Maurice Bouchor essaye de hausser vers la beauté l’âme populaire.
Dans un livre écrit avant la vingtième année et dont la langue est d’une beauté précoce et sûre, Léon Vannoz hésite entre différentes noblesses apprises.
On voit par son Poëme de la Déclamation, où il y a d’excellens morceaux que Boileau n’auroit pas désavoués, qu’il ne tenoit qu’à lui de s’éleveraux solides beautés, s’il en eût mieux senti le prix, s’il eût plus connu & mieux cultivé ses ressources.
Seroit-il permis d’ajouter, que peu de Littérateurs ont eu le coup-d’œil plus juste pour découvrir les défauts d’un Livre, le tact plus fin pour en sentir les négligences & les beautés, qu’il a été long-temps le seul des Journalistes qui relevoit les fautes de langage aujourd’hui si communes, & qui, en matiere de style, ait su plus finement distinguer le simple du bas, le naturel du recherché, le sublime de l’enflure, le vrai du faux ?
Il est aisé de sentir que ces oublis momentanés ne sauroient être le partage de la médiocrité ; mais les défauts sont d’autant plus sensibles, que les beautés qui les avoisinent sont plus frappantes.
« Que ceux qui ont une idée médiocre ou pauvre et qui ont besoin d’être en face de grands hommes pour s’apercevoir de la grandeur de l’homme, s’adressent à nos de Lesseps, à nos Edison, à nos Pasteur ou bien à nos politiques, aux généraux, aux écrivains, aux artistes, aux grands commerçants, aux industriels fameux, aux philosophes ; mais que ceux qui se sentent l’âme élevée et le cœur vibrant pour la suprême beauté de leur race prennent les plus humbles, les va-nu-pieds et les derniers pauvres gens.
C’est ce qui fait la beauté des temps chevaleresques, et ce qui leur donne la supériorité, tant sur les siècles héroïques que sur les siècles tout à fait modernes.
Voilà donc un nouveau moyen de situations poétiques, que cette religion si dénigrée a fourni aux auteurs mêmes qui l’insultent : on peut voir, dans une foule de romans, les beautés qu’on a tirées de cette passion demi-chrétienne.
Il est quelques vierges de Carle Maratte, que les amis de ce peintre soûtiennent approcher assez de la beauté de celles de Raphaël, sans qu’on puisse les accuser d’une exageration outrée.
Soit lointaine, soit voisine, Espagnole ou sarrasine, Il n’est pas une cité Qui se vante sans berlue D’tomber Molinchard l’Élue Pour le chic et la beauté, Et qui, gracieuse, amasse Plus d’enchanteresse crasse Sous un ciel plus enchanté !
Une fois rentré au village, il courut trouver le roi et lui dit : « Kuohi, je sais où il y a une fille d’une beauté sans égale et je puis te l’amener, à condition que tu me donnes des hommes pour l’enlever car elle est gardée par son frère qui est d’une extrême cruauté ».
, si, dans l’entreprise révolutionnaire, il y a des puérilités, des agitations et du vide, une grandeur pourtant est apparue : certaines dépenses d’énergie, fussent-elles infécondes, contribuent à manifester l’humanité, elles accroissent, sinon le bien-être, du moins la beauté et, par là, la volupté et puis aussi la dignité de notre espèce.
« Lorsque la bohémienne est belle, dit-il, sa beauté est un enchantement. […] Le conte, si c’en est un, a la beauté d’un mythe. […] Clément a rendu service à la mémoire de Gleyre, à ses amis, à tous ceux qui aiment la beauté des sentiments intimes ou des formes visibles. […] Comment faire pour concilier ces deux extrêmes, la beauté et la vérité ? […] Et pourtant, il imaginait au-delà ; il avait vu la Grèce, il devinait la nudité idéale, la beauté poétique.
Les philosophes nous disent que toute beauté est l’expression d’une force. […] ces beautés du corps de la femme, où vont-elles ? […] Mais la pièce en son ensemble est d’une grande force et d’une grande beauté. […] Ma beauté ne t’avait pas plu : Ma beauté ne devait plus vivre. […] Scène de toute beauté qui a enlevé la salle dans un mouvement d’admiration et, en vérité, de reconnaissance envers l’auteur.
Remarquez qu’au moyen âge c’était la disparité qui était beauté en architecture. […] La beauté des montagnes est désormais traditionnelle. […] La senteur que nous percevons, sans les voir, des forêts prochaines, n’éveille-t-elle pas en nous des idées de beauté ? […] Il est étonnant, à ce propos, que Nietzsche, si passionnément amoureux de la beauté grecque, ait si violemment accusé Wagner de tourner le dos au pays de la beauté et du soleil et d’être une espèce de barbare septentrional. […] Elle vit dans un rêve continu de beauté et de grandeur et d’immaculé.
Robert de la Pave écrit à son ami qu’il a épousé Mlle Marianne d’Épinoy, une beauté, « une déesse ». […] Sa beauté en parut plus ferme encore et plus réelle, s’il était possible. […] Mme Gance m’attirait ; la beauté est une douce chose ; Mme Gance me faisait peur : la beauté est une chose terrible. […] Un demi-siècle pèse aujourd’hui sur la beauté qui me donna mes premiers troubles, et les plus délicieux. Mais cette beauté ruinée a de la grâce encore.
— Il se compare encore à l’artiste grec qui composa sa Vénus de traits divers empruntés à diverses beautés ; et c’est ainsi qu’il a fait dans Werther, dit-il, tout en y laissant à sa Charlotte le caractère dominant du principal modèle. […] Goethe, après quelque temps de séjour à Wetzlar, avait fait connaissance avec la famille de monsieur Buff, bailli de l’ordre allemand, et il avait été frappé tout d’abord de la beauté, de la dignité virginale, de l’esprit de sa fille Lotte, âgée de près de vingt ans, qui, sans être l’aînée de la maison, servait de mère depuis près de deux ans à ses frères et sœurs, et n’en était pas moins aimable dans la société, où elle déployait une gaieté, vive et naturelle. […] C’est le second point de vue ; et, tel qu’il nous est exprimé par Goethe, on conviendra qu’il ne se présente ni sans beauté, ni sans grandeur.
XV « En floréal, cet énorme buisson, libre derrière sa grille et dans ses quatre murs, entrait en rut dans le sourd travail de la germination universelle, tressaillait au soleil levant presque comme une bête qui aspire les effluves de l’amour cosmique et qui sent la sève d’avril monter et bouillir dans ses veines, et, secouant au vent sa prodigieuse chevelure verte, semait sur la terre humide, sur les statues frustes, sur le perron croulant du pavillon et jusque sur le pavé de la rue déserte, les fleurs en étoiles, la rosée en perles, la fécondité, la beauté, la vie, la joie, les parfums. […] Les femmes jouent avec leur beauté comme les enfants avec leur couteau. […] « C’est ainsi que Cosette devenait peu à peu une femme et se développait, belle et amoureuse, avec la conscience de sa beauté et l’ignorance de son amour… » XXII Ce bonheur sans conscience de lui-même est interrompu par la jalousie paternelle de Jean Valjean, qui craint une embûche de libertinage pour sa fille ; il change de domicile et de promenade.
Depuis Alexandre, une foule de critiques s’étaient mis après lui, amis de Corneille, ennemis de Boileau, rivaux et envieux : c’était à qui trouverait des fautes et ferait les beautés dans ses pièces ; les préfaces amères dont il accompagna toutes ses tragédies depuis Alexandre faisaient voir qu’on ne perdait pas sa peine à le tourmenter. […] L’orageuse beauté de Phèdre résulte de ce que sa volonté tient à peu près en balance son amour ; une lutte intérieure la déchire, tellement que tout le drame est dans ce seul rôle. […] Athalie est une vision d’une intensité étonnante : dans ce cadre grandiose du temple, devant ces chœurs, dont la voix, un peu maigre, rappelle à notre mémoire les fières beautés des psaumes hébraïques, Joad, si bien saisi dans son âpreté juive, dans sa puissance de haine et de malédiction, dans son absorption enfin du sentiment national par la passion religieuse, Joad est une figure biblique.
C’est ainsi que Mme de Grignan laissa copier plus d’une lettre où sa mère parlait de sa beauté comme eût fait un amant, et de l’esprit de sa fille comme on parlait du sien. […] Il sentait néanmoins qu’il eût pu rendre son style plus correct ; « mais il faudrait, dit-il, refondre tout l’ouvrage, et ce travail passerait mes forces, et courrait risque d’être ingrat190. » Saint-Simon a bien fait ; cette révision nous aurait coûté plus d’une beauté. […] En recherchant la perfection des penseurs, ils perdraient les fraîches beautés de l’improvisation, et ces grâces d’un écrit fait de jet par une main exercée.
