/ 1770
42. (1890) L’avenir de la science « XIII »

Les royaumes grecs de la Bactriane et de la Pentapotamie ont été depuis quelques années l’objet de travaux qui formeraient déjà plusieurs volumes et sont loin d’être clos. […] Tel philologue a consacré de longues dissertations à discuter le sens des particules de la langue grecque ; tel érudit de la Renaissance écrit un ouvrage sur la conjonction quanquam ; tel grammairien d’Alexandrie a fait un livre sur la différence de [en grec] et [en grec]. […] C’est comme si Pétrarque, Boccace et le Pogge avaient voulu faire la théorie de la littérature grecque. […] Il faut en dire autant de la connaissance que les Arabes du Moyen Âge eurent de la littérature grecque. […] La même locution s’emploie, d’ailleurs, en grec et en latin pour signifier : Or, d’ailleurs, mais.

43. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre X. Des Romains ; de leurs éloges, du temps de la république ; de Cicéron. »

Semblables aux Tartares qui, quinze cents ans après, subjuguèrent la Chine, ou plutôt semblables à ces valets d’armée, qui, dans une prise d’assaut, pillent tout, et le lendemain enrichis des dépouilles, joignent un faste étranger à leur pauvreté réelle, les Romains dans leur gloire même devaient faire pitié aux Grecs, avant que les vaincus eussent instruit et poli leurs vainqueurs ; dans la suite même, tous les arts du dessin ne furent cultivés avec succès à Rome que par les Grecs ; il fallait que des Grecs leur bâtissent leurs temples, leurs portiques, leurs arcs de triomphe ; que des Grecs ornassent de peintures les murs de leurs palais. Les arts du génie, ils ne les durent qu’à ces mêmes Grecs dont ils furent en tout les disciples, les admirateurs et les tyrans. […] C’est ce concours des poètes et des philosophes qui donna à la langue des Grecs sa perfection et sa beauté. […] Il ne faut donc pas s’étonner si l’éloquence, qui tient tant à la perfection des langues, et qui chez les Grecs même est née après tous les autres arts, naquit si tard dans Rome. […] Il avait composé des mémoires grecs sur son consulat, qui peuvent passer pour un éloge historique ; et de plus, il s’était célébré lui-même dans un poème latin en trois chants, et qui n’est pas non plus parvenu jusqu’à nous.

44. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre sixième. »

Il était également versé dans le grec et le latin. […] Montaigne est plus latin que grec. […] Plutarque n’était-il pas un Grec formé par les écrivains de la décadence latine, une sorte de Sénèque grec ? […] Le grec avait été la langue de l’hérésie ; or, l’hérésie ayant eu le dessous, le grec était vaincu ! Lors de la fondation du collège de France, pour une chaire de latin, il y en avait deux de grec.

45. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Funck Brentano. Les Sophistes grecs et les Sophistes contemporains » pp. 401-416

Les Sophistes grecs et les Sophistes contemporains, quelle promesse, dans ce titre de livre, et quelle déception ! Les Grecs y sont bien, mais ils importent si peu. […] Son livre a une partie qui sent son professeur, et ce n’est pas cette odeur-là que je mettrais en flacon : — c’est la partie des sophistes grecs. […] Il est donc dans la tradition de ceux-là qui ont la fatuité de la Grèce, comme Vadius avait celle du grec… Ils l’enseignent, la préconisent, et tout ce qui vient d’elle est sacré ! […] L’homme d’esprit, en face des modernes, est moins respectueux que le professeur en face des Grecs.

46. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 37, des défauts que nous croïons voir dans les poëmes des anciens » pp. 537-553

Homere avoit entrepris d’écrire en vers une partie des évenemens d’une guerre que les grecs ses compatriotes avoient faite depuis quelque temps contre les troyens, et dont la tradition étoit encore recente. […] Les grecs ont eu des commencemens pareils à ceux des autres peuples, et ils ont été une societé naissante avant que d’être une nation polie. […] L’histoire s’est sentie chez les grecs pendant plusieurs siecles de son origine. […] Les grecs et les romains qui ont vécu avant la corruption de leurs nations, avoient encore moins de peur de la mort que les anglois, mais ils pensoient qu’une injure dite sans fondement ne deshonorât que celui qui la proferoit. […] Les grecs et les romains, si passionnez pour la gloire, ne s’imaginerent jamais qu’il fut honteux au citoïen d’attendre sa vengeance de l’autorité publique.

47. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre X. »

Cicéron, si jaloux de rendre en iambes latins des monologues de Sophocle, pouvait-il oublier le poëte grec qui aurait uni à l’enthousiasme de l’ode la puissance du drame tragique ? […] Il voulut d’ailleurs, et lui-même l’avoue dans une de tes Olympiques, relever ses concitoyens du préjugé qui pesait sur eux, et qu’entretenait la raillerie des autres Grecs, surtout la malignité des poëtes comiques d’Athènes. […] Pour tout dire enfin, le sentiment du patriotisme grec fléchissait dans Thèbes, à l’heure même où il allait se montrer si grand dans toutes les autres cités de la Grèce. […] On leur demande, autour du roi, ce que font les Grecs. Sur leur réponse, que les Grecs célèbrent les fêtes d’Olympie et regardent des combats d’athlètes et des courses de chevaux, un des seigneurs perses demande quel était le prix disputé dans ces luttes.

48. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre III. Parallèle de la Bible et d’Homère. — Termes de comparaison. »

Bien plus embarrassée est la marche du grec. […] Si vous prenez au hasard quelque substantif grec ou hébreu, vous découvrirez encore mieux le génie des deux langues. […] Aigle, en grec, se rend par αἰετὸς, vol rapide. […] Le grec ne porte qu’une idée politique et locale, où l’hébreu attache un sentiment moral et universel. […] Les Grecs connurent aussi cet usage, comme on le voit dans la Vie de Cratès.

49. (1846) Études de littérature ancienne et étrangère

Voilà les fictions que les Grecs dégénérés faisaient succéder à leurs belles fables poétiques. […] Ils étendaient ce soin même aux textes grecs des historiens les plus graves. […] Les Grecs ont encore quelque chose de leurs aïeux. […] Sous Élisabeth, l’érudition grecque et romaine était le bon ton de la cour. […] Tels furent les ouvrages des Grecs, qui n’écrivirent que pour eux, et sont lus par l’univers.

50. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 20, de quelques circonstances qu’il faut observer en traitant des sujets tragiques » pp. 147-156

Ainsi j’approuve les auteurs qui, lorsqu’ils ont pris pour sujet quelque évenement arrivé en Europe depuis un siecle, ont masqué leurs personnages sous le nom des anciens romains ou de princes grecs, ausquels personne ne prend plus d’interêt. […] Les poëtes grecs n’avoient point cette délicatesse, j’en tombe d’accord. […] C’étoit un moïen d’y réussir que de répresenter les rois et les princes avec un caractere vicieux, dans des spectacles qui devoient avoir encore plus de pouvoir sur l’imagination des grecs, que sur celle des peuples septentrionaux. Voilà pourquoi les poëtes grecs ont défiguré quelquefois le veritable caractere des souverains ; voilà pourquoi ils ont introduit si souvent sur la scene Oreste malheureux et poursuivi des furies, quoique les historiens citent ce prince pour avoir vêcu et regné long-tems et heureusement. […] Jamais aucun tragique grec ne tâcha de rendre les souverains odieux autant que mylord comte de Rochester l’a voulu faire dans sa tragedie de Valentinien.

51. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 21, du choix des sujets des comedies, où il en faut mettre la scene, des comedies romaines » pp. 157-170

L’intrigue de leurs pieces suppose les loix et les moeurs grecques. […] Quand ils composerent leurs pieces, la comedie étoit à Rome un poëme d’un genre nouveau, et les grecs avoient déja fait d’excellentes comedies. Plaute et Terence, qui n’avoient rien dans la langue latine qui pût leur servir de guide, imiterent trop servilement les comedies de Ménandre et d’autres poëtes grecs, et ils jouerent des grecs devant les romains. […] Ils en avoient dont les moeurs et les personnages étoient grecs, et ils les appelloient palliatae, parce qu’on se servoit des habits des grecs pour les répresenter. […] Les grecs donnent le nom de mimes à cette quatriéme espece de comedie.

52. (1772) Discours sur le progrès des lettres en France pp. 2-190

C’est le génie qui distingua particulièrement les Grecs des autres peuples de la terre. […] Brumoy dans son Discours sur la Comédie Grecque. […] Aujourd’hui que l’art est perfectionné, nous avons le même avantage que les Grecs. […] On citoit à tout propos les Auteurs Grecs ou Latins. […] Et le soir nous lisions en Grec ou en Latin ».

53. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre V. »

Cet âge, antérieur aux deux grands poëmes homériques, revivait pour l’imagination grecque sous le nom d’Orphée. Suivant une hypothèse du célèbre Huet, cet Orphée n’était autre qu’un souvenir lointain de Moïse, reçu et altéré par les Grecs. […] Et cette fiction, qui se renouvela souvent et dans les commencements de notre ère, remonte sans doute au premier âge de la poésie grecque. […] Les fables même qu’on en raconte attestent un fond de vérité dans le génie attribué dès lors à toutes les variétés du nom grec. […] On sait combien ces fabrications antidatées, que la science moderne même ne prévient pas parmi nous, étaient communes dans les derniers âges du monde grec et romain.

54. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Dübner »

Au-dessous du médaillon, d’un côté, se lit un distique grec, de la composition de M.  […] Aussi, en dehors de sa grande collaboration à la Bibliothèque grecque de M.  […] « Sans prétendre y apporter une aussi exacte balance, tous les hommes instruits qui aborderont désormais les classiques grecs ou latins seront pénétrés de reconnaissance pour Dübner. […] Lorsqu’il apprit que mes Mélanges de Littérature grecque allaient être imprimés, il me pria de lui permettre de revoir les épreuves avec moi et d’en extraire au fur et à mesure, pour son usage particulier, tous les fragments nouveaux de poètes. […] Dübner avait de près ses travers et ses défauts que vous me faites observer mais ce qui demeure, ce sont les services effectifs rendus à la littérature grecque, services que commencent seulement à rendre aujourd’hui à leur tour les Thurot, Tournier, Pierron, etc.

55. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 2, de la musique rithmique » pp. 20-41

Comme nous l’avons observé déja en parlant de la mécanique de la poësie, les sillabes avoient une quantité reglée dans la langue grecque et dans la langue latine. […] Ainsi lorsque les musiciens grecs ou romains mettoient en chant quelque composition que ce fut, ils n’avoient pour la mesurer, qu’à se conformer à la quantité des sillabes sur lesquelles ils posoient chaque note. […] D’un autre côté comme nous l’avons dit en parlant de la mécanique des vers grecs et de celle des vers latins, tout le monde sçavoit dès l’enfance la quantité de chaque sillabe. […] Quel nombre de temps les grecs et les romains mettoient-ils dans les mesures des chants, composez sur des paroles de quelque nature que ces chants-là pussent être ? […] Ainsi nous remettons à en parler, que nous traitions de celui des arts musicaux que les grecs nommoient orchesis et les romains saltatio.

56. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Papesse Jeanne » pp. 325-340

Et c’est là, c’est la vilenie de cette chose qui, jusqu’à nouvel ordre et nouveaux renseignements, me fait douter du Grec qui a écrit une œuvre si peu grecque, de ce romancier grossier et pataud qui est du pays de Lucien, de ce comique épais et sans goût qui continue si étrangement le doux Ménandre et le grand Aristophane. […] Ce rire à tordions, de TOUTE la Grèce, me semble une calomnie de l’esprit grec, qui ne peut pas rire d’un si gros rire sous peine d’être cruellement dégénéré. […] il n’est pas si grec qu’on le dit être. Il est plutôt de Paris et du xviiie  siècle, ce Grec du xixe  ! […] Il y a quelque différence entre ce Prussien et ce Grec !

57. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre IV. Shakespeare l’ancien »

Eschyle, admirablement grec, est pourtant autre chose que grec. […] Ces profondeurs répugnaient à la lumière grecque. […] Il semblait que le soleil fût grec. […] Les corybantes étaient des sortes de fakirs grecs. […] Il était plus que grec, il était pélasgique.

58. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre III. Éducation de Jésus. »

Il n’est pas probable qu’il ait su le grec. […] À plus forte raison n’eut-il aucune connaissance de la culture grecque. […] Ce qu’il y a de certain, c’est qu’à Jérusalem le grec était très peu étudié, que les études grecques étaient considérées comme dangereuses et même serviles, qu’on les déclarait bonnes tout au plus pour les femmes en guise de parure 131. […] La négation du miracle, cette idée que tout se produit dans le monde par des lois où l’intervention personnelle d’êtres supérieurs n’a aucune part, était de droit commun dans les grandes écoles de tous les pays qui avaient reçu la science grecque. […] Leur nom même paraît n’être qu’une traduction grecque de celui des Esséniens [Greek : Essaioi], asaya, « médecins »).

59. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XII. »

. — Grandeur qui reste encore à l’esprit grec. — Lyrisme philosophique. […] Ce vœu de Platon, que les philosophes deviennent rois, ou que les rois deviennent philosophes, résume ce que le poëte thébain avait conseillé aux rois grecs de Syracuse, d’Agrigente, d’Etna, de Cyrène, et ce que Xénophon décrivit dans sa Cyropédie. […] Lui-même, toutefois, ne parut jamais favoriser ces jeux, ancienne et rude école de la liberté grecque. […] À mesure que s’étendait l’horizon de l’empire grec, et que le génie de la liberté se perdait dans l’unité de la puissance, la grande poésie, l’audace de l’imagination et l’ardeur de la passion durent insensiblement diminuer et disparaître. […] Mais il est beau de voir, même sous la conquête macédonienne, ce qui restait de dignité morale à la philosophie, et quel langage elle savait prendre, entre la servitude du peuple civilisé et les apothéoses que se décernaient les généraux grecs conquérants des barbares.

60. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Anthologie grecque traduite pour la première fois en français, et de la question des anciens et des modernes, (suite et fin.) »

Anthologie grecque traduite pour la première fois en français et de la question des anciens et des modernes (suite et fin.) […] Les Grecs s’abordaient au nom de la joie et de la grâce ; les Romains, au nom de la santé. Ceux-ci, gens positifs, disaient d’abord Salve ; les autres disaient X, et on répondait : [caracteres grecs illisibles]. Cette idée de grâce, les Grecs la portaient en tout ; pour dire les gens comme il faut, les gens bien élevés, les honnêtes gens, même au sens politique, les Conservateurs, ils avaient ce mot charmant : et [caracteres grecs illisibles] , comme qui dirait : les gracieux, les agréables. Ailleurs, on a dit grossièrement les hommes riches ou les hommes utiles (utiles hommes) : les Grecs le disaient aussi quelquefois, mais ils savaient aussi le dire autrement.

61. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [II] »

Il faut l’entendre parler de ces « rameaux francs et domestiques, magistralement tirés de la langue grecque ». […] L’idée de traiter notre idiome vulgaire à l’aide du latin, comme le latin, depuis les Scipions, a été traité et perfectionné à l’aide du grec, est fort juste. […] Il nous conseille, à nous, d’imiter les Anciens, comme Cicéron et Virgile ont fait les Grecs. Cicéron n’a-t-il pas exprimé au vif Démosthène, Isocrate et Platon, de manière à rendre les Grecs eux-mêmes jaloux ? […] Les Grecs et les Romains ont toujours concédé aux doctes hommes « d’user de mots non accoutumés aux choses non accoutumées ».

62. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre I. De la sagesse philosophique que l’on a attribuée à Homère » pp. 252-257

Comment appeler autrement que sottise la prétendue sagesse du général en chef Agamemnon, qui a besoin d’être forcé par Achille à restituer Chryséis au prêtre d’Apollon, son père, tandis que le dieu, pour venger Chryséis, ravage l’armée des Grecs par une peste cruelle ? […] Il enlève Briséis à Achille, sans doute afin que ce héros, qui portait avec lui le destin de Troie, s’éloigne avec ses guerriers et ses vaisseaux, et qu’Hector égorge le reste des Grecs que la peste a pu épargner… Voilà pourtant le poète qu’on a jusqu’ici regardé comme le fondateur de la civilisation des Grecs, comme l’auteur de la politesse de leurs mœurs. […] Ainsi Achille reçoit dans sa tente l’infortuné Priam, qui est venu seul pendant la nuit à travers le camp des Grecs, pour racheter le cadavre d’Hector ; il l’admet à sa table, et pour un mot que lui arrache le regret d’avoir perdu un si digne fils, Achille oublie les saintes lois de l’hospitalité, les droits d’une confiance généreuse, le respect dû à l’âge et au malheur ; et dans le transport d’une fureur aveugle, il menace le vieillard de lui arracher la vie. Le même Achille refuse, dans son obstination impie, d’oublier en faveur de sa patrie l’injure d’Agamemnon, et ne secourt enfin les Grecs massacrés indignement par Hector, que pour venger le ressentiment particulier que lui inspire contre Pâris la mort de Patrocle. […] Usage barbare dont les nations se seraient constamment abstenues si l’on en croyait les auteurs qui ont écrit sur le droit des gens, et qui pourtant était alors pratiqué par ces Grecs auxquels on attribue la gloire d’avoir répandu la civilisation dans le monde.

63. (1716) Réflexions sur la critique pp. 1-296

Les auteurs que je cite sçavoient fort bien le grec. […] Il semble même que les dieux qui se déclarent pour les grecs, soient plus forts que les autres. […] N’est-il pas le maître d’aller aux ennemis, et de s’exposer à périr pour le salut des grecs. […] s’écrient-ils, si vous sçaviez le grec ! […] Despreaux l’ont bien fait voir eux-mêmes dans ce qu’ils ont imité des grecs et des latins.

64. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre VI. De la politique poétique » pp. 186-220

Thucydide en explique la raison en nous apprenant que la crainte des pirates empêcha longtemps les peuples grecs d’habiter sur les rivages . […] Cependant cet Achille, le plus grand des héros grecs, Homère nous le représente sous trois aspects entièrement contraires aux idées que les philosophes ont conçues de l’héroïsme antique. […] Voilà le héros qu’Homère qualifie toujours du nom d’ irréprochable (ἀμύμων), et qu’il semble proposer aux Grecs pour modèle de la vertu héroïque ? […] De même que les Grecs, du mot χείρ, la main, qui par extension signifie aussi puissance chez toutes les nations, tirèrent celui de χύρια, dans un sens analogue à celui du latin curia. […] Plaute dit dans plusieurs endroits, qu’il a traduit, en langue barbare, les comédies grecques…, Marcus vertit barbarè .

65. (1714) Discours sur Homère pp. 1-137

Il y a des dieux grecs et des dieux troyens ; et ce sont de nouveaux chefs que le poëte distribue dans chaque parti. […] Il vouloit d’un côté que son héros fût absolument nécessaire aux grecs, et qu’il valût lui seul, autant que toute l’armée. […] Il rappelle tout ce qu’il a fait pour les grecs, et se compare avec quelque étenduë à un oiseau qui s’expose à tous les dangers pour ses petits. […] L’expression grecque, dit-elle, signifie l’un et l’autre. […] Si quelquefois elle est obligée d’employer plusieurs mots, pour rendre ce qu’un seul exprime en grec, quelquefois en revanche, elle sera assez heureuse pour renfermer dans un seul mot le sens de plusieurs expressions grecques.

66. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre deuxième »

Une visite fut faite dans leur cellule, et les livres grecs furent confisqués. […] Écrivant à Rabelais lui-même, Budé le loue de son habileté dans les langues grecque et latine, et lui demande pardon d’imiter le ton enjoué dans lequel Rabelais lui a écrit. […] Quant à sa prédilection pour le grec, un double attrait l’y portait. Le grec était la langue défendue : c’était une grâce de plus pour un esprit curieux et libre. […] Il en avait sans doute appris l’art dans les écrits des Grecs, où cette variété des pensées et des tours qui les expriment ce mélange d’expressions de tous les ordres, est une des grâces inimitables du génie grec.

67. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 13, qu’il est probable que les causes physiques ont aussi leur part aux progrès surprenans des arts et des lettres » pp. 145-236

Les ouvriers grecs n’alloient point apparemment chercher fortune au service du roi des perses, aussi volontiers que le faisoient les soldats grecs. […] On doit regarder avec veneration les écrits de ces deux grecs. […] L’industrie des grecs avoit dégeneré en artifice, comme leur sagacité en esprit de finesse. Les grecs, au talent de s’entre-nuire près, étoient redevenus grossiers. […] Quels hommes que les generaux grecs de ces temps-là ?

68. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVI. Des sophistes grecs ; du genre de leur éloquence et de leurs éloges ; panégyriques depuis Trajan jusqu’à Dioclétien. »

Des sophistes grecs ; du genre de leur éloquence et de leurs éloges ; panégyriques depuis Trajan jusqu’à Dioclétien. […] À l’égard des villes grecques de l’Asie, elles n’avaient pas même de souvenir de grandeur. […] C’est pour ces raisons qu’aucun de ces Grecs n’a égalé ni Tacite, ni Quintilien, ni Pline ; mais il faut y ajouter encore la différence du séjour. […] À Rome, tout devait tendre à un certain excès, et dans les villes grecques à une certaine mollesse. […] Parmi ces orateurs ou sophistes grecs dont nous venons de parler, un très grand nombre composèrent des éloges de particuliers, de villes et d’empereurs.

69. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre IV. Pourquoi le génie d’Homère dans la poésie héroïque ne peut jamais être égalé. Observations sur la comédie et la tragédie » pp. 264-267

Il n’en est pas de même pour la comédie : les caractères de la nouvelle comédie à Athènes furent tous imaginés par les poètes du temps, auxquels une loi défendait de jouer des personnages réels, et ils le furent avec tant de bonheur, que les Latins, avec tout leur orgueil, reconnaissent la supériorité des Grecs dans la comédie. […] L’ancienne comédie prenait des sujets véritables pour les mettre sur la scène, tels qu’ils étaient ; ainsi ce misérable Aristophane joua Socrate sur le théâtre, et prépara la ruine du plus vertueux des Grecs. La nouvelle comédie peignit les mœurs des âges civilisés, dont les philosophes de l’école de Socrate avaient déjà fait l’objet de leurs méditations ; éclairés par les maximes dans lesquelles cette philosophie avait résumé toute la morale, Ménandre et les autres comiques grecs purent se former des caractères idéaux, propres à frapper l’attention du vulgaire, si docile aux exemples, tandis qu’il est si incapable de profiter des maximes. […] Or, ces tableaux passionnés ne furent jamais faits avec plus d’avantage que par les Grecs des temps héroïques, à la fin desquels vint Homère…… Aristote dit avec raison dans sa Poétique, qu’Homère est un poète unique pour les fictions. […] À chacun de ces caractères les peuples grecs attachèrent toutes les idées particulières qu’on pouvait y rapporter, en considérant chaque caractère comme un genre.

70. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 12, des siecles illustres et de la part que les causes morales ont au progrès des arts » pp. 128-144

Les guerres que les grecs se faisoient entr’eux, étoient donc ce qu’on appelle proprement des guerres reglées où l’humanité se pratiquoit, souvent avec courtoisie. […] On peut se faire une idée du peu d’acharnement des combats qui se donnoient entre les grecs par la surprise où Tite-Live nous dit qu’ils tomberent, quand ils virent les armes meurtrieres des romains, et leur acharnement dans la mêlée. […] Ainsi la plûpart des grecs devenoient des connoisseurs, du moins en acquerant un goût de comparaison. […] Les grecs étoient si fort prévenus en faveur de tous les talens qui mettent de l’agrément dans la societé, que leurs rois ne dédaignoient pas de choisir des ministres parmi des comédiens. in scenam verô… etc., dit Cornelius Nepos en parlant de grecs.

71. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre I. Renaissance et Réforme avant 1535 — Chapitre II. Clément Marot »

Le seul auteur grec connu était le pseudo-Denys l’Aréopagite, identifié à saint Denis, en l’honneur de qui, le 16 octobre, on célébra tous les ans jusqu’en 1789 une messe grecque à l’abbaye de Saint-Denis. […] Les dominicains, pour l’intérêt des études théologiques et de leurs missions lointaines, semblent s’être préoccupés du grec, comme de l’hébreu : on a d’eux quelques traductions faites sur les originaux. […] La ruine de l’empire grec avait envoyé en Occident de savants hommes, mais aussi toute sorte de gens, qui n’avaient de grec que le nom, et, s’ils savaient à peu près leur langue nationale, étaient tout à fait incapables de l’enseigner. Budé s’adresse au Spartiate George Hermonyme ; Érasme rencontre un Grec affamé, Michel Pavius, qui le fait payer très cher : tous les deux, après quelques leçons, renoncent à rien tirer de leurs professeurs. […] En 1504 ou 1505, Le Fèvre d’Étaples explique la grammaire grecque de Théodore Gaza au collège de Coqueret.

72. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VIII, les Perses d’Eschyle. »

. — Les Guerres médiques ressuscitent le théâtre grec. […] Sans elles, comme nous l’avons dit, le Drame grec aurait été détruit sur ses fondations. […] Les nefs grecques nous enveloppent par une manœuvre habile, et percent les nôtres qui tombent sur le flanc. […] Eschyle, adoucissant cette fois son génie farouche, transporte en Perse les rites gracieux de la magie grecque. […] Les Grecs, à qui l’outrance répugnait si fort en toute chose, se moquaient de ces démonstrations effrénées.

73. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre IX. »

« Votre gloire durera toujours dans les siècles, cher Harmodius et Aristogiton, parce que vous avez tué le tyran et fait Athènes libre sous les lois. » La poésie grecque, et surtout celle qui parlait de myrte, n’avait pas toujours cette humeur farouche et ces souvenirs implacables. […] On sait la célébrité d’Anacréon ; il n’est pas de nom grec plus connu. […] Pausanias, dans une de ses revues de la statuaire grecque, remarque sous un portique d’Athènes, tout près de Xanthippe, un des glorieux combattants de Mycale, Anacréon de Téos, le premier qui, après Sapho, dit-il, ait fait sur l’amour le plus grand nombre de ses vers. […] En parcourant ce second âge des monuments et des ruines éclatantes du génie grec, nous approchons par degrés du grand poëte qui devait en porter si haut la gloire dans ses chants sublimes et populaires. […] Je le croirai, par exemple, pour quelques vers qui ne me semblent que le début d’un hymne à la gloire d’Athènes : « Salut, braves105, vous qui avez remporté le grand honneur de la guerre, enfants d’Athènes, habiles cavaliers qui jadis, pour votre patrie aux belles fêtes, avez consumé votre jeunesse, en suivant un parti contraire à celui du plus grand nombre des Grecs ! 

74. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XI. »

. — De l’ode dans la comédie grecque. […] Les rares débris de ses pièces perdues nous laissent voir encore çà et là bien des effluves de ce feu lyrique dont il inondait l’âme des Grecs. […] que ne s’est-il plutôt abîmé dans le vide des airs, ou dans le vaste sein d’Adès, l’homme qui fit connaître à tous les Grecs Mars aux armes affreuses ! […] Ce caractère tenait si bien au génie même du théâtre grec, qu’en baissant, après Eschyle et Sophocle, le ton de la tragédie, Euripide n’en est pas moins lyrique. […] N’essayons pas même ici d’analyser ce charme de la poésie grecque.

75. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « De la tragédie chez les Anciens. » pp. 2-20

Les Grecs venant à se polir, transportèrent dans leurs villes une fête née du loisir de la campagne. […] Sophocle et Euripide coururent après lui la même carrière ; et en moins d’un siècle, la tragédie grecque, qui avait pris forme tout d’un coup entre les mains d’Eschyle, arriva au point où les Grecs nous l’ont laissée : car, quoique les poètes dont je viens de parler, eussent des rivaux d’un très grand mérite, qui même l’emportèrent souvent sur eux dans les jeux publics, les suffrages des contemporains et de la postérité se sont néanmoins réunis en leur faveur. On les reconnaît pour les maîtres de la scène ancienne ; et c’est uniquement sur le peu de pièces qui nous restent d’eux, que nous devons juger du théâtre des Grecs. […] Ainsi Homère l’apprit-il aux Grecs. […] Ce dénouement, autre invention des Grecs sur les pas d’Homère, résout l’embarras et démêle peu à peu ou tout à coup l’intrigue, quand elle est portée aussi loin qu’elle peut l’être.

76. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « A. Grenier » pp. 263-276

Ivre de grec et de latin, la Renaissance, cette Érigone, l’a résolue, avec cet affolement que lui inspirait cette antiquité retrouvée. […] Quelques esprits, sublimement intuitifs, comme de Maistre et Bonald, avaient bien vu synthétiquement ce qu’il en était de cette société païenne, de ces Grecs et de ces Romains tués par des sophistes, des rhéteurs et des grammairiens, leur maladie pédiculaire ! […] L’auteur du livre intitulé : À travers l’Antiquité, nous donne de ces rhéteurs, qui furent d’abord des Grecs, et qui devinrent des Romains, une idée qu’aucun livre n’en avait donnée, même approximativement. […] Écoutons-le et répondons-lui : « En relisant cet opuscule, — nous dit-il, — perpétré, il y a quinze ans, j’éprouve le remords d’avoir été trop dur envers les Grecs et les Romains. » (Mais le remords aurait dû détruire le livre, et ne pas le publier en le dégradant !) […] « Ce que je ne ferais pas aujourd’hui, — ajoute encore Grenier, — c’est de si fort réprouver les rhéteurs grecs.

77. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre IX. Suite des éloges chez les Grecs. De Xénophon, de Plutarque et de Lucien. »

Suite des éloges chez les Grecs. […] On sait qu’il commanda les Grecs dans la retraite des dix mille, mais on ne sait pas également que pour récompense, il fut exilé de son pays. […] Telle était l’impression que firent autrefois sur les Grecs, les écrits de Xénophon. […] Cicéron, dans le second livre de l’Orateur, nous apprend que de son temps on avait un grand nombre d’ouvrages grecs qui contenaient les éloges de Thémistocle, d’Aristide, d’Épaminondas, de Philippe et d’Alexandre. […] Parmi les écrivains grecs qui ont fait des éloges, on ne s’attend guère à trouver le nom de Lucien ; il est beaucoup plus connu par la finesse de ses satires : c’est le Swift des Grecs.

78. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XVIII. »

La trace de ces influences se retrouve dans quelques débris des anciens offices de l’Église grecque. […] Ne peut-on pas appliquer ici à la tradition lyrique du génie grec ce qu’on a dit de la race même ? […] Ce fut un des caractères de l’Église grecque. […] Mais un meilleur dessein de ce même sophiste grec et de son fils, des deux Apollinaire et de leurs disciples, c’était de vulgariser dans la langue grecque le génie hébraïque, d’où sort, en partie, le christianisme même ; c’était d’enrichir la Grèce, en lui apportant un nouveau reflet des couleurs et des feux de l’Orient. […] C’est par là que ces hymnes grecs doivent se distinguer à nos yeux de tant d’autres vers du même siècle ou du siècle suivant.

79. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLIXe Entretien. L’histoire, ou Hérodote »

Il s’y perfectionna dans le dialecte ionien, le plus doux des dialectes grecs. […] Le mode d’expiation des Lydiens est à peu près semblable à celui qui est en usage chez les Grecs. […] Hercule, Neptune, les Dioscores, suivant Hérodote, paraissent avoir la même origine grecque par la navigation. En revanche, selon lui, les Grecs ont donné à l’Égypte les oracles et Jupiter, le dieu des dieux olympiens. […] Il laissa donc passer quatre jours, espérant que les Grecs se retireraient.

80. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VI. De la littérature latine sous le règne d’Auguste » pp. 164-175

Cependant Virgile, Horace, Ovide, malgré les flatteries qu’ils ont prodiguées à Auguste, se sont montrés beaucoup plus philosophes, beaucoup plus penseurs dans leurs écrits, qu’aucun des poètes grecs. […] Ils ont emprunté des Grecs beaucoup d’inventions poétiques, que les modernes ont imitées à leur tour, et qui semblent devoir être à jamais les éléments de l’art. […] L’amour de la campagne, qui a inspiré tant de beaux vers, prend chez les Romains un autre caractère que chez les Grecs. […] Des réflexions morales se mêlent à leur poésie descriptive ; on croit apercevoir des regrets et des souvenirs dans tout ce que les poètes écrivaient alors ; et c’est sans doute par cette raison qu’ils réveillent plus que les Grecs une impression sensible dans notre âme. Les Grecs vivaient dans l’avenir, et les Romains aimaient déjà, comme nous, à porter leurs regards sur le passé.

81. (1890) L’avenir de la science « XI »

Il faudrait se borner à l’antiquité grecque et latine, et même, dans ces limites, l’étude des chefs-d’œuvre seule aurait du prix. […] Les littératures grecque et latine sont classiques par rapport à nous, non pas parce qu’elles sont les plus excellentes des littératures, mais parce qu’elles nous sont imposées par l’histoire. […] Enfin c’est de l’analyse du grec et du latin, soumis au travail de décomposition des siècles barbares, que sortent le grec moderne et les langues néo-latines. […] Notre civilisation, nos institutions, nos langues sont construites avec des éléments grecs et latins. Donc, le grec et le latin, qu’on le veuille ou qu’on ne le veuille pas, nous sont imposés par les faits.

82. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — I. » pp. 322-340

Callet sa première leçon de mathématiques et se livrant à l’étude du grec sous M.  […] Courier, comme tous ses camarades, jouissait vivement de cette indépendance ; mais il en était peu qui eussent comme lui dans leur poche un Homère grec pour compagnon inséparable dans leurs courses à travers champs. […] C’était, comme vous voyez, un Cupidon dérobant les armes d’Hercule, morceau d’un travail exquis, et grec si je ne me trompe. […] Il est devenu lui-même Italien ; après la langue grecque, il ne trouve rien à comparer à ces idiomes si riches et si suaves des diverses contrées de l’Italie. […] Étant à Florence, en 1809, il examina, à la bibliothèque de San Lorenzo, un manuscrit grec des Amours de Daphnis et Chloé, qu’il reconnut plus complet que ce qu’on avait imprimé jusque-là.

83. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XV. »

Autres essais de poésie lyrique à Rome en dehors de la scène, mais toujours à l’exemple des Grecs. — Art savant de Catulle. — Lucrèce. […] Mais ce poëte, si puissant de sève natale et de génie, s’est formé sous l’influence de l’âge philosophique des Grecs. […] » Dans d’autres occasions, Catulle nous rend l’image de cette poésie grecque mêlée si souvent aux fêtes de la vie privée, au luxe de la richesse. […] Quelque chose de la gravité patricienne semble ici modérer la passion, ou la licence de la muse grecque ; mais c’est en oubliant sa gracieuse mythologie. […] Depuis Hésiode et depuis Homère, l’art grec avait dû bien des fois reprendre ce souvenir voisin des Argonautes et de la guerre de Troie.

84. (1898) La cité antique

Assurément les Grecs n’ont pas emprunté cette religion aux Hindous, ni les Hindous aux Grecs. […] On verra plus loin qu’il en a été de même chez les Grecs. […] Cela est frappant surtout dans le droit grec. […] Les Grecs emportaient avec eux les statues de leurs divinités. […] « Terre sacrée de la patrie », disaient les Grecs.

85. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIe entretien. Suite de la littérature diplomatique » pp. 5-79

Bonaparte l’a tentée, mais c’était un piège : il était plus Grec que les Grecs. […] La France libérale aurait crié vengeance contre l’alliance antipolonaise ; la France catholique aurait crié anathème contre le patriarche grec. […] Voyez, par exemple, la population grecque : elle existe dans le Péloponnèse, puis elle est interceptée du reste du territoire européen par des millions de Bulgares et de Serbes, véritables Helvétiens de la Turquie. […] Voyez, même à Jérusalem, la rixe incessante des Grecs schismatiques et des Grecs catholiques à la porte du saint sépulcre. […] Qui est-ce qui y consent, excepté les Grecs, dans ces trois continents ?

86. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre II. De la patrie d’Homère » pp. 258-259

S’il est vrai qu’il n’existe point d’écrivain plus ancien qu’Homère, comme Josèphe le soutient contre Apion le grammairien, si les écrivains que nous pourrions consulter ne sont venus que longtemps après lui, il faut bien que nous employions notre critique métaphysique à trouver dans Homère lui-même et son siècle et sa patrie, en le considérant moins comme auteur de livre, que comme auteur ou fondateur de nation ; et en effet, il a été considéré comme le fondateur de la civilisation grecque. […] Un passage précieux justifie cette conjecture : Alcinoüs, roi de l’île des Phéaciens, maintenant Corfou, offre à Ulysse un vaisseau bien équipé, pour le ramener dans son pays, et lui fait remarquer que ses sujets, experts dans la marine, seraient en état, s’il le fallait, de le conduire jusqu’en Eubée  ; c’était, au rapport de ceux que le hasard y avait conduits, la contrée la plus lointaine, la Thulé du monde grec (ultima Thule). […] On lit dans Sénèque, que c’était une question célèbre que débattaient les grammairiens grecs, de savoir si l’Iliade et l’Odyssée étaient du même auteur. Si les villes grecques se disputèrent l’honneur d’avoir produit Homère, c’est que chacune reconnaissait dans l’Iliade et l’Odyssée ses mots, ses phrases et son dialecte vulgaires.

87. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 11-15754

X. c. vj. oû ce P. soûtient que les Grecs ont pris leurs lettres des Hébreux. […] Clenard & le commun des Grammairiens Grecs disent qu’il y a aussi en Grec des adjectifs qui n’ont qu’une terminaison pour les trois genres : mais la savante méthode Greque de P. R. assure que les Grecs n’ont point de ces adjectifs, liv. […] Que l’alphabet Grec me paroît le moins défectueux. […] Elles n’en ont pas moins leur place dans l’alphabet Grec.

