Blot, Georges [Bibliographie] Heures de rêve (1893). […] Cette alliance de la poésie et de la pensée a été le rêve de ma vie. […] [Lettre-préface aux Heures de rêve (1893).]
Henri Albert La Gardienne : En un décor de rêve, par un soir d’automne, dans une contrée septentrionale, tandis qu’à l’horizon vaporeux planent des nuées de tristesse et que le paysage tout entier s’enveloppe de silence et de grisaille, le Maître sort de la forêt mélancolique et s’approche, le front bas, de l’antique manoir de ses jeunes années. […] mon soir en pleurs retourne à son matin… Ils le laissent, car, au milieu des débris de son moi d’autrefois, il retrouvera le solitaire bonheur que la fuite hors du rêve lui avait fait perdre. […] Chacun pouvait retrouver en ce spectacle les emblèmes de propres pensées secrètement enfouies, d’espoirs, de désillusions et de rêves, et tous ceux qui sont « affligés d’âme » écoutaient en silence cette étrange symphonie, évoquant, dans un décor presque quelconque, les symboles qui convenaient à leur bon plaisir. […] Mais les visions qu’il rêve se prêtent, on le dirait, d’elles-mêmes à l’harmonie. — Une fée le toucha de sa baguette fleurie lorsqu’il naquit, et de cette caresse enchantée ses yeux s’ouvrirent à la Beauté. […] Francis Vielé-Griffin, son compagnon de route et qu’il faut compter également parmi eux, fut aussi de « ces jeunes hommes qui, guidés par leur seule foi dans l’Art, s’en furent chercher Verlaine au fond de la cour Saint-François, blottie sous le chemin de fer de Vincennes, pour l’escorter de leurs acclamations vers la gloire haute que donne l’élite ; qui montèrent, chaque semaine, la rue de Rome, porter l’hommage de leur respect et de leur dévouement à Stéphane Mallarmé, hautainement isolé dans son rêve ; qui entourèrent Léon Dierx d’une déférence sans défaillance et firent à Villiers de l’Isle-Adam, courbe par la vie, une couronne de leurs enthousiasmes ».
Le rêve de Shakespeare et de Léonard n’est pas moins que celui de Beethoven le rêve de l’infini. […] Sa fonction est de réaliser en rêve le désir de bonheur qui fait le fond de notre vie intime. […] L’homme a dans ses rêves des refuges splendides, dans son amour des joies inépuisables. Le rêve et l’amour sont à tous ! […] Paris a cru prendre la succession romaine et ç’a été le rêve de quelques années.
Suis-je vraiment libre quand je rêve ? […] Dans notre rêve nous les trouvons infiniment belles. […] Je suppose que l’on ne rêve pas seulement, mais que vraiment on compose. […] Tandis que l’homme positif met ses rêves au service de sa réflexion, le poète met sa réflexion au service de ses rêves. […] Recherches expérimentales sur les rêves.
De purs mystiques, hantés par un idéal du passé, imprégnés de l’esprit chrétien, des êtres de rêve, séparés de la nature et de la vie par une barrière de préjugés. […] Tout ce qui s’oriente vers le passé est mort-né : aussi, son rêve, sans rapport avec la réalité présente, demeure-t-il infécond. […] Son rêve d’esthéticien lui a voilé l’ensemble du monde. […] L’école qui semble au début basée sur la scrupuleuse recherche de la vérité — uncompromising truth — aboutit en réalité à un rêve d’artiste mystique conçu en dehors de toute réalité. […] Leur peinture de rêve, privée de muscles, de chaleur et de sang, de soleil et d’air, dévorée de langueur, ne s’adaptera jamais aux conditions de la terre.
La mort le surprit sur un grand rêve : attitude naturelle et nécessaire, aux minutes suprêmes, chez qui ne vécut que pour le rêve. […] Sur le rêve de cette fiole il s’obstine avec la patience d’un Balthazar Claës. […] Il parlait à travers les nuages, en des mots imprécis, en une forme de rêve. […] Il le rêve, et puis il réfléchit. […] Je ne dis pas qu’il le pratique, mais qu’il le rêve.
Cette conscience de solidarité entre les ouvriers de toutes les cités est une parcelle de cette immense et totale solidarité vers laquelle nous nous acheminons en poursuivant un rêve qui s’incarne. […] Action et rêve se combinent ; il combat pour l’amour et rêve de liberté plus entière, il lutte pour la liberté et rêve d’amour plus chaleureux, avec les mêmes paroles ardentes et bouillonnantes où s’enfle et tourbillonne un plein souffle de nature. […] Imaginez un être incarnant un rêve énorme et constant, vivant une perpétuelle ivresse débordante ; non pas un rêve inconsistant et trop loin de la terre pour s’y mêler, mais un rêve modelé dans la chair et nourri du même sang, un rêve puissamment lié aux choses vitales, animé du souffle de la vie totale, « où grondent les sèves et s’élaborent les germinations splendides »40 et vous entreverrez le poète. […] Pourquoi dès lors vous déclarer non solidaires des êtres qu’un affinement spirituel moindre vous fait juger comme étant de valeur nulle, et des choses dont la forme ne correspond pas en tous points à la formule de vos rêves ? […] Nous sentons clairement, irrésistiblement, sans nulle hésitation, sans nulle obscurité, que le Dieu qui trônait dans l’azur céleste, monstrueuse image de l’absolue monarchie, s’est effacé comme un mauvais rêve, comme un hallucinant cauchemar, d’où les premiers rayons du jour viennent nous arracher.
Dans mon rêve, je me voyais tout garrotté, et l’on me poussait vers la guillotine en me roulant comme un tonneau. Je fus très vivement impressionné de ce rêve. […] Le rêve lui revient pendant la veille. […] — J’ai eu moi-même, à la vérité dans un rêve, une vision semblable (novembre 1869). […] Elle ne peut, me dit-elle, mieux le comparer qu’à un mauvais rêve ». — Beaucoup d’hallucinés font, après leur guérison, des déclarations semblables. — L’analogie du rêve et de l’hallucination est certaine.
Et nous connaissons son rêve ! C’est le rêve, plat et borné, qui traduit exactement l’état actuel de la cervelle humaine. Ce n’est pas même un rêve : c’est la réalité de ces temps misérablement avilis ; c’est le rationalisme de la bête ratiocinante, et qui, toutes ses autres facultés éteintes, ne veut plus que ratiociner. […] Tu regardes avec pitié nos pauvres rêves Et nos larmes avec dégoût. […] Ni poète, ni fleur, ni rêve, ni verdure.
Imaginez quelque chose d’aussi spontané, d’aussi gracieusement incohérent, d’aussi peu oratoire et discursif que certaines rondes enfantines et certaines chansons populaires, des séries d’impressions notées comme en rêve. […] Par exemple, il nous dit qu’il rêve d’une femme inconnue, qui l’aime, qui le comprend, qui pleure avec lui ; et il ajoute : Son nom ? […] C’est presque de la poésie avant la parole : c’est de la poésie de limbes, du rêve écrit. […] Allons, tu vois, je reste, Et je dorloterai les rêves de ta sieste, Et tu chantonneras comme un enfant bercé. […] la nuance seule fiance Le rêve au rêve, et la flûte au cor… D’autre part, il est tout simple : Je suis venu, calme orphelin, Riche de mes seuls yeux tranquilles, Vers les hommes des grandes villes : Ils ne m’ont pas trouvé malin.
L’inconnu, même dans le rêve, nous est interdit. […] De l’amour de la femme, ou de l’amour du rêve de la femme, qui mène à Dieu, il fit l’amour et le rêve de tout. […] Jamais il n’a péché contre le rêve et l’idéal. […] Villiers de l’Isle-Adam a vécu dans le rêve, par le rêve, pour le rêve. […] Elle va nonchalante ; elle fait, avec de beaux rêves et de belles images, comme si ce n’étaient pas de beaux rêves et de belles images. » Et je n’ai pas changé d’avis.
C’est donc par un excès de loyauté et de délicatesse artistique que les Parnassiens se déclaraient impassibles, ne voulaient exprimer que la beauté des contours et des couleurs ou les rêves et les sentiments des hommes disparus. […] Il descend de ces conquistadores qu’il aime tant, et dont la vie a été comme un rêve sublime. […] Chacun d’eux résume à la fois beaucoup de science et beaucoup de rêve. […] Ces tableaux où se plaît son rêve enchanté, il les évoque souvent parce qu’ils sont beaux, mais quelquefois aussi parce qu’ils ne sont plus. […] Je ne lui demande qu’une chose : Qu’il continue de feuilleter le soir, avant de s’endormir, des catalogues d’épées, d’armures et de meubles anciens, rien de mieux ; mais qu’il s’accoude plus souvent sur la roche moussue où rêve Sabinula.
Cependant, lorsqu’il cherche le fait caractéristique de la folie, il le trouve dans l’identité du rêve et du délire. […] Dans le rêve somnambulique, les analogies se multiplient encore ; le dormeur agit suivant ses conceptions erronées. […] Moreau de (Tours), le rêve de l’homme éveillé. Fort bien ; mais qu’est-ce qu’un rêve ? […] Définir la folie par le rêve, c’est donc en donner une définition psychologique, non physiologique.
