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1214. (1860) Ceci n’est pas un livre « Mosaïque » pp. 147-175

L’épreuve tirée, pas une lettre qui fût transposée, pas un mot qui grimpât sur le dos du mot voisin, pas une virgule qui ne fût à son poste. […] Comment se fait-il alors qu’ils se servent de ces deux lettres toujours à contresens, toujours ? […] * *  * L… rencontre Balochard, étudiant de sixième année, — une lettre à la main, — profondément consterné.

1215. (1760) Réflexions sur la poésie

En un mot, aucune des pièces n’a paru propre à faire sur le public assemblé cette impression de plaisir, qu’il est en droit d’attendre d’un ouvrage couronné par le jugement d’une société de gens de lettres. […] D’après ces principes, et d’après le témoignage presque général de tous les gens de lettres, j’ai bien de la peine à croire qu’Homère et Virgile aient jamais été lus sans interruption et sans ennui par leurs plus grands admirateurs. […] Lettre à un journaliste Mes Réflexions sur la Poésie, approuvées, monsieur, par nos meilleurs poètes, ont excité la colère et les cris de quelques rimailleurs.

1216. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XVIII. Souvenirs d’une Cosaque »

Même dans les Lettres d’une religieuse portugaise, par exemple, à l’authenticité desquelles je crois cependant assez peu, il y a un accent… qui n’est pas plus dans les Souvenirs d’une Cosaque que la couleur locale et l’accent cosaque de son pays… Franchement, voyons ! […] X…, devant d’autres lettres de l’alphabet, mais elle ne la lui brûle point. […] Il n’y a d’empoisonné que son amour, de sorte que l’en voilà guérie, et que tout le monde sort en bonne santé de ce livre dont on peut dire, comme dans les lettres de faire-part : La mère et l’enfant se portent bien !

1217. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’ancien Régime et la Révolution »

Il y a bien un chapitre spécial, mais vague comme l’est d’ordinaire la pensée de l’auteur, sur la séparation des classes, « qui a causé toutes les maladies dont l’ancien Régime est mort » ; un autre sur l’irréligion, « la passion dominante du xviiie  siècle » ; un autre, enfin, sur les hommes de lettres devenant de fait les hommes politiques du moment. […] Quand il juge les gens de lettres qui furent les aumôniers des sociétés secrètes et qui prêchèrent la révolution sur et sous les toits, il s’écrie : « Ils croyaient en eux. […] Quoique Tocqueville ne soit pas trempé pour le pamphlet, quoiqu’il soit parfaitement incapable de mettre en grisaille les Lettres persanes, s’il a pu y mettre l’Esprit des lois, on n’en sent pas moins dans son ouvrage la bonne volonté des attaques réfléchies et couvertes contre un gouvernement fort qui a su résoudre le problème, qu’on croyait insoluble depuis quarante ans, d’une grande autorité populaire.

1218. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le comte du Verger de Saint-Thomas »

Henri IV, plus ferme, publia l’édit de Blois contre les duels, mais ne pouvant s’empêcher d’être tendre aux braves, même quand ils abusaient de la bravoure, il infirma son édit par des Lettres de grâce qui suivaient les condamnations Depuis 1589 jusqu’en 1608, on expédia seulement sept mille lettres de grâce, ce qui suppose la mort de sept mille gentilshommes. […] Les peines édictées, qui sont « la mort et la confiscation des biens » au profit des hôpitaux, pour les DEUX combattants, pouvaient être d’autant plus sévères que, dans cet édit de 1679, le législateur créait ce fameux tribunal d’honneur composé des maréchaux de France, qui devaient juger en dernier ressort et punir les injures de l’honneur outragé… Le législateur avait fait de sa loi une espèce de filet, tissé de précautions et de peines, dans lequel il pût prendre tous ceux qui participaient à un duel d’une manière quelconque : combattants, seconds, témoins, porteurs de cartels ou d’appels, même jusqu’aux laquais qui, le sachant, porteraient une lettre de provocation de leurs maîtres, — condamnés par ce fait seul au fouet et à la fleur de lys, et, si récidive, aux galères à perpétuité !

1219. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Sévigné » pp. 243-257

soupçonnée dans l’auteur épigrammatisant des Lettres satiriques, le romancier aux nuances fines des Païens innocents, le boute-en-train qui, quand cela lui plaît, rigole avec l’Histoire, — qui la ferait sauter comme une femme ou comme un bouchon de champagne rose versé dans la coupe mousseline d’un style transparent, semé d’étincelles, et offert à ceux-là qui aiment l’Histoire, — corsée, mais non pesante, — et qui savent que les vins les plus purs doivent se boire dans les cristaux les plus légers ! […] Il ne nous l’a fait voir que réverbérée dans les sentiments et dans les lettres de ses amoureux Ménage et Bussy-Rabutin, et du posthume qui se nomma Horace Walpole. […] Ils se prennent à la magie de cette espièglerie française qui les enivre de plaisir, et, quand ils sont enivrés, leur fait écrire des phrases idolâtres, que l’auteur des Lettres satiriques appellerait des sottises s’il les trouvait sous une autre plume que la sienne, mais qui n’y seraient pas, du reste, de cette façon-là !

1220. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Crétineau-Joly » pp. 247-262

Il y a des gentilshommes de lettres ; lui, il fut toujours un chouan de lettres, et littérairement, tant qu’il vécut et n’importe dans quelle histoire il s’engagea, il resta toujours chouan, toujours le Marche-à-Terre de Balzac ; — mais un Marche-à-Terre qui ne rampait que devant l’ennemi, pour se relever et le frapper mieux ; un Marche-à-Terre dont la peau de bique n’avait rien de sinistre et cachait l’intrépide gaieté d’un Gaulois ! […] Et d’autant que le Pylade est ici non pas seulement un sentimental, mais un abbé de lettres, un ancien professeur de rhétorique (je crois), qui tient à faire la classe sur Crétineau et ses ouvrages.

1221. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVI. Buffon »

Il s’est bien gardé de remâcher l’idée, vieillotte de vulgarité, de ce superficiel Voltaire qui disait : « L’existence des hommes des lettres est dans leurs écrits et non ailleurs », et il nous a donné avec le détail le plus pointilleux et la charmante petite monnaie des anecdotes, dont on n’a jamais trop à dépenser, la biographie de cet imposant homme de science et de lettres dont la vie refléta sans cesse la pensée, mais qui est une vie sous sa pensée, comme il y a de l’eau sous le bleu du ciel que reflètent les eaux ! […] Il avait beau être un homme de génie, c’était aussi un grand seigneur de sentiment, toujours prêt à l’hospitalité, vous tendant sa belle main du fond de ses manchettes ; qui se levait de son bureau pour vous faire accueil, « mis plutôt comme un maréchal de France que comme un homme de lettres », disait Hume étonné, car il avait cette faiblesse d’aimer la parure, qui fut la faiblesse de tant de grands hommes.

1222. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Th. Ribot. La Philosophie de Schopenhauer » pp. 281-296

Ribot, qui n’oublie pas de joindre à son nom ses titres universitaires d’agrégé de philosophie et de docteur ès lettres, — ses boutons de nacre de mandarin, — me semble très compétent pour parler de Schopenhauer, et même pour critiquer, en initié, sa philosophie. […] Ribot, était un fort commerçant, qui voulait faire de son fils un marchand comme lui, et sa mère, un bas-bleu, sans cœur et sans bon sens comme tous les bas-bleus, qui voulut peut-être qu’il fût un homme de lettres… comme elle ! […] Ribot, agrégé de philosophie et docteur ès lettres, la métaphysique, qui n’aboutit jamais qu’à du matérialisme ou de l’idéalisme athée, ou à un scepticisme pire encore, est une science orgueilleuse dont on démontre le néant par la force de ses philosophes… Ils servent à cela.

1223. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

Ils donnent ses lettres de noblesse au vaudeville ! […] La seizième lettre de Pascal, l’apologie du vol, ne fut pas plus impatiemment attendue ! […] La lettre de Rousseau à d’Alembert sur le même sujet, comparée à la lettre du P.  […] L’aventure du billet, cette lettre qu’on lui dit adressée à une amie, hélas ! […] L’abbé de Richelieu, agissant en malhonnête homme qui se venge mal du mépris d’une coquette, avait fait tenir à Molière une lettre de sa femme au comte de Guiche, et aux premières larmes de sa femme, qui niait que cette lettre fut adressée à un homme, Molière, à deux genoux, demandait pardon de son emportement.

1224. (1890) La bataille littéraire. Deuxième série (1879-1882) (3e éd.) pp. 1-303

vous écrirez une lettre très gentille à M.  […] Ils croient tous que ce sont des lettres de moi. […] Voici la première lettre qu’il écrivit à la reine sa mère. […] Aussitôt la Dauphine voulut voir cette lettre que Mme de Brancas n’osait décacheter. […] Lettres. — 1879.

1225. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Littré. »

Lui aussi a partagé le sentiment qui pénétrait alors les Hellènes, enorgueillis de leur liberté, enthousiasmés de leurs triomphes, épris de leurs belles créations dans les arts, dans les lettres et dans les sciences. […] Savez-vous que de tels hommages sont des épitaphes en lettres d’or ? […] Littré marche rapidement ; les livraisons se succèdent : on peut dire dès aujourd’hui que le livre est fait ; du moins la mise au net est faite jusqu’à la lettre P, et elle sera terminée pour le tout à la fin de 1865. […] Géruzez, m’écrit : « Ouvrez à son intention votre Pline le Jeune, et voyez au livre Ier la lettre à Catilius Severus ; vous y trouverez le portrait de notre ami sous le nom de Titus Ariston. […] Littré, hormis en un point toutefois ; car il ne souffrirait jamais qu’on pensât de lui et qu’on dît, même par manière de métaphore, qu’il porte tout entières avec lui les lettres et les sciences, et que leur sort dépend du sien : il croit fermement que tout marchera après lui de plus en plus et de mieux en mieux, et que le trésor s’accroîtra incessamment.

1226. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVe entretien » pp. 317-396

Le seuil de ces hommes de bruit est assiégé d’indigences qui touchent, leur table est chargée de lettres écrites avec des larmes. Il y a telle année de ma vie où j’en ai reçu jusqu’à dix mille, de ces lettres, et cela depuis que je suis rentré dans l’obscurité. […] Mais les événements transforment la scène ; la main se lasse, le public se rassasie, les ennemis dénigrent : qui dit public dit hasard ; le métier d’hommes de lettres n’est qu’un jeu de dé avec l’opinion. […] Les lettres et mandats de poste concernant l’abonnement doivent être adressés à moi-même, 43, rue de la Ville-l’Évêque, à Paris. […] Une seule chose manque à cette civilisation par les lettres : l’art de la guerre.

1227. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (1re partie) » pp. 413-491

Quand je sortis des collèges, et que mes parents, pour me perfectionner dans les arts et dans les lettres, me firent voyager, le poète piémontais Alfieri venait de mourir. […] Elle avait vingt-cinq ans ; un goût très vif pour les lettres et les beaux-arts ; un caractère d’ange, et, malgré toute sa fortune, des circonstances domestiques, pénibles et désagréables, qui ne lui permettaient d’être ni aussi heureuse ni aussi contente qu’elle l’eût mérité. […] M. de Reumont, son biographe, prend trop à la lettre les imputations alors prématurées des ambassadeurs d’Angleterre contre les mœurs de ce prince. […] Il faut citer cette lettre tout entière, avec ses incorrections de style et son orthographe ; on y verra ce que la société italienne pensait de cette singulière aventure. […] « Ma très chère sœur, je ne puis vous exprimer l’affliction que j’ai soufferte en lisant votre lettre du 9 de ce mois.

1228. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1864 » pp. 173-235

J’ai longtemps pensé que l’homme de lettres était cela : un monsieur en voyage, écrivant sur une table d’auberge en buvant du champagne. […] L’horrible vie que cette vie des lettres, où après avoir souffert du doute de l’œuvre, on a encore à souffrir du doute de son succès. […] Notre plaie au fond, c’est l’ambition littéraire insatiable et ulcérée, et ce sont toutes les amertumes de cette vanité des lettres, où le journal qui ne parle pas de vous, vous blesse, et celui qui parle des autres, vous désespère. Et les vides que nous laisse cette existence, toute aux lettres, les entractes de notre travail, nous les comblons, oui, bien incomplètement, par cette froide et bonhomme distraction : la collection. […] Dans la société de Chateaubriand, il était à peine toléré… Des lettres de Joubert, on a retiré toutes les plaisanteries, sous lesquelles Joubert le couvrait de son mépris… Et tenez, vous n’en direz pas plus que n’en a dit Rémusat devant moi, chez Mme *** : “Pasquier n’entend rien à rien”, et après avoir fait l’énumération de tout ce qu’il ignorait, il finit en disant : |“Il n’est capable que d’être le ministre de tout cela.”