88. (1767) Sur l’harmonie des langues, et en particulier sur celle qu’on croit sentir dans les langues mortes

si vous saviez le grec ! […] Comme beaucoup d’autres qu’eux ont au moins une teinture du grec, et une connaissance assez raisonnable du latin, il est aisé de les embarrasser sur ce qui fait le sujet de leurs exclamations. […] Il n’y a, ce me semble, dans les phrases latines et grecques, qu’une seule espèce d’harmonie qui puisse être sensible pour nous jusqu’à un certain point. […] Que penser à plus forte raison de ses vers latins, et surtout de ses vers grecs ? […] Les spectateurs trouveraient trop ridicules en français les sottises qu’on y débite gravement en latin, et auxquelles même on a fait l’honneur de les débiter quelquefois en grec.

89. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Argument » pp. 249-250

C’est une application de la méthode qu’on y a suivie, au plus ancien auteur du paganisme, à celui qu’on a regardé comme le fondateur de la civilisation grecque, et par suite de celle de l’Europe. L’auteur entreprend de prouver : 1º qu’Homère n’a pas été philosophe ; 2º qu’il a vécu pendant plus de quatre siècles ; 3º que toutes les villes de la Grèce ont eu raison de le revendiquer pour citoyen ; 4º qu’il a été, par conséquent, non pas un individu, mais un être collectif, un symbole du peuple grec racontant sa propre histoire dans des chants nationaux. […] Chaque ville grecque revendiqua Homère pour citoyen, parce qu’elle reconnaissait quelque chose de son dialecte vulgaire dans l’Iliade ou l’Odyssée. […] On doit trouver dans les poèmes d’Homère les deux principales sources des faits relatifs au droit naturel des gens, considéré chez les Grecs.

90. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre V »

Un mot peut être rigoureusement doctoral sans être affligé d’une désinence grecque, sans affecter des allures d’étiquette pharmaceutique, sans exhaler des relents d’hôpitaux. […] 89, les nôtres parlent grec. […] Ils commencèrent à user sérieusement de ce stratagème au xviiie  siècle ; du moins ne voit-on, avant cette époque, même dans Furetière, que peu de termes médicaux tirés du grec. […] Brissaud90, sont coupables de conserver et surtout d’inventer des formes bâtardes, métissées de grec et de latin, dans les cas où le fond de notre langue suffirait amplement. » Et il cite le mot excellent de cailloute, nom d’une phtisie particulière aux casseurs de cailloux ou provoquée par des poussières minérales ; les nosographes, le trouvant trop clair et trop français l’ont biffé pour écrire pneumochalicose. Trousseau, dès le milieu du siècle, avait signalé l’abus de cette méthode qui torture la langue grecque et entasse les savants solécismes.

91. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre III. De la comédie grecque » pp. 113-119

De la comédie grecque Les tragédies (si l’on en excepte quelques chefs-d’œuvre) exigent moins de connaissance du cœur humain que les comédies, l’imagination suffit pour peindre ce qui s’offre naturellement aux regards, l’expression de la douleur. […] On se demande cependant avec étonnement, en lisant les comédies d’Aristophane, comment il se peut qu’on ait applaudi de semblables pièces dans le siècle de Périclès, comment il se peut que les Grecs aient montré tant de goût dans les beaux-arts, et une grossièreté si rebutante dans les plaisanteries. […] L’exclusion des femmes empêchait aussi que les Grecs ne se perfectionnassent dans la comédie. […] L’art comique, tel qu’il était du temps des Grecs, ne pouvait se passer d’allusions : on n’avait pas assez approfondi le cœur humain dans ses passions secrètes, pour intéresser seulement en les peignant ; mais il était très aisé de plaire au peuple en tournant ses chefs en dérision. […] Aristophane n’a composé que des pièces de circonstance, parce que les Grecs étaient extrêmement loin de la profondeur philosophique, qui permet de concevoir une comédie de caractère, une comédie qui intéresse l’homme de tous les pays et de tous les temps.

92. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre VII »

Ou bien l’enseignement du latin sera maintenu et même fortifié par l’étude des textes de la seconde et de la troisième latinité ; ou bien notre langue deviendra une sorte de sabir formé, en proportions inégales, de français, d’anglais, de grec, d’allemand, et toutes sortes d’autres langues, selon leur importance, leur utilité, ou leur popularité. […] Vilipender les langues étrangères n’est pas mon but, non plus que de déprécier le grec ; mais il faut que les domaines linguistiques soient nettement délimités : les mots grecs sont beaux dans les poètes grecs et les mots anglais dans Shakespeare ou dans Carlyle. […] Mais ces considérations, sans être absolument en dehors de mon sujet s’éloignent de l’esthétique verbale : il me faut maintenant étudier, comme je l’ai fait pour le grec, l’intrusion en français des mots étrangers, des mots anglais en particulier.

93. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VI. »

. — Perfection de l’art grec. […] Son nom même consacra un des mètres les plus heureux de la poésie lyrique, dans la langue du peuple nouveau qui domptait et imitait les Grecs. […] On dirait que Sapho était devenue pour l’imagination grecque un symbole où apparaissaient, à leur plus haut degré, la grâce, l’enthousiasme et le génie de la femme. […] Dans ses voyages, le jeune Lesbien se serait épris de passion pour une fille de Thrace, Rhodope, alors esclave dans la colonie grecque de Naucratis, en Égypte. […] Des listes de ces suicides ou réels ou apparents se conservaient ; et un scoliaste grec nous en offre encore une, où manque précisément le nom de Sapho.

94. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Virgile et Constantin le Grand par M. J.-P. Rossignol. »

Or il existe, parmi les œuvres de l’historien ecclésiastique Eusèbe, un discours grec qui passe pour la traduction d’un discours latin attribué à Constantin, et dans ce discours, qui n’est qu’une démonstration du Christianisme, l’Empereur s’appuie sur le témoignage des Sibylles, et particulièrement sur la IVe églogue qu’il produit et commente. Cette églogue se lit aujourd’hui en vers grecs dans le discours. […] — Et quand il est arrivé sur ces divers points à des résultats nets et précis ; quand, ayant franchi les préliminaires, et s’étant pris au texte même de la traduction en vers grecs, il l’a restitué et expliqué, ne croyez pas que l’auteur s’enferme dans les limites trop étroites d’un sujet qui pourrait sembler aride. […] Rossignol établit, avant tout, ce soin scrupuleux et presque religieux que mirent les Grecs à distinguer les genres divers de poésie, et à maintenir ces distinctions premières durant des siècles, tant que chez eux la délicatesse dans l’art subsista : La nature dicta vingt genres opposés D’un fil léger entre eux chez les Grecs divisés ; Nul genre, s’échappant de ses bornes prescrites, N’aurait osé d’un autre envahir les limites… André Chénier s’est fait, dans ces vers, l’interprète fidèle de la poétique de l’antiquité. […] Mais on prend, en quelque sorte, ce travestissement sur le fait, dans la traduction grecque produite par Eusèbe.

95. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XI. De la littérature du Nord » pp. 256-269

Les Grecs, les Latins, les Italiens, les Espagnols et les Français du siècle de Louis XIV, appartiennent au genre de littérature que j’appellerai la littérature du Midi. […] Néanmoins il était plus facile de façonner à la servitude les Grecs que les hommes du Nord. […] La poésie antique du Nord suppose beaucoup moins de superstition que la mythologie grecque. […] Les poésies d’Ossian ne sont pas plus avancées dans l’art poétique, que ne devaient l’être les chants des Grecs avant Homère40. […] Les grands effets dramatiques des Anglais, et après eux des Allemands, ne sont point tirés des sujets grecs, ni de leurs dogmes mythologiques.

96. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Daphnis et Chloé. Traduction d’Amyot et de courier »

Il y a en tête, de ce manuscrit : Discours des choses de Lesbos ; de ce mot discours (λόγοι) lu de travers, on aurait fait Longus, qui a si peu l’air en effet d’un nom grec ; la faute une fois mise en circulation, et voilà un auteur célèbre de plus à l’adresse de la postérité11. […] Il a fallu assez de temps pour que l’œuvre fût appréciée à son prix par les modernes ; mais le bon Amyot avait certainement le sentiment et l’instinct de ce qu’elle valait, lorsqu’il choisir exprès pour l’une des premières traductions du grec qu’il comptait donner au public. Cette traduction d’un gaulois riant, avec tous ses défauts d’exactitude à peu près inévitables, eut pour effet de populariser, de nationaliser de bonne heure l’ouvrage en français, de le faire aimer et goûter, d’y infuser un degré de naïveté qui est plutôt dans le sens que dans les expressions de l’auteur grec. […] Ce grec d’ailleurs n’est commode à lire pour personne ; on est trop heureux d’avoir un équivalent qui en dispense. […] Tout cela est de la plus grande beauté… » J’abrège encore ; le noble vieillard resté Grec, et redevenu enfant, se complaisait évidemment, une dernière fois, à se reposer par l’imagination sur des cadres heureux et des fronts ingénus, doués de la seule pureté naturelle.

97. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc »

Les Grecs, dont on voudrait bien présenter M.  […] Le Grec est essentiellement éclectique et arrangeur avec génie, avec grâce. […] Si nous analysons les édifices des Grecs, nous rencontrons toujours cet esprit fin, délicat, qui sait tirer parti de toute difficulté, de tout obstacle, au profit de l’art, jusque dans les moindres détails. […] Il ne s’arrête pas à ces subtilités ; pourvu que le vêtement soit ample et solide, qu’il soit digne de la chose vêtue, qu’il fasse honneur à celui qui le fait faire, peu lui importe d’ailleurs s’il ne remplit pas les conditions d’art que recherche le Grec !  […] Viollet-Le-Duc montre que les Grecs, plus souples, plus avisés que les Romains, et surtout que les imitateurs des Romains, ne s’y soumettaient pas rigoureusement, et que cette symétrie, pour eux, cédait quelquefois à des raisons fines et d’un ordre supérieur.

98. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « L’abbé Barthélemy. — II. (Fin.) » pp. 206-223

Avec son jeune Grec élégant, poli, et qui nous semble aujourd’hui si froid, l’abbé Barthélemy eut un succès à la Bernardin de Saint-Pierre. […] Barthélemy, dans sa vue de la Grèce, n’a rien d’un Montesquieu : « Il faut que chaque auteur suive son plan, a-t-il dit ; il n’entrait pas dans le mien d’envoyer un voyageur chez les Grecs pour leur porter mes pensées, mais pour m’apporter les leurs autant qu’il lui serait possible. » Il reste à savoir pourtant si les pensées des Grecs, exprimées par eux et traduites sous nos yeux sans explication préalable, sont suffisamment à notre usage. […] Les Grecs n’excellaient pas moins dans le choix des sites de leurs édifices que dans l’architecture de ces édifices mêmes. […] Amyot, se prenant à Longus et à Plutarque, propageait mieux la littérature grecque, et en faisait plus sûrement aimer la prose. […] Ces imitations de Le Brun sont plus grecques que ne se les permettait Barthélemy.

99. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre VI. Des éloges des athlètes, et de quelques autres genres d’éloges chez les Grecs. »

Des éloges des athlètes, et de quelques autres genres d’éloges chez les Grecs. […] c’était là que les Grecs apprenaient à vaincre les Perses ; là ils apprenaient à mesurer le danger, à le prévoir, à user tour à tour de force ou d’adresse, à terrasser, à se relever, à lancer des poids énormes, à franchir des barrières, à parcourir rapidement de vastes espaces, à supporter les impressions de l’air, l’ardeur du soleil, les longs travaux, à voir couler leur sueur avec leur sang ; enfin à préférer la fatigue à la mollesse, et l’honneur à la vie. […] Il faut donc pardonner aux Grecs les éloges de leurs athlètes. […] Outre ces éloges chantés ou prononcés une fois, les Grecs avaient des espèces d’éloges périodiques ou anniversaires, en l’honneur des citoyens qui avaient fait quelque action extraordinaire, ou rendu de grands services à l’État. […] On raconte qu’un philosophe grec, arrivant par hasard à Smyrne le jour qu’on y célébrait la fête d’Homère, fut prié de prononcer son éloge.

100. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire de la Grèce, par M. Grote »

Grote, doublé de notes savantes et comme escorté à tout instant de textes originaux, nous arrivât par les soins d’un traducteur familier avec la langue grecque ; et pour tout indianiste initié au sanscrit, le grec n’est qu’un développement relativement aisé et comme une branche collatérale et dérivée de ses premières et hautes études de linguistique. […] Grote a pris résolument son parti : à ses yeux, il n’y avait rien à faire pour l’histoire dans de telles époques et dans les fictions de tout genre qui les remplissent ; il s’est contenté de les exposer en détail comme se les figuraient les Grecs et comme les premiers auteurs les ont transmises. […] L’intervention de Pisistrate présuppose, au contraire, un certain agrégat ancien et connu à l’avance, dont les principaux traits étaient familiers au public grec, bien que, dans la pratique, bon nombre de rhapsodes pussent s’en écarter souvent. […] Déjà, avant Pisistrate, Solon, se préoccupant de cette immense richesse poétique flottante et de sa conservation chère à tous les cœurs grecs, avait imposé un ordre fixe de récitation aux rhapsodes de l’Iliade, pour la fête des Panathénées. […] Fox, qui le vit dans le voyage qu’il fit en France, en 1802, écrivait sur son compte à un ami : « Je devrais peut-être aussi faire mention de Villoison, le grand Grec, ne fût-ce que pour sa volubilité qui dépasse toute croyance.

101. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVe entretien. Littérature grecque. L’Iliade et l’Odyssée d’Homère » pp. 31-64

Littérature grecque. […] L’antiquité grecque sort des ténèbres un chef-d’œuvre à la main. […] Voici, au reste, comment nous avons reconstruit nous-même, à une autre époque et dans un autre ouvrage, la vie et les œuvres d’Homère, d’après les monuments les plus anciens et les plus authentiques de la critique et de l’érudition grecque. […] Mélanopus s’y maria avec une jeune Grecque aussi pauvre que lui, fille d’un de ses compatriotes, nommé Omyrethès. […] On cacha la faiblesse de Crithéis, et on l’envoya dans une autre colonie grecque qui se peuplait en ce temps-là au fond du golfe d’Hermus, et qui s’appelait Smyrne.

102. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre III. Les traducteurs »

Pelletier, Ramus, apporte sa théorie, plus ou moins influencée par l’image toujours présente du grec et du latin : surtout en matière d’orthographe, ils se livrent à leur fantaisie, selon que prédomine en eux le souci d’y exprimer l’étymologie ou la prononciation. […] Leur effort surtout est fécond pour les auteurs grecs, dont la langue reste même alors accessible à peu de personnes : c’est par eux que Thucydide186, Hérodote, Platon. […] Le Contr’un, s’il n’est pas une traduction, est un écho : on y voit la passion antique de la liberté, l’esprit des démocraties grecques et de la république romaine, des tyrannicides et des rhéteurs, se mêler confusément dans une âme de jeune humaniste, la gonfler, et déborder en une âpre déclamation. […] La reine de Navarre lui fit donner une chaire de latin et de grec à l’université de Bourges ; il l’occupa douze années. […] Il visite l’Italie, et s’arrête longtemps à Rome et à Venise, recherchant les manuscrits des auteurs grecs, et surtout de Plutarque.

103. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Villemain » pp. 1-41

C’était l’occasion d’une belle inspiration dernière pour Villemain, cet humaniste émérite parfumé de grec depuis son enfance, plus sensible à ce grec, s’il ne le savait pas mieux, car nos souvenirs, même littéraires, nos plus pâles fleurs de rhétorique sont comme les autres fleurs et donnent un parfum plus fort-vers le soir. […] C’était un poète de mœurs locales très restreintes, très grec, très thébain, et, quand il n’était pas thébain, très syracusain dans le grec. […] L’inspiration du poète thébain n’est plus qu’une lettre morte, d’un fini vraiment grec ; mais elle est finie dans un autre sens : elle est finie comme tout ce qui ne fut que grec, comme tout ce qui ne s’appuie point à la grande nature humaine, la seule chose qui ne périsse pas ! […] Villemain est un rhéteur, une chose d’origine grecque, mais devenue diablement française. […] C’est d’abord la poésie grecque d’avant et d’après Pindare, puis la poésie à Rome païenne, puis à Rome chrétienne, puis au Moyen Âge, et enfin dans le monde moderne.

104. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre II. De la métaphysique poétique » pp. 108-124

Aussi les premiers hommes furent appelés poètes, c’est-à-dire, créateurs, dans le sens étymologique du mot grec. […] Toutes les nations païennes crurent posséder cette langue dans la divination, laquelle fut appelée par les Grecs théologie, c’est-à-dire, science du langage des dieux. […] Aussi, comme on le voit déjà par l’exemple tiré de Jupiter, tous les sens mystiques d’une haute philosophie attribués par les savants aux fables grecques et aux hiéroglyphes égyptiens, paraîtront aussi choquants que le sens historique se trouvera facile et naturel. […] Considérée sous le dernier de ses principaux aspects, la Science nouvelle nous donnera les principes et les origines de l’histoire universelle, en partant de l’âge appelé par les Égyptiens âge des Dieux, par les Grecs, âge d’or. […] Le ciel était pour les Perses le temple de Jupiter, et leurs rois, imbus de cette opinion, détruisaient les temples construits par les Grecs. — Les Égyptiens confondaient aussi Jupiter et le ciel, sous le rapport de l’influence qu’il avait sur les choses sublunaires et des moyens qu’il donnait de connaître l’avenir ; de nos jours encore ils conservent une divination vulgaire. — Même opinion chez les Grecs qui tiraient du ciel des θεωρήματα et des μαθήματα, en les contemplant des yeux du corps, et en les observant, c’est-à-dire, en leur obéissant comme aux lois de Jupiter.

105. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIe entretien. Phidias, par Louis de Ronchaud (2e partie) » pp. 241-331

« Telle est l’origine à la fois philosophique et poétique de l’anthropomorphisme grec ; c’est la divinité de l’esprit humain que la Grèce adore dans la beauté du corps humain. […] Il était réservé à l’anthropomorphisme grec de rencontrer la beauté souveraine dans l’union étroite de la nature humaine avec l’idée divine. […] Tout sort d’un antécédent ; l’histoire de l’architecture et de la sculpture grecque avant Phidias conduit insensiblement le lecteur de l’ébauche au chef-d’œuvre. […] Athènes, la plus religieuse des villes grecques, au rapport de Pausanias, la ville où le génie ionien s’épanouit dans toute sa beauté, l’œil de la Grèce, selon la poétique expression de Milton, Athènes fut surtout la ville des statues. […] Dans chaque coup de ciseau il a ressuscité le génie de la beauté grecque ; il nous a rendus contemporains de Périclès, de Praxitèle et de Phidias.

106. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — III. Le Poëme épique, ou l’Épopée. » pp. 275-353

Au ton de confiance de cet auteur on eût dit qu’il avoit pâli toute sa vie sur le Grec. […] Il cita les anciens rhéteurs, & fit, autant qu’il put, montre d’érudition grecque. […] Les Latins se sont disputés pour les Grecs, comme nous l’avons fait pour les uns & les autres. […] Le mérite du poëme Grec & du poëme Latin a été mis également en discussion parmi nous. […] L’abbé Fraguier, également naturalisé Grec & Latin, n’a rien voulu décider : ce qui est très-sage.

107. (1874) Premiers lundis. Tome I « Anacréon : Odes, traduites en vers française avec le texte en regard, par H. Veisser-Descombres »

Je dis la ressemblance, et non pas l’imitation : le gentil maître Clément, en effet, ne connaissait point le poëte grec, dont la première édition ne fut donnée par Henri Estienne qu’en 1554, et Marot était mort dix ans plus tôt. […] Mais Anacréon leur réussit bien mieux à imiter que Pindare ou Virgile, ils retrouvaient en lui des sentiments déjà familiers à notre poésie, et que la langue de Marot était capable d’exprimer sans innovation grecque et latine. […] Je me bornerai à l’imitation suivante, dans laquelle Ronsard a substitué à l’idée de l’auteur grec une idée tout aussi gracieuse, et l’a revêtue de formes encore plus charmantes : Les Muses lièrent on jour De chaînes de roses Amour ; Et, pour le garder, le donnèrent Aux Grâces et à la Beauté, Qui, voyant sa desloyauté, Sur Parnasse l’emprisonnèrent. […] Mais, en y regardant de plus près, on reconnut que le travail de M. de Saint-Victor, pour être supérieur à celui de ses devanciers, ne rendait guère mieux son modèle, et que le plus souvent la pensée grecque, si pure et si simple, disparaissait sous un amas d’épithètes oiseuses et d’élégances communes. […] Cette traduction d’ailleurs, qui peut aider à l’interprétation de l’auteur grec, est accompagnée d’un texte élégant, et suivie des nombreuses imitations anacréontiques tirées de nos meilleurs poètes.

108. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Malaise moral. » pp. 176-183

Il était tout naturel que nous fussions de cœur avec les Grecs. […] L’intervention des Grecs, sans être désintéressée, ne laissait pas d’être généreuse. Il est clair que, si les Grecs n’avaient pas bougé, s’ils étaient restés « sages », tout se serait terminé une fois de plus par des « réformes » demandées à la Turquie, promises par elle, et non réalisées. […] On ajoute : « Qui presse tant les Crétois d’être Grecs ? […] Mounet-Sully de ne pas réciter les strophes de l’Enfant grec ; ni pourquoi l’offrande, par les étudiants hellènes, d’une couronne à la tombe de Victor Hugo avait dû prendre des airs de cérémonie clandestine.

109. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre IV »

. — Beauté de la langue des métiers, dont l’étude pourrait remplacer celle du grec. […] Il restait à adoucir la théorie, comme on avait adouci la pratique et à faire rentrer dans renseignement primaire les termes français chassés au profit du grec ; on ne l’a pas osé et l’on continue à enseigner dans les écoles toute une terminologie très inutile et très obscure. […] En dehors du système officiel, mètre a été d’une terrible fécondité ; allié tantôt à un mot grec, tantôt à un mot latin, car tout est bon aux barbares qui méprisent la langue française, il donna une quantité de termes inutiles et déconcertants tels que chronomètre, microchronomètre, célérimètre (que l’instinct a tout de même éliminé pour prendre compteur), anthropométrie. […] Comme les Poids et Mesures, la plupart des métiers ont eu à subir l’assaut du gréco-français, mais la plupart ont assez bien résisté, opposant au pédantisme la richesse de leurs langues spéciales créées bien avant la vulgarisation du grec. […] Récemment la racine [mot en caractère grec] est venue donner naissance, d’abord à l’hippologie (qui n’est autre que la maréchalerie), puis à l’hippophagie ; les palefreniers sont devenus très probablement des hippobosques et enfin, ceci est plus certain, la colle faite avec la peau du cheval a pris le nom magnifique d’hippocolle.

110. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 31, que le jugement du public ne se retracte point, et qu’il se perfectionne toujours » pp. 422-431

Un auteur qui a trente ans quand il produit ses bons ouvrages, ne sçauroit vivre les années dont le public a besoin pour juger, non-seulement que ses ouvrages sont excellens, mais qu’ils sont encore du même ordre que ceux des ouvrages des grecs et des romains toujours vantez par les hommes qui les ont entendus. […] Il consiste à plaire et à interesser autant que ces grecs et ces romains, qu’on croit communément être parvenus au terme que l’esprit humain ne sçauroit passer, parce qu’on n’a rien vû encore de meilleur que ce qu’ils ont fait. […] Je dis donc en premier lieu, que le public se trompe quelquefois lorsque trop épris du mérite des productions nouvelles qui le touchent et qui lui plaisent, il décide en usurpant mal à propos les droits de la postérité, que ces productions sont du même genre que ceux des ouvrages des grecs ou des romains, qu’on appelle vulgairement des ouvrages consacrez, et que ses contemporains leurs auteurs, seront toujours les premiers poetes de leur langue. […] On ne trouve pas dans ses vers d’idée sublime ni même des tours d’expression heureux ni de figures nobles, qu’on ne retrouve dans les auteurs grecs et latins. […] Qu’on attende donc que la réputation d’un poete soit allée en augmentant d’âge en âge durant un siecle, pour décider qu’il mérite d’être placé à côté des auteurs grecs et romains, dont on dit communément que les ouvrages sont consacrez, parce qu’ils sont de ceux que Quintilien définit.

111. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Louÿs, Pierre (1870-1925) »

Méléagre, l’auteur de la première anthologie grecque, s’est d’abord fait connaître comme directeur de la Conque, anthologie des plus jeunes poètes où lui-même publia des poèmes exquis. […] C’est avec une netteté de composition absolue, dans la langue la plus savoureuse, la plus concise, la plus transparente sur les sensations aiguës que se déroule la vie, apparue par aspects familiers ou passionnels, de la petite courtisane grecque. […] Soyez sûrs que les cendres de Gautier ont frémi de joie, à l’apparition de ce livre, et que, dans le paradis des lettrés, l’ombre de Flaubert hurle, à l’heure qu’il est, des phrases de Pierre Louÿs, les soumet à l’infaillible épreuve de son gueuloir, et qu’elles la subissent victorieusement… Enfin voilà donc un jeune, un vrai jeune — Pierre Louÿs n’a pas vingt-six ans — qui nous donne un beau livre ; un livre écrit dans une langue impeccable, avec les formules classiques et les mots de tout le monde, mais rénovés et rajeunis à force de goût et d’art ; un livre très savant et où se révèle, à chaque page, une connaissance approfondie de l’antiquité et de la littérature grecque, mais sans pédantisme aucun et ne sentant jamais l’huile et l’effort ; un livre dont la table contient sans doute un symbole ingénieux et poétique, mais un symbole parfaitement clair ; un livre, enfin, qui est vraiment issu de notre tradition et animé de notre génie et dans lequel la beauté, la force et la grâce se montrent toujours en plein soleil, et inondées d’éclatante lumière ! […] Pierre Louÿs ces poèmes à la fois luxurieux et tendres ; et si, les donnant comme traduits du grec, il les attribua dédaigneusement à Bilitis tant aimée et qui, pourtant, n’exista jamais, ce ne fut guère que par amusement de lettré, ou peut-être parce que ce nom aux syllabes chantantes l’emplissait de douceur.