Rêverie d’un poète françaisbq Un poëte français contemporain, exclu de toute participation aux déploiements de beauté officiels, en raison de motifs divers, aime, ce qu’il garde de sa tâche pratiquée ou l’affinement mystérieux du vers pour de solitaires Fêtes, à réfléchir aux pompes souveraines de la Poésie, comme elles ne sauraient exister concurremment au flux de banalité charrié par les arts dans un faux-semblant de civilisation. — Cérémonies d’un jour qui gît au sein inconscient de la foule : presque un Culte ! […] À défaut d’une acuité de regard qui n’eût été la cause que d’un suicide stérile, si vivace abonda l’étrange don d’assimilation de ce créateur quand même, que des deux éléments de beauté qui s’excluent ou, tout au moins, l’un l’autre s’ignorent, le drame personnel et la musique idéale, il effectua l’hymen. […] Dans la suite de cette étude, remarquons encore le passage suivant : « L’Idéalisme transcendantal appliqué à l’art est encore une revendication de Hegel pour qui l’art, c’est « l’idée pénétrant et transformant la matière » : en sorte que, selon lui, l’art grec, où l’idée, sacrifiée à la beauté plastique, ne se dégage pas de la forme extérieure, serait inférieur à l’art oriental, dont le symbolisme révèle une profonde aspiration vers l’infini.
Schiller chantait la liberté morale, l’effort de la vertu, et tendait au sublime ; Goethe, cherchant la beauté calme et fine, reproduisait plutôt, comme un miroir fidèle, les conditions naturelles de la vie. […] Il avait toujours eu, cela est facile à voir, une admiration très vive pour les parties les plus vagues et les plus sonores du magnifique idiome de Chateaubriand ; il lui parut original de rajeunir ces beautés passées de mode en les associant au style robuste, palpable, visible, au style sans âme et sans ailes, mais poétiquement terre à terre que manie avec tant d’aisance M. […] Et voilà les sujets que l’art nouveau se plaît à étaler sous nos yeux, voilà les problèmes qui lui paraissent dignes d’étude et les beautés qu’il veut qu’on admire !
III Figurez-vous, en effet, un roman conçu fièrement et vigoureusement réalisé dans cette donnée : un homme a le courage d’être un athée absolu, avec tous les dons de la vie : la naissance, la beauté, la jeunesse, la force de l’esprit, la solidité des organes, la richesse, sans laquelle rien ne se peut dans ce monde voué au veau d’or, à l’âne d’or, à tous les animaux d’or et à leurs excréments. […] Ainsi encore quand il s’éprend de sa cousine Charlotte, qui pourra faire illusion aux petits jeunes gens, mais qui n’a pas d’autre grandeur que celle de la beauté ; qui tente et tombe comme toute femme ; qui craint moins, dit-elle (toujours les mêmes charlatanes de mots !) […] Octave Feuillet n’a point ce don de mettre debout une personne et de la faire voir, beautés, vices et tout, vivante et flambante !
en exilant les dieux, n’avait-on pas exilé la beauté dans sa manifestation la plus radieuse ? […] En attendant que sa beauté donne le plaisir, sa froideur excite la vanité, cette gouvernante d’un dandy et d’un mondain tel que Maulévrier. […] Un regard de Ryno, un baiser, un mot d’amour, et le rayon jaillit de cette obscurité, la beauté de cette laideur. […] J’ai connu une jeune fille de haute famille et de grande beauté qui s’était affolée d’un muletier bossu, noir, le nez planté de poils, hideux. […] On le dit avec raison : car le Beau, ou mieux, la représentation de la Beauté fut l’aspiration, le but constant des artistes anciens.
Le livre de la Littérature considérée dans ses Rapports avec les Institutions sociales parut en 1800, un an environ avant cette autre publication rivale et glorieuse qui se présageait déjà sous le titre de Beautés morales et poétiques de la Religion chrétienne. […] » Le premier article du Mercure est terminé par ce post-scriptum mémorable : « Quand cet article allait à l’impression, le hasard a fait tomber entre nos mains un ouvrage qui n’est pas encore publié, et qui a pour titre : des Beautés morales et poétiques de la Religion chrétienne. […] La beauté du site, les bois qui l’ombragent, le sexe du poëte, l’enthousiasme qu’on y respire, l’élégance de la compagnie, la gloire des noms, les promenades du lac, les matinées du parc, les mystères et les orages inévitables qu’on suppose, tout contribue à enchanter pour nous l’image de ce séjour. […] Prosper de Barante, le prince Auguste de Prusse, la beauté célèbre tout à l’heure désignée par Mme de Genlis sous le nom d’Athénaïs, une foule de personnes du monde, des connaissances d’Allemagne ou de Genève. […] comme elle lui eût abondamment parlé de la clémence du ciel et d’une certaine beauté de l’univers, qui n’est pas là pour narguer l’homme, mais pour lui prédire de meilleurs jours !
La citoyenne Beauharnais, sans être douée d’une vraie beauté, avait de la grâce. […] Le roi Joachim et la reine Caroline lui plaisaient, l’un par son héroïsme fringant, l’autre par son impérieuse beauté. […] Cette journée de Waterloo, où la mauvaise fortune ajouta je ne sais quelle beauté triste à la magnificence d’un effort surhumain, fait honneur à l’humanité. […] C’est ce drame muet, cette torture intime de l’armée silencieuse, qui fait la beauté de ce livre. […] À peine âgée de quatorze printemps, elle résumait, en ses beautés adolescentes, tous les attraits d’une illustre lignée.
Les tragédies, les ouvrages d’imagination, vous représentent l’adversité comme un tableau où le courage et la beauté se déploient ; la mort, ou un dénouement heureux terminent, en peu d’instants, l’anxiété qu’on éprouve.
Dans ses Mercuriales sur-tout, il est aisé de reconnoître une suite de tableaux où l’Homme de Loix est forcé de puiser la plus haute idée de sa profession & l’amour de ses devoirs, l’Homme d’Etat, les leçons de la saine politique & les moyens de la rendre utile & respectable ; le Philosophe, le modele de l’usage qu’il doit faire de ses lumieres & de la sagesse qui sait les contenir ; le Littérateur, les finesses de son art & les solides beautés qui peuvent l’embellir ; tous les hommes, le respect des Loix, les regles de la vertu & les charmes qui la font aimer.
Tant qu'on aura parmi nous l'idée de la belle Poésie, & le goût des véritables beautés, Rousseau sera regardé comme le Génie le plus étonnant que notre Nation ait produit.
N’est-ce pas une façon de juger bien étrange que de ne regarder les Anciens que par leurs beaux côtés, comme vous faites, et que de fermer les yeux sur leurs défauts, et de n’avoir au contraire les yeux ouverts que sur les défauts des Modernes, et que de les tenir opiniâtrement fermés sur leurs beautés [?]
En sa formule nous ne pouvons voir aucun critérium de beauté, ni d’efficacité. […] Elle prend sa figure propre : l’adéquat l’habille de pure beauté incorruptible. […] Que de beauté dans la nature et dans l’œuvre des hommes. La beauté, voilà l’espèce de la communion, le mystère de la rédemption de la vile argile humaine ! […] Il faut qu’il se mette à la portée des médiocres, descende de son piédestal de purisme et de beauté.
L’esprit de Renaissance pouvait lui dire un jour, et il le lui dit : « C’est la beauté, la grâce, l’élégance qui sont adorables, vous le reconnaissez, puisque vous cherchez à vous les donner ; mais ces grâces c’est à l’antiquité que vous les prenez ; par vous-même vous êtes pauvre, grossier, inélégant. Le monde doit s’écarter de vous à mesure même qu’il s’éprend de ces beautés qui ne vous sont qu’un ornement d’emprunt. » Quand Madame de Sévigné écrivait en riant: « Comment peut-on aimer Dieu quand on n’en entend pas bien parler ? […] Dieu adorable seulement s’il a des beautés littéraires, le Dieu des chrétiens digne de dédain parce qu’il n’a pas de beautés littéraires, ou n’a que celles que l’humanisme, fils de l’antiquité, veut bien lui donner ; c’est l’argumentation du xviiie siècle contre le christianisme, celle que Chateaubriand essaiera de réfuter ; et Madame de Sévigné s’est montrée ce jour-là la « jolie païenne » qu’un de ses amis jansénistes disait qu’elle était. — L’humanisme fut donc l’ennemi le plus dangereux peut-être du moyen âge, en ce qu’il lui fut un allié compromettant, c’est-à-dire un ennemi secret et insidieux. […] Tel don, tels présens servent mieux Que beauté, savoir ni prières. […] Il a cette beauté rare de ressembler à la parole, d’être continuellement ce qu’est la parole quand elle rencontre juste, et l’on sait ce qu’alors, unissant au spontané l’exactitude, la parole a de puissance, de grâce et de charme.
Tu percevras, dans l’ombre et dans l’immensité, Un sombre hymne d’amour montant vers ta beauté. […] Une pièce grandiose : la Vision des montagnes, sert de prélude à une suite de poèmes d’une indiscutable beauté. […] Malheureusement, elle mourut à trente ans, dans toute sa beauté, et, chose singulière, quand M. […] C’est une beauté qui m’est sensible. […] Son génie seul ne suffit pas pour nous en expliquer la beauté.