Mallarmé assemble des gemmes colorées par son rêve et dont notre soin n’arrive pas toujours à deviner l’éclat. […] Laissons qu’ils jouent, pendant que celui-ci nous accueillera et nous dira un peu de son rêve. […] Villiers se réalisa donc à la fois par le rêve et par l’ironie, ironisant son rêve, quand la vie le dégoûtait même du rêve. […] Écoutez : pas un rêve ne bouge. […] L’imagerie qui ne se voit que les yeux clos … les rêves.
. — Rêves blancs (1894) […] Nous avons déjà de lui les Rêves blancs, dont je vous ai parié avec sympathie, un curieux et ingénieux roman Pierre Robert, où il y a du lyrisme, de la passion et je ne sais quelle étrangeté qui n’est pas toujours factice. […] Adolphe Boschot nous offre, dans ses Poèmes dialogués, une pure essence de poésie : quelque chose de doux, de profond, de sincère, de pénétrant, des rêves épanouis en images, une imprécision claire, un poudroiement lumineux qui enveloppe toutes les formes et les idéalise.
Mais pas un propriétaire qui, dans sa mesquinerie, n’oubliât les avenues magnifiques du rêve. […] Le cheval du rêve galope sur les nuages. […] Louis Aragon, Une vague de rêves, [Commerce, octobre 1924], Seghers, 1990, p. 17-19. […] L’image des oiseaux annonce le thème de l’arrivée vers de nouveaux continents : ceux du rêve et de l’aérien se substituent aux terres de Colomb. […] Emmanuel Kant, « Les rêves d’un visionnaire expliqués par les rêves de la métaphysique » (1766), et « Critique de la raison pure » (1781/787) cd.
Quand rêve, espoir, printemps, tout s’est évanoui, Dans le jardin aride où l’âme se recueille, C’est la suprême fleur, hélas ! […] Ne maudis point le sort ni ton rêve flétri. […] Lacaussade donne à une amie des explications touchantes sur ce qu’elle avait pu penser un moment qu’il rejetait avec colère son ancien culte et les rêves de sa jeunesse : Mon idéal trompé fait ma misanthropie ! […] Dois-je, débris stérile aux tristesses croissantes, Mêler ton vierge rêve à mon aridité ? […] Ta tête virginale aux rêves printaniers.
… Mais non, le signalement ne va que sur quelques points (fille d’une terre esclave, l’Italie ; homme par le cerveau ; poëte par les rêves ; à toi qui es encore la Beauté. […] Voici la suite : « Enfant par la foi, vieillard par l’expérience, homme par le cerveau, femme par le cœur, géant par l’espérance, mère par la douleur et poëte par les rêves ; à toi qui es encore la Beauté, cet ouvrage où ton amour et ta fantaisie, ta foi, ton expérience, ta douleur, ton espoir et tes rêves sont comme les chaînes qui soutiennent une trame moins brillante que la poésie de la pensée, que le poëme gardé dans ton âme, semblable à l’hymne d’un langage perdu dont les caractères irritent la curiosité des savants. »
Gérard de Nerval, le rêveur, put se mettre, dans la réalité toujours, à la chasse de son rêve, ce qui n’est permis qu’aux heureux. […] La coupe de porcelaine fine et transparente se fêle sous l’action des substances empoisonnées qu’on y verse… Gérard, fou un instant, et qui nous a donné, dans Le Rêve et la Vie, une photographie de son état de fou, enlevée par un procédé de mémoire rétrospective sur lequel on peut juger de ce qu’était en lui la faculté de la mémoire, retomba fou, après avoir guéri une première fois. Le rêve avait emporté le rêveur. IV C’est que le rêve était plus fort que le rêveur, — ce qui n’arrive jamais chez les vrais poètes. Le vrai poète, lui, est toujours le maître de son rêve.
Il les emplit de son rêve, il les modifie suivant son rêve, et s’il les transforme, c’est dans le sens d’une vérité plus profonde. […] A présent, il ne rêve plus que de fuir ! […] Une rencontre d’anarchiste incendiaire, qui rêve de faire aller au ciel les fermes en mèches folles. […] … Un rêve. […] L’heure n’est plus au virginal rêve d’amour enfantin.
Quand « assouvi de son rêve », Dieu voudra détruire la race humaine par le déluge, Kaïn la sauvera. […] Ce monde n’est pas vrai : il n’est que le rêve de Hâri. Et qu’est-ce que Hâri en dehors de son rêve ? […] Ajoutez-y le rêve poussé jusqu’à l’évanouissement de la conscience. […] Plus tard, quand ils eurent perdu la liberté, à Alexandrie, en Sicile, ils se consolaient encore par leur belle mythologie, par les symboles sensuels de leur religion naturaliste et par des rêves de vie pastorale dans la campagne divinisée.
Il n’y a que deux moyens de délivrance pour le malheureux : l’oubli ou le rêve. […] Quant au rêve, avec l’espoir qui en est inséparable, il est ce qu’il y a de plus doux. […] Et parmi les rêves, le plus beau est la poésie. […] L’enfant rêve souvent tout haut, prononce des bouts de phrase ; aujourd’hui un simple petit mot : « Pourquoi ? […] Il reprend son rêve, le grand silence de la nuit recommence.
Au fond, tout cela n’est que rêves, et de quel rêveur ! […] Entre les certitudes et les rêves de M. […] Après de pareilles certitudes, que peuvent nous faire les probabilités et les rêves de Μ. […] Renan, — que la rébellion ne pourra pas même exister. » Puis, il ajoute, dans un autre endroit : « Je fais parfois un mauvais rêve » (pourquoi mauvais, puisque ce rêve est pour lui un pressentiment du progrès et de la vérité ?) […] Mais nous qui nous portons bien, laissons là ces insanités… Contes pour contes, rêves pour rêves, j’aime mieux les Contes d’Hoffmann.
J’eus un rêve : le mur des siècles m’apparut. […] Ce rêve était l’histoire ouverte à deux battants ; Tous les peuples ayant pour gradins tous les temps ; Tous les temples ayant tous les songes pour marches ; Ici les paladins et là les patriarches ; Dodone chuchotant tout bas avec Membré ; Et Thèbe, et Raphidim, et son rocher sacré Où, sur les juifs luttant pour la terre promise, Aaron et Hur levaient les deux mains de Moïse ; Le char de feu d’Amos parmi les ouragans ; Tous ces hommes, moitié princes, moitié brigands, Transformés par la fable avec grâce ou colère, Noyés dans les rayons du récit populaire, Archanges, demi-dieux, chasseurs d’hommes, héros Des Eddas, des Védas et des Romanceros ; Ceux dont la volonté se dresse fer de lance ; Ceux devant qui la terre et l’ombre font silence ; Saül, David ; et Delphe, et la cave d’Endor Dont on mouche la lampe avec des ciseaux d’or ; Nemrod parmi les morts ; Booz parmi les gerbes ; Des Tibères divins, constellés, grands, superbes, Étalant à Caprée, au forum, dans les camps, Des colliers que Tacite arrangeait en carcans ; La chaîne d’or du trône aboutissant au bagne. […] Sur la paroi sans fond de l’ombre épanouie Qui donc avait sculpté ce rêve où j’étouffais ? […] Ce rêve, et j’en tremblais, c’était une action Ténébreuse entre l’homme et la création ; Des clameurs jaillissaient de dessous les pilastres ; Des bras sortant du mur montraient le poing aux astres ; La chair était Gomorrhe et l’âme était Sion ; Songe énorme !
Pudeur craintive des instants de puberté, pudeur, toute rose devant les roses et les lèvres, défaillances, souffrances voluptueuses qui ne siègent point dans l’âme, mais dont tout l’organisme semble être envahi ; troubles puérils, sommeils lourds, rêves fleuris où chantent, silencieuses, les danses évanouies des temps jadis ; c’est de ces émois-là que Fernand Gregh a composé son livre. […] Mais lisez Rêve, lisez Voyages, lisez tant d’autres pièces, sans oublier ce Menuet, déjà célèbre, et vous direz avec moi : « Voilà un vrai poète ! […] Mais le charme printanier, le parfum de jeunesse que ces poèmes de rêve et d’amour vous fourrent brusquement sous le nez, comme une de ces bottes de giroflées que la Parisienne achète dans la charrette à bras, au bord du trottoir, cela, c’est bien de Fernand Gregh, à lui tout seul, et c’est enivrant.
Le reste est pour le rêve et pour l’art. […] L’humanité a toujours vécu de rêves, elle vivra de rêves, vraisemblablement tant qu’elle ne sera pas arrêtée, comme l’animal, dans quelque forme imparfaite qui ne se transformera presque plus. […] Quelle grande conception morale et sociale s’est vraiment réalisée depuis que l’homme rêve ? […] Le présent est une alluvion des rêves du passé. […] Rêvons donc et tâchons de bien choisir nos rêves.
Pourtant, cet amour qui demeure à l’état de rêve irréalisé n’en absorbe pas moins toute son énergie. […] Il lui faut donc, après avoir falsifié sa propre sensibilité, falsifier les conditions extérieures auxquelles elle est soumise ; il lui faudra encore falsifier l’être intime de celui à qui elle décidera de faire tenir le rôle principal dans son rêve sentimental. […] Il cesse de répondre à la fiction par la fiction et le rêve d’Emma se brise au contact de cette réalité qu’elle a imprudemment suscitée. […] La haine du réel est à, vrai dire si forte chez Bovary, qu’elle pourrait la contraindra à répudier son propre rêve, s’il venait, par impossible, à prendre lui-même la forme d’une réalité. […] Elle a perdu le pouvoir d’interposer son rêve entre sa vue et les réalités et d’en obscurcir le réel.