112. (1861) Questions d’art et de morale pp. 1-449

La philosophie et la poésie grecques sont les sources humaines du spiritualisme chrétien. […] Homère est le vrai législateur des Grecs, comme Moïse celui des Hébreux. […] Alors le génie grec se personnifia dans un homme. […] c’est celui de la beauté des monuments grecs. […] C’est d’ailleurs chez les Grecs qu’est née la critique comme y est née la démocratie.

113. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série «  Leconte de Lisle  »

mais que nous veut-il avec ses poèmes indous, hébraïques, grecs et scandinaves ? Excusez-moi, monsieur, je ne sais pas le grec. […] Longtemps, sous la sérénité de la forme, la poésie grecque a caché de profondes tristesses. […] Dirai-je qu’il manque à ces églogues, pour être entièrement grecques, le « je ne sais quoi » que Chénier seul a connu par un extraordinaire privilège ? […] Ainsi rien n’est plus moderne, sous ses formes bouddhiques, grecques ou médiévales, que la poésie de M. 

114. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc (suite et fin.) »

Viollet-Le-Duc, dans cette façon d’écrire l’histoire d’une conquête sur une spirale de marbre, terminée par la statue du conquérant, quelque chose d’étranger à l’esprit grec. […] Les Grecs, en tant qu’ils servent d’ouvriers aux Romains pendant la domination absolue de ces derniers, à l’extrême déclin de la République et depuis Auguste jusqu’à Constantin, subissent la volonté du maître, exécutent ses programmes et se bornent à les orner et à les varier dans le détail, à moins qu’on ne leur permette de rester plus fidèles à l’art grec dans quelques petits temples et monuments : ils sont subordonnés dans tout le reste. […] L’art romain impérial, en émigrant à Byzance, retomba sous l’influence grecque directe qui se mit aussitôt à le travailler, à le modifier, à l’évider, pour ainsi dire, avec la subtilité propre à son génie. […] Mais est-ce que les Grecs dont on parle sans cesse ont fait ainsi ? […] Celui-ci ne cessait de lui montrer de belles estampes, de beaux modèles ; il lui faisait copier des statues grecques, ce qu’il y avait de mieux en gravures.

115. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres inédites de P. de Ronsard, recueillies et publiées par M. Prosper Blanchemain, 1 vol. petit in-8°, Paris, Auguste Aubry, 1856. Étude sur Ronsard, considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare, par M. Eugène Gandar, ancien membre de l’École française d’Athènes, 1 vol. in-8°, Metz, 1854. — II » pp. 76-92

Le grand Arnauld ne l’avait jamais lu, je pense, et ce qu’il savait de grec, vers la fin de sa vie il l’avait oublié. […] Non, ce n’est point du tout parce qu’il avait appris une vingtaine peut-être de phrases grecques dans son enfance, que Henri IV parlait si lestement son joli français. […] Ronsard, en effet, regorgeait de grec quand il se mit à l’œuvre. […] On y est plus aisément indulgent lorsqu’on y arrive par le grec que lorsqu’on y va directement par le français. […] [NdA] Chapelain ne met pas épithète au féminin ; il se souvient du latin et du grec, où le mot est neutre.

116. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre III. Poésie érudite et artistique (depuis 1550) — Chapitre I. Les théories de la Pléiade »

Elle apporte, elle, un art savant, une exquise doctrine : l’art et la doctrine des Grecs et des Romains, des Italiens aussi, qui sont à l’égard de nos Français, comme on l’a déjà vu, la troisième littérature classique. […] La langue Pour la langue, les Romains se faisant d’après les Grecs un vocabulaire philosophique, scientifique et même poétique, indiquaient à la nouvelle école la méthode à suivre : et l’on voit tout de suite le danger. […] Je trouve, tout compte fait, six procédés indiqués par Du Bellay et par Ronsard pour l’enrichissement de la langue : 1° On peut emprunter aux Latins ou aux Grecs leurs termes. […] 2° « Tu composeras hardiment des mots à l’imitation des Grecs et des Latins. » Ce conseil de Ronsard contient une demi-vérité : le mode de composition qu’il indique est bien français ; mais s’il n’eût subi la fascination des langues anciennes, il se fût aperçu que notre langue ne compose ainsi que des substantifs : pourquoi un gosier mâche-laurier est-il ridicule ? […] De là vient cette stupéfiante Préface de la Franciade, où, précisant le retentissant appel de Du Bellay, il enseigne à faire le pillage méthodique des trésors de l’antiquité, à mettre les Grecs et les Romains en coupe réglée ; où l’imitation se fait un décalque servile, matériel, irraisonné ; où sans plus regarder la nature, sans entrer non plus en contact avec l’âme des anciens, on leur arrache ce qu’ils ont d’extérieur, de relatif, de local.

117. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 13, de la saltation ou de l’art du geste, appellé par quelques auteurs la musique hypocritique » pp. 211-233

Notre danse n’étoit qu’une des especes de l’art que les grecs appelloient orchesis, et les romains saltatio. […] Platon dit que l’art que les grecs nomment orchesis, consiste dans l’imitation de tous les gestes et de tous les mouvemens que les hommes peuvent faire. […] Mais c’étoit le nom le plus ordinaire que les grecs donnassent à leurs comédiens. […] Il le nomme orchestam en grec, c’est-à-dire, saltatorem en latin. Nous verrons même par un passage de Cassiodore, que le mot grec avoit été latinisé.

118. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre premier. Beaux-arts. — Chapitre VIII. Des Églises gothiques. »

Les Grecs n’auraient pas plus aimé un temple égyptien à Athènes, que les Égyptiens un temple grec à Memphis. […] On aura beau bâtir des temples grecs bien élégants, bien éclairés, pour rassembler le bon peuple de saint Louis, et lui faire adorer un Dieu métaphysique, il regrettera toujours ces Notre-Dame de Reims et de Paris, ces basiliques, toutes moussues, toutes remplies des générations des décédés et des âmes de ses pères ; il regrettera toujours la tombe de quelques messieurs de Montmorency, sur laquelle il souloit se mettre à genoux durant la messe, sans oublier les sacrées fontaines où il fut porté à sa naissance. […] Les Grecs ont tourné l’élégante colonne corinthienne, avec son chapiteau de feuilles, sur le modèle du palmier141.

119. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre III. Du temps où vécut Homère » pp. 260-263

Les délicieux jardins d’Alcinoüs, la magnificence de son palais, la somptuosité de sa table, prouvent que les Grecs admiraient déjà le luxe et le faste. — 4. […] Nous pourrions même le rapprocher encore, car Homère parle de l’Égypte, et l’on dit que Psammétique, dont le règne est postérieur à celui de Numa, fut le premier roi d’Égypte qui ouvrit cette contrée aux Grecs ; mais une foule de passages de l’Odyssée montrent que la Grèce était depuis longtemps ouverte aux marchands phéniciens, dont les Grecs aimaient déjà les récits non moins que les marchandises, à peu près comme l’Europe accueille maintenant tout ce qui vient des Indes. Il n’est donc point contradictoire qu’Homère n’ait pas vu l’Égypte, et qu’il raconte tant de choses de l’Égypte et de la Lybie, de la Phénicie et de l’Asie en général, de l’Italie et de la Sicile, d’après les rapports que les Phéniciens en faisaient aux Grecs.

120. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre V »

Enfin tous les vocabulaires techniques ont trouvé dans le grec des mots faciles à franciser et immédiatement acceptables ; je citerai glène, galène, malacie, lycée, mélisse, en renvoyant aux premières pages de cette étude où l’on trouvera les raisons de leur beauté analogique. Ils ont une forme heureuse, mais par hasard ; et pourtant tout mot grec aurait pu devenir français si l’on avait laissé au peuple le soin de l’amollir et de le vaincre. […] Le premier remède sera de rejeter tous les principes de l’orthographe étymologique et de soulager les mots empruntés au grec de leurs vaines lettres parasites . […] Le peuple de Paris essaie de donner une forme aux mots grecs ; il prononce : chirurgie et chérugie, panégérique, farmacerie, plurésie, rachétique, rumatisse, cangrène, cataplâsse, cataclisse, etc..

121. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — I. » pp. 473-493

Ernest Renan106, nous introduisait dans le docte ménage d’un professeur hollandais, et il rappelait à cette occasion les femmes célèbres qui, en Italie, depuis la renaissance des lettres jusqu’à des temps très rapprochés de nous, avaient occupé des chaires savantes, des chaires de droit, de mathématiques, de grec. […] Il était de Caen ; il s’était formé presque tout seul aux lettres, n’ayant commencé à apprendre Musa qu’à douze ans ; pour le grec particulièrement, où il excellait, il n’avait eu de maître que pendant très peu de mois, et s’était avancé à force de lire et d’étudier directement et aux sources. Il a écrit en français un petit traité intitulé Méthode pour commencer les humanités grecques et latines, qui est le résumé de son expérience et qu’il faut mettre à côté des écrits de Messieurs de Port-Royal en ce genre. […] Donnez-vous la peine d’y faire une réflexion sérieuse, et priez Dieu qu’il ouvre un jour vos yeux et votre cœur à la vérité. » Cependant Mlle Le Fèvre publia, en 1681, les Poésies d’Anacréon et de Sapho, traduites du grec en français. […] Charles a tort ; il lit le grec, et ne se met point à la place de ceux qui ne le savent pas ; il était digne de sentir ce mérite utile d’une femme docte et simple.

122. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 2, de l’attrait des spectacles propres à exciter en nous une grande émotion. Des gladiateurs » pp. 12-24

L’attrait du spectacle des gladiateurs le fit aimer des grecs aussi-tôt qu’ils le connurent : ils s’y accoutumerent, quoiqu’ils n’eussent point été familiarisez avec ses horreurs dès l’enfance. Les principes de morale où les grecs étoient alors élevez, ne leur permettoient pas d’avoir d’autres sentimens que des sentimens d’aversion pour un spectacle où, dans le dessein de divertir l’assemblée, on égorgeoit des hommes qui souvent n’avoient pas merité la mort. Sous le regne d’Antiochus Epiphane, roi de Syrie, les arts et les sciences qui corrigent la ferocité de l’homme, et qui même quelquefois amolissent trop son courage, fleurissoient depuis long-tems dans tous les païs habitez par les grecs. […] Antiochus qui formoit de grands projets, et qui mettoit en oeuvre pour les faire réussir le genre de magnificence qui est propre à concilier aux souverains la bienveillance des nations, fit venir de Rome à grands frais des gladiateurs pour donner aux grecs amoureux de toutes les fêtes un spectacle nouveau. […] Qu’on s’imagine ce que les grecs, toujours ingenieux à se vanter, comme à rabaisser les barbares, purent dire sur la ferocité des autres nations ; Antiochus ne se rebuta point.

123. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres inédites de P. de Ronsard, recueillies et publiées par M. Prosper Blanchemain, 1 vol. petit in-8°, Paris, Auguste Aubry, 1856. Étude sur Ronsard, considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare, par M. Eugène Gandar, ancien membre de l’École française d’Athènes, 1 vol. in-8°, Metz, 1854. — I » pp. 57-75

Il est aisé aujourd’hui à un ancien élève de l’École normale qui a de plus couronné son éducation classique à l’École d’Athènes, et qui a parcouru avec méthode pendant des années le cercle complet des lectures tant latines que grecques, de venir indiquer par où pouvait pécher une tentative d’imitation et un retour quelconque vers l’antique, et de relever les témérités ou les inexpériences. Nos poètes de 1827 n’avaient pas fait, comme Goethe, leurs études dans des universités allemandes d’où l’on sortait en emportant L’Odyssée dans ses promenades ; comme Byron ou les lakistes, ils n’avaient pas été formés dans des écoles où l’on finit par lire les chœurs des tragiques grecs en se jouant. […] Il y ajoutait trop de mots composés qui n’étaient point encore introduits dans le commerce de la nation : il parlait français en grec, malgré les Français mêmes. […] De retour à Paris, il s’enferma dans un collège auprès de Jean Dorat pour maître, et pendant sept ans (1542-1549), avec quelques condisciples de sa trempe et qu’il excitait de sa propre ardeur, il refit de fond en comble son éducation, il lut tous les poètes anciens, surtout les Grecs, chose très neuve alors en France. […] Il a à cœur d’illustrer, de promouvoir notre langue, et de montrer aux étrangers qu’elle devancerait la leur, si ces beaux diseurs médisants, qui s’attaquent déjà à lui et qui combattent proprement des ombres (il les appelle d’un mot grec effrayant, Sciamaches), voulaient aussi bien s’appliquer à la défendre et à la propager.

124. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Leconte de Lisle, Charles-Marie (1818-1894) »

Jeune, mais déjà mûr, d’un esprit ferme et haut, nourri des études antiques et de la lecture familière des poètes grecs, il a su en combiner l’imitation avec une pensée philosophique plus avancée et avec un sentiment très présent de la nature. […] comme c’est grec, me disait un voisin le soir de la première représentation ! C’est même plus que grec : c’est barbare ! […] Leconte de Lisle l’ait vu surtout à travers le livre de Victor Hugo, qui s’est peint lui-même sous les traits prodigieux du vieux tragique grec. […] Si vous faites tant que de prendre les mots grecs, prenez-les en leur vraie forme et dites : Azis, qui est, à peu de chose près, la vraie prononciation !

125. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 4, de l’art ou de la musique poëtique, de la mélopée. Qu’il y avoit une mélopée qui n’étoit pas un chant musical, quoiqu’elle s’écrivît en notes » pp. 54-83

Qu’il y avoit une mélopée qui n’étoit pas un chant musical, quoiqu’elle s’écrivît en notes On a vû par l’énumeration et par la définition des arts musicaux, que la musique poëtique, prise dans toute son étenduë, ne faisoit qu’un seul et même art parmi les grecs, mais que parmi les romains elle faisoit deux arts distincts, sçavoir l’art de composer des vers métriques de toute sorte de figure, et la mélopée ou l’art de composer la mélodie. […] Son nom de nomique ou de legale lui aura été donné, parce qu’on s’en servoit principalement dans la publication des loix, et nomos signifie une loi en langue grecque. […] Ainsi avant que de rapporter les passages des auteurs grecs ou latins qui en parlant de leur musique par occasion, ont dit des choses qui prouvent, s’il est permis d’user de cette expression, l’existence de la melodie qui n’étoit qu’une simple déclamation, je prie le lecteur de trouver bon que je transcrive encore ici quelques endroits de ceux des anciens auteurs qui ont traité de leur musique dogmatiquement, et qui prouvent cette existence. […] Cet auteur grec est un de ceux que Monsieur Wallis a inserez avec une traduction latine dans le troisiéme volume de ses oeuvres mathematiques : voici ce que dit Bryennius. " il y a deux genres de chant ou de melodie… etc. " il seroit inutile de faire observer ici au lecteur que dans la déclamation on peut faire sa progression par les moindres intervalles, dont les sons soient susceptibles, ce qui ne peut pas se faire en musique. […] Nous avons même encore quelques manuscrits grecs où ces deux especes de notes se trouvent écrites, ainsi que je viens de l’exposer.

126. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Division dramatique. » pp. 64-109

Ce mot vient du grec προ (pro), devant, et λογος (logos), discours ; præloquium, discours qui précède quelque chose. […] On peut s’en convaincre par l’inspection des prologues des tragédies grecques et des comédies de Térence. […] Ce mot est formé d’un mot grec, qui veut dire tenir le premier lieu : c’était, en effet, par là que s’ouvrait le drame. […] C’était chez les Grecs, une des parties de quantité de la tragédie. […] Il est vrai que plusieurs auteurs ont confondu, dans le drame grec, l’épilogue avec ce qu’on nommait exode, trompés par la définition d’Aristote.

127. (1890) L’avenir de la science « VIII » p. 200

La littérature grecque n’était pas morte apparemment au siècle des Pisistratides, où déjà l’esprit philologique nous apparaît si caractérisé. […] Il y avait autant d’auteurs latins et aussi peu d’auteurs grecs en Occident à l’époque de Vincent de Beauvais qu’à l’époque de Pétrarque. […] L’[en grec] est donc le caractère général de la connaissance de l’antiquité au Moyen Âge, ou, pour mieux dire, de tout l’état intellectuel de cette époque. […] Il faut en dire autant de la connaissance que les Syriens, les Arabes et les autres Orientaux (les Arméniens peut-être exceptés) eurent de la littérature grecque. […] Nul de nos philologues ne prétend mieux savoir le grec que Platon, le latin que Varron ; et pourtant nul d’entre eux ne se fait scrupule de corriger les étymologies de Platon et de Varron.

128. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre premier. »

Boeck l’a essayé de nos jours ; mais aussi, on doit l’avouer, ils ne les entendaient pas avec la même sagacité, la même précision de sens hellénistique ; ils savaient le grec plus bonnement, plus naïvement : leur science n’avait pas autant pénétré dans la société grecque et n’en connaissait pas aussi bien tous les usages et toutes les formés ; et, d’autre part, leur goût s’alarmait de ces formes étrangères. […] On ne craindrait nullement de conserver, dans la traduction de cette ode grecque il la Fortune, l’image des vicissitudes que voyait t’œil du poëte, et de porter dans l’expression cette alternative de haut et de bas qui fait le sujet même. […] Il n’offre pas seulement ces descriptions terrestres d’une autre vie, communes à la poésie grecque, ces plaisirs de l’Élysée semblables aux chasses, que se figure le sauvage dans le séjour des âmes. […] Cet esprit dorien va même dans Pindare jusqu’à consacrer par ses éloges des princes, que la liberté grecque nommait des tyrans. […] Ce rapprochement de Pindare avec Bossuet n’a été pour nous, on le voit, ni un paradoxe ni une prétention à des vues nouvelles, mais un cadre abrégé où se plaçaient d’eux-mêmes les principaux traits de la physionomie du poëte grec.

129. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 69-70

Ses excellentes Grammaires font d’un grand secours, pour faciliter à la Jeunesse la connoissance du Grec & du Latin. […] Le Jardin des Racines Grecques, du même Auteur, est un des Livres les plus propres à faciliter l’intelligence de cette Langue, si peu cultivée aujourd’hui. Ce n’est donc pas faute de secours qu’on néglige si fort les Auteurs Grecs.

130. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre X. Première partie. Théorie de la parole » pp. 268-299

Cette littérature, nous l’avons imposée aux autres nations ; puis nous avons voulu introduire de force, dans notre langue des Trouvères, le grec et le latin. […] La langue française fut parlée dans la principauté de la Morée et dans le duché d’Athènes, même après que les Grecs y furent rentrés, vers 1300. […] Le grec et le latin sont des dérivés. […] Chez les Grecs, la tragédie commença par ramener les faits du cycle épique à la rigueur des faits historiques : bientôt les faits historiques s’élevèrent à la dignité des faits du cycle épique. […] Tant que dura la liberté chez les Grecs, ces peuples menaient une vie publique, qui supposait peu le loisir de la lecture.

131. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVIII. Des obstacles qui avaient retardé l’éloquence parmi nous ; de sa renaissance, de sa marche et de ses progrès. »

Quoique les Grecs de ce temps-là fussent aussi loin peut-être de ressembler aux Grecs du temps de Constantin et de Julien, que ceux-ci étaient éloignés des Grecs du temps de Périclès et d’Alexandre, cependant ils parlaient toujours la langue d’Homère et de Platon ; ils cultivaient les arts ; et ces plantes dégénérées, à demi étouffées par un gouvernement féroce et faible, et par une superstition qui resserrait tout, portaient encore au bout de quinze cents ans, sur les bords de la mer Noire, des fruits fort supérieurs à tout ce qui était connu dans le reste de l’Europe. Outre la communication que les Français eurent d’abord avec les Grecs comme le reste des croisés, dans la suite ils se rendirent maîtres de Constantinople, et y fondèrent un nouvel empire, qui subsista près de soixante ans. Dans toute cette époque, l’empire grec fut presque une province de la France. […] Un avocat plaidant pour une maison ou les limites d’un jardin, prétendait bien être aussi éloquent que Démosthène appelant les Grecs à la liberté, ou que l’orateur romain repoussant du haut de la tribune les fureurs de Claudius et d’Antoine. […] Le désir de copier la grandeur grecque et romaine avait corrompu notre goût : le désir d’imiter ces mêmes peuples dans la partie technique, et pour ainsi dire le mécanisme de leur langage, retarda, au siècle même de Louis XIV, la marche et les progrès de notre langue.

132. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre premier. La Formation de l’Idéal classique (1498-1610) » pp. 40-106

Le grec était la langue des grandes hérésies, la langue de Nestorius, d’Arius, d’Eutychès. […] Et comment l’aurait-il pu, s’il n’existait seulement pas une chaire de grec dans l’Université de Paris ? […] Grec, disaient les stoïciens, dont la formule résumait le plus haut enseignement de la sagesse païenne. […] I], n’ont connu que les Grecs et les barbares, tandis que les Latins ont vraiment connu l’homme ? […] — La traduction des poètes grecs dans les œuvres de la Pléiade [Cf. 

133. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 404-405

Il a traduit plusieurs Livres de Plutarque, qui prouvent tout à la fois combien il étoit versé dans la Langue Grecque, & combien la nôtre étoit éloignée de la perfection où elle est parvenue depuis. […] Nous avons encore de Budé des Commentaires sur les Langues Grecque & Latine, un Dictionnaire Grec, estimé encore aujourd’hui des Savans, & un Traité de Asse, où il rappelle presque toutes les monnoies des Anciens.

134. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 272-292

Ce mot Grec n’a jamais signifié autre chose que récit, narration. […] Le Rithme des Hébreux, celui des Grecs & des Latins, avoient entre eux une différence marquée. […] M. de Sacy ne fut contredit par personne, lorsqu’il dit que le Télémaque étoit un Poeme epique, qui mettoit notre Nation en état de n’avoir rien à envier de ce côté-là aux Grecs & aux Romains. […] Les sujets de l’Iliade & de l’Odyssée, celui de l’Enéide, sont sans doute beaux aux yeux de l’imagination ; ils ne sont réellement intéressans que pour les Grecs & les Latins. […] En cachant au jeune Télémaque l’assistance d’une Divinité toujours présente, il a l’art de ne rien dérober à sa gloire ; la vertu du jeune Grec en est plus vigilante & plus ferme, ses triomphes en sont plus glorieux & plus solides, ses dangers plus intéressans, ses succès plus flatteurs.

135. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre V. Observations philosophiques devant servir à la découverte du véritable Homère » pp. 268-273

C’est pour cela peut-être que dans les poètes grecs et latins les images des dieux et des héros apparaissent toujours plus grandes que celles des hommes, et qu’aux siècles barbares du moyen âge, nous voyons dans les tableaux les figures du Père, de Jésus-Christ et de la Vierge, d’une grandeur colossale. — 7. […] Il a donné à son poème le titre de comédie, dans le sens de l’ancienne comédie des Grecs, qui prenait pour sujet des personnages réels. […] Enfin la nouvelle comédie, née à l’époque où les Grecs étaient le plus capables de réflexion, créa des personnages tout d’invention ; de même, dans l’Italie moderne, la nouvelle comédie ne reparut qu’au commencement de ce quinzième siècle, déjà si éclairé. Jamais les Grecs et les Latins ne prirent un personnage imaginaire pour sujet principal d’une tragédie.

136. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — IV. La Poësie dramatique. » pp. 354-420

La première, c’est que, les tragédies des Grecs n’ayant roulé d’abord que sur des sujets terribles, l’esprit des spectateurs étoit plié à ce genre de spectacles. […] La troisième raison, c’est que les Grecs n’avoient point de comédiennes : les rôles de femmes étoient joués par des hommes masqués. […] Après les tragiques Grecs, ceux de la Chine s’en sont le plus garantis. […] La parodie dramatique, chez les Grecs, étoit dans le goût de celle de nos jours. […] Les Latins se sont aussi exercés à faire des parodies ; mais il ne nous reste que des fragmens des leurs & de toutes celles des Grecs.

137. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens II) Henry Fouquier »

Fouquier est aussi un méridional de Marseille, un Phocéen, un Grec. […] Pourtant je le vois comme un Grec un peu amolli, plus près d’Alcibiade que de Socrate, pour qui il a été maintes fois injuste (après d’autres), et plutôt encore comme un Grec d’arrière-saison, contemporain de Théocrite, jouissant de ses dieux sans y croire, mais sans les nier publiquement ; et moins comme un Athénien que comme un Grec des îles, plein de science et de douceur, traînant sa tunique dénouée dans les bosquets de lauriers-roses… Mais ce méridional est un méridional blond. […] Grec de la décadence, Florentin d’il y a trois siècles, roué du siècle dernier, Parisien d’aujourd’hui et Français de toujours, homme de plaisir et homme d’action…, voilà bien des affaires ! […] Et voyez comme ces pseudonymes sont bien choisis : l’un, représentant le naturalisme grec ; l’autre, la tendresse coquette des marquises que Watteau embarque pour Cythère. […] Et je ne vous parlerai pas non plus de son style, souple, ondoyant, nuancé, dont la facilité abondante est pourtant pleine de mots et de traits qui sifflent, tout chaud de la hâte de l’improvisation quotidienne, avec un fond de langue excellente, mais avec des négligences çà et là, des plis de manteau qui traîne, comme celui de quelque jeune Grec, auditeur de Platon.