Car ce n’est ni d’esprit qu’elle manque, ni de beauté. […] Dans l’Inutile Beauté un homme du monde nous confie la conception qu’il se fait de Dieu : « Sais-tu comment je conçois Dieu ? […] C’est la Beauté, piège tendu par la nature à l’individu en vue de la reproduction de l’espèce. […] Bien au contraire, c’est la critique des beautés qui lui semble stérile ; c’est elle qui peut devenir dangereuse, car s’il y a des beautés dont le propre est d’être inimitables, en les louant et en nous invitant à les imiter, on nous amène à n’en produire que la parodie. […] L’inutile beauté, p. 39.
Elle veut qu’il y ait dans toutes ses démarches « un reflet de beauté » ; mais cette beauté des actes et des attitudes, elle en a une conception très convenue, théâtrale ou livresque, parfaitement niaise au fond. […] Et elle lui remet un pistolet, le pistolet qu’elle a un jour braqué sur lui : « En beauté, Eilert Lövborg ! […] Et, comme dit l’autre, « je n’en rougis point », car, qu’est-ce que sentir la beauté des choses, sinon la découvrir chaque fois ? […] Mais la Jeunesse pensive est étrangement originale par la délicatesse, la beauté et la bravoure naïve du sentiment. […] Vous n’êtes, ô beautés !
Sa femme, du moins, s’est donnée à lui corps et âme ; mais lui, tout en subissant sa « beauté dévorante », n’a pas donné à Rita tout son cœur. […] Dans la réalité, nous savons comment les choses se passent : ou le secrétaire n’épouse point ; ou, s’il épouse, nous gardons des doutes invincibles sur la beauté de son âme. […] Renan a dit que la beauté valait la vertu, et que l’amour d’une femme et l’amour de Dieu, c’était tout à fait kif-kif ! […] Abusée un moment par la Vénus terrestre, j’appartiens de nouveau à la Vénus Uranie, je rentre dans la beauté de mon premier rêve. […] Le prince est toujours sur son lit, les yeux charbonnés jusqu’aux oreilles, d’une beauté d’androgyne.
Ce soir, je causais avec Carrière, et comme il me parlait de l’importance de l’enveloppe des contours d’une figure, à ce propos je lui disais la place donnée à la beauté des joues dans les descriptions de l’antiquité, et dans le modelage de caresse de la sculpture grecque, puis du rien, pour lequel elle est comptée aujourd’hui dans nos deux arts. […] Il n’y a en peinture que la tonalité et la beauté de la pâte. Samedi 4 juillet Dans une coupe à saké, en laque rouge, je trouve une petite Japonaise, d’après l’idéal de beauté rêvé par ce peuple : la femme ayant les cheveux noirs, du noir de la laque dont ils sont faits, et le visage ciselé dans un morceau de nacre, apparaissant en une blancheur transparente. […] Nous recausons après dîner avec Rodin, et je lui dis que l’œil de l’Europe ancienne et moderne était et est resté plus sensible à la ligne qu’à la couleur, et je lui donnai cet exemple des vases étrusques dont toute la beauté vient de la silhouette des figurines, tandis que dans la céramique de la Chine et du Japon, c’est avant tout la tache colorée qui en fait la beauté. […] Et la beauté de ce tableau est faite de ce qui n’est prêché dans aucun bouquin théorique : elle est faite de l’emportement, du tartouillage, de l’outrance de la cuisine, de cette cuisine, je le répète, qui est toute la peinture des grands peintres qui se nomment Rembrandt, Rubens, Velasquez, le Tintoret.
Les mœurs dépravées de la Grande Grèce et de Rome rendaient ces inquiétudes plus naturelles et plus obligatoires dans ces climats vicieux que dans nos contrées plus pures ; c’est grâce à ces surveillances assidues que le jeune Horace, enfant d’une beauté précoce, dut la pureté et la fraîcheur prolongée de son âme. […] Rien ne survit du temps que ce qui n’est pas du temps, c’est-à-dire la beauté propre au genre de poésie qu’on possède : les allusions sont la fausse monnaie de la gloire, l’avenir ne la reçoit pas. […] Les courtisanes telles que Phryné, Laïs, à Athènes, étaient en général de jeunes esclaves grecques ou syriennes affranchies dans leur enfance pour leur extrême beauté. […] Elles s’attachaient par des liens fugitifs, tantôt d’intérêt, tantôt d’amour, à des hommes de toute condition et de tout âge, aux uns pour leur opulence, aux autres pour leur beauté.
Ignorant l’art de remanier dix fois une boucle de cheveux et d’en étudier l’effet, Eugénie se croisa tout bonnement les bras, s’assit à sa fenêtre, contempla la cour, le jardin étroit et les hautes terrasses qui le dominaient ; vue mélancolique, bornée, mais qui n’était pas dépourvue des mystérieuses beautés particulières aux endroits solitaires ou à la nature inculte. […] Eugénie appartenait bien à ce type d’enfants fortement constitués, comme ils le sont dans la petite bourgeoisie, et dont les beautés paraissent vulgaires ; mais, si elle ressemblait à Vénus de Milo, ses formes étaient ennoblies par cette suavité du sentiment chrétien, qui purifie la femme et lui donne une distinction inconnue aux sculpteurs anciens. […] Eugénie, grande et forte, n’avait donc rien du joli qui plaît aux masses ; mais elle était belle de cette beauté si facile à reconnaître, et dont s’éprennent seulement les artistes. […] Ce concert d’éloges, nouveau pour Eugénie, la fit d’abord rougir ; mais insensiblement, et quelque grossiers que fussent les compliments, son oreille s’accoutuma si bien à entendre vanter sa beauté, que si quelque nouveau venu l’eût trouvée laide, ce reproche lui aurait été plus sensible alors que huit ans auparavant.
Déjà, nous ne croyons plus Wagner un fou sans talent ; — nous ne nions plus les beautés de ses morceaux, et nous le tenons quitte des crimes qu’il n’a jamais commis : — mais, promptement, il faudrait en finir de ces vieilles sottises, et franchir ce troisième degré, et, — lorsque, dans le reste du monde, l’Association Wagnérienne propage l’Œuvre de Bayreuth — il faudrait que nous voulussions bien voir en Wagner plus qu’un génie musical admirable, merveilleux, unique, et autre chose qu’un monstre de vanité, d’outrecuidance, de prétentieuse sottise. […] Et dans un tel monde, Beethoven, bien plus que Mozart, s’est trouvé, toujours, empêché de plaire par la beauté de ses œuvres. C’est que cette beauté était, pour lui, inséparable de la délicatesse intime. […] Maintenant, pour la première fois, l’Essence des choses se révèle à lui, apparaissant dans la splendeur sereine de sa Beauté.
* * * — « Malheur aux productions de l’art dont toute la beauté n’est que pour les artistes… » Voilà une des plus grandes sottises qu’on ait pu dire : elle est de d’Alembert. […] La beauté de la femme, c’est l’amour qui la regarde. […] Il m’a semblé voir l’œuvre de Victor Hugo, quand la postérité aura passé dessus, quand les mots seront rouillés, quand les pans superbes de l’édifice littéraire revêtiront la solennité de la ruine, quand le temps, comme un lierre centenaire, montera dans la beauté des vers. […] Samedi 8 septembre … Battant les rues, cette nuit, nous rencontrons deux jeunes filles, portant ces chapeaux qu’on voit dans les estampes à l’aquateinte d’après Lawrence, ces grands chapeaux d’où pend une dentelle noire, dont les pois semblent faire danser sur la figure des femmes des grains de beauté… Nous nous attablons avec elles, dans un jardin de café, et leur offrons une glace, un fruit, n’importe quoi.
J’ai des yeux qui ne voient pas uniquement les beautés du xviiie siècle, mais qui voient les beautés du siècle passé ainsi que du siècle présent. […] Aujourd’hui, comme dans un obi, une ceinture d’une beauté exceptionnelle, je me plaignais d’une terrible tache qui la déparait : « Oui, oui… mais vous posséderez peut-être, me répondit Hayashi, un peu de la transpiration d’une très belle Japonaise. » Ce soir chez Daudet, le petit Hugues Leroux me donne ce plaisant et réconfortant détail. […] cet homme qui, dans la souffrance, a des sensations distinguées, assaisonnées de remarques et de réflexions presque littéraires, lorsqu’il écrit, est absolument dénué de littérature, et ne se doute pas du tout de ce qui fait la beauté d’un livre.
