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1496. (1911) Psychologie de l’invention (2e éd.) pp. 1-184

Ces deux éléments, nous les retrouverons sous un aspect un peu moins schématique dans les cas réels que nous pouvons connaître et qui sont assez nombreux. […] Pour tromper une ardeur naissante, encore mal connue de lui, Rousseau se tire d’affaire en homme sensible, mais en littérateur. […] On connaît assez la lettre de Flaubert à Taine sur les caractères de l’hallucination esthétique et sur sa puissance30. […] J’ai connu bien des gens sans génie ; cependant, si je me les remémore, je trouve à chacune de leurs intelligences une allure et, pour ainsi dire, une saveur spéciale. […] Mais il est sûr qu’une grande partie de la création intellectuelle reste souvent mal connue du créateur.

1497. (1932) Le clavecin de Diderot

On connaît l’antienne : Tâchez donc d’être un peu plus humain. […] Et elle connaît l’art d’accommoder les restes. […] On connaît l’expression : trouver chaussure à son pied. […] Une vraie bête en rut, on connaît ces comparaisons. […] Or, la nécessité n’est aveugle que tant qu’elle n’est pas connue.

1498. (1856) Leçons de physiologie expérimentale appliquée à la médecine. Tome I

On connaît encore d’autres réactifs empiriques propres à déceler la présence du sucre et basés sur des réactions analogues. […] On ne connaissait jusqu’à présent que cette dernière sécrétion. […] Nous avons dit qu’il était important de connaître les conditions de cette oscillation physiologique de la formation du sucre dans le foie. […] Ni la gélatine ni la viande ne produisent de matière sucrée dans le tube intestinal par les procédés digestifs connus. […] Le fait était déjà connu et établi.

1499. (1897) La vie et les livres. Quatrième série pp. 3-401

J’en connais peu qui soient plus dignes d’attention. […] Connaissez-vous Hamlet ? […] Don Juan a connu trop tard le secret du bonheur. […] Je connais ma fin. […] On connaît leur politique.

1500. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre premier. — Une leçon sur la comédie. Essai d’un élève de William Schlegel » pp. 25-96

Il existe d’autres ridicules ou même de véritables vices, parfaitement connus de la personne chez qui ils règnent, mais cachés avec soin par son amour-propre. […] Dans l’un et dans l’autre cas, soit que le personnage ne connaisse pas ses travers, soit qu’il les connaisse et les cache, l’art du poète consiste à laisser percer son caractère, comme à la dérobée, par des traits extrêmement légers59. […] À la faveur de la perte à jamais regrettable des ouvrages de Ménandre, et grâce à l’ignorance des critiques français qui méprisaient Aristophane, ne connaissaient pas Shakespeare, et néanmoins imposaient leur goût à l’Europe étonnée, un homme s’est rencontré qui a usurpé et gardé jusqu’à aujourd’hui le premier rang parmi les poètes de la comédie nouvelle et même de toute la littérature comique. […] Vous connaissez la scène où Harpagon oppose comme un argument sans réplique cette exclamation : Sans dot ! […] L’esprit fantastique est rare en France, et Legrand n’a dû qu’à son génie l’idée d’un genre alors absolument neuf ; car il est probable qu’il ne connaissait pas le théâtre comique des Grecs108.

1501. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1862 » pp. 3-73

L’ambition politique, nous ne la connaissons pas, l’amour n’est pour nous, selon l’expression de Chamfort, que « le contact de deux épidermes ». […] Eh bien, je connaissais à peu près deux cents hommes, mais je ne connaissais pas trois femmes. […] Elle avait connu toutes nos maîtresses. […] … Ils ne connaissent pas un nom nouveau depuis dix ans… Et puis l’Académie a une peur atroce, c’est la peur de la bohème. […] Sainte-Beuve a connu, à Boulogne, un vieux bibliothécaire, nommé Isnard, lequel avait été professeur de rhétorique aux Oratoriens d’Arras, et avait eu pour élève Robespierre.

1502. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre III. Variétés vives de la parole intérieure »

Par les mêmes raisons, et grâce à sa parfaite obéissance aux signes divins, Socrate ne paraît pas avoir connu le remords ni mérité jamais les reproches du dieu212. […] Le demonium n’a jamais explicitement révélé l’avenir ; mais c’est une conséquence des théories de Socrate sur la nature du bien et du mal que tout avertissement divin enveloppe une prédiction : ne fais pas cela équivaut à : si tu fais cela, tu t’en repentiras ; car les conséquences bonnes ou mauvaises, soit sensibles, soit supra-sensibles, font la bonté ou le mal de nos actes ; l’avenir et le devoir sont deux corrélatifs ; connaître l’avenir, c’est connaître le bien ; celui qui a la raison théorique complète, comme les dieux et par leur secours, a toute la raison pratique. […] L’inspiration divine correspondait chez Homère à fait psychique réel ; chez les imitateurs, elle n’est plus qu’une figure poétique ; Virgile, assurément, n’a pas connu par lui-même ces élans sauvages de l’âme vers une action irréfléchie. […] Ainsi s’expliquent les locutions bien connues : la voix de la raison, la voix du cœur, la voix du sang, la voix des passions ; chez nos tragiques, tout mobile est une voix ; ils disent : la voix de la nature, la voix de la fortune, la voix des bienfaits. […] L’activité de la marche, l’habitude d’une route dont il connaissait les moindres incidents, donnaient toute liberté à ses facultés imaginatives.

1503. (1894) Écrivains d’aujourd’hui

Pour sa part, il n’aspire à si bien connaître l’âme de ses contemporains qu’afin de la diriger. […] Je connais Loti mieux que personne autre ; je l’ai étudié avec la sollicitude la plus attentive et la plus inquiète ; je ne le connais pas tout entier. […] Il se connaît très bien lui-même ; il analyse et définit avec une rare précision l’espèce de son talent. […] Nous nous connaissons mieux ; cela nous a rendus indulgents pour les autres. […] Il est sans inquiétudes et ne connaît pas le grand tourment.

1504. (1902) La politique comparée de Montesquieu, Rousseau et Voltaire

C’est pour avoir bien connu la nature de ces pouvoirs et leurs effets, que Montesquieu ne fait aucune différence, en vérité, entre la Démocratie et le Despotisme. […] Il est vrai que Confucius a dit qu’il avait connu des gens incapables de science, mais aucun incapable de vertu. […] — Le Sauvage : L’intérêt public. — Le Bachelier : Ce mot dit beaucoup ; nous n’en connaissons pas de plus énergique : comment l’entendez-vous, s’il vous plaît ? […] On ne connaît rien de ces affaires quand on n’a lu que Voltaire, bien entendu, et c’est toujours le mot de l’avoué disant : « Je ne connais rien de la question : je n’ai entendu que les avocats. » Il faut lire les pièces des procès ou, au moins, le résumé, d’une sécheresse rassurante, qu’en a donné M.  […] Jamais l’antiquité, — à l’exception de l’abominable peuple juif, — n’a connu ni les guerres religieuses ni les querelles religieuses.

1505. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome III pp. -

Ni Aristote, ni son censeur, n’ont connu la véritable physique. […] Point de sophismes, point de subterfuges de l’école qu’il ne connût. […] Le recteur voulant connoître de ce désordre s’y transporte. […] Ils songèrent aussitôt à se faire connoître dans Paris. […] Pour les faire connoître, entrons dans quelques particularités.

1506. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « [Appendice] » pp. 417-422

Mais je connais une insensible Dans le monde que j’ai quitté. […] Tel, avec sa mine discrète, Plus dangereux, à ce qu’on croit, Lui fait connoître qu’il sauroit Tenir une faveur secrète.

1507. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mort de M. Vinet »

Vinet était connu, consulté ; le protestantisme dans ses différentes formes, et à proportion que la forme y offusquait moins l’esprit, le vénérait comme un des maîtres et des directeurs les plus consommés dans la science et dans la pratique évangéliques. […] Vinet dans son rôle de juge ; il ne connaissait personnellement aucun de ceux dont il avait à parler ; leurs livres seuls lui arrivaient, et il en tirait ses conclusions jusqu’au bout avec sagacité, avec discrétion, et en penchant plutôt, dans le doute, pour l’indulgence.

1508. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires de Dampmartin, Maréchal de camp »

Chateaubriand Ce n’est pas sur les grands événements de la Révolution que ces Mémoires peuvent jeter du jour ; ce n’est pas même sur des événements secondaires, non moins recherchés parce qu’ils sont moins connus, que portent les récits de l’auteur. […] Il aime à y parler des littérateurs célèbres qu’il a connus, et ce qu’il dit lui-même de la mélancolie du piquant chevalier de Boufflers dans l’émigration, et de la triste fin du brillant Rivarol, porte l’empreinte d’un talent littéraire facile et pur.

1509. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Les brimades. » pp. 208-214

Vous connaissez les faits. […] Puis, faites attention que l’aptitude aux sciences mathématiques et physiques (je parle d’une aptitude moyenne et je connais d’ailleurs les exceptions) est la faculté qui témoigne le moins sûrement en faveur des autres dons de l’esprit et qui s’allie le mieux avec la médiocrité sur tout le reste.

1510. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bergerat, Émile (1845-1923) »

Ça vous connaît, rien que parce que votre berceau a posé sur cette terre qui a avalé depuis cent ans de la mitraille au quintal et bu du sang à la barrique. » C’est Jules Vallès, le grand écrivain croquemitaine, qui saluait ainsi, dans une retentissante préface, l’élégant Homme masqué du Voltaire. […] Je connais Bergerat : il va bondir sur ce mot.

1511. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lemercier, Népomucène Louis (1771-1840) »

Il connut Écouchard-Lebrun chez Ducis, comme il avait connu André Chénier chez Mme Pourrat.

1512. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XII. Mort d’Edmond de Goncourt » pp. 157-163

Pourtant, par un instinct analogue à celui de quiconque, ayant connu la nouvelle ce matin par les journaux, en cause volontiers cet après-midi avec les amis rencontrés, ne puis-je m’empêcher de dire mon sentiment à des lecteurs familiers. […] M. de Goncourt ne connut jamais les succès de grand public.

1513. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre XIV. Parallèle de l’Enfer et du Tartare. — Entrée de l’Averne. Porte de l’Enfer du Dante. Didon. Françoise de Rimini. Tourments des coupables. »

Soit que l’on commence à s’accoutumer à l’idée de ces tourments, soit qu’ils n’aient rien en eux-mêmes qui produise le terrible, parce qu’ils se mesurent sur des fatigues connues dans la vie, il est certain qu’ils font peu d’impression sur l’esprit. Mais voulez-vous être remué ; voulez-vous savoir jusqu’où l’imagination de la douleur peut s’étendre ; voulez-vous connaître la poésie des tortures et les hymnes de la chair et du sang, descendez dans l’Enfer du Dante.

1514. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 44, que les poëmes dramatiques purgent les passions » pp. 435-443

Section 44, que les poëmes dramatiques purgent les passions Il suffit de bien connoître les passions violentes pour desirer sérieusement de n’y jamais être assujeti, et pour prendre des résolutions qui les empêchent du moins de nous subjuguer si facilement. […] Or les poësies dramatiques, en mettant sous nos yeux les égaremens où les passions nous conduisent, nous en font connoître les symptômes et la nature plus sensiblement qu’un livre ne sçauroit le faire.

1515. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Méry »

Nous ne connaissons pas de meilleure réponse que Méry à cette affirmation des jugeurs qui mettait en furie Chateaubriand, le vieux enfant colère, quand ils lui disaient qu’un poète n’est jamais capable de rien que de poésie ; car, en dehors de ses poésies écrites et de la poésie de sa nature, il n’y eut jamais, du moins dans notre époque, d’homme capable intellectuellement de plus de choses que Méry. […] Mais ces qualités éminentes de coloriste et de poète, qui sont le fond de l’être artiste de Méry, ne nous ont donné qu’une volupté sans surprise ; nous les connaissions.

1516. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Argument » pp. 93-99

Argument Frappé de l’idée que l’admiration exagérée pour la sagesse des premiers âges est le plus grand obstacle aux progrès de la philosophie de l’histoire, l’auteur examine comment les peuples des temps poétiques imaginèrent la Nature, qu’ils ne pouvaient connaître encore. […] Les premiers hommes ne pouvaient connaître les engagements de bonne foi. — Chez eux, les seuls contrats étaient ceux de cens territorial ; point de contrats de société, point de mandataires.