138. (1915) La philosophie française « I »

  L’un et l’autre ont rompu avec la métaphysique des Grecs. […] La philosophie grecque avait alimenté le moyen âge, grâce à Aristote. […] Lui aussi avait combiné le cartésianisme avec la métaphysique des Grecs (plus particulièrement avec le platonisme des Pères de l’Église). […] Attaché à Pascal autant qu’à Maine de Biran, épris de l’art grec autant que de la philosophie grecque, Ravaisson nous fait admirablement comprendre comment l’originalité de chaque philosophe français ne l’empêche pas de se relier à une certaine tradition, et comment cette tradition elle-même rejoint la tradition classique. Un Descartes a beau rompre avec la philosophie des anciens : son œuvre conserve les qualités d’ordre et de mesure qui furent caractéristiques de la pensée grecque.

139. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Poésies d’André Chénier »

Becq de Fouquières, jeune officier, avait conçu cette idée d’homme de goût et d’érudit dans le temps où, « un André Chénier à la main, il trompait les longues oisivetés de la vie militaire » ; devenu libre, il s’est empressé de se mettre à l’œuvre, et, d’abord, de se pourvoir de tous les instruments indispensables à l’exécution, parmi lesquels il faut compter au premier rang une connaissance des plus fines de la langue grecque. Pour reconnaître, sans en laisser échapper aucune, toutes les imitations d’André Chénier, il a dû commencer par lire tous les poëtes grecs et la plupart des poëtes latins : savez-vous que le chemin vaut bien le but ? […] Sachant le grec dès l’enfance et comme sa langue maternelle, il étudie le français, et il s’y applique « avec le soin et l’exactitude qu’on met à approfondir une langue ancienne. » Il commente Malherbe, il possède à fond son Montaigne, son Rabelais ; il ignore Ronsard, et ce ne fut pas un malheur, car s’il doit renouveler à quelques égards la tentative de Ronsard, ce sera sans fausse réminiscence et « avec le goût pur de Racine. » M.  […] C’est pourquoi il ne faut point voir dans la tentative d’André Chénier une renaissance gréco-latine ; c’est véritablement une renaissance française, conséquence des xvie et xviie  siècles, avec cette différence que le xvie  siècle avait vu la Grèce à travers l’afféterie italienne ; le xviie , à travers le faste de Louis xiv ; tandis qu’André Chénier a, dans l’âme de sa mère, respiré la Grèce tout entière ; il parle la même langue que Racine, mais trempée d’une grâce byzantine, attique même, naturelle et innée, et dans laquelle se fondent heureusement l’ingéniosité grecque et la franchise gauloise. » Certes, André Chénier n’a pas réussi partout ; plus d’une pièce de lui trahit des inexpériences sensibles ; il y a des différences d’âge entre ses poésies ; mais celles de sa dernière manière, les élégies lyriques à Fanny, à la Jeune Captive, l’ode à Charlotte Corday, les Iambes, ne laissent rien à désirer. […] Ce fils et cet héritier des Grecs n’est point un Callimaque de moins de génie que d’art ; ce n’est point un Properce toujours difficile à lire, et qui, même dans ses nobles ardeurs, les complique et les masque de trop de doctes lectures : plus que Platen et comme Leopardi, il est de ceux dont l’âme moderne se laisse voir tout ardente à travers même les dépouilles de l’Antiquité dont elle s’enrichit ; il ne confond jamais l’érudition qu’il possède et qu’il maîtrise, avec la poésie dont il est possédé.

140. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — V »

Que l’on juge de ce point de vue les diverses attitudes adoptées par les hommes et où ils témoignent de leur foi en une vérité objective, celles des anciens Grecs qui crurent à la nécessité de recevoir des aliments dans le tombeau pour vivre heureux après la mort, celle de l’ascète à qui la vérité commande de supprimer la volupté, celle du skoptzy à qui la vérité commande d’en supprimer les moyens. […] À considérer de ce point de vue de pur intellectualisme l’un des exemples invoqués au cours de cette étude, on jugera plus équitablement cette croyance absurde à une vie prolongée dans le tombeau à laquelle s’étaient attachées les premières sociétés aryennes et en vue de laquelle les Grecs et les Romains modelèrent leurs institutions. […] Lorsqu’aux époques plus récentes des civilisations romaine ou grecque, Fustel de Coulange nous montre la réalité sociale du moment en contradiction avec celle qui s’était modelée sur l’ancienne croyance et qui persistait encore dans les lois religieuses et civiles, gardons-nous donc de penser que cette réalité présente, et qui entrait en guerre avec l’ancienne, fût par comparaison meilleure et plus proche de la vérité objective. […] La ruine de la croyance ancienne nous fait, à la vérité, apparaître l’écart qui existe entre le Grec et le Romain d’alors et l’image que leur présentaient d’eux-mêmes leurs rites et leurs lois. […] Cette croyance n’en est pas moins la forme rigide qui, en torturant durant une longue période ces instincts, coordonna des hommes entre eux et composa une réalité sociale, la réalité grecque et la réalité romaine.

141. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Sophocle, et Euripide. » pp. 12-19

Eschyle avoit devancé les deux tragiques Grecs, & les avoit mis sur la voie. […] Du temps d’Eschyle, la scène Grecque, quelque progrès qu’elle eût fait depuis Thespis, étoit encore un peu informe. […] La jalousie des deux célèbres tragiques Grecs eut son terme ; elle devint une noble émulation. […] La fin des deux plus beaux ornemens de la scène Grecque fut aussi malheureuse que le cours de leur vie fut brillant.

142. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre premier. Sujet de ce livre » pp. 101-107

Sujet de ce livre § I Nous avons dit dans les axiomes que toutes les histoires des Gentils ont eu des commencements fabuleux, que chez les Grecs qui nous ont transmis tout ce qui nous reste de l’antiquité païenne, les premiers sages furent les poètes théologiens, enfin que la nature veut qu’en toute chose les commencements soient grossiers : d’après ces données, nous pouvons présumer que tels furent aussi les commencements de la sagesse poétique. […] De même que Manéthon, le grand prêtre d’Égypte, interpréta l’histoire fabuleuse des Égyptiens par une haute théologie naturelle, les philosophes grecs donnèrent à la leur une interprétation philosophique. […] Nous verrons dans la suite que dans ce genre de sagesse, les sages furent les poètes théologiens, qui, à n’en pas douter, fondèrent la civilisation grecque. […] Nous ferons voir d’une manière claire et distincte comment les fondateurs de la civilisation païenne, guidés par leur théologie naturelle, ou métaphysique, imaginèrent les dieux ; comment par leur logique ils trouvèrent les langues, par leur morale produisirent les héros, par leur économie fondèrent les familles, par leur politique les cités ; comment par leur physique, ils donnèrent à chaque chose une origine divine, se créèrent eux-mêmes en quelque sorte par leur physiologie, se firent un univers tout de dieux par leur cosmographie, portèrent dans leur astronomie les planètes et les constellations de la terre au ciel, donnèrent commencement à la série des temps dans leur chronologie, enfin dans leur géographie placèrent tout le monde dans leur pays (les Grecs dans la Grèce, et de même des autres peuples).

143. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXI. »

À la poésie grecque, à l’inspiration d’Eschyle et de Pindare il avait appartenu d’être à la fois idéale et vivante, de parer l’intelligence et d’animer le courage, de faire du génie d’un homme la vertu publique d’un peuple. […] Sa grande force en navires et en soldats était italienne, ou plutôt italienne et grecque ; car c’est un fait aujourd’hui vérifié, qu’à part les douze galères du pape, les galères de Savoie, de Gènes, et de quelques villes ou même de quelques généreux citoyens d’Italie, les Vénitiens avaient seuls cent quatre galères, et, sur cette escadre, un grand nombre de Grecs, soit réfugiés de Morée, soit recrutés de Candie, de Corfou et des îles où flottait encore le pavillon de Saint-Marc. […] Malheureusement il y mêle un ingrat et injuste anathème contre cette race grecque décimée par la servitude, mais dont une partie alors même combattait les barbares. […] L’hébreu, le grec, lui étaient familiers comme les œuvres récentes de l’Italie ; et rien ne lui manqua de ce qui peut fortifier et ennoblir le talent. […] Sous l’amas des épithètes et la barbarie d’un néologisme tout grec et tout latin, le poëte perd cette veine française et ces tours nerveux et naïfs que Malherbe plus tard recueillait dans le parler vivant de la foule, en les ennoblissant par le nombre et l’harmonie.

144. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7172-17709

C’est par-là que l’on fixera le nombre des futurs en grec, en hébreu, en allemand, &c. […] C’est un idiotisme grec, c’est-à-dire, une façon de parler exclusivement propre à la langue grecque, & éloignée des lois générales du langage. […] Faisons cette analyse comme les Grecs mêmes l’auroient faite. […] R. ont assez bien rempli cet objet à l’égard du grec, du latin, de l’italien, & de l’espagnol. […] II. de la méthode grecque de P.

145. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Mathurin Regnier et André Chénier »

Épicuriens et sensuels, ils me font l’effet, Regnier, d’un abbé romain, Chénier, d’un Grec d’autrefois. […] Telles sont les femmes d’André Chénier, des Ioniennes de Milet, de belles courtisanes grecques, et rien de plus. […] Chénier se rattache de préférence aux Grecs, de même que Regnier aux Latins et aux satiriques italiens modernes. Or chez les Grecs, on le sait, la division des genres existait, bien qu’avec moins de rigueur qu’on ne l’a voulu établir depuis : La nature dicta vingt genres opposés, D’un fil léger entre eux, chez les Grecs, divisés. […] André Chénier, un poëte grec vivant, se retrouvait aussi.

146. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre III. »

Dégénérés de leur ancien génie et de leurs propres lois, ils aimèrent, en apprenant la langue et les sciences des Grecs, à y reconnaître la trace d’eux-mêmes et l’altération continue de leur ancienne histoire. […] Peut-on l’affirmer absolument, lorsqu’à l’origine et dans les premiers souvenirs des cités grecques on rencontre le nom des Phéniciens et l’influence présumée de leurs arts ? […] dans le chant du Pæan, on reconnaissait dans ces termes étrangers à l’idiome grec l’alleluia des Hébreux. […] Platon même n’a-t-il pas reconnu que les Grecs avaient emprunté des barbares ce qui pour lui désignait tout l’Orient, la plupart des noms ? […] » Ce délire qui se prend à tout, s’irrite contre les lieux, contre les choses insensibles, se retrouve dans la poésie grecque.

147. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 5, explication de plusieurs endroits du sixiéme chapitre de la poëtique d’Aristote. Du chant des vers latins ou du carmen » pp. 84-102

Pour être surpris de ce que dit Aristote sur l’importance de la melopée, il faudroit n’avoir jamais vû representer des tragedies, et pour être étonné qu’il charge le poëte de la composition de la melodie, il faudroit avoir oublié ce que nous avons remarqué, et promis de prouver, comme nous le ferons ci-dessous, sçavoir, que les poëtes grecs composoient eux-mêmes la déclamation de leurs pieces, au lieu que les poëtes romains se déchargeoient de ce travail sur les artisans, qui, n’étant ni auteurs ni comediens, faisoient profession de mettre au théatre les ouvrages dramatiques. Nous avons même observé que c’étoit par cette raison là que Porphyre ne faisoit qu’un art de la composition des vers et de la composition de la melodie, lequel il appelloit l’art poëtique pris dans toute son étenduë, parce qu’il avoit eu égard à l’usage des grecs, au lieu qu’Aristides Quintilianus qui avoit eu égard à l’usage des romains comptoit dans son énumeration des arts musicaux, l’art de composer les vers et l’art de composer la melodie pour deux arts distincts. […] Il n’est pas bien certain veritablement qu’Aristote ait rédigé lui-même par écrit ses problemes : mais il doit suffire que cet ouvrage ait été composé par ses disciples, et qu’il ait toujours été regardé comme un des monumens de l’antiquité, et comme étant composé par consequent quand les théatres des grecs et des romains étoient encore ouverts. […] Ce que les grecs appelloient melodie tragique, les romains l’appelloient quelquefois carmen. […] Ainsi avant que d’appuïer mon sentiment par de nouvelles preuves tirées de la maniere dont la déclamation composée s’executoit sur le théatre des anciens, je crois qu’il est à propos de faire voir que le mot de chant signifioit en grec comme en latin, non seulement le chant musical, mais aussi toute sorte de déclamation, même la simple recitation ; et que par conséquent on ne doit pas inferer de ce qu’il est dit dans les anciens auteurs, que les acteurs chantoient ; que ces acteurs chantassent, à prendre le mot de chanter dans la signification que nous lui donnons communement.

/ 1770