Des cheveux annelés, un peu à la façon des cheveux-serpents d’une tête de Gorgone, l’œil à l’enchâssement mystérieusement profond, des yeux ombreux d’une sibylle dans une peinture de Michel-Ange, une beauté de lignes grecques dans un visage à la chair nerveuse, tourmentée, comme mâchonnée, et sous cette chair une cervelle qu’on sent hantée, par des pensées biscornues, perverses, macabres, ingénues, enfin un mélange de paysan, de comédien, d’enfant : c’est l’homme ; un être compliqué, mais d’où se dégage incontestablement un charme — quand ce ne serait que celui, de cette musique littéraire de son invention. […] » Et Daudet ajoute : « Cet homme sans tenue, se livrant à ce débordement canaille, était superbe. » Puis un moment, absorbé dans le souvenir de la beauté du jour, de la grandeur du paysage, de la sérénité des choses, Daudet dit, qu’au milieu de cela, ces deux êtres, avec leurs mouvements désordonnés pour se tuer, lui semblaient tragiquement comiques. […] car il trouvait une singulière et originale beauté au visage de toute femme qui jouit, même au visage de la dernière gadoue : beauté faite de je ne sais quoi qui vient à ses yeux, de raffinement que prennent les lignes de sa figure, de l’angélique qui y monte, du caractère presque sacré que revêt le visage des mourants, s’y voyant soudain, sous l’apparence de la petite mort.
Le souci que le poète philosophe montre toujours de rendre sa pensée avec une absolue exactitude, laquelle précisément communique à tant de ses pièces l’émotion et la beauté du vrai, se retourne, hélas ! […] Nous savons que la terre est sans piliers ni dôme, Que l’infini l’égale au plus chétif atome ; Que l’espace est un vide ouvert de tous côtés, Abime où l’on surgit sans voir par où l’on entre, Dont nous fuit la limite et dont nous suit le centre, Habitacle de tout, sans laideurs ni beautés. […] Mais le poète, pas plus que le philosophe, ne mesure à la durée la valeur, la beauté, l’éternité véritable des choses […] L’idéal ne perd pas sa vérité et sa beauté parce qu’on cesse de lui accorder une existence en dehors du cœur de l’homme et de le personnifier dans un homme agrandi.
Nous ne comprenons pas que M. de Chateaubriand, qui a fait un si beau livre et un livre souvent si sophistique sur les beautés poétiques de la religion chrétienne, se soit acharné à prétendre que le christianisme avait enfanté des foules de poèmes prétendus épiques, tantôt avec le merveilleux des contes arabes, comme dans le Tasse ; tantôt avec le merveilleux mixte de l’Évangile et de l’Olympe, comme dans le Dante ; tantôt avec le merveilleux des froides allégories, comme dans Voltaire, sans s’apercevoir que tous ces poèmes n’étaient pas les véritables épopées nationales du monde chrétien, mais que la Bible était la seule épopée, et que Moïse était le seul Homère des siècles et des peuples qui datent de la Bible. […] Malheureusement ce chef-d’œuvre est unique et il est isolé ; il est construit de matériaux bibliques, et ses dimensions n’égalent pas sa beauté. […] La beauté dans les œuvres de l’homme ne se mesure pas, elle se sent. […] Ce n’est plus le récit, c’est le drame ; ce n’est plus la draperie, c’est le nu ; ce n’est plus le portrait, c’est l’homme ; l’homme avec tous ses traits vivants, calqués sur les beautés comme sur les difformités de sa nature ; la photographie du siècle ; un roi, une cour, des flatteurs, des courtisans, des ambitieux, des hypocrites, des hommes de bien, des méchants, des femmes, des pontifes, une nation tout entière saisie au passage dans son mouvement le plus accéléré, et reproduite, non pas seulement par l’art, mais par la passion.
Souvent la beauté ou la nouveauté des idées couvre les vices du style. […] Mais de combien d’années d’études a-t-on payé la jouissance de ces beautés ! […] Le professeur en marquera les beautés et les défauts. […] L’harmonie, la sagesse et la beauté de Virgile en tout genre.
Mais si on aimait mieux le vrai que le beau, on ne désarmerait pas, même contre la beauté entraînante, et on la frapperait, en se détournant, quand cette beauté coupable aurait, comme la courtisane de l’Antiquité, compté sur la splendeur du sein qu’elle découvre pour se faire tout pardonner ! III Et d’ailleurs, en y regardant d’un peu près, cette beauté est-elle aussi incontestable que le disent ceux-là qui l’adorent ? […] Michelet croit leurs beautés, peuvent produire sur la moralité de celles qui les lisent un effet de jettatura funeste.
Il raconte qu’il a relu à la campagne les Œuvres de Bossuet et qu’il s’est plu, après chaque lecture, à rassembler ses réflexions sous forme de lettres à un ami : on parcourt utilement avec lui la suite des sermons, des traités théologiques qui renferment tous de si réelles beautés. […] Et il développe la beauté de ces paroles dans une paraphrase ou strophe pleine d’allégresse.
Ramond y fit son apprentissage d’explorateur hardi et léger ; dans ses promenades et ses excursions d’alentour, il exhalait ses rêves de première jeunesse, revoyait en idée les vieux temps évanouis, les comtes et les prélats guerroyants, les beautés recluses et plaintives, et il repeuplait à son gré de scènes touchantes ou terribles les ruines gothiques, les torrents et les rochers. […] Il faudra plus de vingt ans encore pour que le Werther de la France, celui qui s’approprie si bien à elle par sa beauté mélancolique, sa sobriété, même en rêvant, et son noble éclair au front, pour que René en un mot puisse naître ; il faudra plus de temps encore pour que l’élégie vraiment moderne, inaugurée par Lamartine, puisse fleurir et se propager.
Il m’écrit quatre mots fort galants : il y a longtemps que je n’avais ouï parler de la beauté de mes yeux… Dangeau, qui touchait à quatre-vingts ans, trouvait encore à faire son compliment galant à une autre octogénaire ; c’est bien de l’homme. […] il devient sensible que Monseigneur, même les jours où il chasse, chasse moins longtemps ; il se promène plus volontiers à pied dans les jardins : « Jeudi 2 (mai 1686), à Versailles. — Monseigneur alla courre le loup dans la forêt de Livry, d’où il vint d’assez bonne heure pour se promener avec les dames. — Mme la Dauphine passa l’après-dînée chez Mlle Bezzola. » Et le samedi 4, deux jours après : « Mme la Dauphine se devait embarquer sur le canal avec Monseigneur, qui lui avait fait préparer une grande collation à la ménagerie ; la pluie rompit cette promenade-là ; Monseigneur ne laissa pas d’y aller avec Mme la princesse de Conti. » Et toujours le refrain de chaque jour : « Mme la Dauphine passa l’après-dînée chez Mlle Bezzola. » Eh bien, tout cela veut dire : Monseigneur, qui n’était jusqu’alors qu’un farouche Hippolyte et un chasseur de bêtes sauvages, s’est apprivoisé ; il y a auprès de la princesse de Conti et dans sa suite quelque beauté qui a opéré le miracle ; la Dauphine, qui est maussade, et qui vit trop seule, enfermée avec sa Mlle Bezzola, a contribué peut-être à cet éloignement, et, comme elle en est triste, elle va en parler plus que jamais avec cette même Mlle Bezzola.
Il l’a rendu dans sa composition du Centaure avec une sève débordante, jointe à une beauté de forme et d’art qui, dans un coup d’essai, déclare un maître. […] Huit mois avant de mourir, il avait épousé une jeune personne indienne, élevée à Calcutta, et venue à Paris depuis peu d’années : « C’est en effet, dit Mlle de Guérin, une ravissante créature en beauté, en qualités et vertu, Ève charmante, venue d’Orient pour un paradis de quelques jours. » Le mariage se célébra à l’Abbaye-aux-Bois.
Mme de Montglat, beauté brillante et gracieuse, aimait la musique et les vers ; elle en faisait même d’assez jolis et chantait mieux que femme de France de sa qualité ; elle parlait et écrivait avec une facilité surprenante et le plus naturellement du monde. […] Paul Boiteau, qui a prononcé à ce propos, dans quelques vers qu’il a mis en tête du volume, les beaux noms de Grèce et d’Ionie, et qui a l’air de saluer en son auteur un des zélateurs sincères et des fidèles du culte de la beauté.
Aucun d’eux n’a su, je ne dis pas peindre la nature, mais même présenter un seul trait bien caractérisé de ses beautés les plus frappantes. » Là encore, à ceux même qui n’aimeraient ni la grenouille ni le hanneton, je dirai : « Je passe condamnation sur le peu d’élégance de l’expression, mais trouvez-moi dans le siècle un jugement de plus de bon sens. […] Le noble vieillard était flatté de se voir si compris et si adoré par une femme d’esprit et de vertu, qui avait encore des restes de beauté, et dont le mari, ne l’oublions point (car Buffon était sensible à ces choses), tenait une si grande place dans l’État : « Mon âme, lui écrivait-il galamment, prend des forces par la lecture de vos lettres sublimes, charmantes, et toutes les fois que je me rappelle votre image, mon adorable amie, le noir sombre se change en un bel incarnat. » Il a le cœur en presse, dit-il, la veille du jour où il doit l’aller voir ; mais s’il l’attend chez lui, elle, en visite, à Montbard, que sera-ce ?