1229. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1872 » pp. 3-70

Il se disposait à faire rétrograder ses troupes, quand il reçoit une lettre de Bazaine, lui annonçant qu’il sortirait, le 26, de Metz. […] Il est fêté, nourri, abreuvé, grisé, pendant quelques jours, au bout desquels, le marié, le maire du village, lui donne une lettre de recommandation pour un ami de Valence. […] Il y trouva des adresses de filles et des lettres de lorettes. […] Il organise dans la République des lettres, une espèce de démocratie, où les premiers rôles seront exclusivement tenus par des reporters ou des cuisiniers de journaux : les seuls littérateurs que connaîtra la France, dans cinquante ans. […] Jamais les hommes de lettres ne semblent nés plus morts, qu’en notre temps, et jamais cependant le travail n’a été plus actif, plus incessant.

1230. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1887 » pp. 165-228

Aujourd’hui quelle a été ma surprise, un mois s’étant à peine écoulé, depuis l’aimable lettre que Maupassant m’avait adressée après la première de Renée Mauperin, de lire dans Le Gil-Blas, une lettre de Maupassant, où il appuie, de l’autorité de son nom, l’article de Santillane. Je lui envoie sur le coup ma démission, dans cette lettre : 3 janvier 1887. […] Je recevais le 10 septembre dernier, annoncé par une lettre de vous, un extrait des délibérations du Conseil général de la Seine-Inférieure de la session d’août, où M.  […] Et pourquoi, aux yeux de certaines gens, Edmond de Goncourt, est un gentleman, un amateur, un aristocrate qui fait joujou avec la littérature, et pourquoi Guy de Maupassant, lui, est-il un véritable homme de lettres ? […] Et ce qu’il dit n’être pas vrai, c’est rédigé d’après des observations, en partie fournies par les sœurs de Rachel, en partie par une confession dramatique de Fargueil, dans une grande lettre que je possède.

1231. (1894) Textes critiques

-    Mais surtout nous retrouvons ici — modernité d’Holbein, Callot, Rembrandt et Albert Durer, l’album de Joseph Sattler : lettres ornées, lettre déchirée sous les arceaux faux droite et tête coupée sous deux sceaux ; la semelle du bateau voguant sous le lunaire écusson de poisson mâchoire ; pendu avec clefs et couronne au croc, nuages liants sur portée ; les Cartes, la Trinité papale, et l’Ende, tête sur triangle avec menottes, sceaux ou grelots en banderole.‌ […] Mentionnons pourtant deux de ces visions encore inconnues : l’une parce qu’elle n’est point terminée (qui rejoindra un de ces jours la Sainte Cécile chez Le Barc : une famille de Bretons, des figures plus grandes qu’à l’ordinaire) ; l’autre sur une lettre à M. de Gourmont, voici deux ans, un bien vrai Filiger10 : je découpe deux morceaux au hasard de l’encadrement, car on sait que Filiger, œuvres assez reconnaissables, les aime signer en plus sur la bordure (j’ai gardé sa ponctuation rythmée de lied) : « La petite vierge en tête de ma lettre a été faite à votre intention, voilà quelques jours déjà… Vous voyez que je n’ai pas attendu de recevoir de vos nouvelles pour penser à vous ? […] L’œil clos du Château enferme l’image de la princesse Elade, que le commerce subtil des tendres lettres et des songes a dotée pour les visiteurs du désir, de la beauté des madones et des fées, sœur de cette Statue de Diane, si asexuée ou ambisexuée, conte l’un des philosophes du Banquet, que le jeune Grec qui la vint violer dans son temple l’approcha à la manière des philopaèdes, avant de se jeter dans la mer. […]   ISRAEL PORTE-COURONNE‌ lettre ouverte a louis de saint-jacques. […]   TRIBUNE LIBRE Nous recevons la lettre ci-dessous : Monsieur, Je viens d’avoir seulement connaissance d’une petite note de votre revue et qui serait amusante si elle était juste.

1232. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gabrielle d’Estrées. Portraits des personnages français les plus illustres du XVIe siècle, recueil publié avec notices par M. Niel. » pp. 394-412

Les lettres qu’on a de Henri IV à Gabrielle ont l’air authentique : ce ne sont que des billets, mais qui ont leur grâce. En voici quelques traits : Cette lettre est courte, afin que vous vous rendormiez après l’avoir lue. […] Mes chères amours, il faut dire vrai, nous nous aimons bien : certes, pour femme, il n’en est point de pareille à vous ; pour homme, nul ne m’égale à savoir bien aimer… Il est dommage qu’on puisse écrire de ces charmantes choses à plus d’une personne en si peu de temps : car les lettres à la marquise de Verneuil suivirent de près celles que j’indique, et leur ressemblent. […] [NdA] On a peu de lettres d’elle ; j’en lis deux qui sont imprimées tant bien que mal dans les Voyages aux environs de Paris, par Delort (t. 

1233. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres complètes de Buffon, revues et annotées par M. Flourens. » pp. 55-73

Foisset, d’après la tradition locale et d’après les nombreuses lettres qui lui ont passé sous les yeux, croit avoir le droit d’être moins favorable à la sensibilité et au cœur de Buffon : Je sens bien que je ne saurais vous persuader, me faisait l’honneur de m’écrire M.  […] Moi qui ai lu toute une correspondance de lui, des lettres de sa jeunesse et de son âge mûr, j’en ai reçu une impression indélébile. Mais puisque ces lettres existent, pourquoi ne les publierait-on pas, au moins en partie ? tout le monde verrait et jugerait ; peut-être, au grand jour, l’impression serait autre et se réduirait ; peut-être Buffon, qui se réservait aux grandes choses et qui ne montait son imagination et son talent qu’à haute fin, n’est-il coupable que d’avoir écrit des lettres trop ordinaires.

1234. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — III. (Fin.) » pp. 479-496

Pour nous qui ne l’avons pas connu, quelques lettres de lui publiées depuis sa mort et adressées à un Languedocien de ses admirateurs, M.  […] Nous donnant le dernier mot de sa fatigue et de sa sensibilité lassée, il dit dans une de ses lettres, du 28 décembre 1826, c’est-à-dire moins de cinq mois avant sa mort : Maintenant je suis vieux ; je me repose, élève mon fils, et cultive mon jardin au fond de ma petite campagne, où je vis très retiré depuis que je suis délivré des affaires, qui pendant seize ans m’ont détourné, malgré moi, de mes études chéries, et que me voilà rendu au repos dont ma vieillesse a besoin. […] Faisant allusion à certains termes assez impératifs de la lettre de nomination et qui laissaient peu la liberté du refus, Ramond aurait dit en riant : « Je suis préfet par lettre de cachet. » Cuvier n’a pas dédaigné d’égayer sa Notice de ces traits malins et de quelques autres qu’il faudrait avoir été contemporain pour accueillir et présenter dans leur juste mesure, sans rien exagérer ni forcer en les rapportant. — Cuvier et Ramond n’étaient pas au mieux ensemble ; ils avaient été en compétition pour la place de secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences.

1235. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Œuvres complètes d’Hyppolyte Rigault avec notice de M. Saint-Marc Girardin. »

Né en 1821, mort en 1858, dans sa trente-huitième année, nulle vie ne fut plus remplie que la sienne, et sans diversion aucune, par l’étude, par les lettres, par la culture continuelle de l’esprit, culture dans le cabinet, culture dans le monde et jusque dans les distractions apparentes, et aussi par les soins et les devoirs domestiques. […] Saint-Marc Girardin avait tiré parti de ce roman vertueux dans l’une de ses leçons en Sorbonne ; il avait déclaré admirables en effet les lettres de Palombe, et avait moralisé à ravir sur ce thème de la femme délaissée ; mais ce n’était pas à dire qu’il fallût prendre au pied de la lettre cet ingénieux paradoxe qui n’avait qu’un éclair de sérieux, et réimprimer le livre même. […] Ce livre, en effet, s’offrit d’abord sous forme de thèse pour le doctorat : la soutenance de Rigault est restée célèbre dans les fastes de la Sorbonne, de la Faculté des Lettres.

1236. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Œuvres de M. P. Lebrun, de l’Académie française. »

Ce qu’il y avait de plus irritant, c’est que le président du Sénat, François de Neufchâteau, plus candide que fin, lui avait fait à ce sujet de grands compliments et lui avait sans doute dit la phrase consacrée : « Vous n’avez jamais rien fait de mieux. » Aussi resta-t-il implacable dans sa rancune, et il laissa sans réponse la lettre, toute pleine de déférence et d’admiration, que le jeune débutant lui avait adressée en lui envoyant son ode. […] Lebrun qu’un homme de lettres et un homme de talent s’essayant avec art, avec étude, avec élégance, à des productions estimables et de transition. […] Il avait dû à la protection de Français de Nantes un de ces postes qui alors n’obligeaient à rien (ou à bien peu), et qui se donnaient à des gens de lettres distingués auxquels on voulait faire des loisirs. […] À la Chambre des Pairs, au Sénat, il a toujours pris en main l’intérêt des Lettres, ne se considérant jamais mieux à sa place en ce haut lieu que lorsqu’il est appelé à les y représenter et à les défendre.

1237. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset. »

Louvois écrivait donc à l’intendant, pour ne pas rester démuni de pièces dans son dire : « Il est important que si vous n’avez point fait d’impositions sur ce lieu, ou que vous n’en ayez pas gardé de copies, vous ne laissiez pas de m’envoyer des copies d’ordres et d’impositions faites sur la seigneurie de Traerbach et sur quelques autres lieux de la seigneurie de Sponheim, dont le roi est en possession, lesquelles vous daterez d’entre le Ier mai 1681 et le 10 juillet, et me les enverrez par le retour de ce courrier, avec cette lettre que vous me renverrez aussi en même temps, observant de faire en sorte que personne ne puisse avoir connaissance de ce que je vous mande. » Cela fait et les pièces réelles ou fictives obtenues, il était tout naturel que Louvois pût écrire à M. de Croissy, son collègue des Affaires étrangères, et qui ne voyait, de tout ce manège, que la surface : « Vous trouverez dans ce paquet les pièces nécessaires pour mettre M. de Crécy (le ministre qui représentait la France près de la Diète) en état de faire voir aux députés à la Diète de Ratisbonne que le roi a été en possession de Traerbach auparavant le 1er août 1681. […] Ces trésoriers avaient coutume d’envoyer les fonds nécessaires au moyen de lettres de change payables à Strasbourg, et ce n’était pas ici le compte, puisqu’on allait agir contre Strasbourg même. […] La lettre de M. de Chamilly, par laquelle il essaye de disculper sa femme de ce trop de zèle, porte les apostilles suivantes de la main même de Louvois, et c’est en ce sens qu’il dut lui être répondu ; on croit entendre une de ces lettres impératives et sensées comme nous en connaissons, écrites sous une dictée puissante : « Il est bon que Mme de Chamilly se mêle de son domestique et de rien autre chose sur les affaires de cette nature.

1238. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid. »

Cette édition47 où le texte est soigneusement collationné, où l’on donne les variantes, les corrections successives et authentiques, où rien n’est oublié au sujet de chaque pièce, ni les sources et origines, ni les termes de comparaison, ni les morceaux même de polémique qui s’y rapportent ; où l’on insérera des lettres de Corneille jusqu’ici éparses ou restées manuscrites, des pièces de vers publiées çà et là dans des recueils du temps et jusqu’aux plus minces productions du grand poète, promet d’être un modèle en son genre et tout à fait monumentale. […] Cette œuvre méritoire et d’un si grand labeur, entreprise à bonne fin, pour l’honneur des Lettres, est digne de tout encouragement et de tout éloge. […] j’ai souvent ouvert, avec la meilleure volonté du monde, Corneille, Racine et Boileau, et je sens tout ce qu’ils ont de talent ; mais je ne puis en soutenir la lecture, et il me paraît évident qu’une partie des sentiments les plus profonds qu’éveille la poésie est restée lettre close pour ces auteurs56… » L’aveu est assez clair. […] Un peu d’attention, quand on est homme de lettres véritable, est la seule récompense qu’on ambitionne.

