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1773. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre III. Soubrettes et bonnes à tout faire »

Mais c’est fait d’anciens articles retapés par quelqu’un qui ne laisse rien perdre et qui n’a pas de temps à perdre, Autrefois ces articles parlaient au présent de faits récents. […] On nous parle généralement de Hugo comme d’un vieux mort. […] Où Jules devient particulièrement intéressant c’est lorsque, quittant les livres, il parle de la vie de son héros.

1774. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre onzième. »

Par malheur, il y a ici un petit inconvénient : c’est qu’il est inutile ou même absurde de parler de morale aux princes, tant qu’on leur dira de ces choses-là. […] Quand il connaît ses devoirs aussi bien que la plupart des princes connaissent leurs droits, quand il sait ne parler que de ce qu’il entend, quand on a formé sa raison, quand on lui a enseigné l’art d’apprécier les hommes et les choses, son éducation est très-bonne et très-avancée. […] Voilà le sentiment qui les fait parler.

1775. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 8, des plagiaires. En quoi ils different de ceux qui mettent leurs études à profit » pp. 78-92

Comme les peintres parlent tous, pour ainsi dire, la même langue, ils ne peuvent pas emploïer les traits célebres, dont un autre peintre s’est déja servi, lorsque les ouvrages de ce peintre subsistent encore. […] Faites parler de guerre cet officier décrépit, il s’échauffe comme par inspiration ; on diroit qu’il se soit assis sur le trépied : il s’énonce comme un homme de quarante ans, et il trouve les choses et les expressions avec la facilité que donne, pour penser et pour parler, un sang petillant d’esprits.

1776. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 5, explication de plusieurs endroits du sixiéme chapitre de la poëtique d’Aristote. Du chant des vers latins ou du carmen » pp. 84-102

" si la tragedie peut subsister sans vers… etc. " je doute fort que ce raisonnement excusât le gout des atheniens, suposé que la musique et la danse dont il est parlé dans les auteurs anciens, comme d’agrémens absolument nécessaires, dans la representation des tragedies, eussent été une danse et une musique pareilles à notre danse et à notre musique, mais, comme nous l’avons déja vu, cette musique n’étoit qu’une simple déclamation, et cette danse, comme nous le verrons, n’étoit qu’un geste étudié et assujetti. […] Ovide qui étoit un poëte latin, et qui par conséquent ne composoit pas lui-même la déclamation de ses pieces dramatiques, dit dans une même phrase où il parle d’un de ses ouvrages qu’on representoit sur le théatre avec succès, notre carmen et mes vers. […] De-là principalement est venuë l’erreur qui leur a fait croire que le chant des pieces dramatiques des anciens étoit un chant proprement dit, parce que les auteurs anciens se servent ordinairement des termes de chant et de chanter, lorsqu’il parlent de l’execution de ces pieces.

1777. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Troisième partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère des idées politiques. » pp. 350-362

Or, s’il est vrai que les inconvénients dont nous venons de parler existent, et que ces inconvénients soient inhérents à nos mœurs et à nos institutions, il est vrai aussi que Dieu a retiré à la société le droit de vie et de mort : ainsi que nous l’avons remarqué plus d’une fois, Dieu ne s’explique souvent sur la société que par l’ordre social lui-même. […] La société continuera d’exister par l’échange mutuel des services entre les hommes et les classes ; mais ce ne peut plus être qu’un échange libre, une sorte de servitude volontaire, s’il est permis de parler ainsi. Que l’homme toutefois n’espère pas se soustraire ni aux lois et aux charges de la société, ni à ce formidable fardeau de la solidarité, dont nous avons déjà parlé plusieurs fois.

1778. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Tourgueneff »

Charrière nous signale dans l’annonce de l’introduction assez gauche dont nous avons déjà parlé. […] C’est un Fielding à courte haleine, alternant avec-un Topffer plus profond et moins pur, un Bas-de-Cuir élégant et civilisé, sans la mélancolie du désert et de la vieillesse, qui parle beaucoup, et, au lieu de rire tout bas, rit tout haut, mais qui rirait bien plus haut encore si le hasard apportait sous son regard, à la fois positif et sceptique, l’introduction faite à son livre et les énormes visées de son traducteur ! […] La meilleure preuve de cette impuissance critique, c’est cette comparaison qu’il fait, et dont nous avons déjà parlé, du livre de Tourgueneff et du célèbre roman de madame Beecher-Stowe, dont les lauriers d’or empêchent, peut-être, bien des éditeurs de dormir.

1779. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Dante »

Edmond Magnier que je parle) est littérairement une pomme encore très verte, aussi verte que son laurier, mais cela vaut mieux que d’être un fruit sec. […] Des esprits plus prévenus, plus préoccupés, ne virent bientôt plus seulement une philosophie dans l’œuvre du Dante, mais l’expression voilée de doctrines mystérieuses et séculaires, un parler clus, comme on disait avec un ineffable ridicule, un ridicule qui n’était pas clus, cachant, ce parler clus, comme un complot, le secret de l’avenir, comme il avait caché celui du passé.

1780. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Victor de Laprade. Idylles héroïques. »

Il nous a donné sa poétique, qui n’est pas d’une complication bien difficile, mais qui consiste à nous prouver à l’aide de Beethoven et de Claude Lorrain, et de la musique, et des paysages et du dernier progrès des arts, que le poète n’a plus, pour toute ressource d’invention, qu’à faire parler les arbres, les fleurs, tous les objets de la nature, ce que M.  […] On le trouve dans quelques Bucoliques de Virgile, il est vrai, mais d’abord, il est entre des bergers, c’est-à-dire des créatures qui parlent, et non pas entre des créatures inanimées et muettes, mais je n’en vois pas moins là une défaillance dans la perfection de l’artiste le plus pur de l’Antiquité. […] Et la préoccupation le tient si fort que tout à coup l’échelle devient son image favorite et qu’il nous parle de l’échelle du sourire d’or de la femme, sur lequel il escalade le ciel.

1781. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Paul Bourget »

Dans Jeanne de Courtisols, très supérieure selon moi à Georges Ancelys, les deux amants meurent tous deux du même sentiment ; ils meurent de n’avoir pas parlé, inconnus l’un à l’autre et méconnus l’un par l’autre. […] Paul Bourget est bien plus homme et bien plus poète quand il ne parle que de lui, de sa propre pensée, de ses propres sentiments, quand il ne chante que pour son propre compte, et quand lui, lui seul, s’agite dans les mystérieuses et prophétiques anxiétés de la destinée. […] L’Enfant sublime n’était qu’un enfant· Celui qui, dans l’ordre de la Poésie, représente le mieux la jeunesse interrompue d’Achille, Byron lui-même, Byron dont je viens de tant parler, n’a pas été poète du soir au matin.

1782. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre IV. Trois espèces de jugements. — Corollaire relatif au duel et aux représailles. — Trois périodes dans l’histoire des mœurs et de la jurisprudence » pp. 309-320

L’absence de lois dont parle Aristote devait les forcer de recourir aux duels. D’ailleurs deux traditions fameuses de l’antiquité grecque et latine prouvent que les peuples commençaient souvent les guerres (duella chez les anciens Latins), en décidant par un duel la querelle particulière des principaux intéressés ; je parle du combat de Ménélas contre Pâris, et des trois Horaces contre les trois Curiaces (Voy. […] Toutes les choses dont nous avons parlé se sont pratiquées dans trois sectes de temps, sectæ temporum, dans le langage des jurisconsultes : celle des temps religieux pendant lesquels régnèrent les gouvernements divins ; celle des temps où les hommes étaient irritables et susceptibles, tels qu’Achille dans l’antiquité, et les duellistes au moyen âge ; celle des temps civilisés, où règne la modération, celle des temps du droit naturel des nations humaines, jus naturale gentium humanorum (Ulpien).

1783. (1874) Premiers lundis. Tome II « Le poète Fontaney »

Ajoutez à cette noble qualité de l’esprit toutes les délicatesses et les fiertés de l’honnête homme et du gentleman, pour parler son langage de lord Feeling ; on comprendra quelles difficultés et quelles amertumes une telle nature dut rencontrer dans la vie. […] Il n’eut jamais d’autres fonctions ; mais depuis, chargé de correspondance pour certains journaux, il revit l’Espagne, il visita l’Angleterre ; il savait à merveille ces deux pays, parlait leur langue dans toutes les propriétés de l’idiome, chérissait leurs portes, leurs peintres : il était intéressant à entendre là-dessus.

1784. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Note II. Sur l’hallucination progressive avec intégrité de la raison » pp. 396-399

M… Il parle à la troisième personne, mais cet ami dont il parle est lui-même.

1785. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 190-194

Nous ne parlerons pas de celui qui a pour titre, Voyage du Parnasse, où l’esprit de satire animant sa fécondité naturelle, l’a entraîné au delà des bornes de la précision & du bon goût ; nous ne nous attacherons qu’à son Poëme de Clovis. […] Tous semblent s’opposer à l’ardeur qui le guide : Il veut armer son bras ; mais le sage Druide Arrête ce transport, & lui parle en ces mots : Apprends que la Vertu forme seule un Héros.

1786. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 387-391

On a reproché à l’Abbé Trublet d’avoir parlé trop souvent de Fontenelle, & d’avoir poussé l’enthousiasme trop loin à l’égard de ses Ouvrages. […] les Pédans du seizieme Siecle valoient m eux que vous.… Prendre un ton emphatique pour parler de la vertu, mais ne la mettre que dans vos discours & jamais dans vos actions.… voilà le grand mystere de votre Philosophie ». pag. 443.

1787. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre premier. Du Christianisme dans l’éloquence. »

Nous parlions des philosophes, et voilà que les orateurs viennent nous demander si nous les oublions. […] Qu’on ne dise pas que les Français n’avaient pas eu le temps de s’exercer dans la nouvelle lice où ils venaient de descendre : l’éloquence est un fruit des révolutions ; elle y croît spontanément et sans culture ; le Sauvage et le Nègre ont quelquefois parlé comme Démosthène.

1788. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 6, de la nature des sujets que les peintres et les poëtes traitent. Qu’ils ne sçauroient les choisir trop interressans par eux-mêmes » pp. 51-56

En effet on parle plus souvent des figures de ces tableaux que de leurs terrasses et de leurs arbres. […] Le tableau dont je parle répresente le païsage d’une contrée riante.

1789. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 15, des personnages de scelerats qu’on peut introduire dans les tragedies » pp. 115-119

Il seroit inutile d’expliquer ici que ceux qui, comme Polyeucte, parlent contre une religion l’ouvrage des hommes, parce qu’ils connoissent la verité, ne sont pas de ces impies que je proscris. […] Mais, dira-t-on, Phédre viole volontairement les loix les plus saintes du droit naturel, elle aime le fils de son mari, elle lui parle de sa passion, elle tente tout pour le seduire, enfin ce qui fait le caractere le mieux marqué d’un scelerat, elle accuse l’innocent du crime qu’elle même a commis.

1790. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 47, quels vers sont les plus propres à être mis en musique » pp. 479-483

Nous avons dit en parlant de la poësie du stile qu’elle devoit exprimer avec des termes simples les sentimens, mais qu’elle devoit nous présenter tous les autres objets dont elle parle sous des images et des peintures. […] Ainsi le musicien en composant sur des vers, tels que ceux dont nous parlons ici, fait des chants aussi variez que la nature même est variée.

1791. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — V. L’avare et l’étranger »

» La femme comprit ce que parler voulait dire et se garda bien de démentir son avare époux. […] Arrivé chez le chef, l’avare lui parle ainsi : « Chef, on m’a volé mon mil : il ne me reste rien pour nourrir ma femme et mes enfants.