1517. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre I. De l’évolution de la vie. Mécanisme et finalité »

Nous voulons seulement expliquer en deux mots pourquoi nous l’accepterons, dans le présent travail, comme une traduction suffisamment exacte et précise des faits connus. […] Dira-t-on qu’on pourrait la prévoir si l’on connaissait, dans tous leurs détails, les conditions où elle se produira ? […] Ce qui vous donne l’impression d’un état original se résout, à l’analyse, en faits élémentaires dont chacun est la répétition d’un fait connu. […] Et quand elle invente, elle procède ou s’imagine procéder par un arrangement nouveau d’éléments connus. […] et « ceci » et « cela » et « autre chose » sont toujours pour nous du déjà conçu, du déjà connu.

1518. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. THIERS. » pp. 62-124

Il connaissait par Manuel le baron Louis ; il s’adressa directement à celui-ci pour certaines études spéciales dont les historiens hommes de lettres se dispensent trop aisément. […] Ce budget normal bien connu lui servait ensuite à comprendre les expériences financières de Robert Lindet et de Cambon. […] Tous ceux qui ont le plaisir de connaître depuis longtemps M. […] Or, dans cette révolution anglaise, que nous connaissons tout entière, y eut-il deux soulèvements populaires ? […] Thiers d’être l’esprit le plus net, le plus vif, le plus curieux, le plus perpétuellement en fraîcheur et comme en belle humeur de connaître et de dire.

1519. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVe entretien. Alfred de Vigny (2e partie) » pp. 321-411

Moi, j’ai toujours été marin, et depuis fantassin ; je ne connais pas l’équitation. […] Je vous emmène un peu loin ; mais tant mieux, nous aurons le temps de nous connaître. […] Mais, une fois l’épaulette de côté, je ne connais plus ni amiral ni rien du tout. […] pardieu, mon cher, je l’ai connu, le pauvre diable ! […] Elle connaissait toutes ses vertus, elle l’adorait : il l’aimait lui-même comme un enfant infirme.

1520. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (2e partie) » pp. 409-488

« Aujourd’hui (dans les Consolations) il sort de sa débauche et de son ennui ; son talent mieux connu, une vie littéraire qui ressemble à un combat, lui ont donné de l’importance et l’ont sauvé de l’affaissement. […] de Mareste, connu, recherché, chéri d’à peu près tous les hommes éminents de ce temps, trop spirituel pour être fanatique (les fanatismes sont des manies), mais très fanatique des talents qui sont les supériorités de la nature. […] En suis-je plus heureux qu’avant de les connaître ? […] Il connut Virgile, il l’apprécia et le protégea ; la reconnaissance du poète a chanté, et le nom de Pollion est devenu immortel et l’un des beaux noms harmonieux qu’on est accoutumé à prononcer comme inséparables du plus poli des siècles littéraires. […] Mais ces hommes aimaient l’esprit, aimaient le talent, ils en avaient peut-être eux-mêmes, quoiqu’il soit plus sûr encore pour leur gloire, j’imagine, de ne nous être connus comme auteurs, Pollion, de tragédies, Gallus, d’élégies, que par les louanges et les vers de Virgile.

1521. (1856) Jonathan Swift, sa vie et ses œuvres pp. 5-62

J’ai consulté avec fruit l’ouvrage si connu de Walter-Scott sur Swift, l’essai historique de Craufurd, un excellent article de la revue d’Édimbourg de septembre 1816, et la belle étude de M.  […] L’avènement de Guillaume, qu’il avait connu en Hollande pendant les négociations de la paix de Nimègue, le réjouit sans le décider à prendre part au gouvernement. […] C’est en 1710, que Swift connut à Londres Madame Vanhomrigh, veuve d’un marchand d’Amsterdam, et dirigea les études de l’aînée de ses deux filles. […] La meilleure méthode que je connaisse en cette vie, est de prendre son café quand on peut, et de s’en passer gaîment quand on ne le peut pas ; tant que vous aurez le spleen, vous pouvez être sûre que je vous prêcherai. » Il n’eut pas à lui faire longtemps ces injustes et inutiles reproches. […] Swift connaissait maintenant l’Irlande et savait quel point d’appui on pouvait trouver dans ses souffrances et dans ses passions.

1522. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1890 » pp. 115-193

Descendant l’escalier : « Vous ne savez pas… figurez-vous qu’en venant chez vous j’ai rencontré un auteur… Connaissez-vous Grenet-Dancourt ? […] venez vite, je connais justement un bon endroit derrière le cirque Fernando !  […] — Oui je l’ai lu avec un certain étonnement, car voici le portrait que je faisais de Renan, dans l’avant-dernier volume paru : « L’homme toujours plus charmant et plus affectueusement poli, à mesure qu’on le connaît et qu’on l’approche. […] Il nous a montré, grâce à son talent descriptif, des localités, des perspectives, des milieux que, sans son évocation magique, nous ne connaîtrions pas. […] — et que vous ne lui avez guère connu de mauvais sentiments que contre la trop grosse bêtise ?

1523. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Bossuet et la France moderne »

C’est au milieu du xviie  siècle que l’on put connaître ce qu’étaient ces croyants opiniâtres, au point de vue national et humain. […] À peine lui apprit-on à lire et à écrire, et il demeura tellement ignorant que les choses les plus connues d’histoire, d’événements, de fortune, de conduites, de naissance, de lois, il n’en sut jamais un mot. […] Bossuet, en effet, connut à fond les Pères, l’Ancien Testament et quelques philosophes ou moralistes de l’antiquité classique. […] L’esprit obstinément fermé à toutes les voix humaines, il ne connaît que la « parole divine », orgueilleusement campé sur le Dogme, dont il claironne la doctrine à tous les échos. […] Il est nécessaire, pour comprendre cette influence, de connaître la situation exacte de Bossuet vis-à-vis de Louis XIV.

1524. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « LOUISE LABÉ. » pp. 1-38

Son précédent sonnet et sa manière en général de concevoir la Vénus éternelle m’ont rappelé un très-beau fragment de Sophocle, assez peu connu, que nous a conservé Stobée11. […] Elle dut pourtant continuer de jouir plus que jamais du contrecoup de sa renommée ; tout ce que Lyon avait de considérable, tout ce qui passait d’étrangers de distinction allant en Italie, devait désirer de la connaître, et sa cour sans doute ne diminua pas. […] Louise Labé n’est leur type sous aucun point de vue, et Mlle de Lespinasse pas davantage. » Ce que je puis dire seulement, c’est que j’ai parlé d’après quelques exemples à moi connus et d’après l’impression de personnes qui ont elles-mêmes vécu à Lyon ; je suis loin de prétendre que les femmes de la société lyonnaise proprement dite soient ainsi ; j’ai eu en vue celles de toutes les classes, et même au-dessous de la bourgeoisie. Je me soumets au reste à la décision de ceux qui doivent mieux connaître les Lyonnaises que moi.) […] « Il existe dans une bibliothèque peu connue un exemplaire des œuvres de Louise Labé (édition de Rouen, 1556), qui paraît avoir appartenu à La Monnoye.

1525. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (2e partie) » pp. 305-367

On se croit capable de ce qu’on rêve, et ce que je rêvais n’était-il pas en effet le plus beau drame historique des temps connus ? […] C’est là, Monsieur, que j’eus l’honneur de vous connaître, d’assister à vos entretiens à la table de M. le curé Lambert, et de vous recevoir dans ma maison de Bessancourt dans l’intervalle de ces entretiens. […] Je connus par lui tous les secrets de nature et d’intimité sur le caractère, sur la vie intérieure, sur les sentiments privés, sur la séparation dernière, sur la mort tragique d’un de ces hommes à deux aspects, terribles au dehors, placables au dedans. […] Mais j’ai fait connaître le vrai coupable, le popularisme jusqu’au sang, et j’ai montré le vrai Danton, noyé dans un forfait dont il se repent, en cherchant vainement à regagner le bord de l’innocence, qu’on ne regagne jamais qu’au ciel, par le repentir et par l’expiation. […] Elle m’accueillit avec sécurité, prévenue qu’elle était par le poète Béranger que je n’étais point de sa religion politique, que je ne venais ni pour la flatter ni pour la trahir, mais uniquement pour m’instruire et pour entendre ses témoignages sur le temps, sur les choses, sur les hommes qu’elle avait traversés, connus, fréquentés de si près dans cette intimité quotidienne où les hommes les plus comédiens en public oublient de se masquer, selon leurs rôles, devant les témoins domestiques de toutes les heures secrètes de leur vie.

1526. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Conclusion »

On connaît les réhabilitateurs ; on ne lit pas les réhabilités. […] Dans le premier132, elle s’épanche en des vers d’une harmonie que Racine même n’a pas connue. […] C’est la pensée de Pascal retournée : l’univers connaît l’homme, et s’il écrasait l’homme, il saurait qu’il l’écrase. […] On craint que, devant ces innombrables yeux ouverts sur sa vie, l’homme, regardé de tous côtés et connu de la nature, ne finisse par moins estimer le privilège de la pensée qui cesse d’être un mystère entre Dieu et lui. […] Chez lui tout est combinaison, habileté, travail ingénieux ; il lui manque « la veine riche », sans laquelle, au dire d’Horace, qui s’y connaissait, le travail ne peut rien135.

1527. (1902) Le culte des idoles pp. 9-94

L’historien se place d’abord devant un sujet qu’il connaît vaguement. […] Lui qui attendit quarante ans avant d’avoir une opinion politique, en un mois, quinze jours, une demi-journée, il avait ses opinions sur les villes, sur leur histoire, il connaissait leurs mœurs. […] Il me semble, à moi, que rien ne fait mieux comprendre un être que ses actes, mais M. de Goncourt estime qu’un homme est surtout intéressant lorsqu’il ne lui arrive rien ; il supprime toute intrigue, même le plus léger événement ; il veut connaître la sensibilité des gens lorsqu’ils ne sentent pas ; comme certains pianistes, il adore les difficultés, il cherche l’impossibilité. […] L’Écriture dit que le juste tombe sept fois par jour ; mais on ne connaissait pas encore Flaubert à l’époque où la Bible fut rédigée. […] non — car Nietzsche a des maîtres qu’il est facile de connaître et qu’on peut lui préférer, depuis Aristippe jusqu’à Voltaire, depuis Machiavel jusqu’à Hobbes et La Rochefoucauld.

1528. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Villemain » pp. 1-41

Il a connu ce jour de faveur et de complaisance, et il a su s’éterniser. […] Rien de neuf, du moins ; rien que des choses connues, dites déjà et mieux dites, même par lui. […] Pour mon compte, je ne connais pas de difficulté plus grande que celle-là, et qui soit par conséquent plus digne d’occuper l’esprit d’un scoliaste érudit, sagace et fécond, comme Villemain a passé pour l’être — environ quarante ans. […] L’auteur de La Tribune moderne, qui les avait connus et pratiqués, était plus à l’aise avec eux. […] On le connaît de reste !

1529. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — I » pp. 219-230

Les autres lettres adressées à divers correspondants, et qui sont le restant du panier, le surplus de la collection précédemment donnée par MM. de Cayrol et Alphonse François, nous montreraient Voltaire sous ses vingt autres aspects dès longtemps connus, mais avec une vivacité toujours nouvelle : il y a, de par le monde, des redites plus fastidieuses que celles-là. […] Je suis bien loin de croire les personnes qui prétendent que mes vers sont d’un ton supérieur au sien ; je me contenterai d’aller immédiatement après lui. » Tantôt il est en fureur et en rage contre les éternels ennemis qu’on lui connaît, contre l’abbé Desfontaines ; il intrigue en tout sens, il remue ciel et terre pour le faire condamner, par-devant le lieutenant de police M.  […] Suivent quatre lettres (que l’on connaissait déjà) sur la vertu et le bonheur adressées par Jean-Jacques à Sophie, c’est-à-dire à Mme d’Houdetot ; il fait de la philosophie avec celle qu’il aime, et dont la vertu, dit-il, l’a ramené à la raison ; il s’en console et même il s’en félicite avec elle : « Si nous avions été, moi plus aimable ou vous plus faible, le souvenir de nos plaisirs ne pourrait jamais être, ainsi que celui de votre innocence, si doux à mon cœur… Non, Sophie, il n’y a pas un de mes jours où vos discours ne viennent encore émouvoir mon cœur et m’arracher des larmes délicieuses.