1239. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Méditations sur l’essence de la religion chrétienne, par M. Guizot. »

sa vénérable mère dans cette mise antique et simple, avec cette physionomie forte et profonde, tendrement austère, qui me rappelait celle des mères de Port-Royal, et telle qu’à défaut d’un Philippe de Champagne, un peintre des plus délicats nous l’a rendue ; cette mère du temps des Cévennes, à laquelle il resta jusqu’à la fin le fils le plus déférent et le plus soumis, celle à laquelle, adolescent, il avait adressé une admirable lettre à l’époque de sa première communion dans la Suisse française20 ; je la crois voir encore en ce salon du ministre où elle ne faisait que passer, et où elle représentait la foi, la simplicité, les vertus subsistantes de la persécution et du désert : M.  […] J’ai lu autrefois cette lettre manuscrite qui s’était conservée parmi quelques personnes du canton de Vaud, et qu’on citait comme un monument de foi et un témoignage de grave jeunesse. […] Je crois pouvoir me permettre ici de donner la lettre que j’ai reçue de M.  […] Il ne serait pas exact de penser, comme paraît l’avoir cru l’illustre écrivain, d’après une autre lettre de lui écrite à la même date et dont j’ai eu communication, que ce « philosophe critique, sans femme, sans enfants, sans affaires, spectateur curieux et douteur, ce soit moi-même », et que j’aie mis là mon portrait en regard du sien.

1240. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Un honnête homme bien informé, Meneval, affirme le fait du conseil donné, et il avait vu de ses yeux une lettre accusatrice qui aurait échappé aux précautions du coupable. […] À peine avait-il le pied hors de la chambre que de Perray s’empressa de repêcher la lettre compromettante et de la tirer du feu. Cette lettre, qui a été montrée depuis à plusieurs personnes, dont quelques-unes encore existantes, disait en substance ce que Menéval lui-même a résumé dans ses Souvenirs historiques (tome III, page 85). […] Et qu’on lise aussi dans le Bibliophile français (n° du 1er août 1868) deux lettres de Talleyrand dans sa jeunesse, du Talleyrand d’avant la Révolution, d’avant l’épiscopat adressées en 1787 à son ami Choiseul-Goufïier, ambassadeur à Constantinople : c’est vif, court, agréable, aimable, en même temps qu’on y sent un premier souffle de libéralisme sincère, un souci des intérêts populaires qui semble, en vérité, venir du cœur autant que de l’esprit.

1241. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Fontaine »

Fouquet lui commande dizains et ballades, il en fait ; madame de Bouillon, des contes, et il est conteur ; un autre jour ce seront des fables pour monseigneur le Dauphin, un poëme du Quinquina pour madame de Bouillon encore, un opéra de Daphné pour Lulli, la Captivité de saint Malc à la requête de MM. de Port-Royal ; ou bien ce seront des lettres, de longues lettres négligées et fleuries, mêlées de vers et de prose, à sa femme, à M. de Maucroix, à Saint-Évremond, aux Conti, aux Vendôme, à tous ceux enfin qui lui en demanderont. […] Mais il avait, comme tout poëte, ses secrets, ses finesses, sa correction relative ; il s’en souciait peu ou point dans ses lettres en vers ; peu encore, mais davantage, dans ses contes ; il y visait tout à fait dans ses fables. […] Saint-Évremond, qui cherchait à l’attirer en Angleterre auprès de la duchesse de Mazarin, reçut de la courtisane Ninon une lettre où elle lui disait : « J’ai su que vous souhaitiez La Fontaine en Angleterre ; on n’en jouit guère à Paris ; sa tête est bien affoiblie.

1242. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Mathurin Regnier et André Chénier »

Il le sentait bien, et ne se livrait à elles que par instants, pour revenir ensuite avec plus d’ardeur à l’étude, à la poésie, à l’amitié. « Choqué, dit-il quelque part dans une prose énergique trop peu connue44, choqué de voir les lettres si prosternées et le genre humain ne pas songer à relever sa tête, je me livrai souvent aux distractions et aux égarements d’une jeunesse forte et fougueuse : mais, toujours dominé par l’amour de la poésie, des lettres et de l’étude, souvent chagrin et découragé par la fortune ou par moi-même, toujours soutenu par mes amis, je sentis que mes vers et ma prose, goûtés ou non, seraient mis au rang du petit nombre d’ouvrages qu’aucune bassesse n’a flétris. Ainsi, même dans les chaleurs de l’âge et des passions, et même dans les instants où la dure nécessité a interrompu mon indépendance, toujours occupé de ces idées favorites, et chez moi, en voyage, le long des rues dans les promenades, méditant toujours sur l’espoir, peut-être insensé, de voir renaître les bonnes disciplines, et cherchant à la fois dans les histoires et dans la nature des choses les causes et les effets de la perfection et de la décadence des lettres, j’ai cru qu’il serait bien de resserrer en un livre simple et persuasif ce que nombre d’années m’ont fait mûrir de réflexions sur ces matières. » André Chénier nous a dit le secret de son âme : sa vie ne fut pas une vie de plaisir, mais d’art, et tendait à se purifier de plus en plus. […] Premier chapitre d’un ouvrage sur les causes et les effets de la perfection et de la décadence des lettres.

1243. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre IV. Le roman »

Il ne ressemble guère aux gens de lettres du xviiie siècle, si remuants, si désireux de s’étaler, d’occuper le monde de leurs personnes. […] On peut dire que Montesquieu dans ses Lettres persanes a créé le genre. […] La Nouvelle Héloïse 503 est, avant tout, un roman philosophique : une foule de thèses sociales et morales sont posées, discutées, résolues dans des lettres particulières ; et le roman lui-même, dans l’ensemble de son développement, démontre une des thèses favorites de Jean-Jacques. […] Lettres d’Aristénète (cette trad.

1244. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « La génération symboliste » pp. 34-56

Il se sent impropre lui-même au commerce et à la finance, mais qu’il ne fasse pas même allusion à la carrière diffamée des lettres (car à l’époque, pour les gens, bohème et littérature c’est tout un) s’il ne veut pas encourir la malédiction paternelle et entendre sa mère s’écrier, dans un sursaut d’indignation et de révolte : Ah ! […] Les victimes de la phtisie ne se comptent plus dans le monde des lettres. […] Qu’elle est touchante cette humilité, cette attitude discrète, effacée de Jules Laforgue et qui ressort de la lecture de ses lettres, quand on songe surtout à la qualité de son talent ! […] Il venait le remercier d’une lettre courtoise qu’il en avait reçue.

1245. (1886) De la littérature comparée

— c’est à cette heureuse expérience d’un homme lettres illustrant un enseignement universitaire, que je dois sans doute l’honneur d’avoir été appelé ici. […] Des écrivains, comme Villemain d’abord, puis comme Sainte-Beuve, ne se contentèrent plus de proclamer leur jugement sur les œuvres et sur les hommes, mais cherchèrent à les expliquer et s’appliquèrent à déterminer, non plus leur valeur absolue, mais leur « sens historique ». — À mesure qu’il avance dans sa carrière d’écrivain, Sainte-Beuve tend à rapprocher davantage la critique de l’histoire : ses études, dont le recueil constitue un document si précieux pour l’histoire des lettres modernes, s’écartent de plus en plus du point de vue essentiellement esthétique de ses devanciers et de ses contemporains ; ses appréciations s’entourent de notes sur les ascendants de l’auteur, qu’il examine, sur sa famille, sa ville, sa province, sa race ; puis sur son enfance, sur l’éducation qu’il a reçue, sur les influences qu’il a subies ; puis il recherche quelles ont pu être ses opinions sur les matières les plus importantes : quelles étaient ses croyances religieuses ? […] Il faut dire que l’Église est plutôt hostile que sympathique à la culture antique : elle en devine le danger, et, sans écouter certains de ses docteurs qui, comme saint Basile et saint Augustin, se montrent indulgents pour les lettres païennes, elle s’efforce de les tenir à l’écart. […] Quels efforts il a fallu pour préparer le siècle de la Renaissance, c’est ce que montrerait la comparaison la plus superficielle entre l’art et les lettres avant et depuis ce mouvement.

1246. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « La reine Marguerite. Ses mémoires et ses lettres. » pp. 182-200

Les lettres mêmes qu’on a d’elle n’en disent guère davantage. On a des lettres d’amour qu’elle adressait à l’un de ceux qu’elle a dans un temps le plus aimés, Harlay de Champvallon. […] Il semblerait, en vérité, à lire ces lettres, que Marguerite n’a point aimé de cœur, mais plutôt de tête et d’imagination ; que, ne sentant proprement de l’amour que le physique, elle se croyait tenue d’en raffiner d’autant plus l’expression et de pétrarquiser en paroles, elle qui était si positive dans le procédé. […] Ce qu’il faut rappeler à l’honneur de la reine Marguerite, c’est son esprit, c’est son talent de bien dire, c’est ce qu’on lit à son sujet dans les Mémoires du cardinal de Richelieu : « Elle était le refuge des hommes de lettres, aimait à les entendre parler ; sa table en était toujours environnée, et elle apprit tant en leur conversation qu’elle parlait mieux que femme de son temps, et écrivit plus élégamment que la condition ordinaire de son sexe ne portait. » C’est par là, c’est par quelques pages exquises qui sont une date de la langue, qu’elle est entrée à son tour dans l’histoire littéraire, ce noble refuge de tant de naufrages, et qu’un rayon dernier et durable s’attache à son nom.

1247. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « La Fontaine. » pp. 518-536

Voltaire peut-être a raison, et pourtant la postérité, qui n’a pas à opter entre ces chefs-d’œuvre divers ni à se décider pour l’un au détriment des autres, la postérité, qui n’est pas homme de lettres, ne se pose point la question de la sorte ; elle ne recherche pas ce qui est plus ou moins difficile ou élevé comme art, comme composition ; elle oublie les genres, elle ne voit plus que le trésor moral de sagesse, de vérité humaine, d’observation éternelle qui lui est transmis sous une forme si parlante et si vive. […] Un parent de Mme de La Fontaine, Jannart, qui était substitut de Fouquet dans la charge de procureur général au parlement de Paris, eut occasion de recommander le poète à ce surintendant spirituel et ami généreux des lettres. […] Voltaire, dans une lettre à Vauvenargues, rapportant le talent de La Fontaine à l’instinct, à condition que ce mot instinct fût synonyme de génie, ajoutait : « Le caractère de ce bonhomme était si simple, que dans la conversation il n’était guère au-dessus des animaux qu’il faisait parler… L’abeille est admirable, mais c’est dans sa ruche ; hors de là l’abeille n’est qu’une mouche. » On vient de voir, au contraire, que La Fontaine voulait qu’on fût abeille, même dans l’entretien. […] Voltaire, voulant expliquer le peu de goût de Louis XIV pour La Fontaine, a dit : Vous me demandez pourquoi Louis XIV ne fit pas tomber ses bienfaits sur La Fontaine comme sur les autres gens de lettres qui firent honneur au grand siècle.

1248. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre III : La littérature du xviiie et du xixe  siècle »

Il est de ce beau temps des lettres françaises par la mesure, les images modérées et justes, par l’éclat doux et égal, par les beautés antiques pensées et senties de nouveau, par le style, où il a la noblesse du grand siècle sans en avoir l’étiquette. […] Il prend à la lettre ces paroles de sa préface : « Je n’ai pas naturellement l’esprit désapprobateur. » Il le loue d’avoir fait contre-poids par des idées de respect pour les choses existantes à l’esprit de censure qui s’attaquait au bien comme au mal. […] L’Esprit des Lois est lui-même, après les Lettres persanes, le commencement et un des premiers grands exemples de l’esprit de censure. […] Les Lettres à M. de Malesherbes, les Promenades d’un rêveur solitaire, quelques pages des Confessions, ont donné les premières notes de ce chant plaintif que depuis nous avons entendu si souvent retentir, et que les générations froides et positives d’aujourd’hui commencent à dédaigner.

1249. (1927) Approximations. Deuxième série

Le fragment de lettre de M.  […] Stephen Hudson — qui fut l’ami de Proust — sont inclus trois précieux fragments de lettres. […] Je ne vois plus, à la lettre, l’échelle sur laquelle il est juché et ainsi il m’apparaît suspendu dans le vide. […] Lettre de Stendhal à Balzac. […] Strachey est à tous égards un amateur exquis des lettres et de l’esprit français.

1250. (1907) Le romantisme français. Essai sur la révolution dans les sentiments et dans les idées au XIXe siècle

Faut-il rappeler qu’il a été le plus choyé des hommes de lettres modernes ? […] Julie, à lire telles lettres brûlantes, n’est pas la dernière à en estimer les solides douceurs. […] Et il écrit ces lettres si fâcheusement ingénieuses ! […] Celles qui étaient auteurs ont laissé des lettres, des mémoires, des romans, n’écrivant que de ce qu’elles étaient, dans la réalité même, inimitables à manier et à animer. […] Il a dans un portefeuille les lettres qu’il en a reçues et un poignard qu’il montre.

1251. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LVIII » pp. 220-226

L'abbé Dupanloup, encouragé par le succès de sa première lettre au duc de Broglie, en a publié une deuxième, qui a moins réussi : personne ne sait s’arrêter à temps et ne pas abuser. — Le Rancé de Chateaubriand a été une déception ; les articles de M. […] Lisez pourtant, parcourez les œuvres de tous, vous y verrez à divers degrés les mêmes sujets de tristesse, vous y entendrez les mêmes soupirs et, par moments, les mêmes cris : « Mais toi, idole de ma jeunesse, Amour dont je déserte le temple à jamais, s’écrie George Sand dans les Lettres d’un voyageur, adieu !