1792. (1836) Portraits littéraires. Tome I pp. 1-388

La plupart des acteurs sont tirés de la dernière classe, et parlent le langage du vice. […] À parler littérairement, c’est le style du sonnet. […] Qu’il vaut bien mieux parler d’architecture sans l’avoir étudiée ! […] Mais pour peu qu’on l’en prie, il vous parlera volontiers de Kant, de Fichte, ou du dernier protocole du Foreign Office. […] En prenant la main des deux adversaires, on croirait qu’il n’a qu’à parler pour les réunir.

1793. (1900) La vie et les livres. Cinquième série pp. 1-352

Il voulait les voir, leur parler, tenir de leurs mains quelque relique. […] Je parle de notre République. […] Mais les morts parlèrent trop haut. […] Ne me parlez plus du morose Malte-Brun ni du fâcheux Cortambert. […] Ils parlaient par sentences, d’un air digne et solennel.

1794. (1906) L’anticléricalisme pp. 2-381

Combes parla. […] Ribot parlait ainsi cinq mois après. […] Et c’est bien aussi (ou de quoi parlons-nous ?) […] Pour parler net, et non pas plus net que M.  […] Il parlait sur une question très importante.

1795. (1895) Le mal d’écrire et le roman contemporain

Je veux parler du mal d’écrire. […] Elles avaient une jolie perruche qui parlait. […] Sainte-Beuve ne daigna même pas parler de lui. […] Autant parler musique à des gens qui n’ont point d’oreille. […] Voilà ce qu’on ne dit pas assez, lorsqu’on parle de M. 

1796. (1894) La vie et les livres. Première série pp. -348

Je ne parlerais pas de la pièce remarquable à laquelle ont travaillé M.  […] Les libraires recommandèrent aux auteurs de parler de la foi et de l’amour. […] En Bretagne, on parle volontiers de la mort, et l’on y pense presque toujours. […] Son cœur battait lorsqu’il parlait de l’armée. […] On a beaucoup parlé du généreux opuscule de M. 

1797. (1891) Esquisses contemporaines

Celui qui parle ainsi ne compte plus au nombre des vivants. […] Comment va mourir cet homme qui a si souvent parlé de la mort ? […] Et, dût-on n’arriver à rien, encore parlerait-on, car il faut parler. » On ne saurait exprimer plus noblement de plus nobles intentions. […] Vous parlez de complication. […] La logique parle par la bouche de Montaigu.

1798. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre III. La Révolution. »

Quatre ou cinq de la chambre des communes vont à la messe ou au sermon de la chambre… Si quelqu’un parle de religion, tout le monde se met à rire. […] Les sciences pédantes, l’économie politique, la théologie, les habitantes renfrognées de l’Académie et de la Sorbonne, ne parlent qu’en épigrammes. […] Qui veut parler, parle. […] Ce sont des hommes qui parlent, et ils parlent comme s’ils combattaient. […] Lord Chesterfield remarque qu’un Français d’alors n’entend point le mot de patrie ; qu’il faut lui parler de son prince.

1799. (1896) Les idées en marche pp. 1-385

Il parle, avant Proudhon, de féodalité financière. […] Quand Loti parle de lui-même (et de quel autre pourrait-il nous parler ?) […] La chair parle haut dans ces livres. […] Il parle en marin des abstractions. […] On ne veut plus parler pour ne rien dire.

1800. (1901) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Deuxième série

Ne parlons que de la sottise. […] Mais c’est là que règne l’art de* parler sans rien dire ! […] Mais Henri Martin parle de lui au tome XV de son Histoire de France. […] « Du style » — c’est Flaubert que je cite et qui parle. […] Avant que, en bonne esthétique, bien écrire et bien dire ce soit bien penser, parler est, en bonne science naturelle de l’esprit humain, la même chose que penser, et penser est la même chose que parler. « Penser, dit Max Muller, c’est parler tout bas ; parler, c’est penser tout haut. » La parole est une pensée qui a trouvé sa formule ; la pensée est une parole qui peut bien chercher plus ou moins longtemps sa forme achevée, mais qui trouve tout de suite une forme quelconque : sans quoi elle n’existerait point, non pas même à l’état d’ébauche.

1801. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre VI. La parole intérieure et la pensée. — Second problème leurs différences aux points de vue de l’essence et de l’intensité »

Un signe est donc un état dont, la possession actuelle implique, en droit, la prévision d’un autre état, et provoque, en fait, la réalisation de cet état : j’ai parlé, vous m’avez entendu ; j’ai le droit de supposer que vous m’avez compris, et, en fait, vous m’avez compris comme je me suis compris moi-même. […] Les langues doivent se renouveler périodiquement, non seulement pour servir au progrès de la science, mais dans l’intérêt même de la conservation des découvertes du passé : le sens commun se perdrait s’il parlait toujours la langue de nos ancêtres. […] C’est que la poésie est avant tout une œuvre sensible et une œuvre émouvante ; elle parle à l’oreille et au cœur plus qu’elle ne parle à l’esprit ; la part de conscience qui revient à la pensée est alors plus faible que jamais, et le contraste entre les mots qui signifient quelque chose et ceux qui ne signifient rien passe facilement inaperçu ; si le mot inconnu est un son brillant, si par sa sonorité propre il contribue pour sa part à renforcer le sentiment qu’éveille l’ensemble du morceau, l’esprit ne lui demande pas autre chose : les heures consacrées à la poésie ne sont pas des heures de réflexion. […] Laura Bridgmann serait-elle donc toujours comme les personnes qui parlent des lèvres ou à mi-voix ? […] La disposition opposée, je veux dire une véhémente occupation de l’esprit d’un côté, fait échapper ce qui s’insinue par l’autre. » Leibnitz parle aussi de « perceptions qui ne sont pas assez distinguées pour qu’on s’en puisse souvenir » (Principes de la nature et de la grâce, n° 4).

1802. (1926) La poésie de Stéphane Mallarmé. Étude littéraire

Je ne pouvais même supposer que mon lecteur fût un lecteur de l’auteur dont je lui parle. […] Le ridicule s’évanouit si celui qui parle n’est pas dupe et si l’esprit de la comédie lyrique est présent. […] Quand on parle du mouvement symboliste, le nom de Mallarmé vient d’abord à l’esprit. […] J’ai parlé d’une prêtrise de la durée. […] Il parlait à travers les nuages, en des mots imprécis, en une forme de rêve.

1803. (1772) Discours sur le progrès des lettres en France pp. 2-190

Cependant la fierté Romaine, en faisant l’aveu de la nécessité d’apprendre le Grec, ne souffroit pas qu’on le parlât publiquement. […] Ce n’étoit pas le seul avantage qu’ils en tiroient : ils trouvoient encore chez les Grecs des modèles en tout genre, de sorte qu’écrire & parler attiquement, c’étoit écrire & parler de la manière la plus pure. […] La langue Latine, dans laquelle ils se perfectionnèrent, jusqu’à la parler avec l’élégance & la pureté la plus grande, remplaça peu-à-peu l’idiome vulgaire, & leur ouvrit le chemin des honneurs & des dignités. On les vit bientôt occuper les premières places de la République, qui ne se donnoient qu’au mérite, & qu’on ne peut en effet remplir dignement, que lorsqu’on fait penser & parler assez bien, pour faire penser les autres. […] L’Eglise qui avoit adopté les langues Grecque & Latine, les parla toujours ; & sans elle, l’ignorance eût prévalu.

1804. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LI » pp. 198-202

Rien de bien nouveau dans ce mois ; on parlait très-vivement, lors de notre dernière chronique, des élections à faire à l’Académie. […] — On parle aussi d’une autre transformation qui serait prochaine.

1805. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Avertissement de la première édition »

On peut par là marquer les deux temps de ma manière critique, si j’ose bien en parler ainsi : dans le premier, j’interprète, j’explique, je professe les poëtes devant le public, et suis tout occupé à les faire valoir. […] J’ai cru qu’il était permis de parler à l’entre-sol un peu plus librement qu’au premier.

1806. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Introduction. Origines de la littérature française — 2. Caractère de la race. »

Race plus raisonnable que morale, parce qu’elle est gouvernée par la notion du vrai plutôt que du bien, plus facile à persuader par la justice que par la charité ; indocile, même quand elle est gouvernable, tenant plus à la liber té de parler qu’au droit d’agir, et encline à railler toujours l’autorité pour manifester l’indépendance de son esprit : elle a le plus vif sentiment de l’unité, d’où vient que la tolérance intellectuelle lui est peu familière, et qu’elle est moutonnière, esclave de la mode et de l’opinion, mais tyrannique aussi, pour imposer à autrui la mode et l’opinion, chacun voulant ou penser avec tout le monde ou faire penser tout le inonde avec soi. […] Voilà les ressources et les dispositions principales que l’esprit français apporte pour faire sa littérature, sans parler des autres caractères qui se rapportent moins directement à cet objet : voilà les traits principaux et permanents qu’il a dégagés pendant dix siècles d’intense production littéraire.

1807. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XX » pp. 215-219

Avant de parler de cette révolution, l’ordre chronologique nous oblige à passer en revue plusieurs événements qui affligèrent le parti honorable. […] Boileau publia dans le même temps son Discours au roi, dont j’ai déjà parlé : c’est un de ses meilleurs écrits.

1808. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 240-246

Nous ne parlerons pas du Discours sur la Tragédie, dont les excellentes observations ne sont pas capables d'excuser la sotte apologie qu'il y fait de l'amour tyrannique de Scudéry. […] Nous ne parlons point de ses Poésies légeres.

1809. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre II. Vue générale des Poèmes où le merveilleux du Christianisme remplace la Mythologie. L’Enfer du Dante, la Jérusalem délivrée. »

Nous verrons, à l’appui de cette vérité, que plus le poète dans l’Épopée garde un juste milieu entre les choses divines et les choses humaines, plus il devient divertissant, pour parler comme Despréaux. […] Mais le Tasse est presque toujours faux quand il fait parler le cœur ; et comme les traits de l’âme sont les véritables beautés, il demeure nécessairement au-dessous de Virgile.

1810. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre IV. Suite des précédents. — Julie d’Étange. Clémentine. »

c’est toi que j’adore : c’est de toi, je le sens, que je suis l’ouvrage, et j’espère te retrouver au jugement dernier tel que tu parles à mon cœur durant la vie. […] Écoutez parler Clémentine ; ses expressions sont peut-être encore plus naturelles, plus touchantes et plus sublimement naïves que celles de Julie : Je consens, monsieur, du fond de mon cœur (c’est très sérieusement, comme vous voyez), que vous n’ayez que de la haine, du mépris, de l’horreur pour la malheureuse Clémentine ; mais je vous conjure, pour l’intérêt de votre âme immortelle, de vous attacher à la véritable l’Église.

1811. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre VII. Des Saints. »

Nous tairons à présent, parce que nous en parlerons dans la suite, ces bienfaiteurs de l’humanité, qui fondèrent des hôpitaux, et se vouèrent à la pauvreté, à la peste, à l’esclavage, pour secourir des hommes ; nous nous renfermerons dans les seules Écritures, de peur de nous égarer dans un sujet si vaste et si intéressant. […] Nous passons rapidement sur ces solitaires, parce que nous en parlerons ailleurs.

1812. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « L’abbé Noirot »

Nous voulons parler du cours de philosophie professé à Lyon par l’abbé Noirot. […] Le livre de l’abbé Noirot, ou, pour parler mieux, ses idées peuvent donner l’espérance que philosophiquement notre pays n’a pas perdu tout à fait le sentiment de la vérité métaphysique, c’est-à-dire, en somme, de la plus haute vérité.

1813. (1845) Simples lettres sur l’art dramatique pp. 3-132

Nous ne parlons pas ici d’un ministre en particulier ; nous parlons des ministres en général. […] Comme on le voit, nous ne parlons point ici de toutes les pièces jouées, nous parlons seulement des succès d’art et d’argent. […] Relisez la Grenadière, et ne parlez plus d’argent. […] Nous ne parlons pas d’Alfred de Vigny, maltraité par M.  […] Parlerai-je des découvertes nautiques de M. 

1814. (1925) La fin de l’art

Mais d’ailleurs Pline et d’autres parlent de fumées aromatiques aspirées avec des roseaux. […] Remarquez aussi l’immense utilité qu’il y a à être fixé sur la prononciation d’une langue qu’on ne parle plus. […] On parlait encore beaucoup de lui au temps de ma jeunesse. […] Mais cela même est une manière de parler qu’il ne faudrait pas analyser de trop près. […] On y voit cependant que la connaissance du français cessait vers Bellac : plus loin, le paysan ne parle que son patois.

1815. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Pensées »

Tu crois que je parle de moi personnellement, Lecteur ; mais songe un peu, et vois s’il ne s’agit pas aussi de toi. […] La Nécessité, cette grande muse, m’a forcé brusquement d’en changer : cette Nécessité qui, dans les grands moments, fait que le muet parle et que le bègue articule, m’a forcé, en un instant, d’en venir à une expression nette, claire, rapide, de parler à tout le monde et la langue de tout le monde : je l’en remercie.

1816. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Alexandre Dumas. Mademoiselle de Belle-Isle. »

Entre tant de gens de talent qui se fourvoient, et qui semblent, à chacune de leurs œuvres nouvelles, vouloir réaliser sur eux-mêmes la décadence dont parle le vieux Nestor à l’égard des générations successives, c’est un vrai plaisir qu’un succès soudain, brillant, facile, qui, pour l’un d’eux, remet toutes choses sur le bon pied, et montre qu’une veine heureuse n’est point du tout tarie. […] D’Aubigny arrive ; mademoiselle de Belle-Isle ignore tout ; ils parlent longtemps sans s’entendre, et, lorsqu’il a expliqué enfin sa colère, elle ne peut l’éclairer d’un mot à cause de ce fatal serment que Mme de Prie lui a fait prêter devant nous dans une formule si rigoureuse. La scène où le duc arrive à son tour et parle sans se douter que le chevalier écoute, est très amusante et parfaite de jeu, quoiqu’elle ramène et promène trop à plaisir l’imagination sur les impossibles erreurs de la nuit.

1817. (1894) Propos de littérature « Chapitre Ier » pp. 11-22

. — Cela est exact en ce sens qu’on voit les choses sous une clarté particulière et par conséquent nouvelle, et si l’on est poète, si l’on ressent ce besoin d’expansion dans les formes dont je parlais à l’instant, il semble que la bouche s’ouvre d’elle-même pour crier ce que l’on sait et annoncer au monde son nouvel Évangile. […] M. de Régnier, de plus en plus penché vers une grave mélancolie, entendait la voix de la Tristesse lui parler ; parmi les amertumes et les brutalités que lui annonçait la vie, il dut sentir trop frêle son âme nouveau-née et c’est peut-être pour la protéger qu’il voulut l’envelopper dans les plis rigides de son Art. […] M. de Régnier, plus éloigné, plus tranquille, dit une parole aussi pénétrante mais sans se montrer jamais : il s’efface derrière les formes qu’il suscite et parle noblement de la tristesse avec une voix venue d’un tel horizon de songe qu’en nous faisant ressentir le poids de sa mélancolie il semble n’avoir jamais courbé le front sous elle.

1818. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre VI. La commedia sostenuta » pp. 103-118

Nous ne parlerons que du troisième, de Mamfurio, à qui Métaphraste, du Dépit amoureux, a emprunté l’étymologie du mot magister, « trois fois plus grand, tre volte maggiore ». […] Maître, parlez de manière à être compris… BARRA. […] L’Affamato, quand le Capitan a fini ses rodomontades, entame à son tour le chapitre de ses exploits ; l’un parle de géants pourfendus et de princesses délivrées, l’autre de festins gigantesques et de noces de Gamaches.

1819. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre III. L’analyse externe d’une œuvre littéraire » pp. 48-55

Il en est d’autres, où, au lieu d’exprimer en son nom ce qu’il pense, ce qu’il sent, ce qu’il désire, il prend pour intermédiaires des personnages qu’il fait parler et agir et derrière lesquels il semble parfois s’effacer et disparaître. […] Fait-il parler ses personnages comme des livres ? […] J’oserais presque parler des propriétés physiques d’un style.

1820. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Préface. de. la premiere édition. » pp. 1-22

Nous le déclarons d’avance, notre intention est d’exposer notre sentiment, & nous n’avons prétendu qu’éviter des répétitions, en retranchant ces manieres de parler, il nous paroît, il nous semble, à notre avis. […]   Nous ne parlerons point des Auteurs qui n’ont cultivé que les Sciences : l’Ouvrage eût été trop volumineux ; d’ailleurs nous n’aimons à parler que de ce que nous entendons.

1821. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 24-41

Qu’on ajoute « qu’en traitant de l’Agriculture en Vers, il n’est pas possible de n’avoir pas à parler des Vaches & de leur lait, des Porcs, des Veaux, des Cavalles, des Etalons, & qu’auqu’un de ces termes ne peut se souffrir dans les Vers sérieux ; qu’on ne peut y faire entrer les mots d’engaris, de coutre, d’arbre fruitier, de vesse, de choux, de foin, de poids, de chénevieres, de noisette, de tant d’autres choses qui ne peuvent pas plus se passer d’entrer dans un Poëme sur l’Agriculture, que dans le ménage de l’Homme des champs* ». Nous répondrons, premiérement, qu’il est très-possible de parler de la plupart de ces choses, sans se servir précisément de ces mêmes mots, comme l’a souvent fait avec succès M. l’Abbé Delille, dans sa Traduction des Géorgiques. […] Nous dirons, en second lieu, qu’il est encore très-possible de faire un bon Poëme sur l’Agriculture, sans parler de tout ce qui y a rapport.

1822. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Odes et Ballades » (1822-1853) — Préface de 1824 »

Ils s’obstinent à ne vouloir point parler la même langue ; ils n’ont d’autre langage que le mot d’ordre à l’intérieur et le cri de guerre à l’extérieur : ce n’est pas le moyen de s’entendre. […] Dans le trouble où sont les esprits, le danger de parler est plus grand encore que celui de se taire ; mais, quand il s’agit d’éclairer et d’être éclairé, il faut regarder où est le devoir, et non où est le péril ; il se résigne donc. […] Sans parler des chantres sacrés, toujours inspirés par des malheurs passés ou futurs, nous voyons Homère apparaître après la chute de Troie et les catastrophes de l’Argolide ; Virgile, après le triumvirat.

1823. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Ruy Blas » (1839) »

Pour tout homme qui fixe un regard sérieux sur les trois sortes de spectateurs dont nous venons de parler, il est évident qu’elles ont toutes les trois raison. […] Que le personnage parle comme il doit parler, sibi constet , dit Horace.

1824. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Abailard, et saint Bernard. » pp. 79-94

Il répondit au moine bénédictin, « Ne précipitons rien : la chose dont vous me parlez est de grande conséquence. […] Il faut voir en quels termes il parle de l’objet de sa jalousie secrette. […] Il gardoit un silence perpétuel, si ce n’est quand il étoit forcé de parler dans les conférences ou dans les sermons qu’il faisoit à la communauté. » Héloïse demanda les cendres d’Abailard, & les obtint.

1825. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 9, des obstacles qui retardent le progrès des jeunes artisans » pp. 93-109

L’histoire des grands artisans, soit en poësie, soit en peinture, qui n’ont pas fait naufrage sur les écueils dont je parle, est remplie du moins des dangers qu’ils y ont courus ; quelques-uns s’y sont brisez, mais tous y ont échoüé. […] Quand Horace parle sérieusement, il dit, que le jeune homme qui veut se rendre habile, doit être temperant. […] La furie qui porte la rage dans le sein de Turnus et d’Amata, n’auroit été, pour parler à notre maniere, qu’une furie pareille à la tranquille Eumenide de l’opera d’Isis.

1826. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Pélisson et d’Olivet »

Quand il parle des académiciens en particulier : « Voilà — dit-il à l’ami auquel il a dédié sa relation — ce que j’avais à vous dire des morts — (il n’en dit pas grand-chose, allez !) — et plût à Dieu que je pusse parler des vivants avec la même liberté ! […] Catalogués et numérotés par leur date d’admission à l’Académie française, tous ces esprits, qui, dans les lettres, expriment ce que Napoléon appelait de la chair à canon dans la guerre, et forment, pour ainsi parler, l’humus d’une littérature, comme la masse des soldats tués forme celui des champs de bataille, tous ces esprits n’auraient pas l’honneur de la place qu’ils occupent au petit soleil du livre de Livet s’il s’agissait individuellement d’eux, au lieu du corps dont ils ont fait partie.

1827. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Paul de Saint-Victor » pp. 217-229

Les envieux dont parle Brucker, « qui mettent dans le soleil les taches qu’ils ont dans les yeux », mirent leurs taches dans le soleil de Saint-Victor, mais il n’en continua pas moins d’aller son train, dans sa pureté de soleil ! […] L’imagination, dans l’auteur de tant d’éblouissants feuilletons écrits pendant trente ans, toutes les semaines, s’avivait et se renouvelait de la plus opulente mémoire qui ait jamais puisé au torrent de toutes les littératures… On peut dire de la mémoire de Saint-Victor ce qu’on dit de certains riches, écrasants de richesses, « qu’ils ne connaissent pas leur fortune » Chaque semaine de ces trente ans d’éblouissement dont je viens de parler, on s’attendait à l’épuisement de la sienne. […] Seulement Saint-Simon n’est pas, à exactement parler, un artiste d’inspiration et d’étude.

1828. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIV. Vaublanc. Mémoires et Souvenirs » pp. 311-322

Ils rendent des services ; mais on ne taille pas dans un mâle esprit comme Vaublanc, qui parle toujours pour dire quelque chose, comme on taille dans les bavardages d’une commère de lettres comme Mme de Genlis. […] C’est celui où Julien se dit en parlant de la femme qu’il aime et en mettant un pistolet chargé dans sa poche : « Je la presserai dans mes bras ce soir, ou je me brûlerai la cervelle. » À chaque péril qui peut le démoraliser, à chaque fatigue qui tombe sur son âme, Vaublanc a mieux que le pistolet de Julien ; il a son mépris qu’il se parle et qu’il se tient toujours chargé sur le cœur. « Tu es un lâche si tu fais cela », dit-il, et il ne le fait pas, le noble homme ; et il continue de vivre dans des conditions d’existence intolérables, traqué, mourant de faim, persécuté de gîte en gîte, mais ne voulant pas émigrer et ne voulant pas que ses ennemis qui le poursuivent pour le jeter à l’échafaud, aient plus d’esprit que lui en le prenant ! […] Vaublanc, qui n’exerça jamais d’action supérieure et unitaire sur les hommes et les choses de son temps ; Vaublanc qui, en 1830, étant à Saint-Cloud, en disponibilité, au service de cette Restauration qui était aveugle quand elle n’était pas ingrate, vit Charles X, parla à Charles X et n’entendit pas un mot de ce qui se brassait alors au conseil, Vaublanc n’est en définitive qu’un grand homme et qu’un grand ministre du cimetière de Gray, mais le critique — qui n’a pas le droit de rêver comme le poète, — ne l’invente ni ne le suppose ; il le trouve dans ce que Vaublanc a laissé.

1829. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Barthélemy Saint-Hilaire »

Mélange de qualités plus grandes que ce qu’il fait quand il obéit à sa fonction d’académicien, Barthélemy Saint-Hilaire n’est pas non plus, à rigoureusement parler, un historien. […] Mahomet fonda une religion, et à dix places dans le Coran il parla avec respect de Jésus-Christ et de sa Mère. […] Gibbon, moins spirituel, lourd cockney qui se croyait fin, Gibbon, qui achevait son Histoire, en Suisse, parla de Mahomet comme d’un marchand de vulnéraire… suisse, et il lui prêta des miracles, à lui qui a vingt places dans le Coran dit que Dieu lui a refusé le don d’en faire, et des miracles ridicules encore, comme, par exemple, de faire descendre la lune par le col de sa robe, pour l’en faire sortir par la manche !

1830. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Gérard de Nerval  »

Ses amis de ce temps-là, devenus maintenant ce que Balzac, qui agrandissait tout, appelait des maréchaux littéraires, se sont souvenus et ont parlé de lui comme de vieux maréchaux de l’Empire auraient pu parler du jeune Marceau, quoiqu’il ne fût, ni par le mérite ni par la jeunesse, un Marceau littéraire quand il mourut. […] Ourliac, dont on n’a pas tant parlé, le valait bien, et Hégésippe Moreau valait bien mieux !

1831. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Henri Heine »

Mais nous qui méprisons l’omelette soufflée et qui avons donné l’asile de ce livre à la littérature, — cette reine exilée, — nous voulons parler aujourd’hui de Henri Heine, et, qui sait ? […] — exilé comme l’homme de Florence, mais qui a des manières de parler de sa patrie encore plus tristes que celles du Dante, sous cette gaieté, mensonge et vérité, qui lui étreint avec une main si légère et des ongles si aigus le cœur ! […] Dès qu’il en parle, il allège la philosophie.

1832. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Corneille »

Il nous a parlé longtemps du poète comique dans Corneille : de la comédie de la Suivante, jolie comme son sujet ; du Menteur, dont il n’était pas besoin de nous parler (car il tient toujours la scène comme Molière, avec des touches que n’a pas Molière, et cependant Molière a écrit le rôle de don Louis — dans Don Juan — qui est un rôle cornélien !) ; mais surtout il nous a parlé avec juste raison de cette perle, dissoute dans l’oubli : la Suite du Menteur, d’une conception si naturellement ingénieuse et de situations si profondes.

1833. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Feuillet de Gonches »

Grimm les philologues, à travers les recueils de qui ces contes ont passé, nous eussions beaucoup mieux aimé, par exemple, quelque servante, comme cette servante de Perrault dont Feuillet nous a parlé dans son livre actuel, en supposant qu’elle ait existé, en supposant que, pour s’excuser d’avoir fait des contes d’enfants, cette petite chose, dans un siècle qui n’aimait que le grand et qui l’aimait jusqu’à l’hypocrisie, cette servante en faveur de qui Perrault, bêtement honteux, a donné la démission de son génie, n’ait été de sa part qu’une invention de plus. […] Nous avons parlé de Rabelais déjà, de Rabelais, l’aïeul de La Fontaine, et par qui toute langue se colore, mais il faut y ajouter le dernier venu de cette robuste famille rabelaisienne, l’auteur des Contes drolatiques, notre grand et moderne Balzac. Il n’y a, de fait, que Balzac, dans ces contes inouïs qui ne sont pas pour les enfants et qui ont tout, excepté l’innocence ; il n’y a que Balzac qui ait parlé depuis Rabelais cette langue phénoménale que Feuillet rappelle en plus d’un endroit de son livre par la propriété pittoresque de l’expression, l’opulence des vocables, le mouvement ému, les contours renflés, la grâce du tour, et particulièrement ce coloris qui étend sur toutes choses ses clartés rougissantes et qui nous fait nous demander, à nous, vieux critiques, accoutumés au feu de la phrase quand elle en a : « Mais dans quel baquet de pourpre s’est-il plongé, ce diplomate, pour en être ressorti avec cet éclat et cette vie qu’un artiste de profession lui envierait ? 

1834. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXV. Des éloges des gens de lettres et des savants. De quelques auteurs du seizième siècle qui en ont écrit parmi nous. »

Mais ce qu’il ne faut pas oublier, c’est que cet homme qui avait de la douceur dans le caractère, comme de la grâce dans le style, et qui avait été témoin de la Saint-Barthélemi en France, dans des phrases élégantes et harmonieuses, en parle non seulement avec tranquillité, mais avec éloge. […] Enfin des hommes qui honoraient de grandes places par de grandes lumières, tels que le cardinal d’Ossat et le président Brisson ; et ce Harlay, intrépide soutien des lois parmi les crimes79 ; et ce L’Hôpital, poète, jurisconsulte, législateur et grand homme, qui empêcha en France le fléau de l’inquisition, qui parlait d’humanité à Catherine de Médicis, et d’amour des peuples à Charles IX ; qui fut exclu du conseil, parce qu’il combattait l’injustice ; qui sacrifia sa dignité, parce qu’il ne pouvait plus être utile ; qui, à la Saint-Barthélemi, vit presque les poignards des assassins levés sur lui, et à qui d’autres satellites étant venus annoncer que la cour lui pardonnait : « Je ne croyais pas, dit-il d’un air calme, avoir rien fait dans ma vie qui méritât un pardon. » Voilà les noms les plus célèbres que l’on trouve dans les éloges de Sainte-Marthe. […] Il semble qu’on est dans un cabinet de médailles que l’on parcourt, et qu’un homme qui a été le contemporain et l’ami de tous ces grands hommes, en vous montrant leur figure, vous parle d’eux avec cet intérêt tendre que donnent l’estime et l’amitié.

1835. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre V. »

Mais nous y remarquons aussi, par le choix de l’auteur ou peut-être par les altérations de l’usage et du temps, cette variété de dialectes dont Homère avait usé pour parler à toute la Grèce, et que, dans une autre société, reproduisit le Dante pour parler à toute l’Italie. […] On parla d’une statue votive consacrée par Arion dans le temple de Saturne, sur le promontoire de Ténare.

1836. (1911) Études pp. 9-261

Elle parlait sagement, elle racontait ses épreuves sans déchaînement, sans éclat. […] Toute la semaine, au lycée, nous l’attendions, nous parlions de lui. […] Sous son inspiration la mélodie parle et prie. […] Tu parles à Dieu pour nous. […] Et ce détachement dont vous parlez, n’est-ce pas une sorte d’incapacité ? 

1837. (1925) Promenades philosophiques. Troisième série

Mais il est bien grave de parler d’origines. […] Chez lui, ce fut le sentiment qui parla, bien plus que la logique. […] Parler de lui, même pour le maudire, c’est le justifier. […] Quand nous parlons de lui, nous en parlons au passé ou au futur. […] Vous parlez d’une femme, sans doute de celle que vous aimez ?

1838. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — I. » pp. 325-345

Je vis cette ombre s’étendre au loin autour de moi et marquer partout mon néant 49 … Ici un découragement moral s’empara de lui et le fit peu à peu déchoir de cette hauteur vertueuse où il n’est pas donné à la jeunesse stoïque de se maintenir : Il n’y a qu’un principe de vices pour un homme bien né et à qui la raison a parlé, disait-il à ceux de sa famille avec qui il s’épanchait, c’est l’ennui, le dégoût des circonstances auxquelles il est soumis, c’est le néant du cœur ; au nom de Dieu, ne me laissez pas plus longtemps exposé à cet état. […] Je ne puis pas vous parler de vous ; mais j’espère qu’il est assez connu combien je vous estime et vous aime, et combien je m’en honore. […] Je ne reviendrai pas sur ces tristes époques : il faudrait être un Tacite pour parler avec intérêt et puissance de ces horribles temps, et tant de gens qui ne sont pas des Tacite s’en sont constitués les historiens. […] C’est à cette lecture de Hobbes qu’il emprunta la conclusion et peut-être l’inspiration d’une admirable page sur la démocratie dont j’ai parlé précédemment sans la citer, mais dont je veux ici extraire la partie la plus saillante. […] [NdA] J’ai peine à m’expliquer comment Étienne Dumont de Genève, en ses Souvenirs, parlant de Roederer qu’il rencontrait dans le groupe des Girondins, a pu dire de lui : « Roederer, homme d’esprit, mais fort ignorant, avait un fonds de légèreté dans le caractère qui lui donnait un rôle subalterne, quoique par sa capacité il l’emportât sur presque tous. » Quand on a eu sous les yeux les extraits en masse des lectures de Roederer dès sa première jeunesse, et quand on a vu l’ensemble de ses travaux sous la Constituante, on ne saurait admettre que cette ignorance dont parle Dumont, et dont les plus instruits eux-mêmes ne sont pas exempts sur les points étrangers à leurs études, ait porté le moins du monde sur la science politique et économique qui était l’essentiel ici.

1839. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — III » pp. 178-197

… Ce chant, pour justifier son titre, traite des fleurs, des travaux du jardinage : « Qui aime un jardin aime aussi une serre. » Il y a des préceptes tout particuliers sur l’art d’élever les courges ; le poète y parle d’après sa propre expérience, et comme quelqu’un qui a mis la main à la bêche et à la terre. […] La maladie morale de Cowper, dont j’ai parlé sans la définir, était d’une nature à part et d’une singularité extrême : il se croyait à jamais rejeté et réprouvé, et il le croyait avec une suite, une persistance et une opiniâtreté qui constituaient la manie. […] Dans ses bons moments et ses plus heureuses saisons, la voix s’éloignait ou parlait plus bas, mais il ne parvenait jamais à l’étouffer entièrement, et aux heures de crise elle redevenait menaçante et sans trêve. […] Cowper d’ailleurs, qui a encore de commun avec lui de s’être développé si tard, a parlé de Rousseau plus d’une fois, et en connaissance de cause ; il l’avait lu, au moins dans ses premiers grands ouvrages, et, dès le temps où il était établi à Huntingdon auprès des Unwin, il écrivait à son ami Joseph Hill ; « Vous vous souvenez de la peinture que fait Rousseau d’une matinée anglaise ; telles sont celles que je passe ici avec ces braves gens. » Je ne sais de quelle matinée anglaise il s’agit, à moins que ce ne soit dans L’Émile le joli rêve de « la maison blanche avec des contrevents verts », et de la vie qu’on y mène ; Cowper et Hill, en le lisant d’abord ensemble, l’avaient peut-être qualifié ainsi26. […] Viens lui parler de devoir, de convenance, lui dire combien la vérité morale est aimable, combien le sens moral infaillible… Ne t’épargne pas sur ce sujet… Déploie toutes tes facultés de déclamation et d’emphase à la louange de la vertu… Pousse ta prose éloquente jusqu’à surpasser l’éclat de la poésie… Il y manque toujours une toute petite parole à voix basse, que Celui-là seul peut prononcer de qui le verbe atteint d’un coup son plein effet, et qui dit aux choses qui ne sont pas d’être, et elles sont à l’instant.

1840. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — II » pp. 316-336

Quelques hommes qui avaient assez de sagesse et de fermeté de raison pour l’entendre et en devancer de loin les solutions, parlaient à des sourds, et quand ils essayaient, comme L’Hôpital, d’introduire publiquement la modération par des édits, ils ne faisaient que prêter des armes immédiates aux passions. […] Sans parler de sa mère, femme forte, de vieille roche, l’inspiratrice et l’âme des résistances, et sur laquelle nous aurons tout à l’heure à revenir ; sans parler de sa femme, de cette fille de Sully, beauté toute jolie et mignonne, épouse des plus légères, mais fidèle politiquement et auxiliaire active et dévouée, Rohan avait pour second son frère : ce cadet, Benjamin de Rohan, connu sous le nom de Soubise, était l’homme de mer, l’amiral des Églises, de même que Rohan en était le généralissime sur terre et dans les montagnes. […] Rohan, déjà gêné au dedans par les siens, dut également souffrir de cette gêne en face de l’ennemi, et peut-être des accusations sourdes qui en venaient parfois à son oreille ; et il semble, nous le verrons, avoir voulu répondre à tout et se satisfaire lui-même lorsqu’il se mit, à son dernier jour, à faire le coup de pique en simple volontaire dans l’armée du duc de Weimar, comme s’il s’était dit : « Cette fois enfin je ne suis plus un général ni un chef de parti, je ne suis qu’un soldat. » Ouvrons maintenant les mémoires de Richelieu, lorsqu’il a à parler des mêmes conjonctures. […] La conscience des vaincus pourtant, quand il y a en jeu des sentiments sincères et de vraies croyances, et aussi une portion de droit engagée, a ses forces secrètes, ses ressorts profonds, invincibles, et dont il ne faut parler qu’avec respect.

1841. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « I » pp. 1-20

Nous demandons la permission, ayant à parler de lui, d’en rester à nos propres impressions déjà anciennes, fort antérieures à des débats récents, et de redire, à propos des volumes aujourd’hui publiés, et sauf les applications nouvelles, le jugement assez complexe que nous avons tâché, durant plus de vingt ans, de nous former sur son compte, de mûrir en nous et de rectifier sans cesse, ne voulant rien ôter à un grand esprit si français par les qualités et les défauts, et voulant encore moins faire, de celui qui n’a rien ou presque rien respecté, un personnage d’autorité morale et philosophique, une religion à son tour ou une idole. […] On peut en parler sans avoir à toucher nécessairement à rien de ce qui envenime. […] Quand on ne songe qu’à l’idéal de l’agrément, à la fleur de fine raillerie et d’urbanité, on se plaît à se figurer Voltaire dans cette demi-retraite, dans ces jouissances de société qu’il rêva bien souvent, qu’il traversa quelquefois, mais d’où il s’échappait toujours. « Mon Dieu, mon cher Cideville, écrivait-il à l’un de ses amis du bon temps, que ce serait une vie délicieuse de se trouver logés ensemble trois ou quatre gens de lettres avec des talents et point de jalousie, de s’aimer, de vivre doucement, de cultiver son art, d’en parler, de s’éclairer mutuellement ! […] Réjouissez-vous bien, monsieur (il parle au comte de La Touraille), il n’y a que cela de bon, après tout. […] Souvenez-vous de l’amitié tendre que vous avez eue pour moi ; au nom de cette amitié, informez-moi par un mot de votre main de ce qui se passe, ou parlez à l’homme que je vous envoie, en qui vous pouvez prendre une entière confiance.

1842. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Vie de Maupertuis, par La Beaumelle. Ouvrage posthume » pp. 86-106

Formey, qui l’avait vu dans ce court séjour, en parle en assez bons termes : « Sa physionomie, dit-il, était revenante ; il s’exprimait bien, et l’on ne peut pas dire qu’il ait eu le dessous dans ses écrits polémiques contre Voltaire. […] Je me manquai au point, disait-il plus tard dans ses lettres à Voltaire, de parler de vous avec cette hauteur qui n’est pas même permise à la supériorité. […] Il a fait un petit traité sur le bonheur, qui est le plus sec et le plus désagréable du monde ; on n’a jamais parlé du bonheur d’une manière plus maussade. […]  » Adieu, mon cher ; quand Marc Aurèle a parlé, il me convient de me taire. Je fais mille vœux pour votre reconvalescence. » Mais Frédéric en parlait à son aise : il avait pour lui sa gloire, ses actions, son monument de roi : Voltaire pouvait en salir un peu la base et en tacher quelques bas-reliefs, non l’ébranler.

1843. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres, publiées par M. de Falloux. »

Je ne sais si Mmc Swetchine a positivement désiré qu’il fût tant parlé d’elle après elle ; mais, si elle l’a désiré un moment tout bas sans le dire, elle n’a pu mieux faire que de se choisir, comme elle l’a fait, M. de Falloux pour son exécuteur testamentaire et pour le dépositaire de ses papiers. […] Voici le passage dans lequel il parle du mariage de Mlle Soymonof (c’était le nom de famille de Mme Swetchine), âgée pour lors de dix-sept ans, et du choix que son père fit pour elle du général Swetchine, protecteur encore plus qu’époux : « C’était un homme d’une taille élevée et d’un aspect imposant, d’un caractère ferme, droit, d’un esprit calme et plein d’aménité. […] La céleste Roxandre, en ce temps-là, était l’objet de son admiration vraiment romanesque ; elle la voyait comme assise sur un trône idéal, et, dans la suite de lettres qu’elle lui adresse, on croirait par moments qu’elle parle à quelque impératrice de Constantinople ou de Trébizonde. […] Ce fut une grâce… » Elle disait encore, en parlant de cet entier abandon de son être au sein de Dieu : « Ces sentiments, chère amie, sont de très ancienne date : le premier germe en a été conçu dans un temps où l’air était encore embaumé, les objets à l’entour resplendissants de beauté et de fraîcheur, et où mon cœur, quoique troublé par des peines, sentait encore parfois son existence avec enivrement. » Pour le philosophe et l’observateur, qui ne donne dans le surnaturel qu’à son corps défendant, il n’y a pas tant à s’étonner de cette subtilisation, de cette sublimation (pour parler comme en chimie) de tous les sentiments. […] Voyageant en Italie en 1824, Mme Swetchine avait rencontré Mme Récamier à Rome ; elle en parlait dans une lettre à Mme de Montcalm avec beaucoup d’impartialité : « Le duc de Laval est de tout, disait elle, Mme Récamier n’est de rien et paraît préférer sincèrement la vie retirée.

1844. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Merlin de Thionville et la Chartreuse du Val-Saint-Pierre. »

Parmi les réhabilitations et exhumations récentes, je trouve aussi dans les livres rangés devant moi une réimpression, non pas des Mémoires, mais, pour parler exactement, du Mémoire justificatif de Garat, adressé à la Convention après le 9 thermidor, avec une Préface et Notice par M.  […] Il lui parle de la religion d’une manière à fort étonner un jeune séminariste encore novice et très sincère : il ne la prenait, en effet, que par le côté social et politique, et pour l’utilité morale ; hors de là, il n’en acceptait rien et se croyait tout à fait libre et dégagé dans son for intérieur, « ne voyant le péché que dans l’injustice, le défaut de charité et le scandale. […] Ce fut lui qui chercha l’occasion de m’en parler en me faisant remarquer, combien pouvait être douce et heureuse l’existence d’un curé qui sait ménager les convenances. […] Le procureur (dom Effinger), le plus égoïste et le plus insouciant de tous les hommes, est le seul avec qui je puisse parler. […] Pour moi, j’allais des uns aux autres ; sachant que j’avais la permission de leur parler, les uns me questionnaient sur ce qui se passait hors du cloître, les autres sur la théologie ; les vieux m’exhortaient à partager leur sort, tandis que les jeunes, croyant que je devais entrer au noviciat, me regardaient ou avec pitié ou avec des yeux surpris et hébétés. » Il est inutile de dire la fin de l’aventure ; on la devine de reste, et tout se rejoint aisément.

1845. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La comtesse d’Albany par M. Saint-René Taillandier (suite et fin.) »

Le roi lui parla assez longtemps, mais seulement de la traversée, de la mer, de choses générales ; la reine de même, mais moins. […] Pas un mot entre elle et les princesses ; on ne m’a rien dit non plus du prince (de Galles), mais il y était, et probablement il lui a parlé. […] appris l’italien auquel elle excella vite, qu’au commencement de sa liaison avec Alfieri et pour lui complaire ; jusque-là, on ne parlait que français dans son salon ; — elle disait donc de l’Angleterre, en termes justes et excellents : « J’ai passé environ quatre mois en Angleterre et trois à Londres. […] Le peuple est triste, sans aucune imagination, sans esprit même, avide d’argent, ce qui est le caractère dominant des Anglais… » Ainsi parlait du pays, dont son défunt mari avait prétendu être le roi légitime, cette femme de trente-neuf ans, mûre désormais, une vraie femme du XVIIIe siècle, et des meilleures, sensible et sensée. […] Elle fut tout à coup mandée à Paris parle maître souverain et brusque qui avait l’œil à tout et dont l’attention avait été éveillée, je ne sais comment, sur ce salon des bords de l’Arno.

1846. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.). Guerre des Barbets. — Horreurs. — Iniquités. — Impuissance. »

« On ne parle ici que de tout exterminer et de tout détruire, de faire pendre les grands et les petits. » C’est ce qu’un officier français écrivait de Pignerol dès les premiers mois de cette année. […] » La stupeur dont fut saisie l’assemblée à cette proposition ne saurait se dépeindre : les Vaudois demandaient du secours, s’attendaient à la lutte, espéraient la victoire, et avant même qu’ils eussent combattu, on leur parlait d’accepter toutes les conséquences de la défaite. […] Ce n’est point moi (bien entendu) qui parle en ce moment, je ne suis que l’écho des écrivains militaires les plus instruits et les plus capables. […] Je sais que, toutes les fois qu’on parle de Catinat, il est de mode de dire beaucoup de mal de Feuquières ; Catinat n’eut pas à se louer de lui en deux circonstances, et il est plus que possible que Feuquières, en effet, par son caractère, et dans la pratique, ait eu quelques-uns des inconvénients qu’on lui a reprochés ; il faut bien croire, puisque tous l’ont dit, qu’il avait des vices de cœur : il n’en est pas moins vrai que, comme écrivain militaire, Feuquières est un esprit supérieur, et que la lecture de ses Mémoires ne soit un des livres qui donnent le plus à réfléchir. […] Je ne suis pas très-content de Bayle sur l’article des Vaudois ; il a parlé d’eux en plus d’un endroit, et dans son Avis aux Réfugiés, et dans sa Réponse aux questions d’un Provincial ; au milieu des raisonnements qu’il fait et des choses justes qu’il ne peut manquer de dire, on y désirerait un mouvement d’humanité et un cri d’indignation qui n’y est pas.

1847. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Réminiscences, par M. Coulmann. Ancien Maître des requêtes, ancien Député. »

. — Je ferai remarquer que, quand on a été jeune en 1814 et qu’on parle de la jeunesse de 1864, on n’est pas très en position de comparer par soi-même et de mesurer exactement la différence qu’il peut y avoir entre les deux jeunesses. […] L’auteur vient de parler des vexations et des procédés brutaux qu’il eut à essuyer de la part des Prussiens dans son domaine d’Alsace, à Brumath ; cela le conduit à une réflexion fort sage : « De ces excès, dit-il, dont aucune armée n’est innocente, soit qu’ils empruntent de la main lourde et de l’intelligence lente des Autrichiens un caractère de petitesse et de détail, à la fois étouffant et solennel ; soit que la demi-civilisation du Russe leur imprime une fourberie raffinée ou une violence sauvage ; soit que le Prussien y mette sa hauteur et sa prétention ; soit enfin que la malice et la moquerie rendent insupportables les ingénieux tourments que le Français sait infliger à ses victimes, je ne veux tirer qu’une conséquence : c’est que la guerre, quelquefois si légèrement commencée, laisse aux intérêts et aux amours-propres des plaies qu’un siècle cicatrise à peine. « C’est grand pitié que de la guerre : je croy que si les sainctz du paradis y allaient, en peu de temps ils deviendraient diables », dit Claude Haton en 1 553 déjà. » 1815 vient renflammer les plaies et aggraver tous les maux. […] Il paraît bien (remarquez que je parle d’autant plus hardiment de lui que je n’ai nullement l’honneur de le connaître), il paraît bien, dis-je, qu’il était fort joli garçon, digne de ses charmantes sœurs, un bel Alsacien, très blond. […] Elle prétendait avoir pour lui une antipathie physique… » Béranger, une fois lancé, ne s’arrête pas en si beau train ; il parle du monde de Mme de Staël comme s’il y avait vécu ; il tire à droite et à gauche. […] Coulmann parle aussi très bien d’Alexandre de Humboldt, et il fait remarquer avec raison « qu’on n’a jamais vu un Allemand ni un Prussien plus jaloux et plus ambitieux que lui de la légèreté parisienne ; sa médisance tenait certainement plus du désir d’être amusant et agréable que de l’envie et de la malignité. » Ce sont là des traits heureux et justes.

1848. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « GRESSET (Essai biographique sur sa Vie et ses Ouvrages, par M. de Cayrol.) » pp. 79-103

Ceux qui ont tant parlé de goût au nom des classiques, dont ils se croyaient les seuls défenseurs, ont eu souvent ce tort et commis cette petite inconséquence. […] La première veine de jeunesse dissipée, la matinée à peine finie et midi sonnant, Gresset n’eut plus rien à dire, et ne put que se replier dans Amiens : car je suis fort de l’avis de Diderot, qui remarque quelque part que, lorsqu’un poëte peut prendre si aisément sur lui de se taire, c’est qu’il n’a plus guère à parler. […] Cette littérature tout intérieure et confinée aux ornements des écoles avait de la gaieté, et laissait à ces aimables maîtres (encore un coup, je ne parle que de ceux qui ne faisaient pas les théologiens) une certaine enfance de mœurs et d’esprit qui de près n’était pas sans charme. […] Ceux de Gresset avaient pourtant de quoi plaire dans leur nouveauté : Jean-Baptiste Rousseau, qui les recevait à Bruxelles, ne se contenait pas de joie, et voyait déjà dans le nouveau-venu un rival et un vainqueur de Voltaire : « Je viens de relire votre divine Épître (celle à ma Muse), lui écrivait-il, et, si la première lecture a attiré mon admiration, je ne puis m’empêcher de vous dire que la seconde a excité mes transports. » Il est vrai que, dans l’épître en question, Gresset y parlait de Jean-Baptiste comme d’un Horace, et le proclamait ce Phénix lyrique. […] Gresset, par exemple, dont Votre Majesté me parle, a deux emplois qui lui rendent deux mille écus ; il faut ajouter à cela une des plus jolies femmes de Paris pour maîtresse. » Frédéric espérait Gresset à Berlin et ne l’eut pas.

1849. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jules de Glouvet »

Et je suis tenté de croire que, parmi les causes qui nous ont rendus si différents des hommes d’autrefois, même des hommes d’il y a cent ans, il faut tenir grand compte de celle-là, et que cet amour de la nature a profondément modifié l’âme humaine (je ne parle, bien entendu, que d’une élite). […] Jules de Glouvet, dont je voudrais parler aujourd’hui. […] Dans le même paragraphe, il nous parle de « fleurs mignonnes » et de « mystérieux ombrages ». […] Je ne veux point parler de ses romans bourgeois, qui pourtant ne sont point ennuyeux, mais où je n’ai pas fait de découvertes et dont les dialogues ont quelquefois le tort de rappeler ceux de Paul de Kock. […] Crédule comme les autres, il crut les autres sur parole, même quand ils causaient de lui ; écouta dans l’espace où le surnaturel parle aux âmes simples, et entendit.

1850. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Victor Duruy » pp. 67-94

J’aurai, pour vous la remettre sous les yeux, un secours qui me deviendrait une gêne, si je pouvais avoir la prétention de mieux parler de M. Duruy, ou même d’en parler autrement, que ne l’a fait M.  […] Puis, M. de Salvandy parla de l’envoyer comme recteur à Alger. […] La théorie des deux morales, c’est-à-dire, pour parler net, le privilège accordé aux souverains et aux hommes d’État de manquer à la morale dans un intérêt public ou qu’ils estiment tel, peut être également l’erreur volontaire et calculée d’un prince selon Machiavel — ou l’illusion d’un mystique, comme paraît avoir été ce mélancolique empereur au souvenir de qui trop de douleur s’attache pour que nous puissions, nous, le juger en toute liberté d’esprit, mais qui, au surplus, se trouverait sans doute suffisamment jugé, si l’on regarde sa fin, par le mot de Jocaste à Œdipe : « Malheureux ! […] On l’exceptait, pour ainsi parler, du second empire, — sans qu’il sollicitât, en aucune manière, cette exception.

1851. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVII. Rapports d’une littérature avec les littératures étrangères et avec son propre passé » pp. 444-461

On ose173, reprenant un mot de Gœthe, parler déjà de littérature européenne. […] Il convient de ne pas négliger non plus ces petites Frances du dehors, où l’on parle français, mais où l’on pense suisse ou belge, et dont les produits gardent par là même un goût prononcé de terroir ; elles ont leur originalité, par conséquent leur action propre, et, en sus, elles sont comme des jardins d’acclimatation où les idées des peuples voisins font halte et se francisent à demi avant de s’introduire en France ; elles sont nos initiatrices ordinaires aux littératures étrangères. […] Italie, Espagne, France, Angleterre, Allemagne ont eu tour à tour leur âge d’or, leur grande époque ; comme les coureurs dont parle le poète, ces nations se sont passé de ’une à l’autre le flambeau de la vie. […] Pour ne parler que de la France, elle n’a pas été seulement au xiiie et au xviie  siècle la nation-reine qu’on admire et imite ; presque en tout temps, elle a été pour ses voisines une fournisseuse inépuisable. […] Au milieu de cette masse énorme d’imitations, il n’en faut pas oublier une espèce particulière qui est de toute époque ; je veux parler de l’action que des écrivains contemporains et courant la même carrière exercent l’un sur l’autre.

1852. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon. » pp. 270-292

Elle en parle sans cesse, et ses impressions varient dans le courant même de la lecture. […] Si M. le duc de Noailles n’a voulu qu’exercer contre Saint-Simon des représailles sévères pour la manière injurieuse et haineuse dont celui-ci a parlé du maréchal de Noailles son ancêtre et de Mme de Maintenon, il n’y a rien là-dedans que d’excusable et de légitime jusqu’à un certain point : ce sont des querelles de famille où nous n’avons pas à entrer. […] C’est en ce sens qu’ont parlé de ce noble règne, et Voltaire lui-même, et M. de Bausset, l’historien de Bossuet et de Fénelon, et d’autres encore. […] Son capitaine Maupertuis, son ami Coëtquen, sont touchés en quelques traits heureux, et, en la personne de Maupertuis, il commence déjà à critiquer et à démolir la noblesse de ceux dont il parle, ce qu’il fera ensuite continuellement. […] Tout est ainsi, tout parle et se voit, et chacun se trouve traduit au vif dans sa nature.

1853. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Théodore Leclercq. » pp. 526-547

Mademoiselle, je vous ai défendu de parler politique. […] Mais, madame, ce n’est pas parler politique que de parler de Mme Darbaut. […] On est tenté d’arrêter celui qui parle, et de lui demander : Est-ce bien là ce que vous entendez ? […] Le Père Joseph se compose de quatre dialogues dans lesquels le père convertisseur et politique parle successivement à la vieille marquise, à sa fille la comtesse, et au fils de celle-ci, jeune officier, à trois générations, essayant auprès de chacune le langage qu’il croit le mieux lui convenir.

1854. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Notice historique sur M. Raynouard, par M. Walckenaer. » pp. 1-22

.) ; quand on s’est bien convaincu que cet auteur n’a pas relu Villehardouin avant de faire parler ses chevaliers, il faut saluer et applaudir avec le parterre quelques beaux vers qui redoublent d’effet en situation, cinq ou six hémistiches qui rendent quelque écho du sublime de Corneille, un cri d’innocence qui s’élève des dernières scènes, et le très beau récit final du supplice. […] La langue romaine, le latin, qu’on parlait dans toutes les villes et dans les environs des villes, cessa d’être la langue de l’administration et de se parler régulièrement. […] Cette première idée, fondée sur des preuves si légères, en vérité, que les gens de bon sens et neufs à la question souriraient si je pouvais les leur exposer ; cette première idée lui fut si précieuse, qu’il imagina là-dessus tout un système, à savoir que du vie au ixe  siècle, dans l’intervalle de la domination des Wisigoths à celle de Charlemagne, il s’était formé et parlé en France une langue romane unique, type et matrice de toutes les autres qui se sont produites depuis, et servant comme de médiateur entre le latin et elles toutes. […] Mais ici le sentiment vif de l’équité l’a fait écrire comme il aurait parlé.

1855. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Arnault, de l’Institut. » pp. 496-517

Écrivain, il se recommande encore aujourd’hui par de véritables mérites : ses quatre volumes de Souvenirs sont d’une très agréable et instructive lecture ; ses tragédies, pour être appréciées, ont besoin de se revoir en idée et de se replacer à leur moment ; mais ses fables, ses apologues, plaisent et parlent toujours ; un matin, dans un instant d’émotion vraie et sous un rayon rapide, il a trouvé quelques-uns de ces vers légers, immortels, qui se sont mis à voler par le monde comme l’abeille d’Horace et qui ne mourront plus : c’est assez pour que, nous qui aimons à rechercher dans le passé tout ce qui a un cachet distinct et ce qui porte la marque d’une époque, nous revenions un instant sur lui et sur sa mémoire. […] Arnault est assez piquant lorsqu’il parle de Monsieur, et il nous le définit bien dans sa nature et sa portée d’esprit littéraire ; pourtant il abuse un peu du droit que lui donne la proscription dont l’honora plus tard son ancien maître, lorsqu’il dit d’un ton cavalier : « Monsieur, à tout prendre, était un garçon d’esprit, mais il le prouvait moins par des mots qui lui fussent propres que par l’emploi qu’il faisait des mots d’autrui. » Est-ce de ma part une excessive délicatesse ? […] Dans une première conversation qu’il eut avec Arnault, Regnault de Saint-Jean-d’Angély présent, il le fit causer de Paris et de l’esprit qui y régnait, puis ne dédaigna point de causer lui-même et de parler de ses opérations de guerre, de sa tactique et de l’esprit qu’il y apportait. […] » dis-je à Bonaparte, dès que le départ des deux témoins m’eut permis de lui parler librement. — « Rien demain » ; me répondit-il. — « Rien !  […] » — Un jour, au coin d’une rue, heurté par un cavalier maladroit, Arnault se retourne et parle haut ; une altercation s’ensuit ; les passants regardent, et le cavalier, se piquant d’honneur, lui dit en lui présentant sa carte : « Au reste, voilà mon adresse. » — « Votre adresse, reprend Arnault, gardez-la pour conduire votre cheval. » Et chacun de rire.

1856. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VII. Mme de Gasparin »

Il s’ancre en nous, et son charme est tel, à ce livre, que la Critique, cette vieille tête froide, presque enivrée, car l’attendrissement a ses ivresses, se met de la glace autour des tempes, pour convenablement en parler. […] En écrivant un pareil titre, que nous osons blâmer parce qu’il n’est pas clair, au front d’un livre qui est tout clarté, l’auteur a parlé, d’ailleurs, comme tant de mystiques, une langue intelligible pour lui seul. […] Nous parlerons d’elle comme si elle n’était pas dessous. […] Quel temps pour parler de la vie future ! […] Ne sera-t-elle pas tentée par cette grande et mystérieuse possession du corps et du sang de Notre-Seigneur par le moi, et, pour parler comme elle, le moi tout entier !

1857. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VIII »

On relira avec intérêt les pages (IX, 92 et 93) dans lesquelles Wagner nous parle des nuits passées sur son balcon à Venise. […] S’il s’agissait d’un poème parlé, l’atténuation du sens ne saurait aller plus loin. […] Jullien parle de « l’état d’isolement douloureux et d’absolu découragement où il se trouvait en exil » (page 148) ! […] Je ne parle pas d’après des on-dit. […] Lamoureux rêvait-il peut-être de la « Marseillaise définitive », dont on nous a tant parlé ces derniers temps ?

1858. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre cinquième. Genèse et action des principes d’identité et de raison suffisante. — Origines de notre structure intellectuelle »

Maintenant, quand nous parlons des mêmes effets produits par les mêmes causes, en des instants ou lieux indifféremment différents, nous supposons une identité tout imaginaire des effets. […] Quand nous affirmons que la mort arrive souvent, nous parlons d’une notion générale ; ce qui arrive, c’est la mort de Pierre, de Paul, de Jean ; et chaque mort est un phénomène particulier, seul de son espèce quand on le considère dans la totalité de ses circonstances. […] En d’autres termes, au lieu de parler de l’action, Hume parle du caractère transitif de l’action et de son effet sur un patient quelconque, qui, à son tour, réagit. […] Quand le mouvement commencé s’accroît et s’achève sous la pression du désir même, il y a là deux termes unis par un lien encore plus étroit que ceux dont nous avons parlé tout à l’heure. […] Aussi nous parle-t-on de mouvements, de directions, de vitesses, de résultantes, toutes choses que nous chercherons en vain a priori dans l’inspection de notre pensée.

1859. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIe entretien. Boileau » pp. 241-326

Nous allons aujourd’hui vous parler de Boileau. […] On sentait qu’il parlait dans une langue vêtue et chaste, qui s’offense des nudités du style comme d’une profanation des yeux. […] Il n’appartenait pas à un poète sans passion de parler des femmes. […] Il me semble entendre un buveur d’eau parler de l’ivresse. […] Nous voulons parler de son poème héroï-comique du Lutrin.

1860. (1857) Cours familier de littérature. IV « XIXe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset (suite) » pp. 1-80

La dame dont ici j’ai dessein de parler Était de ces beautés qu’on ne peut égaler ; Sourcils noirs, blanches mains, et pour la petitesse De ses pieds, elle était Andalouse, et comtesse ! […] Cependant, en silence, Comme Dalti parlait, sur l’océan immense Longtemps elle sembla porter ses yeux errants. […] Il courba son front pâle, et resta sans parler. […] Quand ils parlent ainsi d’espérances trompées, De tristesse et d’oubli, d’amour et de malheur, Ce n’est pas un concert à dilater le cœur. […] Auprès d’une infidèle Quand ton illusion n’aurait duré qu’un jour, N’outrage pas ce jour lorsque tu parles d’elle ; Si tu veux être aimé, respecte ton amour.

1861. (1913) Poètes et critiques

Sa pièce, parla même, perd le caractère antique, la sobriété du détail ; par contre, elle devient un morceau accompli de réalisme vigoureux. […] Victor Giraud écrivit ou, pour parler exactement, récrivit son Essai sur Taine. […] Ne nous y trompons pas, et entendons ce que parler veut dire. […] C’est lui qui parle. […] Et c’est de ses romans que j’aurais dû parler, et parler très abondamment, si j’avais eu à cœur de donner, d’un seul coup, toute sa mesure.

1862. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre quatrième »

Il ne parle jamais sans émotion de la faiblesse de l’homme. […] Pascal, si impatient qu’il soit de se mettre en paix sur des vérités si capitales, quoique brûlant de cette soif dont parlent les docteurs, ne fait jamais un pas en avant qu’après s’être assuré sur le terrain qu’il va quitter. […] Maintenant, n’est-ce pas lui rendre un hommage que son cœur eût dédaigné, que de parler avec louanges de la profondeur d’esprit qui se révèle dans ses Pensées ? […] Le mot d’Arnauld à Pascal, « Vous qui êtes curieux », éclaire une époque de cette noble vie, et nous fait voir quelle était, à l’heure où parlait Arnauld, la direction d’esprit de Pascal. […] Ce n’est plus l’esprit curieux dont parle Arnauld, mais l’ardent solitaire qui sentait, dans son cœur et dans sa foi, les blessures faites par ces odieuses maximes à la nature, à la raison, à la piété.

1863. (1890) L’avenir de la science « X » pp. 225-238

La nature leur parlait plus qu’à nous, ou plutôt ils retrouvaient en eux-mêmes un écho secret qui répondait à toutes ces voix du dehors, et les rendait en articulations, en paroles. […] Nous ne serions plus capables de parler le sanscrit ; nos meilleurs musiciens ne pourraient exécuter les octuples et les nonuples croches du chant des Illinois. […] L’enfant la possède encore avant de parler ; mais il la perd, sitôt que la science du dehors vient rendre inutile la création intérieure. […] Prendre un idiome à tel moment donné de son existence peut être utile sans doute, s’il s’agit d’un idiome qu’on apprenne pour le parler. […] La foule lui prête la grande matière ; l’homme de génie l’exprime, et en lui donnant la forme la fait être : alors la foule, qui sent, mais ne sait point parler, se reconnaît et s’exclame.

1864. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Théâtre » pp. 83-168

Nous demandons pardon au public de lui parler de nous : notre excuse est de ne lui en avoir jamais parlé jusqu’ici. […] On a parlé de protections, d’influences ayant déterminé cette réception. […] Est-ce pour cela qu’on nous siffle, et qu’on veut empêcher notre pièce de parler au public ? […] En vérité, Figaro n’eut pas tort quand il parlait des avantages de la Sainte-Cabale. […] On a parlé d’Hernani !

1865. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre V. Des orateurs anciens et Modernes. » pp. 223-293

D’ailleurs, comme ils parloient les deux plus belles langues qui ayent jamais été dans la bouche des hommes, on ne s’apperçoit de ce défaut que lorsqu’on lit leurs traducteurs. […] Jean Raulin dans ce même sermon parle ainsi au sujet de la nécessité du jeûne. […] Ce ne fut guéres que du tems de Coeffeteau & de Balzac, que quelques Prédicateurs osérent parler raisonnablement. […] Je ne vous ai point parlé des Sermons de l’illustre Fénélon, ouvrage de sa jeunesse & les premieres fleurs des fruits mûrs qu’il donna ensuite. […] Peu d’hommes destinés à parler en public, ont reçu de la nature des dispositions aussi favorables que celles qu’avoit le célébre Mascaron, Evêque d’Agen.

1866. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — II. (Fin.) » pp. 398-412

Il y a, dans ce récit de Nicétas, une parole d’estime pour Villehardouin, et je suis assuré que, s’il avait eu à parler de Nicétas à son tour, Villehardouin la lui aurait également rendue. […] passons à d’autres », dit la Fortune ; et le Génie de la civilisation, se voilant un moment et la suivant à regret, parle bientôt comme elle. […] On était trop prompt, au xiiie  siècle et depuis, à tout refuser en fait de Muses et de Grâces à ceux qui étaient nés par-delà certaines rivières et certains monts : « Ne me parlez point, écrivait à l’un de ses amis de Paris Paul-Louis Courier devenu Grec et Romain en 1812, ne me parlez point de vos environs ; voulez-vous comparer Albano et Gonesse, Tivoli et Saint-Ouen ?

1867. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — I » pp. 56-70

Ce qui est certain, c’est qu’en lisant les Commentaires de Montluc, il revit pour nous tout entier. « Il faisait beau l’ouïr parler et discourir des armes et de la guerre » ; ainsi disait en son temps Brantôme qui l’avait entendu, et nous, lecteurs, nous pouvons le redire également aujourd’hui. […] Comme il n’a que très tard commandé en chef, il parlera donc en détail des moindres escarmouches, affaires de nuit, rencontres, coups de main et stratagèmes où il a eu un premier rôle, ce qui lui arriva de bonne heure à cause de son esprit d’entreprise et de sa hardiesse. […] Ayant à parler en passant d’André Doria, le grand amiral génois, dont le mécontentement et par suite la défection furent cause de beaucoup de pertes qui advinrent au roi de France, de celle de Naples et autres malheurs : « Il semblait, dit Montluc, que la mer redoutât cet homme ; voilà pourquoi il ne fallait pas, sans grande et grande occasion, l’irriter ou mécontenter. » M. de Lautrec mort, on dut lever le siège de devant Naples et s’en revenir. […] Il est content quand il peut dire dans une de ces marches hardies : « C’était une belle petite troupe que la nôtre. » Dans les guerres de Piémont, sous le maréchal de Brissac, il avait extrait de sa compagnie, qui était dans une garnison, trente-quatre soldats qui avaient des morions ou casques jaunes (car il avait éprouvé le bon effet, sur le moral, de ces marques distinctives), et qui étaient renommés sous ce nom : « Tant qu’il y aura mémoire d’homme qui fut alors en vie, écrivait-il vingt ans après avec orgueil, il se parlera en Piémont des braves morions jaunes de Montluc : car, à la vérité, ces trente quatre en valaient cinq cents, et me suis cent fois étonné de ce que ces gens firent lors : je pouvais bien dire que c’était petit et bon11. » Je ne voudrais pas avoir l’air de restreindre les mérites et la portée de Montluc.

1868. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Les Chants modernes, par M. Maxime du Camp. Paris, Michel Lévy, in-8°, avec cette épigraphe. « Ni regret du passé, ni peur de l’avenir. » » pp. 3-19

Quand les hommes forts de notre race ont paru dans la foule, quand Victor Hugo, Lamartine, Auguste Barbier, Alfred de Vigny, Balzac, ont parlé, il s’est fait tout à coup un grand silence autour d’eux ; on a recueilli religieusement chacune de leurs paroles, on a battu des mains, et, d’un seul élan, on les a placés si haut que nul encore de nos jours n’a pu les atteindre. […] Encore une fois, je puis le certifier à M. du Camp avec toute l’impartialité d’un homme qui a très peu l’esprit de corps, — à cet endroit où il parle de l’Académie, il frappe fort, mais il frappe à côté. […] En proposant tout net « la dissolution de cette fade compagnie de bavards » (car c’est ainsi qu’il parle), il a son projet d’une Académie nouvelle : il y veut faire entrer « des lexicographes, des poètes, des étymologistes, des romanciers, des historiens, des philosophes et des savants, qui recevraient la mission de faire un vrai dictionnaire, d’écrire les origines de la langue française (mais c’est ce qu’on fait aujourd’hui à l’Académie !) […] Cette vivacité, cette légèreté, que je regrette de ne point rencontrer plus souvent chez lui, je la trouve pourtant dans quelques strophes de ses « Chants de la matière », là où il fait parler le Chloroforme, le Gaz, la Photographie ; ce sont de très jolies strophes.

1869. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — III » pp. 174-189

» Sans prétendre juger du fond des choses dans des affaires si embrouillées, il est certain pour moi, par la manière dont il est parlé de Joubert dans le récit de Fouché, et par la comparaison des pièces produites dans cette vie même du général, que Joubert, plus ou moins en garde d’abord contre les procédés de Brune, fut bientôt retourné et gagné par Fouché. […] Il offrait sa démission, parlait de trois mois de repos, de convalescence nécessaire, et déclarait en même temps que, l’opération du Piémont terminée, il n’accepterait aucun commandement en chef. […] » — « Je lui parlai alors de Joubert, ajoute Fouché, comme d’un général pur et désintéressé, que j’avais été à portée de bien connaître en Italie, et auquel on pourrait, au besoin, donner sans danger une influence forte : il n’y avait à craindre ni son ambition, ni son épée, qu’il ne tournerait jamais contre la liberté de sa patrie. — Sieyès, m’ayant écouté attentivement jusqu’au bout, ne me répondit que par un C’est bien. […] Napoléon a toujours parlé très bien de Joubert, et comme d’un ami ; son jugement, conservé tant dans ses Mémoires que dans les conversations de Sainte-Hélène, résume toute la carrière du jeune guerrier, ses services, ses mérites et ses qualités, avec cette conclusion : « Il était jeune encore et n’avait pas acquis toute l’expérience nécessaire.

1870. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite et fin.) »

Or, la diction dans les Mystères, dans celui du moins dont je parle et dans tous ceux que j’ai vus, est généralement molle, délayée, étendue d’eau. […] Plus tard, d’ans l’admirable sermon pour le jour de sainte Madeleine, prêché par Massillon, ce maître des cœurs, il y aura quelques traits, quelques intentions qui, de loin, rappelleront ce même motif : c’est quand la pécheresse qui chez Massillon est aussi une femme de qualité, après avoir entendu Jésus une première fois, déjà touchée et à demi pénitente, se dit en elle-même : « Ses regards tendres et divins m’ont mille fois démêlée dans la foule… Il a eu sur moi des attentions particulières ; il n’a, ce me semble, parlé que pour moi seule… » Et la voilà déjà à demi gagnée ; sa coquetterie même sert à sa conversion. […] Les spectateurs d’alors se contentaient à moins. » Quand des érudits des plus compétents parlent avec cette modestie et cette bonne foi de l’objet de leurs études, on se sent d’autant plus porté à leur accorder ce qui est juste, et on est tout prêt à placer avec eux leur vieux Mystère à son rang dans la série des anneaux intermédiaires qui permettent de mesurer les lents efforts, en tout genre, de l’esprit humain. […] Elle a inspiré à de grands poètes tragiques, aux Shakespeare et aux Schiller eux-mêmes, des inventions odieuses ou absurdes ; elle a inspiré au plus bel esprit et à la plus vive imagination une parodie libertine qui est devenue une mauvaise action immortelle ; elle est en possession de faire naître, depuis Chapelain, des poèmes épiques qui sont synonymes d’ennui, et que rien ne décourage, qui recommencent de temps en temps et s’essayent encore çà et là, même de nos jours, sans arriver jusqu’au public : soyez bien sûrs qu’à l’heure où je vous parle il y a quelque part un poëme épique de Jeanne d’Arc sur le métier.

1871. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

Ne parlons pas tant des vertus du grand siècle. […] Quand il mourut, la Gazette de France parla de lui comme du plus vieux militaire de son temps et du plus ancien magistrat.  […] Non content d’écrire à Louvois pour réclamer des mesures de rigueur, et avant même d’avoir la réponse, Foucault s’adresse au Père de La Chaise pour lui suggérer d’autre part des moyens auxiliaires plus doux ; il propose non plus ici des cavaliers et des dragons, mais d’autoriser une conférence, par exemple, où les points controversés soient agités, disant que les ministres et les principaux religionnaires de ces contrées ne cherchaient qu’une porte honnête pour rentrer dans l’Église : « Ceux, ajoute-t-il, qui sont les plus considérés et les plus accrédités dans le parti m’ont assuré que c’était la seule voie qui pût faire réussir le grand projet des conversions ; que celles de rigueur, de privation des emplois, les pensions et les grâces seraient inutiles. » Dans un voyage qu’il fait à Paris, il en parle également au chancelier Le Tellier, lequel a d’ailleurs peu de goût pour Foucault, et qui ferme l’oreille à sa proposition : « Il la rejeta absolument, disant qu’une pareille assemblée aurait le même succès que le Colloque de Poissy ; que le pape trouverait mauvais que l’on fît une pareille conférence sans sa participation, et me défendit d’en parler au roi.

1872. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La civilisation et la démocratie française. Deux conférences par M. Ch. Duveyrier »

Ceux même qui ne bornent pas leur vue aux horizons terrestres et qui voient par-delà un avenir immortel ne sont nullement insensibles, comme autrefois, aux beautés et aux jouissances naturelles et légitimes : ils ne ferment pas les yeux à ce qui enchante et à ce qui plaît sur cette terre d’exil ; ils ne parlent plus même d’exil, mais seulement de préparation ; ils ne prétendent pas que la pauvreté et la misère soient tellement préférables à leurs contraires qu’il faille hésiter dès ici-bas à les combattre et à les détruire. […] Je ne parle, bien entendu, qu’en général. […] On dit qu’il a eu un grand succès de lecture : moi qui sais avec quel feu il parle en improvisant, je regrettais d’abord qu’il ne se fût point livré à la parole vive ; mais on m’assure qu’il a lu de façon à produire plus d’effet encore. […] Duveyrier, qui est un auteur dramatique des plus distingués, qui connaît la mise en scène et l’art du dialogue, qui a excellé à faire parler des personnages naïfs et originaux, ait su donnera ce qu’il lisait l’accent, le ton, la physionomie, et que dans un seul monologue il ait diversifié les rôles.

1873. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « GLANES, PÖESIES PAR MADEMOISELLE LOUISE BERTIN. » pp. 307-327

Les Roches, telles que je les ai vues, ce n’était pas la campagne du Journal des Débats ni d’aucun journal : on n’y parlait point de ces choses. […] Je veux moins parler des ballades qui terminent le volume et y font appendice ; elles prouvent de l’habileté et ont même de la grâce, mais l’accent y est moins original. […] De même de Chloé lorsqu’on entend la voix, En mille questions tous parlent à la fois : On dirait une ruche où chaque travailleuse A la tâche du jour mêle sa voix joyeuse. […] J’entends surtout parler en ceci des poëtes lyriqués ou du moins non dramatiques ; je laisse le théâtre à part ; on verra tout à l’heure pourquoi.

1874. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires de madame de Staal-Delaunay publiés par M. Barrière »

De quoi s’agit-il en effet, sinon de grâce, d’esprit et d’agrément (je parle de cet agrément qui survit et qui se distingue à travers les âges) ? […] On reviendra, si je ne me trompe, à ces femmes du xvie  siècle, à ces contemporaines des trois Marguerite, et qui savaient si bien mener de front les affaires, la conversation et les plaisirs : « J’ai souvent entendu des femmes du premier rang parler, disserter avec aisance, avec élégance, des matières les plus graves, de morale, de politique, de physique. » C’est là le témoignage que déjà rendait aux femmes françaises un Allemand tout émerveillé, qui a écrit son itinéraire en latin, et à une date (1616) où l’hôtel Rambouillet ne pouvait avoir encore produit ses résultats253. […] Je ne daignois parler, puisqu’il ne m’entendoit pas ; il me semble même que je ne pensois plus. » Notons ce dernier trait ; il rappelle le vers de Lamartine s’adressant à la Nature : Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé. […] Quand le marquis revient peu après à Silly, la fleur du sentiment avait déjà reçu en elle quelque dommage ; la réflexion avait parlé.

1875. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre IV. Poésie lyrique »

Toutes ces chansons ne parlent que d’amour ; c’est la jeune fille, joyeuse de sa jeunesse et d’être jolie, qui se vante d’avoir un ami, ou se plaint de ne pas en avoir ; qui veut épouser celui que ses parents lui refusent, ou refuse celui qu’ils lui donnent, et nous dit leur dureté. […] Il se forma d’autres genres selon la forme choisie, et selon la nature des accessoires employés pour particulariser le thème général : la séparation des amants, avertis du lever du jour par l’alouette, et plus tard parle veilleur, constitua l’aube, la rencontre d’un chevalier et d’une bergère, qui souvent le refuse et parfois l’accepte, forma la pastourelle, dont les rythmes furent particulièrement vifs et gracieux. […] Il n’est pas difficile de supposer que, l’identité des mots aidant, l’amour chrétien, aspiration éperdue vers le Dieu infini et parfait, désir affiné et subtilisé parle sentiment du néant de l’âme amoureuse devant l’incompréhensible objet de l’amour, ce sentiment de tendresse mystique a fourni le type de la dévotion galante de l’amant à sa dame. […] Dans cette dernière, il fut un des diplomates et des orateurs de l’armée, avec Villehardouin, qui en parle avec estime.

1876. (1894) Propos de littérature « Chapitre III » pp. 50-68

(Qu’on se rassure, je ne vais pas parler grec). […] Mais on n’y voit pas encore le coloris personnel dont j’ai parlé : plutôt la volonté de reproduire avec justesse les tons d’un paysage qui signifie. […] J’ai parlé de la splendeur héroïque de certains de ses vers ; pour les derniers d’entre eux c’est le plus souvent une splendeur interne qui peut être intense et vivace mais reste sans trop d’éclat. […] Celles-ci sont déduites brillamment plutôt qu’en un large élan de l’âme, et, très légitimement d’ailleurs, c’est en évoquant une silhouette immobile que le poète nous parle de l’action ; le geste apparent du dernier vers n’est lui-même qu’une attitude.

1877. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XIV. La commedia dell’arte au temps de Molière (à partir de 1662) » pp. 265-292

L’aide-mémoire de Dominique Biancolelli, dont nous parlerons plus loin, ne traçant qu’un seul rôle, ne permet point de se former une idée suffisante de l’ensemble des pièces. […] On le confronte avec Aurelia qui est surprise en voyant l’habit de Valerio, mais qui, se remettant bien vite, feint de parler à Valerio lui-même. […] Au second acte, Arlequin rentre avec Diamantine ; tous les deux respirent une odeur qui les surprend, quand le rôtisseur arrive, demande à Arlequin s’il est content du dîner qu’il a mangé ; Arlequin croit qu’on lui parle de celui que son ami lui a donné, il en fait l’éloge. […] On semble avoir voulu exprimer par ce bariolage cette nature de caméléon dont Riccoboni parlait tout à l’heure.

1878. (1899) Psychologie des titres (article de la Revue des Revues) pp. 595-606

Et l’on conçoit maintenant que nous puissions parler d’une Psychologie des titres. […] Maurice Barrès donna Sous l’œil des Barbares, les causeurs et les critiques trop nombreux qui parlent des livres après les avoir à peine feuilletés, s’imaginèrent que l’auteur entendait par ces Barbares, à la mode romantique, les imbéciles, les bourgeois, les Philistins, tandis qu’au contraire il comprenait dans ce terme tous les hommes, fussent-ils de la plus haute, de la plus délicate culture, qui attentent à l’intégrité de notre moi, ou empêchent que nous en prenions pleine conscience. […] Mais il est surtout un genre dans lequel cette fantaisie des titres s’était toujours un peu exercée et qui prit, avec la découverte de l’imprimerie, une extension énorme : je veux parler des écrits religieux. […] Les écrivains de maintenant et de tout à l’heure, pour parler comme M. 

1879. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Lawrence Sterne »

dire que tu vas ce soir au Ranelagh, tandis que moi je reste assis plein de tristesse dans ma solitude, comme le prophète quand la voix lui parla et lui dit : Que fais-tu donc, Élie ? […] Par exemple, il hiérarchise autrement que moi les mérites des écrivains dont il parle. […] Hédouin, qui a fait précéder sa traduction d’un rapide essai que l’on voudrait, quand on le lit, plus rapide encore, ne juge pas mieux l’homme dont il parle que le livre qu’il s’est donné mission de traduire. […] « Les vaillants athlètes » dont parle M. 

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