Vos rêves s’en vont vers cette forme exquise que vous parez vous-même. […] Il est la plus haute expression de l’amour, et l’amour c’est le rêve, le grand rêve poursuivi de l’humanité. […] Gardons le rêve, car le rêve est notre plus précieux héritage. […] De même que Zola poursuit un beau rêve de littérature, Manet avait rêvé un beau rêve d’art. […] Et son rêve à lui était grandiose.
Ce qui vaut mieux, c’est un rien de libertinage à la française et un peu de rêve. […] Il me paraît que don Juan… (mais oubliez ce que je disais tout à l’heure et croyez que je ne mets rien là de mon propre rêve), il me paraît que don Juan, à le considérer dans Tirso de Molina et dans Molière, sinon dans Byron et dans Mozart, est surtout un grand artiste et un grand orgueilleux. […] Il sent en lui quelque chose de supérieur à lui-même, de tout-puissant et de mystérieux ; et son cœur se gonfle d’orgueil à songer qu’il est, quoi qu’il fasse et sans qu’il sache lui-même pourquoi, le rêve réalisé de tant de pauvres et folles et charmantes créatures. […] Je n’ai pas à vous dire son indulgence pour les fautes des femmes, à condition qu’il y ait de l’amour dans leur fait, et un peu de « rêve ». […] La cité qu’il rêve serait la république des grâces et des jeux ; le courage même y serait un fruit de l’amour ; les femmes y inspireraient l’héroïsme dans la guerre, et elles y conseilleraient les arts de la paix.
Une forte tendance vers les questions sociales se fait déjà sentir ; des utopies, des rêves de société parfaite prennent place dans le code. […] Les grands empires qui se succèdent dans l’Asie occidentale, en brisant pour lui tout espoir d’un royaume terrestre, le jettent dans les rêves religieux avec une sorte de passion sombre. […] La rage et le désespoir jetèrent les croyants dans le monde des visions et des rêves. […] Le tendre et clairvoyant Virgile semble répondre, comme par un écho secret, au second Isaïe ; la naissance d’un enfant le jette dans des rêves de palingénésie universelle 96. Ces rêves étaient ordinaires et formaient comme un genre de littérature, que l’on couvrait du nom des Sibylles.
Mais cette fois encore les plus impossibles rêves de la religion nouvelle furent féconds. […] Un vieux mot, « paradis », que l’hébreu, comme toutes les langues de l’Orient, avait emprunté à la Perse, et qui désigna d’abord les parcs des rois achéménides, résumait le rêve de tous : un jardin délicieux où l’on continuerait à jamais la vie charmante que l’on menait ici-bas 549. […] Nul, pendant le cours de cette magique apparition, ne mesura plus le temps qu’on ne mesure un rêve. […] Mais qu’il ait rempli des années, ou des mois, le rêve fut si beau que l’humanité en a vécu depuis, et que notre consolation est encore d’en recueillir le parfum affaibli. […] Mais plus heureux encore, nous dirait Jésus, celui qui, dégagé de toute illusion, reproduirait en lui-même l’apparition céleste, et, sans rêve millénaire, sans paradis chimérique, sans signes dans le ciel, par la droiture de sa volonté et la poésie de son âme, saurait de nouveau créer en son cœur le vrai royaume de Dieu !
Le vieillard croit que son petit-fils rêve, et le renvoie avec sa malédiction et son rêve. […] Elle avait eu de doux rêves, ce qui tenait peut-être un peu à ce que son petit lit était très blanc. […] « Sa première pensée sortant de ce rêve fut riante. […] La jeune fille n’est qu’une lueur de rêve et n’est pas encore une statue. […] Rêve pour rêve, j’aime mieux rêver l’inconnu que de goûter la soupe de ces bienheureux du monde perfectible jusqu’à satiété du repas de l’avenir !
Lisez le Rêve, et vous verrez que ce conte ingénu sue l’impureté (parfaitement !) […] Il n’en est pas moins vrai que, malgré ses efforts, la préoccupation de la chair est peut-être, à qui sait lire, aussi sensible dans le Rêve que dans ses autres romans. […] À moins que ce ne soit moi qui, hanté par le souvenir de cette immense priapée des Rougon-Macquart, respire, dans le Rêve, des parfums qui n’y sont pas… Mais ils y sont, j’en ai peur. […] Et surtout ils convenaient aussi mal que possible à un sujet comme celui du Rêve. […] Qu’il nous abandonne les petits contes, les doux enfantillages, les petites bergères, les petites saintes, les princes charmants, les jolis riens du rêve… Qu’il n’y touche pas avec ses gros doigts.
Car dans leur rêve, des naufs vermeilles par la mort du Soleil, aux cordages de soie, aux voiles pleines et blanches comme des seins, appareillaient vers la Cythère lointaine et bleue… Par quelle aberration en vint-on à faire disparaître l’assonance au profit de la rime ? […] Car certes la Rime opulente qui évoque les chairs fastueuses des Rubens et les fesses d’angelots aux pourpres violentes, la Rime ici détonnerait étrangement dans les jardins de rêve où passent — tels des lys — les vierges d’Angelico, bleu pâle, au col flexible, et les grêles musiciennes des primitifs. […] Aussi comprendra-t-on l’instrument précieux qu’est l’assonance pour le poète un peu raffiné, puisqu’il peut avec elle nuer ses rêves à l’infini pour les yeux ensemble et pour l’oreille. […] cher monsieur, nous ne sommes plus au xviie siècle, nous sommes en pleine Décadence, et je le dis avec fierté, car si les poètes d’aujourd’hui n’ont plus les grandes âmes des poètes d’autrefois, du moins ont-ils la noblesse de s’être — loin de l’odieux troupeau — cloîtrés dans l’orgueil de leur Rêve.
Caractère et esprit : orgueil, rêve, ennui ; médiocrité des idées : puissance d’imaginer et de sentir. — 3. […] La mort de sa mère (1798), celle d’une sœur, le refont chrétien : il n’a pas besoin de raisons pour croire ; il lui suffit que la religion soit un beau, un doux rêve ; elle participera au privilège que tous les rêves de M. de Chateaubriand possèdent, d’être à ses yeux des réalités. […] Toute son énergie fuse en idées et en rêves. […] Il demandait la jouissance au rêve, et non à la réalité. […] Le rêve atteint en un moment, épuise aussitôt la jouissance : il dispose de l’infini, mais il faut qu’il crée incessamment des infinis nouveaux.
Voyons son système dans le rêve en deux volumes intitulé : la République. […] Écoutez, non plus ce rêve, mais ce délire philosophique, hélas ! […] Cousin, qui comprend tout de si haut, semble n’avoir pas assez sondé le danger d’offrir en admiration aux hommes des théories qui ne sont que des rêves contre la société possible : car la société est la première des réalités ; les rêves la tuent. […] Rousseau, où tout le génie montait en rêves. […] Platon ne le fait évidemment intervenir dans ses dialogues sur la République et sur les Lois, que pour donner de l’autorité à ses rêves.
Un rêve de vigilance et de tension que ferait la Raison elle-même ? […] Du rêve poétique le plus vigilant et le plus tendu, il est allé au rêve de prose le plus souple et le plus défait. […] Le sommeil qui eût pu être le rêve, un beau rêve d’amour. […] Mettons que ce sont des rêves. Mettons que la Jeune Parque soit un rêve.
L’univers où nous vivons est un rêve, un rêve que volontairement nous rêvons. […] Fini le doux exil au bon réel du rêve. […] Et le faune s’éplore ; c’était un rêve, à jamais perdu. […] Combien de vieux souvenirs ils m’ont rappelés, et de vieux rêves ! […] Et Lohengrin la quitte, pour remonter sans elle au ciel du libre rêve.
Et ces onze héros de la pensée, du rêve et de la vie intérieure, M. […] Mais comme chez la plupart des vrais imaginatifs de notre âge, son rêve s’épanouit surtout dans sa vie intérieure. […] Son rêve semble enfin être réalisé. […] Édouard Schuré, « ce solitaire aux rêves grandioses », comme l’appelait récemment M. […] Il reprend son grand rêve, le grand silence de la nuit recommence.
Sur l’accélération du jeu des cellules corticales De Quincey, Confessions of an Opium-Eater, p. 83 : « Une proche parente me conta un jour que, dans son enfance, étant tombée dans une rivière et ayant manqué périr, elle revit en un moment sa vie entière déployée et rangée devant elle simultanément comme dans un miroir, et qu’elle se trouva la faculté également soudaine d’embrasser ensemble le tout et chaque partie. » De Quincey et divers buveurs d’opium ont constaté sur eux-mêmes cette faculté de vivre mentalement, pendant un rêve de quelques minutes, une vie de plusieurs années et de plusieurs centaines d’années. […] Là-dessus, il eut le rêve suivant : « Une nuit que j’étais endormi, la cloche du Palais, qui sonna minuit, me réveilla ; j’entendis ouvrir la grille pour relever la sentinelle, mais je me rendormis à l’instant. Dans mon sommeil, j’eus un rêve. — Je me trouvais rue Saint-Honoré, près de la rue de l’Échelle ; une obscurité lugubre s’étendait partout ; tout était désert, et cependant une rumeur vague et sourde s’éleva bientôt. — Tout à coup parut dans le fond de la rue une troupe à cheval, mais d’hommes et de chevaux écorchés.
