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1221. (1900) La vie et les livres. Cinquième série pp. 1-352

Il pensait, avec raison, que les auteurs n’existent que par leurs œuvres. […] Cette œuvre de prédilection germait lentement dans son esprit et dans son cœur. […] La collection des œuvres complètes de M.  […] Je voudrais essayer de retracer sa vie d’après ses œuvres. […] Il a passé sa vie à faire œuvre d’amoureux.

1222. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre X. De la simplicité du style »

Les premières œuvres de nos grands écrivains, quand ils les ont écrites en pleine jeunesse, sont rarement exemptes de rhétorique. […] Les femmes qui pensent ou qui font du style ressemblent fort aux écoliers : et de là vient que, dans notre littérature, celles qui n’ont pas cru faire œuvre d’écrivains, se sont mises au-dessus des autres.

1223. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lemercier, Népomucène Louis (1771-1840) »

Charles Nodier Il y a dans cette œuvre (La Panhypocrisiade) tout ce qu’il fallait de ridicule pour gâter toutes les épopées de tous les siècles et, à côté de cela, tout ce qu’il fallait d’inspiration pour fonder une grande réputation littéraire. […] Quoique très attaché à la tradition classique, il poursuivit en tous sens l’inconnu et le nouveau, tantôt avec une inquiétude nerveuse, tantôt avec une décision clairvoyante et virile. « Le génie fait sa langue », disait-il, et les épigraphes de ses œuvres prouvent qu’il ne craignait ni les difficultés ni les injustices : Me raris juvat auribus placere… incedo per ignes !

1224. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre V. Un livre de Renan et un livre sur Renan » pp. 53-59

Renan a créé assez d’œuvres pour qu’on lui permette la joie de faire paraître, de temps en temps, un livre né sans peine, par les soins du seul éditeur. […] On l’estime trop pour en douter. — Il veut, des œuvres et des manifestations de Renan, déduire son caractère.

1225. (1887) Discours et conférences « Discours prononcé à Tréguier »

Votre place est marquée dans l’exécution de ces grandes œuvres modernes ; car, en même temps que vous êtes du présent, vous tenez fortement au passé. […] Entrez hardiment, avec votre génie propre, dans le concert de l’œuvre française ; portez-y votre raison, votre maturité.

1226. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Girac, et Costar. » pp. 208-216

Les œuvres de Voiture, imprimées après sa mort, furent un nouveau sujet de guerre. […] Il se donna pour la lumière qui devoit éclairer ses contemporains & dissiper leurs prestiges, réduisit Voiture à sa juste valeur, & fit une critique de ses œuvres.

1227. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « VI »

Faguet, se remettre à chicaner, philosopher, appeler à son aide science et philosophie pour aboutir à cette explication : Taine a changé de manière parce qu’il avait en lui la vocation de ce changement. « Il possédait en germe (certains passages de ses œuvres antérieures en font foi) un cerveau visuel et sensoriel, et ce mécanisme n’a fonctionné que lorsque l’objectif s’est trouvé braqué sur un milieu inhabituel, … les Pyrénées. »‌ Ce qui veut dire que, si Taine s’est créé un style plastique, c’est qu’il avait des dispositions au style plastique. […] Taine aurait tout simplement « retrouvé son premier instinct littéraire, étouffé par ses œuvres de début, de sorte que le style descriptif lui aurait été aussi naturel que le style abstrait ».‌

1228. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre ii »

Mais, cette fois, ce n’est plus pour aucune œuvre de division, ni d’exclusion, et sur cette diversité (dont nous allons, une à une, examiner les nuances principales), se fonde l’amitié la plus belle et la plus agissante.‌ […] Après les avoir vus à l’œuvre deux ans sous les obus, à Reims, le cardinal Luçon leur rend ce témoignage : « Mêlés à leurs camarades dans le rang, les Jeunes Catholiques ont certainement exercé par leurs discours et leurs exemples un véritable apostolat et secondé très efficacement celui du prêtre soldat. » Rares seront les survivants, constate l’un de leurs chefs, et relevant avec fierté une phrase effroyable, il dit : « Il est trop vrai que la jeune génération catholique est enterrée dans les tranchées.

1229. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Le Chevalier de Méré ou De l’honnête homme au dix-septième siècle. »

Balzac, dont les œuvres subsistent bien plus que celles de Voiture, avait incomparablement moins d’esprit comme homme, et peu ou point de discernement des personnes. […] Quand l’abbé Nadal publia, en 1700, les Œuvres posthumes du chevalier, les choses étaient devenues autrement manifestes, et l’humble Esther siégeait sous le dais. […] Ce Satyricon est bien l’œuvre d’un démon. […] Aussi je tiens d’un auteur grec que c’étoit un crime à la cour d’Alexandre de remarquer les moindres fautes dans les œuvres d’Homère. » Voiture et Homère ! […] Je serais étonné si ce n’était pas d’elle aussi qu’il veut parler : « Une personne, la plus charmante que je connus de ma vie… » (Page 152 des Œuvres posthumes.)

1230. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIVe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

L’insuccès d’une œuvre se mesure à la prétention. Ce fut un échec ; il avait voulu tromper sa nature, la nature se vengea ; ce fut sa dernière œuvre. […] Nous n’exigeons pas qu’un homme de lettres et un homme d’État, impliqués dans un même homme, compromette à tout propos son œuvre politique devant la multitude, par ses professions de foi philosophiques, téméraires et radicales, qui aliènent de lui la liberté et la raison d’une partie de son siècle. […] On risque de se moquer de Dieu en raillant son œuvre, le ridicule peut toucher au blasphème. […] Le cerisier de Thonon vivra plus que le château de Combourg ; mais, au Vicaire savoyard près, toutes les autres œuvres de Chateaubriand sont très-supérieures comme style à Jean-Jacques Rousseau.

1231. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger, 1833. Chansons nouvelles et dernières »

En demeurant le plus individuel des poëtes, aussi bien que le plus accompli des artistes, le chansonnier a su devenir le plus populaire, le seul même qui réellement l’ait été en France, depuis des siècles, en ce sens que, durant quinze années, ses œuvres, partout retentissantes, auraient pu, à la lettre, vivre et se transmettre sans l’impression. […] C’est une magnifique et inespérée terminaison d’une œuvre qui paraissait close. […] Il y a là une noble recherche d’égards, et aussi une douce science de composer, d’assortir son œuvre et sa vie comme un bouquet odorant, non moins suave qu’impérissable. 

1232. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, romans (1832) »

Les romans ne sont pas l’œuvre propre de la première jeunesse. […] Hugo gagna de l’âge ; il heurta des hommes ; il remua des idées ; il multiplia ses œuvres ; il se mesura avec des géants historiques, Cromwell, Napoléon, et reconnut en eux un mélange de bien et de mal, qu’il n’eût pas d’abord aperçu dans de moindres exemples. […] Dans Notre-Dame l’idée première, vitale, l’inspiration génératrice de l’œuvre est sans contredit l’art, l’architecture, la cathédrale, l’amour de cette cathédrale et de son architecture.

1233. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « VICTORIN FABRE (Œuvres publiées par M. J. Sabbatier. Tome Ier, 1845. » pp. 154-168

VICTORIN FABRE (Œuvres publiées par M. […] Le second volume de ces œuvres ayant paru avant le premier, nous en avons parlé dans la Revue de Paris du 11 juin dernier ; la publication actuelle du premier volume, qui contient des fables, des poëmes académiques et quelques autres poésies, ne pourrait que modifier très-peu notre premier jugement, et nous n’y insisterions pas aujourd’hui, si la Vie de Victorin Fabre, que l’honorable éditeur, M. […] Semblable à ces orages qui, en détruisant la moisson, ravagent et empoisonnent la terre, l’invasion avait jeté dans tous les esprits une perturbation qu’on aurait prise pour l’œuvre de plusieurs siècles.

1234. (1875) Premiers lundis. Tome III « Nicolas Gogol : Nouvelles russes, traduites par M. Louis Viardot. »

Gogol ; j’étais dans ce cas comme tout le monde ; j’avais un avantage pourtant que je réclame, c’était d’avoir rencontré autrefois, sur un bateau à vapeur, dans une traversée de Rome à Marseille, l’auteur en personne, et là j’avais pu, d’après sa conversation forte, précise, et riche d’observations de mœurs prises sur le fait, saisir un avant-goût de ce que devaient contenir d’original et de réel ses œuvres elles-mêmes. […] dit Boulba doucement ; et il inclina vers la terre sa tête grise. » C’est ici que le bourreau commence son œuvre de torture ; l’auteur a le bon goût de nous en épargner les atroces détails successifs ; il ne peut cependant tout nous supprimer, et c’est graduellement qu’il nous amène au cri final qui arrache une larme ; toute cette page est à citer : « Ostap, nous dit-il, supportait les tourments et les tortures avec un courage de géant. […] Nous donnons maintenant la suite et le complément de ses œuvres encore éparses ou inédites en librairie.

1235. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XI. Il Convitato di pietra (le Convié de pierre) » pp. 191-208

Il Convitato di pietra (le Convié de pierre) L’œuvre la plus importante que joua la nouvelle troupe italienne pendant son séjour en France, fut la fameuse comédie intitulée Il Convitato di pietra (le Convié de pierre), qu’elle représenta en 1657. […] Il n’échappera à personne que l’arlequinade italienne, telle ou à peu près telle que nous venons de la retracer, était pourtant une transition presque nécessaire entre l’œuvre du Frère de la Merci et l’œuvre philosophique et satirique de Molière.

1236. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « La Plume » pp. 129-149

On n’y a jamais conspiré, dans l’ombre, contre une œuvre ou contre un homme. […] Elle mit en exposition l’œuvre des peintres, des sculpteurs et des ouvriers d’art ; elle s’occupa de sociologie, de musique. […] N’est-ce point-là l’œuvre définitive qui marque une étape et fait époque dans la vie littéraire d’un peuple ?

1237. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre I. Place de Jésus dans l’histoire du monde. »

C’était l’œuvre d’hommes pénétrés d’un haut idéal de la vie présente et croyant avoir trouvé les meilleurs moyens pour le réaliser. […] On sent d’avance que les résultats qui en sortiront seront d’ordre social, et non d’ordre politique, que l’œuvre à laquelle ce peuple travaille est un royaume de Dieu, non une république civile, une institution universelle, non une nationalité ou une patrie. […] Le judaïsme devint la vraie religion d’une manière absolue ; on accorda à qui voulut le droit d’y entrer 88 ; bientôt ce fut une œuvre pie d’y amener le plus de monde possible 89.

1238. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VII. Développement des idées de Jésus sur le Royaume de Dieu. »

Beaucoup de vague restait sans doute dans sa pensée, et un noble sentiment, bien plus qu’un dessein arrêté, le poussait à l’œuvre sublime qui s’est réalisée par lui, bien que d’une manière fort différente de celle qu’il imaginait. C’est bien le royaume de Dieu, en effet, je veux dire le royaume de l’esprit, qu’il fondait, et si Jésus, du sein de son Père, voit son œuvre fructifier dans l’histoire, il peut bien dire avec vérité : Voilà ce que j’ai voulu. […] Ce fut justement cette contradiction qui assura la fortune de son œuvre.

1239. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XI. Le royaume de Dieu conçu comme l’événement des pauvres. »

Vraiment, je vous l’assure, la sagesse n’est justifiée que par ses œuvres 532. » Il parcourait ainsi la Galilée au milieu d’une fête perpétuelle. […] La sagesse des œuvres de Dieu n’est proclamée que par ses œuvres elles-mêmes. » Je lis [Greek : ergôn], avec le manuscrit B du Vatican, et non [Greek : teknôn].

