme par acquit de conscience dans les livres suivants ; elle ne se représente sérieusement à l’esprit que dans le courant du VIIIe et ne reparaît sous les yeux qu’au IXe, pour s’éclipser de nouveau dans le chant suivant, et elle ne reprend d’une manière ininterrompue qu’à partir du XIe livre jusqu’à la fin.

819. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les fondateurs de l’astronomie moderne, par M. Joseph Bertrand de l’académie des sciences. »

dit à un endroit la marquise ; vous n’avez point de conscience !  […] Flammarion, d’en passer par son hypothèse ou de ne voir dans l’univers qu’une immense « lanterne magique », un spectacle de marionnettes en grand : toute ma conscience intellectuelle se soulève contre un pareil dilemme dans lequel le jeune astronome, enivré de sa thèse, voudrait m’enfermer.

820. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre III. La poésie : V. Hugo et le Parnasse »

On croit entendre les clameurs d’un Isaïe ou d’un Ezéchiel : protestation du droit contre la force, affirmation de la justice contre la violence, espérance superbe de la conscience qui, blessée du présent, s’assure de l’éternité. […] Sully Prudhomme a fait un poème sur la Justice : il la cherche dans l’univers, qui lui montre partout la lutte, la haine, la faim ; il ne la trouve enfin que dans la conscience de l’homme.

821. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre XI. L’antinomie sociologique » pp. 223-252

Il faudrait, par-dessous les statistiques, pouvoir pénétrer dans l’intimité des consciences, ouvrir les cerveaux et les cœurs. […] Ils savent que le voisin n’est pas plus sincère qu’eux-mêmes et tout le monde a conscience de la duperie mutuelle sur laquelle reposent les idées et les croyances conventionnelles.

822. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IV. Précieuses et pédantes »

Le père de Jacques Alvard s’étant installé dans une autre province que la sienne, Jacques Alvard est une canaille énergique, un dominateur sans conscience. […] Les trois douleurs intimes sont étudiées avec une apparence de conscience et les caractères ne sont pas maladroitement établis.

823. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Nouveaux documents sur Montaigne, recueillis et publiés par M. le docteur Payen. (1850.) » pp. 76-96

Notre philosophe dit quelque part (livre II, chapitre xvii) qu’il connaît bien assez d’hommes qui ont diverses parties très belles : l’un, l’esprit ; l’autre, le cœur ; l’autre, l’adresse ; tel la conscience, tel autre la science, plus d’un le langage ; enfin chacun a sa partie : « Mais de grand homme en général, et ayant tant de belles pièces ensemble, ou une en tel degré d’excellence, qu’on le doive admirer ou le comparer à ceux que nous honorons du temps passé, ma fortune ne m’en a fait voir nul… » Il fait bien ensuite une exception pour son ami Étienne de La Boétie, mais c’est là un de ces grands hommes morts en herbe et en promesse, et sans avoir eu le temps de donner. […] que vous en semble du nôtre où nous avons tant de personnages évidemment distingués comme du temps de Montaigne, l’un par l’esprit, l’autre par le cœur, un troisième par l’adresse, quelques-uns (chose plus rare) par la conscience, une quantité par la science ou par le langage ?

824. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VI. Daniel Stern »

Une lamentable lacune s’est produite dans sa conscience et dans son esprit. […] et elle n’en a fait qu’un très efflanqué, — auquel elle a donné, par conscience, ce titre à queue comme un piano : Histoire des COMMENCEMENTS de la République aux Pays-Bas.

825. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Ernest Renan »

Or, cette théorie, qui infirme tout le livre, n’est pas qu’à une place de la Vie de Jésus, elle est à toutes, sans que l’auteur ait jamais conscience de son immorale fausseté et que le logicien s’aperçoive qu’il se coupe la gorge avec le rasoir, au fil tourné, de la contradiction ! […] D’un autre côté, quoiqu’aussi le mensonge soit nécessaire au succès de la vérité, la pauvre conscience de Renan a sur le nez la mouche importune du miracle, et il fait tout ce qu’il peut pour la chasser.

826. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Charles Baudelaire  »

… Quand un homme et une poésie en sont descendus jusque-là, — quand ils ont dévalé si bas dans la conscience de l’incurable malheur qui est au fond de toutes les voluptés de l’existence, poésie et homme ne peuvent plus que remonter. […] , et que cette théorie défend à la Critique honnête de pénétrer jusqu’à la pensée d’un auteur, de lui entrer dans la conscience.

827. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Brizeux. Œuvres Complètes »

Les poètes qui, comme Brizeux, n’ont eu jamais que le touchant mobilier de Sterne, — une jatte de lait, une chemise blanche, et une conscience pure, — n’ont pas besoin d’un mausolée. […] Brizeux, tué par elle, n’était pas si bien mort qu’il n’eût conscience parfois des dévorants amphigouris dont il était victime.

828. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « SAINTE-BEUVE CHRONIQUEUR » pp. -

SAINTE-BEUVE CHRONIQUEUR Un écrivain de conscience et de talent, M.

829. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « I » pp. 1-8

C'est par acquit de conscience que j’ajoute ceci.

830. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XI » pp. 39-46

Guizot patiente, gêné peut-être à cet endroit par sa position même de protestant et par les ménagements dus à la conscience de la reine. — Mais viennent Thiers, Rémusat, les autres… Si le clergé remuait alors, il ne trouverait plus cette espèce de sympathie politique que les hommes essentiellement conservateurs sont accoutumés à lui accorder.

831. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. Laurent (de l’Ardèche) : Réputation de l’histoire de France de l’abbé de Montgaillard  »

Ce sont là au reste des mystères de conscience, où chacun n’est juge que pour soi, et sur lesquels il est permis aux historiens de se partager.

832. (1874) Premiers lundis. Tome I « Deux révolutions — I. L’Angleterre en 1688 et la France en 1830 »

Mais il y a cette différence profonde à noter, qu’en France, depuis 89, la liberté de conscience, la tolérance et, si l’on veut, l’indifférence religieuse ont toujours passé de plus en plus dans les mœurs.

833. (1874) Premiers lundis. Tome II « Revue littéraire et philosophique »

Grégoire et Collombet nous promettent pour leur prochaine traduction saint Sidoine Apollinaire, avec le texte en regard ; nous ne saurions trop encourager ces travaux de conscience et d’étude pieuse, qui font circuler dans un plus grand nombre de mains des trésors que les érudits connaissent et que toutes les personnes instruites devraient posséder.

834. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VI. De l’envie et de la vengeance. »

Il y a tant de maux sur la terre, cependant, qu’il semblerait que tout ce qui arrive dans le monde, doit être une jouissance pour l’envie ; mais elle est si difficile en malheurs, que s’il reste de la considération à côté des revers, un sentiment à travers mille infortunes, une qualité parmi des torts ; si le souvenir de la prospérité relève dans la misère, l’envieux souffre et déteste encore : il démêle, pour haïr, des avantages inconnus à celui qui les possède ; il faudrait, pour qu’il cessât de s’agiter, qu’il crut tout ce qui existe inférieur à sa fortune, à ses talents, à son bonheur même ; et il a la conscience, au contraire, que nul tourment ne peut égaler l’impression aride et desséchante, que sa passion dominatrice produit sur lui.

835. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Avertissement »

J’ai voulu fournir à de jeunes esprits l’occasion de réfléchir sur les moyens par lesquels ils pourront donner à leurs écrits la bonté qu’ils ont dû rêver souvent et désespérer d’atteindre, sur les meilleures et plus courtes voies par où ils pourront se diriger à leur but et nous y mener ; leur inspirer des doutes, des scrupules, des soupçons d’où leur méditation pourra tirer ensuite des principes et des certitudes, sur toutes les plus importantes questions que l’écrivain doit résoudre et résout, bon gré mal gré, sciemment ou non, par cela seul qu’il écrit d’une certaine façon ; donner le branle enfin à leur pensée, pour que, s’élevant au-dessus de l’empirisme, ils cherchent et conçoivent la nature et les lois générales de l’art d’écrire, pour qu’ils développent en eux le sens critique, et que, mettant la conscience à la place de l’instinct, ils arrivent à bien faire en le voulant et en le sachant.

836. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Heredia, José Maria de (1842-1905) »

José-Maria de Heredia est un excellent ouvrier en vers, un des plus scrupuleux qu’on ait vus et qui apporte dans son respect de la forme quelque chose de la délicatesse de conscience et du point d’honneur d’un gentilhomme… Je ne lui demande qu’une chose : Qu’il continue de feuilleter le soir, avant de s’endormir, des catalogues d’épées, d’armures et de meubles anciens, rien de mieux ; mais qu’il s’accoude plus souvent sur la roche moussue où rêve Sabinula.

837. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Maeterlinck, Maurice (1862-1949) »

Charles Delchevalerie Les personnages des Sept Princesses se meuvent selon la philosophie développée déjà dans l’Intruse et dans les Aveugles ; un malheur plane sur cette salle : la reine, âme de femme, en a la prescience ; le vieux roi, en son entendement obscurci par la vie, n’en perçoit plus les présages ; le prince en a comme une vague conscience, âme d’enfant encore, il est terni déjà par le monde extérieur, il participe des deux âmes du roi et de la reine.

838. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Retté, Adolphe (1863-1930) »

Aux cris de douleur, à l’amertume des souffrances premières, la saine et sainte joie succède, chantée par toutes les lyres d’une conscience droite et haute.

839. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XVI »

Selon notre virtualité jaillit de nous le style : il est notre conscience projetée au dehors de nous dans le miroir sonore des mots.

840. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le voltairianisme contemporain »

Avec les corrompus de l’esprit, il a les innocents de la bêtise, — s’il y a, dans le monde de la chute, des imbéciles qui puissent se croire, en sûreté de conscience, parfaitement innocents !

841. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Auguste Nicolas »

Ils avaient reconnu, avec le tact des hommes qui savent la place que tient la sensibilité dans les décisions de l’esprit et de la conscience, qu’il naissait à l’Église un bon serviteur de plus, un missionnaire de parole écrite, dont le talent agirait sur les âmes peut-être avec une force plus efficace et plus pratique qu’un talent beaucoup plus élevé, car il serait toujours à la hauteur de cœur, à ce niveau où, qui que nous soyons, forts ou faibles, il faut un jour se rencontrer.

842. (1912) Chateaubriand pp. 1-344

… Si cette voix de la conscience n’était elle-même… ? […] Je n’en sais rien ; peut-être de la conscience d’une autre vie ; peut-être d’une aspiration secrète vers la divinité. […] Et, en effet, toutes les nuances de ce mal, et à tous ses degrés, impliquent, chez celui qui l’éprouve, la conscience de sa supériorité et le goût de se considérer comme le centre du monde. […] Chateaubriand ajoute : « À cela près, la Charte remplaçait le despotisme, nous apportait la liberté légale, avait de quoi satisfaire les hommes de conscience. » La liberté ? […] Mais la conscience qu’il avait de ses vertus le rendait fort indulgent pour lui-même et peu attentif à ses propres sottises.

843. (1885) Le romantisme des classiques (4e éd.)

Après la compétence du professeur, ce qui importe, quelque sujet qu’il traite, c’est la conscience et la sincérité qu’il y met : c’est cela qui donne l’accent et le prix à sa parole et à son cours. […] Au fond, Chimène se dit que Rodrigue vaincra tout le monde, et qu’alors enfin, ayant épuisé tous les moyens de venger son père, elle sera acquittée, en conscience, de son cruel sacrifice. […] Carlos Je parle seulement de ce qu’a vu le Roi, Seigneur ; et qui voudra parle à sa conscience. […] Une fièvre pourprée épidémique sévissait à Dreux : les amis et le frère de Rotrou l’engageaient à quitter la ville, foyer de la contagion ; il refusa. « Le salut de mes concitoyens m’est confié, dit-il, j’en réponds à ma patrie ; je ne trahirai ni l’honneur ni ma conscience.

844. (1921) Esquisses critiques. Première série

Ses personnages ont une conscience diminuée. […] Ce sont trois drames de la conscience religieuse. […] Il n’est point dupe des capitulations de conscience, il aperçoit les plus subtiles et les dénonce avec un dégoût profond — mais qu’un sourire masque. […] Tous les problèmes qui se sont posés à la conscience littéraire dans le temps qu’il s’élaborait y furent abordés avec franchise et résolus avec décision. […] Il semble que ce soit chez lui, à de certaines heures, un besoin de conscience d’exprimer son sentiment sur tel auteur vanté ou méconnu.

845. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre II. Lord Byron. » pp. 334-423

Seul contre tous, contre une société armée, debout, invincible, même au bon sens, même à la conscience, c’est alors qu’il ressentait dans tous ses nerfs tendus la sensation grandiose et terrible vers laquelle involontairement tout son être se portait. […] Tout au plus ils déduisent, c’est-à-dire qu’ayant deviné, sur deux ou trois traits, le fond de l’homme qui est en eux et des hommes qui sont autour d’eux, ils en tirent, par un raisonnement subit dont ils n’ont point conscience, l’écheveau nuancé des actions et des sentiments. […] Quoique généreux comme Macbeth, il a tout osé, comme Macbeth, contre la loi et contre la conscience, même contre la pitié et le plus vulgaire honneur ; les crimes commis l’ont acculé à d’autres crimes, et le sang versé l’a fait glisser dans une mare de sang. […] Son être intime, —  quand elle est dépouillée de cette mortalité, n’emprunte point — sa couleur aux choses fugitives du dehors, —  mais demeure absorbé dans une souffrance ou dans une joie — qui vient de la conscience de ses propres mérites. —  Tu ne m’as point tenté, ce n’est point toi qui aurais pu me tenter. —  Je n’ai point été ta dupe, et je ne suis point ta proie. —  J’ai été mon propre destructeur, et je le serai encore — dans la vie qui s’approche. […] Refuserez-vous de reconnaître le divin, parce qu’il apparaît dans l’art et la jouissance, et non pas seulement dans la conscience et l’action ?

846. (1892) Portraits d’écrivains. Première série pp. -328

En sorte que cette morale, bonne pour toutes les consciences, ne l’est pas pour toutes les oreilles. […] C’est que la conscience ne parle pas du même ton chez un homme arrivé ou chez celui qui a sa position à faire. […] Devant sa conscience même d’artiste, il n’a pas su faire la garde. […] Que pensez-vous de cet hommage rendu à la « conscience » d’un écrivain qui va jusqu’à regarder les plantes avant de les décrire ? […] Zola ne s’est pas lassé d’appliquer en conscience et avec une régularité monotone.

847. (1898) Impressions de théâtre. Dixième série

Oubli singulier, quand on songe aux belles « études de conscience » de tel autre drame de M.  […] Ma conscience m’oblige à dire que Rosine n’est point parfaite. […] Je suis peut-être la conscience de votre œuvre. » Le cri de la sirène le déchire. […] Or, cet attentat d’un monstrueux égoïsme, l’abbé Charrier n’y pense plus, et Jean semble n’en avoir pas conscience. […] Sa conscience est épouvantée du profit qu’il a tiré, malgré lui, de son repentir.

848. (1905) Pour qu’on lise Platon pp. 1-398

. — Platon n’est plus lu qu’en classe, très partiellement, très superficiellement, par acquit de conscience, c’est-à-dire peu consciencieusement et avec le commencement du ferme propos de n’y plus revenir. […] Aussi ceux-là qui ont fait de la conscience intime le fondement de la morale se sont-ils bien gardé de confondre la conscience avec la raison et ont-ils bien fait remarquer que réellement, que dans le fait, elles ne se confondent nullement, que la raison raisonne et que la conscience commande sans donner ses raisons, que la conscience dit : « Fais ceci parce que je le veux », et que nous lui obéissons uniquement parce qu’elle commande. […] La justice est la justesse de la conscience. […] L’idée du bien nous est donnée, non pas précisément par la conscience, mais par la science, par la méditation philosophique. […] Ce n’est pas à l’artiste de peser sur les consciences.

849. (1896) Études et portraits littéraires

Ainsi, cette conscience, lieu du monde, se dissout. […] Les consciences jacobines qu’elle a déchargées de scrupules étaient allégées d’avance. […] La conscience même de Taine fut le théâtre d’une pareille lutte. […] Mais il a dit « ma conscience », et c’est beaucoup. […] Moins de culture, moins de bon goût ; aussi peu de conscience, autant de morgue fastueuse.

850. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VII. Les poëtes. » pp. 172-231

Dans ma politique, ma grande préoccupation est de conserver la paix de ma vie sous quelque gouvernement que je vive ; dans ma religion, de conserver la paix de ma conscience, quelle que soit l’Église dont je fasse partie1104. » De pareilles convictions ne tourmentent pas un homme. […] Nous continuons par conscience, et, dans la peinture de la Mélancolie et de son palais, nous trouvons des figures bien autrement étranges : « une jarre qui soupire, un pâté d’oie qui parle, des hommes qui, travaillés par l’imagination, se disent en mal d’enfant, des filles qui se croient changées en bouteilles et demandent à grands cris un bouchon1117. » Nous nous disons alors que nous sommes en Chine ; qu’à une si grande distance de Paris et de Voltaire il ne faut s’étonner de rien, que ces gens ont d’autres oreilles que les nôtres, et qu’à Pékin un mandarin goûte avec délices un concert de chaudrons. […] Un plébéien génevois, protestant et solitaire, que sa religion, son éducation, sa pauvreté et son génie avaient mené plus vite et plus avant que les autres, vint dire tout haut le secret du public, et l’on jugea qu’il avait découvert ou retrouvé la campagne, la conscience, la religion, les droits de l’homme et les sentiments naturels. […] In my politics, I think no further than how to preserve the peace of my life, in any government under which I live ; nor in my religion, than to preserve the peace of my conscience in any church with which I communicate.

851. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVe entretien. Alfred de Vigny (2e partie) » pp. 321-411

Malgré la conscience qu’on ne peut s’empêcher d’avoir de ce qu’il y a de passager dans l’éclat du théâtre, il y a aussi quelque chose de grand, de grave et presque religieux dans cette alliance contractée avec l’assemblée dont on est entendu, et c’est une solennelle récompense des fatigues de l’esprit. — Aussi serait-il injuste de ne pas nommer les interprètes à qui l’on a confié ses idées dans un livre qui sera plus durable que les représentations du drame qu’il renferme. […] Vous ne m’avez pas l’air d’avoir la conscience bien lourde, et je suis bien sûr que j’en ai fait bien d’autres que vous dans ma vie, allez, pauvres innocents ! […] « L’Honneur, c’est la conscience, mais la conscience exaltée. — C’est le respect de soi-même et de la beauté de sa vie porté jusqu’à la passion la plus ardente.

852. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — II » pp. 375-394

Pendant que Frédéric s’appliquait, après tant de désastres, à rétablir toutes les parties de l’État qui avaient souffert, soignant l’agriculture et l’industrie, attirait chez lui les populations voisines, faisait bâtir des villages, rendait à l’armée sa discipline et le ton de solidité qu’elle avait autrefois, et, en cela comme dans le veste, moins inventeur et novateur que praticien, « se bornait à donner par la routine, par de continuels exercices, aux officiers et aux troupes, l’intelligence et la fermeté dans tous les mouvements, pour être sûr d’eux à l’occasion s’il était nécessaire de les employer dans le sérieux » ; pendant que chaque jour, depuis le matin jusqu’à la nuit, il remplissait ainsi en conscience son devoir de chef et de tuteur de peuple, il fut atteint de la plus cruelle des douleurs. […] Nous sommes ces fourmis… » Mais le prince Henri ne veut pas du tout que l’homme soit comme ces fourmis de son jardin ; il se refuse à admettre la comparaison, et il proteste au nom d’une certaine conscience qu’on a de soi et qui ne saurait être une chimère.

853. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — II » pp. 126-147

On serait tenté de lui dire comme à un pauvre : « Je voudrais faire plus pour vous. » Mais, en conscience, on ne le peut. […] J’y opposerai seulement une certaine page des mémoires de Marolles où il se représente, sans y être obligé, comme singulièrement attaché à la pudeur, et n’ayant jamais manqué en rien d’essentiel aux devoirs de sa condition, et aussi cette autre page où, déplorant en 1650 la mort d’une petite fille née en son logis et sœur des deux autres personnes dont parle Jean Rou, il la regrette en des termes si touchants, si expressifs et si publics, que véritablement il ne semble pas soupçonner qu’on puisse attribuer sa douleur à un sentiment plus personnel : « Cela fait bien voir, dit-il simplement, ce que peut quelquefois la tendresse de l’innocence sur le cœur d’un philosophe quand il ne s’est pas dépouillé de toute humanité. » — Cette remarque faite pour l’acquit de ma conscience, chacun en croira pourtant ce qu’il voudra.

854. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite.) »

Ses rapports sur toutes ces questions, éloquents et sensés, ont fait voir, dans le consul Lebrun, un sage traversant avec calme les orages révolutionnaires88. » Pour qualifier ceux de ses collègues honnêtes gens, mais qui ont gardé en eux du sectaire, tels que Rabaut-Saint-Étienne, le ministre protestant, et le janséniste Camus, il les reconnaît hommes de conscience, mais ils avaient, dit-il, la conscience factieuse.

855. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XII »

Nous la verrons, au second acte, confesser, prescrire des pénitences, résoudre et trancher des cas de conscience. […] Elle purifiera cette conscience violée, en quelque sorte, pendant son sommeil.

/ 1833