Dans les intervalles du rêve, « il remplit de ses escapades amoureuses, nous dit M. […] Les beaux rêves et les doux sentiments ! […] Le rêve que les anciens Indous ont rêvé pour excuser Dieu, le rêve que Platon a refait dans le Phédon d’une série d’existences par où les âmes, plus ou moins vite, s’épurent et remontent à Dieu, ce rêve que Victor Hugo développera à son tour dans Ce que dit la bouche d’ombre, Lamartine l’indique ici en quelques vers. […] Ce fut le rêve du Bouddha et de Jésus. Et c’est, présentement, le rêve de Léon Tolstoï, pour ne nommer que lui.
Par dépit de ne pouvoir pétrir le monde à sa guise, il se taille dans les nuages un vaste empire de rêve. […] » Cela, à l’heure même où Remy de Gourmont concède : « J’aime l’inaction, le différé, il n’y a pas grande différence entre les rêves et leur réalisation. » Alors, à quoi bon pousser l’aventure ? […] Rêvons un rêve. […] Vit se magnifier un rêve inattendu. […] Il sentira bientôt remonter dans son cœur l’Astre argenté des rêves paisibles, mais il souffre horriblement.
Cette vérité consiste dans la raison déterminante et explicative des choses, qui permet d’affirmer qu’elles ne sont pas un rêve, mais qu’elles prennent place dans l’ordre universel. […] Or, l’action, par les effets qu’elle réalise, acquiert un caractère de réalité indéniable et empêche notre pensée de demeurer seule avec elle-même dans un monde de pur rêve. L’expérience ne peut sans doute nous garantir que la veille ne soit pas elle-même, au moins en grande partie, « un autre rêve » ; mais rien, en dehors de l’expérience et de ses lois constantes, ne peut davantage nous donner cette assurance. Nous ne distinguons la veille du rêve que par l’ordre de causalité régulière établi entre les sensations dans la veille. […] Cette hypothèse, la nature la vérifie pour l’homme éveillé ; dans le rêve, le déterminisme fait place à des contradictions et à des absences de cause.
Et je voyais dans un rêve Avril qui nous revenait. […] Frémir depuis longtemps l’automne dans tes rêves Dans tes rêves tombés dès leur premier essor. […] Aucune pitié pour aucun rêve. […] Ou bien, ce qu’ils chanteront ne sera-t-il pour eux, comme pour vous, qu’un rêve ! Un rêve sans doute, mais le rêve, c’est le vrai aussi.
Elle est un prétexte à joyaux et à rêves. […] Comme Emma rêve à la vie, il rêve une vie, lui, et ce rêve implique des associations sur des images d’amour, les mêmes en somme à Paris que celles d’Emma à Yonville. […] Le bal costumé chez la Maréchale a la forme désordonnée d’un rêve, et tout se termine par un vrai rêve, qui continue le faux rêve, sur l’oreiller de Frédéric. […] Emma rêve à la vie, mais ne rêve pas sa vie, elle la vit pathétiquement, et la preuve suprême en est son suicide. […] Celui-ci est l’homme qui rêve sa vie ; ses rêves cristallisent autour de Marie, et Marie demeure une chose de rêve.
Un sommeil d’un milliard de siècles ou un sommeil d’une heure, c’est la même chose, et, si la récompense que je rêve nous est accordée, elle nous fera l’effet de succéder instantanément à l’heure de la mort. […] Après les épouvantables entr’actes de férocité et d’égoïsme de l’être grandissant, se réalisera peut-être le rêve de la religion déiste, une conscience suprême, rendant justice au pauvre, vengeant l’homme vertueux. […] Nous autres, nous disons : “Donc cela sera” ; et ce raisonnement a sa légitimité, puisque nous avons vu que les rêves de la conscience morale peuvent fort bien devenir un jour des réalités. […] « Remercions Théoctiste de nous avoir dit tous ses rêves. […] Je n’ignore pas, je le répète, que la plupart de ces rêves soulèvent en nous des indignations légitimes, et pour tout dire, qu’il y a des phrases, dans ces textes, qui vous rendraient démocrate.
Bal, Georges [Bibliographie] Rêves et chimères (1887). — Autres mondes (1891). […] Georges Bal, dans ses Rêves et chimères, donne libre cours à une poésie bien jaillissante.
Jadis, je prônais le Mallarmismc, le rêve, l’artifice, le dédain du Réel et de l’action. […] Je rêve l’homme plus beau, plus fort et plus libre. […] Mais on doit aussi être persuadé que son rêve ne se réalisera pas. […] S’il rêve de ravir sa trique au roi Caliban, c’est pour en armer le prince Prospero. […] Il caresse vaguement le manche de sa pioche ; il rêve de casser quelques têtes.
Bernès, Henri (1861-1941) [Bibliographie] Les Ailes du rêve (1887). […] Auguste Lacaussade Il publia un volume de vers, les Ailes du rêve, où, dans une forme qui témoigne de l’étude approfondie de tous les poètes contemporains, se rencontrent de nombreuses pièces pleines de grâce et de charme.
C’est celui de l’amour, de la nature et du rêve : celui des paysages doux et nuancés, bleu et argent. […] Que de femmes de rêve ou d’effroi, que de mortes ! […] Abdique le rêve, homme ! […] Jusque dans le rêve, M. […] Je veux rester la veuve taciturne De mes rêves d’antan que j’ai tués moi-même.
Montlaur, Joseph-Eugène de Villardi (1815-1895 ; marquis de) [Bibliographie] La Vie et le Rêve (1864). […] E. de Montlaur, esprit élégant, cultivé, nourri du suc des poètes et qui, sous ce titre, La Vie et le Rêve (1864), a recueilli des impressions légères ou touchantes, des esquisses de voyage, des lettres en vers, tout un album, image des goûts et des sentiments les plus délicats.
Grandis, mon rêve… Nul sauveur ne descendra plus Monte, mon rêve… D’autres fois, c’est presque un apologue, comme cet Hymne d’hirondelles où chantent des vers délicieux.
De même que la Leuconoé aux inquiétudes ineffables, l’âme moderne, « consulte tous les dieux », non plus pour y croire comme la courtisane antique, mais pour comprendre et vénérer les rêves que l’énigme du monde a inspirés à nos ancêtres et les illusions qui les ont empêchés de tant souffrir. […] Les histoires de grandes personnes, incomprises, incomplètement vues, comme des séries de scènes singulières qui ne se relient point entre elles, prennent des airs et des proportions de rêves. […] car tu lui ouvris, avec tes deux bras, le monde infini des rêves… Hélas ! […] Chacun fait à sa manière le rêve de la vie. J’ai fait ce rêve dans ma bibliothèque. » Mais le rêve qu’on fait dans une bibliothèque, pour s’enrichir du rêve de beaucoup d’autres hommes, ne cesse point d’être personnel.
Le rêve semblait s’être enfui bien loin ; deux beaux enfants grandissaient autour d’elle. […] Michel (de Bourges), là le pamphlet enflammé de M. de Lamennais, ailleurs le rêve philosophique et religieux de M. […] Mais c’est un rêve que je fais ! […] Mais cet héroïsme va-t-il au-delà du rêve ? […] Quel rêve enfin réalisé par Mme Sand !
Rêves et réalités, par Mme M. […] Comme on jette à la mer son bagage en silence, J’ai jeté dans mon sein, qui s’est fermé dessus, Mon fardeau tout entier, écroulement immense, Ma misère et mon deuil, et mes rêves déçus ! […] je sens ma peine plus cuisante, Vous avez évoqué tous mes rêves perdus : Pitié !
Du reste, Mab, qui s’appelle aussi Tanaquil, a toute l’inconsistance flottante du rêve. […] Quelle volonté de rêve ! […] Dans la Tempête, le duc de Milan a « un brave fils » qui est comme un rêve dans le rêve. […] Disons plus, là où il rêve, il pense encore ; avec une profondeur autre, mais égale.
C’est un charme de plus de connaître sa jeunesse, en lisant ces notations frêles et ténues, mais vécues par le rêve. […] Et je détache, avec plaisir, des Poèmes de légende et d’amour, ces quelques vers : Et notre barque, aux flots menteurs de l’Avenir, Sous le ciel fastueux connue un dais de parade, Flottera, s’attardant et lente, vers la rade Où s’égrènent les chansons grêles des cigales, Où l’ombre des palmiers frêles, sur l’eau tranquille, Tisse au soir glorieux un manteau de silence Comme un rêve d’amour épandu sur les lies, Plein d’un chant nostalgique et doux de fiancées Dont les ailes du soir ont pris la douceur blanche.
Mon grand Rêve à mi-voix montait en l’air astral Voilé par le midi de ma déserte sieste, Quand il vint, ce Wagner ! […] Ils vont : et, quand s’endort la splendeur de leurs glaives Un chœur de harpes sur le seul rhythme serein Remémore l’horreur de l’Idéal des rêves. […] l’éveil des rêves embaumés Vous secoue au lointain oreiller de folie, Apparences d’un Monde vain, peine abolie : Dormez ! […] Pour la première et la seule fois, Richard Wagner nous apparaît vacillant, se contredisant ; placé entre la nécessité de subvenir à la vie quotidienne et la pratique d’un métier qu’il abhorre, entre la possibilité de la renommée et le rêve d’une gloire inimaginable, il hésite. […] Aussi Wagner nous montre-t-il sur le théâtre tout autre chose que ce qu’il voyait dans son rêve.