Par là encore elles ne sont pas du premier ordre pour ce qui regarde la beauté, qui est l’endroit par où on les envisage et par où on leur applaudit. […] La plupart des hommes croiraient ne savoir pas vivre s’ils les entretenaient naturellement et d’autre chose que d’elles-mêmes ; il leur paraît que de ne pas dire à une femme, du moins de temps en temps, qu’elle est belle et qu’elle a de l’esprit, ce serait lui faire entendre que la beauté et l’esprit lui manquent.
Les douleurs même, à cette distance, disparaissent dans la grandeur et la beauté du couronnement. […] Du reste, je ne parle que du mien, que je crois le plus sérieux qu’il y ait au monde ; et ne pas se proposer la forme simple, c’est n’en comprendre ni la beauté ni la grandeur.
à une peau très-blanche et à des cheveux blonds, donnaient à sa beauté un tel éclat qu’il était difficile, à sa vue, de ne pas sentir tout à coup saisi et subjugué. […] Puis je lui parle, et il me semble qu’à sa manière elle m’entende et me sourie, et me dise : « Ne te rassasie pas de me couvrir de baisers ; tu en seras récompensé par ta douce amie, parce qu’autant que j’en ai reçu, elle t’en peut donner, s’il arrive que tu le lui redises en pleurant. » Ainsi parlait l’âpre poète devenu presque suave au moment le plus attendri : Et dans les années suivantes, quand il a été forcé de quitter Rome et de fuir son amie, et qu’il ne l’a pu rejoindre encore dans ce rendez-vous d’Alsace, mais lorsqu’il espère et prévoit que l’heure approche, il s’écrie dans un sentiment savoureux de vengeance et de prochain triomphe : Contre ceux qui l’ont séparé de sa dame (1783) « Qui donc ose m’éloigner de sa vue gracieuse, de la beauté réunie à la modestie, qui, avec son simple et délicieux sourire, nous fait à la fois l’aimer et la révérer !
L’élégie chez Millevoye n’est pas comme chez Parny l’histoire d’une passion sensuelle, unique pourtant, énergique et intéressante, conduite dans ses incidents divers avec un art auquel il aurait fallu peu de chose de plus du côté de l’exécution et du style pour garder sa beauté. […] C’est alors que les beautés attrayantes, volages, passaient et repassaient plus souvent devant ses yeux : Elles me disaient : « Compose De plus gracieux écrits, Dont le baiser, dont la rose, Soient le sujet et le prix. » A cette voix adorée Je ne pus me refuser, Et de ma lyre effleurée Le chant n’eut que la durée De la rose ou du baiser.
Et toutes ces impressions se fixaient dans de pénétrants sonnets : sonnets satiriques, plus larges que des épigrammes, plus condensés que des satires, expressives images des intrigues de la cour romaine et des corruptions de la vie italienne ; sonnets pittoresques, où la mélancolique beauté des ruines est pour la première fois notée, en face des débris de Rome païenne ; sonnets élégiaques enfin, où s’échappent les plus profonds soupirs de cette âme de poète, effusions douces et tristes, point lamartiniennes pourtant : elles ont trop de concision et de netteté, et il y circule je ne sais quel air piquant qui prévient l’alanguissement. […] Et là, ce sont bien des chefs-d’œuvre, les premiers du lyrisme moderne, qui s’épand en toutes formes, et, négligeant les factices distinctions de genres que seule la spécialisation rigoureuse des mètres maintenait chez les anciens, met la même essence, la même source d’émotions et de beauté dans l’ode et dans le sonnet, dans l’hymne et dans l’élégie : ces chefs-d’œuvre se constituent par l’ample universalité des thèmes, et par l’intime personnalité des sentiments : c’est de l’amour, de la mort, de la nature que parle le poète, mais il note l’impression, le frisson particulier que ces notions générales lui donnent, la forme et la couleur par lesquelles se détermine en lui leur éternelle identité.
Préoccupé de paraître en beauté, assisté de son état-major roman, il ordonna que la salle consignée aux intrus lui fût réservée. […] déclarait Wilde, que tout cela surpasse la beauté languissante des champs.
« Vivre à l’ombre de la beauté qu’on aime, à la regarder, à l’entendre, savez-vous une plus belle vie : une paresse agitée et contente, une oisiveté pleine de caprices ? […] En général, ces personnages du romancier sont fragiles : ils ne sont point bâtis ni constitués d’une argile terrestre bien forte, ni embrasés d’une étincelle du ciel bien ardente ; ils sont nés d’un souffle, animés d’un caprice, humides d’une goutte de rosée ; leur nom est jeunesse, beauté de dix-huit ans, facilité volage, oubli.
Ces monuments, environnés de bois et de rochers, vus dans tous les accidents de la lumière, tantôt au milieu des nuages et de la foudre, tantôt éclairés par la lune, par le soleil couchant, par l’aurore, devaient rendre les côtes de la Grèce d’une incomparable beauté : la terre, ainsi décorée, se présentait aux yeux du nautonier sous les traite de la vieille Cybèle qui, couronnée de tours et assise au bord du rivage, commandait à Neptune, son fils, de répandre ses flots à ses pieds. […] Au xviie siècle, la Grèce ne fut pas aussi bien comprise ni aussi fidèlement retracée qu’on se le figure : Boileau qui, à la rigueur, entendait Homère et Longin, est cependant bien plus latin que grec ; Racine, dans ses imitations de génie et en s’inspirant de son propre cœur, n’a reproduit des anciens chefs-d’œuvre tragiques que les beautés pathétiques et sentimentales, si l’on peut dire, et il les a voulu concilier aussitôt avec les élégances françaises.
On voit le saint sur son lit, on le voit de face, le chevet au fond de la toile, présentant la plante des pieds au spectateur, et par conséquent tout en raccourci ; mais la figure entière est si naturelle, si vraie, le raccourci si juste, si bien pris, qu’entre un grand nombre de personnes qui m’ont loué ce tableau je n’en ai pas trouvé une seule qui se soit apperçue de cette position, qui montre sur une surface plane le saint dans toute sa longueur, toutes les parties de son corps également bien dévelopées, la tête et l’expression du visage dans toute sa beauté. […] Le saint a la tête relevée sur son chevet, et les mains jointes sur sa poitrine ; cette tête est de toute beauté, le saint bien senti dans son lit, et les couvertures annoncent parfaitement le nu. à cette composition si vraie dans toutes ses parties il n’a manqué, pour être la plus belle qu’il y eût au sallon, que d’être peinte ; car elle ne l’est pas.
Le sentiment de la beauté n’est-il pas un sentiment moral ? et la beauté elle-même n’est-elle pas l’expression d’une chose toute morale ?
Ils veulent des pièces de résistance, et comme ils ne lisent pas en général pour des raisons très littéraires, mais pour passer le temps, quand ils sont oisifs, et pour se distraire, quand ils sont occupés ; comme ce ne sont pas des questions pour eux dans un livre que la profondeur des caractères ou la beauté du langage, ils se détournent naturellement de ce qui est fin, est susceptible de dégustation, pour se retourner vers ce qui est gros et peut s’avaler comme une pâtée… Alors les nouvelles, qui sont des romans concentrés, doivent être, en raison de leur concentration même, d’un très rare et d’un très difficile succès. […] C’est un anthropomorphite de la beauté.
c’est bien là, du côté de la Picardie et près de la mer, cette Normandie grasse et féconde, ouverte et reposée, sans beaucoup d’éclat, sans transparence, mais non sans beauté ni sans grandeur ; c’est bien elle avec ses ruines sévères, son ciel variable, sa forte terre de labour et sa végétation ni folâtre ni sombre, mais un peu uniforme dans sa verdure ; c’est bien la plaine d’Arques avec ses souvenirs d’Henri IV et de sa petite armée valeureuse, armée plus serrée et solide que brillante, sur laquelle la soie et l’or se voyaient moins que le fer ; héroïque tous les matins à la sueur de son front, et combattant pour un but lointain, mais sans perspective trop sereine.
Mais la pensée d’où il est éclos a un tel caractère de beauté morale, et en même temps les circonstances extérieures où il se déroule ont un tel air de réalité, qu’on est tenté de se demander : Pourquoi pas ?
On attribue exclusivement à Molière, à Racine, à Boileau et aux écrivains de leur temps, l’épuration de la langue et sa beauté.
Les trois mots grâce (pitié, don, beauté) représentent le seul mot gratia.
L’espoir de ramener ses contemporains, de leur apprendre à penser, à distinguer les beautés réelles de ce qu’il jugeoit n’en avoir que l’apparence, lui fit interrompre les fonctions les plus graves, pour se jetter dans des discussions littéraires.
Ce poème informe a pourtant quelques beautés qu’on chercherait en vain dans la Jérusalem.
Où est donc la beauté de la peinture ?
On a augmenté le nombre de ces livres si utiles aux éleves de Mars, en exécutant avec toutes les beautés typographiques le bel ouvrage intitulé l’Art de la Guerre, par M. le Maréchal de Puisegur.
Est-ce que cette reprise ne vous paraît pas, comme à nous, d’une naïve et profonde beauté ?