1252. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XIX. Réflexions morales sur la maladie du journal » pp. 232-240

Leurs grosses lettres sollicitent le sou du passant : elles résument, elles promettent une grave nouvelle. […] Et aux lettres ?

1253. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface d’« Hernani » (1830) »

Dans les lettres, comme dans la société, point d’étiquette, point d’anarchie : des lois. […] Lettre aux éditeurs des poésies de M. 

1254. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger en 1832 »

Quand je me dis combien de manières il y a de mal observer un homme qu’on croit bien connaître, de mal regarder, de mal entendre un fait qui se passe presque sous les yeux ; quand je songe combien d’arrivants béats et de Brossettes apprentis j’ai vu rôder, le calepin en poche, autour de nos quatre ou cinq poëtes ; combien d’inconstantes paroles jetées au vent pour combler l’ennui des heures et varier de fades causeries se sont probablement gravées à titre de résultats sentencieux et mémorables ; combien de lettres familières, arrachées par l’importunité à la politesse, pourront se produire un jour pour les irrécusables épanchements d’un cœur qui se confie ; quand, allant plus loin, je viens me demander ce que seraient, par rapport à la vérité, des mémoires sur eux-mêmes élaborés par certains génies qui ne s’en remettraient pas de ce soin aux autres, oh ! […] C’était le temps enfin du Grenier, des amis joyeux, de la reprise au revers du vieil habit ; l’aurore du règne de Lisette, de cette Lisette infidèle et tendre comme Manon, et dont il est dit dans un fragment de lettre qu’on me pardonnera de citer : « Si vous m’aviez donné à deviner quel vers vous avait choquée dans le Grenier (J’ai su depuis qui payait sa toilette), je vous l’aurais dit. […] — Effectivement, » ajouta Béranger Vers la fin de 1803, Béranger ayant fait un paquet de ses meilleurs vers, idylles, méditations, dithyrambes, etc., etc., les adressa, en les accompagnant d’une lettre fort digne, à un personnage éminent d’alors. […] Lucien Bonaparte (car c’était lui) accueillit en ami des lettres le jeune poëte, écouta ses projets, lui recommanda la correction, lui déconseilla Clovis comme barbare ; il eût préféré César. […] Quant à Béranger, il est bien l’homme de sa réputation, le chansonnier populaire de ces quinze années ; oui, messieurs, populaire à la lettre, bien autrement que Desaugiers, qu’on lui a opposé sans justice, et qui réussit peut-être mieux auprès des gastronomes ; populaire exactement dans le même sens qu’Émile Debraux et autres que ni vous ni moi ne connaissons.

1255. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SUE (Jean Cavalier). » pp. 87-117

Madame de Charrière, dans les Lettres de mistriss Henley, a su exprimer cette même mésintelligence intime par des contrastes qui sont encore des nuances, et qui n’ont rien de désagréable au lecteur. […] On lui doit, à la fin de son quatrième volume, la publication de lettres manuscrites d’une sœur Demerez de l’Incarnation, véritable gazette où sont notés au fur et à mesure par une plume catholique les principaux contre-coups et les terreurs de cette guerre des Cévennes. […] Ici les reproches de l’auteur contre Louis XIV deviennent fondés ou du moins plausibles ; il est piquant et il n’est peut-être pas faux de soutenir que les rigueurs contre les protestants augmentent graduellement en raison directe des scrupules et des remords du grand roi, et qu’il croit, à la lettre, faire pénitence à leurs dépens. […] Les lettres de ce dernier nous ont laissé des renseignements prochains et des impressions fidèles sur les camisards et Jean Cavalier. […] Toutes ces critiques, au reste, ces observations mêlées d’éloges et de réserves, l’auteur qui en est l’objet et à qui nous les soumettons nous les passera ; elles sont même, disons-le, un hommage indirect que nous adressons en lui à une qualité fort rare aujourd’hui et presque introuvable chez les hommes de lettres et les romanciers célèbres.

1256. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. NISARD. » pp. 328-357

Voilà la république des lettres telle qu’elle est. […] Mais, à mesure qu’il avançait, l’esprit qui domine dans ce livre augmentait aussi d’influence, et y donnait une couleur qui n’a pas été assez remarquée des critiques : n’y voyant que la lettre, ou faisant semblant, ils l’ont traité comme un pur ouvrage de littérature ancienne. […] Nisard, dans une lettre adressée à la Revue des Deux Mondes 15 novembre 1836), a pris le soin de relever quelques-unes de nos assertions : nous nous sommes d’autant plus aisément abstenu d’y répondre alors, qu’il nous a été impossible d’y voir, de sa part, autre chose qu’une démonstration développée de nos paroles. […] L’abbé du Guet, je me le rappelle, dans une lettre sur les études classiques, ne craint pas de recommander Stace pour quelques pièces charmantes des Sylves. […] Dans ces Sylves trop prolongées de détail, infiniment trop curieuses, sans doute, de descriptions matérielles, il y a des traits d’amitié sensible et d’amour des lettres qui méritaient de racheter bien des fautes.

1257. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « UNE RUELLE POÉTIQUE SOUS LOUIS XIV » pp. 358-381

Ce fut vers 1735 que se fit cette grande découverte : presque à la fois le Mercure Suisse, dans le numéro d’avril de cette année, le baron de La Bastie et le président Bouhier, dans des lettres à l’abbé Le Clerc (janvier et février 1735)192, dénonçaient ou discutaient le prétendu plagiat. […] Au tome VI des Mélanges publiés par la Société des Bibliophiles, on lit la lettre suivante de Mme Des Houlières au prince : « 22 décembre 1656. […] Pour celle de Paris, continuez à faire arrêter les lettres de Mons. […] Cela ne m’empêchera pas de vous conjurer d’avoir de l’amitié pour une personne de qui vous êtes chèrement aimé. — Brûlez ma lettre : il est important pour moi. » Malgré les quelques obscurités qu’on y roudrait éclaircir, une telle, de la part d’une jeune femme de dix-neuf ans, ne laisse pas d’être significative. […] Lettre de Rousseau à Brossette du 4 juillet 1730 : « Il y a plus de substance dans le moindre quatrain de Mlle Chéron que dans tout ce qu’a fait en sa vie Mme Des Houlières… » Peste !

1258. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre I »

Lettres de M. de Crosne, intendant de Romeu (17 février 1784) ; de M. de Blossac, intendant de Poitiers (9 mai 1784) ; de M. de Villeneuve, intendant de Bourges (28 mars 1784) ; de M. de Cypierre, intendant d’Orléans (28 mai 1784) de M. de Mazirot, intendant de Moulins (28 juin 1786), de M. de Pont, intendant de Moulins (16 novembre 1779), etc. […] Lettre de la comtesse de Saint-Georges (1772) sur les conséquences de la gelée : « Les terres vont achever cette année de rester incultes, comme il y en a déjà beaucoup, dans notre paroisse surtout. » — Théron de Montaugé, ib. […] Éphémérides du citoyen, XX, 146 (Lettre de la marquise de… 17 août 1767). […] (Lettre du 18 août 1777.) […] Archives nationales, H, 1463 (Lettre de M. de Fontette du 16 novembre 1771). — Cf. 

1259. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. Le théâtre romantique »

Le duc de Guise meurtrit le bras de sa femme pour lui faire écrire la lettre qui attirera Saint-Mégrin dans le guet-apens ; la duchesse de Guise se fait briser le bras pour tenir sa porte fermée, pendant que Saint-Mégrin fuit par la fenêtre et qu’on entend le tumulte des assassins qui le reçoivent. […] Point d’intrigue, un minimum d’action : « C’est l’histoire d’un homme qui a écrit une lettre le matin, et qui attend la réponse jusqu’au soir ; elle arrive, et le tue ». […] Visconti sur l’Unité de temps et de lieu, une lettre de Manzoni à M.  […] Vigny, Dernière Nuit de travail (Préface de Chatterton) ; Avant-Propos de la Maréchale d’Ancre ; Avant-Propos de l’éd. de 1839 et Lettre à Lord *** (avant le More de Venise). […] Lettre à Lord***.

1260. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre troisième »

La beauté suprême des lettres françaises, dans Molière comme dans Bossuet, qu’est-ce autre chose que l’expression parfaite des vérités de la philosophie chrétienne ? […] C’est un débat qui n’est pas de mon sujet ; mais s’il est vrai que les catholiques du seizième siècle, secoués par le mouvement général des esprits, et réveillés par cette renaissance des lettres et des arts qui rendit bientôt toute ignorance ignominieuse, se seraient enfin arrachés d’eux-mêmes aux puérilités de la scolastique et aux langueurs de l’autorité ; s’il est vrai qu’ils auraient enfin retrouvé par la science la philosophie chrétienne ; il ne l’est pas moins, et avec l’avantage d’un fait accompli sur un fait probable, que la Réforme seule a provoqué et consommé cette restauration. […] Il écrivait des lettres et des exhortations aux réformés qu’on emprisonnait. […] Le célèbre Sadolet, croyant le moment favorable pour ramener cette ville à l’orthodoxie, l’y avait exhortée par une lettre pleine d’onction chrétienne et d’imitations de l’antiquité classique. […] Calvin s’était trahi dans une lettre écrite dès 1546, à l’époque où Servet songeait à venir à Genève : « S’il y vient, écrivait-il à son collègue Farel, pour peu que mon autorité puisse prévaloir, je ne souffrirai pas qu’il en sorte vivant76. » Le logicien de la prédestination exécutait sept ans d’avance les prétendus jugements de Dieu, tant il croyait le repentir impossible au prédestiné !

1261. (1767) Sur l’harmonie des langues, et en particulier sur celle qu’on croit sentir dans les langues mortes

Sur l’harmonie des langues, et en particulier sur celle qu’on croit sentir dans les langues mortes ; et à cette occasion sur la latinité des modernes On entend tous les jours des gens de lettres se récrier sur l’harmonie de la langue grecque et de la langue latine, et sur la supériorité qu’elles ont à cet égard au-dessus des langues modernes, sans compter d’autres avantages encore plus grands, qui tiennent à la nature et au génie de ces langues. […] Et serait-ce louer un auteur de lettres écrites en français, de dire qu’en le lisant on croit lire Molière ? […] Cicéron a écrit dans bien des genres, et ces genres demandaient des styles différents ; il a écrit des dialogues qui pouvaient permettre des expressions familières ou moins relevées que les harangues ; il a écrit surtout un grand nombre de lettres, où certainement il a employé bien des tours de conversation, que le style grave et soutenu n’aurait pas permis ; que faudrait-il penser d’un écrivain qui risquerait ces mêmes phrases dans un discours sérieux ? […] Notes (1) Ce dernier raisonnement, si péremptoire, est d’un chanoine de Rouen, qui n’ayant jamais été attaqué, ni même connu de l’auteur de cet article, a jugé à propos de lui dire beaucoup d’injures dans une critique qu’il a faite de trois ou quatre des nombreux articles donnés par cet homme de lettres à l’Encyclopédie 4. […] De se borner, dans ses critiques, à relever les erreurs de dates, de noms propres, d’une lettre mise pour une autre, d’une virgule de trop ou de moins, et autres méprises de cette espèce, à condition cependant qu’il y sera fort exact, ce qui ne lui arrive pas toujours ; mais de ne pas toucher aux raisonnements bons ou mauvais, et de s’abstenir de raisonner lui-même le plus qu’il lui sera possible.

1262. (1905) Promenades philosophiques. Première série

Remarque que je boucle les e, malgré la petitesse des lettres ! […] Accents. — La Commission admet l’utilité des accents aigu et grave portant sur la lettre e. […] Y a-t-il réaction étymologique le jour où des écrivains font resurgir cette lettre ? […] On réintégrait dans les mots français les lettres latines qui étaient tombées au cours des siècles. […] C’est peut-être que son conseil ne fut pas suivi à la lettre.

1263. (1930) Le roman français pp. 1-197

On peut soupçonner Lenôtre, qui a des lettres et de l’imagination littéraire, d’avoir été influencé par lui. […] Ajoutez que ces deux parfaits gentilshommes de lettres semblent avoir été particulièrement dépourvus de véritable imagination créatrice. […] Rod était un excellent homme de lettres, consciencieux, correct : lisez les deux ouvrages et comparez la différence des talents. […] Qu’on lise Un homme de lettres, cette belle nouvelle d’une cruauté si poignante. […] Par ce sentiment, on voulut renouveler nos lettres.