Rêve de justice et de bonheur universel, amour des faibles et des opprimés, malédiction jetée à une société pourrie ; extase prophétique, pitié, colère, révolte, ce ne sont qu’attitudes généreuses (certes !) […] Non ; le rôle est bon à fond et dans toutes les circonstances ; bon dans sa partie affirmative : le rêve ; bon dans sa partie négative : la haine. […] N’est-il pas d’avance absous de toutes les conséquences de ses actes par la beauté de son rêve ?
Lorsqu’il consent à descendre des hauteurs absolues où se complaît son rêve (Hénor, le Livre de Marguerite, Madame la Reine, etc.), il devient le plus charmant causeur, l’esprit le plus délié, le critique d’art le mieux informé. […] Mathias Morhardt ; livre d’amour chaste, ardent et discret ; malgré la langue pas toujours assez sure, à notre gré, le rythme comme parlé des strophes berce et entraîne de l’inquiétude à la joie, du rêve au baiser.
Elles sont du moins vraies en ce sens, que plus d’un, aujourd’hui, les rêve. Or, il n’est pas inutile de savoir même les rêves et les cauchemars d’une époque, comme disait Chapelain (en cela plus spirituel que de droit), de même que les médecins s’inquiètent quelquefois des rêves de leurs malades pour les mieux connaître.
Si vous admettez ces trois propositions, qui n’ont, je crois, rien de téméraire, et si vous essayez d’en tirer les conséquences bravement, naïvement et dans un esprit d’optimisme, vous serez vous-même surpris du rêve que vous édifierez peu à peu et comme malgré vous. […] Or et nous entrons ici dans le rêve que pourrait-on attendre aujourd’hui d’un monarque absolu qui, un siècle après la Révolution, aurait, au fond, la même notion du pouvoir royal et le même genre de sérieux et de bonne volonté que les rois-prêtres de jadis, qu’un Philippe-Auguste, un Louis IX ou un Charles V, et qui, jeté dans un monde totalement différent du leur, joindrait à cela les lumières auxquelles est parvenue, depuis ces grands princes, la conscience de l’humanité ? […] Le bon tyran de nos rêves méditerait le désarmement de tous les États de l’Europe ; et comme il serait sincère, comme il serait assez fort pour le proposer et même pour le commencer, on le croirait.
Ils se désolent de ne pas voir, en place des contemporains que nous a nécessairement créés notre civilisation, soit un Turc dans son harem (rêve de Gautier), soit un grand seigneur anglais dans ses terres (rêve de Taine), soit un savant revêtu des pouvoirs et privilèges qu’eurent jadis les princes de l’Eglise (rêve de Renan).
Rêvait-on, quand on est capable d’analyser ainsi son rêve ? C’est donc un rêve plus attentif que bien des veilles. […] Passons donc en revue les plus beaux rêves de M. […] Il s’ennuie, il rêve, il ne sait que faire de sa vie. […] Tous ses rêves se sont réalisés.
Ces colonnes, de styles variés, soutiennent les différentes parties de l’édifice ; elles s’ornent d’images, de souvenirs, d’ex-voto, qui racontent l’histoire d’une âme et son voyage du Rêve à la Vie ; car les premiers vers du recueil sont destinés au Piédestal d’une statue du Rêve, les derniers au Piédestal d’une statue de la Vie, et les vers intermédiaires iront décorer les autres colonnes du sanctuaire.
Chacun, en réalité, crée la forme qui convient à son rêve. […] Aux âmes poétiques, nous demandons de nouveaux rêves, de nouvelles aspirations, bien plutôt qu’une nouvelle prosodie ! […] Parcours de Rêve ! menant le rêve du rêve au Rêve… […] Aubade, p. 390 (Parcours du Rêve, etc. — Palmes).
. — Rêves et combats (1892). […] Victor Delaporte C’est une guirlande de quarante-cinq poèmes qui répondent bien au double titre : Rêves et combats, inspiré par le double amour des lettres et de la France ; avant de chanter les combats de son pays, il en défendit avec vigueur les intérêts comme orateur et député de la Moselle.
avec quelle amère tristesse il se vit arraché à son rêve ! […] Malon, aux rêves du prince Kropotkine. […] Valerius Slavus vit dans un rêve qu’il sait être un rêve. […] Rien ne nous permet de distinguer une seule fois le rêve de la réalité. […] Non, le rêve de M. de Wyzewa n’est qu’un rêve.
Il manque autour d’eux ce je ne sais quoi qui les baigne comme d’un fluide pénétrant et fait qu’ils se prolongent en notre esprit et le mènent de rêve en rêve.
Le besoin de recueillir dans une œuvre définitive tant de force féconde et tant de richesses nées du cœur se fait sentir et devient le rêve qui, comme l’ombre, s’accroît avec les années. […] Il rêve donc son rêve de seize ans, vaguement ému, le long de la charmille du jardin, en lisant Paul et Virginie. […] Là même où les situations deviendront extraordinaires, elles seront de celles que l’imagination accepte aisément, parce qu’elle est disposée, depuis d’Urfé, depuis Théocrite et bien avant, à les inventer ainsi dans ses rêves. […] Tous les rêves bucoliques des Florian, des Gessner, des Haller, sont élevés ici à la hardiesse et à la grandeur, dans ce cadre majestueux des Alpes, et 94 au fond. […] Avec ces nombreuses familles, ou même sans cela, la réalité était parfois pour eux moins fleurie que le rêve du poëte.
Vous voulez du rêve ? […] Au dix-huitième siècle, ce rêve était si lointain qu’il semblait coupable ; on chassait l’abbé de Saint-Pierre de l’académie pour l’avoir fait. […] Opposons dogme à dogme, principe à principe, énergie à entêtement, vérité à imposture, rêve à rêve, le rêve de l’avenir au rêve du passé, la liberté au despotisme.
Ensuite le poète dit la Vie des morts, leur âme éparse dans les arbres, dans les broussailles, dans les sources qui sont leurs yeux, dans les nuages qui sont leur pensée inquiète, dans les astres où flambent leurs anciennes passions, dans la mer, « temple obscur des métamorphoses », dans les parfums, dans le chant nocturne des voix terrestres… Et cependant ce n’est pas tout ce qui reste des morts. « Ce que m’a pris le rêve, mes aspirations vers le juste et le beau, ce que j’ai dit tout bas à la nuit, ce que j’ai vu en fermant les yeux, Ma chair ne saurait plus l’entraîner au tombeau. […] Il rêve, il adore, il pétrarquise… Et puis… et puis c’est toujours la même chose : vague panthéisme, vague souffrance, vague désespoir, vague ivresse, vague rêverie, vague chasteté, désir quelquefois vague et plus souvent précis, vagues images, amples, indéfinies, forme harmonieuse, mots sonores — quelquefois jargon sublime. […] Ton souffle égal et pur fait comme un bruit de rames : C’est ton rêve qui fuit vers des bords enchantés. […] Le poète des Renaissances, c’est un satyre qui a rêvé ; et le conteur des Contes, c’est un poète qui n’en est qu’au commencement de son rêve — oh !
Le Cardinal du Bois appeloit ses projets les Rêves d'un homme de bien, expression plaisante, qui peut être juste à certains égards ; mais ces Rêves supposent, dans celui qui étoit capable de les avoir, une grande étendue d’idées, l’esprit de combinaison dans les détails, & par-dessus tout un grand amour du bien public.
L’amour, l’amour qu’on rêve ascétise et fornique. […] … Les pennons mauves dômeront en flots d’apothéoses, dômeront vos fallaces, vos visionnaires rêves. […] Les effaçures de ses mauvais rêves. […] — Sorte de haschich portant à un rêve somnolent ; extensivement : rêve. […] … Vers les graals dont tu décores Les lents palais de rêves aux offices matutins.
. — La Part du rêve (1863). — Les Étrangères (1876). — Charles le Téméraire, romancero historique (1877). — Jour à jour (1880). — Journal intime, 2 vol. (1883-1884). […] Leconte de Lisle et comme Baudelaire, il tenta de s’enfuir dans le rêve, ayant trop souffert de la vie.
Les difficultés d’exécution l’arrêtaient, en tous lieux, lorsqu’il trouva le royal protecteur, par qui son rêve allait être réalisé. […] Ne voyait-il pas écrit devant lui, en l’œuvre de Bach, le mot expliquant l’énigme de son Rêve intérieur ; ce mot que, jadis, le pauvre Cantor de Leipzig avait tracé, comme le symbole éternel d’un Univers inconnu et nouveau ? […] L’œil intérieur du Maître aperçoit, alors, l’apparition consolante, à lui seul reconnaissable (Allegro 6/8), où le désir arrive à un jeu attendri et gracieux avec lui-même ; l’image du rêve intérieur se réveille, dans le plus aimable souvenir. […] Il contemple, ainsi, la vie, et, dans une réflexion, se demande comment il prendra, lui-même, sa part de cette danse ; (court Adagio 3/4) ; réflexion brève, mais cruelle, rappelant le Maître au Rêve profond de son âme. […] 1 — Dans mon rêve, je vis au ciel un Visage de Mystère.