Ses personnages, à lui, ne sont que les ciceroni de l’odyssée qu’il fait faire à son lecteur à travers les plaines et les beautés grandioses du continent américain.
le mot de beauté, si on le leur applique, prend aussitôt des contours trop arrêtés : subitement s’y accusent le grain de la matière, le ciseau du sculpteur. […] C’est là, à mon sens, ce qui rend la position intellectuelle de Valéry à la fois si rare et si sûre : l’équilibre n’est que trop facile dans la plaine ou même à mi-côte : la beauté du cas, c’est que le phénomène se produise sur l’extrême pointe de l’esprit, que le corps prenne d’autant plus d’importance que l’esprit s’est avancé plus loin. […] Or l’art de prédilection des Goncourt est celui où la grâce tremble au sein même de la beauté ; c’est le mouvement de la forme qu’en leur œuvre ils visent toujours, et ce mouvement même, ils prétendent à le saisir de telle manière que dans leur transcription son tourbillon léger ne soit jamais suspendu. […] « Browning s’est peu soucié de la beauté verbale, sel qui conserve indéfiniment la pensée des poètes ». […] de quelle beauté spéciale, étrange, poignante, ces aiguilles mystiques qui surgissent chez les non-mystiques !
Un sens nous inclina vers le mystère, vers la beauté du ciel et des heures, une sensibilité émerveillée d’enfants devant un prodige. […] Et je t’adore, et je cherche en mon cœur Des paroles qui soient, Comme ta grâce et ta beauté divines. […] Mais des pièces telles que Le Patrimoine, Tes Père et Mère, La Souveraine, les Étapes, Le Gouffre, Les Liens ont une beauté tragique un peu rude et une grande noblesse : van Zype est le de Curel des Belges. […] Il ne se raffermit que le jour où il a foi en la beauté de la vie humaine, en ses travaux, en ses audaces, et son œuvre s’épanouit à partir de La Sagesse et la Destinée, avec la même sûreté que celle de Verhaeren, après Les Villes tentaculaires. […] Idem, « La Beauté intérieure », p. 251.
Le christianisme a ses fleurs comme il a ses fruits, ses beautés comme sa grandeur, sa poésie comme sa divinité. […] Réjouissons-nous pourtant de ce que les divines beautés de l’Évangile trouvent encore des admirateurs ; mais ne prenons pas pour du christianisme toutes ces admirations. […] Leur principale beauté est la grâce. […] Mais peut-être ce soin, trop exclusif, qui donne au détail du style de qualités inaccoutumées, peut nuire quelquefois à ses plus grandes parties, aux beautés d’ensemble, à la composition en un mot, dont la forme générale est aussi une idée, et concourt avec le reste à caractériser les objets. […] Tous ceux que la douce beauté de Rachel attire et entraîne auprès d’elle, deviennent les victimes de Mob.
Ajoutez dix pour cent pour les frais de vente, le prix des assurances et vous trouverez que l’acquéreur aura payé, surtout s’il n’a pas le placement immédiat de son achat, pas très loin de douze cent mille francs pour une curiosité périssable, qu’un accroc peut disqualifier, pour un tableau qui a déjà perdu beaucoup de beauté originelle et qui en perdra un peu tous les ans. […] Les femmes qui veulent à la fois paraître des beautés et des penseuses se méprennent sur leurs possibilités : il faut opter. La forme inesthétique donnée à leur visage, pourrait dire Rouveyre, est un hommage à leur intelligence : la beauté pure ne pense pas. […] Ce serait, du reste, une étude à faire que celle des styles professionnels. » Il n’eût pas manqué, s’il avait entrepris une telle étude, de s’éjouir du style judiciaire qui n’a toute sa beauté et toute son originalité, toute sa liberté que les « Attendus ». […] On peut fort bien gouverner ou présider un pays dont on connaît médiocrement les beautés naturelles.
Il n’y a pas de beauté particulière, et cette beauté ne consiste pas à aligner des mots dans un certain ordre ; il n’y a que des phénomènes humains, venant en leur temps et ayant la beauté de leur temps. […] En floréal, cet énorme buisson, libre derrière sa grille et ses quatre murs, dans le sourd travail de la germination universelle, tressaillait au soleil levant presque comme une bête qui sent la sève d’avril monter et bouillonner dans ses veines, et, secouant au vent sa prodigieuse chevelure verte, semait sur la terre humide, sur les statues frustes, sur le perron croulant du pavillon et jusque sur le pavé de la rue déserte, les fleurs en étoiles, la rosée eu perles, la fécondité, la beauté, la vie, la joie, les parfums. […] Une composition serrée peut contribuer à la beauté d’une œuvre ; il s’en faut qu’elle la constitue toute seule.
En général, le poétique n’est pas la même chose que le beau ; la beauté réside surtout dans la forme, dans ses proportions et son harmonie, le poétique réside surtout dans ce que la forme exprime ou suggère, plutôt qu’elle ne le montre. […] On a donc eu raison de dire que ce qui fait le charme poétique de la beauté même, c’est ce qui en dépasse la forme finie et éveille plus ou moins vaguement le sentiment de l’infini, par cela même celui de la vie, qui enveloppe toujours pour nous quelque chose d’insondable comme une infinité254. […] Comparez un œil de verre et un œil vivant : derrière le premier, il n’y a rien ; le second est pour la pensée une ouverture sur l’abîme sans fond d’une âme humaine… Toute vraie beauté est, soit par elle-même, soit par ce que nous mettons de nous en elle, une infinitude sentie ou pressentie255. » Cette théorie de l’infinité évoquée par les formes mêmes du beau nous semble un correctif nécessaire de la théorie mécanique de Spencer, car, au lieu de voir surtout dans le style une économie à réaliser, elle y voit une prodigalité à introduire. […] Hugo abonde en beautés de ce genre comme il abonde aussi, par malheur, en pures amplifications. […] La richesse constante de la rime est le pendant de l’emphase oratoire qui faisait la beauté du style au temps du premier empire, et qui nous fait sourire aujourd’hui.
Or, il n’y a pas à dire, ce « projet de fontaine » est d’une vraie beauté, et, d’ailleurs, s’il est sujet qui convienne à un monument de ce genre, c’est bien le mythe des cinquante immortelles puiseuses de l’eau toujours fuyante. […] Il y a dans cette fin de Bérénice comme un grand mouvement ascensionnel, une contagion montante d’héroïsme qui rappelle, malgré la différence de la matière, le dernier acte de Polyeucte, et qui est d’une suprême beauté, — et si triste ! […] (Comparez à Solness le livre original, chargé de pensée, fumeux parfois, et d’une beauté sombre, de M. […] Le dernier tableau me paraît d’une grande beauté Le vieux tisserand Hilse semble un échappé des romans de Tolstoï. […] Un peu ridicule à le prendre par le menu, l’ameublement Empire donne, dans son ensemble, une impression de beauté et de fierté.
Brifaut est toujours aimable et bon ; il quittera Maintenon à regret, il est dans son élément : les beautés de ce royal château, les souvenirs de Louis XIV et de Mme de Maintenon, mais surtout le plaisir de se voir entre la duchesse de Noailles et la duchesse de Talleyrand, sont des jouissances dont il ne se lasse pas.
Là des beautés tristes et pâles, Maudissant leurs feux violents, Murmuroient contre leurs galants Ou se plaignoient de leurs rivales.
On peut y désirer aussi une inspiration individuelle plus marquée, plus de passion ; mais les beautés sont nombreuses, incontestables ; la poésie spiritualiste a retrouvé dans Laprade un noble organe.
Le poète érotique pour nous, c’est celui qui transporte la patrie, la liberté, l’humanité, dans l’amour, qui consacre les tourments et les désirs de la volupté par des douleurs et des espérances bien autrement viriles ; c’est celui qui nous enivre de notre gloire en même temps que de la beauté, qui, dans le délire des sens, a une pensée encore pour les malheurs du monde : nommons-le, le poète érotique pour nous, c’est Béranger, plaçant le message d’Athènes jusque sous l’aile de la colombe amoureuse.
Si grossières et pauvres que soient les formes où se réalise actuellement cette conception morale, il suffit qu’elle existe pour en faire émaner une lueur de noblesse et de beauté.
De Pongerville On reconnaîtra que Lemercier possédait une partie des éminentes qualités du grand écrivain, mais qu’il lui manquait le sentiment exquis, le gout qui en dirige l’emploi ; il méconnut trop souvent la précision harmonieuse du langage, la beauté des formes qui donnent la vie et la durée aux créations idéales.
Semblable à un Architecte, qui, sur les débris informes d’un édifice miné, en traceroit le plan, en dessineroit les proportions, en sentiroit les beautés & les défauts, & assigneroit, sur les plus foibles indices, la cause de sa chute : son génie, par d’heureuses combinaisons, a ranimé les objets effacés, a rappelé ceux qui avoient disparu, en a recréé de nouveaux, pour achever le tableau qu’il vouloit mettre sous les yeux.
Voyons si dans ce qu’on appelle le merveilleux, elle ne le dispute point en beauté à la mythologie même.
