Il ne se rendrait qu’à l’évidence, et cette force d’âme déployée dans un pareil moment avait pour résultat de m’exaspérer. […] Comme il avait lu dans mon âme pour se tenir devant moi dans une attitude semblable ! […] Monseigneur, de son geste habituel de bénédiction pastorale, aidait cette âme à se délivrer, calmé lui-même, retourné au néant divin. […] J’y trouve l’œuvre d’une belle âme. […] Dieu oblige alors le corps à « rendre l’âme ».
Henry Bérenger Visiblement, le symbolisme légendaire où atteignit Wagner dans ses plus belles œuvres a été l’atmosphère génératrice du symbolisme historique réalisé par Schuré dans son Théâtre de l’âme. […] Dans le mythe, au contraire, de grands types se dessinent en traits plastiques, leurs actions glorifient l’essence de l’humanité, et les vérités profondes reluisent à travers le merveilleux comme sous un voile étincelant de lumière. » Pour extraire de l’histoire le même diamant que de la légende, pour en dégager « l’essence de l’humanité », il faut donc des alambics plus puissants, un foyer plus concentré, une transmutation plus énergique… Il n’y a donc pas lien de confondre le symbolisme historique du Théâtre de l’âme avec le symbolisme légendaire du drame wagnérien.
Je te rapporterai l’âme jamais éteinte Des proscrits. […] France, tu verras bien qu’humble tête éclipsée J’avais foi, Et que je n’eus jamais dans l’âme une pensée Que pour toi.
Psyché, de cette cène où s’éveilla ton âme, Tes yeux noirs regardaient avec étonnement, Sur le front de l’époux tout transpercé de flamme, Je ne sais quel rayon d’un plus pur élément : C’était l’ardent brasier qui consume la vie, Qui fait la flamme ailleurs, le charbon ici-bas ! Et tu te demandais, incertaine et ravie : Est-ce une âme ?
Cet incomparable morceau offre une gradation de sentiments, une science de la tristesse, des angoisses et des transports de l’âme, que les anciens n’ont jamais connus. […] Il y a là-dedans un mélange des sens et de l’âme, de désespoir et de fureur amoureuse, qui passe toute expression.
cela a peu duré, chez moi du moins ; — car toi, en acquérant la science de l’homme, tu as su garder la candeur de l’enfant. — Le germe de corruption qui était en moi s’est développé bien vite… » La seconde édition des Poésies (1833), qui portait pour titre : Albertus ou l’Ame et le Péché, légende théologique, du nom de la pièce principale, et qui avait au frontispice une eau-forte de Célestin Nanteuil, marquait un pas de plus. […] Tout médecin de l’âme, tout moraliste doit l’avoir sur une tablette du fond dans sa bibliothèque. […] D’Albert est né trop tard ; il y a aussi des climats pour les âmes, et, une fois le vrai climat manqué, elles sont à jamais dépaysées et souffrent d’une nostalgie immortelle. […] Ainsi germa l’amour dans mon âme surprise ; Je croyais ne semer qu’une fleur de printemps : C’est un grand aloès dont la racine brise Le pot de porcelaine aux dessins éclatants. […] Mon âme est l’arbre où tous les soirs, comme elles, De blancs essaims de folles visions Tombent des cieux, en palpitant des ailes, Pour s’envoler dès les premiers rayons.
Dans ce jardin et dans cette cour où mon âme est née, il y a plus de mes pensées et de mes rêves, éclos et enracinés dans le sol et dans le ciment rongé des murs, qu’il n’y a de brins de mousse sur les lattes de pierre brute qui tapissent les vieux toits. […] VII Quand j’avais passé une heure auprès d’elle, je la quittais, le cœur plein de délire, l’oreille tintante du timbre mélodieux de sa voix, l’âme affamée du désir du lendemain. […] On n’est point un grand écrivain parce qu’on met l’âme à la torture. […] Je me peignais les bois à travers lesquels cette onde avait passé, et mon âme était tout entière à la solitude. » Un matin, il revêt ses habits de sauvage et va se présenter à Lopez, l’arc et les flèches à la main, en déclarant qu’il veut reprendre sa vie de chasseur. […] Il laisse son âme dans le suaire d’Atala.
Et bien semblait flotte qui dût conquérir le monde : car autant que l’œil pouvait voir, on ne voyait que voiles de nefs et de vaisseaux, en sorte que les cœurs des hommes s’en réjouissaient fort. » C’est, enfin et surtout, l’éblouissement des yeux et de toute l’âme, quand, le 23 juin 1203, veille de saint Jean-Baptiste, nos barons français, de leurs vaisseaux ancrés à San Stefano, « virent tout à plein Constantinople ». […] Assurément il s’entendait à manier les âmes, ce bon maréchal de Champagne et Romanie, qui savait que, là où échouent tous les arguments, quand il s’agit de persuader ce que le devoir, la conscience et parfois l’intérêt réprouvent, le mot magique qui perce les cœurs et l’ait tout faire, c’est l’honneur, l’honneur qu’on définit : « rester avec les autres, ne pas dépecer l’armée » : en langage moderne, ne pas lâcher les camarades. […] Après tout, ces rudes et simples âmes de barons sont des âmes humaines, et comme telles, en dépit de l’apparence, souples, et riches, et complexes. […] Il est de ces âmes qui font les miracles, à force de croire et d’espérer. […] Point de sentimentalité du reste, ni de mélancolie : la joie domine et dans l’âme et dans la parole de Joinville ; mais il a dans l’occasion, sur les misères de ses amis ou de ses compagnons, des expressions de tendresse et de piété, fines comme le sentiment qui un moment attrista sa belle humeur.
Rousseau se vante que l’amour du vrai l’a fait auteur et que la vertu fut « son premier docteur. » Il dit avoir compris tout d’abord qu’aux œuvres du génie L’âme toujours a la première part, Et que le cœur ne parle point par art. […] Il en est de l’Ode au comte du Luc et de quelques cantates du même auteur comme de ces chants d’un rythme brillant et facile qu’on fredonne involontairement ; notre âme n’y est pas tout entière, mais assez pour qu’elle ne soit pas à autre chose. […] Aux beaux vers il ne pouvait prêter que sa voix ; dans les bons il mettait toute son âme. […] Il est plus poète là où il se déprend de lui-même, où il se transforme, où il revêt quelqu’une de ces dix mille âmes qu’une ingénieuse critique prête à Shakspeare42. […] André Chénier est devenu païen, parce qu’il est poète, et nous le sommes un moment avec lui, parce que là où le vrai poète met son âme il y attache la nôtre.
La différence des individus médiocres ou distingués est ainsi devenue presque insignifiante ; l’administration est devenue comme une machine sans âme qui accomplirait les œuvres d’un homme. La France est trop portée à supposer qu’on peut suppléer à l’impul-sion intime de l’âme par des mécanismes et des procédés extérieurs. […] Voyez au contraire, à l’époque d’Auguste, quand le monde ancien commence à se dissoudre, ces aspirations vers l’avenir, si éloquemment exprimées par le poète incomparable dans l’âme duquel les deux mondes s’embrassèrent. […] Rien pour l’âme et pour la culture morale. […] Notre système d’éducation, sans que nous nous en doutions, est encore trait pour trait celle des jésuites : idée que l’on style l’homme par le dehors, oubli profond de l’âme qui vivifie, machinisme intellectuel.
Elle est devenue un des principaux attraits et parfois l’âme même de ces petits cercles où hommes et femmes cherchent avant tout leur plaisir. […] Elle n’ébranle pas l’âme de secousses trop vives ; elle ne la force pas à sauter brusquement d’un ordre de sentiments à un autre. […] L’âme du cercle, le grand homme du petit groupe, ce n’était pas Corneille ; c’était Voiture, un amuseur. […] Il ne sait que s’affliger, la bonne âme ; son plus grand effort va jusqu’à nommer ingrate celle qui lui perce le cœur. […] L’âme s’y appelle Margot ; la religion, Javotte ; la liberté, Jeannette ; Dieu, M. de l’Être.
Rien n’arrêta ces hommes d’esprit et de mérite, dont beaucoup, Dieu merci, sont morts de leur laide mort et ont rendu au grand Démiourgos leur vilaine âme. […] Le sympathique directeur prend la balle au bond : « Je renonce à Lohengrin, s’écrie-t-il ; j’y renonce, la mort dans l’âme, mais c’est pour monter Benvenuto. » Attendrissement général ; la presse fait savoir que les décors sont commandés et que les études vont grand train. […] — Mais, me répondit-il en souriant, si je ne ressentais, en mon âme, la lumière et l’amour vivants de cette foi chrétienne dont vous parlez, mes œuvres, qui, toutes, en témoignent, où j’incorpore mon esprit ainsi que le temps de ma vie, seraient celles d’un menteur, d’un singe ? […] Une foi brûlante, sacrée, précise, inaltérable, est le signe premier qui marque le réel artiste : — car, en toute production d’Art digne d’un homme, la valeur artistique et la valeur vivante se confondent : c’est la dualité mêlée du corps et de l’âme. […] Il cherchait un homme qui eût la puissance et la volonté de l’aider : « Si je trouvais un prince ayant dans l’âme assez d’idéal pour me comprendre, assez de grandeur pour m’aider de sa puissance, — l’avenir de l’art serait assuré. » Trouverez-vous mauvais, Elisabeth, que j’aie considéré ces belles paroles comme un appel du destin adressé à moi, à moi !
Ourika, la négresse, dira très bien de celui qu’elle aime et qui ne s’en aperçoit pas : Et si parfois mes maux troublaient son âme tendre, L’ingrat ! […] l’âme, dans sa profondeur, a des changements bien plus amers que ceux-là. […] Respirons le sentiment discret et profond qui fait l’âme de cette admirable plainte, recueillons la moralité qui en sort, et passons. […] Si nous croyions à la métempsycose, nous dirions que l’âme de quelque peintre de paysage, malheureux en amour, avait passé dans le corps de ce noble cerf, tant il s’est montré artiste dans toutes ses promenades et jusque dans sa chute… Tout cela est poussé un peu loin, un peu marivaudé peut-être ; le conteur s’amuse et abuse : il tient à son joli dire, et, une fois mis en train, il ne le lâche pas. […] Pour ceux qui, comme nous, ont la manie de chercher encore autre chose et mieux que ce qu’on leur offre, il reste à regretter que l’esprit, chez Mme de Girardin, si brillant qu’il soit, ait pris dès longtemps une prédominance si absolue sur toutes les autres parties dont se compose l’âme du talent, et qu’elle se soit perfectionnée comme écrivain dans un sens qui n’est pas précisément celui du sérieux et du vrai.