1530. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Dübner »

Heureux après tout, heureux homme, pourrions-nous dire, qui a consacré toute sa vie à d’innocents travaux, payés par de si intimes jouissances ; qui a approfondi ces belles choses que d’autres effleurent ; qui n’a pas été comme ceux (et j’en ai connu) qui se sentent privés et sevrés de ce qu’ils aiment et qu’ils admirent le plus : car, ainsi que la dit Pindare, « c’est la plus grande amertume à qui apprécie les belles choses d’avoir le pied dehors par nécessité. » Lui, l’heureux Dübner, il était dedans, il avait les deux pieds dans la double Antiquité ; il y habitait nuit et jour ; il savait le sens et la nuance et l’âge de chaque mot, l’histoire du goût lui-même ; il était comme le secrétaire des plus beaux génies, des plus purs écrivains ; il a comme assisté à la naissance, à l’expression de leurs pensées dans les plus belles des langues ; il a récrit sous leur dictée leurs plus parfaits ouvrages ; il avait la douce et secrète satisfaction de sentir qu’il leur rendait à tout instant, par sa fidélité et sa sagacité à les comprendre, d’humbles et obscurs services, bien essentiels pourtant ; qu’il les engageait sans bruit de bien des injures ; qu’il réparait à leur égard de longs affronts. […] J’ai connu de près beaucoup de ces hommes, M.  […] Je le dis pour avoir connu de près ses chefs et ses héros, Cousin et Villemain, et au-dessous d’eux, Nisard. — L’Académie des Inscriptions a aussi ses préjugés, quoique Quicherat ait essayé, sur la tombe même de Dübner, de réfuter, en balbutiant, le fait incontestable que j’avais rappelé.

1531. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Appendice sur La Fontaine »

A propos d’un passage du poëme, il remarque que M. de La Fontaine aurait pu en tirer parti pour une fable, et sa manière de dire fait entendre assez clairement que M. de La Fontaine ne le connaissait pas. […] On connaît assez les principes et les préceptes de notre législateur littéraire. […] On lit cela dans le Commentaire latin de Huet sur lui-même, qui renferme de curieux jugements peu connus sur Boileau, Corneille et autres : on s’en tient d’ordinaire au Huetiana, qui n’est pas la même chose.

1532. (1874) Premiers lundis. Tome II « Jouffroy. Cours de philosophie moderne — III »

Nous, nous disons : Il n’y a qu’une cause que nous connaissons directement, c’est celle que nous sentons penser et agir, comprendre et pouvoir en nous, sentir, aimer, vivre en un mot ; vivre de la vie complète, profonde et intime, non-seulement de la vie nette et claire de la conscience réfléchie et de l’acte voulu, mais de la vie multiple et convergente qui nous afflue de tous les points de notre être ; que nous sentons parfois de la sensation la plus irrécusable, couler dans notre sang, frissonner dans notre moelle, frémir dans notre chair, se dresser dans nos cheveux, gémir en nos entrailles, sourdre et murmurer au sein des tissus ; de la vie une, insécable, qui dans sa réalité physiologique embrasse en nous depuis le mouvement le plus obscur jusqu’à la volonté la mieux déclarée, qui tient tout l’homme et l’étreint, fonctions et organes, dans le réseau d’une irradiation sympathique ; qui, dans les organes les plus élémentaires et les plus simples, ne peut se concevoir sans esprit, pas plus que, dans les fonctions les plus hautes et les plus perfectionnées, elle ne peut se concevoir sans matière ; de la vie qui ne conçoit et ne connaît qu’elle, mais qui ne se contient pas en elle et qui aspire sans cesse, et par la connaissance et par l’action, par l’amour en un mot ou le désir, à se lier à la vie du non-moi, à la vie de l’humanité et de la nature, et en définitive, à la vie universelle, à Dieu, dont elle se sent faire partie ; car à ce point de vue elle ne conçoit Dieu que comme elle-même élevée aux proportions de l’infini ; elle ne se sent elle-même que comme Dieu fini et localisé en l’homme, et elle tend perpétuellement sous le triple aspect de l’intelligence, de l’activité et de l’amour, à s’éclairer, à produire, à grandir en Dieu par un côté ou par un autre, et à monter du fini à l’infini dans un progrès infatigable et éternel. […] Ils lui accordent bien d’entrer en rapport avec le non-moi par la pensée et l’intelligence ; d’en connaître et d’en réfléchir les lois, d’en posséder la science, quoique encore cela soit impossible, sans que l’activité matérielle s’en môle à un certain degré ; mais dès que le moi désire modifier activement, transformer, embellir ce monde extérieur, ils l’arrêtent, ils l’avertissent comme s’ils n’en avaient que fort précairement le droit et le pouvoir ; de même en effet qu’ils nient la continuité entre le moi et la vie dite de nutrition, de même aussi ils nient la continuité essentielle du moi avec la vie dite de relation ; entre la pensée et l’acte, entre la volonté et l’acte, il y a pour eux un abîme, de même qu’il y en avait un entre la sensation et la pensée.

1533. (1875) Premiers lundis. Tome III « Nicolas Gogol : Nouvelles russes, traduites par M. Louis Viardot. »

Alors tous les abords des rivières, tous les gués, tous les défilés dans les marais, se couvrirent de Cosaques que personne n’eût pu compter, et leurs hardis envoyés purent répondre au sultan qui désirait connaître leur nombre : « Qui le sait ? […] Viardot d’être connu en France comme celui d’un homme d’un vrai talent, observateur sagace et inexorable de la nature humaine6. […] Il m’en parla à fond et de manière à me convaincre du talent original et supérieur de ce Belli, qui est resté si parfaitement connu à tous les voyageurs.

1534. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre V. Le théâtre des Gelosi (suite) » pp. 81-102

À peu de jours de là, le mari de ladite dame venant voir, lui aussi, la comédienne, celle-ci, qui ne le connaissait pas, lui montra, par hasard, le portrait de sa femme. […] Vous êtes mon seigneur, et vous savez pourquoi j’ai fait ce que j’ai fait, et quel a été, depuis que je vous connais, mon unique désir. […] Pardonnez-moi tous les déplaisirs, toutes les souffrances que j’ai dû vous causer ; je ne vous connaissais pas, je m’en repens, et je m’aperçois de mon erreur.

1535. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre septième. Les altérations et transformations de la conscience et de la volonté — Chapitre premier. L’ubiquité de la conscience et l’apparente inconscience »

Il vit comme un ermite ; il ne connaît plus ni amis ni ennemis ; il n’aperçoit aucune différence entre un corps inanimé, un chat, un chien, un oiseau de proie qui se trouve sur sa route ; le roucoulement de ses pareils ne lui fait pas plus d’impression que tout autre bruit ; la femelle n’accorde aucune attention au mâle, le mâle à la femelle ; la mère ne fait pas attention à ses petits. […] On connaît le cas frappant des lésions de la moelle épinière, à la suite desquelles le sujet ne sent rien au-dessous de l’endroit blessé : le malade est alors coupé en deux. […] Une autre expérience, c’est d’exciter par le contact d’un objet connu, tel qu’un couteau, la paume de la main insensible : l’hystérique ne sent pas le contact du couteau, mais elle peut voir tout à coup un couteau.

1536. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre III »

Plusieurs méthodes ont été employées pour joindre deux idées au moyen de deux mots qui prennent un rapport constant ; celle qui semble aujourd’hui le plus en usage consiste à unir deux substantifs en donnant au second la valeur d’un adjectif ; elle est infiniment vieille et sans doute contemporaine des langues les plus lointaines que nous connaissions. […] C’est que l’auteur d’une invention souvent insignifiante croit ennoblir son œuvre en la qualifiant d’un mot qu’il achète et qu’il ne comprend pas26 ; c’est aussi que les commerçants connaissent le goût du peuple pour les mots savants ; en prononçant des bribes de patois grec ou latin, la commère se rengorge et la femme du monde sourit, pleines de satisfaction. […] Le grec admettait des combinaisons de lettres que nous ne pouvons plus juger, la prononciation ancienne nous étant inconnue ou mal connue.

1537. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — M. de Voltaire, et M. de Maupertuis. » pp. 73-93

Le docteur Akakia se moque surtout de l’idée d’établir une ville latine, du beau projet de ne point payer les médecins, lorsqu’ils ne guérissent pas les malades ; de cette comète qui viendra voler notre lune, & porter ses attentats jusqu’au soleil  ; de ces observations nouvelles sur la génération ; de l’âge de maturité qui est la mort, & non l’âge viril ; de la démonstration, par algèbre, de l’existence de dieu ; du moyen de connoître & de prédire sûrement l’avenir ; du conseil de dissequer des cervaux de géans hauts de onze pieds, & d’hommes velus portant queue, afin de sonder la nature de l’intelligence humaine . […] Ce globe, mal connu, qu’il a sçu mésurer, Devient un monument où sa gloire se fonde. […] L’écrivain le plus fait pour mériter des égards, se voyant ainsi la victime de la jalousie, & sacrifié par un prince dont l’histoire parlera longtemps, & pour lequel il avoit tout quitté, patrie, amis, parens, emplois, repos ; comprit, mais trop tard, qu’il avoit mal connu les rois : peut-être n’eût-il jamais été dans le cas de s’en plaindre, s’il eut pu se plier au manége des cours.

1538. (1860) Ceci n’est pas un livre « Le maître au lapin » pp. 5-30

Connaissez-vous une toute petite nouvelle de M.  […] Champfleury se cache : Rodolphe brûle de se retrouver en présence de son biographe (qu’il a connu autrefois) pour lui reprocher son dénouement calomnieux. […] Or, je vous connais pour un sacripant !

1539. (1811) Discours de réception à l’Académie française (7 novembre 1811)

Il n’a connu ni la haine ni l’envie ; et la saillie, qui est si souvent l’arme de la médisance, ne fut jamais chez lui que l’éclair de la gaieté. […] Elle apprend à connaître, à juger les peuples ; elle est pour les moralistes ce que les médailles sont pour les antiquaires. […] Les Romains, ayant imité les Grecs, n’ont point eu de théâtre national ; encore les ouvrages de Plaute et de Térence sont-ils d’excellents sujets d’étude pour les historiens ; on y retrouve une foule d’usages qu’eux seuls nous ont transmis, et rien ne nous fait mieux connaître la dissolution de la jeunesse de Rome, les séductions des courtisanes, l’effronterie des parasites, et enfin tous les éléments dont se composait la société sous les maîtres du monde.

1540. (1824) Notice sur la vie et les écrits de Chamfort pp. -

Il ne lui fut permis de connaître et d’aimer que sa mère ; et, quoiqu’il sût de très bonne heure le secret de sa naissance, il ne s’écarta jamais du respect et de l’amour d’un fils. […] Letourneur, qui depuis s’est fait connaître par ses traductions d’auteurs anglais, partagea sa disgrâce ; ils parcoururent de compagnie quelques parties de la Normandie, et revinrent demander un asile au collège qui les avait renvoyés, et qui les reprit. […] Le caractère connu de Mirabeau laisse douter de la sincérité de ces protestations.

1541. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXV. Mme Clarisse Bader »

Elle n’est guère connue que de l’Académie, qui lui a mis sa palme jaunâtre… L’Académie, cette Compagnie de vieillards qui aiment les femmes et qui les couronnent, ne pouvant faire mieux… ou pis, a décerné déjà deux prix à Mlle Clarisse Bader ; mais, en les lui donnant, l’Académie, qui est pour tant de lauréats et surtout tant de lauréates, une succursale du bureau de bienfaisance, n’a nullement fait une aumône à Mme Bader, courageuse fille, qui a bien et dûment gagné ses prix à la sueur de son front… et du nôtre ; car elle n’est pas très facile et très voluptueuse à lire, Mlle Clarisse Bader. […] Je n’ai pas l’honneur de connaître Mlle Bader ; mais je me figure une fille tempérante, estimable, ayant plus de moralité dans le talent que de talent même, lequel n’eut jamais, chez elle, les chaudes couleurs de la jeunesse et manqua toujours de la beauté du diable ; car la beauté du diable existe chez les femmes pour l’esprit autant que pour le visage. […] … Elle a écouté à, la porte des livres pour venir me commérer ce qu’il y a dedans… Mais je préfère à cette commère historique la moindre femme de chambre à la Dorine, qui écoute à la porte du salon de ses maîtres et qui me vient dire ce qu’elle y a entendu, avec ce brio de langue affilée que la pauvre Mlle Clarisse Bader ne connaît pas.

1542. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Femme et l’Enfant » pp. 11-26

En présence des misères qu’il avait à invoquer et à décrire, un homme, un chrétien, se serait passionné ; mais, avec sa panacée universelle de l’accroissement de la richesse, l’auteur de La Femme et l’Enfant n’est plus qu’un honnête économiste animé de philanthropie, et nous connaissons depuis longtemps l’accent très peu émouvant de cette philanthropie, qui est la caricature glaciale de la charité. […] Modifier ingénieusement le cadre dans lequel on pose aujourd’hui la question de la misère, la traiter au point de vue du double intérêt de l’enfant et de la femme, ne change rien à la solution connue et au mot d’ordre de l’école : produire dans l’ordre matériel. […] Si elle cherche vainement dans les résultats connus de l’Économie politique l’étoffe d’une véritable science, elle ne nie pas et n’écarte point, avec un dédain étourdi, les obligations qu’on peut avoir à l’Empirisme.