Il n’y avait, en effet, que le catholicisme, cette religion de Palestrina, de Raphaël et du Tasse, qui pût étancher la soif d’adoration extérieure et de beauté plastique dont est naturellement dévoré ce poète méridional, à moitié italien et à moitié grec, ce Virgilien, cet Homéride, imagination profondément religieuse comme toutes les grandes imaginations !
Que cette considération puissante nous engage à juger moins témérairement Aristophane, à priser ses ouvrages, et à les recevoir en exemples des beautés qui peuvent naître, indépendantes des formes auxquelles nous nous assujettissons. […] et comment le mépriser pour ses défauts, puisqu’ils sont couverts de mille beautés originales, et qu’on ne trouve qu’en lui ? […] Ce sont là des beautés de tous les temps et de de tous les lieux. […] La beauté de cette invention éclata dans ses chefs-d’œuvre, et lui valut ces titres de supériorité qu’on ne lui ravira plus. […] Sa jeunesse, sa beauté, sa contenance, ne vous révèlent-elles pas l’espèce de tort qu’on lui faisait payer ?
Dans un jeune univers, si tu dois y renaître, Puisses-tu retrouver la force et la beauté ! […] Versez les chastes jours et les nuits profanées, Et l’asphodèle vierge et les roses fanées ; Versez votre douleur, versez votre beauté. […] Ce que la loi rejette est pris par l’Évangile, Des épis oubliés sa moisson s’enrichit ; À lui tout ce qui pleure et tout ce qui fléchit ; À lui la pénitente obscure et méprisée ; À lui le nid sans mère, et la branche brisée ; À lui tout ce qui vit sans filer ni semer ; À lui le lis des champs qui ne sait qu’embaumer, L’oiseau qui vole au ciel, insoucieux, et chante ; À lui la beauté frêle, et l’enfance touchante, Et ces hommes rêveurs qui sont toujours enfants.
Dans l’Olive, où il compare toutes les beautés de sa maîtresse à celles de la nature, Charles Fontaine, l’un des poëtes attaqués dans l’Illustration, notait, sans trop exagérer, cinquante fois, en quatre feuilles de papier, ciel et cieux, armées et ramées, oiseaux et eaux, fontaines vives et leurs rives, bois et abois, et tout un vain travail de la mémoire, répétant sans cesse les mêmes mots, à la place de l’inspiration qui les renouvelle et les varie à l’infini. […] En désirant que la langue poétique fût riche, noble, harmonieuse, Ronsard avait le sentiment exact non-seulement de ses besoins actuels, mais de ses futures beautés. […] Malgré la précoce beauté de ces grands traits de philosophie chrétienne, qui sont la part de la Réforme dans Ronsard, et quoiqu’il y ait en beaucoup d’endroits de son recueil de l’imagination, du feu, de la fécondité, quelque invention de style, ce poète équivoque placé entre les petites perfections de la poésie familière de Marot et la haute poésie de Malherbe, ne sera jamais un auteur qu’on fréquente ; mais, comme représentant d’une époque, il y aura toujours justice à l’apprécier et profit à l’étudier.
Tel est, dans sa simplicité poignante, ce drame musical, et nous n’avons pas même tenté — connaissant l’insuffisance de notre parole — d’exprimer les beautés poétiques et musicales dont il abonde, il est enveloppé tout entier de ténèbres et de tempêtes ; il est lui-même comme un grand vaisseau battu sans fin par l’orage ; tous les vents de l’abîme soufflent, toutes les voix des profondeurs mugissent dans ses sauvages harmonies, et l’âme du spectateur se sent entraînée, roulée, dispersée dans les noires vagues de la mer. […] Si nous considérons chez maints modernes compositeurs allemands, le désordre sans bornes, le gâchis des formes, par lesquelles si souvent ils nous gâtent la joie de beaucoup de beautés isolées, nous désirerions bien voir ces pelotes enchevêtrées mises en ordre par cette forme italienne fixe ; et en effet, si elle est, avec tous ses sentiments et sensations, entièrement coordonnée et saisie d’un ferme trait en une claire et convenante mélodie, l’instantanée et simple compréhension de toute une passion sera de beaucoup plus facile, que lorsque, par mille petits commentaires, par telle ou telle autre, nuance d’harmonie, par le timbre de tel instrument ou de tel autre elle aura été cachée et à la fin tout à fait subtilisée. […] Il n’y avait pas de drame allemand ; mais le sauveur nous est trouvé ; la complète beauté des formes lyriques et du dialogue dramatique ne pouvait s’accomplir que par le mariage de la parole avec la musique ; et ce n’est qu’à cette condition que le monde mythologique allemand pouvait être réveillé à une nouvelle vie.
Est-ce qu’on nommera pensée et tentative d’idéalisations directrices de l’entendement humain, et plutôt, ne les dira-t-on pas travaux de passivité mais d’une tare de sénilité quand si souvent on les reprend, et dangereuses imaginations, — qui en l’emphase de redites traditionnelles, d’une Beauté stérile et d’un Destin mensonger entretenaient nos désirs et notre nostalgie sans pantèlements à remuer le soleil et le nuage, depuis que déclinèrent en perte de sens vers les régions du ponant les énormes morphismes primordiaux des cosmiques Forces. […] Cette image est le mot. » Et, — c’est aux poésies de l’Inde pourtant, encore ainsi qu’aux sources de tout Émoi, que nous remonterons pour avoir, non plus d’hésitants et partiellement entendus et presque étonnés avisements qui ne paraissent venus que d’elles, mais la mise en œuvre, en un art supérieur aux secrètes et intenses Beautés, où, — correspondance des sons et des idées, un sens adventice suggéré en sonorités appropriées, vient en prolongement du sens des mots précisément exprimé. […] ne hanta pas de Beautés impossibles à réaliser mon cerveau qui tout de suite, ne put pas séparer en ses conceptions le geste des hommes des nocturnes et stellaires expansions.
Et tout le monde d’ici est humilié, très humilié de cela, et proclame que la pesanteur n’est rien, et que tout est dans la beauté des circonvolutions, et que Gambetta a les plus belles circonvolutions du monde : des circonvolutions à bourrelets qui étaient à l’étroit dans sa puissante boîte crânienne. […] Il y aura dans ce livre une scène de rupture de la plus féroce beauté. […] Mardi 11 septembre Un moment aujourd’hui, la conversation s’arrête sur la beauté de la princesse dans sa jeunesse.
Marie Tudor est reine et amante ; en Gwynplaine la laideur physique offusque la beauté morale ; le forçat 24601 devient en quelques heures le plus noble des hommes, et le sultan Mourad, toujours inexorable à tous, eut un instant pitié d’un porc. […] Hugo correspond à un monde, plus simple que le nôtre, elle correspond également à un monde gigantesque, où des rafales aux passions, des arbres aux crimes, de la beauté des cieux à la misère des humbles, tout est plus grand, plus fort, plus magnifique et plus enthousiasmant, qu’en ce globe par comparaison infime. […] Il ne faut pas que cette explication qui, comme tous les principes, paraît moindre que les effets causés, fasse illusion sur la beauté et la grandeur de l’œuvre de M.
Si je ne vous ai point parlé des unités, quoique bien convaincu qu’elles sont nécessaires, indispensables même pour nous conduire à des beautés supérieures, c’est qu’il est des circonstances où le sujet peut forcer à en secouer le joug. […] Il suffisait pour cela qu’une phrase blessât la coquetterie de l’actrice en faveur, qu’on y parlât mal de l’âge ou de la beauté du personnage qu’elle représentait, que l’acteur son rival fût plus applaudi qu’elle, qu’elle eût un congé pour aller faire ses récoltes départementales, ou enfin qu’il lui plût de ne pas jouer la pièce par un simple caprice, pour une partie de plaisir de quelques jours. […] Victor Hugo était suivi d’une douzaine de ses admirateurs qui, pendant la lecture, s’extasiaient sur la beauté des vers d’Hernani ; ils s’écriaient dans leur enthousiasme : Que cela est beau !
Parlant de la beauté physique et morale d’une femme, il nous montre une beauté qui laisse passer l’âme sans jamais l’interrompre, qui « éteint autour d’elle tout ce qui n’est pas vrai ». […] Le fameux improbus labor n’y peut rien, et l’un d’eux, Gabriel Morsalines, tombe amoureux fou d’une petite voisine, d’une jeune fille remarquable par sa beauté autant que par son intelligence. […] Les beautés d’architecture et d’ameublement du gothique, par exemple, répondaient à des besoins moraux et physiques de leur temps et n’ont aucune raison de se manifester au nôtre. […] La beauté du château surprit le grand-duc, habitué cependant à la magnificence de la cour de Catherine II. […] Les vierges se marient de dix à quatorze ans et valent, suivant leur laideur ou leur beauté ; de 500 à 5 000 francs.