. — Un paysage est un état d’âmes, un phénomène de sympathie et de sociabilité. — L’émotion esthétique et l’émotion morale. […] On a dit que le paysage est un « état d’âme » ; ce n’est pas encore assez ; il faut dire au pluriel, pour exprimer cette communication sympathique et cette sorte d’association entre nous et l’âme des choses : le paysage est un état d’âmes. […] Si je suis ému par la vue d’une douleur représentée, comme dans le tableau de la Veuve du soldat, c’est que cette parfaite représentation me montre qu’une âme a été comprise et pénétrée par une autre âme, qu’un lien de société morale s’est établi, malgré les barrières physiques, entre le génie et la douleur avec laquelle il sympathise : il y a donc là une union, une société d’âmes réalisée et vivante sous mes yeux, qui m’appelle moi-même à en faire partie, et où j’entre en effet de toutes les forces de ma pensée et de mon cœur.
En lui, il y a une âme passionnée pour la gloire de la Terre Natale et il est un des écrivains les plus purs de notre littérature. […] Il le faut d’ailleurs pour évoquer l’âme du passé et la faire revivre hors de la poussière des documents. […] Albert Flament, chroniqueur d’impressions quotidiennes, s’est instauré l’historien, le moraliste et le juge des fêtes, des livres et des âmes de ce temps. […] Brewster sur l’Âme Païenne, et des travaux de MM. […] L’art d’un Richepin est plus contraire que celui de Paul Claudel à l’âme de la race. — « Celui qui n’a égard en écrivant qu’au goût de son siècle, songe à sa personne plus qu’à ses écrits, dit La Bruyère.
Il a son clair-obscur dont la source et les règles sont au fond de son âme. […] Il est inspiré par un goût naturel, par la mobilité de l’âme, par la sensibilité, c’est l’image même de l’âme rendue par les inflexions de la voix, les nuances successives, les passages, les tons d’un discours accéléré, ralenti, éclatant, étouffé, tempéré en cent manières diverses. écoutez le défi énergique et bref de cet enfant qui provoque son camarade. écoutez ce malade qui traîne ses accents douloureux et longs. […] On retient une pensée, on ne retient point l’enchaînement des inflexions fugitives et délicates de l’harmonie ; ce n’est pas à l’oreille seulement, c’est à l’âme d’où elle est émanée que la véritable harmonie s’adresse. Ne dites pas d’un poëte sec, dur et barbare, qu’il n’a point d’oreille, dites qu’il n’a pas assez d’âme. […] Si l’on ne s’en tenait point à des actions communes, (et j’appelle actions communes toutes celles où un homme en menace ou en tue un autre) mais qu’on imaginât quelque trait de générosité, quelque sacrifice de la vie à la conservation d’un autre, on élèverait mon âme, on la serrerait, peut-être même m’arracherait-on des larmes.
A l’automne suivant, mon séjour a changé, et mon âme aussi. […] Seule notre âme est parfois une cathédrale qù nous pouvons prier ensemble. » Else Lasker-Schulerae : « Je suis né à Thèbes en Egypte, quoique je vinsse au monde à Elberfeld en Rhénanie. […] Le vol deviendra l’expression artistique de nos états d’âme. […] Les aviateurs futuristes sont on train de créer aujourd’hui une nouvelle forme d’art qui exprimera, moyennant le vol, les états d’âme les plus complexes. […] J’ai constaté combien il est facile à la foule spectatrice de suivre et de comprendre les moindres nuances des différents états d’âme de l’aviateur Etant donnée l’identification du pilote et de son aéroplane, celui-ci devient le prolongement de son corps : les os, les tendons, les muscles et les nerfs se prolongent dans les fils et les câbles.
D’autre part, les âmes habitent dans le monde des Idées. […] Mais parmi les corps, il en est qui répondent davantage, par leur forme, aux aspirations de telles ou telles âmes. Et parmi les âmes, il en est qui se reconnaissent davantage dans tels ou tels corps. Le corps, qui ne sort pas tout à fait viable des mains de la nature, se soulève vers l’âme qui lui donnerait la vie complète. […] Je comparerais à ces âmes détachées les souvenirs qui attendent au fond de l’inconscient.
Il voulait lui dire tout ce qui s’était passé dans son âme depuis hier ; mais les mots ne lui venaient point. […] Bourget, et je ne sais rien de plus émouvant que le combat qui se livre dans les âmes honnêtes de ses héros. […] Ce serait une folle, une inconsciente, une aveugle jouant sans savoir, avec le mécanisme délicat qu’est une âme, qu’est ton âme. […] Mon âme, quand je me penche dessus, m’envoie des bouffées nauséabondes. […] « Il faut agir comme si Dieu et l’âme existaient », dit-il un peu plus haut.
Il dépose ses leçons comme un germe fécond dans les âmes qu’il se concilie. […] En assistant à la représentation, on arrive involontairement à se demander si toutes les facultés de l’âme humaine se réduisent à la curiosité ; et quand je dis l’âme, j’ai grand tort, car il ne s’agit que de la curiosité des yeux. […] Philippe II avait la main malheureuse en diplomatie, s’il confiait ses intérêts à des âmes si candides et si malhabiles. […] A-t-elle gardée son âme en livrant son corps ? […] Qu’y a-t-il au fond de son âme ?
La régularité sévère, la facture savante d’une œuvre d’art n’est qu’au regard superficiel le signe d’un équilibre imperturbable de l’âme ; les plus passionnés sont quelquefois les plus austères, et la force qui règle peut avoir le même principe que la passion qui entraîne et que l’enthousiasme qui crée. »— Si M. […] Dans un langage fin et serré, grave à la fois et intérieurement ému, l’âme morale ouvrait ses trésors. […] Il me semble qu’après beaucoup d’éloges un peu de sympathie doit vous plaire ; j’offre la mienne à l’emploi que vous faites de votre talent, qui ne s’est pas contenté d’intéresser l’imagination et d’effleurer l’âme, mais qui veille aux intérêts sacrés de la vie humaine ; et moi, qu’une espérance sérieuse a pu seule faire écrivain, je suis heureux que vous ayez reconnu en moi cette intention, que vous l’ayez aimée ; et j’accepte avec reconnaissance les vœux par où vous terminez votre article.
Les beaux vers, ces perles du collier des nations jeunes, qu’elles ne mettent plus dans leur vieillesse, les beaux vers deviennent de plus en plus rares ; les âmes tarissent, les imaginations se décolorent, et ce douloureux et magnifique oiseau, au bec lumineux, à la gorge teinte de la pourpre éclatante de son cœur : la Poésie, meurt, étouffé sous le large pouce de ces intérêts matériels dont la main brutalise à cette heure les plus pures et les plus fortes intelligences… Seulement, s’il y avait à faire une exception en faveur des poésies sur lesquelles les reflets d’un enthousiasme sincère se voyaient encore, n’était-ce pas en faveur de celles qui s’étoilent d’un nom glorieux et s’appellent Poésies de l’Empire 57? […] La poésie individuelle ne doit pas plus périr que l’âme de l’homme dont elle est la fille, et ce nous semble une erreur du même ordre en littérature qu’en politique de croire que le sentiment social puisse entièrement se substituer à l’action libre de l’individualité humaine. […] Tout ce qui est, dans ce temps, âme ou seulement fibre de poète, le sait pour y avoir touché… Quand, au matin, vous voyez descendre de toutes les collines dans la vallée des jeunes filles, leur cruche à la main, vous dites, sans crainte de vous tromper, qu’il y a par là une fontaine.
Monselet, ce gai, ce rieur, ce buveur, ce convive digne de Trimalcion, avait, au milieu de tout cela, dans un pli de son âme, comme une rose morte qui parfume plus étant morte que quand elle vivait, cette fleur coupée, la Mélancolie. […] et ce que j’aime et veux vous montrer, c’est le Monselet nouveau, le Monselet inconnu tendre et chaste, et de cette nuance de mélancolie qui est le velouté de l’âme des poètes et que rien de la vie qu’ils ont menée ne détruit, quand une fois ils l’ont. […] on savait, bien longtemps avant ce recueil, que Monselet était un chanteur plein de verve et de fantaisie et dont on citait et on répétait les chansons, mais le poète d’âme, on le savait moins, et lui-même se méconnaissait : Entre les noms dont se contente Avec grand’peine maint rimeur, Il n’en est qu’un seul qui me tente : Poète de la bonne humeur.
En France, Godefroi de Bouillon, chef de la seule croisade qui ait réussi ; Charles VIII, qui conquit et perdit le royaume de Naples avec la même rapidité ; Louis XII, qui fut tour à tour dupe de ses amis et de ses ennemis, mais à qui on pardonna tout, parce qu’il était bon ; François Ier, qui, à beaucoup de défauts, mêla des qualités brillantes ; le maréchal de Trivulce, sur la tombe duquel on grava : Ici repose celui qui ne reposa jamais ; le maréchal de Lautrec, également opiniâtre et malheureux ; Gaston de Foix, si connu par son courage brillant et par la bataille de Ravenne qu’il gagna et où il perdit la vie ; enfin, ce connétable de Bourbon, si terrible à son maître, et dont l’âme altière eut à la fois le plaisir et le malheur d’être si bien vengé. […] Partout les intérêts religieux se mêlaient aux intérêts politiques et les crimes aux grandes actions ; tel était l’esprit de ce temps ; et parmi ces dangers, ces espérances, ces craintes, il dut naître une foule d’âmes extraordinaires dans tous les rangs, qui se développèrent, pour ainsi dire, avec leur siècle, et qui en reçurent le mouvement, ou qui donnèrent le leur. […] Enfin, pour connaître l’esprit de ce temps-là, il ne sera pas inutile d’observer que Paul Jove loue avec transport ce Pic de La Mirandole, l’homme de l’Europe, et peut-être du monde, qui à son âge eût entassé dans sa tête le plus de mots et le moins d’idées ; qu’il n’ose point blâmer ouvertement ce Jérôme Savonarole, enthousiaste et fourbe, qui déclamant en chaire contre les Médicis, faisait des prophéties et des cabales, et voulait, dans Florence, jouer à la fois le rôle de Brutus et d’un homme inspiré ; qu’enfin il loue Machiavel de très bonne foi, et ne pense pas même à s’étonner de ses principes : car le machiavélisme qui n’existe plus sans doute, et qu’une politique éclairée et sage a dû bannir pour jamais, né dans ces siècles orageux, du choc de mille intérêts et de l’excès de toutes les ambitions joint à la faiblesse de chaque pouvoir, fait uniquement pour des âmes qui suppléaient à la force par la ruse, et aux talents par les crimes, était, pendant quelque temps, devenu en Europe la maladie des meilleurs esprits, à peu près comme certaines pestes qui, nées dans un climat, ont fait le tour du monde, et n’ont disparu qu’après avoir ravagé le globe.