1543. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XI. MM. Mignet et Pichot. Charles Quint, son abdication, son séjour et sa mort au monastère de Yuste. — Charles V, chronique de sa vie intérieure dans le cloître de Yuste » pp. 267-281

Jusqu’ici l’abdication de Charles-Quint et son ensevelissement dans un cloître, ce double texte de déclamations que la Philosophie a enrichi de si belles phrases, étaient jugés, mais, à ce qu’il paraît, n’étaient pas connus… et c’est cette abdication et cet ensevelissement que la publication de documents nouveaux doit nous faire connaître. […] En effet, de toutes les histoires qui, sans exception, ont plus ou moins besoin d’être refaites en quelques-unes de leurs parties, et dont la science, qui cherche toujours, doit tenir les fouilles éternellement ouvertes dans l’intérêt de la vérité, l’histoire de l’Espagne est peut-être la moins connue, parce qu’elle est la moins pénétrée.

1544. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Auguste Vacquerie » pp. 73-89

Auguste Vacquerie avait une position bien connue, bien déterminée dans la littérature. […] Ils ne connaissent pas ce manque de corde, la simplicité de ce cri racinien : « Mais je n’en ai pas !  […] « J’ai une bibliothèque unique, — dit-il, quand il revient au ton sous lequel on le connaît davantage, — j’ai les manuscrits de Victor Hugo.

1545. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Le roi Stanislas Poniatowski et Madame Geoffrin »

Ce qu’on sait, c’est qu’elle représente la, sagesse dans un siècle qui n’en avait pas… En cela, en son mari, comme en bien d’autres choses, elle ressemblait à Madame de Maintenon, dont l’infortune conjugale est connue. […] Je le connais, cet abominable spectacle donné par l’Histoire et qui me fait, en ce moment, trembler pour le destin de mon pays ! […] Que j’en ai connu, d’âge de mères, qui s’apaisaient d’une autre tendresse que de la tendresse maternelle en vous appelant du nom de fils !

1546. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Nicolas Gogol »

Et l’a-t-il peinte ainsi parce qu’il l’a vue ainsi, — car les peintres ont parfois des organes dont ils sont les victimes, — ou parce qu’elle est véritablement ainsi cette Russie, au fond, si peu connue, cette steppe en toutes choses, cette platitude indigente, immense, infinie, décourageante, qu’il nous présente dans les mœurs russes, dans les esprits, dans les caractères ? […] … Il l’a dit un jour à Pouchkine : « Nous connaissons tous fort peu la Russie. » Mais alors, si vous ne la connaissez pas, peintre de mœurs, pourquoi en parlez-vous ?

1547. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « II. Jean Reynaud »

Esprit physiologiquement religieux, tourné de tendance primitive et de tempérament vers les choses de la contemplation intellectuelle, métaphysicien et presque mystique, l’auteur de Terre et Ciel n’était point, par le fait de ses facultés, destiné aux doctrines de la philosophie moderne, mais pour des raisons qu’il connaît mieux que nous, et qu’il retrouverait s’il faisait l’examen de conscience de sa pensée, il n’a pu cependant y échapper. […] Pour un métaphysicien, qui doit connaître les éléments de la science qu’il cultive, et n’avoir pas de distractions, M.  […] Le sophisme épicurien, le plus compromis des sophismes grecs, qui donnait à la Divinité la forme de l’homme, parce qu’on n’en connaît pas de plus belle, est le genre de preuves le plus familier de M. 

1548. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXIX. M. Eugène Pelletan »

En France, depuis Condorcet, cette foi au progrès est connue, quoiqu’on ne la professe tout haut que sous les réserves du bon sens d’un peuple qui n’aime pas qu’on se moque de lui, et en Allemagne, où l’on n’a rien à craindre à cet égard, cette foi a été redoublée par des systèmes philosophiques qui sont du moins de formidables erreurs, les efforts puissants de grands esprits faux. […] … Dans son livre, il n’a pas procédé une seule fois à la manière de ses maîtres, car il a des maîtres, nous les connaissons. […] La Chute, ce cataclysme de l’âme, qui a laissé sa trace dans la mémoire de tous les peuples, comme le Déluge, ce cataclysme de la matière, a laissé la sienne à tous les points, à toutes les fissures de ce globe, est niée d’un mot, au mépris de toutes les traditions connues.

1549. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXX. Saint Anselme de Cantorbéry »

En effet, M. de Rémusat a un passé philosophique comme il a un passé politique, et on les connaît tous les deux. […] En se limitant dans l’ordre des choses naturelles, la science de Dieu n’existe pas, à proprement parler ; car, pour qu’une science soit, il faut en connaître tous les termes, et Dieu, c’est le terme infini ; mais la croyance en Dieu scientifiquement doit être, parce que, si cette croyance n’était pas, aucune explication ne serait possible, et que rien de ce qui ne serait pas Dieu ne s’entendrait. […] Hildebrand ou Grégoire VII (car il est si grand, cet homme, que la gloire le connaît sous tous ses noms) avait fait du catholicisme le plus organisé des gouvernements.

1550. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXXI. Sainte Térèse »

Quel critique enfin a signalé au public, d’une façon quelconque, l’existence d’une traduction qui met à sa portée une œuvre littéraire, comptée au premier rang dans la littérature espagnole, et qui de plus lui fait connaître une de ces prodigieuses individualités, comme on dit maintenant, d’autant plus curieuse qu’elle est inexplicable à la sagacité purement humaine de l’Histoire, mais dont, pour cette raison peut-être, l’Histoire aime peu à s’occuper. […] Raillerie à part, d’ailleurs, Sainte Térèse, qui n’est guère connue en France que pour deux ou trois mots sublimes, exprime l’amour avec une telle flamme qu’elle a vaincu, avec ces deux ou trois mots, l’ironie du peuple le moins romanesque de la terre, et elle a eu pour lui le charme du romanesque ! […] Sainte Térèse, grâce à la traduction que M. l’abbé Bouix vient de nous donner de ses œuvres complètes, peut être maintenant aussi profondément connue du public français que jusqu’ici elle l’était peu ; et nous désirons qu’elle le soit.

1551. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Gratry »

Le temps qui s’est écoulé depuis cette époque n’a pas diminué la joie d’avoir signalé l’un des premiers un ouvrage qui frappe et tient presque en échec (on le dirait, du moins, à leur silence,) les esprits le plus connus pour s’occuper des hautes spéculations de la pensée. […] Il devait sortir des mortes données de l’abstraction pour entrer dans la vie, et il y est entré dans ce traité de la Connaissance de Dieu, où se cachent sous les plus éclatantes questions d’une théodicée, les arêtes d’une méthode profonde ; il y est entré en observateur qui ne scinde pas l’homme et son esprit pour mieux le connaître, qui ne le mutile pas pour l’étudier : « Je ne puis m’empêcher d’affirmer — dit-il à la page 122 de son second volume : — que l’idée d’être bien déployée, si l’on sait mettre de côté l’habitude que nous avons de tout restreindre, de tout abstraire, de placer, même dans l’être, la négation, qui n’est faite que pour le néant, et de n’oser jamais pleinement soutenir l’universelle affirmation, l’idée d’être est identique à celle de force, d’intelligence, de volonté, de liberté, d’amour. […] Nous sommes supérieurs à ce Dieu détruit, d’une supériorité incomparable, puisque nous connaissons, voulons, aimons.

1552. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « E. Caro »

Je les connais et il les connaît aussi… mais c’est précisément, n’est-il pas vrai ? […] Excepté Vera, seul hégélien franc du collier que je connaisse, qui prend bravement Hegel et son système et qui avale le tout, — ce qui n’est pas facile, — les autres philosophes du temps ont de l’Hegel plus ou moins dans l’estomac ou dans la veine ; ils l’éructent ou le suent plus ou moins ; mais ils ne sont jamais du pur Hegel, et même ils ne voudraient pas l’être, l’orgueil anarchique des esprits étant monté si haut que personne bientôt ne voudra plus être le disciple de personne, et qu’un homme à qui vous direz qu’il est d’une École se regardera comme insulté.

1553. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Achille du Clésieux »

Littérairement, car il n’en est pas à ses débuts poétiques, nous le connaissions. — La Bretagne le compte dans ce groupe de poètes qui s’ouvre à Brizeux et se ferme à La Morvonnais. — Achille du Clésieux est de la vieille garde des poètes qui avaient le feu sacré, comme les grenadiers de Napoléon. […] je connais, en ce moment, des fils, qui ne sont pas des monstres, et qui disent avec une familiarité révoltante : « mon ami », quand ils parlent à leur père, et, ce jour-là, ces imbécilles de pères les trouvent charmants ! J’en connais d’autres qui disent insolemment du leur : « le vieux », et sont trouvés charmants par des fils comme eux, vils parricides, sans main !

1554. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Edgar Quinet. L’Enchanteur Merlin »

Il y a de toutes les épopées et de tous les poëmes connus dans L’Enchanteur Merlin, si bien qu’à mesure qu’on lit les vingt-quatre chants ou livres de M.  […] L’enchanteur Merlin, on le connaît. […] Ajoutez-y ce style que nous connaissons, ce style pompeux, sonore, gongorique, qui est aux autres styles célèbres contemporains ce que la grosse caisse est aux autres instruments, dans une musique militaire.

1555. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Xavier Aubryet et Albéric Second » pp. 255-270

De tous les Paris, — car il y en a plusieurs, dans ce Paris fait de mille pièces comme un habit d’Arlequin, — le plus connu, grâce aux chroniqueurs, qui sont ses historiographes, par conséquent le moins original et celui dont les observateurs et les artistes devraient le moins se préoccuper. […] Vous le voyez, c’est un moraliste d’instinct et de réflexion qu’Aubryet ; mais plus encore de rétorsion… Jusqu’ici, il avait, comme la famille d’esprits dont il descend : les Chamfort et les La Bruyère, procédé surtout par des jugements, des portraits et des caractères ; mais l’invention l’a tenté, et, de moraliste devenu romancier, il nous donne cette Vengeance de Madame Maubrel, qui est un livre de détails parisiens si connus qu’il fallait sa plume pour les renouveler en les décrivant, mais qui n’est pas le cas nouveau d’âme humaine que j’attendais, et que tout romancier psychologique est tenu de mettre dans son livre, s’il se risque à faire un roman. […] En province, on ne connaît guères ces lâches horreurs.

1556. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Honoré de Balzac » pp. 1-15

Dernièrement, un homme peu connu dans les lettres, mais auquel la Revue des Deux-Mondes ouvrit les deux battants de sa publicité, M.  […] Voyez si vous ne connaissez pas le vide de toutes ces accusations ! […] Ajoutez à cela les mille angoisses que connut Balzac, le plomb des exigences de librairie, les tyrannies des marchands érigés en Mécènes, les Fourches Caudines sous lesquelles sont obligés de passer les plus fiers écrivains, l’inspiration que l’on chasse et la commande que l’on fait, les instincts bas dont les colporteurs de littérature risquent le plaidoyer, l’argent à la main, pour tenter la faim qui doit prêter l’oreille, malgré le proverbe, enfin la levée de boucliers des esprits sans lumière et sans vie contre les réfractaires qui s’obstinent à vouloir être ce qu’ils sont, et dites-vous si le massacre n’est pas organisé, — de haute lice et de nécessité, — et s’il n’est pas besoin d’une force intellectuelle redoutable pour ne pas périr au moins dans quelques parties de son âme et de son talent ?

1557. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Raymond Brucker » pp. 27-41

Il faut savoir à fond l’histoire, très-peu connue, de la littérature française au dix-neuvième siècle, pour apprécier les facultés de ce Diderot obscur qui a fait des livres qu’on lira un jour, en s’étonnant de ne pas les avoir lus plus tôt, et qui a fait des hommes, lesquels ont la discrétion de leur naissance et qui ne se vantent guère d’avoir été allumés par lui, comme des flambeaux. […] Il faut excepter Balzac, qui n’y écrivit pas : hasard étrange pour qui connaît, comme nous, l’ubiquité littéraire de Balzac. […] Incorrigiblement littéraire à travers ses travaux de parole, il publiait les Docteurs du jour, un livre qui eut un grand succès de jeunes gens et de séminaire et devant lequel la presse eut l’injustice ou la petite rouerie, si connue, du silence.