Pour toi, il est le rêve de la terre. […] — Les paresseux font des rêves terribles. […] (Il rêve quelques instants.) […] Est-ce que Tout n’est pas un rêve ? […] Je ne t’ai pas dit : « Tout est un rêve. » Je t’ai dit : « Est-ce que Tout n’est pas un rêve ?
L’âme humaine rêve sans cesse de s’élargir. […] On va, demi inconscient, à travers un rêve. […] La poésie est chose de rêve. […] Nous y incarnons notre propre rêve. […] Car on abaisse son rêve en le réalisant.
— la coupe du rêve, la coupe merveilleuse où tout l’impossible est gravé. […] C’est le mirage d’un rêve fixé sur un miroir tournant. […] Par elle, le poète rêve qu’il rêve. […] Dévouées au rêve, elles sont le reflet du rêve qui supprime le relief et replie la vie. […] Il suivait un rêve hors de notre portée.
— Je n’avais pas assez de temps pour l’employer A compasser des mots : — adorer mon idole, La parer, admirer sa chevelure folle, Mer d’ébène où ma main aimait à se noyer ; L’entendre respirer, la voir vivre, sourire Quand elle souriait, m’enivrer d’elle, lire Ses désirs dans ses yeux ; sur son front endormi Guetter ses rêves, boire à sa bouche de rose Son souffle en un baiser, — je ne fis autre chose Pendant quatre mois et demi. […] Il a trois désirs : « les armes, les chevaux, les femmes. » Trois choses lui plaisent avant tout : « Tor, le marbre et la pourpre ; éclat, solidité, couleur. » Tous ses rêves sont faits de cela. […] Toujours, au milieu du festin, au sein de l’ivresse, et quand le poète enflammé exhalera l’ardeur de ses chants entre les bras de Théone ou de Cinthie, la Mort se lèvera tout à coup et apparaîtra devant ses yeux, non la Mort des anciens dont l’idée ne faisait qu’aiguiser plutôt et raviver le sentiment du plaisir, mais la Mort de la Danse macabre, avec son ricanement féroce, et qui vous met et vous laisse au cœur une certaine petite crainte a l’Hamlet que la nuit funèbre ne soit pas le long sommeil, mais le rêve, et que tout ne soit pas fini après la vie : La mort ne serait plus le remède suprême ; L’homme, contre le sort, dans la tombe elle-même N’aurait pas de recours, Et l’on ne pourrait plus se consoler de vivre, Par l’espoir tant fêté du calme qui doit suivre L’orage de nos jours ! […] Le poète a fait ce qu’il a voulu ; il a réalisé son rêve d’art ; il ne se borne nullement à décrire, comme on l’a trop dit, pas plus que, lorsqu’il a une idée ou un sentiment, il ne se contente de l’exprimer sous forme directe. […] On ne saurait présenter et symboliser un amour douloureux sous un plus juste et plus ingénieux emblème. — Veut-il exprimer la quantité de fantaisies qui viennent chaque soir, à l’heure où le rêve commence, se former et s’assembler dans son imagination oisive, et qui ne demandent qu’à prendre forme et couleur chaque matin, il dira : LES COLOMBES.
Elle se raille du rêve de la jeune fille, qui le lui rend de reste en lutineries, et, tout en la raillant de ce rêve, elle en profite, car il n’est pas de jour où, dans sa solitude, cette mère heureuse ne pense à son fils, « et ces pensées, dit-elle, sont de l’or pour moi ». […] » Mais Goethe est comme Jean-Jacques, comme tout poète : il est amoureux ; mais amoureux de l’héroïne de son roman et de son rêve. […] ne pèche pas contre moi, dit-elle à Goethe, ne te fais pas d’idole sculptée pour ensuite l’adorer, tandis que tu as la possibilité de créer entre nous un lien merveilleux et spirituel. » Mais ce lien tout spirituel et métaphysique qu’elle rêve, cet amour en l’air, pourrait-on lui dire, est-ce là le vrai lien ? […] Il vaut mieux accepter tout cela comme un rêve. » Si Goethe était réellement amoureux, remarquez bien qu’il aurait souvent de quoi être jaloux de Bettina ; car elle se prend en courant à bien des choses et à bien des gens. […] Avec toute la complaisance possible d’imagination, il n’y avait plus moyen de continuer comme auparavant le rêve.
Mais surtout dans notre rêve de l’amour, ce germe se manifeste avec une vigueur particulière. […] Degas dans sa copie d’un foyer de danse ; et comme ces rêveurs sont des hommes de ce temps-ci, leur rêve est un rêve de ce temps, un phénomène moderne au plus haut degré. […] Être soi, le plus possible, dans l’admiration des autres, tel est son rêve. […] Et puis, elle sait trop que le rêve n’est qu’un rêve, le jeu d’un fantôme, une ombre vaine. […] C’est ce pouvoir du rêve qui l’a sauvé des misanthropies desséchantes du pessimisme.
. — Notre rêve actuel correspond alors à une sensation antérieure. — Illusion psychologique à propos de la mémoire. — Nous sommes tentés de prendre la connaissance de nos états passés pour un acte simple et spirituel. […] Toutes les hallucinations qu’on nomme psychosensorielles16 sont de cette espèce ; à cet égard, les témoignages des hallucinés raisonnables et les actions des hallucinés fous sont d’accord. — À la même classe appartiennent les hallucinations qui précèdent le sommeil et composent le rêve ; chacun de nous peut observer sur soi-même la transformation spontanée par laquelle, à mesure que le sommeil gagne, les images confuses et ternes s’avivent, se précisent et acquièrent toute l’énergie, tout le relief, tout le détail des sensations. […] Telle est l’histoire du réveil ; tout à l’heure, je songeais en rêve que j’étais dans une atmosphère brûlante ; je m’éveille, j’ai la sensation de demi-fraîcheur et de demi-tiédeur ordinaire ; cette sensation de froid contredit l’image de la sensation de chaud, et, grâce à cet accolement, l’image apparaît telle qu’elle est, c’est-à-dire comme simple image. — Mais si, par un dérangement quelconque, les petites sonneries continuent à faire tinter la grosse cloche, ce qui est l’état de l’halluciné qui voit un personnage absent, si la grosse cloche répète d’elle-même ses tintements, ce qui arrive dans les hallucinations qui suivent l’usage prolongé du microscope, l’issue est autre. […] Mais ce sera une correction ultérieure et supplémentaire, une rectification sur une rectification, un second et dernier stade dans la série des réductions par lesquelles l’image passe pour arriver à paraître telle qu’elle est effectivement. — Au premier stade, à l’instant où nous sommes, elle m’apparaît encore comme sensation, non pas comme sensation actuelle, ainsi qu’il arrive dans l’hallucination proprement dite et dans le rêve, mais comme sensation passée et située à une distance plus ou moins grande du moment où je suis, comme la sensation d’un certain bleu lustré et d’un certain blanc mat, intercalée entre mes sensations actuelles et d’autres sensations plus lointaines. — Et de fait, quand une série un peu longue de souvenirs bien liés s’éveille en nous, quand nous repassons en esprit telle journée notable d’un voyage intéressant, nous nous croyons en face de faits éloignés, mais réels. […] Baillarger, Des hallucinations ; Maury, Du sommeil et des rêves.
Les romanciers qui ont, le plus récemment, mis en scène des rois, leur ont prêté un trône dans un pays de rêve, ou bien ils les ont représentés en exil, après la couronne, et tellement après, que la trace en était effacée sur le front du héros. […] La foule est grossière ; sa psychologie se réduit à des éléments par trop simples pour être curieux ; elle pense à peine ; elle ne rêve pas ; elle ressemble à une pierre rugueuse, que tout l’effort de l’artiste ne rendra pas agréable à l’œil. […] Vous reconnaîtrez leur signature de rêve et de misère, et vous apercevrez, du même coup, le secours qu’on peut attendre des notes. […] L’homme et la femme sont assis sur le seuil de la closerie, en haut de la colline, à la limite des bois, et ils font silencieusement le même rêve de misère, qui ne se partage plus, et que chacun fait de son côté quand elle a trop duré. […] Il voit, avec une netteté qui ne laisse rien dans l’ombre, toute l’œuvre dont il n’a pas tracé une ligne, il l’aperçoit achevée, avec les portraits, les dialogues, les paysages, avec la beauté de rêve qu’il espère traduire.
Vraiment il plane et n’effleure que la surface brillante de l’univers, comme un dieu innocent et ignorant de ce qui est au-dessous, ou plutôt comme un être paradoxal et fantasque, un porte-lauriers pour de bon qui se promène dans la vie comme dans un rêve magnifique et à qui la réalité, même contemporaine n’apparaît qu’à travers des souvenirs de mythologie, des voiles éclatants et transparents qui la colorent et l’agrandissent. […] Émile Besnus C’est la Joie lyrique, immense, ivre encore, on dirait, du vin des rêves. […] Edmond Pilon Ô toi dont la geôle est pareille à la source Qui coule nue et vive entre les cailloux clairs, Banville, jeune dieu des époques de lumière, Poète dont la voix tour à tour grave et douce Disperse le sourire, la joie et la lumière, Banville, sois béni entre les dieux du vers… Ta statue est bâtie au palais des oiseaux, Auprès des massifs frais de buis et d’anémones, Le socle dans la mousse et le front aux couronnes Que tressent les branchages et que mêlent les rameaux ; D’antiques marbres blancs se cachent sous les saules’ Où rêve ton sourire, où de sur ton épaule Chante le rossignol, face à face à tes eaux, Banville, dieu des strophes, du rire et des oiseaux ! […] Tu rêves, blanc et pur, à la source, aux oiseaux,’ Au vent qui passe en murmurant des voix anciennes, Aux princesses de marbre éveillées au soleil, À la belle Galathée, à l’immortel Acis, Au sombre Polyphème penché sur la fontaine, À la Grèce, au Parnasse, aux flûtes, aux abeilles.