1264. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 5482-9849

Des lettres de recommandation s’appelloient autrefois des lettres de faveur. […] Gens de Lettres Gens de Lettres, (Philosophie & Littérat. […] C’est cet esprit philosophique qui semble constituer le caractere de gens de lettres ; & quand il se joint au bon goût, il forme un littérateur accompli. […] Un bel esprit peut aisément ne point mériter le titre d’homme de lettres ; & l’homme de lettres peut ne point prétendre au brillant du bel esprit. […] Qu’on lise encore ce passage du philosophe Maxime de Madaure, dans sa lettre à saint Augustin.

1265. (1856) Cours familier de littérature. I « Ier entretien » pp. 5-78

Cicéron, le plus littéraire de tous les hommes qui ont jamais existé sur la terre, a écrit une phrase magnifique, à immenses circonvolutions de mots sonores comme le galop du cheval de Virgile, sur les utilités et les délices des lettres. […] Elle m’enseignait à lire et à former une à une ces lettres mystérieuses qui en s’assemblant composent la syllabe, puis, en rassemblant encore davantage, le mot ; puis, en se coordonnant d’après certaines règles, la phrase ; puis, en liant la phrase à la phrase, finissent par produire, ô prodige de transformation ! […] Ces professeurs aimés me cultivèrent avec une tendre sollicitude, comme un enfant qui promettait au moins un amour instinctif pour les lettres : ils étaient idolâtres du beau dans le style. […] L’aptitude de cette race aux affaires ou aux lettres était proverbiale dans nos contrées. […] Cette connaissance si approfondie et si universelle des sciences, des lettres, de la diplomatie, des cours et des hommes, ne s’expliquait pas autrement que par des conjectures.

1266. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre III. Poëtes françois. » pp. 142-215

La postérité le mettra au nombre de ces citoyens généreux, qui, malgré une fortune bornée, ont plus honoré & encouragé les lettres, que quelques Souverains. […] M. de la Dixmerie, en comparant les efforts du génie & du goût dans les Lettres sous Louis XIV. […] “J’ai fait, dit-il, dans ses Lettres secrettes, une grande sottise de composer un opéra ; mais l’envie de travailler pour un homme comme M. […] Le premier a été cité par Boileau, comme un modèle en ce genre ; mais c’est un modèle que bien peu de gens de lettres seront tentés de prendre pour leur objet d’imitation. […] Il regne un Froid & sec entortillage dans les Lettres héroïques de Fontenelle ; son style est sans chaleur & sans images.

1267. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — P.-S. » pp. 38-40

Je reprends ma lettre où je l’ai interrompue le matin, pour vous dire que ce prédicateur est charmant par sa solidité, son onction, son ordre, sa netteté et sa vivacité d’élocution, et, au milieu de tout cela, par son incomparable modestie. […] Par ces traits tout spirituels, elle n’est pas moins une petite Palestine pour nous et une figure du ciel que par ses figues, ses muscats, ses olives, ses oranges, etc. » — On voit que cet ami de Racine n’était pas sans avoir l’imagination quelque peu riante. — Il est moins question dans les toutes dernières lettres que nous avons de lui des deux prédicateurs émules ; la Cour les enlève à la ville ; Versailles et le monde, ce sera peu à peu l’écueil de l’illustre Massillon : « (23 mars 1700).

1268. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Andrieux »

Il était érudit, studieux avec friandise, intimement versé dans Horace, dont il donnait d’agréables et familières traductions, sachant tant soit peu le grec, et par conséquent beaucoup mieux que les gens de lettres ne le savaient de son temps : car de son temps les gens de lettres ne le savaient pas du tout, et, quelques années plus tard, la génération littéraire suivante, dite littérature de l’Empire, et dont était M. de Jouy, sut à peine le latin.

1269. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre II. De la sensibilité considérée comme source du développement littéraire »

Le fier et laconique billet de François Ier, défait et pris à Pavie : « Tout est perdu, fors l’honneur », a été laborieusement extrait d’une lettre peu héroïque du roi par un historien qui a voulu jeter un peu de gloire sur la honte de la monarchie française. […] Des lettres intimes sont parvenues jusqu’à nous, où nous trouvons exprimée, avec la plus déchirante éloquence, la douleur d’un père dont la fille est morte, d’une mère que sa fille a quittée.

1270. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Desbordes-Valmore, Marceline (1786-1859) »

[Lettre du 25 décembre 1859.] […] À ceux qui insistent, aujourd’hui, sur l’infériorité des femmes, sur leur incapacité foncière et pour ainsi dire organique, il suffit de répondre par ce nom-là, une femme tout uniquement de génie, mieux que George Sand, trop consacrée, et qui, vraiment, ne fut, elle, qu’un homme de lettres.

1271. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — L’abbé Boileau, et Jean-Baptiste Thiers. » pp. 297-306

Ce même homme se déclara, dans une lettre anonyme, pour l’usage de la discipline. […] Les jésuites approuvèrent la lettre anonyme.

1272. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 17, quand ont fini les représentations somptueuses des anciens. De l’excellence de leurs chants » pp. 296-308

Mais d’un autre côté nous voïons aussi dans plusieurs lettres de Cassiodore, qui ont été déja citées, et qui sont écrites vers l’an de Jesus-Christ cinq cens vingt, que les théatres étoient encore ouverts à Rome un siecle entier après les temps dont parle S. […] Ce sac plus cruel dans toutes ses circonstances que les précedens, et qui fut la cause qu’on vit des femmes patriciennes mandier à la porte de leurs propres maisons, dont les barbares s’étoient rendus les maîtres, est la véritable époque de l’anéantissement presque total des lettres et des arts, que du moins on cultivoit toujours, quoique ce fut sans beaucoup de fruit.

1273. (1890) La bataille littéraire. Troisième série (1883-1886) pp. 1-343

À ces belles et émouvantes pages succède une lettre, un chef-d’œuvre comme la lettre de Manon, où la pauvre fille en appelle à tout le passé pour ramener celui qui la repousse. […] Mais je serais cent fois plus méridional que Roumestan, que Tartarin, si j’oubliais la lettre que je t’ai écrite ! […] C’est alors qu’écœuré, je t’ai écrit cette lettre que je ne regrette pas, je le jure. […] Écrire une lettre est pour moi une torture. […] Par désespoir, je ferme la lettre avec le sentiment de mettre à la poste quelque chose de pitoyable.

1274. (1863) Causeries parisiennes. Première série pp. -419

Il aura ses lettres de marque bien en règle, et l’équipage ne courra pas de grands dangers. […] Tristes échanges de personnalités où la dignité des lettres est singulièrement compromise ! […] D’après le temps qu’il leur faut pour se formuler, j’ai été souvent tenté de croire qu’ils étaient frappés lettre à lettre — par un pied de fauteuil, bien entendu, — comme les messages spiritistes. […] mais c’est un homme de lettres. — C’est vrai ! […] Il va partir bien des chroniqueurs pour Londres, et ils nous écriront bien des lettres, hélas !

1275. (1861) Questions d’art et de morale pp. 1-449

Ce volume reproduit quelques leçons à peine retouchées d’un enseignement à la Faculté des lettres de Lyon. […] Jamais tout homme de lettres ne se tint si fort pour affranchi de la routine, pour maître et souverain de son esprit. […] par qui les gens de lettres sont-ils applaudis, enrichis et par conséquent inspirés ? […] Le poète s’en va, l’homme de lettres commence. […] L’esprit a pu se séparer complètement de la lettre.

1276. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1870 » pp. 3-176

L’aimable lettre que celle de Mme ***… et l’ineffable tendresse qu’elle m’apporte à travers la personne de Jésus-Christ. […] On cause de la lettre de Renan à Strauss. […] Il existe, à ce qu’il paraît, une lettre d’un nom connu de l’opposition, qui demande à l’Empereur de lui payer 100 000 francs de dettes… — « Très bien, dis-je, si on publie toutes les lettres, et si des connaissances, des relations, des amitiés, n’exemptent pas les uns du déshonneur, infligé aux autres !  […] Aux piliers sont accrochés des boucliers de carton sur lesquels se lisent les deux lettres : R.F. […] J’allais trouver Sainte-Beuve, pour qu’il me donnât une lettre de recommandation.

1277. (1902) Propos littéraires. Première série

Bergeret, maître de conférences à la Faculté des Lettres. […] Elles sont faites sur des mémoires, des souvenirs, des lettres. […] Cette lettre est de Bertrand. Cette lettre est pour Emmeline. « Madame, j’ai des soupçons. […] La lettre m’est envoyée pour que je la passe à une autre.

1278. (1887) Essais sur l’école romantique

Sa préface est passablement dédaigneuse ; on y lit en toutes lettres le mot perruque. […] Ou bien on fera semblant de ne m’avoir pas lu, ou, si l’on daigne faire mention de moi, on affectera d’estropier mon nom, d’autant plus qu’on en saura mieux toutes les lettres. […] Une telle polémique serait interminable ; elle aurait tout au plus le médiocre intérêt de montrer que les gens de lettres ne sont pas en reste de subtilités avec les avocats. […] C’est que j’ai le bonheur ou le malheur d’être un homme de lettres qu’on rend plus heureux par une marque d’estime que par un compliment. […] Victor Hugo débuta dans les lettres par le pire des apprentissages, celui des prix d’Académie.

1279. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « M. DE LA ROCHEFOUCAULD » pp. 288-321

C’était un mérite que personne n’avait eu avant lui, en Europe, depuis la renaissance des lettres. » Trois cent seize pensées formant cent cinquante pages eurent ce résultat glorieux. […] Ses lettres à Mme de Sablé, dans le temps de la confection des Maximes, nous le montrent plein de verve, mais de préoccupation littéraire aussi ; c’était une émulation entre elle et lui, et M. […] Les post-scriptum des lettres de La Rochefoucauld sont remplis et assaisonnés de ces sentences qu’il essaie, qu’il retouche, qu’il retire presque en les hasardant, dont il va peut-être avoir regret, dit-il, dès que le courrier sera parti : « La honte me prend de vous envoyer des ouvrages, écrit-il à quelqu’un qui vient de perdre un quartier de rentes sur l’Hôtel-de-Ville ; tout de bon, si vous les trouvez ridicules, renvoyez-les-moi sans les montrer à Mme de Sablé. » Mais on ne manquait pas de les montrer, il le savait bien. […] Dans la lettre si connue où elle raconte l’effet de cette mort sur Mme de Longueville, Mme de Sévigné ajoute aussitôt : « Il y a un homme dans le monde qui n’est guère moins touché ; j’ai dans la tête que s’ils s’étoient rencontrés tous deux dans ces premiers moments, et qu’il n’y eût eu personne avec eux, tous les autres sentiments auroient fait place à des cris et à des larmes que l’on auroit redoublés de bon cœur : c’est une vision. » Jamais mort, au dire de tous les contemporains, n’a peut-être tant fait verser de larmes et de belles larmes que celle-là. […] Un descendant de l’auteur des Maximes, le duc de La Rochefoucauld, l’ami de Condorcet qui était son oracle, et nourri de toutes les idées et les illusions du dix-huitième siècle (voir son Portrait au tome III des Œuvres de Rœderer, et au tome I des Mémoires de Dampmartin), a écrit une lettre à Adam Smith (mai 1778) sur les Maximes de son aïeul ; cette lettre où, tout en cherchant à l’excuser sur les circonstances où il a vécu, il lui donne tort sur l’ensemble, est d’un homme qui lui-même, à cette date, n’avait encore vu les hommes que par le meilleur côté.

1280. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIIe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

On commença par dépouiller les autels ; on défendit ensuite aux fidèles d’enseigner et d’étudier les Lettres… Les sophistes dont Julien était environné se déchaînèrent contre le christianisme. » Dans les temps modernes, au lendemain de Bossuet, « tandis que l’Église triomphait encore, déjà Voltaire faisait renaître la persécution de Julien. […] Une lettre qu’il reçut d’Europe, par le bureau des Missions étrangères, redoubla tellement sa tristesse, qu’il fuyait jusqu’à ses vieux amis. […] Elle fut alarmée du ton de contrainte qui régnait dans ma lettre, et de mes questions sur des affaires dont je ne m’étais jamais occupé. […] Quand je l’interrogeais, en la pressant dans mes bras, elle me répondait avec un sourire, qu’elle était comme moi, qu’elle ne savait pas ce qu’elle avait. » XXXII Un matin il trouva une lettre d’Amélie sur son lit. […] L’ordre était donné pour le départ de la flotte ; déjà plusieurs vaisseaux avaient appareillé au baisser du soleil ; je m’étais arrangé pour passer la dernière nuit à terre, afin d’écrire ma lettre d’adieux à Amélie.