1558. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Jules De La Madenène » pp. 173-187

Cette bicoque était connue dans le pays sous le nom du Château des Saffras, et de là le titre de Marquis des Saffras que l’on donnait à Espérit. » Ces détails, nous les avons transcrits, au risque de paraître long, tels qu’on les trouve aux premières pages du livre de M. de La Madelène, parce qu’ils ne sont pas, comme on pourrait le croire, les inventions d’une fantaisie, qui ne sait où elle va, mais parce qu’ils ont une raison d’être dans l’idée première de ce roman très-combiné et très-réfléchi. […] Dans la littérature contemporaine, nous ne connaissons rien de plus habilement et de plus finement tracé que ce caractère d’Espérit, ce génie de village venu en pleine terre et qui n’est pas seulement le génie de l’industrie, moins étonnant et tout de suite compris parmi ces populations actives et âprement utilitaires, mais le génie, l’inutile et contemplatif génie de l’art, cette divine paresse, que, de tous les genres de génie qu’il a donnés aux hommes, Dieu a fait certainement le plus beau ! […] Il les connaît, il les agite, il les remue et les penche, il leur ouvre le sein, il les décompose, et avec une puissance bien supérieure à celle qu’il possède, et dont il fait preuve quand il n’a affaire qu’à l’homme seul.

1559. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Prosper Mérimée. » pp. 323-336

I Je ne connais rien de plus triste et de plus meurtrier pour l’esprit que les vocations qui se combattent. […] Il l’avait connu dans sa jeunesse, à cette heure de la vie où nous nous faisons tous de quelque homme supérieur un idéal. […] Je ne connais rien de plus froid que lui, même quand il est brutal, sa seule manière d’être chaud.

1560. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Francis Wey »

Mirèio, dont nous avons tant parlé, Mirèio et ses douze chants, ce poème de longueur à l’Énéide, est un poème écrit en provençal ; mais, en français, nul grand travail de poésie, de philosophie et d’histoire n’a révélé des noms nouveaux ou consacré des noms déjà connus. […] Quoiqu’il ait déjà publié des romans, — et un entre autres pour lequel les femmes, qui en raffolent, ont été de véritables oiseaux : le Bouquet de cerises, — Francis Wey est beaucoup moins connu comme romancier que comme linguiste, comme critique littéraire et d’art. […] Dans la première, qui est l’inférieure, Wey rappelle Charles Dickens, mais avec une distinction que ne connaît pas l’écrivain anglais, ce romancier des malheurs de l’enfance ; et cette partie du livre est racontée plus que soufferte.

1561. (1868) Curiosités esthétiques « VIII. Quelques caricaturistes étrangers » pp. 421-436

C’est chose curieuse à remarquer que cet esprit qui vient après le grand mouvement satirique et démolisseur du dix-huitième siècle, et auquel Voltaire aurait su gré, pour l’idée seulement (car le pauvre grand homme ne s’y connaissait guère quant au reste), de toutes ces caricatures monacales, — moines bâillants, moines goinfrants, têtes carrées d’assassins se préparant à matines, têtes rusées, hypocrites, fines et méchantes comme des profils d’oiseaux de proie ; — il est curieux, dis-je, que ce haïsseur de moines ait tant rêvé sorcières, sabbat, diableries, enfants qu’on fait cuire à la broche, que sais-je ? […] Tous les artistes connaissent les caricatures de Léonard de Vinci, véritables portraits. […] Tout le monde connaît les anciennes et singulières productions de Brueghel le Drôle, qu’il ne faut pas confondre, ainsi que l’ont fait plusieurs écrivains, avec Brueghel d’Enfer.

1562. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre III. La Déformation de l’Idéal classique (1720-1801) » pp. 278-387

Voilà soi-même se connaître ! […] Eux aussi croient connaître assez l’homme, ses mobiles intérieurs, ses motifs secrets d’action, ses passions, ses instincts ; et ils ne s’attachent en tout, comme Voltaire, qu’à la peinture des mœurs. […] Il avait rapporté d’Angleterre la philosophie de Newton, Si l’on pouvait douter que son Alzire ou sa Zaïre l’eussent mis au-dessus de Racine ou de Corneille, on ne pouvait douter qu’il ne connût beaucoup de choses que n’avaient connues ni pu connaître l’auteur du Cid et celui d’Andromaque. […] On connaît le Commentaire sur Corneille, de Voltaire, et on sait de quelle timidité de goût ce Commentaire est l’instructif et attristant témoignage ! […] On ne connaît que trop l’usage et l’abus qu’il a fait des causes finales, et, pour nommer les choses de leur vrai nom, c’est jusqu’à la niaiserie qu’il a porté l’excès du sentimentalisme.

1563. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Conduite de l’action dramatique. » pp. 110-232

Si le poète change les principales circonstances de l’action, que l’on suppose être un événement connu, son poème cesse d’être vraisemblable. […] Le…Ne réplique pas ; je connais ton amour. […] On veut rencontrer l’homme partout ; et on ne s’intéresse point à des portraits chimériques, qui ne ressemblent à rien de ce qu’on connaît. […] Dans Atys, c’est un amant qui immole sa maîtresse sans la connaître. […] Voltaire paraît être un des poètes qui ont le mieux connu la puissance du sentiment de l’admiration ; mais il l’a toujours combiné avec un intérêt plus théâtral.

1564. (1835) Critique littéraire pp. 3-118

Pressé de jouir, impatient de connaître, il s’échappe et tombe comme un brûlot dans le château de la marquise de Couaën. […] C’est que nous ne connaissons qu’une règle, la règle religieuse ; qu’une morale, la morale religieuse. […] C’est un style dont nos ancêtres ne se sont pas doutés, mais qui n’a pas non plus un nom connu dans la poétique de notre âge ; qui n’est ni tempéré, ni sublime, ni romantique, ni lyrique, ni mystique ; qui n’est rien de ce que nous connaissons, qui n’est pas même le style de M.  […] Il s’en sert comme d’un instrument dont il a été l’inventeur et dont il connaît seul le secret. […] Ils me dirent qu’ils ne connaissaient autrefois aucun autre moyen d’existence, et, d’après leur récit, cette existence était misérable.

1565. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre II. La vie de salon. »

Mais surtout pour les femmes, rien n’était pareil… Jamais il n’a passé devant la moindre coiffe sans ôter son chapeau, je dis aux femmes de chambre et qu’il connaissait pour telles… Jamais il ne lui arriva de dire rien de désobligeant à personne… Jamais devant le monde rien de déplacé ni de hasardé, mais jusqu’au moindre geste, son marcher, son port, toute sa contenance, tout mesuré, tout décent, noble, grand, majestueux et toutefois très naturel. » — Voilà le modèle, et, de près ou de loin, jusqu’à la fin de l’ancien régime, il est suivi. […] Par cette détente universelle, la vie mondaine est devenue parfaite. « Qui n’a pas vécu avant 1789, disait plus tard M. de Talleyrand, ne connaît pas la douceur de vivre. » — Elle était trop grande, on n’en goûtait plus d’autre, elle prenait tout l’homme. […] Lisez plutôt ce haut fait de Mme de Lauzun à Chanteloup : « Savez-vous, écrit l’abbé, que personne ne possède à un plus haut degré une qualité que vous ne lui connaissez pas, celle de faire les œufs brouillés ? […] Le hasard l’a fait connaître, aussitôt on l’a mis à l’épreuve. […] Chez ma grand’mère, « j’ai trouvé des cartons pleins de couplets, de madrigaux, de satires sanglantes… J’en ai brûlé de tellement obscènes que je n’aurais osé les lire jusqu’au bout, et celles-là écrites de la main d’abbés que j’avais connus dans mon enfance, et sortant du cerveau de marquis de bonne race. » Entre autres spécimens adoucis, on peut lire dans la Correspondance, par Metra, les chansons sur l’Oiseau et sur la Bergère.

1566. (1922) Enquête : Le XIXe siècle est-il un grand siècle ? (Les Marges)

D’abord tous les livres connus comme tels au baccalauréat. […] Les jeunes hommes d’aujourd’hui ignorent tout ce qui nous passionnait jadis ; ils ne connaissent ni nos aspirations, ni nos enthousiasmes. […] On lui reprocherait plus justement d’avoir été trop intelligent, d’avoir voulu tout connaître, tout comprendre et tout expliquer. […] Sur une classe de Rhétorique, il y a bien trois élèves qui connaissent le nom d’Anatole France, et un seul peut-être sachant que cet illustre maître est notre contemporain. […] À quoi bon essayer de les connaître, ces splendides romantiques ou ces grands réalistes, qui peuvent devenir les excitateurs de leur sensibilité ou de leur intelligence.

1567. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre onzième. La littérature des décadents et des déséquilibrés ; son caractère généralement insociable. Rôle moral et social de l’art. »

Les traits caractéristiques de la littérature des détraqués se retrouvent dans celle des criminels et des fous, que nous ont fait récemment connaître les travaux de Lombroso, de Lacassagne et des criminalistes italiens302. […] Il n’en acheva pas moins son récit, où, par moment, l’ingéniosité de l’expression fait songer à Richepin, qui a fait des pastiches connus de ce genre de littérature. […] C’est ainsi que l’œil s’applique au verre étroit du télescope pour rapprocher l’étoile lointaine ou découvrir l’étoile invisible ; certes ce n’est encore guère la connaître que de l’apercevoir ainsi, mais n’est-ce pas déjà beaucoup de ne plus ignorer son existence ? […] Prendre ainsi le moi pour centre et pour but, c’est méconnaître, somme toute, sa réelle grandeur ; y borner son regard, c’est enfermer la pensée et l’existence dans un cerveau humain, c’est oublier que la loi fondamentale des êtres et des esprits est un perpétuel rayonnement. « Connais-toi toi-même », dit l’antique sagesse ; oui, car se connaître, c’est s’expliquer à soi-même, par conséquent comprendre aussi les autres et se rapprocher d’eux ; le seul moyen que nous ayons de voir, c’est assurément de recourir à nos propres yeux et à notre propre conscience : nous sommes nous-mêmes notre flambeau, et nous ne pouvons que veiller à ce que tout serve en nous à alimenter la petite flamme qui éclaire le reste. […] Nous connaissons mieux, par la seule lecture de ses écrits, la personnalité d’un Pascal que la personnalité de tel ou tel qui nous conte par le menu ses faits et gestes, — choses qui s’oublient, — et qui nous retrace ses moindres pensées, ses moindres paroles.

1568. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIe entretien » pp. 5-85

Je connaissais de jeunesse le caractère hésitant, repentant, puis récidivant, extemporané enfin, pour me servir du mot latin, de Charles-Albert. […] si vous me connaissiez mieux, dirai-je à ces critiques, combien vous seriez loin de m’accuser de cette puérile vanité, morte en moi depuis bien des années ! […] La passion de connaître cette femme historique l’emporta sur la timidité. […] Il se nommait M. de Santilly ; il avait été général au service d’Espagne sous Charles IV ; il avait connu intimement à Madrid la comtesse d’Albany et sa sœur, la princesse de Castelfranco. […] Dix ans après cette soirée, j’ai revu souvent la veuve du dernier des Stuarts et d’Alfieri, et j’ai connu intimement tous les hommes distingués d’Italie qui m’avaient aperçu, dans mon obscurité, sans prévoir mon nom futur.

1569. (1856) Cours familier de littérature. II « XIIe entretien » pp. 429-507

Non, personne ne sait qui fut ce premier, et, selon moi, ce plus sublime de tous les poètes ; personne ne connaît le véritable auteur de ce poème en quelque sorte surhumain. […] « Aucun oiseau n’a connu ces sentiers ; l’œil du vautour ne les a pas aperçus. […] « L’abîme dit : Elle n’est pas en moi ; et la mer : Je ne la connais pas. […] « Sans doute tu savais que tu devais naître, tu connaissais le nombre de tes jours ? […] « Connais-tu l’ordre du ciel et son influence sur la terre ?

1570. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVIII. J.-M. Audin. Œuvres complètes : Vies de Luther, de Calvin, de Léon X, d’Henri VIII, etc. » pp. 369-425

Au début d’une vie qu’on connaît à peine, tant elle fut modeste, on s’imagine que l’esprit d’Audin, gracieux, svelte et pur, devait ressembler à l’esprit et à l’âme d’une femme ; mais la religion et l’étude ouvrirent la poitrine à cet enfant bien fait et le développèrent. […] Or le livre d’Audin apprenait mal l’histoire la plus importante à connaître ; car 1572 est la clef de l’abîme de 1789. […] Pour faire obéir cette nation si fière, la fille d’Henri VIII n’avait qu’à montrer ce fouet de chasse dont les Anglais connaissaient les coups. […] Hormis dans ses récits, où l’on sent, à certaines touches profondes, que le cœur de l’historien connaît les épreuves dont le talent, pour être grand, a besoin comme la sainteté, Audin ne trahissait rien du mal intérieur de toute vie. […] Nous l’avons connu en 1848.