Il n’aime pas la poésie pure, la poésie à l’état de rêve ou de fantaisie. […] Le démon de Stagyre, ou, ce qui revient au même, le mal de René, c’est le dégoût de la vie, l’inaction et l’abus du rêve, un sentiment orgueilleux d’isolement, de se croire méconnu, de mépriser le monde et les voies tracées, de les juger indignes de soi, de s’estimer le plus désolé des hommes, et à la fois d’aimer sa tristesse ; le dernier terme de ce mal serait le suicide. […] La jeunesse, une partie de la jeunesse, est devenue positive ; elle ne rêve plus ; elle pense, dès seize ans, à une carrière et à tout ce qui peut l’y conduire ; elle ne fait rien d’inutile. […] Le rêve des jeunes prudents aujourd’hui, c’est de vivre, d’être préfet à vingt-cinq ans, ou représentant, ou ministre.
Il la montre également à l’œuvre dans nos rêves et l’appelle alors censure. […] Autrement dit symptômes névrotiques et rêves correspondent à un effort de nos diverses sincérités pour se manifester à la fois. […] Freud ne dit pas, et même se défend d’avoir dit que tout ce qui paraît dans nos rêves est d’origine sexuelle. […] Je ne crois pas que l’analyse des rêves, pratiquée suivant l’orthodoxie freudienne, puisse mener à grand-chose de très intéressant. […] Son premier rêve, celui qui le hantait dans ses promenades du côté de Roussainville et de Montjouvain, est donc pleinement réalisé.
Pendant des heures entières je regarde ce portrait enchanteur, et je rêve un bonheur qui doit surpasser tout ce que l’imagination peut offrir de plus délicieux. […] Ballanche laisse dans le cœur de ceux qui l’ont connu l’image d’un de ces rêves calmes du matin, qui ne sont ni la veille ni le sommeil, mais qui participent des deux. […] XVII À l’époque où madame Récamier le connut et lui permit de l’aimer, il avait déjà écrit une espèce de poème en prose, Antigone, sorte de Séthos ou de Télémaque dans le style de M. de Chateaubriand ; on parlait de lui à voix basse comme d’un génie inconnu et mystérieux qui couvait quelque grand dessein dans sa pensée ; il couvait, en effet, de beaux rêves, des rêves de Platon chrétien, rêves qui ne devaient jamais prendre assez de corps pour former des réalités ou pour organiser des doctrines. […] « Ce vaillant conspirateur », écrit-il, « a été le premier à fuir et à laisser ceux qu’il avait entraînés dans l’abîme, lors même que ceux-ci n’étaient pas dispersés et se battaient encore ; tout cela est abominable… L’indépendance de l’Italie peut être un rêve généreux, mais c’est un rêve, et je ne vois pas ce que les Italiens gagneraient à tomber sous le poignard souverain d’un carbonaro. […] « Me voici à Londres », écrit-il à son amie ; je ne fais pas un pas qui ne m’y rappelle ma jeunesse, mes souffrances, les amis que j’ai perdus, les espérances dont je me berçais, mes premiers travaux, mes rêves de gloire.
Il semble au jeune homme qu’il marche comme dans un rêve ou plutôt que le paysage marche à sa rencontre. […] Tout cela lui semble un rêve, il n’a rien compris à ce qu’il a vu. […] Parsifal étonné, lui demande comment elle sait son nom. « Je t’attendais et je sais bien des choses que tu ignores » dit-elle d’une voix alanguie de rêve. […] Citons cette superbe déclaration : « Mon écrit, L’Œuvre d’Art de l’Avenir, a été fait seulement pour ceux qui se sont éveillés du rêve du Présent. » (p. 93). […] Il a aussi écrit des pièces de théâtre et deux écrits autobiographiques : Le Rêve d’une vie et Confession d’un poète (1928).
ou bien n’y a-t-il rien qu’un mauvais rêve ? […] un autre inconnu, plus terrible que le premier, au-delà de l’inconnu de la tombe, et qu’il tremble de n’embrasser qu’un rêve fugitif dans ses bras désespérés, en croyant embrasser enfin l’éternelle réalité d’où il émane et à laquelle il retourne ! […] Dante est le poète de la nuit et des ténèbres, des apparitions qui hantent l’obscurité, des rêves qui obsèdent l’imagination de l’homme pendant que l’ombre nocturne possède la terre. […] … Ainsi des autres rêves humains nés dans les cachots, dans les cellules, dans les ateliers, dans les bibliothèques, dans les comptoirs, dans les laboratoires fermés au grand air. […] Rêvé les rêves de Jacob.
Les Contes des yeux fermés, d’Alphonse Séché, sont des rêves. Mais, ce ne sont pas des rêves racontés comme nous en connaissons tant ; ici, il y a quelque chose de plus en originalité, quelque chose de moins en littérature. C’est, en quelque sorte, de la photographie de rêves. […] Nous avions, en les lisant, l’illusion complète du rêve pendant le rêve. […] Comme les deux frères de Hors Nature n’expriment que le conflit de la Vie et du Rêve.
Or c’est un fait d’observation banale que l’« exaltation » de la mémoire dans certains rêves et dans certains états somnambuliques. […] Nous avons supposé que l’esprit parcourait sans cesse l’intervalle compris entre ses deux limites extrêmes, le plan de l’action et le plan du rêve. […] Le rêve et l’aliénation ne paraissent guère être autre chose. […] De sorte que le rêve serait toujours l’état d’un esprit dont l’attention n’est pas fixée par l’équilibre sensori-moteur du corps. […] Or, le rêve imite de tout point l’aliénation.
Il accomplit ainsi son rêve : jouir de tout son corps et jouir de toute l’étendue de la planète où ce corps a été jeté. […] Et les bons missionnaires, préoccupés d’une seule idée, hantés de leur rêve d’évangélisation, ne voient guère mieux les « pays étranges ». […] Mais ces mots ne sont jamais vides chez lui : ses tableaux sont si précis que ces mots vagues, loin de les affaiblir, les achèvent, les continuent en un prolongement de rêve. […] On y est engourdi par la béatitude de vivre, et l’abondance et la continuité des sensations agréables vous y berce dans un rêve sans fin… Mais en même temps le vieux monde fait des apparitions brusques et bizarres dans cette île enfantine où ses navires s’arrêtent en passant : et le vieux monde, c’est sans doute le péché, mais c’est l’effort ; c’est la douleur morale, mais c’est la dignité ; c’est le labeur, mais c’est l’intelligence. […] Ce lit d’amour, la nuit, sur une barque, dans le golfe de Salonique ; puis cette vie de silence et de solitude, pendant une année, dans une vieille maison du plus vieux quartier de Constantinople, je ne sais pas de rêve plus doux, plus amollissant, ni en qui s’endorment mieux la conscience et la volonté.
Malheureux comme la Cassandre de Schiller, pour avoir trop vu la réalité, il serait tenté de dire avec elle : (« Rends-moi ma cécité. » Faut-il conclure que la science ne va qu’à décolorer la vie, et à détruire de beaux rêves ? […] C’est qu’en effet la science n’aura détruit les rêves du passé que pour mettre à leur place une réalité mille fois supérieure. […] Il aime mieux s’abstenir que de tout accepter indistinctement ; il préfère la vérité à lui-même ; il y sacrifie ses plus beaux rêves. […] Que si la connaissance expérimentale de l’univers physique a de beaucoup dépassé les rêves que l’imagination s’était formés, n’est-il pas permis de croire que l’esprit humain, en approfondissant de plus en plus la sphère métaphysique et morale et en y appliquant la plus sévère méthode, sans égard pour les chimères et les rêves désirables, s’il y en a, ne fera que briser un monde étroit et mesquin pour ouvrir un autre monde de merveilles infinies ?
Joyeuse fait un rêve terrible », etc. «… Je viens de tuer un homme dans un omnibus ! […] Il rêve éveillé ; entre son rêve et ceux qu’il fait endormi, il n’y a d’autre différence que la vraisemblance ; les rêves du sommeil sont toujours incohérents, ils n’imitent pas vraiment la réalité, car, pendant la durée du sommeil, les lois de la nature sont suspendues ; tandis que les rêves de l’homme éveillé sont des drames analogues à ceux que le roman raconte ou que le théâtre représente aux yeux, avec cette différence que l’auteur même du drame y joue toujours le rôle principal. […] Et pourtant il n’est pas naturel que sa voix devienne extérieure, tandis que, si chez le père Joyeuse et ses pareils quelque chose peut étonner, c’est que le rêve reste si longtemps silencieux. […] Laura Santone (art. cit., p. 252-253) pense que Freud renvoyant par deux fois à des articles de Egger dans l’Interprétation des rêves, il y a tout lieu de penser que sa référence au Nabab de Daudet à propos des rêveries diurnes et rêves à « yeux ouverts » est à mettre en rapport avec le développement de Egger dans la Parole intérieure sur le personnage de M. Joyeuse, l’« homme d’imagination » et les rêves de l’homme éveillé.]