Quoi d’étonnant qu’il fût conduit des poètes de l’âme aux peintres de l’âme, des extases de la Vita Nuova à celle d’un Beato Angelico ? […] peut-il, comme un jésuite, vivre dans la maison de son âme seulement pour découvrir ou saper ses fondements ! […] Et quant à vous, Kosmon, je juge l’intention comme je juge l’âme : l’une n’est pas plus la lumière de la pensée que l’autre n’est la lumière du corps ; et toutes deux, l’âme et l’intention, sont nécessaires pour une intelligence complète ; et l’intelligence du monde intellectuel — dont les beaux-arts sont les membres principaux — ne peut pas être davantage attendue que demandée. […] Ainsi, l’abbaye de Westminster devient « un immense argument de marbre en faveur de l’immortalité de l’âme ». […] Les ordonnances se dévouent corps et âme à leurs officiers, qui se dévouent à leurs ordonnances et adoptent en commun des enfants égarés.
Par opposition au caractère aimable d’Antoine, Shakespeare nous peint Octave César faux, sans courage, d’une âme étroite, hautaine et vindicative. […] Tel est l’ensemble de faits auquel Shakespeare s’est chargé de donner l’âme et la vie. […] Ce caractère est vraiment une concession que le poète a faite à son âme naturellement grande et tendre. […] Ses deux élèves ont déjà l’instinct des grandes âmes ; et leur amitié fraternelle est touchante. […] Les lacunes que laisse cette situation sont du moins si heureusement remplies qu’on ne s’aperçoit d’aucun vide, tant l’âme est doucement occupée des sentiments qui en naissent naturellement.
Rien de tout cela ne me plaisait, mais je le regardais comme un homme d’une autre chair et d’une autre âme, destiné à jouer un grand rôle dans un monde à part ; ce monde de la haine et de la colère, le jacobin noir de la révolution posthume du dix-neuvième siècle. […] Cette belle chienne, assise devant elle, les yeux sur ses yeux, la regardait avec un air d’attendrissement et de pitié qui n’est jamais sorti de mon âme. […] Quand vous voudrez, enfants, retrouver dans votre âme Ces souvenirs scellés sous le marbre étouffant. […] De l’éternel séjour, le regard de son âme Est un astre toujours sur ses enfants levé. […] Mais il resta au pauvre et généreux Aubry-Foucault le souvenir de sa fidélité jusqu’après la mort et d’une reconnaissance qui mesure ses bienfaits non à ses actes, mais aux bons sentiments de son âme.
Daunou, par l’exactitude des recherches et la solidité des jugements, ont fait de l’histoire littéraire un genre dans lequel la philosophie, cette âme des écrits, a sa part. […] Mais cela même, n’est-ce pas le fonds, n’est-ce pas l’âme de la nation ? Ce que nous avons à étudier, à caractériser avec précision, c’est le fonds même, c’est l’âme de notre France, telle qu’elle se manifeste dans les écrits qui subsistent. […] La subtilité, qui n’est qu’une force mal employée, y est louée comme un regard de l’âme plus ferme et plus soutenu. […] Ce sont deux effets différents de deux constitutions physiques, plus fortes que la résistance que l’âme y oppose.
La vie qui coule à flots de génération en génération, amenant sans cesse des idées nouvelles, pouvait-elle ne pas briser les formes réputées classiques, surtout quand ces formes n’étaient plus conservées que par la routine, et que l’âme divine s’en était envolée ? […] Un mouvement de l’âme de son héroïne n’a pas plus d’importance à ses yeux qu’une crise purement physique. […] L’école qui semblait se former à la suite de ce scandale devait répugner aussi à une âme quelque peu fière. […] Hebbel malgré l’affirmation contraire du saint livre, — la belle juive a des emportements sublimes, des émotions contradictoires la désolent, et le poète, en peignant ce délire d’une âme chaste, a trouvé des accents de génie. […] Ô poétiques figures qui avez enchanté notre jeunesse, figures si dissemblables et pourtant de même famille, vous qui aviez une âme, Elvire, Esmeralda, Kitty Bell, Marie, Rachel et Ahasvérus, Valentine et Bénédict, Frédéric et Bernerette, Amaury et Mme de Couaën, qu’êtes-vous devenues ?
Il n’en parle jamais qu’en des termes qui marquent un attendrissement profond : Lorsque mon cœur a besoin d’attendrissement, je me rappelle la perte des amis que je n’ai plus, des femmes que la mort m’a ravies ; j’habite leur cercueil, j’envoie mon âme errer autour des leurs. […] Sa voix était flexible, ses modulations suivaient les mouvements de son âme ; mais, dans les derniers temps de mon séjour à Paris, elle avait pris de l’aspérité, et on y démêlait l’accent agité et impérieux des factions. […] Soutenant que son ami, malgré ses souffrances, est « un des êtres les plus vivaces qui existent » : « La ténuité de votre charpente, lui dit-il, la délicatesse de vos traits, et la douceur résignée et même un peu triste de votre physionomie, lorsqu’elle est calme et que votre tête ou votre âme ne sont point en mouvement, alarmeront et induiront toujours en erreur vos amis sur votre force. » Et il en conclut que chez lui, loin que ce soit la lame qui use le fourreau, c’est l’âme, le vis ignea qui entretient la machine : « Comment son feu intérieur ne le consume-t-il pas ? […] Donnez-lui une autre âme, et sa frêle existence va se dissoudre. » Un peu avant la Révolution, Chamfort, qui habitait chez son grand ami le comte de Vaudreuil, c’est-à-dire en plein monde Polignac, au centre du camp ennemi, trouva moyen de se dégager, et il alla se loger aux Arcades du Palais-Royal. […] En effet, Madame, le triomphe de la tendresse fraternelle, l’amitié généreuse et les combats magnanimes de deux héros avaient naturellement trop de droits sur votre âme, et peindre des vertus, c’était s’assurer l’honneur du suffrage de Votre Majesté. — Je suis avec un très profond respect, Madame, de Votre Majesté le très humble, très obéissant et très fidèle sujet, Chamfort. » 79.
Tout grand style est par lui-même une affirmation, qui donne de l’âme et de l’autorité à ce qu’on exprime. […] Renan, un homme plus tendre que gai, de nature ; car, quoique le Dieu incertain auquel il ne croit pas lui ait donné un visage qui n’est pas plus fait pour l’amour que celui de Turenne, il est tendre pourtant, à sa manière, comme Turenne était amoureux à la sienne, et c’est cette tendresse jusqu’aux larmes de « l’âme divinement bonne » de Marc-Aurèle, qui l’a enlevé et qui l’a entraîné à écrire sa biographie. […] tous ses saints et tous ses martyrs — même ceux qu’il faisait ; car Marc-Aurèle en a fait, malgré la bonté de son âme, mais seulement, dit M. Renan, pour obéir à ses devoirs d’empereur et d’homme d’État, charge d’âmes qu’il devait préférer aux corps et lutte de vertus !!! […] Renan, qui l’appelle le meilleur des princes ayant jamais régné sur terre pour l’honneur et le bonheur du genre humain, et la quintessence rectifiée de la pure essence des Antonins, après laquelle il aurait fallu briser le flacon, car c’était le Commode incommode, le monstrueux Commode qui était au fond, n’a trouvé rien de mieux à faire que d’entourer des arabesques de son admiration et de son style les Pensées dans lesquelles Marc-Aurèle nous a révélé les supériorités de sa belle âme, une de ces âmes à la Boissier, qui pouvaient dispenser le monde de la morale chrétienne si elles avaient pondu et multiplié.
de l’élément même qui la fit la première fois, du cœur et du sang de l’homme, des libres mouvements de l’âme qui ont remué ces pierres, et sous ces masses où l’autorité pèse impérieusement sur nous, je montrai quelque chose de plus ancien, de plus vivant, qui nia l’autorité même, je veux dire la liberté… » J'ai suivi la même marche, porté la même préoccupation des causes morales, du libre génie humain dans la littérature, dans le droit, dans toutes les formes de l’activité. […] … et moi je ne vis que l’âme… » Je n’eus jamais un sentiment plus religieux de ma mission que dans ce cours de deux années ; jamais je ne compris mieux le sacerdoce, le pontificat de l’histoire ; je portais tout ce passé, comme j’aurais porté les cendres de mon père ou de mon fils… » Et tout cela pour dire qu’il ne méritait pas l’outrage ; non, mais il méritait le sourire.
On ajoutera, pour être vrai, qu’il avait, comme Jean des Figues, la main fine et l’âme fière, et l’on gravera une cigale sur son tombeau, de goût presque antique, afin d’exprimer qu’il était naturellement poète et qu’il aimait le soleil. […] Courteline, un vrai lettré aussi, me disait un jour, en me parlant des contes de Paul Arène : « C’est superbe et on ne voit pas comment c’est écrit. » Dans ses poésies non plus, c’est-à-dire dans une expansion plus intime encore de sa nature, — car c’est dans le rythme surtout que ce poète affirme, même inconsciemment, les sincérités de son âme, — on ne rencontre que lui-même.