1571. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — II. (Fin.) » pp. 62-79

Tous deux se connurent beaucoup et s’estimèrent ; ils avaient sans s’en douter le même travers, et ils le notaient réciproquement chacun chez l’autre : l’une était à cheval sur son rang de princesse, et sur le qui-vive, de peur qu’on ne lui rendît pas assez ; l’autre était intraitable, on le sait, et comme fanatique sur le chapitre des ducs et pairs : En France et en Angleterre, dit Madame, les ducs et les lords ont un orgueil tellement excessif qu’ils croient être au-dessus de tout ; si on les laissait faire, ils se regarderaient comme supérieurs aux princes du sang, et la plupart d’entre eux ne sont pas même véritablement nobles. […] Les côtés excessifs et disparates du caractère de Madame sont déjà assez visibles et assez connus : je voudrais ne pas négliger de faire apercevoir les parties fermes et élevées de son âme. […] Elle n’était pourtant pas sans se rendre compte du principe de faiblesse de son gouvernement ; elle le dit et le redit sans cesse : « Il est très vrai qu’il vaut mieux être bon que méchant, mais la justice consiste à punir aussi bien qu’à récompenser, et il est sûr que celui qui ne se fait pas redouter des Français, a bientôt sujet de les craindre ; car ils méprisent bientôt celui qui ne les intimide pas. » Elle connaît la nation et la juge toujours comme quelqu’un qui n’en est pas. […] Massillon, qu’elle avait connu et qu’elle aimait, eut à y prononcer l’oraison funèbre, qui fut trouvée belle.

1572. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — II » pp. 71-89

S’il ne les avait pas lus lui-même, il s’était fait lire quelque chose de Tite-Live, de Langey, de Guichardin (dont il a oublié le nom, mais qu’il appelle un bon auteur) : « Il me semblait, dit-il quelque part, lorsque je me faisais lire Tite-Live, que je voyais en vie ces braves Scipions, Catons et Césars ; et quand j’étais à Rome, voyant le Capitole, me ressouvenant de ce que j’avais ouï dire (car de moi j’étais un mauvais lecteur), il me semblait que je devais trouver là ces anciens Romains. » Voilà le degré de culture de Montluc ; c’était assez, avec son esprit naturel et son amour de la gloire, pour le mener, sans imitation directe, à être l’émule de ces anciens qu’il connaît peu. […] Il répond un peu moins des autres corps, qu’il connaît moins, mais il espère qu’ils feront tous aussi bien que les premiers, surtout quand ils verront ceux-ci, Gascons et Suisses, mener vigoureusement les mains. […] » Ceux qui ne connaissent Montluc que sur sa réputation dernière et terrible s’étonneront de ne point trouver en tout ceci le farouche personnage qu’ils se sont imaginé. […] Le roi pourtant eut son avis, à lui, et démêla les qualités essentielles de son brave serviteur sous les défauts dont on le chargeait : « Le roi répondit qu’il avait toujours vu et connu que la colère et bizarrerie qui était en moi n’était sinon pour soutenir son service, lorsque je voyais qu’on le servait mal : or, jamais il n’avait ouï dire que j’eusse pris querelle avec personne pour mon particulier. » M. de Guise, favorable à Montluc, fit aussi cette remarque devant le roi, que le maréchal de Brissac se contredisait dans sa lettre, en déniant d’une part à Montluc l’ordre de talents nécessaires pour commander au nom du roi, et d’autre part en le louant si fort pour des qualités qui sont pourtant les principales en un homme de commandement, telles que d’être homme de grande police et de grande justice, et de savoir animer les soldats en toute entreprise : « Qui a jamais vu, ajoutait M. de Guise, qu’un homme doué de toutes ces bonnes parties n’eût avec lui de la colère ?

1573. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — II » pp. 39-56

L’abbé de Rancé, qui ne se payait pas de faux fuyants, lui répondait (octobre 1868) : Vous dites que la régularité s’est maintenue dans votre communauté plus qu’en aucune autre : en vérité, ce n’est pas l’opinion du monde ; elle est dans un décri universel, et il n’y a guère de chose plus connue que sa décadence. […] L’abbé de Rancé le connaissait très bien sur sa réputation et avant les visites que Santeul lui fit plus tard à la Trappe ; il le jugeait d’ailleurs personnellement sans trop de sévérité ; il faisait cas de ses hymnes et en écrivait à l’abbé Nicaise, le 9 décembre 1683 : « J’ai vu les hymnes pour le jour de saint Bernard, de M. de Santeul. […] Il avait connu M.  […]  » Un petit livret très spirituel, publié en 1696, qui donne l’histoire de ces troubles, nous le représente ainsi au plus fort de la crise : Il était dans des transes mortelles, écrivant à tous les jésuites de ses amis pour leur demander quartier ; il croyait voir partout le Santolius vindicatus imprimé ; et le moindre jésuite qu’il rencontrait, il l’abordait brusquement, et, le reconduisant d’un bout de Paris jusqu’au collège, il lui faisait ses doléances avec le ton, l’air et les gestes que ceux qui ont l’avantage de le connaître peuvent s’imaginer ; et criant à pleine tête, il récitait par cœur l’apologie qu’il venait de donner au public, appuyant surtout sur ces endroits qu’il répétait plusieurs fois : « Veri sanctissima custos, docta cohors, etc., etc. » (et autres passage en l’honneur de la Compagnie)… Enfin il fallait l’écouter bon gré, mal gré ; et fut-ce le frère cuisinier des jésuites, rien ne lui servait de n’entendre pas le latin : de sorte que le chemin n’était pas libre dans Paris à tout homme qui portait l’habit de jésuite.

1574. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — I » pp. 356-374

Il se plaint de ne point trouver en lui une ouverture et des sentiments correspondants aux siens, d’y rencontrer plutôt des méfiances ou des timidités : « Mon cher frère, vous me connaissez bien mal, puisque vous croyez que je ne pense pas à vous ; mais ce n’est pas d’aujourd’hui que vous me faites de pareilles injustices, et je remarque de reste que vous n’avez aucune confiance en moi (août 1744). » Il le traite d’ailleurs avec amitié, essaie de l’enhardir en causant librement avec lui par lettres, et se promet de l’initier aux affaires dès qu’il aura quelque intervalle de liberté. […] Je ne connais que votre éloignement, votre tiédeur et la plus parfaite indifférence qui fut jamais. […] Nombre de lettres de Frédéric adressées à son frère, à la veille ou au lendemain des batailles acharnées où il risque tout et où, tantôt battu, tantôt battant, sa personne est continuellement enjeu, lettres toutes remplies de recommandations nettes et précises, attestent sa simplicité, sa force d’âme et son souci patriotique de l’État, il met certainement le plus haut prix aux services que le prince Henri ne cesse de rendre, en ces cruelles années, par ses soins et ses bonnes dispositions autant que par sa valeur : « L’Europe, lui dit-il (mai 1759), apprendra à vous connaître non seulement comme un prince aimable, mais encore comme un homme qui sait conduire la guerre et qui doit se faire respecter. […] Je n’ai fait qu’entamer et mener à moitié chemin cette intéressante correspondance entre les deux frères : il me faut en tirer encore et en faire connaître à nos lecteurs de belles et surtout de judicieuses pages.

1575. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Madame Bovary par M. Gustave Flaubert. » pp. 346-363

Un hasard lui a fait connaître Bovary qui, à défaut d’autre médecin, l’a guéri un jour d’un abcès à la bouche ; le marquis, en venant à Tostes, a entrevu une fois Mme Bovary, et d’un coup d’œil l’a jugée assez comme il faut pour être invitée au bal. […] Homais, nous l’avons tous connu et rencontré, mais jamais sous une face si fleurie et si triomphante : c’est l’homme important, considérable du lieu, à phrases toutes faites, se vantant toujours, se croyant sans préjugés, emphatique et banal, adroit, intrigant, faisant servir la sottise elle-même au savoir-faire ; M.  […] Léon Dupuis, qui à table se prend particulièrement de conversation avec Mme Bovary, et à l’instant, dans un dialogue très bien mené, très naturel, et foncièrement ironique, l’auteur nous les montre allant au-devant l’un de l’autre par leurs côtés faux, leur goût de poésie vague, de romanesque, de romantique, tout cela servant de prétexte à la diablerie cachée ; ce n’est qu’un commencement, mais il y a de quoi déconcerter ceux qui croient à la poésie du cœur et qui ont pratiqué l’élégie sentimentale ; évidemment leurs procédés sont connus et imités et parodiés : c’est à dégoûter des dialogues d’amour pris au sérieux. […] J’ai connu, au fond d’une province du centre de la France, une femme jeune encore, supérieure d’intelligence, ardente de cœur, ennuyée : mariée sans être mère, n’ayant pas un enfant à élever, à aimer54, que fit-elle pour occuper le trop-plein de son esprit et de son âme ?

1576. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « La princesse des Ursins. Ses Lettres inédites, recueillies et publiées par M. A Geffrot ; Essai sur sa vie et son caractère politique, par M. François Combes » pp. 260-278

C’est donc une figure désormais connue et placée dans tout son jour, c’est un coin d’histoire réglé et établi. […] Elle l’avait réellement façonné, créé, lui avait (au moral aussi, et jusqu’à un certain point) redressé la taille ; la fermeté récente dont il avait donné des marques dans ses lettres en France, dans toute sa conduite, était en effet son ouvrage : il avait acquis une sorte de caractère, de la volonté. « On ne connaît pas assez le roi d’Espagne », disait-elle à ceux qui paraissaient en douter : cela était vrai en plus d’un sens ; elle devait elle-même le vérifier quatre ans plus tard, lorsque, lui ayant trop fait sentir son joug, elle fut renversée traîtreusement en un clin d’œil et tomba de cette chute soudaine et ridicule dont sa renommée historique s’est ressentie. […] Elle a fait comme bien des gens que nous connaissons, elle a politiquement vécu et duré trois ou quatre ans de trop. […] Ce que je vous dis là, madame, doit suffire pour vous faire connaître que vous pouvez tout promettre de ma part, s’il y avait d’autres embarras que je ne puis prévoir.

1577. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Connaissait-on mieux la nature humaine au XVIIe siècle après la Fronde qu’au XVIIIe avant et après 89 ? »

Connaissait-on mieux la nature humaine au XVIIe siècle après la Fronde qu’au XVIIIe avant et après 89 ? […] Saint-Évremond, l’épicurien à l’âme ferme, avait appris à ce jeu où il semble n’être entré que pour mieux voir, à connaître de près le caractère des grands personnages de l’histoire et à deviner, presque en homme pratique, le génie des anciens peuples. […] Non ; si inférieurs aux Retz et aux La Rochefoucauld pour l’ampleur et la qualité de la langue et pour le talent de graver ou de peindre, ils connaissaient la nature humaine et sociale aussi bien qu’eux, et infiniment mieux que la plupart des contemporains de Bossuet, ces moralistes ordinaires du xviiie  siècle, ce Duclos au coup d’œil droit, au parler brusque, qui disait en 1750 : « Je ne sais si j’ai trop bonne opinion de mon siècle, mais il me semble qu’il y a une certaine fermentation de raison universelle qui tend à se développer, qu’on laissera peut-être se dissiper, et dont on pourrait assurer, diriger et hâter les progrès par une éducation bien entendue » ; le même qui portait sur les Français, en particulier ce jugement, vérifié tant de fois : « C’est le seul peuple dont les mœurs peuvent se dépraver sans que le fond du cœur se corrompe, ni que le courage s’altère… » Ils savaient mieux encore que la société des salons, ils connaissaient la matière humaine en gens avisés et déniaisés, et ce Grimm, le moins germain des Allemands, si net, si pratique, si bon esprit, si peu dupe, soit dans le jugement des écrits, soit dans le commerce des hommes ; — et ce Galiani, Napolitain de Paris, si vif, si pénétrant, si pétulant d’audace, et qui parfois saisissait au vol les grandes et lointaines vérités ; — et cette Du Deffand, l’aveugle clairvoyante, cette femme du meilleur esprit et du plus triste cœur, si desséchée, si ennuyée et qui était allée au fond de tout ; — et ce Chamfort qui poussait à la roue après 89 et qui ne s’arrêta que devant 93, esprit amer, organisation aigrie, ulcérée, mais qui a des pensées prises dans le vif et des maximes à l’eau-forte ; — et ce Sénac de Meilhan, aujourd’hui remis en pleine lumière40, simple observateur d’abord des mœurs de son temps, trempant dans les vices et les corruptions mêmes qu’il décrit, mais bientôt averti par les résultats, raffermi par le malheur et par l’exil, s’élevant ou plutôt creusant sous toutes ; les surfaces, et fixant son expérience concentrée, à fines doses, dans des pages ou des formules d’une vérité poignante ou piquante.

1578. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite.) »

Il y a, dans le genre des farces et des soties, dans les genres gais, d’autres perles encore que cette jolie farce de Pathelin, la plus connue. […] Accueillons-les toutes ; mais n’oublions pourtant jamais, nous tous qui l’avons vue ou entrevue, la beauté véritable ; gardons-en fidèlement la haute et délicate image au dedans de nous, ne fût-ce que pour n’en pas prodiguer à tout propos et n’en jamais profaner le nom, comme je le vois faire à d’estimables travailleurs qui ont beaucoup paperassé sur le moyen âge et qui ne connaissent que cela. […] Il connaît Pilate de réputation : « Pilate aime les gens hardis et rusés ; je serai son homme », se dit Judas. […] Que l’auteur du mystère ait ou non connu Sophocle, il a fait preuve de goût et d’habileté en donnant à Judas une autre position qu’au héros grec.

1579. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis du Belloy (suite et fin.) »

Ce n’est pas sans bien des précautions qu’il risque sa remontrance : « Quoiqu’il n’y ait que bien peu de temps que nous nous connaissions, depuis que vous avez acheté ce champ proche du mien, et qu’il n’y ait guère rien eu jamais de plus entre nous, cependant, soit votre mérite, soit le voisinage, que je fais bien entrer pour quelque chose dans l’amitié, m’oblige à vous dire tout hardiment et en ami que vous me paraissez faire au-delà de votre âge et plus que votre état de fortune ne l’exige… » Et en effet, ce Ménédème à qui il s’adresse paraît avoir soixante ans et plus ; il a un fonds de terre excellent, des esclaves en nombre, et il fait la besogne d’eux tous comme s’il était seul. […] Tu te trompes si tu crois cela, et tu ne me connais pas, Clinias. » Et puis les vanteries ordinaires aux hommes d’âge, les contrastes de leur conduite à celle des jeunes gens d’aujourd’hui : « A ton âge j’étais occupé à tout autre chose qu’à l’amour ; pauvre, je suis allé en Asie porter les armes, et là j’ai su acquérir du bien à la fois et de la gloire. » C’était le refrain. […] Je crois qu’il est mieux de retenir ses enfants par un sentiment de pudeur et d’honneur que par la crainte… » On voit d’ici quel est le système de Micion, système bien connu et des plus relâchés : celui de Déméa est précisément le contraire ; aussi les deux frères sont-ils habituellement en querelle ouverte, et le frère de champs arrive souvent chez celui de la ville en s’écriant : « Que faites-vous, Micion ? […] Vous connaissez le tableau de Meissonier, la Confidence, ce jeune amoureux qui, à la première lettre reçue, n’a de cesse qu’il n’ait versé son secret dans le sein d’un ami plus expérimenté, et qui, après le déjeuner qu’il pavera, au dessert, lit avec feu cette missive si tendre à l’ami tranquille et satisfait qui écoute et qui digère.

1580. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « La Réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens. par M. Le Play, conseiller d’État. (Suite et fin.) »

Si vous ne  l’avez pas lu,  lisez-le vite…  Il faut  absolument le  lire : c’est une des choses les plus remarquables qu’on ait publiées depuis longtemps ; des faits extrêmement curieux et presque  tout à  fait ignorés,  des réflexions  profondes et piquantes, un esprit original, voilà ce qui s’y trouve… Il serait à désirer que ce livre fût très répandu ; je n’en connais point de plus propre à dissiper une foule de préjugés très dangereux. » Et plus loin (car cela lui tient au cœur) : « Vous ne m’avez pas dit si vous avez lu l’admirable livre de Rubichon sur l’Influence du Clergé dans les Sociétés modernes. » (Juillet 1829.) […] Rubichon si peu connu même de son temps, et dont Lamennais goûtait si fort le tour d’esprit et les hardiesses : c’était un défenseur de l’ancien régime, mais un défenseur si absolu, si pur et si radical, que M. de Bonald semblait pâle auprès de lui. Il avait d’ailleurs des vues, des idées originales et bien des termes de comparaison, ayant habité l’Angleterre, visité l’Espagne, le Portugal ; il connaissait même l’étranger beaucoup mieux que la France, d’où il avait émigré et où il semblait craindre de remettre les pieds depuis que la Charte en avait empoisonné l’air et le sol. […] On dira que Mirabeau, il est vrai, était payé pour ne pas se fier à la justice des pères et pour compter sur leur tyrannie et leur délire ; mais où est-il ailleurs ce modèle de père de famille que l’antique Rome connaissait et subissait avec crainte, et jusqu’à la hache inclusivement ; que l’état patriarcal nous montre de loin dans sa candeur et sa blancheur plusieurs fois séculaire ; que la vénération du Moyen-Age avait retrouvé peut-être ; où est-il présentement, dans la familiarité et dans la facilité de nos mœurs, dans la promiscuité de nos habitudes ?

1581. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. (Suite et fin.) »

« Les déserts ou les steppes, les montagnes même qui avoisinent ce beau pays, et surtout le vaste plateau de l’Iran, y amènent l’ennemi plus facilement encore qu’ils ne l’en défendent. » La première et la plus pure des religions de la haute Asie, la religion de Zoroastre, dans sa sincérité primitive et avant sa corruption, est esquissée en traits généraux qui la font respecter et donnent envie de la mieux connaître. […] Zeller sur les premiers temps de cette République romaine si connue dans son esprit, si incertaine dans ses annales, et où la légende le dispute d’abord à l’histoire. […] Il avait eu affaire aux barbares ; il connaissait à fond l’état de Rome et sa corruption ; il prévoyait le moment où cet orgueilleux colosse romain ne pourrait plus suffire à sa propre défense, et il voulait y pourvoir en déblayant, pour ainsi dire, toute la banlieue de l’Empire, en l’environnant de l’effroi de ses armes et de la terreur du nom romain, en y plaçant sans doute des colonies militaires, comme des sentinelles avancées. […] Je connais quelqu’un qui n’appelle jamais ce siècle des Antonins que le magnifique été de la Saint-Martin de l’ancienne philosophie.

1582. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée, par M. le chevalier Alfred d’Arneth et à ce propos de la guerre de 1778 »

On le vit bien, lorsqu’à la nouvelle de la mort inopinée de l’Électeur de Bavière, décédé sans héritier direct en décembre 1777, l’Autriche, sous prétexte de droits particuliers qu’elle revendiquait et qui n’étaient connus que d’elle, se mit en possession militairement des deux tiers du pays. […] Vous connaissez notre adversaire, qui tâche à frapper de grands coups au commencement : jugez de ma situation, y ayant des fils bien chers. […] « … Il serait bien malheureux que le repos de l’Europe dépendît de deux puissances si connues dans leurs maximes et principes, même en gouvernant leurs propres sujets ; et notre sainte religion recevrait le dernier coup, et les mœurs et la bonne foi devraient alors se chercher chez les barbares. » Elle fait un léger mea culpa sur l’affaire de la Pologne, sur ce partage où l’Autriche s’est laissé induire (le mot est d’elle), en se liant avec ces deux mêmes puissances qu’elle qualifie si durement ; elle a l’air d’en avoir du regret ; et l’on entrevoit pourtant, par quelques-unes de ses paroles, que si pareille chose était à recommencer, et si l’Autriche, abandonnée d’ailleurs, n’avait point d’autre ressource qu’une telle alliance, elle pourrait encore la renouer sans trop d’effort et jouer le même jeu, en se remettant à hurler avec les loups : « Car je dois avouer qu’à la longue nous devrions, pour notre propre sûreté ou pour avoir aussi une part au gâteau, nous mettre de la partie. » La femme ambitieuse laisse ici passer le bout de l’oreille. […] Il faut rappeler de telles pages, moins connues chez nous qu’elles ne devraient l’être : « Le roi, nous dit Frédéric parlant de lui-même, avait dans la personne de l’impératrice-reine une ennemie ambitieuse et vindicative, d’autant plus dangereuse qu’elle était femme, entêtée de ses opinions et implacable.

1583. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Fontaine »

Et puis, si La Harpe et Chamfort ont loué La Fontaine avec une ingénieuse sagacité, ils l’ont beaucoup trop détaché de son siècle, qui était bien moins connu d’eux que de nous. […] Génie instinctif, insouciant, volage et toujours livré au courant des circonstances, on n’a qu’à rapprocher quelques traits de sa vie pour le connaître et le comprendre. […] Que La Fontaine n’a-t-il connu le Dieu des bonnes gens ? […] Quant à la façon de La Fontaine, elle est trop connue et trop bien analysée ailleurs pour que j’essaye d’y revenir.

1584. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre IV »

Je connaissais d’autant mieux cette affection que mon père avait pris pour sujet de thèse de doctorat la fièvre typhoïde. […] Malot, qui tient tant cependant à montrer les hommes et les choses avec tous les caractères de la fidélité réaliste, que le prétendu aliéné qu’il met ainsi en scène n’a jamais existé et ne répond à aucun type connu. […] Sans doute, il y en a chez lesquels la mémoire et toutes les facultés sont tellement abolies qu’ils ne peuvent plus reconnaître même les personnes qu’ils ont le mieux connues et le mieux aimés, ce sont les déments. […] Mais il abandonna ce traité “bien démodé aujourd’hui” et consulta le Dr Pouchet, un Rouennais qu’il avait connu chez Flaubert, s’inspira ensuite de la thèse d’agrégation du Dr Déjeriné et des travaux de Weissmann.

1585. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre I. Composition de l’esprit révolutionnaire, premier élément, l’acquis scientifique. »

Non seulement ils connaissent les théories et les livres, mais encore ils touchent les choses et les faits. […] Il manie le thermomètre de Réaumur, le prisme de Newton, le pyromètre de Muschenbroek, Il a dans son laboratoire de Cirey tous les appareils alors connus de physique et de chimie. […] En tout ceci l’homme continue la nature ; d’où il suit que, pour le connaître, il faut l’observer en elle, après elle, et comme elle, avec la même indépendance, les mêmes précautions et le même esprit  Par cette seule remarque, la méthode des sciences morales est fixée. […] En tout cas, il nous est utile de connaître ces conditions, soit pour améliorer notre état, soit pour le prendre en patience, tantôt pour exécuter les réformes opportunes, tantôt pour renoncer aux réformes impraticables, tantôt pour avoir l’habileté qui réussit, tantôt pour acquérir la prudence qui s’abstient.

1586. (1890) L’avenir de la science « V »

Tout ce que je sais, c’est que, si elle ne le fait pas, nul ne le fera, et que l’humanité ignorera à jamais le mot des choses ; car la science est la seule manière légitime de connaître, et, si les religions ont pu exercer sur la marche de l’humanité une salutaire influence, c’est uniquement par ce qui s’y trouvait obscurément mêlé de science, c’est-à-dire d’exercice régulier de l’esprit humain. […] Fourier, répandant à pleines mains les ceintures, les couronnes et les aurores boréales sur les mondes, est plus près du vrai que le physicien qui croit son petit univers égal à celui de Dieu, et pourtant un jour Fourier sera dépassé par les réalistes qui connaîtront de science certaine la vérité des choses. […] Après celles de Jouffroy, je n’en connais pas de plus vraies que celles de Louis Feuerbach, un des représentants les plus avancés de l’école ultra-hégélienne (Souvenirs de ma vie religieuse, à la suite de la Religion de l’Avenir ). […] Cela est si vrai que des peuples entiers ont manqué d’un tel système religieux ; ainsi les Chinois, qui n’ont jamais connu que la morale naturelle, sans aucune croyance mythique.

1587. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Le Palais Mazarin, par M. le comte de Laborde, de l’Institut. » pp. 247-265

Lui qui connaissait si bien les hommes, il est un point du génie français qui lui a toujours échappé, un point sur lequel il ne fut français ni d’accent, ni de sentiment, ni d’intelligence. […] Mazarin est de la race des ministres comme Robert Walpole, plutôt que de celle des Richelieu ; il est de ceux (et nous en avons connu) qui ne haïssent pas un certain abaissement dans le génie de la nation qu’ils gouvernent, et qui, alors même qu’ils rendent les plus vrais services, n’élèvent pas. […] Voilà les côtés que Retz a merveilleusement saisis et connus, le caractère des hommes, le masque et le jeu des personnages, la situation générale et l’esprit mouvant des choses ; par toutes ces parties, il est supérieur et hors d’atteinte dans l’ordre de la pensée et de la peinture morale, autant que Mazarin peut l’être lui-même dans l’histoire comme signataire de la paix des Pyrénées. […] Il ne voulut point que je lui parlasse d’affaires : « Je ne suis plus, me dit-il, en état de les entendre ; parlez-en au roi, et faites ce qu’il vous dira : j’ai bien d’autres choses maintenant dans la tête. » Et revenant à sa pensée : « Voyez-vous, mon ami, ce beau tableau du Corrège, et encore cette Vénus du Titien, et cet incomparable Déluge d’Antoine Carrache, car je sais que vous aimez les tableaux et que vous vous y connaissez très bien ; ah !

1588. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Droz. » pp. 165-184

Sans prétendre empiéter sur ce qui sera dit ailleurs par des organes plus autorisés et avec plus de développement, je ne voudrais qu’acquitter ici, à ma manière, mon tribut d’estime envers un homme que j’ai connu et que j’ai particulièrement respecté ; je voudrais rendre plus nette et plus familière à tous l’idée qu’il faut rattacher à son nom. Joseph Droz, né à Besançon, le 31 octobre 1773, d’une famille de magistrats et de jurisconsultes honorablement connue dans la province, avait reçu de ses pères comme par héritage la droiture de l’esprit, la douceur du cœur et la disposition au bien. […] Lors de la création de l’école centrale de Besançon, Droz, nommé professeur de belles-lettres, et qui eut entre autres élèves Nodier, commença à se faire connaître par quelques discours imprimés, par un Essai sur l’art oratoire (1799), dans lequel il fait preuve d’instruction, de justesse, et où déjà ses inclinations et son tour d’esprit se déclarent. […] S’il échoue, cela ne vous fera aucun tort ; s’il réussit, cela vous fera connaître. » Ainsi fut composée Lina, qui parut en 1804.

1589. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — II. » pp. 460-478

On connaît cet épisode qui émut si vivement le public sous le Directoire. […] Il chercha d’abord un asile en Suisse, à Zürich, où il connut l’ingénieux observateur Lavater, Meister, ancien secrétaire de Grimm, homme aimable, écrivain distingué en français, et qui n’avait pris du xviiie  siècle que ce qu’il avait de fin et d’honnête ; Mallet du Pan, qu’il retrouva ensuite à Fribourg-en-Brisgau, et avec qui il contracta une liaison de tendre attachement et d’estime. […] C’étaient les deux comtes de Stolberg, nourris de la fleur grecque et de l’esprit chrétien, philosophes et littérateurs éminents ; Jacobi, philosophe aimable, d’un sentiment délicat et pur ; d’autres encore moins connus ici, enfin une société douce mais grave : « Nous avons rencontré, écrivait-il à Mallet du Pan en avril 1798, de l’instruction et des vertus. » Dans une autre lettre à ce même ami alors réfugié à Londres, il a peint lui-même l’état calme et reposé de son âme en ces années d’attente, de conversation nourrie et de réflexion communicative : Il n’y a rien de nouveau en France, lui écrivait-il (24 juin 1798.) […] Il commence par établir l’état vrai de l’opinion à cette date : On n’a jamais vu ni connu de république en France, dit-il.

1590. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « La reine Marguerite. Ses mémoires et ses lettres. » pp. 182-200

Le château d’Usson avait été fortifié par Louis XI, qui se connaissait en précautions et qui en avait voulu faire un lieu de sûreté pour y loger des prisonniers. […] Je n’en connais point de si propre comme vous, que je tiens comme un second moi-même. […] Un historien qui a bien connu Marguerite et qui ne lui est point hostile, Dupleix, a dit d’elle : « Elle avait aimé Henri duc de Guise, qui fut tué à Blois, et avait logé si avant dès sa jeunesse toutes les affections de son cœur en ce prince qui avait des conditions attrayantes, qu’elle n’aima jamais le roi de Navarre, depuis roi de France, de très heureuse mémoire, qu’on lui fit haïr du commencement, et enfin épouser malgré elle et contre les lois canoniques. » Nous n’en sommes pas encore au roi de Navarre. […] Ici Marguerite fit l’ingénue, assure-t-elle, et n’eut pas l’air de comprendre : Je la suppliai de croire que je ne me connaissais pas en ce qu’elle me demandait : aussi pouvais-je dire lors à la vérité comme cette Romaine, à qui son mari se courrouçant de ce qu’elle ne l’avait averti qu’il avait l’haleine mauvaise, lui répondit qu’elle croyait que tous les hommes l’eussent semblable, ne s’étant jamais approchée d’autre homme que de lui.

1591. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Regnard. » pp. 1-19

Sa vie fut pleine de singularités pour son temps ; c’est aux journaux qu’il a laissés qu’on doit d’en connaître les plus curieuses circonstances : il est à regretter que d’autres contemporains ne nous aient rien dit de plus particulier sur son compte, et n’aient pas joint leurs renseignements aux siens. […] Lui, il n’était guère connu des gens du voisinage que par les récits de son valet de chambre, et comme un grand voyageur qui avait eu bien des aventures. […] Regnard, qui les connaissait mieux que lui, riposta par une Satire contre les maris ; pour mieux défendre le beau sexe, il porta la guerre chez le sexe opposé. […] Regnard en a souvent de tel ; ainsi, dans Les Ménechmes, quand celui des deux jumeaux, fraîchement débarqué de Picardie, a affaire à un marchand fripier, syndic et marguillier, de plus créancier de son frère, et qui lui défile tous ses titres en le prenant pour son débiteur, le franc Picard s’irrite, il s’emporte contre ce faux créancier qu’il ne connaît pas et qu’il prend pour un imposteur : « Laissez-moi lui couper le nez !

1592. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre III : La littérature du xviiie et du xixe  siècle »

De plus, le voilà en possession d’une faculté nouvelle : il appelle les rois, les ministres, les gouvernements à son tribunal ; il ne pense plus guère qu’à juger, à décider, à charger tout le monde de devoirs dont il s’exempte. » Voilà une critique spirituelle d’un travers que nous connaissons : mais est-ce bien là une critique de l’Esprit des Lois ? […] Je vais plus loin, et je dis que dans Montesquieu il y a une morale que le xviie  siècle n’a pas connue : c’est la morale publique, la morale du citoyen. […] Rousseau est le premier écrivain du xviiie  siècle qui l’ait connu. […] Sommes-nous en mesure de juger de la part que la raison peut avoir dans des écrits que nous connaissons si mal, qui ne répondent pas à nos habitudes, à nos mœurs, à notre tournure d’esprit ?

1593. (1912) L’art de lire « Chapitre VIII. Les ennemis de la lecture »

Continuons de lire La Bruyère ; il connaît la question ; il est homme qui a fait un livre et qui a désiré très vivement être lu et qui était assez intelligent pour comprendre, mieux encore que tout autre chose, les raisons qu’on pouvait avoir de ne le lire point ou de le lire mal : « Ceux qui par leur condition se trouvent exempts de la jalousie d’auteur ont, ou des passions, ou des besoins qui les distraient ou les rendent froids sur les conceptions d’autrui ; personne presque, par la disposition de son esprit, de son cœur et de sa fortune, n’est en état de se livrer au plaisir que donne la perfection d’un ouvrage. » Et c’est-à-dire qu’un des ennemis de la lecture, c’est la vie même. […] Qui veut apprendre à connaître réellement quelque chose de nouveau, que ce soit un homme, un événement, un livre, fait bien d’adopter cette nouveauté avec tout l’amour possible, de détourner résolument sa vue de ce qu’il y trouve d’hostile, de choquant, de faux, même de l’oublier, si bien qu’à l’auteur d’un livre, par exemple, on donne la plus grande avance et que, d’abord, comme dans une course, on souhaite, le cœur palpitant, qu’il atteigne son but. Par ce procédé, on pénètre en effet la chose jusqu’au cœur, jusqu’à son point émouvant, et c’est justement ce qui s’appelle apprendre à connaître. » Rien de plus juste, rien de plus certain ; il faut toujours, d’abord, être sympathique. […] On connaît assez l’homme qui en politique est toujours de l’opposition.

1594. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIII : De la méthode »

J’en connais deux assez âgés, et je les appellerai M.  […] Nous imitons les algébristes : après avoir transformé le problème en équation précise, nous traduisons par des quantités connues les inconnues de l’équation. […] Dorénavant, quand il en rencontre une, il éprouve et aperçoit l’émotion qu’elle signifie, comme le chimiste connaît, par les différentes teintes de son papier de tournesol, qu’une dissolution est neutre, alcaline ou acide. […] Vous avez d’abord traduit chaque mot par un fait suivi d’un groupe d’inconnues ; maintenant vous traduisez chaque mot par un groupe de faits connus.

1595. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Rêves et réalités, par Mme M. B. (Blanchecotte), ouvrière et poète. » pp. 327-332

d’ici à demain peut-être, ce cours un peu vague peut se resserrer, se creuser avec profondeur, entrer dans quelque vallée verdoyante et sonore, réfléchir des bords plus hardis, des scènes plus animées, donner enfin le mouvement et la vie à un paysage que chacun voudra connaître et visiter. […] Rien, même de mes pleurs, à celui qui s’en joue, Qui m’a pris mon bonheur et ne me connaît plus !

1596. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Appendice à l’article sur Gabriel Naudé »

Je suis tellement animé contre la méchanceté de cet homme, laquelle je connois mieux que homme du monde, pour l’avoir expérimenté sur moi et vu pratiquer en tant d’autres occasions, que je ne me lasserois jamais d’en médire. […] Il sait beaucoup de choses, mais superficiellement : Multa quidem scit, sed non multum. » J’ai cru qu’il n’était pas inutile, dans un temps où l’on est en train d’exagérer sur Campanella, de faire connaître cette opinion secrète de Naudé et du monde de Naudé.

1597. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires du marquis d’Argenson, ministre sous Louis XV »

Il pensait fermement que plus on lit plus on a d’esprit ; il lisait tout, même le Cyrus ; il y apprenait sinon les mœurs des Perses, du moins celles de l’hôtel de Rambouillet ; il faisait beaucoup de cas de Balzac et fort peu de Voiture ; il croyait qu’une science dont on connaît l’histoire est une science à peu près connue ; il se vantait d’avoir lu Don Quichotte plus de vingt fois en sa vie.

1598. (1874) Premiers lundis. Tome I « Anacréon : Odes, traduites en vers française avec le texte en regard, par H. Veisser-Descombres »

Si l’on parle d’Anacréon, même aux gens les moins lettrés, tout le monde le connaît : c’est un vieillard à barbe longue et blanche, qui passe sa vie sous des platanes, la tête couronnée de roses, la coupe en main, et au milieu de jeunes esclaves d’Ionie. […] Je dis la ressemblance, et non pas l’imitation : le gentil maître Clément, en effet, ne connaissait point le poëte grec, dont la première édition ne fut donnée par Henri Estienne qu’en 1554, et Marot était mort dix ans plus tôt.

1599. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Malaise moral. » pp. 176-183

Enfin, nous avons connu, malgré nous, les trois cent mille égorgés d’Arménie. […] Je connais là-dessus les propos des hommes « sensés » qui se trouvent être presque tous, je ne sais pourquoi, des hommes d’argent. « Laissez donc !

1600. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XIX. Réflexions morales sur la maladie du journal » pp. 232-240

Voyez-les : Anastase et Sosthène ne sont qu’habiles brasseurs ; Luc se perd en basses affaires ; Antonin ignore le monde et Moïse le connaît trop ; Edmond, Édouard et Charles gardent l’allure basse des prisons où ils séjournèrent. […] XVI Quand on ne faisait point rédiger les journaux par des littérateurs bien connus, un financier parlait de la bourse ; un économiste, des tarifs ; un boulevardier, des petites femmes ; et un écrivain, des livres.

1601. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre premier. Impossibilité de s’en tenir à l’étude de quelques grandes œuvres » pp. 108-111

On connaît ce mot plaisant prêté à je ne sais plus quel chef de bandes indisciplinées : « Il faut bien que je les suive : je suis leur chef. » De même un grand homme n’est aussi reconnu pour tel qu’à condition d’aller dans le sens du courant qui l’entraîne et le porte. […] Mais, au lieu de les laisser isolés, il faut les replacer dans le groupe social où ils se sont développés ; il faut, sans les rapetisser, rehausser la foule anonyme et les écrivains moins connus qui les environnent.

1602. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 211-219

Celui-ci est moins connu que ses Ouvrages, qui sont fort répandus & qui méritent de l’être. […] Les autres Ouvrages de du Bartas valent encore moins que son Poëme des sept Jours ou de la Semaine, ou de la Création, car il est connu sous ces trois noms.

1603. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 181-190

Tous les Peuples, en effet, étoient intéressés à le connoître & à l’étudier. […] On peut adopter, à un certain point, ses sentimens sur la nécessité de connoître l’Homme ; mais il faut se garder de suivre son exemple, quant au genre d’étude exclusif auquel il s’attachoit.

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