1240. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1854 » pp. 59-74

Afin de faire un peu d’exercice, de ne pas tomber malades, nous ne nous permettons qu’une promenade après dîner, une promenade dans les ténèbres des boulevards extérieurs, pour n’être point tirés, par la distraction des yeux, de notre travail, de notre enfoncement spirituel en notre œuvre. […] * * * — Il est une corruption des vieilles civilisations qui incite l’homme à ne plus prendre de plaisir qu’aux œuvres de l’homme, et à s’embêter des œuvres de Dieu.

1241. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre II. Le dix-neuvième siècle »

Escalader cela ensuite, et détrôner les usurpations au milieu des tonnerres ; voilà l’œuvre. […] Oui, tous tant que nous sommes, grands et petits, puissants et méconnus, illustres et obscurs, dans toutes nos œuvres, bonnes ou mauvaises, quelles qu’elles soient, poëmes, drames, romans, histoire, philosophie, à la tribune des assemblées comme devant les foules du théâtre, comme dans le recueillement des solitudes, oui, partout, oui, toujours, oui, pour combattre les violences et les impostures, oui, pour réhabiliter les lapidés et les accablés, oui, pour conclure logiquement et marcher droit, oui, pour consoler, pour secourir, pour relever, pour encourager, pour enseigner, oui, pour panser en attendant qu’on guérisse, oui, pour transformer la charité en fraternité, l’aumône en assistance, la fainéantise en travail, l’oisiveté en utilité, la centralisation en famille, l’iniquité en justice, le bourgeois en citoyen, la populace en peuple, la canaille en nation, les nations en humanité, la guerre en amour, le préjugé en examen, les frontières en soudures, les limites en ouvertures, les ornières en rails, les sacristies en temples, l’instinct du mal en volonté du bien, la vie en droit, les rois en hommes, oui, pour ôter des religions l’enfer et des sociétés le bagne, oui, pour être frères du misérable, du serf, du fellah, du prolétaire, du déshérité, de l’exploité, du trahi, du vaincu, du vendu, de l’enchaîné, du sacrifié, de la prostituée, du forçat, de l’ignorant, du sauvage, de l’esclave, du nègre, du condamné et du damné, oui, nous sommes tes fils, Révolution ! […] Ainsi que vous, ils ont pour seul point de départ, en dehors d’eux, l’être universel, en eux, leur âme ; ils ont pour source de leur œuvre la source unique, celle d’où coule la nature et celle d’où coule l’art : l’infini.

1242. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre II. Mademoiselle Mars a été toute la comédie de son temps » pp. 93-102

Ajoutez cette différence entre les mystères solennels de Molière et les futiles mystères du drame et du roman, comme on les fait de nos jours ; une fois que vous avez soulevé le sombre manteau du romancier ou du dramaturge, vous êtes au fait de son œuvre : « “N’est-ce que cela ?” […] Le miracle c’est que la suite du Misanthrope est une œuvre illustre et grande, et c’est pourquoi nous demandons la permission d’en parler à cette place même ; il sera plus facile au lecteur de comparer entre elles ces deux grandes œuvres : Le Misanthrope de Molière et Le Philinte de Fabre d’Églantine.

1243. (1860) Ceci n’est pas un livre « Le maître au lapin » pp. 5-30

La reproduction matérielle de la nature, si exacte que soit cette reproduction, est par elle-même impuissante à éveiller en nous l’émotion poétique qui doit naître de la contemplation d’une œuvre d’art. […] Je ne crois pas qu’on trouvât — en feuilletant l’œuvre des Allemands — beaucoup d’eaux-fortes d’un effet aussi terrifiant que la Comédie de la Mort. […] Si je ne vous parle que de la Sainte Famille et de la Comédie de la Mort, lorsque Rodolphe Bresdin a produit tant d’autres œuvres remarquables, hélas !

1244. (1811) Discours de réception à l’Académie française (7 novembre 1811)

Laujon avait donné l’édition complète de ses œuvres ; on y reconnaît un esprit fin, un travail facile, une aimable négligence. […] Telle est la chanson dans les, œuvres de M.  […] Au premier coup d’œil jeté sur les œuvres de Molière, qui peut méconnaître le siècle où il a vécu ?

1245. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXI. Mme André Léo »

Mais Proudhon, appliqué au roman, doit donner quelque chose comme l’ennui d’un Grandisson dépassé… L’avocasserie pour les droits de la femme détermine beaucoup plus les livres des bas-bleus que la vocation des belles œuvres. […] Elle a la négation raisonnée de toute autorité et de toute hiérarchie, la fureur de l’égalité avec l’homme, dans l’intelligence, dans les œuvres, dans l’amour et surtout dans le mariage… Les femmes du temps de Molière ne faisaient que les savantes, et lui, en faisait des personnages de comédie. […] Elle ne se contente pas de peindre la campagne, elle la cultive et la fume… On est étonné dans ses œuvres de l’amour de la nature qui se voit, à côté de la nature qui rapporte… On est étonné de ces descriptions, romantiques et mièvres, sous la plume d’un écrivain si sérieux, quand tout à coup au milieu d’elles, dans le plus brillant de leurs draperies et de leurs déroulements de paysages, il se fait un trou ; et la tête de l’institutrice passe par ce trou et nous lâche des phrases de cette institution : « l’âme échappant aux lois dont elle fait partie, habite le monde absolu des idées où la durée s’absorbe dans l’éternité de l’être ».

1246. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « La Chine »

Et c’était là ce que nous disions avant d’ouvrir les deux effroyables volumes de cinq cents pages sur deux colonnes que Firmin-Didot a publiés dans sa vaste collection de l’Univers pittoresque, entreprise, peut-être, pour prouver la supériorité des ordres religieux en matière d’œuvres collectives sur toutes les individualités scientifiques ralliées dans un intérêt commercial. […] Les autres, moins persuadés que le Céleste Empire soit céleste, ont fait du peuple-phénomène qui l’habite une nation de la date de beaucoup d’autres dans la chronologie asiatique, malgré ses prétentions exorbitantes à l’antiquité ; ni plus grand, ni plus fier, ni plus sage que tous les idolâtres de la terre, que toutes les races tombées et dispersées aux quatre vents de la colère de Dieu, abominablement corrompu, — ce qui lui donne ce petit air vieux qui nous fait croire à sa vieillesse, car la corruption vieillit le multiple visage des peuples comme la chétive figure de l’homme, — laid jusqu’à la plus bouffonne laideur, et, si l’on s’en rapporte aux œuvres qui sortent des mains patientes et industrieuses de ce peuple stationnaire, encagé dans son immuable empire du Milieu, ces œuvres de prisonnier qui s’ennuie et qui apparaissent comme des prodiges à notre fougue occidentale, ayant l’intérieur de la tête aussi étrangement dessiné que le dehors, le cerveau conformé comme l’angle facial !

1247. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’ancien Régime et la Révolution »

Nous venons de lire son livre avec le respect qu’inspirent les choses que le temps parfume et couronne de cette auréole de réflexion qui est la gloire de la sagesse, et, malgré notre profonde sympathie pour les œuvres lentement écrites et opiniâtrement élaborées, nous n’y avons pas trouvé ce que nous cherchions. […] Ainsi, parce que la centralisation administrative existait en un certain degré sous l’ancienne monarchie, il s’est imaginé que cette centralisation était une institution de l’ancien Régime, et non plus l’œuvre de la Révolution et de l’Empire. […] Ce sont eux, — puisqu’il faut interroger le tombeau de la France ancienne, comme dit Tocqueville, et le tombeau de la France, c’est son histoire, — ce sont eux qui ont créé une révolution permanente forcée en oubliant ce qu’ils étaient, en donnant l’exemple des mauvaises mœurs, en altérant dans sa pureté la notion de la famille chrétienne, — le seul fondement des sociétés modernes, quels que soient leur forme et leur nom, — en nous dévêtant de nos institutions, en brisant les corporations (l’œuvre de Saint-Louis sanctionnée par les siècles), les corporations d’états, c’est-à-dire le peuple qui travaille et qui prie, et en le jetant, bohème et affamé, à la liberté vague, au hasard et à la préoccupation du jour le jour !

1248. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Michelet » pp. 259-274

nous ne réclamons pas aujourd’hui son cadavre, et nous réprouvons, autant que jamais, la tendance générale et le mal absolu de ses Œuvres, mais nous réclamons ce qui appartient au sentiment chrétien dans ses Œuvres, à travers les plus mortelles erreurs… Et que cette réclamation tardive, faite sur sa tombe, soit la punition de sa mémoire ; car le meilleur châtiment du coupable, c’est de montrer, qu’il n’était pas fait pour son crime, et qu’en le commettant il ne transgressait pas seulement la loi divine, mais les plus profonds et les plus nobles instincts de son cœur ! […] Voir les Œuvres et les Hommes : IIe vol. : Les Historiens ; VIIe vol. : Sensations d’Histoire ; IXe vol. : Les Philosophes et les Écrivains religieux.

1249. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Edgar Quinet. L’Enchanteur Merlin »

À présent que le temps a marché, qu’Ahasverus s’est vidé, racorni et momifié dans sa poussière, à présent que la raison qui juge les œuvres, ou, du moins, s’inquiète de leur vraie et éternelle beauté, a remplacé, dans nos esprits, les entraînements plus sensibles qu’intelligents de nos jeunesses, demandons-nous ce que vaut cet Ahasverus, réveillé, sous le nom de Merlin, de son sommeil d’Épiménide ? […] … Épopée emphatique, auprès de laquelle La Pétréide de Thomas, redoutée de Gilbert, ne serait que la plus légère des étrennes mignonnes, conte de fées pataud et niais, satire sociale où le thyrse de Rabelais, avec lequel ce Bacchant du rire enivré savait frapper son temps, est remplacé par l’arme bourgeoise d’un Prudhomme socialiste en mauvaise humeur, qui donne des coups de parapluie à son époque ; enfin, pour achever le tout, l’amphigouri panthéistique dans sa splendeur, voilà l’œuvre de M.  […] Quinet ; l’œuvre, nous dit-il sérieusement, qui représente douze ans de sa vie !

1250. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Edmond About » pp. 91-105

Il a ce don terrible de facilité qui peut perdre les plus beaux génies, et ses succès ont été presque aussi faciles que ses œuvres. […] Or, pour atteindre ce but plus utile qu’on ne croit, nous avons choisi dans les œuvres de M.  […] D’ailleurs Germaine et Maître Pierre ont eu leur succès et l’ont encore, comme les autres œuvres de leur auteur, lequel, littérairement du moins, n’a pas de plus grand ennemi que sa bonne fortune.

1251. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre sixième »

N’ôtons à aucun la part qu’il a eue, comme juge supérieur, comme conseiller sincère, dans les œuvres de ses amis. […] Favereau avait rencontré Chapelain aux lectures de l’Adone et avait comme lui « admiré et réadmiré » l’œuvre. Il semble que l’œuvre imprimée lui eût donné des scrupules, et qu’il fût inquiet sur son premier jugement. […] Préface des Nouvelles œuvres de M. de Voiture. […] Préface de l’édition des œuvres de Boileau.

1252. (1895) Impressions de théâtre. Huitième série

Il est à remarquer que ces croquis de touche plus franchement « réaliste » se multiplient dans la seconde partie de l’oeuvre de Molière. […] Ce n’est, à aucun degré, œuvre parisienne et digestive, à voir après un fort dîner. […] Car alors les œuvres suivront peut-être, ou du moins un petit commencement d’œuvres et d’efforts. […] Rémoussin nous refusait la permission de collaborer à ses œuvres de charité… ». […] »… Allons, c’est complet… Me voilà maintenant tout à fait tranquille. » L’œuvre est bonne.