Jamais le sentiment mystérieux de l’âme des choses et de la vertu matinale de la nature, jamais la poétique et sauvage puissance qu’elle fait éprouver qui s’y replonge et s’y abandonne éperdument, n’a été exprimée chez nous avec une telle âpreté de saveur, avec un tel grandiose et une précision si parfaite d’images. […] Ses lettres confidentielles, intimes et sublimes révélations à son ami le plus cher, montrent une résignation portée jusqu’à l’indifférence, en tout ce qui touche à la gloire éphémère des lettres… C’était une de ces âmes froissées par la réalité commune, tendrement éprises du beau et du vrai, douloureusement indignées contre leur propre insuffisance à le découvrir, vouées, en un mot, à ces mystérieuses souffrances dont René, Oberman et Werther offrent, sous des faces différentes, le résumé poétique.
Mais quand on voit l’angoisse qui résulte de ces liens brisés, ce douloureux étonnement d’une âme trompée, cette défiance qui succède à une confiance si complète, et qui, forcée de se diriger contre l’être à part du reste du monde, s’étend à ce monde tout entier, cette estime refoulée sur elle-même et qui ne sait plus où se replacer ; on sent alors qu’il y a quelque chose de sacré dans le cœur qui souffre parce qu’il aime ; on découvre combien sont profondes les racines de l’affection qu’on croyait inspirer sans la partager ; et si l’on surmonte ce qu’on appelle faiblesse, c’est en détruisant en soi-même tout ce qu’on a de généreux, en déchirant tout ce qu’on a de fidèle, en sacrifiant tout ce qu’on a de noble et de bon. On se relève de cette victoire, à laquelle les indifférents et les amis applaudissent, ayant frappé de mort une portion de son âme, bravé la sympathie, abusé de la faiblesse, outragé la morale en la prenant pour prétexte de la dureté ; et l’on survit à sa meilleure nature, honteux ou perverti parce triste succès.
Selon d’autres, ce serait plutôt une force qui viendrait par surcroît et que l’âme, comme d’ailleurs toute autre chose, pourrait capter, mais qui n’appartiendrait pas à l’âme essentiellement. […] Voilà l’homme pourvu de ce qu’il appellera plus tard une âme. Cette âme survivra-t-elle au corps ? […] L’influence exercée ne serait d’ailleurs pas grande, si l’idée d’âme ne venait rejoindre l’idée d’esprit. […] Sans doute l’antiquité a connu des formes de prière admirables, où se traduisait une aspiration de l’âme à devenir meilleure.
Paul Bourget a consacrée à l’étude des mouvements d’âme de ses personnages. […] » Enfin, cette fantaisiste définition de l’âme humaine : ? « L’âme ? […] mon âme, éternellement jeune, a le tort involontaire d’habiter une maison périssable. […] Marc Legrand dont je viens de lire un volume intitulé : l’Âme antique.
Nos âmes ont-elles jamais été un seul jour plus séparées que nos corps ? […] — Comment es-tu là, ma pauvre âme ? […] Les pauvres prisonniers me disaient de même : — Au moins notre oreille est libre quand notre âme suit dans l’air les sons qui chantent ou qui prient avec ton instrument. Mais il n’y avait que Hyeronimo qui comprît ma pensée et la sienne dans les joies ou dans les tristesses de la zampogne : nos deux âmes s’unissaient dans le même son ! […] laissez-moi descendre vite à la ville pour qu’on me la rende avant qu’elle ait été salie dans son âme par le contact avec ces malfaiteurs et ces bourreaux !
Taine, si elle était vraie, abolirait Tacite et Chateaubriand au nom de la science, et la nomenclature des faits historiques remplacerait l’âme et la pensée de l’historien. […] Dans ses préoccupations d’étude et d’investigation microscopique, l’auteur de L’Ancien Régime s’est planté dans les ceps de cette méthode pointilleuse, au lieu de se livrer, en âme ouverte, aux vastes impressions de l’Histoire et aux palpitations qu’elles doivent causer à l’historien. […] Quelle réponse, en effet, aux Michelet et aux Louis Blanc, à tous ceux, enfin, qui, dans leurs églogues historiques, ont partagé ou singé l’ivresse de ces premiers temps de la Révolution dans les âmes niaises… Se tairont-ils maintenant, les Mœlibée et les Tityre (ne pas lire les Thyrtée !) […] Grande image, qui exprime bien le saisissement de qui l’a écrite, et qui, en la dressant dans sa grandeur, voulait faire partager aux autres le saisissement de son âme ! […] Taine est si sain d’organisation, il est si fortement équilibré, que lui, le matérialiste et l’athée, arrive à la même vérité que les hommes qui croient le plus à l’âme et à Dieu.
il semble que sa douceur nous résonne encore dans l’âme. […] Il faut au romancier plus de sympathie pour l’humanité et une âme moins étroite. […] Et notez que si Stendhal était indifférent à la célébrité, Balzac y aspirait de toutes les forces de son âme. […] Peu à peu ils se développent et dépravent l’âme de la jeune femme, mariée déjà et mère de famille. […] que dans la galerie de ses personnages il n’y en a aucun qui ne souffre de l’âme ou du corps, ou des deux à la fois.
Les uns donnaient à l’âme humaine, à ses aspirations les plus hautes, à ses regrets, à ses vagues désirs, à ses tristesses et à ses ennuis d’ici-bas, à ces autres ennuis plus beaux qui se traduisent en soif de l’infini, des expressions harmonieuses et suaves qui semblaient la transporter dans un meilleur monde, et qui, pareilles à la musique même, ouvraient les sphères supérieures. […] Il y a eu, durant cette période de 1819-1830, dans beaucoup de jeunes âmes (et M. de Sacy ne l’a-t-il pas lui-même observé de bien près dans le généreux auteur des Glanes 12, cette sœur des chantres et des poètes ?) […] Rendre à la poésie française de la vérité, du naturel, de la familiarité même, et en même temps lui redonner de la consistance de style et de l’éclat ; lui rapprendre à dire bien des choses qu’elle avait oubliées depuis plus d’un siècle, lui en apprendre d’autres qu’on ne lui avait pas dites encore ; lui faire exprimer les troubles de l’âme et les nuances des moindres pensées ; lui faire réfléchir la nature extérieure non seulement par des couleurs et des images, mais quelquefois par un simple et heureux concours de syllabes ; la montrer, dans les fantaisies légères, découpée à plaisir et revêtue des plus sveltes délicatesses ; lui imprimer, dans les vastes sujets, le mouvement et la marche des groupes et des ensembles, faire voguer des trains et des appareils de strophes comme des flottes, ou les enlever dans l’espace comme si elles avaient des ailes ; faire songer dans une ode, et sans trop de désavantage, à la grande musique contemporaine ou à la gothique architecture, — n’était-ce rien ? […] Mon âme, sans témoins.
Tel il fut au lycée, dans les concours ; tel, à l’École normale dans cette première génération qui datait de la fondation même : partout le plus en vue, le plus désigné, l’âme et la vie, le prince de la jeunesse pensante, le grand promoteur et agitateur dans l’ordre des idées. […] Ce jeune homme à l’œil ardent, à la parole inspirée, au geste quasi prophétique, qui parlait de la spiritualité de l’âme avec enthousiasme et qui semblait recéler prématurément en lui un germe mortel, frappait les imaginations et reportait la pensée aux leçons de l’école de Platon dans l’Antiquité. […] Cousin, en effet, était tout à la française, et le fond de sa philosophie, tel qu’il était dès lors et qu’il se dégagea de plus en plus avec les années, consistait dans des doctrines de déisme, de spiritualité de l’âme, de liberté morale, etc., qui se tiennent à plus grande distance encore du panthéisme proprement dit que du christianisme. […] Ainsi, dans la note qui est à la page 123 du tome VIII, et dans laquelle je remarquais que depuis quelque temps on en est venu en littérature à faire de l’exagération une vertu et à instituer une théorie en l’honneur des génies outrés, une des phrases doit être rectifiée comme il suit : « C’était aussi la théorie déclarée de Balzac, qui n’admettait pas que Pascal pût demander à l’âme des grands hommes l’équilibre et l’entre-deux entre deux vertus ou qualités extrêmes et contraires.
Les Exilés ; Les Princesses (1890) — Petites études ; L’Âme de Paris ; Nouveaux Souvenirs (1890). — Poésies nouvelles ; Sonnailles et clochettes (1890). — Le Sang de la coupe ; Trente-six ballades joyeuses ; Le Baiser (1890) […] — a trouvé cette âme. […] Théodore de Banville est le plus grand des poètes vivants qui ont réalisé leur œuvre, je crois qu’il a pour âme la poésie elle-même. […] Néanmoins l’humanité retiendra le nom du divin poète qui chanta dans un jardin de joie, Erynna, le Festin des Dieux et l’Âme de Coelio, et qui écrivit aussi le Forgeron.
Vous ne voulez pas que le poète nous entretienne des choses de l’âme, trop intimes et trop vulgaires. […] Ce poète impersonnel, qui s’est appliqué avec un héroïque entêtement à rester absent de son œuvre, comme Dieu de la création, qui n’a jamais soufflé mot de lui-même et de ce qui l’entoure, qui a voulu taire son âme et qui, cachant son propre secret, rêva d’exprimer celui du monde, qui a fait parler les dieux, les vierges et les héros de tous les âges et de tous les temps, en s’efforçant de les maintenir dans leur passé profond, qui montre tour à tour, joyeux et fier de l’étrangeté de leur forme et de leur âme, Bhagavat, Cunacepa, Hy-pathie, Niobé, Tiphaine et Komor, Naboth, Quai’n, Néféroura, le barde de Temrah, Angantyr, Hialmar, Sigurd, Gudrune, Velléda, Nurmahal, Djihan-Ara, dom Guy, Mouça-el-Kébyr, Kenwarc’h, Mohâmed-ben-Amar-al-Mançour, l’abbé Hieronymus, la Xiraéna, les pirates malais et le condor des Cordillères, et le jaguar des pampas, et le colibri des collines, et les chiens du Cap, et les requins de l’Atlantique, ce poète, finalement, ne peint que lui, ne montre que sa propre pensée, et, seul présent dans son œuvre, ne révèle sous toutes ces formes qu’une chose : l’âme de Leconte de Lisle.
Il est à craindre que ceux qui croient l’âme des foules capable de comprendre un haut idéal ne se fassent illusion. […] Les masses ouvrières ont tous les traits de l’âme grégaire. […] En effet, les états d’âme instantanés qui se succèdent comme un défilé d’images cinématographiques ont tous, pour une individualité donnée, une teinte commune, une même coloration sentimentale. […] Ces différences originelles dans les volontés sont reconnues par la théologie catholique : les forces du libre-arbitre sont en nous plus ou moins débilitées et inclinées au mal ou au contraire aidées et fortifiées par la grâce. — C’est comme correctif à cette inégalité des forces du libre arbitre chez les différents individus, que la théologie catholique admet la doctrine de la réversibilité des mérites, de la solidarité universelle des âmes.
N’est-ce point pour cela qu’il imagine son monde des Idées, vivant dans le sein de Dieu, substances et âmes intérieures de toutes tes choses qui existent ? […] C’est un Olympe spirituel substitué à un Olympe matériel ; c’est un Olympe d’âmes pures substitué à un Olympe de surhommes, à un Olympe anthropomorphique. […] Ce qu’on déteste le plus au monde, quand on a l’âme active et non pas seulement passive et soumise, c’est ce que l’on a vu autour de soi à vingt ans. […] Dès lors, la religion lui est apparue sous un autre aspect et je ne dis pas qu’il ait eu pour elle tendresse d’âme ; mais il a eu pour elle tendresse d’esprit.
Mais ce que je veux surtout, c’est traiter Buloz comme une idée générale… Je veux lui faire cet honneur… Je ne connais d’ailleurs personne qui soit plus que lui sain à étudier, car le succès est peut-être la plus grande corruption de l’âme humaine, et Buloz le fait dédaigner, II Il est né en 1803, à Vulbens, près de Genève, pays commerçant et puritain. […] On y parlait, au début, de Platon et des siens, et le pauvre rédacteur, épris d’antiquité, disait élégamment : « Lorsque les brises de la mer Égée parfumaient l’atmosphère de l’Attique, quelques hommes, préoccupés de l’éternel mystère, venaient, dans les jardins d’Acadème, se suspendre aux lèvres de Platon, etc. » Buloz prit peur de cette phrase comme de la plus audacieuse hardiesse, et de sa patte dictatoriale et effarée il supprima le tout et mit à sa place ; « Il y eut aussi dans la Grèce des sociétés savantes. » Une autre fois, dans une étude sur la mystique chrétienne, on disait : « L’amour de la vérité cherche celle-ci dans les solitudes intérieures de l’âme » ; mais Buloz, qui ne connaît pas les solitudes intérieures de l’âme, traduisit d’autorité : « Les esprits curieux fuient les embarras des villes », qu’il connaît ! […] L’humeur célèbre du directeur de la Revue des Deux Mondes est arrivée à ce point que son visage, qui n’a pas précisément la beauté de Saint-Mégrin, quoiqu’il soit borgne comme lui, ne donne point une idée de l’intérieur de son âme.
Avec un poème qui singe l’histoire, et un poème, c’est comme des chansons : Cela vaut mieux qu’un livre, et court tout l’univers, Voltaire, qui n’était ni protestant, ni royaliste, ni convaincu de rien ; Voltaire, une vraie âme de son temps, une âme de la Régence ! […] On a le droit de s’étonner du silence des historiens qui ne parlent jamais de l’industrie protestante qu’à propos de la révocation de l’édit de Nantes, sous Louis XIV, et négligent de poser au xvie siècle cette question de vie et de mort qui donne un intérêt si suprême, un instant si marqué, une âme si forte à l’intérêt catholique ! […] L’Église n’est point un tas de pierres, c’est l’union des âmes dans le bon vouloir.
Dans la préface de ses Odelettes, un peu musquée d’affectation et d’érudition qui porte à la tête, il dit à Sainte-Beuve : « Soyons les derniers de notre ordre, les derniers des délicats », et il en est un… de la main, comme Siméon Pécontal16 l’est de l’âme. […] Ils ont retranché l’âme pour lui plaire davantage, et ils l’ont retranchée en vain ! […] Décapitation de la poésie, immolation de l’âme ; profanation, abaissements perdus ! […] … Chefs d’école et s’acceptant pour tels, ils ont endoctriné au lieu de chanter ; ils ont endoctriné même quand ils chantaient, Ils n’ont pas ranimé leur inspiration aux sources changeantes et profondes de l’âme humaine.
Descartes a donné une définition métaphysique de l’âme et une définition physique de la vie. […] Or, si la force vitale est intelligente, pourquoi la distinguer de l’âme raisonnable ? […] Il n’admet qu’une seule âme, l’âme immortelle, chargée en même temps du gouvernement corporel. L’âme est pour lui le principe même de la vie. La vie est un des modes de fonctionnement de l’âme, c’est son acte vivifique.
À l’âme il fallut des maisons de l’âme, des lieux où l’âme se connût et se sentît. […] En marge de Villehardouin met en présence, simplement, l’âme occidentale sérieuse, simple et forte, l’âme grecque passionnée de subtilités et mère des hérésies. […] Aveugle elle a aimé la parole et l’âme du pasteur ; clairvoyante elle voit que cette parole et cette âme correspondent à la figure de Jacques. […] Mais là où Gide ne voulait écrire que le drame d’une âme humaine, M. Estaunié a voulu écrire le drame de l’âme humaine.
Les rayons d’Hélios offusquent ses regards, son âme s’intimide des nudités diurnes et ne s’épanouit, semble-t-il, qu’à travers les fraîcheurs de la nuit ou de crépusculaires décors. […] Une âme passionnée, sensible et païenne s’y débat contre ce que les aïeux lui ont légué de religieux, de mystique et de contraint.
C’est presque une jouissance d’art, que peuvent seules éprouver les âmes éprises de beauté. […] Il est au contraire des âmes naturellement si délicates, si élevées, qu’il n’en saurait rien sortir que de généreux ; ce sont par excellence les âmes de poètes. […] La source véritable de toute poésie, c’est l’âme humaine. […] Le drame demande du mouvement, de la passion, des conflits d’âme, non de la contemplation et du rêve. […] Lorsqu’elle se retire au dedans de l’âme, elle est en voie de déclin.
Le couronnement de Pétrarque se fit à Rome en 1341 avec une pompe, une splendeur capables de satisfaire l’âme la plus ambitieuse. […] que faites-vous de ces soldats qui vous ont vendu leur sang et leur âme ? […] Maintenant vous êtes ici, pensez au départ, car il faut que l’âme, seule et nue, arrive au passage douteux de l’éternité. […] Son âme en s’échappant de ce beau sein avait purifié le ciel sur son passage. […] Guizot, en nous parlant de l’immortalité de l’âme, ne s’est inquiété ni de la physiologie, ni de la philosophie.
Elle croit au génie de Molière, parce que ses comédies la touchent ; elle croit à la beauté de L’École des femmes, parce qu’elle la sent, et ce sentiment remplit son âme d’une certitude intime qui défie tous les doutes. […] Elle ouvrirait Molière, elle lirait, et sans autre commentaire du texte que l’émotion de sa voix, elle en ferait sentir la beauté à cette âme simple. […] Qu’un poème, par exemple, ruine l’idée de Dieu, l’idée du devoir, l’idée de l’âme, et fonde l’empire de la matière, quoi de plus immoral ? […] C’est une flamme généreuse, qui, consumant dans notre âme tout ce qui est impur et personnel, en fait, pour ainsi dire, un temple digne de recevoir la beauté. […] Alors, plein de confiance en toi et n’ayant plus besoin de guide, regarde en ton âme, tu y découvriras la beauté.
Attirer tous les yeux sur les plaies qui dévorent la société, réveiller toutes les âmes endormies, en leur montrant dans chaque vice un ennemi à combattre. […] Lues à haute voix, elles emplissent les oreilles, mais laissent l’âme indifférente. […] Certes un pareil spectacle, comparé au souvenir touchant de Bianca, a de quoi émouvoir les âmes les plus indifférentes. […] Il réunit dans une chaîne unique les anneaux dispersés de la conscience humaine : en d’autres termes, il se propose l’étude et la peinture de la totalité de l’âme. […] Cette tâche assurément n’a rien d’éclatant ni de glorieux, mais suffit à contenter une âme généreuse et dévouée.
Son séjour à cette abbaye des plus austères et réformée à l’image de La Trappe laissa dans l’âme de Massillon un souvenir des plus délicieux : il y avait goûté dans toute sa douceur le miel de la solitude. […] N’oublions jamais en le lisant qu’il y manque celui qui les animait de son action modérée et de sa personne, celui dont la voix avait tous les tons de l’âme, et dont le grand acteur Baron disait après l’avoir entendu : « Voilà un orateur ! […] « On peut quelquefois, dit Voltaire, entasser des métaphores les unes sur les autres ; mais alors il faut qu’elles soient bien distinguées, et que l’on voie toujours votre objet représenté sous des images différentes. » Et il cite un exemple de Massillon ; il aurait pu aussi bien citer celui qu’on va lire : Souvenez-vous d’où vous êtes tombé ; … remontez à la première origine de vos désordres, vous la trouverez dans les infidélités les plus légères : un sentiment de plaisir négligemment rejeté ; une occasion de péril trop fréquentée ; une liberté douteuse trop souvent prise ; des pratiques de piété omises : la source en est presque imperceptible ; le fleuve, qui en est sorti, a inondé toute la terre de votre cœur : ce fut d’abord ce petit nuage que vit Élie, et qui depuis a couvert tout le ciel de votre âme : ce fut cette pierre légère que Daniel vit descendre de la montagne, et qui, devenue ensuite une masse énorme, a renversé et brisé l’image de Dieu en vous : c’était un petit grain de sénevé, qui depuis a crû comme un grand arbre, et poussé tant de fruits de mort : ce fut un peu de levain, etc. […] s’écrie-t-il, vous qui vîtes dans leur naissance les dérèglements des pécheurs qui m’écoutent et qui, depuis, en avez remarqué tous les progrès, vous savez que la honte de cette fille chrétienne n’a commencé que par de légères complaisances et de vains projets d’une honnête amitié : que les infidélités de cette personne engagée dans un lien honorable n’étaient d’abord que de petits empressements pour plaire, et une secrète joie d’y avoir réussi : vous savez qu’une vaine démangeaison de tout savoir et de décider sur tout, des lectures pernicieuses à la foi, pas assez redoutées, et une secrète envie de se distinguer du côté de l’esprit, ont conduit peu à peu cet incrédule au libertinage et à l’irréligion : vous savez que cet homme n’est dans le fond de la débauche et de l’endurcissement que pour avoir étouffé d’abord mille remords sur certaines actions douteuses, et s’être fait de fausses maximes pour se calmer : vous savez enfin que cette âme infidèle, après une conversion d’éclat, etc. […] On y lit, dès le début, des paroles bien touchantes sur la souffrance universelle, apparente ou cachée, qui est de toutes les conditions, de tous les états, de toutes les âmes.
Le duc Charles n’était jamais en reste en fait de promesses de mariage, mais ici l’offre fut des plus sérieuses : On peut aisément imaginer, dit Lassay, l’effet que fît une telle proposition sur une jeune personne dont l’âme était noble et élevée ; elle regarda un honneur si surprenant avec modestie, mais elle n’en fut point éblouie au point de s’en croire indigne. […] Il la perdit après peu d’années de mariage, et tomba dans un abattement et un désespoir qu’il crut éternel ; on lui doit cette justice qu’il fit tout son effort pour conserver et consacrer cette disposition d’âme, et il eût volontiers écrit alors à M. de Tréville, ou à tel autre de ses amis avancé dans la pénitence, cette belle parole qui résume toute la piété d’un deuil vertueux : « Priez Dieu d’accroître mon courage et de me laisser ma douleur. » On a dans plusieurs lettres de lui, et dans des réflexions écrites en ce temps-là, l’expression très naturelle et très vive de ses sentiments ; il s’écriait : Dieu a rompu la seule chaîne qui m’attachait au monde ; je n’ai plus rien à y faire qu’à mourir ; je regarde la mort comme un moment heureux… Que je me trouve jeune ! […] Peu d’âmes sont assez fermes, peu de cœurs assez profondément tendres pour savoir conserver une grande douleur. Dès l’abord, M. de Tréville, cet homme d’esprit, cet ancien ami de Madame Henriette d’Angleterre, devenu l’un des amis de Port-Royal, ce pénitent sincère, mais qui avait lui-même ses variations, avait averti Lassay en essayant de le consoler ; et ce dernier lui répondait : Je sais que vous me faites l’honneur de me dire que le temps adoucit les douleurs les plus vives ; mais les grandes afflictions font le même effet sur l’âme que les grandes maladies font sur le corps : quoique l’on en guérisse, le tempérament est attaqué ; on vit, mais on ne jouit plus d’une santé parfaite : il en est de même de l’âme, elle ne peut plus jamais sentir une joie pure.
Je suppose qu’une ou deux de ces grandes séries aient paru, non pas arrangées, non pas triées et écourtées, mais telles quelles, par une de ces indiscrétions et de ces imprudences heureuses dont tout le monde profite ; que cette âme vive, émue, expansive, passionnée et généreuse, magnanime, pour tout dire, cette intelligence avide, empressée, ouverte de toutes parts, divinatrice et sympathique, touchant au génie, se soit montrée et comme versée devant tous dans une multitude de lettres familières, affectueuses, éloquentes, inachevées chacune, mais s’achevant l’une l’autre : les nouvelles générations auraient fait connaissance avec elle plus directement encore que par les livres ; elle ne serait pas restée une gloire aristocratique, la plus haute renommée de salon, mais s’y renfermant ; elle balancerait Chateaubriand non seulement de mérite et de nom, mais de fait ; elle serait lue et encore présente au milieu de nous ; on la discuterait. […] Bonstetten, par exemple, un véritable homme d’esprit et un fin juge, disait de la critique impartiale qu’il trouvait à Coppet, et en particulier de celle dont il était redevable à Mme de Staël : « Elle est si libre de préjugés, si claire, que je vois mes tableaux dans son âme comme dans un miroir. » Il disait encore, dans une lettre à une poétique amie qu’il avait en Danemark : « Je vois Mme de Staël très souvent, et si je ne dîne chez elle qu’une fois par semaine, j’ai la guerre. […] Je vous assure que si vous lisiez dans mon âme, je vous ferais pitié. […] si maladif de l’âme quand vous êtes vous-même dans une situation où tout votre courage vous est nécessaire ; mais il faut avant tout que vous sachiez ce qui se passe en moi. […] Elle était femme, et elle aurait désiré être belle ; elle était femme, et elle aurait voulu être aimée ; elle était femme, et elle aurait voulu compter parmi les hommes comme une puissance éloquente, Elle se sentait l’âme d’un orateur.
Et que deviendront les âmes que tu auras privées de toute consolation et de toute espérance ? La piété est une des affections de l’âme les plus douces et les plus nécessaires à son repos ; on doit en avoir dans toutes les religions… » Sismondi se le tint pour dit ; il revint à la prudence et rentra une partie de ses arguments. […] Là où il y a excès dans le précepte et un air de folie, ce délire qui est un délire de tendresse pour les hommes, est un des plus beaux qui soient jamais sortis d’une âme exaltée et compatissante. […] Aux âmes simples, aux fidèles qui vivent rangés et soumis autour de la houlette pastorale, je ne conseillerai pas de le lire ; mais on sait que le nombre de ces fidèles et de ces humbles n’est pas infini ; et pour tous les autres, sceptiques, indifférents, hommes d’étude et d’examen, gens du monde, gens d’affaires, pour peu que vous ayez un coin sérieux de vacant et de libre en vous, je dirai avec confiance : Lisez et méditez, lisez et relisez ces beaux chapitres, Éducation de Jésus, Ordre d’idées au sein duquel se développa Jésus, Prédications du lac et apprenez le respect, l’amour et l’intelligence de ces choses religieuses auxquelles il n’est plus temps d’appliquer la raillerie et le sourire. […] Non certes, je n’ai pas voulu détacher du vieux tronc une âme qui ne fût pas mûre. »
Son indolence le portait à céder facilement à tout ce qu’ils lui proposaient, sans prendre la peine de l’examiner, encore moins de le contredire ; son jugement sain et l’expérience qu’il avait des affaires lui faisaient souvent désapprouver en secret leur conduite et leurs mesures ; rarement il se permettait des représentations, il n’y insistait jamais : la consolation de ces âmes indolentes, que la faiblesse domine sans leur ôter l’intelligence, est le mépris pour ceux qui les conseillent mal, soit par ignorance, soit par des passions particulières. […] Son âme pieuse et tendre en avait reçu une blessure au milieu de sa joie. […] Elle n’avait que l’âme douce, elle n’avait point un grand cœur ; elle avait des vertus, elle ne manquait même pas d’un certain agrément : mais cela n’allait pas jusqu’au charme ; elle en était loin, et l’empire qui ne suit pas toujours la royauté ne lui vint jamais. […] Ce ne fut pas sans peine qu’on parvint à établir une familiarité complète entre un prince excessivement timide et une femme à laquelle sa naissance du moins imposait quelques bienséances… Tout le monde sait quelles suites elle eut, quel empire le goût pour les femmes exerça sur Louis XV ; combien la variété lui devint nécessaire, et combien peu la délicatesse et toutes les jouissances des âmes sensibles entrèrent dans ses amusements multipliés. » Ce qu’on vient de lire est exact, presque à la lettre ; cette reine, dont la destinée de loin paraît celle d’une femme délaissée, donna en effet au roi, avant l’éclat des désordres, jusqu’à dix enfants : deux garçons seulement, dont un seul vécut ; tout le reste n’était que des filles, et Louis XV avait fini par ne plus compter sur autre chose avec la reine : il semblait voir dans cette monotonie l’image de leurs froides amours. […] La vieillesse ou l’âge tout à fait mûr lui alla bien avec ses douceurs, ses solidités, ses gaietés même assez fines et un certain enjouement qui tenait de l’esprit et de l’âme.
Cependant Rousseau pénètre dans les âmes, en dépit de l’obstacle que lui oppose l’incurable esprit du monde. […] On ne joue plus avec le sentiment : il emplit l’âme, il la brûle. […] C’est Rousseau qui est le consolateur de toutes les âmes fières du Tiers État que l’inégalité a froissées : d’un Barnave, qui se souvient d’un affront fait à sa mère au théâtre par un gentilhomme, du temps qu’il était tout enfant, d’un Marat qui réfute Helvétius et Condillac, et qui commente le Contrat social dans les promenades publiques devant des auditeurs enthousiastes. […] Cependant la légèreté morale, l’illusion puissante des spectateurs les firent complices de l’auteur, et transfigurèrent Figaro : le public se vit en lui, et ce coquin fit vibrer tous les plus généreux sentiments, échauffa toutes les plus ardentes espérances qui remplissaient alors les âmes. […] Il faut noter le goût de cette âme passionnée pour la musique. — Éditions : Lettres de Mlle de Lespinasse, éd.
Il a des appétits, des passions physiques ; il a des facultés oratoires, le don de brider et de passionner : mais nulle sensibilité de l’âme, au fond ; toujours de sang-froid, maître de lui, l’esprit net, agile, subtil, un esprit à la Montesquieu, comme l’a très bien vu M. […] Mais puisque Mme Roland, qui était l’âme du parti, n’eut pas accès à la tribune, puisqu’elle fut réduite à verser les passions et les idées qui la brûlaient dans ses Mémoires rédigés en prison, c’est à Vergniaud qu’il appartient, mieux qu’à personne, de représenter l’éloquence girondine632 . […] Il excellait à étendre les vastes lieux communs, à remuer les grands sentiments généraux : c’était l’homme qu’il fallait pour troubler les âmes en discourant sur le danger de la patrie. […] Il se fit une forme courte, brusque, tendue, nerveuse, admirablement expressive et de sa nature réelle et de l’idée qu’il voulait donner de lui, admirablement adaptée à l’âme élémentaire des foules ou des armées. […] Et la fin, comme elle laisse l’âme vibrante !
Toute la vie suprasensible, toute l’âme d’une nation. […] Créer aujourd’hui ces grandes unités religieuses, ces grandes agglomérations d’âmes en une même doctrine qui s’appelle les religions, ces ordres militaires du Moyen Âge, où tant d’individualités nulles en elles-mêmes se fondaient en vue d’une même œuvre, serait maintenant impossible. […] C’est un grand malheur que d’avoir découvert en soi les ressorts de l’âme ; on craint toujours d’être dupe de soi-même ; on est en suspicion de ses sentiments, de ses joies, de ses instincts. […] L’histoire de l’être ne sera complète qu’au moment où la multiplicité sera toute convertie en unité et où, de tout ce qui est, sortira une résultante unique qui sera Dieu, comme dans l’homme l’âme est la résultante de tous les éléments qui le composent. Dieu sera alors l’âme de l’univers, et l’univers sera le corps de Dieu, et la vie sera complète ; car toutes les parties de ce qui est auront vécu à part et seront mûres pour l’unité.
Presque tous sont des gens austères, et quelques-uns, sceptiques déterminés, sont des modèles de vertu ; la méditation amortit les sens, et les vues générales impriment dans l’âme la préoccupation du bien public. […] Il a la démarche agile, et pourtant égale, sans hâte ni saccade, en homme dont l’âme saine et gaie se tient d’elle-même en action et en équilibre sans enivrement, ni abattements, ni efforts. […] Vous êtes prompt en besogne ; au besoin, vous pourriez répondre à ces bonnes gens qui arrêtent un homme sur le trottoir, le priant de leur expliquer, au pied levé, ce qu’il pense de Dieu, du monde, de l’âme et du reste. […] Le dehors exprime le dedans, l’histoire manifeste la psychologie, le visage révèle l’âme. […] L’historien s’est créé un thermomètre, son âme.
et vous, soyez à jamais honorées et glorieuses, ò gorges de Thessalie, où la Perse tout entière et le destin furent de bien moindre force qu’une poignée d’âmes héroïques et généreuses ! […] Or, vertu et gloire, chez les Anciens, c’étaient deux noms divers pour désigner à peu près le même objet idéal, but des grandes âmes. […] Il semble que, lorsqu’on se met en rapport par la croyance, par la confiance, par la prière (et encore mieux selon les rites sacrés, qui sont comme des canaux établis), avec la grande âme du monde, on trouve appui, accord, apaisement. […] Ainsi l’âme humaine en détresse se donne le change. […] Les temps se précipitent et empirent : c’est à tort que l’on confierait à des neveux gâtés (a putridi nepoti) l’honneur des âmes fortes et la vengeance suprême des vaincus.
Au feu près, qui ne manque pas à son âme, mais qui manque un peu à son style, c’est l’historien des batailles. […] Sachant toujours s’occuper lui-même et occuper les autres, il captivait au plus haut point les esprits, et ne laissait pas naître ou dissipait autour de lui des ennuis qui n’entraient jamais dans son âme. […] Il lisait sans cesse, et exclusivement, Plutarque et Quinte-Curce ; il y cherchait l’aliment des grandes âmes, l’histoire des héros de l’antiquité. […] Sous des dehors sauvages il cachait une âme vive et très susceptible d’exaltation. […] « Vingt-cinq ans de luttes parlementaires, luttes dévorantes qui usent l’âme et le corps, avaient ruiné la santé de M.
sophiste éhonté, cœur fragile, âme lâche, Tu glisses, malheureux ! […] Comme Brizeux, auquel il ressemble par la pudeur de son lyrisme voilé, il a aimé la Muse d’un amour exclusif, délicat et scrupuleux… Le poète de l’Âme vierge n’a pas attendu, pour nous dire sa chanson, que les annonciateurs de « formules » nouvelles aient prédit une révolution du goût.
J’ai ressenti une joie d’âme, une beauté de cœur, une sincérité de gestes, d’actes, de grâce devant ce petit livre qu’est Toi, de beauté et de bonté si pure, douce et grave… Si nous passons à la Légende blasphémée, le chant du poète se change en un cri d’orgueil et de gloire, en une force et une vaillance de son être rebelle aux codes, aux lois, aux disciplines. […] Ce livre est beau, c’est un cri d’amour, c’est un cœur qui vibre d’immensité, c’est une âme éprise de la musique des êtres et des choses, c’est l’œuvre véritable, l’œuvre d’un poète, l’œuvre d’un Homme, et nous remercions M.
Or, l’âme, dont la nature est la vie, a essentiellement la faculté de produire ; de sorte qu’un de ses vices, une de ses vertus, peuvent être considérés ou comme son fils, ou comme sa fille, puisqu’elle les a véritablement engendrés. […] Remarquez même que l’esprit est moins choqué de la création des dryades, des naïades, des zéphyrs, des échos, que de celle des nymphes attachées à des objets muets et immobiles : c’est qu’il y a dans les arbres, dans l’eau et dans l’air un mouvement et un bruit qui rappellent l’idée de la vie, et qui peuvent par conséquent fournir une allégorie comme le mouvement de l’âme.
» Il y avait longtemps pour lui que les illusions s’étaient envolées ; son âme avait connu toutes les passions, toutes les ardeurs, Némésis elle-même et les Euménides, j’entends celles de la vertu. […] C’est pourquoi il ne faut point voir dans la tentative d’André Chénier une renaissance gréco-latine ; c’est véritablement une renaissance française, conséquence des xvie et xviie siècles, avec cette différence que le xvie siècle avait vu la Grèce à travers l’afféterie italienne ; le xviie , à travers le faste de Louis xiv ; tandis qu’André Chénier a, dans l’âme de sa mère, respiré la Grèce tout entière ; il parle la même langue que Racine, mais trempée d’une grâce byzantine, attique même, naturelle et innée, et dans laquelle se fondent heureusement l’ingéniosité grecque et la franchise gauloise. » Certes, André Chénier n’a pas réussi partout ; plus d’une pièce de lui trahit des inexpériences sensibles ; il y a des différences d’âge entre ses poésies ; mais celles de sa dernière manière, les élégies lyriques à Fanny, à la Jeune Captive, l’ode à Charlotte Corday, les Iambes, ne laissent rien à désirer. […] Ce fils et cet héritier des Grecs n’est point un Callimaque de moins de génie que d’art ; ce n’est point un Properce toujours difficile à lire, et qui, même dans ses nobles ardeurs, les complique et les masque de trop de doctes lectures : plus que Platen et comme Leopardi, il est de ceux dont l’âme moderne se laisse voir tout ardente à travers même les dépouilles de l’Antiquité dont elle s’enrichit ; il ne confond jamais l’érudition qu’il possède et qu’il maîtrise, avec la poésie dont il est possédé.
C’est un polype élégant, et la nature semble avoir été dans l’indécision quand elle le fit naître. » Et ailleurs, à l’occasion des déserts de l’Arabie et de l’Amérique : « L’amour dans ces pays brûlants devient un sentiment dont rien ne peut distraire ; c’est le besoin le plus impérieux de l’âme ; c’est le cri de l’homme qui appelle une compagne pour ne pas rester seul au milieu des déserts. » Certes Bernardin de Saint-Pierre n’eût pas mieux dit. […] Il y a une singulière expression de mélancolie dans toute la personne de ce jeune guerrier à moitié sauvage, dont l’amour et la douleur ont développé l’âme. […] Parfois aussi des contrastes heureux reposent l’âme flétrie ; le dernier trait du tableau est plein de charme, quoique non tout à fait exempt du séduisant défaut que nous reprochons à M.
Certainement l’homme criminel croit toujours, d’une manière générale, marcher vers un objet quelconque, mais il y a un tel égarement dans son âme, qu’il est impossible d’expliquer toutes ses actions par l’intérêt du but qu’il veut atteindre : le crime appelle le crime ; le crime ne voit de salut que dans de nouveaux crimes ; il fait éprouver une rage intérieure qui force à agir sans autre motif que le besoin d’action. […] il serait si difficile de ne pas s’intéresser à l’homme plus grand que la nature, alors qu’il rejette ce qu’il tient d’elle, alors qu’il se sert de la vie pour détruire la vie, alors qu’il sait dompter par la puissance de l’âme le plus fort mouvement de l’homme, l’instinct de sa conservation : il serait si difficile de ne pas croire à quelques mouvements de générosité dans l’homme qui, par repentir, se donnerait la mort ; qu’il est bon que les véritables scélérats soient incapables d’une telle action ; ce serait une souffrance pour une âme honnête, que de ne pas pouvoir mépriser complètement l’être qui lui inspire de l’horreur.
C’est comme qui dirait la révélation, dans une âme primitive, de la loi par le péché… Une autre partie tout à fait digne d’attention, ce sont les pages qui nous montrent Louiset réfugié à Paris et essayant en vain de haïr celle qui l’a trahi si indignement. […] Ce qu’il nous raconte, c’est l’éducation de deux âmes par la vie. […] Ils le voyaient à l’évidence, comme ils voyaient cette mer bleue qui les entourait… » Ainsi le récit patient, d’observation minutieuse, se trouve soulevé, vers la fin, par un souffle de vaillance et d’énergique espoir ; et il nous plaît de retrouver et de reconnaître chez l’artiste raffiné, chez l’auteur de Pierrot assassin de sa femme, un peu de l’âme du soldat excellent dont il est le fils.
Le roi eut successivement deux passions assez vives, mais réputées chastes, d’âme à âme, et ne s’accordant que des jouissances toutes virginales. […] On l’en contrerait, je crois, plus juste, en l’attribuant à l’esprit du moment, au dégoût généralement répandu pour l’incontinence, l’horreur des scandales, à la profonde appréhension (les conséquences que la vie et la mort de Henri IV avaient répandues dans les âmes délicates.
C’est une ambition qui paraît au premier coup d’œil aspirer à descendre, mais qui en réalité n’aspire qu’à monter, car il n’y a rien de plus haut que l’âme d’une nation, et c’est faire partie de l’âme d’une nation que de devenir la lecture, la rêverie, la prière, l’entretien journalier de la foule honnête… » J’ai cité le morceau entier. […] C’est que pour faire toute l’œuvre immense des écrivains que j’ai cités, il suffit d’être un grand génie, et que pour prononcer une petite phrase humaine, il faut être une âme profonde.
Ossian, chef, guerrier, poëte et musicien, entend frémir pendant la nuit les arbres qui environnent sa demeure, il se lève, il s’écrie : " âmes de mes amis, je vous entends ; vous me reprochez mon silence. " il prend sa lyre, il chante, et lorsqu’il a chanté, il dit : " âmes de mes amis, vous voilà immortelles, soyez donc satisfaites, et laissez-moi reposer. " dans sa vieillesse, un barde aveugle se fait conduire entre les tombeaux de ses enfans ; il s’assied, il pose ses deux mains sur la pierre froide qui couvre leurs cendres, il les chante. Cependant l’air, ou plutôt les âmes errantes de ses enfants caressaient son visage et agitaient sa longue barbe… ô les belles mœurs !
Jusque-là tout était parfait, — un peu ardent peut-être, — mais enfin…, bien, et, catholique comme je le suis, je n’aurais été qu’édifié de cette conduite et je n’en aurais parlé que discrètement et pour l’édification des âmes, si la trop crâne dévote qui avait effarouché les Pères de la Terre-Sainte ne s’était pas avisée de publier le livre que je vous annonce ; livre qui tient tout à la fois des Mémoires et du Roman, et dans lequel, Mme Marie-Alexandre Dumas, nous parle d’elle-même sans guimpe ni voile, et de son couvent et de sa cellule et de ses communions, comme de choses officielles et connues, que tout le monde doit savoir, sans explication préalable, et si ce livre n’avait pas la portée voulue d’une prédication mauvaise à entendre, et compromettante pour qui la fait… Certes, je ne veux pas ici nier la pureté d’intention, ni même la ferveur d’âme de l’auteur d’Au lit de mort, mais je dis que, même après la péripétie de la conversion, on n’a peut-être point dans cette dramatique famille Dumas, une idée bien nette de la sainteté ! […] » Ce que ne dit pas une seule fois à sa maîtresse la femme de chambre de cette mondaine coupable qu’on appelle Mme Almaviva. — Dans ce livre d’Au lit de mort, que Mme Sand n’eût certainement pas écrit, je le reconnais, dans ce livre qui affecte l’accent chrétien, mais dans lequel la langue chrétienne est mal parlée ; où l’on sent l’âme troublée, l’idée fausse, l’esprit sans forte direction et sans guide, et cette religiosité corrompue par les sensibilités romanesques et morbides de ce temps, Mme Marie-Alexandre Dumas n’invente-t-elle pas un confesseur sans sacrement, sans fonction, sans autorité ; un confesseur qui n’est pas prêtre, un confesseur-femme, — elle-même !
Il n’y avait plus que cela qui vécût, pour l’honneur de l’âme humaine pervertie. […] Son talent, s’il en avait eu, aurait bénéficié du malheur auguste et mystérieux de la Cause de Dieu, perdue par les hommes, au XVIe siècle ; car c’est presque une loi de l’histoire, avec la mélancolie naturelle à l’âme humaine, que les causes perdues nous prennent plus fortement le cœur que les causes triomphantes et soient plus belles à raconter ! […] Le fanatisme religieux ôté de l’âme de Philippe II, il se fait à l’instant en lui le vide de l’homme qui a besoin de l’idée de Dieu pour être quelque chose, et Forneron, avec son regard exercé, voit, dans ce vide où l’idée de Dieu s’embrouillait avec les passions et les vices, ce qui reste de Philippe II, c’est-à-dire un des plus vulgaires despotes qu’ait corrompus la royauté.
, ni Guizot, qui a vu les mélanges du bien et du mal, mais qui n’a pu les expliquer, ni personne, enfin, parmi les gloires modernes, n’a porté la lumière et la main sur le nœud gordien de ce temps et son implication formidable, tandis que quelques vers de Shakespeare, quelques pages de Walter Scott, en font du moins passer l’âme dans nos esprits, comme une vision trop tôt évanouie ! […] il ne s’agissait que d’être un homme simple et droit, que la Philosophie n’aurait pas gauchi à l’avance, pour recevoir pleinement dans son âme l’impression de ces faits énormes, sans analogues dans l’histoire, et avec lesquels on se croit quitte quand on a prononcé d’une certaine manière les mots bien vite dits de Barbarie et de Féodalité. […] C’est un de ces pleurards historiques qui versent, sur les malheurs de l’humanité au Moyen Âge, ces larmes de crocodile qui ont toujours le même succès sur les esprits ignorants et les âmes sensibles.
La plupart de ces messieurs présomptueux, — nous ne voulons pas les nommer, — qui représentent assez bien dans l’art les adeptes de la fausse école romantique en poésie, — nous ne voulons pas non plus les nommer, — ne peuvent rien comprendre à ces sévères leçons de la peinture révolutionnaire, cette peinture qui se prive volontairement du charme et du ragoût malsains, et qui vit surtout par la pensée et par l’âme, — amère et despotique comme la révolution dont elle est née. […] Il y a dans cette œuvre quelque chose de tendre et de poignant à la fois ; dans l’air froid de cette chambre, sur ces murs froids, autour de cette froide et funèbre baignoire, une âme voltige. […] Ce dessin gras, invisible et sournois, qui serpente sous la couleur, est, surtout si l’on considère l’époque, un légitime sujet d’étonnement. — De longtemps, les artistes n’auront pas l’âme assez bien trempée pour attaquer les jouissances amères de David et de Girodet.
Si on laisse de côté les théories qui se bornent à constater l’« union de l’âme et du corps » comme un fait irréductible et inexplicable, et celles qui parlent vaguement du corps comme d’un instrument de l’âme, il ne reste guère d’autre conception de la relation psychophysiologique que l’hypothèse « épiphénoméniste » ou l’hypothèse « paralléliste », qui aboutissent l’une et l’autre dans la pratique — je veux dire dans l’interprétation des faits particuliers — aux mêmes conclusions. […] À celui qui aborde sans idée préconçue, sur le terrain des faits, l’antique problème des rapports de l’âme et du corps, ce problème apparaît bien vite comme se resserrant autour de la question de la mémoire, et même plus spécialement de la mémoire des mots : c’est de là, sans aucun doute, que devra partir la lumière capable d’éclairer les côtés plus obscurs du problème.
Ils avaient de très belles âmes, simples, naïves et pures. […] Précisément parce que nous n’avons pas l’âme mythologique, l’âme mythique, l’âme d’un Grec du temps d’Homère — et les hommes du dix-septième siècle ne l’avaient pas plus que nous, guère plus que nous — précisément à cause de cela, cette âme mythique il fallait nous la donner. […] Il faut donc que ces faits, ou soient eux-mêmes les fruits d’une âme ou, s’ils viennent du dehors, aillent à cette âme pour exciter ses énergies. […] Il est défait pour avoir essayé de vaincre la vanité qui en est l’âme. […] Il a vu que la vanité en était l’âme.
Croyances sur l’âme et sur la mort. […] L’âme qui n’avait pas son tombeau n’avait pas de demeure. […] On se la figura comme une sorte d’âme universelle qui réglait les mouvements divers des mondes, comme l’âme humaine met la règle parmi nos organes. […] Ce sentiment était profond et puissant dans leurs âmes. […] Il n’est rien de plus puissant sur l’âme.
Un pouvoir spirituel, une direction des âmes et des esprits. […] Tel était le tempérament, le fond même de l’âme. […] Comment même se communiquera-t-elle, se répandra-t-elle d’âme à âme si le pouvoir temporel ne veut pas qu’elle se répande ? Je vois des millions de petites libertés enfermées dans des millions d’âmes, et chacune incapable de sortir de son âme et de s’appuyer sur une autre liberté, et d’en créer d’autres. […] Ce fut la vraie patrie de son âme.
Tant de hautes facultés dissipées tour à tour dans un emploi mercenaire et dans d’indignes plaisirs, la confusion de tous les rangs et de toutes les conditions dans le même cercle d’intrigues sensuelles, cette familiarité délicate, ingénieuse encore dans sa licence, où vivent pêle-mêle, en confidents ou en rivaux, cardinal, prince, abbé, intendant, favori : c’était là un fonds de roman tout à fait hors des données vulgaires, et duquel, avec une âme sérieuse et tournée à l’histoire, on devait tirer de fortes leçons. […] L’héroïne du roman, Française de vingt-quatre ans, blonde au visage noble et animé, qui a quelque chose d’élégant, de modeste et de naturel dans toute sa personne, d’un abord parfois sévère, mais qui s’adoucit avec de la grâce et de la cordialité, telle enfin qu’on croit sentir en elle une âme à la fois aimable et forte, capable de grandes choses, mais sensible aux petites ; Thérèse de Longueville, au milieu des hommages dont elle est l’objet, et auxquels elle reste assez indifférente, ne tarde pas à distinguer Sextus, à le craindre d’abord (car d’anciens chagrins l’ont rendue prudente), puis à désirer de le revoir et de lui plaire.
Le premier de ces genres peut conserver son appellation primitive puisqu’il est tout d’appréciation ; quant au second, il serait bon qu’on se mît à le désigner par un vocable propre ; celui d’esthopsychologie by pourrait convenir à un ordre de recherches où les œuvres d’art sont considérées comme les indices de l’âme des artistes et de l’âme des peuples ; mais ce mot est incommode, disgracieux ; nous nous excusons de l’employer parfois et nous le remplacerons le plus souvent par le terme critique scientifique que nous opposons à critique littéraire dans un sens à préciser.
Et, pour tout dire enfin, ajoutons à ces qualités substantielles d’un ouvrage qui n’a pas la prétention d’en dire plus long qu’il n’est gros, quoiqu’il en dise beaucoup, que l’esprit qui l’anime est ce qu’il doit être, et qu’on y sent vibrer sympathiquement une âme à tous les coups qui frappent sur le grand cœur du Sacerdoce. […] En cela encore, par l’émotion et par l’aperçu, Fleury est au-dessus des Goncourt, dont l’âme est à peu près muette et l’esprit aveugle, muette et aveugle à tout ce qui n’est pas de l’effet de couleur.
Peut-être y a-t-il bien des gens parmi vous, messieurs, qui ont habité pendant tout un hiver une petite ville de province peuplée de quinze à dix-huit mille âmes ! […] La mort en effet et la maladie engendrent dans les âmes des faiblesses, des travers, des infirmités morales qui peuvent être du domaine de la comédie. […] Parce qu’ils lui ont promis de sauver son âme. […] