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51. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre V. Seconde partie. Des mœurs et des opinions » pp. 114-142

La question de la liberté de la presse nous offrirait le même désaccord entre les mœurs et les opinions. […] Ne nous le dissimulons point : avec la liberté de la presse l’honneur et le repos des particuliers et des familles courront souvent le risque d’être odieusement compromis. […] En un mot, nos mœurs sont trop exquises et trop susceptibles pour le régime âpre et sévère de la liberté de la presse. […] Les révolutions qui se font pour obtenir la liberté sont légitimes ; celles qui se font pour obtenir l’égalité sont toujours antisociales. […] Ancillon a remarqué fort bien que l’histoire est le tableau de la lutte perpétuelle qui existe entre la nécessité et la liberté.

52. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Pierre Mancel de Bacilly »

Le livre que Pierre Mancel de Bacilly a récemment publié porte sur sa première page ces deux mots mystérieux et terribles : Du Pouvoir et de la Liberté 17, dont l’alliance renferme toute la politique de ces derniers temps. […] Mais Mancel est un esprit droit, élevé et solide, qui a horreur de la chimère et qui sait apprécier comme nous un règne dont le caractère semble précisément d’unir la liberté civile à l’autorité politique. […] Nous dirons que depuis longtemps il n’a pas été fait de réponse plus nette, plus animée et plus péremptoire aux métaphysiciens de la politique que ce livre, qui attirera peut-être le plus ceux qu’il réfute et qui s’appelle : Du Pouvoir et de la Liberté ! […] L’auteur du Pouvoir et de la Liberté, qui appartient, par les tendances générales de sa philosophie autant que par ses convictions religieuses, à la grande école des de Maistre et des Bonald, ne croit pas à la souveraineté du peuple, et la plus grande partie de son livre est consacrée à la combattre ; mais l’originalité de son principe consiste précisément en ceci qu’il n’est faussé par l’application d’aucune théorie et qu’il embrasse et domine les plus opposées, aussi bien la théorie de la souveraineté du nombre que la théorie mystique du droit divin. […] Du Pouvoir et de la Liberté (Pays, 24 septembre 1853).

53. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre IV. L’unification des sociétés »

N’a-t-on pas souvent distingué, dans les aspirations démocratiques, à côté du désir de l’égalité, celui de la liberté ? […] Elle repose sur des équivoques, celles mêmes que recèle le mot de liberté. […] Tantôt on nomme libertés les droits garantis ; on considère alors la vraie liberté comme postérieure à l’État, fille des lois qu’il promulgue et sanctionne. […] Il y a des groupements dans lesquels l’individu entre avec sa liberté, auxquels il n’aliène, par un contrat déterminé, en vue d’une certaine fin par lui acceptée, qu’une portion de son activité personnelle : ce sont ceux-là qu’un État fortement unifié par le militarisme supprime ou entrave. […] Prins, L’organisation de la Liberté.

54. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre V. Les esprits et les masses »

Ce pauvre honnête rêveur croyait de bonne foi qu’on peut rester dans le progrès en sortant de la liberté. Nous l’avons entendu émettre, probablement sans le vouloir, cet aphorisme : La liberté est bonne pour les riches. […] Non, non, non, rien hors de la liberté ! […] La liberté est une prunelle. La liberté est l’organe visuel du progrès.

55. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la liberté de l’enseignement »

Sée revendiqua son droit d’être écoulé au nom de la liberté de conscience et du libre examen. […] Ce qui n’est que liberté en Belgique, envisagé d’ici, vous paraît licence. […] je n’aime pas la liberté et c’est vous qui l’aimez ! […] La liberté, la voulez-vous sérieuse et tout de bon ? […] Voilà la vraie lutte, voilà la vraie liberté.

56. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la Révolution française — II. La Convention après le 1er prairal. — Le commencement du Directoire. »

Plusieurs témoins respectables y ont cru et y croient encore ; ils n’ont vu dans le sans-culottisme que le travestissement d’une faction ennemie de la liberté, et dans la Terreur que l’égarement du peuple par quelques meneurs à intentions perfides. […] Ainsi cette Assemblée terrible, sans peur et sans repentir, se montrait à sa dernière heure encore fidèle au mot d’ordre du 10 août ; ainsi elle gardait, même en finissant, quelque chose d’illégal, et il y avait, jusqu’au bout, de la colère dans sa manière de fonder la liberté. […] Thiers n’a pas atteint cette fâcheuse époque du 48 fructidor, où les patriotes sincères virent leurs espérances encore une fois déçues, et le régime de la liberté légale indéfiniment ajourrné. […] Nous allions retrouver l’opulence avec le repos : quant à la liberté et à la gloire, nous les avions ! […] Français, qui avons vu depuis notre liberté étouffée, notre patrie envahie, nos héros fusillés ou infidèles à leur gloire, n’oublions jamais ces jours immortels de liberté, de grandeur et d’espérance ! 

57. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre III : La littérature du xviiie et du xixe  siècle »

Défenseur de la tradition et de la discipline, comment goûtera-t-il ce siècle d’indépendance et de liberté ? […] Enfin, parmi les grandes nouveautés de Montesquieu, comment oublier le principe de la liberté politique ? On peut discuter dans la pratique sur le plus ou moins d’opportunité de cette liberté, sur les conditions plus ou moins larges qui lui seront faites ; mais, dans l’ordre spéculatif, philosophique et moral, qui oserait nier que le principe de la liberté politique ne soit au nombre des quatre ou cinq plus grandes idées de l’esprit humain ? La liberté est, avec la patrie, le devoir, l’âme, Dieu, l’une des premières inspirations de la pensée, du sentiment et de l’éloquence. […] Ainsi le principe de la liberté appartient en propre à Montesquieu, au moins dans notre pays.

58. (1874) Premiers lundis. Tome I « Deux révolutions — I. De la France en 1789 et de la France en 1830 »

On dirait en effet, après ce qui s’est passé dans les rues de Paris pendant trois jours, qu’il n’y a plus qu’à accorder le moins de nouvelle liberté possible ; car chaque part de liberté nouvelle devant augmenter l’appétit démocratique, nous serions bientôt en proie au parti populaire ; la chambre des députés, qui se trouve précisément dans le cas de la Constituante, serait vite dépassée par une Législative ; et Dieu sait ce qu’il adviendrait alors ; il n’y aurait plus qu’à se voiler la tête et à tendre le cou comme les Girondins, à moins d’oser être Montagnard : Di meliora piis ! […] La sagesse et le génie de l’Assemblée constituante firent tout ce qu’on pouvait en de telles conjonctures pour concilier et affermir, pour déblayer d’une main et fonder de l’autre, pour livrer à la nation rajeunie un vaste et solide édifice de liberté. […] C’est donc la société avant tout qu’il convient d’examiner, les lendemains de révolution, pour voir si les principes de liberté et de justice sont possibles, applicables, et dans quelle mesure. Quand la société est morale, avancée, et se tient volontiers dans le bon sens et le travail, quand les passions et les haines publiques n’ont plus d’objet, les théories absolues et les prestiges quelconques peu de séduction, les conséquences les plus nombreuses et les plus vraies de la liberté n’ont aucun péril ; car elles garantissent ce travail, exercent et développent ce bon sens, préviennent le retour des passions politiques, ou en dirigent le cours vers le bien général, et ferment la bouche aux théories des rêveurs. […] Personne n’est dupe des formes politiques, ni esclave d’une dénomination de gouvernement ; chacun sait que telle monarchie comporte souvent bien plus de liberté que telle république.

59. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quatorzième. »

Est-ce donc à dire que Fénelon soit le premier ou le seul écrivain du dix-septième siècle chez qui se montre l’esprit de liberté ? […] La liberté humaine a toujours résisté à ces législateurs qui ont prétendu régler ses moindres mouvements. […] Il respecte la liberté humaine ; il ne veut ni tant de pouvoir dans le souverain, ni tant d’obéissance dans les sujets. Pourquoi donc l’esprit de liberté le tient-il pour suspect, et, au contraire, montre-t-il tant de faveur à Fénelon ? […] Il vante à cet égard la liberté dont jouissent les Anglais, chez lesquels chacun est maître souverain de la langue de tous.

60. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIVe entretien. Madame de Staël. Suite »

Il se présentait avec une impudeur que dénote assez son mépris pour la conscience humaine, comme le restaurateur de cette liberté qu’il avait détrônée. […] Qui pouvait hésiter à se rallier à un dictateur que sa plus implacable ennemie déclarait nécessaire à la patrie et à la liberté ? […] La seconde restauration lui rendait Paris, le gouvernement représentatif, la liberté de la pensée, l’influence de la parole, la faveur de Louis XVIII, la fortune de M.  […] Il était religieux envers Dieu, envers la liberté comme envers sa famille. […] Cet accent n’est pas la liberté, mais il en est comme l’âpre arrière-goût, le regret amer, la vague espérance.

61. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre IV : La Volonté »

Enfin, la question si discutée de la liberté. […] Le terme Aptitude (Abilily) est inoffensif et intelligible ; mais le terme Liberté a été amené de force dans un phénomène avec lequel il n’a rien de commun. […] Par liberté de choix, nous n’entendons qu’une chose, nier toute intervention étrangère. […] Mais appliqué aux divers motifs de mon propre esprit, le mot « liberté de choix » n’a pas de sens. […] La question de la liberté de choix consiste donc à savoir si l’action est mienne ou si une autre personne s’est servie de moi comme instrument, et l’on ne saurait trop déplorer que la psychologie se soit arrêtée si longtemps sur une difficulté toute gratuite.

62. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre II. Le rôle de la morale » pp. 28-80

L’idée de liberté complète est un excellent point de départ pour arriver à une réglementation insupportable destinée en principe à sauvegarder cette liberté. Il n’existe aucun moyen d’assurer la liberté de quelqu’un sinon de réprimer la liberté des autres. Ma liberté d’aller tranquillement le soir dans la rue ne vaut que par la répression de la liberté de ceux qui seraient tentés de fouiller mes poches. […] Ceux qui réclament le plus la liberté quand leurs idées sont persécutées n’accorderont nullement la liberté aux autres quand ils auront triomphé. Qu’on le veuille ou non, chacun n’entend guère par « liberté » que la « liberté du bien » ou du moindre mal.

63. (1870) La science et la conscience « Chapitre I : La physiologie »

Tant que la raison domine, la liberté subsiste. » M.  […] N’y a-t-il pas entre les lois de l’ordre physique et celles de l’ordre moral une assez grande distance pour que la liberté y trouve sa place ? […] Nous craignons que les adversaires du libre arbitre ne confondent la notion de la véritable liberté humaine avec la notion abstraite et toute métaphysique d’une liberté qui s’exercerait dans un état d’indépendance et d’indifférence complète. […] Si ce n’est pas la raison et la réflexion qui constituent proprement la liberté, elles en rendent le jeu plus manifesté. […] L’état de sagesse constitue une sorte de nécessité morale qui est la perfection même de la liberté.

64. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Μ. Eugène Hatin » pp. 1-14

La liberté de la presse, « c’est la civilisation tout entière ». […] … Pour notre compte, nous ne savons pas si la liberté de la presse, à fond de train et sans réserve, qui s’est dite si longtemps une institution et dont les journaux ont la prétention, avouée ou secrète, d’être les fils, aussi inviolables que leur mère, nous ne savons pas si cette liberté est la civilisation tout entière, mais, si Μ.  […] Il faut donc en revenir à cette question d’autorité qui doit primer toutes les questions de liberté dans les sociétés vivant en commun, mais en organisation cependant, et que le gouvernement de Napoléon III a posée en matière de presse. […] Il y a liberté, mais liberté réglementée, ce qui est, au contraire, pour le journalisme, la santé et l’état normal ! […] Richelieu, qui protégea Renaudot, le fondateur de la première gazette en France, mais qui le protégea en restant son maître ; la Chambre étoilée, en Angleterre, qui regarda toujours les journaux d’un œil de vigilance sourcilleuse, — torvo lumine, — quoique, en Angleterre, la liberté des écrits périodiques ait bien moins d’inconvénients qu’ailleurs, parce qu’elle y est accompagnée d’un grand respect pour les hiérarchies, auraient dû, ce semble, éveiller en Μ. 

65. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Malesherbes. » pp. 512-538

M. de Malesherbes était un homme éclairé, je l’ai dit, et selon les lumières modernes ; il aurait voulu la liberté de la presse, et croyait peu à l’efficacité de la censure, quand une fois l’opinion a pris son essor dans un certain sens. […] Nous sommes aujourd’hui dans un moment peu favorable pour bien sentir les avantages de la liberté de la presse. Ces avantages sont répandus et comme disséminés dans un ensemble d’effets généraux insensibles qui tiennent au contrôle de la publicité et à tout ce qu’elle prévient d’abus : au contraire, les inconvénients de cette liberté sont directs et très sensibles ; ils touchent et frappent chacun. […] En politique, il ne visait qu’à la réforme et la voulait autant que possible selon les principes de l’antique droit, de l’antique liberté à laquelle il croyait trop peut-être, de même qu’il se confiait trop aussi au bon sens moderne. […] Dupin, dans son excellent travail, s’est attaché à montrer que Malesherbes ne s’était pas trompé, je ne dis pas en conduite, mais dans les vues, et que sur tous les points capitaux de liberté religieuse, de liberté de la presse, de liberté individuelle, d’égalité en matière d’impôt, cet homme éclairé n’avait fait que devancer les idées que les diverses chartes et constitutions ont mises en vigueur depuis.

66. (1889) Ægri somnia : pensées et caractères

Comme il est aisé de définir la liberté et de démontrer la démocratie ! […] Thiers celui du principe de liberté. […] L’inventeur du mot célèbre sur les « libertés nécessaires » n’y comprenait pas la liberté de n’être pas de son avis. […] Thiers, le type du libéral, entendait la liberté d’autrui. […] Au nom de la liberté ?

67. (1874) Premiers lundis. Tome II « L. Bœrne. Lettres écrites de paris pendant les années 1830 et 1831, traduites par M. Guiran. »

De tels efforts pour conquérir cette liberté de la presse, qui représente et donne toutes les autres libertés, méritent l’entière sympathie de la France et font partie de sa propre cause. […] Parmi les écrivains polémiques qui inoculent vivement à l’Allemagne les idées pratiques de bon sens et de liberté, dans les mêmes rangs que Heine, Menzel, et autres courageux champions de la presse, M.  […] Sa candeur d’enthousiasme m’a tout à fait rappelé Brissot, lorsqu’avant la révolution de 89 il visitait l’Angleterre et l’Amérique, comme de saintes contrées que la liberté avait déjà bénies ; les premiers cottages riants qu’il apercevait sur la route en sortant de Douvres, l’émouvaient aux larmes et lui semblaient un bienfait des institutions. […] Bœrne est un éclaireur utile, un tirailleur intelligent et courageux qui peut avancer la cause de la liberté en Allemagne.

68. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIIe entretien. Madame de Staël. Suite. »

« L’un de ces tribuns, ami de la liberté et doué d’un des esprits les plus remarquables que la nature ait départi à aucun homme, M.  […] Ajoutez à l’agrément de cette résidence la liberté de parcourir et d’habiter à son gré tout l’univers, excepté l’étroite enceinte de Paris. […] Ils y cédaient, elle lui résistait, et sa résistance est d’autant plus belle qu’on ne lui demandait qu’une ligne de sa main pour prix de la faveur et de la liberté. […] Ce qui était crime dans Moreau et dans Bernadotte n’était en elle que légitime aspiration de sa liberté personnelle et de la liberté du monde. […] La religion, la liberté, l’amour, la vertu faisaient partie essentielle du génie.

69. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « La Réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens. par M. Le Play, conseiller d’État. (Suite et fin.) »

Pour lui toutes les libertés nouvelles se ressemblaient, c’est-à-dire équivalaient à des tyrannies. […] À la ville, comme aux champs, il y avait place pour bien des libertés locales et réelles dans les interstices de l’immense réseau d’alors. […] Il ne propose pas, comme les réacteurs du temps de la restauration, de rétablir le droit d’aînesse, droit forcé et qui s’applique aveuglément ; il ne demande que de laisser au père de famille la liberté de tester, comme cela se pratique aux États-Unis. […] « La liberté de discussion (c’est toujours M.  […] L’auteur a particulièrement insisté, en maint endroit, sur l’esprit de liberté, d’égalité et d’harmonie, qui animait les bourgeois de cette Commune sous la vive influence du christianisme dont ils étaient imbus et pénétrés.

70. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Samuel Bailey »

« Si la psychologie, dit-il276, étudiait les affections et opérations au lieu des facultés, et réglait son langage en conséquence, il semble qu’on se débarrasserait d’un bon nombre de questions embarrassantes parmi lesquelles il faut mettre la controverse sur la liberté de la volonté, ce qui est littéralement la liberté d’une non-existence. » La question examinée de près se réduit, suivant l’auteur, à se demander, non pas si nous sommes libres d’agir dans certains cas comme il nous plaît, — car personne, je pense, ne conteste que nous le soyons ; — mais s’il y a des causes régulières qui nous mettent en état de « vouloir » agir comme nous agissons. […] Ainsi lorsqu’on laisse de côté le langage vague sur la liberté de la volonté — qui est, comme on l’a dit, la liberté de quelque chose qui n’existe pas — la véritable question se présente sous une forme qui ne laisse plus guère de place à une divergence d’opinions. […] En accomplissant ces actions, nous n’en faisons pas moins ce qui nous plaît ; nous agissons avec une parfaite liberté. […] Les mêmes actions humaines peuvent être voulues avec une liberté parfaite par l’auteur, et prédites avec une certaine confiance par l’observateur.

71. (1914) Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne pp. 59-331

Elle est le cœur de la liberté. […] Rien n’est contraire aux mystiques de la liberté comme les politiciens de la liberté. […] Il propageait des libertés. […] La liberté française pouvait seule avoir un cas, qui serait la liberté bergsonienne. […] C’est par un plein jeu de sa liberté de créateur qu’il a revêtu la liberté créée.

72. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Mémoires du général La Fayette (1838.) »

Pendant que le gouvernement impérial s’affermissait, il cultivait sa terre de Lagrange et attendait la liberté publique. […] Un des tristes résultats de tant de violences précédentes avait été la nécessité généralement reconnue d’un coup d’État de plus pour sauver la liberté et l’ordre social. […] Le premier obstacle était dans la morale même qu’il professait, dans son respect pour la liberté d’autrui, dans l’idée la plus fondamentale et la plus sacrée de sa politique. […] envers la liberté de tous, même égarée et enchaînée. […] Il en résulte qu’à moins d’une très-grande occasion de servir à ma manière la liberté et mon pays, ma vie politique est finie.

73. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIe entretien. Sur le caractère et les œuvres de Béranger » pp. 253-364

On voit cependant que le poète, accoutumé, sous M. de Rovigo et sous M. de Fontanes, à la rude discipline de la pensée, avait pris vite au sérieux la liberté de la presse. […] La liberté dont on jouissait depuis la chute de l’Empire réveillait les âmes. […] Allez par degrés à la liberté, si vous ne voulez pas que votre triomphe soit une chute. […] La Liberté mêlait à la mitraille Des fers rompus et des sceptres brisés. […] Et Solon, donc, qui avait rétabli un moment la liberté d’Athènes, sa patrie, n’avait-il pas fait des chansons pendant toute sa jeunesse ?

74. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIVe entretien. Littérature, philosophie, et politique de la Chine » pp. 221-315

La liberté illimitée c’est l’anarchie : l’anarchie n’est pas une science, c’est une ignorance et une brutalité. […] Mais la pire des tyrannies serait un bienfait en comparaison de la liberté illimitée, cette tyrannie de tous contre tous ! […] On le voit par les notions de liberté de commerce et de suppression des monopoles que les historiens de Confucius développent, d’après lui, dans le récit de cette partie de son administration. […] La raison de Confucius est celle-ci : La liberté n’est que le bien de l’individu ; l’ordre est le bien de tous. […] Mais Confucius concilie dans une mesure très équitable les nécessités de l’ordre avec la dignité de la liberté.

75. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIe entretien » pp. 5-85

On improvise la liberté, on n’improvise pas les armées qui la défendent. Or il faut des armées autour du berceau d’une liberté qui vient de naître. […] Pleurons ensemble sur la démence de ces meurtriers de la liberté et d’eux-mêmes, mais ne nous accusons pas, l’Italie et nous ! […] Il n’y avait eu de vraiment grand en lui que sa passion pour la liberté et son amour. […] Je sentis que l’air même de cette contrée était littéraire, et qu’on pouvait lui enlever la liberté, mais jamais le génie.

76. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIe entretien. Littérature latine. Horace (1re partie) » pp. 337-410

Ils commencèrent par immoler de concert tout ce qui leur était suspect de regretter la liberté. […] Telles furent les jeunes étrangères dans la société desquelles Horace chercha à vingt-cinq ans la liberté, la célébrité, l’amour, seuls devoirs et seules vertus d’Épicure. […] La liberté populaire est une vertu, mais ce n’est pas une muse ; le peuple juge très bien de l’éloquence et très mal de la poésie. […] Il avait entièrement oublié Brutus, Caton, Cicéron : la liberté orageuse ne valait pas, selon lui, la peine qu’on la pleurât ; d’ailleurs les hommes pouvaient bien trahir la cause trahie par les dieux. […] Le peuple romain ne méritait peut-être pas mieux de ses maîtres : pourquoi avait-il livré sa liberté à César, à Auguste, aux légions ?

77. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (2e partie) » pp. 305-367

Paris et Rome se ressemblent ; les temps répètent les temps, et la France, pour avoir laissé ses efforts vers la réforme du monde politique dégénérer en convulsions démagogiques, ne se retrouve plus de force pour faire de sa liberté, modérée par la règle, un gouvernement. […] Je recueillais dans cette entière liberté d’esprit le fruit de mon indépendance d’engagement avec tous les pouvoirs et tous les partis. […] L’ordre libre, mais l’ordre très prédominant sur ce qu’on appelle la liberté. Car l’autorité est la première nécessité de la société ; la liberté n’en est que la dignité individuelle. […] C’est la plus difficile des libertés à établir consciencieusement, mais c’est la plus sainte et la plus favorable à l’action religieuse sur les sociétés dont l’âme est toujours une foi libre.

78. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre VI. De la politique poétique » pp. 186-220

Lorsque les philosophes ou les historiens parlent des premiers temps, ils prennent le mot peuple dans un sens moderne, parce qu’ils n’ont pu imaginer les sévères aristocraties des âges antiques ; de là deux erreurs dans l’acception des mots rois et liberté. Tous les auteurs ont cru que la royauté romaine était monarchique, que la liberté fondée par Junius Brutus était une liberté populaire. […] Ce passage de Tite-Live nous démontre donc à la fois, et que la royauté romaine fut aristocratique, et que la liberté fondée par Brutus ne fut point populaire, mais particulière aux nobles ; elle n’affranchit pas le peuple des patriciens, ses maîtres, mais elle affranchit ces derniers de la tyrannie des Tarquins. […] Ils ont entendu par le premier mot, des peuples où les plébéiens seraient déjà citoyens, par le second, des monarques, par le troisième, une liberté populaire. […] Au contraire, lorsque la femme apporte une dot, elle achète la liberté du mari, et obtient de lui un aveu public qu’il est incapable de supporter les charges du mariage.

79. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (6e partie) » pp. 129-176

” On ne calomniait pas la liberté, on l’adorait jusque dans les cachots creusés en son nom. […] Danton eut le sentiment, souvent la passion de la liberté, il n’en eut pas la foi, car il ne professait intérieurement d’autre culte que celui de la renommée. […] Ai-je laissé une seule tache de sang sur la statue de la liberté ? […] Faire de la liberté une vertu, voilà la vraie révolution. […] Il inspire à l’avenir l’effroi du règne du peuple, la répugnance à l’institution de la république, le doute sur la liberté.

80. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre XI. L’antinomie sociologique » pp. 223-252

Mais ces révoltes collectives ne sont pas un gage certain de liberté accrue pour les individus. […] Son avènement provoque une période de transition, d’indécision et de fluctuations favorables à la liberté individuelle. […] Car le bonheur, comme la liberté, est chose individuelle. La liberté, c’est la diversité et la faculté de manifester cette diversité. […] Bouglé croit d’ailleurs que le triomphe de l’État rationaliste, moraliste et éducateur se fera pour le plus grand profit de la liberté des individus.

81. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Seconde partie. Nouvelles preuves que la société a été imposée à l’homme » pp. 243-267

L’homme n’a point d’instinct ; il a une liberté et une volonté. […] L’état social, en un mot, ainsi que nous l’avons dit est une des limites naturelles assignées par Dieu même à la liberté de l’homme. […] Il a bien raison, car le consentement des peuples constitue la liberté. […] Peut-être même sous ce point de vue était-il nécessaire que le droit divin fût nié par une société, parce que la résistance de quelques hommes isolés, pour admettre ce dogme fondamental, n’aurait pas assez prouvé la liberté. […] Il a fallu, ainsi que nous l’avons remarqué, il a fallu que la liberté fût prouvée pour les gouvernements comme pour les peuples.

82. (1890) L’avenir de la science « XXI »

Il faut être juste : jamais on n’a vécu plus à l’aise que de 1830 à 1848, et nous attendrons longtemps peut-être un régime qui puisse permettre une aussi honnête part de liberté. […] De même que la vie monastique, où tout est prévu et réglé dans ses moindres détails d’une manière invariable, détruit le pittoresque de la vie et efface toute originalité, de même une civilisation régulière, en traçant à l’existence un trop étroit chemin, et en imposant à la liberté individuelle de continuelles entraves, nuit plus à la spontanéité que le régime de l’arbitraire 187. « Cette liberté formaliste, a dit M.  […] La même révolution n’a-t-elle pas produit parallèlement, d’une part, la vraie formule des droits de l’homme et le symbole nouveau de liberté, d’égalité, de fraternité ; d’autre part, des massacres et l’échafaud en permanence ? […] La civilisation, par l’extrême délimitation des droits qu’elle introduit dans la société et par les entraves qu’elle impose à la liberté individuelle, devient à la longue une chaîne fort pénible et ôte beaucoup à l’homme du sentiment vif de son indépendance. […] Nous réclamons pour nous la liberté qu’ils ont prise pour eux.

83. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la Révolution française. IXe et Xe volumes »

Alors, ainsi qu’on l’a su depuis, le stratagème des ennemis de la liberté consistait à revêtir ses armes pour mieux la combattre. C’était au nom des principes, au nom de la liberté de la presse, de la liberté des cultes que l’opposition des Conseils machinait la ruine de la Constitution. […] Aussi inaccessible aux craintes qu’aux séductions, aux menaces d’assassinat qu’aux insinuations amicales, il persiste dans ses projets de fructidor, une fois qu’il les a jugés nécessaires à la liberté, et, sous les poignards des chouans, continue paisiblement ses promenades de chaque soir au Jardin des plantes. […] Le Directoire, par le 18 fructidor, prévint donc la guerre civile et lui substitua un coup d’État exécuté avec force, mais avec le calme et la modération possibles dans les temps de révolution. »Le 18 fructidor tua en France le parti royaliste en tant que conspirateur, et il ne reparut plus désormais qu’en 1814, la Charte en main, avec des paroles d’amnistie et de liberté. […] Thiers, en terminant son livre, nous présage avec confiance la liberté au bout de toutes ces luttes, et nous la montre dans un avenir prochain et sûr.

84. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. de Rémusat (passé et présent, mélanges) »

L’ordonnance du 5 septembre, en brisant la Chambre de 1815, avait rendu au gouvernement de Louis XVIII la liberté de son action. […] L’auteur y embrasse et y résume d’un coup d’œil philosophique les différentes phases par lesquelles a passé la liberté de la presse en France. […] Comme elle aspirait à la notoriété, elle ne tarda pas à regretter l’absence de la liberté d’écrire et s’efforça de la rejoindre partout où elle eut l’espoir de la trouver. […] Comme le berger de Virgile, la liberté l’a regardée tard, mais enfin la liberté est venue et ne l’a point trouvée oisive comme lui. » Libertas, quae sera tamen respexit inertem. […] … La liberté, la dignité nationale, cette conséquence de la liberté, de la dignité de l’espèce humaine, est une croyance assez grande et assez belle pour remplir un cœur et relever toute une vie… » Voilà des accents.

85. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXII. Philosophie politique »

Il s’arrête à la notion vague de liberté qui suffisait à tous les esprits soi-disant politiques du dix-huitième siècle, et qu’il définit aujourd’hui, à la dernière page de son livre « la liberté par les institutions ». […] et il ajoute, par une opposition qu’il est difficile de comprendre : « La philosophie politique ne vogue pas sans boussole sur cette mer des destinées où Dieu lui apparaît comme pôle et la vraie liberté pour port. » Mais l’utopie aussi a parlé ce langage. […] Elle est restée aussi, comme une sage petite fille, les yeux baissés et les mains jointes sur sa ceinture, dans cette idée prude ou hypocrite d’une vraie liberté, et elle a mis Dieu par-dessus, mais quel Dieu ? […] Le Dieu de M. de Beauverger ne serait-il que le Dieu du Vicaire savoyard de Jean-Jacques, et parmi tant de libertés fausses, qu’elle est donc sa vraie liberté ?

86. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Madame de Staël. Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier (suite et fin.) »

« Si la paix continue, les têtes se calmeront, et il y aura ici liberté et repos. […] Des esprits sages et honnêtes qui, dans les temps habituels, préféreraient les procédés de liberté, ont reconnu, en de certaines crises publiques, la nécessité d’en passer par des dictatures temporaires, et ils s’y sont ralliés, non parce qu’ils se sont convertis, mais par pur bon sens et par le sentiment impérieux de la situation. […] Nous avons eu des querelles terribles par lettres sur Bonaparte : il a vu la liberté là où elle était impossible ; mais il faut convenir aussi que pour la France tout valait mieux que l’état où elle est réduite actuellement. » Cette parole écrite à la date du 8 décembre 1815, et en partie à la décharge de Sismondi, montre que si Mme de Staël avait pu, sans partager ses espérances de liberté, paraître approuver pourtant l’Acte additionnel, elle avait bien pu, à plus forte raison, faire une tentative auprès du Prince-Régent en faveur de la paix, c’est-à-dire de l’indépendance nationale dont elle déplorait si amèrement la violation et la perte. […] Je prendrai, par exemple, la plus célèbre de ses phrases s’il fallait en choisir une, celle dans laquelle on a résumé sa vie : « J’ai toujours été la même, vive et triste ; j’ai aimé Dieu, mon père et la liberté. » C’est ému, cela fait rêver, mais c’est elliptique. […] Dieu et la liberté, c’est grand, c’est le plus noble vœu, et qui rappelle le mot de Voltaire au petit-fils de Franklin ; mais mon père, mis là entre Dieu et la liberté, fait une sorte d’énigme ou du moins une singularité, et demande explication.

87. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

C’est un système où l’État prend et empiète le moins possible sur l’individu, lequel se développe et agit dans la plus grande latitude et la plus entière liberté. […] Il lui semble qu’un Louis XVI plus énergique, en 1775, aurait pu, en soutenant Turgot, et sans rien perdre par lui-même du prestige de la souveraineté, réaliser à temps cette liberté octroyée, équitable, humaine, populaire, débonnaire sans faiblesse, la plus complète qui se soit encore vue sous le soleil. […] Mais quel usage fera-t-on de cette liberté si plénière ? car la liberté, ce n’est que le moyen auquel on avait droit : la liberté ne dispense pas d’être habile, et cette habileté, dans un tel ordre de société, est encore plus nécessaire aux gouvernés qu’aux gouvernants. […] Il a développé en toute rencontre sa thèse favorite, il a déployé son drapeau de la liberté illimitée de la presse, et a étonné plus que convaincu ceux mêmes qui pensent que, dans cette voie, on a quelque chose à réclamer encore.

88. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre II. Du goût, de l’urbanité des mœurs, et de leur influence littéraire et politique » pp. 414-442

Rien n’est plus contraire aux progrès de la littérature, à ces progrès qui servent si efficacement à la propagation des lumières philosophiques, et par conséquent au maintien de la liberté. […] Le peuple se moque du peuple tant qu’il n’a point reçu l’éducation de la liberté, et l’on n’aurait fait que se rendre ridicule en France si, même avec des idées fortes, on eût voulu s’affranchir du ton qui était dicté par l’ascendant de la première classe. […] Mais combien le mauvais goût, poussé jusqu’à la grossièreté, ne s’opposerait-il pas à la gloire littéraire, à la morale, à la liberté, à tout ce qui peut exister de bon et d’élevé dans les rapports des hommes entre eux ! […] Dans un pays où il y aura de la liberté, l’on s’occupera beaucoup plus souvent, en société, des affaires politiques que de l’agrément des formes et du charme de la plaisanterie. […] On peut en affirmer autant de la liberté.

89. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVII. De la littérature allemande » pp. 339-365

Il est reconnu, je crois, que la fédération est un système politique très favorable au bonheur et à la liberté, mais il nuit presque toujours au plus grand développement possible : des arts et des talents, pour lesquels la perfection du goût est nécessaire. […] Les Anglais trouvent le repos et la liberté dans l’ordre de choses qu’ils ont adopté, et consentent à la modification de quelques principes philosophiques. […] La division des gouvernements, sans donner la liberté politique, établit presque nécessairement la liberté de la presse. […] Les Allemands sont éminemment propres à la liberté, puisque déjà, dans leur révolution philosophique, ils ont su mettre à la place des barrières usées qui tombaient de vétusté, les bornes immuables de la raison naturelle. […] Nous n’avons fondé que des haines, et les amis de la liberté marchent au milieu de la nation, la tête baissée, rougissant des crimes des uns et calomniés par les préjugés des autres.

90. (1883) La Réforme intellectuelle et morale de la France

Quant à la liberté des clubs, l’expérience a montre que cette liberté n’a aucun avantage sérieux, et qu’elle ne vaut pas la peine qu’on y fasse des sacrifices. […] Le moyen âge avait créé deux maîtrises de la vie de l’esprit, l’Église, l’Université ; les pays protestants ont gardé ces deux cadres ; ils ont crée la liberté dans l’Église, la liberté dans l’Université, si bien que ces pays peuvent avoir à la fois des Églises établies, un enseignement officiel, et une pleine liberté de conscience et d’enseignement. […] Ce n’est pas telle ou telle solution qui fortifie l’esprit ; ce qui le fortifie, c’est la discussion, la liberté. […] Là se fonderait la vraie liberté de penser, qui ne pas sans de solides études. […] De ce que la liberté de discussion, dans les universités allemandes, est absolue.

91. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre VIII. Bossuet historien. »

« Le fond d’un Romain, pour ainsi parler, était l’amour de sa liberté et de sa patrie ; une de ces choses lui faisait aimer l’autre ; car, parce qu’il aimait sa liberté, il aimait aussi sa patrie comme une mère qui le nourrissait dans des sentiments également généreux et libres. » Sous ce nom de liberté, les Romains se figuraient, avec les Grecs, un état où personne ne fût sujet que de la loi, et où la loi fût plus puissante que personne. » À nous entendre déclamer contre la religion, on croirait qu’un prêtre est nécessairement un esclave, et que nul, avant nous, n’a su raisonner dignement sur la liberté : qu’on lise donc Bossuet à l’article des Grecs et des Romains.

92. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (5e partie) » pp. 65-128

Les principaux droits de l’homme sont de pourvoir à la conservation de son existence et de sa liberté. […] 2º Le droit de liberté naturelle, que l’homme doit se mesurer et se conférer à lui-même, droit destructif de toute autorité sociale qui peut seule mesurer, définir et protéger la liberté de chacun en proportion compatible avec la liberté et la sûreté de tous. […] Mais alors que devient la liberté ? […] La société a institué la propriété, proclamé la liberté du travail et légalisé la concurrence. […] Ce sang de femme retombait sur sa gloire sans cimenter sa liberté.

93. (1828) Introduction à l’histoire de la philosophie

Pour se défendre, l’homme a l’intelligence et la liberté. […] Le seul droit légal est d’être respecté dans l’exercice paisible de la liberté ; le seul devoir légal, ou du moins le premier de tous, est de respecter la liberté des autres. […] Dans la Grèce commencent avec la liberté la chronologie et l’histoire. […] La liberté n’aurait jamais eu une époque à elle ! […] Ce ne fut pas le jour de la liberté romaine, mais celui de la démocratie, car démocratie et liberté ne sont pas synonymes.

94. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — I. » pp. 166-193

Elle professe, dit-elle en un endroit deux maximes principales, à savoir que la sécurité est le tombeau de la liberté, que l’indulgence envers les hommes en autorité est le moyen de les pousser au despotisme. Ailleurs, elle demande avant tout à l’Assemblée de consacrer la liberté indéfinie de la presse, dont on jouissait pourtant sans trop de restriction en 90. […] Témoin ému d’un triomphe éloquent de Brissot aux Jacobins, elle s’écrie : « Enfin j’ai vu le feu de la liberté s’allumer dans mon pays, il ne saurait s’éteindre. […] A en juger par les survivants, par Louvet, Lanjuinais et ceux des 71 qui se rattachèrent à leur mémoire, ils seraient restés dans la ligne d’une liberté franche, entière, républicaine, dans la liberté de l’an III, dût-elle se trouver insuffisante encore contre les passions et les intrigues. […] Il y avait lieu entre eux à des discussions sur l’étendue du droit, à des dissidences sur la mesure de la liberté ; mais l’incompatibilité radicale de principes, comme de mœurs, comme de tempérament, un abîme enfin, qui se déchira au 2 septembre sous les pas de la Gironde, les séparait eux tous d’avec les hommes une fois engagés dans les partis extrêmes et sanglants, dans les systèmes farouches.

95. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre II : Examen critique des méditations chrétiennes de M. Guizot »

Guizot, et pour commencer par la pensée qui est la première et la dernière de son livre, disons quelques mots de cette réconciliation espérée et désirée par l’auteur entre l’Église et la liberté. […] Ce n’était donc pas sans raison que nous avions pris la liberté d’objecter à M.  […] Si la liberté d’Adam explique le premier péché, pourquoi n’expliquerait-elle pas tous les autres ? […] Il y a, dit-il, une première tentation inévitable et inhérente à la liberté elle-même, c’est la tentation d’user de la liberté. Cette explication est ingénieuse ; mais elle ne remédie à rien, car l’homme pouvait user de sa liberté pour le bien comme pour le mal, et il aurait eu également conscience de sa liberté dans les deux cas.

96. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre VI. Le Bovarysme essentiel de l’humanité »

Or cette nécessité ne laisse pas la plus petite place à la liberté humaine. […] Ainsi cette distinction établie entre le bien moral et l’agréable ne laisse place à aucune liberté. […] S’il agit autrement, c’est donc par ignorance, c’est donc parce qu’une partie des éléments du problème lui est cachée ; en ce cas, la liberté de son choix est entravée par défaut de connaissance. […] Un certain état d’équilibre instable entre les instincts multiples et communs à tous, donne à l’individu cette apparence de la liberté. […] Il croit alors lui-même à sa liberté et s’il agit tantôt bien et tantôt mal, il se juge responsable, s’attribue du mérite et du démérite.

97. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Avant-propos »

Nous avons choisi, parmi les problèmes, celui qui est commun à la métaphysique et à la psychologie, le problème de la liberté. Nous essayons d’établir que toute discussion entre les déterministes et leurs adversaires implique une confusion préalable de la durée avec l’étendue, de la succession avec la simultanéité, de la qualité avec la quantité : une fois cette confusion dissipée, on verrait peut-être s’évanouir les objections élevées contre la liberté, les définitions qu’on en donne, et, en un certain sens, le problème de la liberté lui-même.

98. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « TABLE » pp. 340-348

. — Programme de la liberté de l’enseignement réclamée par les jésuites. — Janin. — Gautier. — Delphine Gay. — M. […]  — La liberté de l’enseignement. — Madame de Girardin     126 XXXI. — Insuccès de Lucrèce à sa reprise     129 XXXII. — Les Mystères de Paris      131 XXXIII. — Le duc de Bordeaux. — Chateaubriand. — Disette de grands noms dans le clergé français. — Opinion de Joseph de Maistre. — L'abbé de Cazalès. — M. […]  — Brochure de l’abbé Combalot sur la liberté de l’enseignement. — Prochaine inauguration du monument de Molière. — Discours du roi moins universitaire que celui de M. […] Onésime Leroy. — Corruption et vice de la littérature     188 XLIX. — De la liberté de la presse en France. — Coalition entre les journaux. — Les meilleurs journaux français se font à l’étranger. — Brochure du cardinal de Bonald. — Franciscus Columna, par Charles Nodier     193 L. — La lettre des évêques au roi     195 LI. — Élections de MM. […]       — Demande d’argent par le roi Louis-Philippe. — Conflit entre les deux Chambres au sujet de la liberté de l’enseignement. — Les jésuites et les jacobins. — Réponse de M.

99. (1874) Premiers lundis. Tome II « Adam Mickiewicz. Le Livre des pèlerins polonais. »

Car ce petit livre est une œuvre à part ; une conviction profondément nationale et religieuse l’a dicté au poète fervent ; il est destiné, comme un viatique moral, au peuple errant ou captif chez qui l’ancienne foi catholique semble avoir fait alliance avec le sentiment plus moderne de la liberté. […] Mickiewicz nous a semblé, le dirons-nous, un peu injuste, un peu abusé par l’analogie poétique qui lui a fait considérer jusqu’au bout sa nation comme une sorte de peuple juif, unique, privilégié, doué entre tous de l’esprit de sacrifice, et du sein duquel la liberté, comme un autre messie, doit sortir. Ces espèces d’exclusions sauvages, cette tchamara polonaise, dont il fait trop lui-même un signe distinctif et matériel, comme l’était la circoncision chez les Hébreux ; ces âpres méfiances au milieu de populations cordiales et compatissantes, ne me paraissent pas appartenir à cette liberté moderne, européenne, dont l’enfantement s’opère depuis plus de quarante ans dans le sang et les larmes de tous. […] ne récriminons pas ; vous en tchamara, nous en habit ou en haillons, nous sommes frères ; vous êtes restés dévots au Christ et à Marie, comme nos aïeux l’étaient, comme nos pères ne l’étaient déjà plus ; mais nous voulons la liberté des croyances, et les vôtres seront respectées de nous. […] Nous ne craignons pas de le recommander à tous ceux qui osent étudier et accepter sous ses aspects les plus divers, sous ses vêtements les plus insolites, la pensée de la liberté future.

100. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre X. De la littérature italienne et espagnole » pp. 228-255

Une telle philosophie suppose la liberté, ou doit y conduire. […] Les Italiens, si l’on en excepte une certaine classe d’hommes éclairés, sont pour la religion, comme pour l’amour et la liberté ; ils aiment l’exagération de tout, et n’éprouvent le sentiment vrai de rien. […] C’est le même caractère d’invention et de merveilleux ; l’esprit de chevalerie et la liberté accordée aux femmes dans le Nord font la seule différence du Boyard et des Mille et une Nuits. […] Ainsi peut-être l’italien est-il de toutes les langues de l’Europe la moins propre à l’éloquence passionnée de l’amour, comme la nôtre est maintenant usée pour l’éloquence de la liberté. […] Si la liberté s’établissait en Italie, il est hors de doute que tous les hommes qui indiquent actuellement des talents distingués, les porteraient beaucoup plus loin encore.

101. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre II. Marche progressive de l’esprit humain » pp. 41-66

Le genre humain peut être considéré comme un seul tout, ainsi que nous l’avons déjà remarqué ; et c’est dans cette considération élevée que l’on rencontre une des bornes assignées par la Providence à notre liberté. […] La liberté n’était autre chose que la jouissance des arts. […] Dans ce soin de la Providence à choisir des peuples-types, on trouverait encore une des solutions du grand problème de l’accord de la liberté de l’homme avec le gouvernement de Dieu, car toutes les vérités sont sur la même route. […] Il nous a donné la liberté, afin que nous puissions mériter ou démériter ; mais, en même temps, il a placé au milieu de nous des maîtres de doctrines. […] Dans la suite de cet écrit les voies de la Providence nous seront souvent montrées ; souvent aussi nous rencontrerons les limites de la liberté de l’homme.

102. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la révolution française — I. La Convention après le 9 thermidor. »

Voilà qu’elle apparaît d’abord, cette seconde anarchie dont il fallait sortir pour arriver enfin au régime légal, et gagner le peu de liberté qui, à peine acquis, fut sitôt perdu. […] Remercions-le d’avoir réhabilité dans nos souvenirs ces jours incertains, où l’orage grondait toujours, où la liberté luisait déjà, et d’avoir montré qu’après tout, s’ils ne manquèrent pas d’excès ni de fautes, ils ne manquèrent non plus ni de civisme, ni de vertus, ni de victoires, ni de rien de ce qui honore une nation. […] Sous lui du moins la liberté était sauve, sans que la gloire militaire cessât d’être florissante ; nous avons eu depuis de plus mauvais jours. […] Certes il lui convenait mieux qu’à personne, à lui qui avait si bien prouvé les immenses services de la Montagne, de saluer d’un regret et d’une larme les hommes de ce parti, qui, à la fleur de l’âge et du talent, étrangers aux crimes et aux faveurs de la dictature, et coupables seulement d’exaltation républicaine, étaient proscrits au nom de la modération comme des brigands, et mouraient comme des martyrs en désespérant de la liberté. […] Le vieux Ruhl, qu’on avait seul excepté du décret d’accusation, ne voulait pas de ce pardon ; il croyait la liberté perdue, et il se donna la mort d’un coup de poignard.

103. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Préface »

Le temps de la monarchie de juillet fut vraiment un temps de liberté ; mais la direction officielle des choses de l’esprit fut souvent superficielle, à peine supérieure aux jugements d’une mesquine bourgeoisie. […] Le but du monde est le développement de l’esprit, et la première condition du développement de l’esprit, c’est sa liberté. […] Tant qu’il y a eu des masses croyantes, c’est-à-dire des opinions presque universellement professées dans une nation, la liberté de recherche et de discussion n’a pas été possible. […] Assurément, il faudra du temps pour que cette liberté, qui est le but de la société humaine, s’organise chez nous comme elle est organisée en Amérique. […] Mais la liberté est comme la vérité : presque personne ne l’aime pour elle-même, et cependant, par l’impossibilité des extrêmes, on y revient toujours.

104. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXV. Avenir de la poésie lyrique. »

Ne devrait-elle plus attendre qu’une de ces époques déjà signalées dans le monde, où la science des choses matérielles avait détruit le sentiment de l’idéal, où la force et le travail tenaient enchaînées dans un vulgaire bien-être des millions d’intelligences éteintes à l’amour de la liberté civile et des arts ? […] Comme le souffle de la liberté commune anima tous ces âpres égoïsmes, et comme le génie naissant de la jeune Amérique accueillit rudement sur ses rivages l’attaque, injuste alors, d’étrangers envahisseurs ! On ne peut donc en douter : à cette race sans nom, et ce peuple multiple et mêlé qui s’étend si loin du nord au sud de l’Amérique, appartient déjà le meilleur des enthousiasmes patriotiques, celui qui tient à la liberté comme au sol, et qui a respiré l’amour des lois avec l’air natal. […] De ces prêches que l’unité de ferveur, dans la liberté de croyance, multiplie parmi les sectes chrétiennes d’Amérique, il jaillira toujours des paroles de feu qui entretiendront l’enthousiasme de la charité dans les âmes. […] Religion, liberté, patriotisme, culte des lois, amour des arts, où que vous soyez, il peut toujours, quand vous êtes, s’élever un poëte lyrique !

105. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre premier. Idée générale de la seconde Partie » pp. 406-413

Je crois donc toujours intéressant d’examiner quel devrait être le caractère de la littérature d’un grand peuple, d’un peuple éclairé, chez lequel seraient établies la liberté, l’égalité politique, et les mœurs qui s’accordent avec ces institutions. […] Toutes les fois que je parle des modifications et des améliorations que l’on peut espérer dans la littérature française, je suppose toujours l’existence et la durée de la liberté et de l’égalité politique. En faut-il conclure que je croie à la possibilité de cette liberté et de cette égalité ? […] J’ai tenté d’expliquer les contrastes singuliers de la littérature italienne, par les souvenirs de la liberté et les habitudes de la superstition ; la monarchie la plus aristocratique dans ses mœurs, et la constitution royale la plus républicaine dans ses habitudes, m’ont paru l’origine première des différences les plus frappantes entre la littérature anglaise et la littérature française.

106. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre deuxième »

Prodigieux génie de Descartes, et de quels moyens il se sert pour assurer la liberté de son esprit. — § III. […] Prodigieux génie de Descartes, et de quels moyens il se sert pour assurer la liberté de son esprit. […] La Hollande convenait mieux à son humeur et à sa santé ; il y goûtait la liberté de l’incognito, l’ordre, l’aisance de la vie. […] Descartes, par la manière dont il défendit toute sa vie sa liberté, par la jalousie de sa solitude, nous a donné à cet égard un plan de conduite. […] Tout près de lui, les premiers qui portent cette glorieuse marque de liberté, Pascal, le grand Arnauld, l’avaient personnellement connu.

107. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XLIX » pp. 193-194

de la liberté de la presse en france. — coalition entre les journaux. — les meilleurs journaux français se font a l’étranger. — brochure du cardinal de bonald. — franciscus columna, par charles nodier. […] Un misanthrope disait l’autre jour : « On croit qu’il y a liberté de la presse en France, elle n’est que sur le papier, elle n’existe pas. […] Autrefois les meilleurs journaux français se faisaient hors de France, en Hollande, la liberté de la presse n’existant pas au dedans.

108. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

Les nations ne se donnent point toutes les libertés qu’elles s’attribuent. […] Le despotisme d’un seul est une liberté relative pour les peuples qui sortent de l’anarchie. […] » L’esprit est, de toutes les libertés, la dernière qui périt en France. […] Il est dans la fatalité du pouvoir absolu de ne pouvoir supporter le voisinage d’aucune liberté. […] À ce point de vue, les magnifiques lieux communs de liberté que Byron sema dans ses ouvrages eurent une influence fâcheuse ; ils contribuèrent à jeter les esprits dans le culte de la liberté idéale qui peut devenir la plus dangereuse ennemie de la liberté pratique.

109. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIe Entretien. Le 16 juillet 1857, ou œuvres et caractère de Béranger » pp. 161-252

Était-ce bien au son des tambours qu’on pouvait élever et conduire ce peuple à la liberté ? […] Les nationalités ne pouvaient manquer de se soulever contre une liberté imposée par les armes. […] Le premier Empire, en comprimant par la censure la pensée, qui vit de liberté, et qui quelquefois en meurt, avait respecté et même favorisé la liberté bachique. […] Mornand, dans une série d’articles à cœur ouvert, le juge avec autant d’amour et plus de liberté. […] Sans parler de Diderot, de Mercier, et de tant d’autres en France, la typographie en Amérique ne fut-elle pas le métier de Franklin, cet homme qui fondait la liberté religieuse et la liberté républicaine dans le même moule où il fondait les caractères de la pensée ?

110. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre VI. Le beau serviteur du vrai »

Non, non, non, la vérité, l’honnêteté, l’enseignement aux foules, la liberté humaine, la mâle vertu, la conscience, ne sont point des objets de dédain. […] Opposons dogme à dogme, principe à principe, énergie à entêtement, vérité à imposture, rêve à rêve, le rêve de l’avenir au rêve du passé, la liberté au despotisme. […] S’il connaît le monde une fois, de dupe il devient fripon. » — … — « La sainte liberté de la presse, quelle utilité, quels fruits, quel avantage vous offre-t-elle ? […] Il faut qu’il défende, selon le côté menacé, tantôt la liberté de l’esprit humain, tantôt la liberté du cœur humain, aimer n’étant pas moins sacré que penser. […] Le beau n’est pas dégradé pour avoir servi à la liberté et à l’amélioration des multitudes humaines.

111. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VII. Développement des idées de Jésus sur le Royaume de Dieu. »

La liberté et le droit ne sont pas de ce monde ; pourquoi troubler sa vie par de vaines susceptibilités ? […] Ce que Jésus a fondé, ce qui restera éternellement de lui, abstraction faite des imperfections qui se mêlent à toute chose réalisée par l’humanité, c’est la doctrine de la liberté des âmes. […] Mais, en général, le monde ancien s’était figuré la liberté comme attachée à, certaines formes politiques ; les libéraux s’étaient appelés Harmodius et Aristogiton, Brutus et Cassius. […] La liberté pour lui, c’est la vérité 356. Jésus ne savait pas assez l’histoire pour comprendre combien une telle doctrine venait juste à son point, au moment où finissait la liberté républicaine et où les petites constitutions municipales de l’antiquité expiraient dans l’unité de l’empire romain.

112. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’ancien Régime et la Révolution »

Que Tocqueville voie le caractère essentiel de la Révolution française dans le changement administratif, qu’il phrase tant qu’il pourra sur la taille, la corvée, l’exemption d’impôts pour les nobles et la liberté politique, si chère à son cœur, il ne nous donne que les anciennes vues de détail de l’école philosophique et physiocratique dont il est le disciple attardé, et il répond à la question par la question même. […] Ce sont eux, — puisqu’il faut interroger le tombeau de la France ancienne, comme dit Tocqueville, et le tombeau de la France, c’est son histoire, — ce sont eux qui ont créé une révolution permanente forcée en oubliant ce qu’ils étaient, en donnant l’exemple des mauvaises mœurs, en altérant dans sa pureté la notion de la famille chrétienne, — le seul fondement des sociétés modernes, quels que soient leur forme et leur nom, — en nous dévêtant de nos institutions, en brisant les corporations (l’œuvre de Saint-Louis sanctionnée par les siècles), les corporations d’états, c’est-à-dire le peuple qui travaille et qui prie, et en le jetant, bohème et affamé, à la liberté vague, au hasard et à la préoccupation du jour le jour ! […] Tocqueville, le parlementaire, l’engoué de la liberté politique comme Louis-Philippe nous l’avait dosée, est-il, oui ou non, pour la Révolution française, dont il dit : « L’ancien Régime lui a « fourni plusieurs de ses formes. […] Or, de son propre aveu, à deux lignes de là, dans ce livre où toutes les affirmations se soufflettent, la liberté déréglée et malsaine des hommes du xviiie  siècle les rendait moins propres qu’aucun autre peuple à fonder l’empire paisible et libre des lois… — En présence d’une liberté déréglée et malsaine, eh ! […] « D’autres « — dit-il — se fatiguent d’elle (de la liberté) au « milieu de leurs prospérités.

113. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre premier »

Au contraire, l’esprit français est plus porté pour la discipline que pour la liberté. […] La littérature y est donc moins générale qu’individuelle : et dès lors comment l’esprit de liberté n’y prévaudrait-il pas sur l’esprit de discipline ? […] Je vois beaucoup de théories pour étendre les libertés du poète ; je n’en vois point, ou je n’en vois que d’imitées de notre littérature, pour le contenir et le régler. […] Là, tout est en faveur de l’écrivain plutôt que de gêner sa liberté, ces langues se condamnent à être éternellement flottantes, et à s’accroître à l’infini. […] Je sais que toutes ces libertés des autres littératures modernes ont leurs avantages : aussi n’en fais-je pas la critique.

114. (1912) Le vers libre pp. 5-41

Ce n’est point moi le vers-libriste qui ai dit le premier que Victor Hugo dans sa libération du rythme n’avait pas été assez loin, c’est Banville, le plus savant rythmeur qui nous vint du romantisme et qui enfantait le Parnasse pour qu’il ajoutât quelques observances nouvelles aux libertés édictées par Victor Hugo. […] Ils s’en garderaient bien : ils ont trop foncièrement compris notre conseil de liberté et de franchise vis-à-vis de soi-même. […] Dans le détail ils semblent surtout accentuer nos libertés, et c’est en ce sens que leur apport compte. […] S’il m’était permis de désirer qu’une impression, entre autres, vous restât de cette causerie c’est que ce qu’il y a de plus essentiel dans le vers libre c’est sa liberté. […] D’autres encore viendront qui apporteront, qui doivent apporter du neuf, qui doivent servir la cause de la liberté esthétique, et nous les attendons, et certes je ne serai pas le dernier à m’en réjouir !

115. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — VI »

C’est-à-dire, en deux mots, que nous réclamons toute la liberté d’association et que nous sommes tous convaincus de ne pas l’obtenir.‌ […] Bien que nous soyons parfaitement convaincus que les parlementaires ne nous donneront jamais une liberté en faveur de laquelle ils ont écrit tant de diatribes antigouvernementales, mais qui, naturellement, les gênerait pour gouverner, bien que l’homme pratique en conséquence aime autant faire des ronds dans la Seine que faire des interjections sur cet éternel plat du jour de la conférence Molé, il demeure intéressant de calculer le mal que cette incapacité de s’associer produit dans notre pays. […] Est-ce à dire que l’historien naturaliste demandait la liberté d’association ? […] Vous pouvez réclamer sans scrupule toutes les libertés que vous voudrez.

116. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Chapitre IV. Conclusion. — D’une république éternelle fondée dans la nature par la providence divine, et qui est la meilleure possible dans chacune de ses formes diverses » pp. 376-387

Excités ensuite par les plus puissants aiguillons d’une passion brutale, et retenus par les craintes superstitieuses que leur donnait toujours l’aspect du ciel, ils commencèrent à réprimer l’impétuosité de leurs désirs et à faire usage de la liberté humaine. […] Lorsque les citoyens, ne se contentant plus de trouver dans les richesses des moyens de distinction, voulurent en faire des instruments de puissance, alors, comme les vents furieux agitent la mer, ils troublèrent les républiques par la guerre civile, les jetèrent dans un désordre universel, et d’un état de liberté les firent tomber dans la pire des tyrannies ; je veux dire, dans l’anarchie. […] Les lois, les institutions sociales fondées par la liberté populaire n’ont point suffi à la régler ; le monarque devient maître par la force des armes de ces lois, de ces institutions. La forme même de la monarchie retient la volonté du monarque tout infinie qu’est sa puissance, dans les limites de l’ordre naturel, parce que son gouvernement n’est ni tranquille ni durable, s’il ne sait point satisfaire ses peuples sous le rapport de la religion et de la liberté naturelle. […] Les corps souverains des nobles veulent appesantir leur souveraineté sur les plébéiens, et ils subissent la servitude des lois, qui établissent la liberté populaire.

117. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Benjamin Constant. Son cours de politique constitutionnelle, ou collection de ses divers écrits et brochures avec une introduction et des notes, par M. Laboulaye »

Laboulaye, l’estimable introducteur et commentateur, qui se plaît à retrouver dans ces écrits ses principes et sa propre doctrine, est un homme de l’école américaine, à prendre le mot dans le meilleur sens ; il est sincèrement d’avis que la liberté en tout, le laisser dire, le laisser faire, le laisser passer, est chose efficace et salutaire ; qu’en matière de religion, d’enseignement, de presse, d’industrie et de commerce, en tout, la liberté la plus entière amènerait les résultats en définitive les meilleurs, et que le bien l’emporterait sur le mal ; il pense que cela est également vrai chez toute nation civilisée et à tous les moments. […] Laboulaye ne paraît pas douter que si la liberté la plus entière d’association et de propagande était laissée à toutes les communions, à toutes les sectes anciennes ou nouvelles, ce serait la doctrine chrétienne, évangélique et noblement spiritualiste des Channing, des Vinet, des Tocqueville, qui l’emporterait en fin de compte et qui prendrait le dessus : et ainsi du reste, dans toutes les branches de l’activité humaine. […] Les républicains n’ont pas pris le change : si quelques droits précieux ont été passagèrement suspendus, si quelques formes ont été violées, si quelques parties de la liberté ont été froissées, nous en accusons le royalisme ; c’est lui qui nous a poussés dans ces défilés où le danger semblait motiver l’oubli momentané de la loi. […] Benjamin Constant est un homme à peu près de votre âge, passionné pour la liberté, d’un esprit et d’un talent en première ligne ; il a marqué par un petit nombre d’ouvrages écrits d’un style énergique et brillant, pleins d’observations fines et profondes ; son caractère est ferme et modéré ; républicain inébranlable et libéral. […] Un journaliste renonce à la dignité d’homme de lettres, à la profondeur du raisonnement, à la liberté de la pensée.

118. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre VIII. L’antinomie économique » pp. 159-192

Ceux qui se rallient à cet idéal sont individualistes en ce sens qu’ils préconisent la plus grande liberté de l’individu comme le plus sûr moyen de progrès économique. […] Il se fait de la liberté économique une idée nouvelle et plus large. La liberté n’est plus ici le caprice, l’essor effréné de l’égoïsme individuel, l’effort vers le gain à tout prix. La liberté est plutôt pour l’individu la possibilité de donner satisfaction à des désirs de plus en plus nombreux et de plus en plus variés, grâce à une organisation économique perfectionnée. Cette liberté ne suppose plus l’isolement, mais l’entraide, la collaboration de tous.

119. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIe entretien. Biographie de Voltaire »

V L’Angleterre fut l’école de son âge mûr, il y respira la liberté de penser ; la liberté de railler était la seule qu’il eût encore respirée en France. […] On y sent le souffle mâle de la liberté respiré depuis deux ans en Angleterre. […] La liberté absolue devint plus chère au poëte ; il résolut de ne plus la chercher à la cour des rois. […] Ces montagnes lui parurent les degrés de l’enthousiasme et les remparts de la liberté. […] Il chanta son lac dans des vers inspirés où le génie du paysage et le génie de la liberté se confondaient pour exalter son âme au-dessus d’elle-même.

120. (1890) L’avenir de la science « Préface »

Le 15 juillet 1849, j’en donnai un extrait à la Liberté de penser, avec l’annonce que le volume paraîtrait « dans quelques semaines ». […] Notre vraie raison de défendre l’instruction primaire, c’est qu’un peuple sans instruction est fanatique et qu’un peuple fanatique crée toujours un danger à la science, les gouvernements ayant l’habitude, au nom des croyances de la foule et de prétendus pères de famille, d’imposer à la liberté de l’esprit des gênes insupportables. […] L’inégalité est écrite dans la nature ; elle est la conséquence de la liberté ; or la liberté de l’individu est un postulat nécessaire du progrès humain. […] Outre le fragment inséré dans la Liberté de penser, qui a été reproduit dans mes Études contemporaines, beaucoup d’autres passages ont coulé, soit pour la pensée seulement, soit pour la pensée et l’expression, dans mes ouvrages imprimés, surtout dans ceux de ma première époque. […] La liberté, d’ailleurs, dans le doute général où nous sommes, a sa valeur en tout cas ; puisqu’elle est une manière de laisser agir le ressort secret qui meut l’humanité et qui, bon gré mal gré, l’emporte toujours.

121. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre X. Des Romains ; de leurs éloges, du temps de la république ; de Cicéron. »

Malgré les orages de la liberté, les grands intérêts, et le plaisir de gouverner par la parole un peuple libre, il n’y eut pas un orateur qu’on pût citer avant Caton ; lui-même était encore hérissé et barbare. […] On s’étonne quelquefois que le même homme qui avait loué le destructeur de la liberté romaine, ait eu le courage de louer Caton, vengeur et martyr de la liberté. […] Nourri dans son sein, élevé dans les principes rigides de la même secte, fanatique de la liberté, passionné pour la patrie, ennemi ardent et irréconciliable de toute espèce d’oppression, l’âme de Caton respirait dans Brutus. […] Le second, qui est un morceau très court, mais éloquent, est une espèce d’éloge funèbre des soldats morts en combattant pour la cause de Rome et de la liberté, contre Antoine. […] Chez les anciens, la liberté républicaine permettait plus d’énergie aux sentiments, et de franchise au langage.

122. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome xviii » pp. 84-92

Dans l’éclat si pur de cette première campagne d’Italie, quel sentiment vif, léger, allègre, de liberté et de victoire ! […] C’était dans l’émigration la portion instruite, acceptant la Charte par nécessité, mais ayant pour les choses de l’esprit un goût aussi ancien que la noblesse française ; c’étaient, parmi les amis de la liberté, des hommes nouveaux, acceptant les Bourbons comme les autres la Charte, par nécessité, mais très disposés à recevoir la liberté de leurs mains, et résolus à leur être fidèles s’ils étaient sincères ; c’étaient, dans les partis mécontents, les révolutionnaires, les militaires, les partisans de l’Empire, se déguisant en amis de la liberté, et le devenant sans s’en apercevoir. […] Le spectacle d’hommes remarquables par le caractère, l’intelligence, le talent, pensant différemment les uns des autres, se le disant vivement, rivaux sans doute, mais rivaux pas aussi implacables que ces généraux qui, en Espagne, immolaient des armées à leurs jalousies ; occupés sans cesse des plus graves intérêts des nations, et élevés souvent par la grandeur de ces intérêts à la plus haute éloquence ; groupés autour de quelques esprits supérieurs, jamais asservis à un seul ; offrant de la sorte mille physionomies, animées, vivantes, vraies comme l’est toujours la nature en liberté ; — ce spectacle intellectuel et moral commençait à saisir et à captiver fortement la France.

123. (1874) Premiers lundis. Tome I « J. Fiévée : Causes et conséquences des événements du mois de Juillet 1830 »

Cette réflexion m’avait frappé avant même qu’on eût proclamé que l’arrivée d’un Bourbon ne nous apportait qu’un Français de plus ; elle a dominé mes pensées dans tous les écrits que j’ai publiés, elle est la seule explication des motifs qui m’ont toujours porté du côté de l’opposition ; aucun parti arrivé au pouvoir n’ayant jamais compris que le salut de la royauté et de nos libertés était dans l’exécution de la Charte, dans le renversement sans pitié d’une administration formée pour l’empire. […] La grande raison politique alors se bornait à rappeler combien les Anglais avaient mis d’années pour arriver à la liberté dont ils jouissent ; ce qui signifiait apparemment que les antres peuples étaient condamnés à ne les suivre qu’à quelques siècles de distance. […] Si cette minorité était arrivée d’une manière naturelle, peut-être aurait-elle été favorable au développement de nos libertés ; mais à travers deux abdications, toujours et nécessairement conditionnelles, avec le besoin cruel de séparer un enfant de ses parents-exilés, de ne pouvoir former sa raison sans lui apprendre à les juger au moins aussi sévèrement que l’histoire le fera, avec le danger de les voir un jour se rapprocher de lui, il n’aurait été qu’une cause de soupçons, d’agitation, que l’étendard d’un parti qui n’a que trop prouvé ses fureurs et son incapacité. […] « En effet, avec notre résistance légale, notre refus de payer l’impôt, dernier refuge des libertés, nous n’en restions pas moins isolés, et la lenteur du moyen ne produisant sur le travail qu’une diminution progressive, il était à craindre que ce qui vit d’un travail journalier tombât dans le découragement, et qu’un ministère d’un peu de capacité ne tournât contre nous des ressentiments naturels à la misère. […] Cela pouvait durer six mois, six ans, comme dans les temps d’ignorance : cela a duré trois jours, grâce à l’admirable éducation que notre nation est parvenue à se donner en défendant quinze années de suite ses libertés.

124. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre X. Seconde partie. Émancipation de la pensée » pp. 300-314

La parole s’étant successivement matérialisée, comme nous l’avons précédemment remarqué, la pensée a dû lutter continuellement pour rentrer dans cette indépendance et cette liberté dont elle jouissait lorsqu’elle était intimement unie à la parole. […] Ainsi la liberté morale, qui est, en définitive, la vraie liberté, et dont la liberté politique n’est, pour ainsi dire, qu’une image, s’agitait dans les liens de la parole pour les rendre moins pesants. J’arrive donc enfin à cette conclusion que j’avais annoncée : Le christianisme a été une première émancipation du genre humain, dans l’ordre moral ; l’extension des limites de la liberté morale par l’affranchissement des liens de la parole est une seconde émancipation, dans l’ordre intellectuel.

125. (1884) Cours de philosophie fait au Lycée de Sens en 1883-1884

La liberté se prouve directement par l’idée que nous avons de notre liberté. […] Bayle a exposé ainsi la genèse de l’idée de liberté. […] La liberté n’est qu’une illusion. […] Cette liberté est ce que Reid nomme la liberté d’indifférence. […] Voilà où est la liberté.

126. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre V. Résumé. »

À leur tête, le roi, qui a fait la France en se dévouant à elle comme à sa chose propre, finit par user d’elle comme de sa chose propre ; l’argent public est son argent de poche, et des passions, des vanités, des faiblesses personnelles, des habitudes de luxe, des préoccupations de famille, des intrigues de maîtresse, des caprices d’épouse gouvernent un État de vingt-six millions d’hommes avec un arbitraire, une incurie, une prodigalité, une maladresse, un manque de suite qu’on excuserait à peine dans la conduite d’un domaine privé  Roi et privilégiés, ils n’excellent qu’en un point, le savoir-vivre, le bon goût, le bon ton, le talent de représenter et de recevoir, le don de causer avec grâce, finesse et gaieté, l’art de transformer la vie en une fête ingénieuse et brillante, comme si le monde était un salon d’oisifs délicats où il suffit d’être spirituel et aimable, tandis qu’il est un cirque où il faut être fort pour combattre, et un laboratoire où il faut travailler pour être utile  Par cette habitude, cette perfection et cet ascendant de la conversation polie, ils ont imprimé à l’esprit français la forme classique, qui, combinée avec le nouvel acquis scientifique, produit la philosophie du dix-huitième siècle, le discrédit de la tradition, la prétention de refondre toutes les institutions humaines d’après la raison seule, l’application des méthodes mathématiques à la politique et à la morale, le catéchisme des droits de l’homme, et tous les dogmes anarchiques et despotiques du Contrat social  Une fois que la chimère est née, ils la recueillent chez eux comme un passe-temps de salon ; ils jouent avec le monstre tout petit, encore innocent, enrubanné comme un mouton d’églogue ; ils n’imaginent pas qu’il puisse jamais devenir une bête enragée et formidable ; ils le nourrissent, ils le flattent, puis, de leur hôtel, ils le laissent descendre dans la rue  Là, chez une bourgeoisie que le gouvernement indispose en compromettant sa fortune, que les privilèges heurtent en comprimant ses ambitions, que l’inégalité blesse en froissant son amour-propre, la théorie révolutionnaire prend des accroissements rapides, une âpreté soudaine, et, au bout de quelques années, se trouve la maîtresse incontestée de l’opinion  À ce moment et sur son appel, surgit un autre colosse, un monstre aux millions de têtes, une brute effarouchée et aveugle, tout un peuple pressuré, exaspéré et subitement déchaîné contre le gouvernement dont les exactions le dépouillent, contre les privilégiés dont les droits l’affament, sans que, dans ces campagnes désertées par leurs patrons naturels, il se rencontre une autorité survivante, sans que, dans ces provinces pliées à la centralisation mécanique, il reste un groupe indépendant, sans que, dans cette société désagrégée par le despotisme, il puisse se former des centres d’initiative et de résistance, sans que, dans cette haute classe désarmée par son humanité même, il se trouve un politique exempt d’illusion et capable d’action, sans que tant de bonnes volontés et de belles intelligences puissent se défendre contre les deux ennemis de toute liberté et de tout ordre, contre la contagion du rêve démocratique qui trouble les meilleures têtes et contre les irruptions de la brutalité populacière qui pervertit les meilleures lois. […] Au dessert, les vins de Malvoisie et de Constance ajoutaient à la gaieté de bonne compagnie cette sorte de liberté qui n’en gardait pas toujours le ton. […] De là un déluge de plaisanteries sur la religion ; l’un citait une tirade de la Pucelle ; l’autre rapportait certains vers philosophiques de Diderot… Et d’applaudir… La conversation devient plus sérieuse ; on se répand en admiration sur la révolution qu’avait faite Voltaire, et l’on convient que c’était là le premier titre de sa gloire. « Il a donné le ton à son siècle, et s’est fait lire dans l’antichambre comme dans le salon. » Un des convives nous raconta, en pouffant de rire, qu’un coiffeur lui avait dit, tout en le poudrant : « Voyez-vous, monsieur, quoique je ne sois qu’un misérable carabin, je n’ai pas plus de religion qu’un autre »  On conclut que la révolution ne tardera pas à se consommer, qu’il faut absolument que la superstition et le fanatisme fassent place à la philosophie, et l’on en est à calculer la probabilité de l’époque et quels seront ceux de la société qui verront le règne de la raison  Les plus vieux se plaignaient de ne pouvoir s’en flatter ; les jeunes se réjouissaient d’en avoir une espérance très vraisemblable, et l’on félicitait surtout l’Académie d’avoir préparé le grand œuvre et d’avoir été le chef-lieu, le centre, le mobile de la liberté de penser. « Un seul des convives n’avait point pris de part à toute la joie de cette conversation… C’était Cazotte, homme aimable et original, mais malheureusement infatué des rêveries des illuminés. […] « C’est précisément ce que je vous dis : c’est au nom de la philosophie, de l’humanité, de la liberté, c’est sous le règne de la raison qu’il vous arrivera de finir ainsi ; et ce sera bien le règne de la raison, car elle aura des temples, et même il n’y aura plus dans toute la France, en ce temps-là, que des temples de la raison… Vous, monsieur de Chamfort, vous vous couperez les veines de vingt-deux coups de rasoir, et pourtant vous n’en mourrez que quelques mois après.

127. (1885) La légende de Victor Hugo pp. 1-58

En exil, pour plaire à son entourage, il pérora sur la liberté de la presse, de la parole et bien d’autres libertés encore ; cependant il ne détestait rien plus que cette liberté, qui permet « aux démagogues forcenés, de semer dans l´âme du peuple des rêves insensés, des théories perfides… et des idées de révolte ». […] La liberté était un des Pégases, qu’enfourchait Hugo. […] La fougueuse liberté de Hugo était un humble bidet, qu’il remisait dans l’écurie de tous les gouvernements. Depuis l’immortelle révolution de 1789, Liberté, Liberté ché-ri-e, est le refrain à la mode. […] Hugo le chantait à plein gosier quand il approuvait le cautionnement qui amputait du corps social la « liberté gangrenée » de la presse.

128. (1856) Cours familier de littérature. II « IXe entretien. Suite de l’aperçu préliminaire sur la prétendue décadence de la littérature française » pp. 161-216

Il ne donna pas de chef-d’œuvre littéraire à la langue, excepté dans le badinage, mais il lui donna la liberté de style, et avec la liberté, dix langues pour une. […] Voilà pourquoi il ne faut jamais y désespérer de la liberté. […] La réforme protestante, selon nous, ne fut qu’un mouvement intestin du moyen âge contre lui-même, mouvement qui ne portait en soi qu’une révolte, mais point de lumière et peu de liberté. […] Le décalogue de la raison moderne et de la liberté fut écrit en français : la langue ainsi devint monumentale en même temps qu’elle devint véhicule d’éloquence, de législation et de philosophie chez tous les peuples. […] On verra combien il faudra de républiques magnanimes, désarmées, innocentes, victimes même de leur innocence, pour apprivoiser ce peuple avec la liberté qui eut le malheur de s’appeler une fois la terreur !

129. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIII. »

C’est alors que périt l’orateur athénien Démade, comme un instrument de liberté, moins noble et moins pur, qu’on brise et qu’on jette en morceaux, après s’en être servi, pour la calomnier elle-même. […] Plus quelques-uns de ses monuments poétiques avaient été liés à la liberté de ses villes, à leurs fêtes religieuses, à leur ancien héroïsme, plus ils restaient admirés, en paraissant désormais impossibles à imiter. […] Mais, satisfait de cette restriction, il ne pénètre pas plus avant dans le problème du mal physique et moral à faire coexister avec la bonté divine, et dans celui de la liberté de l’homme à concilier avec la prescience suprême. […] Mais la protection lui manqua, comme la liberté, sous le long règne de Hiéron II ; et il tourna son espérance vers cette cour nouvelle d’Alexandrie, qui de toutes parts recueillait les savants et les livres. […] Nulle vertu civile, nul souvenir de gloire et de liberté n’est rappelé, dans cette langue encore si pure, à ce peuple grec transplanté depuis moins d’un siècle.

130. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « A. Dumas. La Question du Divorce » pp. 377-390

Dumas, — parce que la famille légale étouffe l’homme, tandis que la propriété matérielle l’éblouit et que la liberté illimitée l’enivre. » J’en… j’entends fort bien, comme dit Brid’oison : il ne faut pas que sous aucun prétexte l’homme soit étouffé, et il faut que, enivré, il puisse boire encore et toujours ! C’est la liberté, la fureur de liberté, qui est la fureur de ce siècle, qui fait le fond même de cette question du divorce : sur laquelle les gens s’égosillent ! mais ce serait encore plus dans la logique de ce principe de liberté qui règne si despotiquement sur le monde, que de demander l’union libre… Dans un temps qu’il n’est pas difficile de prévoir, ce qu’on dit actuellement contre l’indissolubilité du mariage, des Naquet ou des Alexandre Dumas, qui ne sont pas des phénomènes qu’on ne rencontrera jamais plus, le diront contre le divorce. […] Je ne vois pas, sur le terrain où nous nous ruons dans tous les hennissements de nos libertés, ce qu’on pourrait répondre à la terrible argumentation révolutionnaire que M. 

131. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XII. »

Lui-même, toutefois, ne parut jamais favoriser ces jeux, ancienne et rude école de la liberté grecque. […] Quelles merveilles suivirent, quel monde nouveau s’ouvrit à l’imagination des Hellènes, quelle gloire consola leur défaite intérieure et leur asservissement, quel simulacre de liberté leur resta, par l’absence chaque jour plus lointaine de leur puissant vainqueur, qui semblait leur général délégué dans l’Asie, il n’appartient pas à notre sujet de multiplier ici ces grands souvenirs d’une prodigieuse fortune. […] À mesure que s’étendait l’horizon de l’empire grec, et que le génie de la liberté se perdait dans l’unité de la puissance, la grande poésie, l’audace de l’imagination et l’ardeur de la passion durent insensiblement diminuer et disparaître. La philosophie, non plus cosmogonique, mais morale, reparut encore cependant et fut comme la dernière liberté de la Grèce. […] C’est un demi-siècle après Alexandre, à travers les dominations tyranniques issues de sa grandeur, qu’un des fondateurs de cette école stoïque, sanctuaire de l’indépendance humaine survivant à la liberté, le philosophe Cléanthe, résumait son culte et sa foi dans un hymne au Dieu suprême.

132. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — I. » pp. 471-493

Et Bonald, triomphant cette fois de toute prévention contre un écrivain calviniste et ami d’une sage liberté, parlait en 179664 des « excellents tableaux politiques, et l’on pourrait dire prophétiques, de la Révolution française, que M.  […] On sent, dans tout ce qu’il écrit, « la raison mâle et cette énergie d’intelligence que donnent la réflexion, la liberté et la conviction ». […] J’étais persuadé que tout était perdu, et notre liberté, et les plus belles espérances du genre humain, si l’Assemblée nationale cessait d’être un moment, devant la nation, l’objet le plus digne de son respect, de son amour et de toutes ses attentes. […] Ils trouvent commode qu’un homme s’occupe tous les huit jours, au risque de sa vie, de sa liberté, de ses propriétés, de leur faire lire quelques pages qui amusent leurs passions durant l’heure du chocolat ». […] Je n’ai fait qu’effleurer cette publication des Mémoires de Mallet du Pan, dans laquelle se dessine de plus en plus durant les sept années suivantes cet énergique écrivain, champion dévoué à la cause de la société et de la civilisation européenne avec un fonds d’amour de la liberté.

133. (1928) Les droits de l’écrivain dans la société contemporaine

Mais s’il m’est impossible de lui écrire comme il me plaît, n’est-ce pas toute la liberté de la correspondance, une forme de la liberté de conscience, qui est supprimée ? […] Elle met fin, d’une certaine manière, à sa liberté de penser et d’écrire. […] La liberté de pensée n’a jamais été autre chose que le droit de libre discussion. […] La fidélité au texte, les éditions critiques témoignent un certain respect pour la liberté d’expression, autrement dit pour la liberté de penser. […] Liberté que M. 

134. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Odes et Ballades » (1822-1853) — Préface de 1828 »

On pourra remarquer, dans les idées qui y sont avancées, une progression de liberté qui n’est ni sans signification ni sans enseignement. […] Espérons qu’un jour le dix-neuvième siècle, politique et littéraire, pourra être résumé d’un mot : la liberté dans l’ordre, la liberté dans l’art.

135. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre I. La conscience et la vie »

La matière est nécessité, la conscience est liberté ; mais elles ont beau s’opposer l’une à l’autre, la vie trouve moyen de les réconcilier. C’est que la vie est précisément la liberté s’insérant dans la nécessité et la tournant à son profit. […] Ainsi, de bas en haut de l’échelle de la vie, la liberté est rivée à une chaîne qu’elle réussit tout au plus à allonger. […] La liberté, se ressaisissant tandis que la nécessité est aux prises avec elle-même, ramène alors la matière à l’état d’instrument. […] Si l’individu s’y oublie lui-même, la société oublie aussi sa destination ; l’un et l’autre, en état de somnambulisme, font et refont indéfiniment le tour du même cercle, au lieu de marcher, droit en avant, à une efficacité sociale plus grande et à une liberté individuelle plus complète.

136. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VIII. De l’éloquence » pp. 563-585

D’autres prétendront que le talent oratoire est nuisible au repos, à la liberté même d’un pays. […] Ne craint-il pas la justice, la liberté, la morale, tout ce qui rend à l’opinion sa force et à la vérité son rang ? […] Ce qui est vrai dans le fanatisme politique, c’est l’amour de son pays, de la liberté, de la justice, égale pour tous les hommes, comme la Providence éternelle ; mais ce qui est faux, c’est le raisonnement qui justifie tous les crimes pour arriver au but que l’on croit utile. […] Le raisonnement, dans ses formes didactiques, ne suffit point pour défendre la liberté dans toutes les circonstances ; lorsqu’il faut braver un danger quelconque pour prendre une résolution généreuse, l’éloquence est seule assez puissante pour donner l’impulsion nécessaire dans les grands périls. […] Enfin, quand on persisterait à croire l’éloquence dangereuse, que l’on réfléchisse un moment sur tout ce qu’il faut faire pour l’étouffer, et l’on verra qu’il en est d’elle comme des lumières, comme de la liberté, comme de tous les grands développements de l’esprit humain.

137. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre IV. Critique »

Et, comme de telles intelligences sont toujours complètes, on sent dans le drame un d’Eschyle se mouvoir toute la liberté de la passion, et dans le drame répandu de Shakespeare converger tous les rayons de la vie. […] L’art ainsi entendu, c’est la vaste égalité, et c’est la profonde liberté ; la région des égaux est aussi la région des libres. […] Il y a de la démagogie dans cette poésie en liberté ; l’auteur de Hamlet « sacrifie à la canaille ». […] sacrifie à cette infortunée, à cette déshéritée, à cette vaincue, à cette vagabonde, à cette va-nu-pieds, à cette affamée, à cette répudiée, à cette désespérée, sacrifie-lui, s’il le faut et quand il le faut, ton repos, ta fortune, ta joie, ta patrie, ta liberté, ta vie. […] Car il est beau, sur cette terre sombre, pendant cette vie obscure, court passage à autre chose, il est beau que la force ait un maître, le droit, que le progrès ait un chef, le courage, que l’intelligence ait un souverain, l’honneur, que la conscience ait un despote, le devoir, que la civilisation ait une reine, la liberté, et que l’ignorance ait une servante, la lumière.

138. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Introduction »

Tout cela est encore histoire des lettres, et le serait strictement resté malgré les incursions médicales les plus avancées6, si les nouveaux savants, fiers du titre arrogé, n’en avaient immédiatement tiré les conclusions suivantes : « Aujourd’hui que le roman s’élargit et grandit, qu’il commence à être la grande forme sérieuse, passionnée, vivante de l’étude littéraire et de l’enquête sociale, qu’il devient par l’analyse et la recherche psychologique l’histoire morale contemporaine, aujourd’hui que le roman s’est imposé les études et les devoirs de la science, il peut en revendiquer les libertés et les franchises » 7, et treize ans plus tard, Edmond de Goncourt insistait encore : « Ces libertés et ces franchises, je viens seul, et une dernière fois peut-être, les réclamer hautement et bravement pour ce nouveau livre écrit dans le même sentiment de curiosité intellectuelle et de commisération pour, les misères humaines » 8. […] Puisque, dirons-nous donc, la technique de toute une école littéraire s’est réclamée des « libertés et des franchises » de la science, et en particulier des droits du médecin, il n’est pas déplacé à la science médicale d’apprécier la mesure dans laquelle cette école a tenu ses promesses, compris ses devoirs professionnels, conduit ses investigations cliniques, justifié, enfin, les droits arrogés.

139. (1864) Corneille, Shakespeare et Goethe : étude sur l’influence anglo-germanique en France au XIXe siècle pp. -311

La liberté intellectuelle, l’Allemagne et l’Angleterre l’ont acquise au même prix que la France a acheté l’égalité. […] Tout à fait désaccoutumé de la liberté, il en fit un usage immodéré et souvent coupable. […] Si vous aimez la liberté et la patrie, fuyez ce qui les a perdus. […] Sous ce rapport, les Allemands ont mille fois plus de liberté. […] Si la Révolution fut le berceau de la liberté en France, elle n’en fut pas le règne.

140. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre IX et dernier. Conclusion » pp. 586-601

L’on dit que les lumières et tout ce qui dérive d’elles, l’éloquence, la liberté politique, l’indépendance des opinions religieuses, troublent le repos et le bonheur de l’espèce humaine. […] Partout où il a existé quelques institutions sages, soit pour améliorer l’administration, soit pour garantir la liberté civile ou la tolérance religieuse, soit pour exciter le courage et la fierté nationale, les progrès des lumières se sont aussitôt signalés. […] Il faut à toutes les carrières un avenir lumineux vers lequel l’âme s’élance ; il faut aux guerriers la gloire, aux penseurs la liberté, aux hommes sensibles un Dieu. Il ne faut point étouffer ces mouvements d’enthousiasme, il ne faut rabaisser aucun genre d’exaltation ; le législateur doit se proposer pour but de réunir ce qui est bien dans une carrière, à ce qui est bien encore dans une autre, de contenir la liberté par la vertu, l’ambition par la gloire. […] à chaque page de ce livre où reparaissait cet amour de la philosophie et de la liberté, que n’ont encore étouffé dans mon cœur ni ses ennemis, ni ses amis, je redoutais sans cesse qu’une injuste et perfide interprétation ne me représentât comme indifférente aux crimes que je déteste, aux malheurs que j’ai secourus de toute la puissance que peut avoir encore l’esprit sans adresse, et l’âme sans déguisement.

141. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Méditations sur l’essence de la religion chrétienne, par M. Guizot. »

Ici il y a un pont plus mince, plus long, plus suspendu, à franchir ; on est entouré d’abîmes, pour peu qu’on regarde à droite ou à gauche (liberté, fatalité, prédestination, prescience divine, responsabilité humaine) ; le pont tremble sous vos pieds ; mais enfin il est jeté, il est franchi ; M.  […] Cet esprit vigoureux et net aime l’ordre en tout, il le veut, il le fait ; il désire l’accommoder avec une certaine liberté sans doute, mais avec une liberté limitée. […] Il n’est ni pour la grande Église catholique hiérarchique, ni pour l’émancipation absolue et l’Église libre universelle, de même qu’en politique il n’était ni pour la forme monarchique ou aristocratique pure, ni pour la liberté démocratique et le suffrage universel. […] Je suis plus complètement libéral que vous ne me faites, car je veux la complète liberté civile pour tous, la même pour mes adversaires que pour moi-même. […] Regardez-y bien, je vous prie, il n’y a rien là que de parfaitement légitime et simple, et absolument rien de contraire à la liberté. — Recevez, etc. » À mon tour, je glisserai une légère observation.

142. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — II. » pp. 494-514

Mallet du Pan appartenait à ce groupe de constitutionnels dont les chefs à l’Assemblée constituante, Mounier, Malouet, Lally, voulurent en 1789 quelque chose d’impossible, mais d’infiniment honorable, le juste accord de la monarchie avec la liberté ; on peut dire que Louis XVI, en tant qu’il pensait et voulait par lui-même, était de cette nuance. […] L’objet de Mallet serait de prouver que la vraie liberté ne se trouve que dans une monarchie modérée, et que dans la république on a la servitude. […] L’image d’un livre leur donne le frisson : parce qu’on a abusé des lumières, ils extermineraient tous ceux qu’ils supposent éclairés ; parce que des scélérats et des aveugles ont rendu la liberté horrible, ils voudraient gouverner le monde à coups de sabre et de bâton. […] Elles laissent en arrière d’elles tous les systèmes de liberté connus : elles enivrent l’imagination des sots, en même temps qu’elles allument les passions populaires. […] Exposant dans son Mercure britannique, peu de mois avant sa mort, en janvier de l’an 1800, le caractère de la grande commotion qui allait continuer de peser sur le nouveau siècle et qui ouvrait une époque de plus dans l’histoire des vicissitudes humaines, il y montrait en vrai philosophe que le caractère de cette Révolution portait avant tout sur la destruction de toutes les distinctions héréditaires préexistantes, que c’était au fond une guerre à toutes les inégalités créées par l’ancien ordre social, une question d’égalité, en un mot : « C’est sur ce conflit, ajoutait-il, infiniment plus que sur la liberté, à jamais inintelligible pour les Français, qu’a porté et que reposera jusqu’à la fin la Révolution. » Espérons que, même en tenant moins à la liberté qu’il ne faudrait (ce qui est trop évident), nous la comprendrons pourtant assez pour démentir un pronostic si absolu et si sévère.

143. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XII : Pourquoi l’éclectisme a-t-il réussi ? »

Ainsi métamorphosé, il a réfuté par une équivoque le scepticisme, doctrine immorale ; réduit la psychologie à l’étude de la raison et de la liberté, seules facultés qui aient rapport à la morale ; défini la raison et la liberté de manière à servir la morale ; prescrit à l’art l’expression de la beauté morale ; institué Dieu comme gardien de la morale, et fondé l’immortalité de l’âme comme sanction de la morale. […] Son succès fut d’autant plus grand qu’à ses forces naturelles il ajouta des forces artificielles ; il profita des circonstances accidentelles comme des circonstances permanentes ; avec ses armes propres il eut des armes étrangères, et, en premier lieu, l’amour de la patrie et de la liberté. […] Assez longtemps nous avons poursuivi la liberté à travers les voies de la servitude. […] Non, la statue de la liberté n’a point l’intérêt pour base, et ce n’est pas à la philosophie de la sensation et à ses petites maximes qu’il appartient de faire les grands peuples. Soutenez la liberté française encore mal assurée et chancelante au milieu des tombeaux et des débris qui nous environnent, par une morale qui l’affermisse à jamais ; et cette forte morale, demandons-la à jamais à cette philosophie généreuse, si honorable pour l’humanité, qui, professant les plus nobles maximes, les trouve dans notre nature, et qui nous appelle à l’honneur par la voix du simple bon sens96. — Sorti du sein des tempêtes, nourri dans le berceau d’une révolution, élevé sous la mâle discipline du génie de la guerre, le dix-neuvième siècle ne peut en vérité contempler son image et retrouver ses instincts dans une philosophie née à l’ombre des délices de Versailles, admirablement faite pour la décrépitude d’une monarchie arbitraire, mais non pour la vie laborieuse d’une jeune liberté environnée de périls97.

144. (1846) Études de littérature ancienne et étrangère

Que l’on y regarde bien, jamais chez une nation qui a joui de la liberté, les lettres ne se sont abaissées qu’avec cette liberté même. […] Les lettres semblaient mises sous la protection de la gloire et de la liberté. […] En lui seul étaient la voix du peuple, la liberté du sénat et la conscience du genre humain. […] N’emmaillotez pas ce géant ; laissez-lui ses bonds hardis, sa liberté sauvage. […] Mais on voit, par les registres, que la chambre le fit mettre en liberté deux mois après.

145. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Correspondance entre Mirabeau et le comte de La Marck (1789-1791), recueillie, mise en ordre et publiée par M. Ad. de Bacourt, ancien ambassadeur. » pp. 97-120

Malouet : J’ai désiré, lui avait-il dit, une explication avec vous, parce qu’au travers de votre modération je vous reconnais ami de la liberté, et je suis peut-être plus effrayé que vous de la fermentation que je vois dans les esprits et des malheurs qui peuvent en résulter. […] Jouissant à ce moment d’une popularité immense, il était censé auprès du roi le protéger contre les séditions du peuple, et auprès du peuple défendre la liberté contre les complots de la Cour. […] monsieur de La Fayette, Richelieu fut Richelieu contre la nation pour la Cour, et quoique Richelieu ait fait beaucoup de mal à la liberté publique, il fit une assez grande masse de bien à la monarchie. Soyez Richelieu sur la Cour pour la nation, et vous referez la monarchie, en agrandissant et consolidant la liberté publique. […] monsieur, s’écriait celui-ci, je suis bien tranquille sur l’histoire ; si mon nom, lié à de grands événements, y surnage, il ne rappellera l’idée de grandes faiblesses qu’en y joignant celle d’un amour bien vrai de la liberté, d’un caractère très décidé et d’une loyauté vraiment voisine de la duperie.

146. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Révolution française »

Une fois lâchés à leur tour contre le clergé, la noblesse et les parlements, qui soutenaient leurs privilèges respectifs, les gens de lettres, à qui on remit le fléau qui doit broyer tous les gouvernements dans un pays du tempérament de la France, je veux dire la liberté de la presse, ne s’arrêtèrent que quand la révolution fut consommée. […] La force des choses, cette irresponsabilité du destin, ce joug d’une mathématique inconnue jeté sur le cou de la pauvre créature humaine, a remplacé, dans l’Histoire, l’action réelle et très explicable de l’homme tout-puissant de volonté, de liberté, quand il s’agit des événements qui paraissent le moins à sa charge, et même tout puissant de faiblesse. […] Le Catholicisme, en posant la liberté de l’homme, — et, chose qui devrait faire réfléchir les partisans de la liberté politique, il n’y a que le Catholicisme qui sache poser philosophiquement cette liberté, — donne la seule vraie philosophie de l’Histoire. […] Et, je l’ai montré tout à l’heure, Cassagnac l’entend si bien ainsi qu’il a nié vaillamment, dès les premières pages de son livre, l’existence de cet Esprit principe, substitué par tant d’historiens à l’emploi et à l’abus de la liberté de l’homme, dans l’explication des grands problèmes de l’Histoire. […] Maniée par un homme comme Cassagnac, la liberté de la presse répond aux abus de la liberté de la presse.

147. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVIII. Des obstacles qui avaient retardé l’éloquence parmi nous ; de sa renaissance, de sa marche et de ses progrès. »

À peu près dans la même époque commencèrent nos guerres d’Italie ; et sous Charles VIII, Louis XII, et sous François Ier, nous inondâmes ce beau pays, où les arts florissaient parmi les agitations de la liberté et de la guerre. […] Un avocat plaidant pour une maison ou les limites d’un jardin, prétendait bien être aussi éloquent que Démosthène appelant les Grecs à la liberté, ou que l’orateur romain repoussant du haut de la tribune les fureurs de Claudius et d’Antoine. […] L’éloquence n’est pas de ces fruits qui naissent dans tous les sols et sous tous les climats ; elle a besoin d’être échauffée et nourrie par la liberté. […] Il fallait nécessairement, à un pareil peuple, la liberté, le loisir, l’aisance ; il fallait des esclaves chargés de travailler pour eux, et de suppléer à tous les soins de la vie ; enfin, il n’y a peut-être jamais eu de grande éloquence que devant le peuple. […] Dans les monarchies heureuses et tempérées par les lois, quoique la nation jouisse de la liberté que les lois donnent, on sent bien cependant que cette liberté n’est pas aussi favorable à l’orateur que celle des républiques.

148. (1864) Études sur Shakespeare

Plus d’une fois, se laissant séduire à cette haute fortune, l’art dramatique a perdu ou compromis son énergie et sa liberté. […] Si, d’un côté, le pouvoir est sans limites, de l’autre la liberté sera grande ; l’un et l’autre ignoreront ces formes générales, ces innombrables et minutieux devoirs auxquels un despotisme savant et même une liberté bien réglée asservissent plus ou moins les actions et les esprits. […] Dans les comtés, dans les villes, une administration indépendante maintenait des habitudes et des instincts de liberté. […] » Quand la loyauté demeure si profondément enracinée dans le cœur de l’homme qui s’est exposé à de tels maux pour la liberté, il faut qu’en général la liberté ne croie pas avoir beaucoup à se plaindre. […] Quand donc cette invention se déploiera-t-elle enfin dans sa liberté ?

149. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « AUGUSTE BARBIER, Il Pianto, poëme, 2e édition » pp. 235-242

Son poëme se divise en quatre masses principales ou chants : 1° le Campo Santo à Pise ; c’est le vieil art toscan catholique au Moyen-Age que l’auteur y ranime dans la personne et dans l’œuvre du peintre Orcagna, contemporain de Dante ; 2° le Campo Vaccino, ou le Forum romain ; solitude, dévastation, mort ; la majesté écrasante des ruines encadrant la misère et l’ignominie d’aujourd’hui ; 3° Chiaia, la plage de Naples où pêchait Masaniello : c’est un mâle dialogue entre un pêcheur sans nom, qui sera Masaniello si l’on veut, et Salvator Rosa ; les espérances de liberté n’ont jamais parlé un plus poétique langage ; 4° Bianca, ou Venise, c’est-à-dire cette divine volupté italienne que l’étranger du nord achète et profane comme une esclave. — Telle est la distribution générale du poëme, à laquelle il faut joindre, pour en avoir l’idée complète, un prologue et un épilogue, puis, dans l’intervalle de chaque chant, un triple sonnet sur les grands statuaires, peintres et compositeurs, Michel-Ange, Raphaël, Cimarosa, etc. ; l’ordonnance en un mot ne ressemble pas mal à un palais composé de quatre masses ou carrés (les quatre chants), avec un moindre pavillon à l’extrémité de chaque aile (prologue et épilogue), et avec trois statues (les sonnets) dans chaque intervalle des carrés, en tout neuf statues. […] L’ancien art catholique, et l’art plus varié des écoles qui se succèdent ; la religion, aujourd’hui sans vie, réduite à des formes encore augustes dans leur inanité ; l’arène de l’antique politique foulée çà et là par quelque vieux prélat, quelque moine sale, par des pâtres velus ou des mendiants en guenilles ; la liberté qui peut toutefois sortir jusque des filets du pêcheur napolitain ; ce que retrouverait alors d’enchantement et de génie cette belle captive ressuscitée : voilà donc les idées vraiment grandes qui ont tour à tour passé de l’âme du poëte dans ses chants. […] Dans la famille des peuples que la liberté doit bénir, le mot de barbare n’a point de sens ; il n’y a plus de laideur. […] Ce n’est pas à l’auteur de la Curée, au peintre de la Liberté des barricades qu’il faut rappeler cela.

150. (1874) Premiers lundis. Tome II « La Revue encyclopédique. Publiée par MM. H. Carnot et P. Leroux »

Or, sans ces garanties et ces libertés pour lesquelles il nous faut encore combattre tous les jours, l’organisation industrielle la mieux entendue ne saurait ni s’établir ni porter ses fruits. […] Carnot et Leroux, paraissent s’être rendu compte à peu près ainsi de la situation présente des doctrines, et c’est à la conciliation des systèmes nouveaux d’économie politique et d’organisation des travailleurs avec les libertés des citoyens et les inaliénables conquêtes de notre Révolution, que leur recueil estimable semble de plus en plus consacré. Liberté, égalité, association, telle est leur devise ; tel est le problème général qu’ils se proposent. […] C’est ce que, depuis juillet, malgré la clameur universelle, il a exécuté avec une sévère et imperturbable logique ; c’est ce qui a fait sacrifier la République à la quasi-Restauration ; c’est ce qui a fait sacrifier l’honneur du nom français, le sang de la Pologne, la liberté de l’Espagne et de l’Italie, à l’exigence et au despotisme des rois ; c’est ce qui a fait sacrifier toute amélioration du sort de la classe ouvrière à l’étroit égoïsme de la classe bourgeoise, sacrifier aux menues fantaisies d’un fils de roi la somme destinée à l’éducation des fils de cent mille prolétaires ; c’est ce qui a maintenu l’impôt sur les boissons et sur le sel, et rejeté les blés étrangers par-delà nos frontières ; c’est ce qui a ouvert nos provinces aux insolentes violences des carlistes, troublé nos villes aux éclats de la voix des prolétaires se frayant une issue sur les places publiques, souillé nos régiments du sang des citoyens, et répandu de toutes parts sur le sol ces étincelles qui allument la guerre civile au sein des nations.

151. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préfaces de « Marion de Lorme » (1831-1873) »

Après l’admirable révolution de 1830, le théâtre ayant conquis sa liberté dans la liberté générale, les pièces que la censure de la restauration avait inhumées toutes vives brisèrent du crâne, comme dit Job, la pierre de leur tombeau, et s’éparpillèrent en foule et à grand bruit sur les théâtres de Paris, où le public vint les applaudir, encore toutes haletantes de joie et de colère. […] Quoique placé depuis plusieurs années dans les rangs, sinon les plus illustres, du moins les plus laborieux, de l’opposition ; quoique dévoué et acquis, depuis qu’il avait âge d’homme, à toutes les idées de progrès, d’amélioration, de liberté ; quoique leur ayant donné peut-être quelques gages, et entre autres, précisément une année auparavant, à propos de cette même Marion de Lorme, il se souvint que, jeté à seize ans dans le monde littéraire par des passions politiques, ses premières opinions, c’est-à-dire ses premières illusions, avaient été royalistes et vendéennes ; il se souvint qu’il avait écrit une Ode du Sacre à une époque, il est vrai, où Charles X, roi populaire, disait aux acclamations de tous : Plus de censure ! […] Quand on a toute liberté, il sied de garder toute mesure.

152. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Μ. Jules Levallois » pp. 191-201

La liberté morale, comme il dit, et à laquelle il tient comme un monsieur de ces derniers temps, sa liberté morale prend la force des chênes au pied des chênes, et le rend plus apte à servir les hommes et à se dévouer à leur bien-être et à leur grandeur. […] Il ne s’agit pas pour lui de se faire camper des douches de nature pour se faire du plaisir et du soulagement, mais de tripler sa force, de faire de soi un petit Hercule pour les luttes futures de la Liberté. […] Jules Levallois le sent bien, du reste, et serait effroyablement embarrassé si on lui demandait, à lui, cet observateur, ce solitaire et cet ermite, l’analyse de l’éducation morale donnée à l’homme par la Nature, et les moyens dont elle se sert pour doubler ou tripler cette liberté qui vient en pleine terre, comme une plante, et qui n’a autour de soi que des êtres muets, indifférents à ses efforts, à son développement et à ses mérites.

153. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (2e partie) » pp. 177-248

C’était évidemment à cette législation rationnelle des cultes que la raison, la philosophie et la Révolution avaient aspiré depuis plusieurs siècles, et c’est encore à cela qu’elles aspirent, comme à la liberté de Dieu dans les âmes et comme à la liberté des âmes dans l’État. Jamais le pouvoir civil et l’autorité religieuse ne concluront un pacte appelé concordat sans qu’il y ait quelque chose de Dieu concédé au pouvoir civil, quelque chose de la sainte liberté des âmes concédé au pouvoir spirituel. […] » Or, les vrais besoins du peuple qui venait d’accomplir la plus grande transformation des temps modernes, pour établir la liberté des consciences et l’égalité des croyances personnelles devant les lois et devant Dieu ; ces vrais besoins des peuples étaient-ils de reconstituer aussitôt après, au lieu de la religion volontaire et d’autant plus efficace qu’elle est plus volontaire, une religion d’État garantie à un souverain de la foi par un souverain des armes, investie de privilèges dont chacun était une limite à la liberté des autres cultes ? […] Que pouvait-il y avoir de sincère dans ces politesses de fausse admiration entre l’homme d’État de l’ordre excessif, du pouvoir absolu, et entre l’orateur de la liberté sans limite, de la souveraineté des clubs, de l’anarchie désarmée ou même armée contre la monarchie ? […] Il semble, lui, homme de si lucide intelligence, ne pas s’apercevoir seulement que la dictature c’est la république sans la liberté et la monarchie sans stabilité, c’est-à-dire deux inconséquences dans une.

154. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIVe entretien. Cicéron (3e partie) » pp. 257-336

Écartez vos soldats, et demandez à Milan s’il reconnaîtra l’aristocratie de Turin : voilà la liberté qui tue trois États libres ! […] Cicéron les écrivait au cœur de cette Italie en armes pour des ambitions qui se disputaient la liberté mourante de Rome ; il faisait abstraction des temps pour s’absorber dans les idées éternelles. […] On voit que ce problème éternel de la toute-puissance de la providence divine et de la liberté morale de l’homme agitait, dès cette époque, l’esprit humain, comme il l’agite encore de nos jours. […] Nous n’eûmes point d’autre pensée en plus de vingt rencontres ; mais un jour nous trouvâmes plus de liberté, et nous fûmes moins empêchés par les visiteurs que d’ordinaire. […] je n’avais pas hésité à affronter les plus terribles tempêtes, et, si je l’ose dire, la foudre elle-même, pour sauver mes concitoyens, et à dévouer ma tête pour le repos et la liberté de mon pays.

155. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VIII. La littérature et la vie politique » pp. 191-229

Plus tard, la Convention décrète et essaie d’organiser la république démocratique, mais sacrifie en partie la liberté à l’égalité. […] Elle avait un double tort ; elle aimait la liberté ; elle avait en littérature des opinions qui ne portaient pas l’estampille officielle. […] Qu’advient-il, quand c’est la liberté ? […] La liberté dans une société organisée est toujours relative, limitée, et elle comporte une infinité de degrés. […] Militarisme et liberté sont deux choses ennemies.

156. (1929) Amiel ou la part du rêve

Je crois que c’est la liberté. […] » Aux combats des pères pour la liberté nationale, succéderont chez tels des fils les luttes pour les unes ou les autres des formes de la liberté politique, de la liberté religieuse, chez tels autres, comme Amiel, les réflexions tourmentées sur la liberté intérieure. […] Il adore la liberté, comme il aime, aimerait ou aimera les femmes. […] La liberté est une vocation, comme l’intelligence. Amiel avait la vocation de la liberté.

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