1253. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Littré. »

A partir de ce moment, la publication d’Hippocrate devint l’œuvre capitale de M.  […] Littré mettait en ordre, annotait et publiait, de concert avec Paulin, les Œuvres politiques et littéraires d’Armand Carrel. […] C’est qu’en effet les choses et l’œuvre sont envisagées et conçues tout différemment. […] Au lieu d’opposer l’un à l’autre, au lieu d’instituer entre les auteurs ou les œuvres un parallèle et un contraste désormais inévitable, et dont le public sera un juge peu indulgent, j’aurais voulu réunir et fondre, combiner les avantages sans les défauts. […] Sa journée est occupée par les recherches, les devoirs académiques, les œuvres de charité médicale quand il est à la campagne.

1254. (1875) Premiers lundis. Tome III « Du point de départ et des origines de la langue et de la littérature française »

— pour quelques qualités fortes et généreuses, pour la fraîcheur du souffle ou la franchise de la sève, seront des œuvres du XIIe siècle ou des premières années du XIIe, Villehardouin pour l’histoire, la Chanson de Roland ou telle autre chanson de Geste pour la poésie. […] Ces règles, qui essayaient de se fixer depuis deux siècles, furent négligées, oblitérées : les œuvres, — une grande moitié des œuvres qui avaient le plus occupé les imaginations populaires, sortirent de la mémoire et tombèrent en désuétude, — au moins sous la forme littéraire épique qu’elles avaient d’abord revêtue. […] Le xviie  siècle littéraire, qui s’inaugurait sous les auspices de Malherbe et de Balzac, avait trop à faire, trop à songer à ses propres œuvres, à sa propre gloire pour revenir ainsi en arrière ; il avait sa langue immortelle à épurer, à fixer : il eût craint de se gâter l’élocution et le goût en retournant à de vieux jargons. […] Quelles que soient les erreurs auxquelles son système l’a en traîné, l’œuvre de Raynouard n’en est pas moins celle d’un homme d’un éminent talent, si l'on ne veut pas lui concéder le génie. » Nous n’avons rien à ajouter après de tels suffrages. […] Le livre de M. de Chevallet, plein de faits, de considérations prudentes, incontestables, me paraît être l’œuvre la plus complète d’un homme sorti de l’école française et formé à la méthode de M. 

1255. (1929) Dialogues critiques

Pierre Les œuvres de Sainte-Beuve sont pourtant bien mauvaises. […] Bourget le nie et demande qu’on ne s’occupe que des œuvres. […] Paul Les œuvres avant tout, c’est entendu. […] La connaissance de l’homme est toujours intéressante en soi, et elle contribue à expliquer l’œuvre dans la plupart des cas. […] Les purs instincts, sans culture et sans critique, ne comprennent rien aux grandes œuvres et se régalent de vulgaires balivernes.

1256. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre » pp. 393-472

Mais maintenant que nous avons le portrait de cet homme devenu l’entretien du monde, voyons en peu de mots sa vie, et mêlons-y ses œuvres ; car l’homme, la vie et l’œuvre se tiennent indissolublement dans le philosophe, dans le politique et dans l’écrivain. […] Nous ne jugerions pas les œuvres du père sur les paroles du fils, mais, quant aux circonstances de la vie domestique, il n’y a pas de plus sûrs et de plus honnêtes témoins que les enfants. […] Ces deux volumes de correspondance, tantôt intime comme les soupirs d’un exilé vers sa patrie, sa femme, ses enfants, ses frères, tantôt politique, sont une des meilleures parties de ses œuvres. […] Il vient de fulminer, ainsi qu’on l’a vu, contre la Révolution, ses œuvres, ses hommes. […] Alors vous aurez délivré la première race d’hommes de la terre pour attester à l’avenir la reconnaissance du monde envers l’Italie, alma parens , et votre œuvre subsistera, parce que l’Italie entière aura sa place dans cette nouvelle ligue des Achéens.

1257. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIIe entretien. I. — Une page de mémoires. Comment je suis devenu poète » pp. 365-444

Je ne fus point cet homme et je ne fis pas cette œuvre. […] Ma sensibilité et mon imagination, qui me poussaient violemment à l’action sous toutes les formes, auraient été refoulées en moi, et elles auraient fait explosion par quelque grande œuvre poétique. […] Il croyait que l’esprit humain est comme la glace de cristal, et que plus on le polit, plus il reflète de divinité dans ses œuvres. […] XXVI Aussi les œuvres de M. de Chateaubriand furent-elles un des premiers livres sur lesquels nous nous précipitâmes comme sur la proie de nos imaginations à la fin de nos études, en rentrant dans les bibliothèques de famille. […] Voilà le secret de cette élégie tragique de la Jeune Captive, qui ne ressemble en rien à cette famille d’élégies grecques que nous avons lues plus tard dans ses œuvres.

1258. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — I. » pp. 1-19

Le nom et l’œuvre de Massillon correspondent à ces deux moments, je veux dire à celui de la plus grande magnificence et à celui de la profusion dernière. […] Ces premiers sermons du père Massillon (comme on l’appelait alors), son Avent, son Grand Carême, composent la partie la plus considérable et la plus belle de son œuvre oratoire. […] Godefroy en tête des Œuvres choisies de Massillon, 1868). […] Tous ces points restent à éclaircir. — L’abbé Bayle en a déjà éclairci quelques-uns dans la Vie de Massillon (1867) ; l’abbé Blampignon, dans son édition des Œuvres complètes du grand sermonnaire, nous promet le reste.

1259. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — I. » pp. 409-426

Noblesse et vérité, c’est là toute la poétique de Léopold Robert, et qu’il ne songea à s’exprimer à lui-même que successivement et après l’œuvre : « La noblesse sans la vérité, pensait-il, n’est plus qu’une singerie qui ne peut plaire aux véritables connaisseurs. » La vérité sans noblesse est un autre écueil : Si je copie juste ce que je vois, je sens que je ferai un tableau plat… Si on se contentait de faire vrai, on se contenterait aussi de copier servilement le modèle que l’on a sous les yeux ; mais, aussitôt que l’on veut ajouter à cette qualité de l’élévation et de la noblesse, c’est une difficulté bien plus grande ; on peut tomber dans la manière, qui est l’opposé de ce qu’on doit chercher. […] Il est vrai peut-être qu’il n’a pas eu l’occasion de voir dans son temps, comme nous dans le nôtre, des réunions entières de ce peuple singulier… Je n’oserais communiquer à quelqu’un d’autre qu’à vous ces remarques qui pourraient paraître présomptueuses ; mais, comme je vous le disais tout à l’heure, je ne peux m’empêcher de trouver les œuvres du Créateur bien autrement sublimes que toutes les représentations que les créatures les plus heureusement douées en peuvent faire. […] Ce premier tableau un peu grand, qui fut celui de Corinne, devenu plus tard L’Improvisateur, lui avait coûté bien de la peine ; ce devait être sa condition de faire et son élément : « D’ailleurs, disait-il, chacun a sa manière de jouir au monde : la mienne est de me donner beaucoup de peine, ce qui naturellement doit m’occuper beaucoup la tête, l’esprit et l’âme, avantage que j’ai toujours apprécié. » Malgré l’impression de sérieux et d’élévation que font à bon droit les œuvres de Léopold Robert et la lecture de ses lettres citées par M.  […] S’étant laissé aller un jour, comme il aimait à le faire dans les dernières années, à entretenir un ami de ses espérances religieuses et de sa confiance en une vie future, en l’immortalité, il se reprenait tout d’un coup, mais pour y appuyer davantage : Je fais la réflexion que ce sujet que je traite si volontiers est bien délicat, et qu’il vaudrait mieux garder pour soi les observations qu’on peut faire et en montrer le résultat par ses œuvres.

1260. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Caractères de La Bruyère. Par M. Adrien Destailleur. »

L’autel est au centre et au cœur de l’œuvre, un peu plus près de la fin que du commencement et à un endroit élevé d’où il est en vue de toutes parts. […] Le chapitre de la Chaire, l’avant-dernier du livre, bien qu’essentiellement littéraire et relevant surtout de la rhétorique, achemine pourtant, par la nature même du sujet, au dernier chapitre tout religieux, intitulé des Esprits forts ; et celui-ci, trop poussé et trop développé certainement pour devoir être considéré comme une simple précaution, termine l’œuvre par une espèce de traité à peu près complet de philosophie spiritualiste et religieuse. […] Lorsqu’on s’est une fois familiarisé avec lui et avec sa manière, on l’aime bien mieux, ce me semble, hors de ces morceaux de montre et d’apprêt, dans les esquisses plus particulières d’originaux, surtout dans les remarques soudaines, dans les traits vifs et courts, dans les observations pénétrantes qu’il a logées partout et qui sortent de tous les coins de son œuvre. […] Destailleur, racontant le fait, en tire-t-il cette conclusion que « La Bruyère ne paraît pas avoir connu tout le prix de son œuvre, ni en avoir pressenti le prodigieux succès ? 

1261. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Lettres inédites de Jean Racine et de Louis Racine, (précédées de Notices) » pp. 56-75

Ce rat qu’Hamlet, dans sa folie feinte, poursuivait derrière la tapisserie, et au nom duquel, espérant atteindre le roi, il perçait Polonius, Racine au fond n’en voulait pas, et vous n’en trouvez aucune trace dans son œuvre. […] Par exemple, en terminant une Histoire de Port-Royal où le grand Racine aurait rempli toute la place qu’il doit tenir, et où l’on aurait montré l’esprit religieux de cette sainte maison s’exprimant par sa bouche avec un caractère unique de tendresse, de mélodie et de grandeur, dans l’œuvre d’Athalie et surtout dans celle d’Esther on ajouterait quelque chose comme ceci : « Il est un autre Racine que l’on aurait aimé à y joindre, ce Racine fils qui n’a pas été tout à fait sans doute le poète tendre, plaintif, l’élégiaque chrétien, le Cowper janséniste qu’on aurait souhaité à Port-Royal expiré, mais qui en a eu quelques accents ; ce Racine fils qui offre le modèle de la manière la plus honorable de porter un nom illustre quand on est engagé dans la même carrière ; car si le crime d’une mère est un pesant fardeau, la gloire d’un père n’en est pas un moins grand, et Racine fils n’a cessé de le sentir en même temps qu’il a suffi dignement encore à ce rôle difficile. […] Il eut le mérite cependant de suivre un des mouvements de l’époque, et d’introduire pour sa part des commencements de littérature étrangère et comparée ; il apprécia et traduisit le Paradis perdu de Milton : quant à comprendre l’œuvre de Dante, il y échoua ; le contraire eût été trop fort pour son siècle et pour son esprit. […] Il fut le premier à sentir son infériorité ; il se fit peindre les Œuvres de son père à la main, et les regards fixés sur les vers de la tragédie de Phèdre : Et moi, fils inconnu d’un si glorieux père !

1262. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset. »

Malgré la difficulté qu’on rencontre à rien extraire d’une trame si dense, à rien tailler et découper dans une matière si bien cimentée, nous essayerons, par l’analyse de quelques chapitres, de donner idée de l’intérêt sérieux qui fait le prix de cette œuvre durable. […] Un beau jour, l’œuvre inopinée s’écroule ; la maturation lui avait manqué ; la durée lui manque. […] Et c’est déjà, pour un homme d’État, une assez grande gloire que d’avoir, parmi des tentatives prématurées, accompli quelque œuvre mûre. […] On fit venir, l’année suivante, à Strasbourg, des Pères de l’Oratoire, dont était le célèbre Du Guet, pour tâter encore les consciences et sonder le terrain sur cette œuvre des conversions : elles ne prirent pas, — ni chez les Catholiques, ni chez les Protestants : « Les Catholiques, écrivait Du Guet (1682), sont soldats pour la plupart, occupés à la citadelle, aux forts, à autre chose qu’a leur conscience ; les hérétiques bourgeois sont sur leurs gardes, et le magistrat est un homme délicat qui a l’œil à tout, qui se plaint de tout, et qui fait de toutes choses une affaire d’État. » Strasbourg, en maintenant sa communion mi-partie et en sauvant quelques-unes de ses franchises municipales, fut vite assimilée et gagnée aux sentiments et aux destinées de sa patrie nouvelle.

1263. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Fontaine »

Or, ceci bien posé, il est aisé de rétablir en leur vraie place et de voir en leur vrai jour les hommes originaux du temps, qui, dans leur conduite ou dans leurs œuvres, ont fait autre chose que remplir le programme du maître. […] C’est ce que les critiques du dernier siècle n’ont pas évité en parlant de La Fontaine : ils l’ont trop isolé et chargé dans leurs portraits ; ils lui ont supposé une personnalité beaucoup plus entière qu’il n’était besoin, eu égard à ses œuvres, et l’ont imaginé bonhomme et fablier outre mesure. […] La Fontaine, il est vrai, se méprenait un peu sur lui-même ; il se piquait de beaucoup de correction et de labeur, et sa poétique qu’il tenait en gros de Maucroix, et que Boileau et Racine lui achevèrent, s’accordait assez mal avec la tournure de ses œuvres. […] Au premier abord, et à ne juger que par les œuvres, l’art et le travail paraissent tenir peu de place chez La Fontaine, et si l’attention de la critique n’avait été éveillée sur ce point par quelques mots de ses préfaces et par quelques témoignages contemporains, on n’eût jamais songé probablement à en faire l’objet d’une question.

1264. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre III : Les Émotions »

Malgré ses mérites, l’œuvre de M.  […] Les émotions irascibles. « Au lieu d’un plaisir engendrant un plaisir comme dans le cas des « émotions tendres, nous avons ici une souffrance qui aboutit à une souffrance. » Les émotions qui résultent de l’action (pursuit), comme dans la chasse, la pêche, les combats d’athlètes, la recherche de la science, la lecture des oeuvres littéraires fondées sur l’intrigue. […] L’histoire nous apprend que toute législation nouvelle ou bien est d’accord avec les vœux et les tendances des consciences particulières, et alors elle est acceptée par la majorité et s’impose peu à peu aux opposants ; ou bien elle est l’œuvre d’un caprice, et alors elle n’a ni durée, ni stabilité. Les lois promulguées sont donc l’œuvre des consciences individuelles, au lieu d’en être la cause.

1265. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIV : De la méthode (Suite) »

Les substances mortes, œuvre de cette destruction, sortent par le poumon sous forme d’acide carbonique, par les reins sous forme d’urine, par l’intestin et par la peau ; et diverses glandes, les reins, le foie, sont établies sur un plan savant pour aider à cette épuration. […] De ce groupe de dispositions morales, on peut déduire tous les détails importants de la constitution romaine ; et il se déduit lui-même de la faculté égoïste et politique que vous avez d’abord détachée. — Portez-la dans la vie privée : vous verrez naître l’esprit intéressé et légiste, l’économie, la frugalité, l’avarice, l’avidité, toutes les coutumes calculatrices qui peuvent conserver et acquérir, les formes minutieuses de transmission juridique, les habitudes de chicane, toutes les dispositions qui sont une garantie ou une arme publique et légale. — Portez-la dans les affections privées : la famille, transformée en institution politique et despotique, fondée, non sur les sentiments naturels, mais sur une communauté d’obéissance et de rites, n’est plus que la chose et la propriété du père, sorte de province léguée chaque fois par une loi en présence de l’État, employée à fournir des soldats au public. — Portez-la dans la région : la région, fondée par l’esprit positif et pratique, dépourvue de philosophie et de poésie, prend pour dieux de sèches abstractions, des fléaux vénérés par crainte, des dieux étrangers importés par intérêt, la patrie adorée par orgueil ; pour culte une terreur sourde et superstitieuse, des cérémonies minutieuses, prosaïques et sanglantes ; pour prêtres des corps organisés de laïques, simples administrateurs, nommés dans l’intérêt de l’État et soumis aux pouvoirs civils. — Portez-la dans l’art : l’art, méprisé, composé d’importations ou de dépouilles, réduit à l’utile, ne produit rien par lui-même que des œuvres politiques et pratiques, documents d’administration, pamphlets, maximes de conduite ; aidé plus tard par la culture étrangère, il n’aboutit qu’à l’éloquence, arme de forum, à la satire, arme de morale, à l’histoire, recueil oratoire de souvenirs politiques ; il ne se développe que par l’imitation, et quand le génie de Rome périt sous un esprit nouveau. — Portez-la dans la science : la science, privée de l’esprit scientifique et philosophique, réduite à des imitations, à des traductions, à des applications, n’est populaire que par la morale, corps de règles pratiques, étudiées pour un but pratique, avec les Grecs pour guides ; et sa seule invention originale est la jurisprudence, compilation de lois, qui reste un manuel de juges, tant que la philosophie grecque n’est pas venue l’organiser et le rapprocher du droit naturel. […] Nous attachons nos yeux sur ces définitions souveraines ; nous contemplons ces créatrices immortelles, seules stables à travers l’infinité du temps qui déploie et détruit leurs œuvres, seules indivisibles à travers l’infinité de l’étendue qui disperse et multiplie leurs effets. […] Dépourvus de notations exactes, privés de l’analyse française, emportés tout d’abord au sommet de la prodigieuse pyramide dont ils n’avaient pas voulu gravir les degrés, ils sont tombés d’une grande chute ; mais dans cette ruine, et au fond de ce précipice, les restes écroulés de leur œuvre surpassent encore toutes les constructions humaines par leur magnificence et par leur masse, et le plan demi-brisé qu’on-y distingue indique aux philosophes futurs, par ses imperfections et par ses mérites, le but qu’il faut enfin atteindre et la voie qu’il ne faut point d’abord tenter.

1266. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre I. La Renaissance païenne. » pp. 239-403

La foi chrétienne se réduit à l’accomplissement des œuvres, qui se réduit à l’accomplissement des rites. […] Qu’est-ce qui souffle la vie dans leurs œuvres ? […] Mes fournisseurs vous donneront leurs mémoires ; ne manquez pas de les insérer dans votre œuvre. […] Sa pensée maîtresse se marque dans la grande œuvre qu’elle produit et qu’elle conduit. […] La théorie enfermée dans les œuvres d’imagination s’en dégage.

1267. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Rêves et réalités, par Mme M. B. (Blanchecotte), ouvrière et poète. » pp. 327-332

Il est vrai que voilà bien des années déjà qu’il ne s’est point produit d’œuvre poétique qui ait appelé à un haut degré l’attention du grand public et qui lui ait fait saluer une jeune gloire. […] En attendant, les poètes sont à l’œuvre, et le labeur, ni l’inspiration ne cessent pas.

1268. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LVIII » pp. 220-226

Lisez pourtant, parcourez les œuvres de tous, vous y verrez à divers degrés les mêmes sujets de tristesse, vous y entendrez les mêmes soupirs et, par moments, les mêmes cris : « Mais toi, idole de ma jeunesse, Amour dont je déserte le temple à jamais, s’écrie George Sand dans les Lettres d’un voyageur, adieu ! […] Jamais, dans les vrais siècles de grandes et vertueuses œuvres, on n’a songé ainsi à étaler cette plainte secrète ; on travaillait, on mûrissait, et se sentir mûrir console des fleurs qu’on n’a plus : on croyait à ce perfectionnement intérieur qui va à l’inverse des grâces riantes et qui, en définitive, sait s’en passer.

1269. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 169-178

D’ailleurs, c’est un bien encore que Mylord Shaftersbury est en droit de réclamer ; il ne faut que lire, pour s’en convaincre, les Œuvres de ce penseur Anglois, dont, par parenthese, on a donné une assez mauvaise Traduction. […] ou, pour parler selon l’ordre historique, ne sera-t-on pas étonné d’apprendre que des Ouvrages d’agrément ait été le prélude de ses Œuvres philosophiques ?

1270. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « M. Boissonade. »

Boissonade, a entrepris d’élever ce monument à la mémoire d’un maître respecté : en allant contre son vœu, ni l’un ni l’autre ne se sont trompés dans l’objet de leur piété, lis ont déjà obtenu ce résultat, que tous dorénavant peuvent apprécier et estimer celui dont les œuvres jusqu’ici restaient closes ou éparses, et dont le nom seul était connu hors du cercle des savants. […] On voit par ce premier écrit, conservé dans les archives de l’Institut, quelle idée complète l’auteur s’était formée dès lors du critique, à prendre le mot dans toute la rigueur du sens et dans son application aux œuvres de l’Antiquité. […] Si l’on me demandait quelle est l’œuvre marquante de M. Boissonade comme érudit, je commencerais par répondre que je n’y entends absolument rien, et par conséquent pas assez pour prononcer ; que j’ai ouï dire à de bons juges que précisément c’est cette œuvre de marque qui lui manque : puis, si l’on me poussait, je me risquerais jusqu’à conjecturer pourtant que cette œuvre, qui serait chez lui essentielle et caractéristique, pourrait bien être tout bonnement son édition d’Aristénète, méditée et couvée durant vingt-cinq ans, faite avec amour et complaisance.

1271. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. NISARD. » pp. 328-357

Nisard, que l’absence de passion enthousiaste et d’initiative, soit en politique, soit en art, avait tenu un peu en dehors et au second rang, dans ce premier âge où il est si difficile de ne pas faire de fausse pointe, en avait pourtant fait une petite fausse, à ce qu’il lui semblait, en louant d’abord, plus que sa raison modifiée ne l’admettait, certaines œuvres ou de M. […] Mais sous cette fatalité générale (et toute réserve faite des causes qui peuvent introduire plus d’une différence essentielle dans le parallèle entre les anciens et nous), il y a encore place pour les exceptions, pour les individus qui luttent, pour les hommes de talent qui cherchent à sauver l’œuvre de la dureté des temps et de la difficulté croissante. Venir reprocher outre mesure aux poëtes de la décadence ce qui tient à la date de leur venue, s’en prévaloir exorbitamment contre eux pour les déclarer chétifs et médiocres, non-seulement d’œuvres, mais aussi d’esprit et de talent (et M. […] Qu’au moins un jour arrive où l’œuvre de Carrel recueillie vienne rendre sur lui et sur sa vraie forme de pensée, pour qui la voudra étudier de près, un durable et authentique témoignage ! […] Voilà l’étincelle qu’il eût fallu promener sur son œuvre pour ranimer un peu toute cette poésie mythologique dont on est assez naturellement rebuté sans avoir tant besoin d’être averti.

1272. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « M. MIGNET. » pp. 225-256

A des études vastes, continues, profondes, à la possession directe des sources supérieures, M ignet n’a cessé de joindre le soin accompli (cultus) de composer et d’écrire ; chaque œuvre de lui se recommande par l’ensemble, par la gravité et l’ordre, comme aussi par l’éclat de l’expression ou par l’empreinte. […] A propos des similitudes frappantes et presque des symétries d’accidents qui sautent aux yeux entre l’avénement de la seconde race et celui de la troisième, il disait : « Cette analogie de causes et d’effets est remarquable, et prouve combien les choses agissent avec suite, s’accomplissent de nécessité, et se servent des hommes comme moyens, et des événements comme occasions. » Après avoir montré dans saint Louis le principal fondateur du système monarchique, il suivait les progrès de l’œuvre sous les plus habiles successeurs, et faisait voir avec le temps la royauté de plus en plus puissante et sans contrôle, roulant à la fin sur un terrain uni où elle n’éprouva pas d’obstacle, mais où elle manqua de soutien ; si bien qu’un jour « elle se trouva seule en face de la Révolution, c’est-à-dire d’un grand peuple qui n’était pas à sa place et qui voulait s’y mettre, et elle ne résista pas. […] Parallélisme de la révolution anglaise avec la nôtre dans ses différentes phases et dans son mode de conclusion, c’est là précisément la thèse que M ignet soutiendra plus tard dans la polémique du National ; il y préluda dès le premier jour, aussi bien qu’à cette histoire de la Réformation qu’il devait développer et mûrir à travers tant d’autres études diverses, et qui promet d’être son œuvre définitive. […] Ce qu’il y avait d’extrêmement neuf et de singulièrement hardi dans l’œuvre de M ignet, c’était l’application qu’il faisait de ces lois, telles qu’elles lui apparaissaient, à un sujet si récent et à la représentation d’une époque dont tant d’acteurs, de témoins ou de victimes, existaient encore. […] Ces nombreux travaux ne l’ont pas empêché de poursuivre comme son œuvre essentielle l’Histoire de la Réformation, qui s’est encore plus enrichie que ralentie, nous assure-t-on, de tant de stations préliminaires, et qui, tout permet de l’espérer, couronnera dignement une carrière déjà si remplie.

1273. (1875) Premiers lundis. Tome III «  À propos, des. Bibliothèques populaires  »

L’occasion est bonne pour le Sénat de protester énergiquement contre une pareille œuvre et contre les tendances antireligieuses et immorales dont elle a fait l’apologie. […] Je trouve sur la même liste Jean-Jacques Rousseau pour ses Confessions, une œuvre de courage, où se mêle sans doute une veine de folie ou de misanthropie bizarre, mais production à jamais chère à la classe moyenne et au peuple, dont elle a osé représenter pour la première fois les misères, les durs commencements, les mœurs habituelles, les désirs et les rêves de bonheur, les joies simples, les promenades au sein de la nature, sans en séparer jamais l’espérance en Dieu ; car, à celui-là, vous ne lui refuserez pas, je le pense, de croire en Dieu, d’y croire à sa manière, qui.à l’heure qu’il est, est celle de bien des gens. […] Celle-ci, vous faites large sa part : vous la proscrivez pour toutes ses œuvres. […] Si vous étiez une Académie, je vous demanderais encore si, entre tant d’œuvres qui vous effrayent, vous ne pourriez faire une exception, au moins pour ce chef-d’œuvre, la Mare au Diable, pour la Petite Fadette, pour toute une branche de romans champêtres, purs et irréprochables. […] Balzac aussi figure sur la liste maudite : il y passe tout entier avec toute son œuvre.

1274. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1859 » pp. 265-300

L’œuvre que vous ne portez plus, que vous ne nourrissez plus, vous devient pour ainsi dire étrangère. […] C’est bien lui, un esprit qui ne prend plus aucune jouissance par la guenille matérielle, et qui n’a, en ce moment, de plaisir, de récréation à son terrible labeur, que lorsqu’il a la conversation d’un de ces gens qu’il appelle les riches, les êtres pleins de faits, comme Guys, Aussandon, etc., ces originaux complexes qui sont un résumé et un assemblage d’un tas de choses, ces hommes au langage concret, dont la vie, selon la phrase du dessinateur, « se passe à être un objet d’étude et de jouissance pour l’intelligence de ceux qui boivent avec eux, et cela sans qu’il reste rien de cela dans une œuvre écrite ou peinte ». […] En voici la pompe, la richesse, la composition solennelle, le geste accompagnant la mélopée… Oui, la tragédie respire et vit là, mieux que dans l’œuvre imprimée et morte de ses maîtres, mieux que dans les reconstitutions des critiques ; oui, là, sous ce portique ordonnancé par un Perrault, qui laisse voir sous un de ces arcs le jet d’eau d’un bassin de Latone ; là, dans ce quatuor balancé, dans cette partie carrée où la passion dramatique semble un menuet grandiose. […] Être inconnu de ses ennemis, méconnu de ses amis par le renfermé de son œuvre et le peu de bruit qu’on fait autour de soi-même, — il y a, surtout en ce temps, quelque force à cela. […] L’Empereur est venu applaudir avec l’Impératrice l’œuvre de Mocquard, le ci-devant historien des Crimes célèbres, et présentement le secrétaire de l’Empereur.

1275. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre I. La conscience et la vie »

Car la philosophie ne sera plus alors une construction, œuvre systématique d’un penseur unique. […] Sur certaines lignes d’évolution, celles du monde végétal en particulier, automatisme et inconscience sont la règle ; la liberté immanente à la force évolutive se manifeste encore, il est vrai, par la création de formes imprévues qui sont de véritables oeuvres d’art ; mais ces imprévisibles formes, une fois créées, se répètent machinalement : l’individu ne choisit pas. […] L’effort est pénible, mais il est aussi précieux, plus précieux encore que l’œuvre où il aboutit, parce que, grâce à lui, on a tiré de soi plus qu’il n’y avait, on s’est haussé au-dessus de soi-même. […] C’est pour se rassurer qu’on cherche l’approbation, et c’est pour soutenir la vitalité peut-être insuffisante de son œuvre qu’on voudrait l’entourer de la chaude admiration des hommes, comme on met dans du coton l’enfant né avant terme. Mais celui qui est sûr, absolument sûr, d’avoir produit une œuvre viable et durable, celui-là n’a plus que faire de l’éloge et se sent au-dessus de la gloire, parce qu’il est créateur, parce qu’il le sait, et parce que la joie qu’il en éprouve est une joie divine.

1276. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1888 » pp. 231-328

Et il est obligé de convenir, que je lui avais prédit tout ce qui se passe en ce moment, et que je l’avais prêché violemment, pour faire une exposition de l’œuvre de son père tout seul, et non avec Daumier, parce que je ne doutais pas, qu’avec Daumier, le républicain, on assommât Gavarni le réactionnaire, le corrompu. […] — Pas d’œuvre supérieure, mais une bonne moyenne. […] Il veut faire maintenant une œuvre, où il mettra de lui, ce qu’il a de bon, de compatissant : sa pitié pour les misérables, les déshérités, les routiers. […] Mardi 9 octobre Plus tard, par tout le papier, conservé précieusement, en ce temps, sur les hommes de lettres, on connaîtra à fond les écrivains contemporains et l’on verra que les écrivains qui ont fait des chaussons de lisière à Clairvaux ou qui méritaient d’en faire, n’ont jamais écrit que des œuvres vertueuses, des œuvres ohnetes, ainsi que Rops l’orthographie drolatiquement, dans une de ses lettres, tandis que les vrais honnêtes hommes n’ont écrit que des œuvres soulevant l’indignation du public, et méritant les foudres des tribunaux correctionnels. […] Avant tout, pour la scène à faire, il faut de l’imagination, et permettez-moi de vous dire, que si vous avez une grosse tête, vous avez une cervelle comparativement petite à cette tête : cervelle dont nous connaissons les dimensions et la qualité des circonvolutions, par la lecture de vos œuvres d’imagination.

1277. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Fort, Paul (1872-1960) »

Paul Fort l’a faite sienne par la valeur théorique qu’il lui a donnée ; par l’importance qu’elle affecte dans son œuvre et mieux encore par les développements infiniment variés dont il a démontré qu’elle était susceptible. […] Henri de Régnier Ce livre (Ballades françaises) me paraît tout à fait, par rapport à l’œuvre future de M. 

1278. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Éphémérides poétiques, 1891-1900 » pp. 179-187

Éphraïm Mikhaël : Œuvres posthumes. […] Revues : L’Œuvre (Jules Nadi). — La Revue naturiste (Henri Stoel). — Le Spectateur catholique (Edm. de Bruijn). — Le Thyrse.

1279. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre VI. Milton. » pp. 411-519

. —  Construction de son génie et de son œuvre. […] Tu as envoyé pour cette œuvre, par toute la contrée, un esprit de prière sur tes serviteurs, et tu as éveillé leurs vœux, comme le bruit d’une multitude d’eaux autour de ton trône. […] Il y a tel sujet qui commande tel style : si vous résistez, vous détruisez votre œuvre, trop heureux quand, dans l’ensemble déformé, le hasard produit et conserve de beaux morceaux. […] Ce n’était point les combats et les œuvres du Seigneur qu’il pouvait chanter, mais les tentations et le salut de l’âme. […] Dans l’une et dans l’autre, il cherche le sublime et inspire l’admiration, parce que le sublime est l’œuvre de la raison enthousiaste, et que l’admiration est l’enthousiasme de la raison.

1280. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIVe entretien. Alfred de Vigny (1re partie) » pp. 225-319

Un mystère d’honneur paraissait nécessaire à l’effet de toute œuvre poétique. […] Il monte de la grammaire à l’œuvre, au lieu de descendre de l’inspiration au style ; il sait façonner tout dans un goût vulgaire et joli, et peut tout ciseler avec agrément, jusqu’à l’éloquence de la passion. — C’est l’HOMME DE LETTRES. […] Une conviction profonde et grave est la source où il puise ses œuvres et les répand à larges flots sur un sol dur et souvent ingrat. […] Celui qui vient d’elle est inhabile à tout ce qui n’est pas l’œuvre divine, et vient au monde à de rares intervalles, heureusement pour lui, malheureusement pour l’espèce humaine. […] Mais les uns sont enivrés de leurs propres œuvres, les autres sont dédaigneux et veulent dans l’enfant la perfection de l’homme, la plupart sont distraits et indifférents, tous sont impuissants à faire le bien.

1281. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « L’abbé Fléchier » pp. 383-416

On a de Fléchier d’autres vers français que ceux qui ont été recueillis dans ses œuvres complètes, et ils justifient encore mieux, s’il est possible, la filiation que j’établis. […] Ce petit recueil se compose de quelques pièces de vers et de prose qui auront paru trop galantes et trop légères pour entrer dans les Œuvres imprimées81. […] On lit, au tome ixe de ses Œuvres complètes, un écrit intitulé : Réflexions sur les différents caractères des hommes, et qui, bien qu’on s’explique peu le motif qui le lui aurait fait composer, se rapporte assez bien à l’ordre d’idées, d’habitudes sociales et d’inclinations littéraires, où l’on sait que Fléchier a vécu et auquel il resta fidèle jusqu’à la fin. […] Je dois avertir cependant que, bien qu’il se trouve recueilli parmi les œuvres de Fléchier et que, selon moi, il ne les dépare pas, cet écrit est reconnu pour ne pas être de lui, mais d’un ecclésiastique de son temps et de son école ; d’un abbé Groussault82 oublié aujourd’hui, et auteur de plusieurs ouvrages dont celui-ci est de beaucoup le meilleur. […] [NdA] Le conseiller Ménard essaya de la publier dans le tome second des Œuvres de Fléchier, dont il se fit l’éditeur en 1763 ; mais de cette édition, le tome premier seul a paru.