Personne au grenier où le vent glousse comme une perdrix qui rêve en se glissant sous les tuiles. […] Pour lui, les poètes devraient faire des féeries, se confiner dans le rêve, ne pas tenter le rendu des passions. […] Fernand Hauser : Les Château des Rêves (i vol. chez Vanier). — M. […] Elle n’a rien de commun avec notre rêve : le clair de lune qui éclaire les tombeaux leur suffit, nous voulons vivre au soleil. […] — Si, en effet, j’étais absent, c’est qu’alors la vie est un rêve… à moins que ce ne soit le contraire ou… je ne sais pas.
Il y a alors un tel changement à vue, que tous les rêves du somnambulisme s’abîment à la fois dans les sous-sols du théâtre cérébral, prêts à reparaître sur la scène par une nouvelle évocation. […] De là l’incohérence des rêves. […] Tantôt il retombe dans l’état hypnotique au moment même d’accomplir la suggestion, qu’il exécute ainsi en une sorte de rêve. […] Dessoir va jusqu’à prétendre que le moi des rêves n’est pas celui de la veille. […] L’hystérie est une demi-folie, un rêve éveillé.
Ô rêves éternellement nouveaux ! […] Il adapta aux nécessités comme aux rêves contemporains la poésie française, en ajoutant de nouvelles cordes à la lyre traditionnelle. […] C’était, au reste, un rêve allemand. […] Je me réfugiais alors dans l’outrance et lisais au hasard la jeune littérature, vers quoi allaient tous mes rêves tumultueux. […] L’artiste n’est alors qu’une pure tendance délicieuse, un simple rêve vivant.
Victor Remouchamps En des tournures impulsives, effarantes d’abord, charmeuses ensuite comme une révélation lointaine, il a su exprimer ce qu’il y a, en nous de candeur latente, de joie insoupçonnée ; il a su noter les rêves blancs ; il a fait fleurir, sur les vies les pins stériles, tout un miracle de sensations jeunes ; il a ressuscité, en leur fraîcheur d’aurore, les plus exquis symboles catholiques. […] Leurs rêves bleus ont des lignes courtes, un peu sèches, droites et brusquées : Marie épandez vos cheveux : Voici rire les Anges bleus, Et dans vos bras Jésus qui bouge Avec ses pieds et ses mains rouges, Et puis encore les Anges blonds Jouant de tous leurs violons… Ce sont pieuses gens qui laissent leurs paroles suivre la pente des litanies.
Depuis ses premiers recueils, il a marché à pas de géant ; maintenant son vers, précis et correct, a toujours le ton juste, le mot décisif qui ouvre un monde d’idées et de rêves, et la netteté d’expression qui est le signe et comme la marque du bon ouvrier. […] Une fleur aperçue dans un terrain vague ou sur le rebord d’une fenêtre, à un étage proche du ciel, un coin joyeux du faubourg, un pauvre intérieur étudié d’un coup d’œil qui en fait sentir la noire misère, un enterrement par la pluie, tout est bon aux rêves du poète.
Il a un désir, une ambition, un rêve, un dada sur lequel il trottine en tapinois depuis cinquante ans : il veut être pair de France ! […] Il est donc puni et bien puni, le Poirier : son gendre lui échappe, sa fille l’abandonne, il lui reste sa marotte à faire sonner, son dada à chevaucher, son rêve à ruminer, la pairie à convoiter, à espérer, à attendre ! […] Puis il reprend à sa manière le rêve casanier de sa fille : c’est le gaboulet de Paul de Kock après la flûte de Béranger. […] … Je voudrais t’y voir, vieux millionnaire que tu es, à cette ration congrue que tu rêves ! […] Rêve creux de dandy, migraine de petite maîtresse que ces beaux souhaits !
Cette tête était ornée par derrière et voilée par-devant d’une belle chevelure indécise entre le brun et le blond, qui ruisselait jusque sur ses épaules, et d’où sortait, au mouvement de sa main, un front limpide, mais déjà plein de je ne sais quoi, pensées ou rêves, poésie future ou sagesse prématurée. […] Il est doux, même pour les misérables, de contempler ces félicités complètes ; elles leur prouvent que, si le bonheur est rare, au moins il est possible en ce triste monde, et que, parmi tant de mauvais rêves, il y a aussi de phénoménales réalités. […] C’est peut-être dommage de leur avoir enlevé, à ces honnêtes affranchis des grandes maisons, cette loterie, illusion renaissante de la semaine ; ils rêvaient au moins de beaux rêves sur leur lit de servitude. […] L’avez-vous entendu à son réveil, ou plutôt dans son rêve d’oiseau, avant d’être tout à fait réveillé, essayer son instinct musical dans de courtes notes à demi-voix, si imperceptibles à l’oreille qu’il faut se pencher vers son nid pour les entendre ? […] Nous montâmes plus haut faire aussi nos vendanges De rêves purs à l’âme et d’air sain aux poumons ; C’est que la poésie est une vigne d’anges, Qui mûrit et qu’on cueille à la cime des monts.
On connaît ses rêves de conquête orientale, de domination universelle et d’organisation du monde selon sa volonté. […] Quand il passait sur le front de sa grande armée, et qu’il songeait que ces milliers d’hommes étaient prêts à mourir pour son rêve, savons-nous ce qui remuait en lui ? […] Et si parfois nous avons conçu quelque chose de plus beau ou de plus harmonieux que la réalité, n’avions-nous point l’art pour fixer notre rêve ? […] la matérialité de son rêve me déconcerte et me scandalise. […] … C’est donc un avortement en cinq mille vers du rêve d’une félicité supra-terrestre et, si vous voulez, une grandiose, involontaire et douloureuse tautologie… Que serait donc un poème qui aurait pour titre : le Malheur ?
On y nageait en plein rêve, dans une atmosphère aussi mythologique au moins que celle de Bénarès ou de Jagatnata. […] Le vieux père attribuait à une certaine faiblesse d’esprit ce qui était le résultat des ravages intimes de rêves impossibles en un cœur que l’amour avait percé de part en part. […] Elle repoussait ces rêves insensés ; mais, après s’y être livrée des heures, elle était pâle, à demi morte. […] Elle imaginait son paradis réalisé, se voyait tenant la maison de celui qu’elle aimait, et, comme déjà elle ne séparait plus bien ses rêves de ce qui était vrai, elle fut amenée à une incroyable aberration. […] Son rêve était fini ; l’espèce de chimère qu’elle avait nourrie quelque temps et qui l’avait soutenue étant tombée à plat, elle n’existait plus.
La réalité communique une bien autre puissance que le rêve à cet esprit qui a besoin d’être contenu comme un sein très volumineux et trop tombant, et qui, si la réalité ne le retient pas dans ses strictes limites et son juste cadre, se distend, s’éblouit et s’effare. […] Il en joue, comme, un jour que je prends parfois pour un rêve, j’ai vu jouer du tambour de basque à une bohémienne. […] Les fous les plus intrépides n’oseraient pas… Le Pape dort, et il se rêve le Pape comme Hugo entend qu’on soit Pape, (ce qui le change diablement). Pendant son rêve, et c’est là tout son rêve, il fait quelques conversations avec plusieurs personnes : avec le Patriarche de Constantinople ; avec les Rois — (quels Rois ? […] Et c’est après ces conversations, pendant lesquelles il se croit le Pape idéal et saint de la canonisation de Hugo, qu’il se réveille et qu’il s’écrie (le mot de la fin) : … Quel rêve affreux je viens de faire !
Il a toute raison de dire avec un juste sentiment de sa valeur : « Nous faisons notre art à travers notre métier. » Un autre petit finale d’article des plus achevés en son genre, qui me revient en mémoire, est dans le compte rendu des peintres anglais, à propos d’un tableau de Hook qui a pour sujet Venise telle qu’on la rêve. […] A propos donc de ce tableau anglais, Venise telle qu’on la rêve, Théophile Gautier ne peut s’empêcher d’intervenir et de dire : « Pour notre part, nous l’avons fait souvent, le rêve de M. […] « C’est ainsi en effet qu’on la rêve, la Vénus de l’Adriatique, séchant sur sa rive de marbre son corps rose et blanc, humide encore des caresses de la nuit ; — et M. […] Théophile Gautier, comme romancier, a jugé bon plus d’une fois de profiter de son talent de voyageur et de rendre avec une entière vérité plastique différents pays et différentes époques de sa connaissance ou de son rêve.
Au fond, le rêve endormi dans quelque repli secret du coeur, chez moi-même et chez beaucoup d’autres, notre rêve inavoué, désavoué même souvent par nos habitudes et notre allure, c’est le rêve de don Juan. Or ce rêve est réalisé, du moins en partie, par les héros des romans mondains. […] Le dilettante qui n’écrit point, qui ne rêve ni n’expérimente que pour lui-même, me semble avoir à la fois plus de fierté et plus de vraie finesse d’esprit.