1281. (1856) Cours familier de littérature. I « Digression » pp. 98-160

Le courrier me connaissait parce que j’avais signé souvent son passeport pour les villes d’Italie ; il me dit que ses voyageuses s’appelaient madame Gay et mademoiselle Delphine Gay, sa fille ; que ces dames avaient regretté de ne pas me rencontrer à Florence ; qu’elles avaient des lettres de recommandation pour moi, et qu’elles espéraient me rencontrer à Rome ; puis, montant aussitôt sur son cheval tout sellé à la porte de l’auberge, il galopa sur la route des Cascades pour aller prévenir les deux Françaises que j’étais à Terni, et que j’allais bientôt les rejoindre à la chute du Vellino. […] Quant à elle, elle se réfugia de plus en plus dans les lettres, pour mieux constater son alibi dans les blessures que les différents partis se faisaient à deux pas d’elle ; aussi ne la rendit-on jamais responsable des amertumes que la plume des écrivains politiques répand dans le cœur des hommes du parti contraire. […] XXXVI Dans une lettre jointe à son testament, et qui m’est communiquée par sa sœur, il y a une prière et un reproche sorti du tombeau, auquel j’aurais été plus sensible si je l’avais mérité. « Priez, dit-elle à son exécuteur testamentaire, M. de Lamartine d’achever mon poème de la Madeleine, auquel il manque des chants, et qui est celui de mes ouvrages poétiques auquel j’attache le plus de ma mémoire. […] Épilogue du IIe entretien Je prie ceux de mes honorables abonnés qui me permettent de voir en eux une famille d’amis, et qui m’adressent des lettres d’affection si nombreuses et si émues, de recevoir ici l’expression collective de ma reconnaissance. Je recueille leurs lettres comme des monuments de consolation dans le travail.

1282. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — II. (Fin.) » pp. 322-341

Au sortir de cette lecture, j’ai besoin de relire quelque roman tout simple et tout uni, d’une bonne et large nature humaine, où les tantes ne soient pas éprises de leurs neveux, où les coadjuteurs ne soient pas aussi libertins et aussi hypocrites que Retz pouvait l’être dans sa jeunesse, et beaucoup moins spirituels ; où l’empoisonnement, la tromperie, les lettres anonymes, toutes les noirceurs, ne soient pas les moyens ordinaires et acceptés comme indifférents ; où, sous prétexte d’être simple et de fuir l’effet, on ne me jette pas dans des complications incroyables et dans mille dédales plus effrayants et plus tortueux que ceux de l’antique Crète. […] Lorsque M. de Balzac fit sur Beyle, à propos de La Chartreuse, l’article inséré dans les Lettres parisiennes, Beyle, à la fin de sa réponse datée de Civitavecchia (octobre 1840), et après des remerciements confus pour cette bombe outrageuse d’éloges à laquelle il s’attendait si peu, lui disait : Cet article étonnant, tel que jamais écrivain ne le reçut d’un autre, je l’ai lu, j’ose maintenant vous l’avouer, en éclatant de rire. […] Il y a des époques d’artistes, il en est d’autres qui ne produisent que des gens d’esprit, d’infiniment d’esprit si vous voulez. » Beyle répondait à cette théorie désespérante dans une lettre insérée au Globe le 31 mars 1825 : Pour être artiste après les La Harpe, il faut un courage de fer. […] Il faut écrire pour se faire plaisir à soi-même, écrire comme je vous écris cette lettre ; l’idée m’en est venue, et j’ai pris un morceau de papier.

1283. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — II » pp. 18-34

Puisque j’ai parlé de Lamennais à cette date de 1833, et tel qu’il paraissait encore aux yeux de ce cercle fidèle, comment ne pas indiquer le portrait de lui que Guérin a tracé dans une lettre du 16 mai à M. de Bayne de Rayssac, l’un de ses amis du Midi ? […] Les lettres de Guérin à ses amis servent à compléter les impressions notées dans son journal durant ce temps, et quelques-unes des pages de ce journal ne sont elles-mêmes que des passages de ses lettres qui lui semblaient mériter d’être transcrits avant de s’échapper. […] Un jour, quelques années après, lisant les lettres de Mlle de Lespinasse et y découvrant des flammes à lui inconnues, il s’en émouvait, et il s’étonnait de s’en émouvoir : « En vérité, disait-il, je ne me savais pas une imagination si tendre et qui pût à ce point agiter mon cœur ?

1284. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Montaigne en voyage »

Lapaume hasardée et toute gratuite, et dans une suite de lettres adressées au docteur Payen, à qui revient de droit toute information nouvelle sur Montaigne26, il a ruiné la conjecture de M.  […] Quant à l’air, il remerciait Dieu de l’avoir trouvé si doux, car il inclinait plutôt sur trop de chaud que de froid, et en tout ce voyage, jusques lors, n’avions eu que trois jours de froid et de pluie environ une heure ; mais que du demeurant, s’il avait à promener sa fille, qui n’a que huit ans, il l’aimerait autant en ce chemin qu’en une allée de son jardin ; et quant aux logis, il ne vit jamais contrée où ils fussent si dru semés et si beaux, ayant toujours logé dans belles villes bien fournies de vivres, devin, et à meilleure raison qu’ailleurs. » Montaigne, à la veille de quitter l’Allemagne et le Tyrol autrichien, écrit une lettre à François Hotman, ce célèbre jurisconsulte qu’il avait rencontré à Bâle, pour lui exprimer sa satisfaction de tout ce qu’il a vu dans le pays et le regret qu’il avait d’en partir si tôt, quoique ce fût en Italie qu’il allât ; ajoutant qu’excepté quelques exactions à peu près inévitables des hôteliers guides et truchements, « tout le demeurant lui semblait plein de commodité et de courtoisie, et surtout de justice et de sûreté. » Cette première partie de son voyage, dont il se montrait si enchanté, n’avait fait que le mettre en goût et en appétit de découverte. […] Il respecte tant l’ancienne Rome qu’il se complaît à la parodie même qu’on en fait, pourvu qu’elle soit sérieuse et sans rire ; il reçoit ses lettres de citoyen au nom du Sénat et du Peuple : « C’est un titre vain, dit-il ; tant y a que j’ai reçu beaucoup de plaisir de l’avoir obtenu. » Voilà un aimable philosophe qui paye ouvertement son tribut à l’illusion et à la vanité humaine. […] Recherches sur l’auteur des Épitaphes de Montaigne, lettres à M. le docteur Payen, par M. 

1285. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite et fin.) »

Théophile Gautier, dans sa critique des peintres, n’apporte donc aucun des préjugés de l’homme de lettres, pas plus qu’il ne partage aucune des illusions de la foule. […] Le compte rendu de Giselle par Gautier est sous la forme d’une lettre adressée à Heine. […] Théophile Gautier envoya sa dernière lettre du camp de Aïn-El-Arba, en Afrique, où il était alors (1845). […] On demandait à Sieyès ce qu’il avait fait pendant la Terreur ; il répondit : « J’ai vécu. » Si l’on demande à Théophile Gautier ce qu’il a fait en 1848, il répond : « Je ne me suis porté nulle part. » C’était alors une singularité, même chez les gens de lettres.

1286. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SOUZA » pp. 42-61

(Janin) a été induit en erreur, ce mot fut attribué à un homme de lettres ; mais, quoiqu’il soit mort depuis longtemps, je ne me permettrai pas de le nommer. […] Saint-René Taillandier (Lettres de Sismondi, de Bonstetten, de Mme de Staël, etc.), un certain nombre de lettres de Mme de Souza adressées à la comtesse d’Albany ; elles sont fort agréables. […] Le Mémorial, déjà cité, de Gouverneur Morris donne ici les plus curieuses particularités sur ce séjour de Mme de Flahaut en Suisse ; on la voit, par plusieurs lettres d’elle, l’amie, la conseillère influente et active d’un jeune prince, depuis roi (Louis-Philippe) ; elle fit avec lui la route de Bremgarten (Suisse) jusqu’à Brunswick et ne tarda pas à le rejoindre à Hambourg (édition française, tome I, pages 449-458). — Après la révolution de 1830, quand on parlait des Tuileries où son fils était en si bon pied, Mme de Souza avait soin de marquer, d’un air d’allusion fine, qu’elle-même n’y allait pas.

1287. (1892) Boileau « Chapitre VI. La critique de Boileau (Fin). La querelle des anciens et des modernes » pp. 156-181

Toute cette exquise partie de la Lettre à l’Académie, où Fénelon traite de la poésie, aboutit là : les anciens respectent plus la nature et se font une plus haute idée de l’art que les modernes. […] On ne s’étonnera donc point que les meilleures pages que Boileau ait écrites sur la Querelle des anciens et des modernes, soient celles où il entre dans les vues de son adversaire : je veux parler de la lettre qu’il écrivit à Perrault en 1700, après que le grand Arnauld, leur ami commun, les eut réconciliés. […] Il prétend que Perrault ne fut pas content de sa lettre : Perrault, vraiment, était difficile. […] Lisez la Septième Réflexion sur Longin et la Lettre à Perrault, vous y verrez Boileau, pressé d’échapper à l’argumentation de Perrault, introduire dans sa doctrine une notion nouvelle et bien inattendue, celle du temps et du développement successif et continu des formes littéraires, et chercher s’il n’y a pas quelque explication rationnelle de la richesse des genres et de la beauté des œuvres, en dehors et à côté du génie individuel, imprévu, indéterminé, inexplicable.

1288. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre X. Les sociales »

En assises, au lieu de la fierté du champion de la justice, il montra la vanité de l’homme de lettres et la flagornerie de l’accusé. […] Les lettres de Dreyfus, lamentations monotones d’un enfant qui souffre sans comprendre et d’un bourgeois qui, lui aussi, se sent diminué par « le déshonneur légal », te paraissent « admirables ». […] Sous les reflets trompeurs de ton ironie, la lettre vit d’un peu de l’esprit et l’esprit s’alourdit d’un peu de la lettre.

1289. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre V »

Que la presse, dans ses plus mauvais jours, ait recélé, dans ses bas-fonds, des faux monnayeurs de scandale, que la publicité ait eu ses bandits, comme le grand chemin a les siens, que la calomnie ait jeté parfois ses lettres anonymes dans la boîte d’un journal borgne, comme la délation jetait les siennes dans la bouche du lion de Venise, cela peut être : toute armée a ses goujats, toute profession ses pervers. […] Quel spectacle que celui des hommes de lettres s’injuriant du livre au théâtre, du roman à la comédie, et se jetant, devant le public, leurs encriers à la tête ! […] Je passe sur l’invraisemblance d’un parti réduit, pour rédiger un discours, à emprunter la plume d’un bravo de lettres. […] Puis, comme Maxime essaye d’excuser sa belle-mère, en réduisant ses torts à des lettres romanesques et à des soupirs de femme incomprise. — « Que pourrait-il y avoir de plus ? 

1290. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Vauvenargues. (Collection Lefèvre.) » pp. 123-143

Cependant, seul, dans les loisirs des garnisons et, dans ses quartiers d’hiver, il s’occupait continuellement des études sérieuses et des lettres ; à l’aide de quelques bons livres joints à beaucoup de réflexion, il avait mûri ses pensées, et il s’était appliqué, plume en main, à s’en rendre compte : Voulez-vous démêler, rassembler vos idées, conseillait-il par expérience, les mettre sous un même point de vue et les réduire en principes ? […] Et c’est alors qu’il y a tout lieu de dire vraiment avec lui : « Les maximes des hommes décèlent leur cœur. » Il n’avait rien publié encore lorsqu’il s’annonça à Voltaire par une lettre écrite de Nancy (avril 1743), dans laquelle il lui soumettait un jugement littéraire sur les mérites comparés de Corneille et de Racine. […] Vauvenargues avait donné sa démission de capitaine au régiment du Roi, et l’espoir de trouver un dédommagement dans la carrière diplomatique achevait de lui manquer par la ruine totale de sa santé, quand il vint demeurer à Paris pour s’y vouer uniquement aux lettres. […] Il revient en maint endroit, d’une manière détournée, sur ce qu’il y a d’étroit et de gênant dans une existence privée pour « un particulier qui a l’esprit naturellement grand. » On reconnaît à ces retours et à ces regrets mal étouffés l’homme qui, même en se vouant aux lettres, ne pouvait s’empêcher de penser que le cardinal de Richelieu était encore au-dessus de Milton.

1291. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand. (Berlin, 1846-1850.) » pp. 144-164

Quant aux lettres de Frédéric, on leur a rendu plus de justice ; en lisant dans la correspondance de Voltaire celles que le roi lui adressait, entremêlées à celles qu’il recevait en retour, on trouve que non seulement elles soutiennent très bien le voisinage, mais qu’à égalité d’esprit, elles ont encore pour elles une supériorité de vue et de sens qui tient à la force de l’âme et du caractère. […] On sait les railleries cyniques de ses entretiens et de ses lettres : il avait le travers capital, pour un roi, de plaisanter, de goguenarder de tout, même de Dieu. […] Cela sent un reste de mauvais goût natif et de grossièreté septentrionale, et l’on a pu dire, avec une juste sévérité, des lettres de Frédéric : « Il y a de fortes et grandes pensées, mais tout à côté il se voit des taches de bière et de tabac sur ces pages de Marc Aurèle. » Frédéric, qui avait du moins le respect des héros, a dit : « Depuis le pieux Énée, depuis les croisades de saint Louis, nous ne voyons dans l’histoire aucun exemple de héros dévots. » Dévots, c’est possible, en prenant le mot dans le sens étroit ; mais religieux, on peut dire que les héros l’ont presque tous été ; et Jean Muller, l’illustre historien, qui appréciait si bien les mérites et les grandes qualités de Frédéric, a eu raison de conclure sur lui en ces mots : « Il ne manquait à Frédéric que le plus haut degré de culture, la religion, qui accomplit l’humanité et humanise toute grandeur18. » Je ne veux plus parler aujourd’hui que de Frédéric historien. […] Si l’on joint à cette narration si noble et si unie les lettres qu’il écrivait à Voltaire durant le même temps, on assistera au plus beau moment de Frédéric, à la crise d’où il sortit avec la persévérance la plus héroïque et la plus glorieuse.

1292. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Histoire du chancelier d’Aguesseau, par M. Boullée. (1848.) » pp. 407-427

Un mot charmant qui exprime bien cette passion de d’Aguesseau pour les lettres, c’est ce qu’il dit un jour au savant Boivin avec qui il lisait je ne sais quel poème grec : « Hâtons-nous, s’écria-t-il ; si nous allions mourir avant d’avoir achevé !  […] Aimant passionnément les lettres et n’ayant pu exclusivement s’y livrer, il en parle avec un redoublement de forme et de fleurs, comme dans une fête cérémonieuse. […] Dans la belle lettre à M. de Valincour sur l’incendie d’une bibliothèque, et où il cite tant Cicéron, il parle d’Astrée, c’est-à-dire de Mme la chancelière elle-même, célébrée sous ce nom par M. de Valincour dans je ne sais quelle idylle qui sentait son âge d’or. […] Toute cette lettre, au fond, ne signifie autre chose, sinon que Racine fils, qui faisait d’assez beaux vers, ne paraissait nullement un homme d’esprit.

1293. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Charles Perrault. (Les Contes des fées, édition illustrée.) » pp. 255-274

Huit jours après, Vitart leur apporta la première des Lettres provinciales de Pascal, en leur disant : « Voilà ce que vous m’avez demandé. » Notre Charles Perrault se fait recevoir avocat ; il plaide, mais sa vue sensée et naturelle va bien au-delà des dossiers. […] Ainsi, à propos de ces gratifications et pensions distribuées à si grand fracas au nom de Louis XIV parmi tous les illustres de France et d’Europe, voici ce que nous apprend Perrault : Il alla de ces pensions en Italie, en Allemagne, en Danemark, en Suède et aux dernières extrémités du Nord : elles y allaient par lettres de change. […] Ce qu’avait fait Descartes en philosophie, d’autres le faisaient dans l’ordre des lettres ; et ces hommes d’un goût léger et scabreux, mais hardi, Perrault, Fontenelle, y concouraient vivement à leur manière. […] Comme Perrault lui avait envoyé son Apologie des femmes, Arnauld se crut obligé de lui répondre par une longue lettre où il étalait ses arguments et ses raisons, et que la personne qu’il en avait chargée ne jugea point à propos de remettre, de peur d’aigrir encore plus les disputants que le vieux docteur voulait chrétiennement réconcilier.

1294. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame Sophie Gay. » pp. 64-83

Mme Sophie Gay, morte à Paris le 5 mars dernier, a été une personne de trop d’esprit et trop distinguée dans les Lettres pour être ensevelie en silence. […] Mme Gay, sous le masque et par une lettre insérée dans un journal, prit parti ; elle brisa une lance. […] Elle y trouve, ainsi que dans un château voisin, une société qui lui donne occasion de développer par lettres à une amie ses principes et ses maximes. […] Il s’était glissé de bonne heure chez elle du Musset, un peu de George Sand, Eugène Sue brochant sur le tout, un peu de socialisme avant l’effroi, avant l’épreuve, avant la lettre, me dit un spirituel voisin ; un peu de théorie et beaucoup de caprice.

1295. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VI. Daniel Stern »

Ce sont ceux qui ne croient pas les femmes plus à leur place là qu’ici, — au bal masqué de l’Opéra qu’au bal de la littérature, — et qui souffrent dans la notion pure, élevée, délicate qu’ils ont de la femme, de ses vertus et même de sa gloire, — en la voyant se travestir comme Mme Stern, non plus seulement en artiste et en femme de lettres, mais mieux que cela, en philosophe ! […] Tout, de même que Mme George Sand représente l’imagination dans les Lettres françaises, tout de même Mme Daniel Stern, qui a l’esprit très sec, représente la raison, l’abstraction, la métaphysique, qu’on ne peut pas dire tombées en quenouille, quand il s’agit d’elle, car Mme Stern n’en a jamais filé une. […] Comme toute femme qui a fait des observations sur son propre cœur, elle a écrit un roman, intitulé Nelida (on aimerait mieux qu’elle l’eût gardé dans son âme) ; puis des lettres politiques si pleines des erreurs du temps où elle les publia, qu’elle n’a pas osé les rééditer, tant les événements qui se sont produits depuis 1849 l’auraient confondue ! […] Ce sont des pensées, des réflexions et des maximes sur la condition humaine, l’homme, la femme, la vie morale, le cœur, l’esprit, l’éducation, le temps présent, les arts et les lettres, l’aristocratie, la bourgeoisie, le peuple et la religion des contemporains.

1296. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVI. Des oraisons funèbres et des éloges dans les premiers temps de la littérature française, depuis François Ier jusqu’à la fin du règne de Henri IV. »

Les hommes de lettres et les savants, qui commençaient en France à s’emparer de l’opinion et dirigeaient déjà la renommée, durent célébrer à l’envi le prince qui les honorait. […] Il honora donc les lettres, et les lettres reconnaissantes ordonnèrent à l’Europe de célébrer ce prince, et de placer le vaincu à côté du vainqueur. […] Ce roi brave, mais d’une valeur moins éclatante que son père protecteur des lettres, mais sans cette espèce de passion qui tient de l’enthousiasme, et le fait naître chez les autres ; avide de gloire, mais incapable de cette hauteur de génie qui s’ouvre de nouvelles routes pour y parvenir ; gouverné par des favoris qui dirigeaient à leur gré sa faiblesse ou sa force, et poussé en même temps par l’esprit de sa nation et de son siècle, qu’il trouva créé et auquel il n’ajouta rien, n’eut ni dans l’esprit, ni dans l’âme, cette espèce de ressort qui fait la grandeur.

1297. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Agrippa d’Aubigné. — II. (Fin.) » pp. 330-342

Sa passion ne l’empêche pas de rendre justice aux ennemis et adversaires quand ils tombent ; et celui qui s’est montré pamphlétaire envenimé dans la Confession de Sancy, implacable insulteur dans Les Tragiques, parle de Charles IX et de Henri III dans son Histoire en des termes qui ne sont que modérés : Voilà la fin de Henri troisième, dit-il après l’assassinat de Saint-Cloud, prince d’agréable conversation avec les siens, amateur des lettres, libéral par-delà tous les rois, courageux en jeunesse, et lors désiré de tous ; en vieillesse, aimé de peu ; qui avait de grandes parties de roi, souhaité pour l’être avant qu’il le fût, et digne du royaume s’il n’eût point régné : c’est ce qu’en peut dire un bon Français. […] Sa femme disait de lui, dans une lettre qui nous le peint le même jusqu’à la fin : La grande promptitude de Monsieur n’est point amoindrie avec l’âge, ni son excellent esprit, à qui il donne quelquefois plus de liberté que les affaires de ce temps ne permettent. […] Le duc de Mayenne, interrogé un jour par des amis de d’Aubigné sur la manière dont s’était passé le combat d’Arques et sur ce qui avait précipité la victoire ; après quelques essais d’explication, et se sentant trop pressé, finit par répondre : « Qu’il dise que c’est la vertu de la vieille phalange huguenote et de gens qui de père en fils sont apprivoisés à la mort. » D’Aubigné, qui prend au pied de la lettre la réponse du duc de Mayenne, s’est donné pour tâche dans son Histoire de raconter les exploits et de produire les preuves de cette vertu guerrière, d’en retracer l’âge héroïque dans ses diverses phases : c’est sa page à lui, c’est son coin dans le tableau de son siècle ; et il l’a traité avec assez d’impartialité en général, avec assez de justice rendue au parti contraire, pour qu’on lui accorde à lui-même tous les honneurs dus finalement à un champion de la minorité et à un courageux vaincu.

1298. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Appendice. »

Un étranger, arrivant à Paris, muni d’une lettre pour M.  […] Sainte-Beuve la lettre suivante que nous trouvons publiée dans le numéro du Figaro d’hier, et que pour cette raison nous croyons pouvoir reproduire, quoiqu’elle n’ait été nullement destinée à la publicité : « Paris, 20 janvier 1837. […] Je tiens aujourd’hui à honneur de donner la lettre où Mme de Boigne m’écrivit le jour même où l’article parut, et aussi la réponse que je m’empressai de lui faire : « Il me faut absolument, Monsieur, vous dire merci.

1299. (1874) Premiers lundis. Tome II « Mémoires de Casanova de Seingalt. Écrits par lui-même. »

A ceux qui ont toujours dans leur poche et souvent dans leurs mains le petit Horace Elzevir non expurgé par Jouvency, à ceux qui savent par cœur les épigrammes salées de Catulle et de Martial, les vers de Solon, qui citent volontiers certains passages d’Ovide et de Tibulle, et les fredaines du Lucius d’Apulée, qui suivent sans répugnance la naïve Chloé dans la grotte des Nymphes, faciles nymphæ risere ; à ceux que notre vieille littérature grivoise et conteuse ne rebute pas, qui se dérident à La Fontaine, qui se délectent aux Amours des Gaules, qui ne perdraient pas une ligne des Mémoires de Choisy, si tout le manuscrit de l’Arsenal était imprimé ; à ceux que les premières pages des Confessions n’irritent nullement, que les lettres de Diderot à Mlle Yoland enchantent sans réserve, qui en aiment jusqu’aux propos de madame d’Aine, jusqu’aux allusions insinuantes de Diderot comptant les arbres de ses vordes chéries : à ceux-là, loin de le défendre, nous conseillerons plutôt Casanova ; ce ne sera pas pour eux une dangereuse nouveauté ni un scandale attrayant, ce sera un tableau de plus, non le moins vif et le moins varié, dans le réfectoire de leur abbaye de Thélème. — Un jour, durant l’année que le docte Saumaise passa à Stockholm près de la reine Christine, comme il avait la goutte et gardait le lit, la reine le vint visiter ; or, en ce moment, pour se désennuyer et tromper son mal, le grave commentateur lisait un livre très agréable, mais assez leste (perfacetum guidem, at subturpiculum), Le Moyen de parvenir, de Béroalde de Verville. […] Forcé de quitter le cardinal Acquaviva, il s’en était allé à tout hasard jusqu’à Constantinople avec une lettre de son éminence pour le renégat Bonneval, non plus en abbé, pensez-le bien, mais en officier de la noble République. […] Voici la dernière lettre qu’Henriette lui écrivit : « C’est moi, mon unique ami, qui ai dû t’abandonner ; mais n’augmente pas la douleur en pensant à la mienne.

1300. (1858) Cours familier de littérature. V « Préambule de l’année 1858. À mes lecteurs » pp. 5-29

De ce qu’il y a de plus ignominieux dans le métier des lettres : de chercher, selon leurs viles expressions, « du bruit pour de l’argent ». […] Si ces ennemis parviennent (comme je ne le crains que trop) à briser dans ma main cette plume de l’homme de lettres, mille fois plus respectable quand elle cherche le salaire par honneur que quand elle cherche la gloire par vanité, ces ennemis apprendront trop tard (et avec regret, je n’en doute pas) que ce qu’ils appellent la mendicité du travail n’était que le devoir de la stricte probité. […] Lettre à Alphonse Karr, jardinier Esprit de bonne humeur et gaîté sans malice, Qui même en le grondant badine avec le vice, Et qui, levant la main sans frapper jusqu’aux pleurs, Ne fustige les sots qu’avec un fouet de fleurs !

1301. (1892) Boileau « Chapitre III. La critique de Boileau. La polémique des « Satires » » pp. 73-88

Boileau leur fit l’effet d’un médisant comme les autres, mais plus forcené que les autres : car il ne prenait pas un adversaire, ou deux, comme les plus enragés faisaient auparavant ; il semblait jeter aux quatre vents le défi de Rodrigue ; tout ce que les lettres nourrissaient de grands et de petits, de redoutables et de méprisables, faiseurs de sonnets et de romans, d’épopées et de petits vers, il n’épargnait personne, et chaque pièce nouvelle qu’il donnait et qui courait manuscrite sous le manteau offrait à la risée publique encore de nouveaux noms. […] Et de là vient que la satire n’avilit point son auteur : au lieu qu’à l’ordinaire, dans les querelles des gens de lettres, le mépris des rieurs ne distinguait guère celui qui faisait rire de celui qui apprêtait à rire. […] Nous voyons dans ses Lettres ce qu’il a de bon ; mais il passait sa vie à démentir, par complaisance ou par intérêt, ses sentiments intimes.

1302. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre II. La mesure du temps. »

J’écris une lettre ; elle est lue ensuite par l’ami à qui je l’ai adressée. […] En écrivant cette lettre, j’en ai possédé l’image visuelle, et mon ami a possédé à son tour cette même image en lisant la lettre.

1303. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VII. Les hommes partagés en deux classes, d’après la manière dont ils conçoivent que s’opère en eux le phénomène de la pensée » pp. 160-178

Mais on peut compter sur le respect pour la règle fixe, pour la loi écrite, pour la lettre en un mot, pour la lettre sans interprétation, pour la lettre devant qui tout rentre dans l’égalité.

1304. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’architecture nouvelle »

Si nous passons des lettres aux arts, nous découvrons le même phénomène La peinture, par exemple, n’admettait avant ce siècle qu’un nombre restreint de sujets, interprétés d’une certaine manière, susceptibles de prétendre à la dignité de l’art. […] Nous avons pris au pied de la lettre, le joyeux paradoxe de Théophile Gautier : « Il n’y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien ; tout ce qui est utile est laid, car c’est l’expression de quelque besoin, et ceux de l’homme sont ignobles et dégoûtants, comme sa pauvre et infirme nature. — L’endroit le plus utile d’une maison, ce sont les latrines. » Et nous avons conformé notre jugement à ce précepte, d’après lequel il serait impossible à un meuble, à une habitation, à une étoffe, de satisfaire aux exigences de la beauté. […] Horta conçoit très différemment, par exemple, une maison destinée à un célibataire et une autre destinée à une famille ; bien plus, sa conception sera également différente, suivant la profession ou la nature des individus auxquels elle s’applique : à un médecin ou à un avocat ne s’adapteront pas le même édifice qu’à un homme de lettres ou un commerçant.

1305. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XIX. De la littérature pendant le siècle de Louis XIV » pp. 379-388

De la littérature pendant le siècle de Louis XIV61 C’est par l’étude des anciens que le règne des lettres a recommencé en Europe ; mais ce n’est que longtemps après l’époque de leur renaissance que l’imitation des anciens a dirigé le goût littéraire. […] On voyait des écrivains saisir quelquefois, comme Achille, l’arme guerrière au milieu des ornements frivoles ; mais, en général, les livres ne traitaient point les questions vraiment importantes ; les hommes de lettres étaient relégués loin des intérêts actifs de la vie.

1306. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre III. De la sécheresse des impressions. — Du vague dans les idées et le langage. — Hyperboles et lieux communs. — Diffusion et bavardage »

Doudan a spirituellement raillé dans une de ses lettres ce commerce de banalités qui se fait dans le monde : Nous avons fait, M. d’Haussonville et moi, le complot d’accueillir Mlle de Pomaret par une suite de lieux communs débités d’un air tranquille et consciencieux, à l’effet de voir si elle s’apercevrait que nous avions baissé d’intelligence. […] Voilà ce qui fait le fond de nos conversations et de nos lettres, et nous prenons dès le collège l’habitude d’appliquer ainsi sur tous les sujets qu’on nous propose des pensées reçues, des phrases faites, où nous n’avons aucun intérêt de cœur ni d’esprit.

1307. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Une âme en péril »

monsieur l’abbé, je ne saurais vous dire quel chagrin c’est, pour une âme restée religieuse et qui s’attendait à rencontrer un prêtre, de se trouver en face d’un vilain homme de lettres et d’un auteur fieffé ! […] Et je suis bien sûr que l’abbé Roux, même après sa préface, vaut encore mieux, moralement, que les neuf dixièmes des hommes de lettres.

1308. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Le termite »

Les réunions d’hommes de lettres furent charmantes autrefois. […] Il fallait bien forcer un peu les traits pour vous rendre mieux reconnaissable ce monstre : le jeune homme de lettres en cette fin de siècle.

1309. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIX » pp. 207-214

Les hommes de génie dans les lettres peuvent être courtisans des rois, et avoir eux-mêmes des rois pour courtisans. Ils peuvent être considérés comme les notables les plus éminents d’une république souveraine et puissante, dont les rois ont besoin ; la république des lettres, Voltaire fut courtisan de Frédéric, mais Frédéric le fut de Voltaire.

1310. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — L’Empereur Néron, et les trois plus grands poëtes de son siècle, Lucain, Perse & Juvénal. » pp. 69-78

Comment arrive-t-il que des princes, décriés par leur barbarie, soient touchés de l’amour des lettres ? […] Je ne compte point Denys le tyran, que le démon des vers posséda toute sa vie ; qui briguoit d’en remporter le prix dans les jeux olympiques ; & chargeoit des lecteurs d’une poitrine forte & d’une voix admirable, d’y faire valoir ses poësies ; qui avoit dans son palais l’élite des gens de lettres comme autant de flatteurs à gages, employés à se récrier sur ses poëmes, à lui prostituer l’encens & des hommages ; qui ne trouva la vérité que dans la bouche d’un Philoxène, cet homme toujours le même malgré la crainte des supplices & la peine des carrières où il fut condamné.

1311. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre V. La Henriade »

Il aimait naturellement les beaux-arts, les lettres et la grandeur, et il n’est pas rare de le surprendre dans une sorte d’admiration pour la cour de Rome. […] Ce qu’on peut dire sur lui de plus raisonnable, c’est que son incrédulité l’a empêché d’atteindre à la hauteur où l’appelait la nature, et que ses ouvrages, excepté ses poésies fugitives, sont demeurés au-dessous de son véritable talent : exemple qui doit à jamais effrayer quiconque suit la carrière des lettres.

1312. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Préface » pp. -

Autrefois, si on se le rappelle, tout bambin, fait ou non pour les lettres, risquait sa tragédie. […] C’est le privilège du génie, — quand il est absolu, — aussi bien dans les Lettres que dans les Sciences, de faire faire un pas aux esprits de leur temps, c’est-à-dire de leur donner des exigences de plus….

1313. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome I

Le fier prélat porta son despotisme dans la littérature ; il prétendait dominer l’opinion, asservir les gens de lettres, tyranniser le goût. […] Mais que diront ces prétendus gens de lettres, si j’avance qu’il n’y a pas même un véritable changement d’intérêt dans la pièce ? […] C’est ce qui fonde mon incrédulité sur l’anecdote et sur la lettre. […] Voilà donc Cinna déchu du rang de tragédie, en vertu d’un arrêt de plusieurs gens de lettres. […] Ces gens de lettres ressemblent bien à des ignorants : comment Cinna, n’étant pas une tragédie intéressante, peut-il être un bel ouvrage ?

1314. (1866) Nouveaux essais de critique et d’histoire (2e éd.)

Au reste, les grands d’alors considéraient les gens de lettres comme des espèces de domestiques amusants. […] Il y a vingt pensées dans son livre sur le mépris attaché à la condition de subalterne et d’homme de lettres. […] Il peignit les avoués, les recors, les banquiers ; il fit entrer partout le Code civil et la lettre de change. […] La comtesse Honorine, qui meurt par un excès de pudeur, écrit en mourant la lettre la plus indécente. […] Toutes ces images, prises à la lettre par les premiers stoïciens, ne sont que des images pour Marc-Aurèle.

1315. (1891) La vie littéraire. Troisième série pp. -396

Brunetière reconnaît qu’il est beaucoup d’avis contraires les uns aux autres dans la république des lettres. […] Pour lui la parole de l’Évangile, « heureux ceux qui pleurent », s’est réalisée à la lettre. […] Malades, nos artistes de lettres ont répandu sur la nature l’aigreur et la tristesse de leur maladie. […] Le lendemain de sa mort une lettre de Béatrice arriva à Neuchâtel. […] Cette définition n’est pas pour m’encourager à en user à son endroit avec une honnête liberté, familièrement, en toute franchise, selon les privilèges que confère le commerce des lettres.

1316. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre II. De la reconnaissance des images. La mémoire et le cerveau »

On faisait apparaître à leurs yeux, pendant quelques secondes, une série de lettres qu’on leur demandait de retenir. Mais, pour les empêcher de souligner les lettres aperçues par des mouvements d’articulation appropriés, on exigeait qu’ils répétassent constamment une certaine syllabe pendant qu’ils regardaient l’image. […] Or c’est un fait d’observation courante que l’impuissance du malade, en pareil cas, à saisir ce qu’on pourrait appeler le mouvement des lettres quand il essaie de les copier. […] Contre Grashey, qui avait soutenu dans un travail célèbre 43 que nous lisons les mots lettre par lettre, ces expérimentateurs ont établi que la lecture courante est un véritable travail de divination, notre esprit cueillant çà et là quelques traits caractéristiques et comblant tout l’intervalle par des souvenirs-images qui, projetés sur le papier, se substituent aux caractères réellement imprimés et nous en donnent l’illusion. […] Pour prendre un exemple souvent emprunté à Winslow 62 celui du sujet qui avait oublié la lettre F, et la lettre F seulement, nous nous demandons si l’on peut faire abstraction d’une lettre déterminée partout où on la rencontre, la détacher par conséquent des mots parlés ou écrits avec lesquels elle fait corps, si on ne l’a pas d’abord implicitement reconnue.

1317. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre III. Services locaux que doivent les privilégiés. »

Faute de le connaître, ils l’oublient ; ils lisent la lettre de leur régisseur, puis aussitôt le tourbillon du beau monde les ressaisit, et, après un soupir donné à la détresse des pauvres, ils songent que cette année ils ne toucheront pas leurs rentes. — Ce n’est pas là une bonne disposition pour faire l’aumône. […] Lettre du bailli de Mirabeau, 1760, publiée par M. de Loménie dans le Correspondant, t.  […] Très belle lettre de Joseph de Saintignon, abbé de Domèvre, général des chanoines réguliers de Saint-Sauveur et résident. […] (Lettre du bailli de Mirabeau, 1760.) […] (Lettre du bailli du 25 septembre 1760) : « Je suis à Harcourt où j’admire la bonne et honnête grandeur du maître.

1318. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIVe entretien. Cicéron (3e partie) » pp. 257-336

« Il en est de même des lettres et des sciences. » Nous n’analyserons pas pour vous ce grand ouvrage d’incrédulité philosophique ; les superstitions tombées, qu’importent les réfutations ? […] Cette argumentation de Cicéron, du juste contre l’utile, mériterait d’être gravée en lettres d’or sur les tables de marbre de tous les conseils des rois ou des peuples. […] Il était d’une santé faible, et c’est là qu’il a passé dans l’étude des lettres presque toute sa vie. […] Cependant, comme j’ai toujours, à mon grand profit, réuni les lettres grecques aux lettres latines, non seulement en philosophie, mais dans l’exercice de l’art oratoire, je crois que vous ferez bien de suivre la même méthode, pour en venir à posséder les deux langues avec une égale perfection. […] Grâce à mes travaux, ceux qui sont étrangers aux lettres grecques, même ceux à qui elles étaient familières, pensent avoir fait beaucoup de profit et dans l’art de la parole et dans la sagesse.

1319. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VIII. La littérature et la vie politique » pp. 191-229

Ou bien il lui envoie une lettre qui porte cette adresse : A Al Illustrissimo signor facchino. […] François Ier, qu’une flatterie décidément excessive a surnommé le Père des Lettres, mais qui fut un père fort impérieux, mécontent des railleries que les auteurs de farces et de moralités n’épargnaient pas aux scandales de sa cour et aux dilapidations des favoris et favorites, rendit un édit qui interdisait sous peine de la hart toute allusion aux affaires publiques. Or, la crainte d’être pendu modère singulièrement l’envie de rire, et c’est ainsi que le Père des Lettres acheva de tuer le théâtre qui avait fleuri au moyen âge. […] Qui n’a remarqué, dans notre xviiie  siècle, combien il se publie de lettres Siamoises, Persanes, Chinoises, Juives, Iroquoises ? […] C’est le droit de cité rendu dans la république des lettres à tous les mots populaires.

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