1282. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1878 » pp. 4-51

Il faut se dépêcher de publier son œuvre. […] ce n’est pas assez que mon pays soit en république, il fallait encore qu’il se plaçât sous l’invocation de Voltaire, de cet historien prenant le mot d’ordre des chancelleries, de ce bas flatteur des courtisanes de la cour, de cet exploiteur de la sensibilité publique, de ce roublard metteur en œuvre de l’actualité, de ce poncif faiseur de tragédies, de ce poète de la poésie de commis voyageur, de ce poète anti-français de la Pucelle, de ce lettré enfin, que je hais autant que j’aime Diderot. […] Jeudi 18 juillet En réfléchissant combien mon frère et moi, nous sommes nés différents des autres, combien notre manière de voir, de sentir, de juger était particulière, — et cela tout naturellement et sans affectation et sans pose — combien en un mot notre nous n’était pas une originalité acquise à la force du poignet, je ne puis m’empêcher de croire que l’œuvre que nous avons produit, ne soit pas un œuvre très différent de celui des autres. […] * * * — Ce n’est pas la quantité de temps, ainsi qu’on le croit généralement, qui fait la supériorité d’une œuvre, c’est la qualité de la fièvre qu’on se donne pour la faire. […] * * * — Il me semble que je dois bien faire mon roman des deux clowns, me trouvant en ce moment, la cervelle dans un état vague et fluide, convenant à cette œuvre, un peu en dehors d’une réalité absolue.

1283. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) «  Œuvres de Chapelle et de Bachaumont  » pp. 36-55

Œuvres de Chapelle et de Bachaumont 6 Lundi 9 octobre 1854. […] C’est à l’avance une scène de Molière, c’est surtout une scène qui nous rappelle celle du dîner de la troisième satire de Boileau, « quand un des campagnards, relevant sa moustache », se met à dire des impertinences sur tous les auteurs et à affirmer le contraire de ce qui revient à chacun : La Pucelle est encore une œuvre bien galante… À mon gré, le Corneille est joli quelquefois… Chapelle procède de même, et dix ans avant Boileau il fait une délicate et naturelle satire de tous ces auteurs alors en pleine vogue, de ces romans et poèmes en renom. […] Dans ses Lettres à madame sa mère il ne sait que badiner avec les choses et être irrévérent le plus qu’il peut avec les œuvres de Dieu : « C’est une belle chose que le lac de Genève. […] Ils sont paresseux, mais surtout par délicatesse, pour ne pas profaner par une œuvre incomplète leur rêve de perfection exquise, ou s’ils consentent à laisser tomber une esquisse de leurs mains, c’est avec une négligence sincère qui ne permet pas de les juger.

1284. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — I » pp. 249-267

Dans ces heures de solitude et de silence, sous la lampe nocturne, quel effet leur font les œuvres, souvent si incomplètes et si légères, qui occupent le monde et passionnent pour un temps la curiosité de la foule ! […] Pourtant, on a beau être savant et d’une pénétrante intelligence, comme on est jeune, comme on a soi-même ses excès intérieurs de force et de désirs, comme on a ses convoitises et ses faiblesses cachées, il y a des illusions aussi que peuvent faire ces œuvres toutes modernes du dehors et qui s’adressent à la curiosité la plus récente ; on les voit comme les premières jeunes femmes brillantes qu’on rencontre et à qui l’on croit plus de beauté qu’elles n’en ont ; on leur suppose parfois un sens, une profondeur qu’elles n’ont pas, on leur applique des procédés de jugement disproportionnés, et on les agrandit en les transformant. […] Je sais que les points de vue changent et se déplacent ; qu’en avançant dans la marche, et d’étape en étape, de nouvelles perspectives s’ouvrent vers le passé et y jettent des lumières parfois imprévues ; que si, dans les œuvres déjà anciennes, de certains aspects s’obscurcissent et disparaissent, d’autres se détachent mieux et s’éclairent ; que des rapports plus généraux s’établissent, et que, dans la série des monuments de l’art, il y a un juste lointain qui non seulement n’est pas défavorable, mais qui sert à mieux donner les proportions et la mesure. On peut donc, jusqu’à un certain point, voir dans une œuvre autre chose encore que ce qu’y a vu l’auteur, y démêler ce qu’il y a mis à son insu et ce à quoi il n’avait point songé expressément.

1285. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Histoire du roman dans l’Antiquité »

Ce ne fut qu’après Alexandre, au contact de la Grèce et de l’Orient, que la disposition fabuleuse et mensongère, singulièrement excitée, se produisit dans des œuvres fantastiques et s’accorda toute licence. […] Lucius a obtenu de la petite Fotis de voir après minuit dans son belvédère, par la fente de la porte, la magicienne à l’œuvre et en plein exercice de ses incantations. […] Et pour première épreuve des plus singulières, elle se fait apporter du froment, de l’orge, du millet, de la graine de pavot, des pois, des lentilles et des fèves ; elle mêle, elle confond le tout ensemble, de manière à n’en faire qu’un monceau ; puis elle ordonne à Psyché de faire œuvre de servante et de séparer cet amas de semences qu’elle a confondues, de les mettre de côté une à une en des tas séparés. […] Rabelais et Cervantes ont créé de forme et de fond des œuvres immortelles dont l’action réjouissante, et à certains égards libératrice, s’est prolongée et dure encore.

1286. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Maurice et Eugénie de Guérin. Frère et sœur »

Le reste des Œuvres : se fit longtemps attendre et ne fut recueilli et publié pour la première fois qu’en 1860 ; par les soins de M.  […] Quand il créa le Centaure, son seul morceau achevé (et qui me fait regretter qu’on ait retrouvé la Bacchante, autre morceau de lui bien inférieur et capable, vraiment, de faire tort au premier), quand au sortir d’une visite au Musée des Antiques, après avoir admiré cette œuvre vivante, correcte, magnifique, irréprochable, qu’on attribue à des sculpteurs cariens, il se dit qu’il allait, « par sa plume, commenter et étendre le ciseau29 » que fit-il, qu’imagina-t-il dans sa conception vraiment puissante ? […] Je veux maintenant parler de sa rare et touchante sœur Eugénie, dont les Œuvres ou plutôt les fragments sont réunis devant nous, grâce aux soins du pieux éditeur, M.  […] Elle semble heureusement née pour habiter la campagne, tant son être« s’harmonise avec les fleurs, les oiseaux, les bois, l’air, le ciel, tout ce qui vit dehors, grandes ou gracieuses œuvres de Dieu. » Elle aussi, comme Bernardin de Saint-Pierre, elle a le sens des symboles naturels ; la vie sous toutes ses formes lui parle ; elle est femme à voir des mondes dans un fraisier : « Mon ami, je suis ce fraisier en rapport avec la terre, avec l’air, avec le ciel, avec les oiseaux, avec tant de choses visibles et invisibles que je n’aurais jamais fini si je me mettais à me décrire, sans compter ce qui vit aux replis du cœur, comme ces insectes qui logent dans l’épaisseur d’une feuille. » Toutes les saisons de l’année, toutes les heures de la journée ont pour elle leur charme particulier et leur langage.

1287. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Oeuvres inédites de la Rochefoucauld publiées d’après les manuscrits et précédées de l’histoire de sa vie, par M. Édouard de Barthélémy. »

Oeuvres inédites de la Rochefoucauld publiées d’après les manuscrits et précédées de l’histoire de sa vie, par M.  […] Encore une fois, lui dirai-je, qui vous obligeait de vous hâter ainsi, de brusquer et de bâcler une Vie de La Rochefoucauld, laquelle, si elle n’est pas impossible, reste au moins une œuvre fort difficile et des plus délicates, à la bien exécuter ? […] Un homme qui n’avait que ce talent-là, mais qui l’avait, et qui vit de près La Rochefoucauld à l’œuvre, le comte de Coligny, a dit de lui, tout en reconnaissant qu’il avait du cœur comme soldat, mais en le déprisant et l’anéantissant comme capitaine : « C’est le génie le plus bouché pour la guerre qui ait été en France depuis il y a cent ans. » Le mot dans sa crudité est mémorable. […] Ô Amour-propre, je t’ai vu à l’œuvre dans ton plus beau zèle, dans ta flamme et avec ta rougeur de chérubin, et je te reconnais, même quand tu es assis dans la Compagnie au bout de la table, à la place la plus humble et où tu te fais le plus petit, à celle d’où il est le plus commode, le plus doux pour toi d’assister à ton jeu et à ton triomphe !

1288. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. (suite) »

(suite) Ses œuvres nouvelles. — D’après nature. — Œuvres choisies. — Le diable à Paris […] — Œuvres complètes. […] Je ne le pense pas, et aucun de ceux qui ont quelque peu connaissance de son œuvre ne seront, je le crois, tentés de le contester.

1289. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite et fin.) »

» Sur quoi un autre de ces gentilshommes répliqua : « Si c’est la nécessité qui l’oblige à écrire, Dieu veuille qu’il n’ait jamais l’abondance, afin que par ses œuvres, tout en restant pauvre, il enrichisse le monde entier !  […] On se contentait d’avoir beaucoup de talent dans ses œuvres ; pour le reste, et dans le courant de la vie, on économisait les idées. […] Tout un ordre de considérations nouvelles s’ouvre devant nous et se développe comme à l’infini ; on a élargi de toutes parts ses horizons ; on ne parle de Don Quichotte qu’au sortir de la lecture de Dante, de la chanson de Roland, du poëme du Cid et de tant d’autres œuvres poétiques antérieures qui donnent lieu à des comparaisons, à des contrastes. […] L’intelligence du style et de la couleur propre à chaque temps et à chaque œuvre est une conquête de notre âge ; ce qui n’empêche pas, dans la multiplicité, quelque confusion.

1290. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire de la Grèce, par M. Grote »

Grote, l’un des associés étrangers de l’institut de France et dont l’œuvre est un des monuments originaux de notre époque. […] La supposition de Wolf, qui restituait la vérité en tout ce qui était de l’atmosphère générale homérique, du souffle qui animait alors les chantres, et de la crédulité toute poétique des auditeurs, cette supposition allait pourtant à l’excès lorsqu’elle niait, durant toute la durée de la période anté-historique, la composition possible des poèmes et la prédominance probable de deux ou trois génies supérieurs qui avaient dû s’emparer de la matière courante pour en faire de vraies œuvres. […] Malgré tout, l’Iliade, non pas lue comme la lisait Ronsard, en trois jours, avec ce degré de chaleur et d’intérêt qui s’attache à une lecture plus ou moins courante, mais examinée et relue avec des yeux ennemis, avec des yeux de critique, armés du microscope, l’Iliade laisse voir bien des contradictions, en effet, des disparates, des hors d’œuvre, des superfétations, des sutures plus ou moins habiles. […] Grote que tout s’expliquerait si l’on admettait qu’un Homère ou Homéride, s’emparant des rhapsodies antérieures d’une Iliade en fragments, et d’une Achilléide embryonnaire ou élémentaire, a refondu, remanié, agrandi les deux sujets, les a mis en rapport entre eux et a opéré un travail ardent, poétique, inspiré, d’où est sortie l’œuvre telle à peu près que nous l’avons, sauf toujours trois ou quatre chants qui sont par trop gênants ou sensiblement inutiles, et dont on fait bon marché : tout le reste appartient à une pensée suffisamment une et dominante.

1291. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « JASMIN. » pp. 64-86

1837 On a beaucoup parlé, dans ces derniers temps, de poésie populaire ; on en a remis en honneur le règne et la floraison, trop oubliés jusqu’alors, et qui avaient orné un certain âge adolescent de la vie des nations ; on est même allé jusqu’à se figurer un temps privilégié où la poésie circulait comme dans l’air, où chacun plus ou moins y participait, et où l’œuvre admirée se formait du génie de tous. […] Les œuvres imprimées de Jasmin se composent d’un volume in-8°, publié à Agen, en 1835, sous le titre : las Papillotos (les Papillotes), et d’un charmant petit poëme, publié en 1836, et intitulé l’Abuglo de Castèl-Cuillé (l’Aveugle de Castel-Cuillé). […] (Depuis le moment où nous annoncions ainsi Jasmin en deçà de la Loire, sa renommée n’a fait que s’accroître, et ses œuvres récentes ont confirmé de tout point les premières louanges. […] A propos de l’article qu’on vient de lire et auquel il voulait bien attribuer quelque part dans cette vulgarisation parisienne de son œuvre, il me disait en riant : « Vous m’avez salonisé.