Ses grandes amoureuses suppliciées ne s’attachent que fort accessoirement à la beauté d’âme de leurs amants. […] Elles venaient à moi… Toutes deux de merveilleuse beauté, elles étaient sœurs, de même sang. […] Ils sont, finalement, beaux et vivants, dans la mesure où chacun de ces épisodes exprime la vie ou donne l’impression de la beauté. […] L’application des bonnes règles, la composition, l’harmonie qui en résulte, ont leur beauté. […] Dupont, cherche une femme pour son fils Antonin, C’est ici que le mariage bourgeois apparaît dans toute sa beauté.
Ce ne sera pas mal employer le temps que de chercher à celui-ci sa place, et d’expliquer par quelles raisons et dans quelle mesure il doit manquer ou atteindre la beauté et la vérité. […] L’homme est païen aussi bien que chrétien ; la nature a deux faces ; plusieurs races, l’Inde, la Grèce, l’Italie n’ont compris que la seconde, et n’ont eu pour religions que l’adoration de la force dévergondée et l’extase de l’imagination grandiose, ou bien encore l’admiration de la forme harmonieuse avec le culte de la volupté, de la beauté et du bonheur. […] Vous voyez à quel degré et avec quel excès Carlyle a le sentiment germanique, pourquoi il aime les mystiques, les humoristes, les prophètes, les écrivains illettrés et hommes d’action, les poëtes primesautiers, tous ceux qui violentent la beauté régulière par ignorance, par brutalité, par folie ou de parti pris. […] Carlyle parle avec une indifférence méprisante1448 du dilettantisme moderne, semble mépriser les peintres, n’admet pas la beauté sensible. Tout entier aux écrivains, il néglige les artistes ; en effet, la source des arts est le sentiment de la forme, et les plus grands artistes, les Italiens, les Grecs, n’ont connu, comme leurs prêtres et leurs poëtes, que la beauté de la volupté et de la force.
Zola n’a-t-il pas même écrit que, s’ils étaient beaux, c’était « d’une beauté de bête » ! […] Ce n’est pas tout encore : du milieu des choses prosaïques et basses de l’existence, il reste alors à dégager ce qu’elles enferment de beauté secrète. […] Et voilà pourtant ce qui fait, au contraire, la dignité, la profondeur, je puis bien dire la réelle beauté du naturalisme anglais jusque dans l’imitation même de la laideur. […] » Et encore : « Ce fut l’occasion d’une cérémonie où l’eau et le savon jouèrent le principal rôle, et de laquelle la petite fille sortit avec une nouvelle beauté. […] S’ils tracent encore le portrait d’une coquette comme Hetty Sorel, que de faute en faute il s’agisse de faire tomber jusqu’à l’infanticide, ils ne lui donneront pas « un genre de beauté comme celui des petits chats ou des très jeunes canards au fin duvet, faisant un doux caquetage, ou des petits enfants qui commencent à marcher et à essayer de faire des malices », mais une beauté lourde, vulgaire, sensuelle, s’ils sont naturalistes ou soi-disant tels ; une beauté fatale, prédestinée, respirant le crime, s’ils croient être idéalistes ; et de toute manière un genre de beauté qui prépare l’imagination du lecteur au crime dont le récit va venir.
Un grand artiste incorporera à son art l’allégorie consciente, il saura en tirer une beauté. […] Quand le sculpteur représente en face de l’Église fière et droite la Synagogue aux yeux bandés, et appuyée sur un roseau qui se brise, nous ne séparons pas dans l’œuvre la beauté de l’exécution et la beauté de l’idée. […] Elle n’en est que plus belle, et cette ; beauté c’est une promesse de bonheur. — Pour elle ou pour vous ? […] Bourget, outre l’élément de vérité, un élément de beauté dans cet art si complexe du roman. Cet élément de beauté c’est, à mon sens, la composition.
Il avait la bienséance de la vérité ; il plaisait, il intéressait, il émouvait ; on sentait dans sa mâle beauté le fils d’une de ces belles Arlésiennes, statues vivantes de la Grèce, qui palpitent dans notre Midi. […] Les mûriers sont pleins de jeunes filles que le beau temps rend gaies et rieuses, telles qu’un essaim de blondes abeilles qui dérobent leur miel dans les champs pierreux. » X Ici Vincent, dans des stances timides et indirectes, compare la beauté de sa sœur à celle de Mireille, et, à chaque compliment qui l’étonne et la flatte, laissant de nouveau échapper la branche de l’olivier : « Oh ! […] La grande poésie est de même race que la grande beauté : elle sort de la mer. […] voilà de ces épopées sur lesquelles les grossières imaginations du peuple inculte se façonnent, se modèlent, se polissent, et font passer avec des récits enchanteurs, de l’aïeul à l’enfant, de la mère à la fille, du fiancé à l’amante, toutes les bontés de l’âme, toutes les beautés de la pensée, toutes les saintetés de tous les amours qui font un sanctuaire du foyer du pauvre !
La médiocrité et le goût barbare des constructions ; la ridicule et mesquine magnificence du petit nombre de maisons qui prétendent au titre de palais ; la saleté et le gothique des églises ; l’architecture vandale des théâtres de cette époque, et tant, tant, tant d’objets déplaisants qui, tous les jours, passaient devant mes yeux, sans compter le plus amer de tous, ces visages plâtrés de femmes si laides et si sottement attifées ; tout cela n’était pas assez racheté à mes yeux par le grand nombre et la beauté des jardins, l’éclat et l’élégance des promenades où se portait le beau monde, le goût, la richesse et la foule innombrable des équipages, la sublime façade du Louvre, la multitude des spectacles, bons pour la plupart, et toutes les choses du même genre. […] Il m’en était resté dans les yeux et en même temps dans le cœur une première impression très agréable ; des yeux très noirs et pleins d’une douce flamme, joints (chose rare) à une peau très blanche et à des cheveux blonds, donnaient à sa beauté un éclat dont il était difficile de ne pas demeurer frappé, et auquel on échappait malaisément. […] entré dans la triste saison des désenchantements, de plus en plus je m’enflamme pour elle, à mesure que le temps va détruisant en elle ce qui n’est pas elle, ces frêles avantages d’une beauté qui devait mourir. […] Charles-Édouard n’avait oublié aucun de ses titres ; ce vieillard, usé par l’intempérance, qui s’agenouille péniblement sur ces coussins de velours auprès de cette jeune femme aux yeux bleus, aux cheveux blonds, éblouissante de grâce et de beauté, c’est Charles III, roi d’Angleterre, de France et d’Irlande, défenseur de la foi.
Léon Frapié L’art littéraire a pour objet la recherche de la beauté suprême, et la beauté suprême c’est : l’amour humain. […] Hazard, chargé de cours à la Sorbonne Le xixe siècle a restitué aux lettres françaises le sens de la beauté ; et ce fut le mérite du romantisme. […] C’est la beauté du romantisme, du naturalisme, du symbolisme que ces recherches ardentes.
Et ailleurs : ……………………………………………………… Mais, malgré tes malheurs, pays choisi des dieux, Le ciel avec amour tourne sur toi les yeux ; Quelque chose de saint sur tes tombeaux respire, La barbarie en vain morcelle ton empire, La nature, immuable en sa fécondité, T’a laissé deux présents : ton soleil, ta beauté ; Et, noble dans son deuil, sous tes pleurs rajeunie, Comme un fruit du climat enfante le génie. […] Il y avait là, sous les plis lourds des étoffes rouges et vertes des vêtements de ces villageoises, des beautés, des majestés, des grâces sévères que je n’ai jamais retrouvées qu’en parcourant les montagnes de la Sabine et du Vulturne, ou dans l’incomparable tableau des Moissonneurs de Léopold Robert, ce Virgile du pinceau, qui a égalé le Virgile des Géorgiques. […] Elle survivait à son poète ; elle habitait Florence ; j’étais à quelques pas de son palais ; j’avais un accès naturel et presque obligé auprès d’elle, et je pouvais voir, le soir même, celle dont la beauté, le cœur, les aventures, les disgrâces et la gloire poétique avaient tant occupé ma première imagination. […] Les traits de son visage, trop arrondis et trop obtus aussi, ne conservaient aucunes lignes pures de beauté idéale ; mais ses yeux avaient une lumière, ses cheveux cendrés une teinte, sa bouche un accueil, toute sa physionomie une intelligence et une grâce d’expression qui faisaient souvenir, si elles ne faisaient plus admirer.
Tout en s’ennuyant de ne rien faire, le prince de Ligne a son quartier à Iassy ; il y voit les boyards et les femmes des boyards, les belles Moldaves, les indolentes Phanariotes, les Grecques à demi asiatiques qu’il décrit avec leur grâce, leur nonchaloir et leurs danses : « On se fait des mines, on se sépare presque, on se retient, on s’approche, je ne sais comment ; on se regarde, on s’entend, on se devine, on a l’air de s’aimer… Cette danse-là me paraît fort raisonnable. » On y voit les jolies femmes de Iassy recevant le ton de Constantinople et préoccupées de l’idéal de beauté turque, qui consiste à être grasse et à avoir du ventre. […] Mais les circonstances les empêchent de paraître comme eux ; en attendant examinez l’esprit, la beauté de leurs yeux, la vivacité ou la noblesse même de leur langue grecque vulgaire.