1292. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « THÉOPHILE GAUTIER (Les Grotesques.) » pp. 119-143

Ses œuvres, telles qu’on les a aujourd’hui, publiées par lui après l’accusation et dans un but avoué d’apologie, paraissent, je le sais bien, assez innocentes, mais, par là même, elles manquent à chaque instant de franchise, de relief, des qualités ou défauts qu’on est le plus tenté d’y réclamer. […] Ses premiers excès l’induisirent ainsi à de perpétuelles palinodies qui ôtent à l’ensemble de ses œuvres tout caractère. […] vous qui produisiez vos œuvres idéales à l’âge sévère, où en seriez-vous avec ce système épicurien ? […] Donnez-moi l’hygiène d’un poëte, et je vous dirai le ton général, la qualité saine ou maladive de ses œuvres.

1293. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN FACTUM contre ANDRÉ CHÉNIER. » pp. 301-324

Arnould Fremy n’a pas voulu entrer dans l’examen de l’auteur par ce côté qui, selon nous, était le plus indiqué, et qui laissait d’ailleurs tout son jeu à la critique et à l’érudition ; il semble, en vérité, qu’il se soit dit, avant tout, qu’il y avait quelque chose à faire contre André Chénier, sauf à fixer ensuite les points ; l’historique assez inexact qu’il trace des vicissitudes et du succès des œuvres est empreint à chaque ligne d’un accent de dépréciation qui a peine à se déguiser. […] remy proteste qu’il ne veut en rien rabaisser sa gloire ; il a l’air de vouloir le louer de ses odes, de ses ïambes et de ses élégies, comme si dans toutes ces parties de son œuvre le poëte faisait autre chose qu’appliquer le même procédé en le dégageant de plus en plus. […] remy ; et il voit déjà dans ce choix l’indice d’un goût peu sûr : « car, ajoute-t-il en style étrange, l’Oaristys s’éloigne sous plus d’un point de ces sujets naturels et simples où l’on sent à peine l’effort de l’art. » J’avoue que, lorsque je vois un critique aborder sur ce ton des œuvres toutes de grâce et d’élégance, j’entre aussitôt en une méfiance extrême, et je me demande si l’écrivain de cette prose est bien un maître-juré en telle expertise de poésie (arbiter elegantiarum). […] remy a prétendu biffer d’un trait de plume toute une moitié de l’œuvre, toute une première moitié d’où la seconde est sortie.

1294. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Discours sur l’histoire de la révolution d’Angleterre, par M. Guizot (1850) » pp. 311-331

Tous les deux sont des politiques qui ont commencé par être écrivains ; ils ont passé par la littérature, ils y reviennent au besoin, ils l’honorent par leurs œuvres ; mais ils n’appartiennent pas à la famille des littérateurs proprement dits, à cette race qui a ses qualités et ses défauts à part. […] Esprit d’exécution, il rassemble avec vigueur, avec ardeur, ses forces, ses idées, et se met résolument à l’œuvre, peu soucieux de la forme, l’atteignant souvent par le nerf et la décision de sa pensée. […] Aucun esprit ferme, au nom de l’école de Hume et de Voltaire, au nom de celle de l’expérience et du bon sens, au nom de l’humilité humaine, n’est venu lui dérouler les objections qui n’auraient rien diminué de ses mérites vigoureux de penseur et d’ordonnateur, qui auraient laissé subsister bien des portions positives de son œuvre, mais qui auraient fait naître quelques doutes sur le fond de sa prétention exorbitante. […] Guizot seul, mais à toute l’école doctrinaire dont il a été l’organe et le metteur en œuvre le plus actif, le plus influent.

1295. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Étienne Pasquier. (L’Interprétation des Institutes de Justinien, ouvrage inédit, 1847. — Œuvres choisies, 1849.) » pp. 249-269

. — Œuvres choisies, 1849.) […] Didot une édition portative des Œuvres choisies de Pasquier, et il a fait passer dans deux élégants in-18 un excellent extrait des deux in-folio de son auteur. […] Il avertit Ronsard, dès l’année 1555, de ne pas se prêter comme il fait à cette pente facile par où tout périt, de ne pas courtiser et flatter ses disciples, de ne pas laisser dégénérer enfin une œuvre élevée, en un tumulte et une ovation de coterie. […] On n’oublierait pas non plus ces fameuses ordonnances d’amour, qui n’ont pas dû trouver place dans les Œuvres complètes de Pasquier, et qui sont comme les saturnales extrêmes d’une gaillardise d’honnête homme au xvie  siècle.

1296. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « De la poésie et des poètes en 1852. » pp. 380-400

La grande affaire, c’est que les poètes de vingt ans ne se contentent pas de chanter entre eux et de se complaire, mais qu’ils puissent rendre le public attentif à leurs jeux qui deviennent des œuvres. […] En tenant dans mes mains ces volumes de forme et d’inspirations différentes, mais auxquels un vœu égal a présidé, et dont pourtant un si petit nombre surnage, même un seul instant, j’éprouve un sentiment douloureux de voir tant de peines, tant de soins et de temps perdus autour de chaque œuvre si couvée et si caressée, et qui est déjà tombée du sein paternel dans un monde d’indifférence. […] J’ajouterais qu’on trouverait en ce moment bon nombre de poètes particuliers très distingués, et qu’on pourrait tirer de leurs œuvres un choix à la fois honorable et charmant. […] Ampère a, depuis, compromis à jamais sa réputation de poète ou même de demi-poète, en publiant son César, scènes historiques (1859), une œuvre malheureuse que de véritables amis l’auraient dû empêcher de faire imprimer.

1297. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VI. Daniel Stern »

c’était trop long, c’était là une œuvre trop vaste, que de petits bras de femme ne pouvaient étreindre. […] Il y a aussi toujours un homme à côté, quand une femme prend l’ambition de faire œuvre d’homme, et quelle plus œuvre d’homme que l’histoire ? […] Jamais, de fait, dans toutes ses œuvres, une phrase agréable, pimpante ou négligée, souriante ou touchante, a-t-elle échappé à cette femme, correcte de style comme de visage, mais qui n’a pas plus d’agréments, Dieu me damne !

1298. (1874) Premiers lundis. Tome II « Hippolyte Fortoul. Grandeur de la vie privée. »

On n’avait voulu voir dans une œuvre que les conditions de l’art pur ; cela a conduit les contradicteurs à n’y voir que l’idée sociale et le bon motif amplifié jusqu’au grandiose. […] La plus sûre manière de sortir du raisonnement systématique et de la fougue esthétique est de faire, de s’appliquer à une œuvre particulière ; on y entre avec le système qu’on veut vérifier et illustrer ; mais, si l’on a quelque talent propre, original, ce talent se dégage bientôt à l’œuvre, et, avant la fin, il marche tout seul, il a triomphé.

1299. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IV. La littérature et le milieu psycho-physiologique » pp. 126-137

Un des traits les plus saillants des œuvres qui parurent pendant la période agitée de la Fronde, c’est je ne sais quoi de heurté, de discordant, de difforme, de grotesque. […] L’invasion brusque d’un fléau, comme la peste ou le choléra se répercute dans les œuvres littéraires. […] N’a-t-on jamais vu se produire, à la suite de quelque œuvre désespérément pessimiste, un étrange appétit de suicide, et, comme dit Victor Hugo : Une facilité sinistre de mourir ?

1300. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Conclusion »

On peut reprocher aux essais psychologiques, épars dans ses œuvres, d’être trop souvent vagues, peu exacts dans l’expression, et de n’être pas fondés sur une classification rigoureuse des phénomènes. […] Elle est l’œuvre commune du sujet sentant et de l’objet senti289. […] Sont-ils notre œuvre ?

1301. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre V. Les âmes »

Le cœur humain fait son œuvre sur la terre, cela émeut les profondeurs. […] L’œuvre est mystérieuse pour ceux même qui la font. […] Leur œuvre concorde et coïncide.

1302. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre I : La science politique au xixe  siècle »

De Maistre est aussi partisan de l’ancien régime que M. de Bonald ; mais comme il a plus d’esprit, il voit un peu plus clair : il accorde que c’est la corruption de l’ancien régime, du clergé et de la noblesse qui a amené la Révolution ; il appelle cette Révolution une œuvre satanique ; mais il est confondu de sa grandeur. […] Mais cette œuvre une fois faite, le gouvernement doit disparaître à son tour comme étant le dernier des privilégiés : c’est la doctrine du laisser-faire poussée à ses dernières limites. […] Ce travail a été publié à l’occasion des Œuvres et Correspondance inédites de Tocqueville, publiées et précédées d’une notice par M. 

1303. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « IX »

La pire destinée d’une œuvre est de tomber dans l’oubli. […] « C’est parce qu’il y a un nombre égal d’auteurs notoirement médiocres qui ont raturé et dont nous voyons la médiocrité obtenue exactement par les mêmes procédés que la perfection. » A ce compte, on ne doit plus conseiller d’être original, parce qu’à vouloir être original on risque de devenir excentrique ; on ne doit plus dire à ceux qui marchent mal : « Tenez-vous droit », parce que, quelques-uns, pour se tenir droit, se tiennent raides ; on ne doit plus recommander aux peintres, aux sculpteurs, aux romanciers de se recueillir, de méditer, d’observer, parce qu’il y en a qui, après s’être recueilli, après avoir médité, après avoir observé, n’ont produit que de médiocres œuvres. […] Le Rouge et le Noir est une œuvre impérissable.

1304. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’empire russe depuis le congrès de vienne »

Mais Beaumont-Vassy, dont la forme élégante a la pâleur diplomatique, n’a pas littérairement beaucoup plus de style que cette foule d’écrivains qui, au xixe  siècle, savent jeter une phrase dans le moule banal où tout le monde peut aller faire fondre son morceau de plomb… Évidemment, pour que des livres pareils soient lus avec avidité, il faut qu’il y ait absence complète d’œuvres historiques sur la Russie, et, de fait, il n’y en a pas. […] Pouchkine et Lermontoff attendent encore que l’Europe s’occupe de leurs œuvres. […] Eh bien, tous les deux, si nous nous en rapportons à ce que Chopin en publie9, établissent, par leur genre de talent et par leurs œuvres, qu’on n’a pas vu luire en Russie le premier signe d’une littérature !

1305. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VIII. Du mysticisme et de Saint-Martin »

Ce livre qui, de la personne très peu connue jusqu’ici et maintenant plus étudiée de Saint-Martin et de ses idées, s’élève jusqu’à la hauteur d’une discussion et d’un jugement sur le mysticisme en général, est une œuvre qui veut être impartiale et sévère. […] Telle est l’œuvre, et je dirais presque le miracle du Catholicisme. […] Un juif portugais, savant dans la cabale, nommé Martinez Pasqualis, avait fondé, en 1768, la secte des Martinistes, « vouée aux œuvres violentes de la théurgie », et c’est de cette école que Saint-Martin fut le fils, mais bientôt le fils dissident.

1306. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Conclusion »

. — La physique vient d’ailleurs compléter l’œuvre de la psychologie sur ce point : elle montre que si l’on veut prévoir les phénomènes, on doit faire table rase de l’impression qu’ils produisent sur la conscience et traiter les sensations comme des signes de la réalité non comme la réalité même. […] Mais on peut aller plus loin, et affirmer que des formes applicables aux choses ne sauraient être tout à fait notre œuvre ; qu’elles doivent résulter d’un compromis entre la matière et l’esprit ; que si nous donnons à cette matière beaucoup, nous en recevons sans doute quelque chose ; et qu’ainsi, lorsque nous essayons de nous ressaisir nous-mêmes après une excursion dans le monde extérieur, nous n’avons plus les mains libres. […] Le temps et l’espace ne seraient donc pas plus en nous qu’en dehors de nous ; mais la distinction même du dehors et du dedans serait l’œuvre du temps et de l’espace.

1307. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VII. »

Le commencement est peu de chose, comme dans un incendie faible d’abord, lamentable à la fin ; car, chez les mortels les œuvres de la violence ne durent pas. […] Ainsi vécut et mourut ce sage, dont l’œuvre, étouffée de son vivant, devait revivre après lui dans la gloire, le patriotisme et le génie d’Athènes. […] Chante tant les plus mémorables guerres et les plus illustres généraux, il soutient sur la lyre tout le poids de l’œuvre épique.

1308. (1874) Premiers lundis. Tome II « Mort de sir Walter Scott »

Il est permis de croire qu’en mourant Walter Scott n’emporte pas de grande pensée inachevée ; son génie s’était épanché à l’aise et abondamment ; il avait assez dit pour sa gloire et pour nos plaisirs ; quoiqu’il n’eût que soixante-deux ans, il est mort plein d’œuvres et il avait rassasié le monde. […] La postérité retranchera sans doute quelque chose à notre admiration de ses œuvres ; mais il lui en restera toujours assez pour demeurer un grand créateur, un homme immense, un peintre immortel de l’homme !

1309. (1874) Premiers lundis. Tome II « H. de Balzac. Études de mœurs au xixe  siècle. — La Femme supérieure, La Maison Nucingen, La Torpille. »

Les critiques disent et le monde répète que l’argent n’a rien à faire à ceci… Rubens, Yan Dyck, Raphaël, Titien, Voltaire, Aristote, Montesquieu, Newton, Cuvier, ont-ils pu monumentaliser leurs œuvres sans les ressources d’une existence princière ? […] Sainte-Beuve, et ne se trouve pas mentionné dans la liste des œuvres de Ch.

1310. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Le Comte Walewski. L’École du Monde »

Nous venons de, la lire à tête reposée, et de tâcher de nous former un avis sur cette œuvre controversée, qui résume l’observation de plusieurs années que l’auteur a données au mouvement du monde. […] Walewski pour les évolutions de son œuvre, peut exister quelque part, et il existe plus ou moins ; mais il n’offre guère rien que de glacé.

1311. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre III. De la sécheresse des impressions. — Du vague dans les idées et le langage. — Hyperboles et lieux communs. — Diffusion et bavardage »

Nous avons fixé les moments et les œuvres où il faut appeler l’intelligence ; le reste du temps, dans nos autres occupations, nous n’en usons point ; il nous semble naturel de ne rien lui demander : c’est comme un outil que l’on serre après le travail pour lequel il a été fait. […] Ce n’est ni l’ascendant de l’esprit, ni la force du raisonnement qui séduisent le public : mais ils fournissent, toute préparée pour l’usage, la formule qui juge le dernier événement politique, la dernière œuvre littéraire.

1312. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « André Theuriet »

Son œuvre entière m’apparaît comme un vaste morceau de campagne, avec des rivières entre des pentes boisées, des forêts de sapins, des vergers, des fermes, des villages et les ruelles montantes de quelque vieille petite ville… Et je me dis : « Qu’il y fait bon !  […] Toutes les variétés modernes du vieillard de Tarente,   … Sub Æbaliæ memini me turribus altis Corycium vidisse senem… vous les trouverez dans l’œuvre de M. 

1313. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Les snobs » pp. 95-102

Cathos et Madelon sont proprement des snobinettes et les aïeules authentiques des dames bizarres qu’on voit dans les couloirs du théâtre de l’Œuvre. « C’est là savoir le fin des choses, le grand fin, le fin du fin », est une phrase de snob et même d’esthète. […] On découvre que quelques-unes de nos plus grandes admirations nous ont été imposées ; que ce qui nous fait le plus de plaisir ou le plus de bien, ce ne sont pas toujours les œuvres reconnues et consacrées, mais tel livre moins célèbre, qui nous parle de plus près et pénètre en nous plus avant… Or, si chacun faisait ainsi, quel désordre !

1314. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Merrill, Stuart (1863-1915) »

De plus, si sa ligne est ferme, le trait n’a jamais de dures arêtes, et c’est bien comme les œuvres de peintres italiens, dont les formes très précises ne se découpent jamais cependant avec sécheresse, mais sont harmoniées sur un fond qui participe de leur vie. […] C’est du reste ce que montrent aussi quelques fragments de son œuvre future des Quatre Saisons.

1315. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Silvestre, Armand (1837-1901) »

Silvestre indique comme ce chanteur, qui laissa depuis la sensualité déborder dans son œuvre, avait le sentiment juste des voies nouvelles. […] Rabelais) ; et son œuvre double n’en serait pas moins un commentaire inattendu de la pensée de Pascal sur l’homme ange et bête.

1316. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Ronsard, et Saint-Gelais. » pp. 120-129

ce monstre, ce monstre d’ire, Contre toi me força d’écrire, Et m’élança, tout irrité, Quand, d’un vers enfiélé d’iambes, Je vomissois les aigres flambes De mon courage dépité ; Pour ce qu’à tort on me fit croire, Qu’en fraudant le prix de ma gloire, Tu avois mal parlé de moi, Et que, d’une longue risée, Mon œuvre par toi méprisée, Ne servit que de farce au roi. […] Le chef de cette bande étoit Mellin de Saint-Gelais, qui, pour avoir quelque chose de plus que les autres, avoit acquis beaucoup de réputation envers les grands, principalement auprès du roi, s’efforçoit, par envie, de troubler l’eau pégasine à ce nouvel Apollon, ayant l’ame touchée de tant d’envie & de présomption que d’oser blasonner & de reprendre les œuvres dudit Ronsard aux yeux de sa majesté, pour le rendre odieux. » Ces plaintes sont terminées par ce conseil.

1317. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean-Baptiste Rousseau et M. de Voltaire. » pp. 47-58

D’après toutes ces considérations, on doit être blessé de voir mettre ses œuvres, au genre lyrique près, en comparaison avec celles de Rousseau. […] Il ne vit plus dans son ennemi qu’un grand homme, & jetta ces fleurs sur sa tombe, en écrivant à un éditeur des œuvres du Pindare François.

1318. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre II. Chimie et Histoire naturelle. »

Dans l’œuvre du Créateur, au contraire, tout est muet, parce qu’il n’y a point d’effort ; tout est silencieux, parce que tout est soumis : il a parlé, le chaos s’est tu, les globes se sont glissés sans bruit dans l’espace. […] Mais quand des congrégations de savants se formèrent ; quand les philosophes, cherchant la réputation et non la nature, voulurent parler des œuvres de Dieu, sans les avoir aimées, l’incrédulité naquit avec l’amour-propre, et la science ne fut plus que le petit instrument d’une petite renommée.

1319. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Léon Feugère ; Ambroise-Firmin Didot »

Toujours est-il que ce reproche que la critique est en droit d’adresser à Feugère, et qu’elle ne lui ménagera pas, implique la condamnation d’un livre qui pouvait, avec les connaissances multipliées de l’auteur, être une œuvre historique, importante et forte, et qui, dédoublée des doctrines qui sont l’âme orageuse de la littérature au xvie  siècle, tombe à n’être plus qu’une critique de lexicographe et un maigre travail de grammairien ! […] Quand un écrivain comme Ambroise-Firmin Didot, qui pouvait mettre dans un écrit la plénitude et l’agrément sans lesquels toute l’érudition de la terre ne vaut pas une pincée de cendres de papyrus, ne produit, en réalité, qu’une œuvre d’érudition, maniable seulement aux savants et aux esprits spéciaux, tant elle est hérissée de citations et de textes, il court grand risque d’être traité, malgré le mérite de ses renseignements, comme le porc-épic de sa propre science… On n’y touchera pas !

1320. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Les dîners littéraires »

Quelle œuvre ou quel fragment d’œuvre a jailli de cette serre chaude d’un dessert entre gens de bonne humeur et qui se conviennent ?

1321. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le voltairianisme contemporain »

Or, s’il les possède, ce n’est plus Roi qu’il faut l’appeler : qui dit Roi des Esprits dit Dieu même ; et alors on peut demander pourquoi donc ce Dieu des Esprits souille encore de ses restes une église chrétienne, et pourquoi ses adeptes et ses disciples, en cotisant leurs admirations et leurs œuvres, ne lui élèvent pas un monument ? […] Ce joujou bruyant et dont on ne fait rien qu’un indécent usage, la libre pensée, qu’on nous donne pour une philosophie et qui n’est le plus souvent qu’une lassitude anticipée d’une réflexion éteinte, la libre pensée, cette ennemie de la pensée vraie, qu’elle repousse parce que la pensée vraie oblige, comme la noblesse, et dont elle se débarrasse dans le sérail des sept péchés capitaux, voilà surtout l’œuvre de Voltaire : Hæc facit otia Voltarius !

1322. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Auguste Nicolas »

Et cela étant, force nous est de nous replier vers les ouvrages sérieux, quelle que soit la date de leur publication, sous peine de n’avoir rien à indiquer à la Critique qui attend des œuvres, et qui, à un certain degré dans le mauvais et dans le vulgaire, se détourne et n’examine plus. […] Telle est sa haute valeur comme apologiste, et c’est ce que nous voulions noter en passant plus que le mérite intrinsèque de son livre, nous qui nous préoccupons beaucoup moins de la beauté même des œuvres littéraires que des conquêtes de la vérité.

1323. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paria Korigan » pp. 341-349

C’est un livre naïf et presque d’une ingénuité de génie… Et c’est l’œuvre d’une femme pourtant, malgré la masculinité du nom sous lequel elle a caché son sexe. […] III Le génie, en effet, quelles que soient les œuvres dans lesquelles il se révèle, n’est que la puissance d’une force mystérieuse qui paraît toujours simple, mais qui ne l’est pas toujours ; car, vous le savez, un jour on a douté jusque de la naïveté du bon La Fontaine, qui n’était pas si bon au fond, et qui, comme ses chats, avait « le génie scélérat ».

1324. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « Introduction »

L’œuvre de la pensée du moyen âge fut en somme une confiscation de la réalité au profit d’une formule. […] Depuis le seizième siècle l’œuvre de démolition a pris d’énormes proportions.

1325. (1915) La philosophie française « II »

Si, pour mesurer la profondeur de leur pensée et pour la comprendre pleinement, il faut être philosophe et savant, néanmoins il n’est pas d’homme cultivé qui ne soit en état de lire leurs principales œuvres et d’en tirer quelque profit. […] Pendant tout le XVIIe et le XVIIIe siècles, la pensée française, s’exerçant sur la vie intérieure, a préparé la psychologie purement scientifique qui devait être l’œuvre du XIXe siècle.

1326. (1836) Portraits littéraires. Tome I pp. 1-388

La vie d’un homme ne contient pas deux œuvres pareilles. […] Les plus beaux élans de poésie, les plus riches images, ne suffisent pas à la durée d’une œuvre. […] La série des œuvres est maintenant épuisée. […] Il y a dans une œuvre de longue haleine, une perspective poétique dont il faut tenir compte. […] Il révère la beauté comme l’œuvre de Dieu.

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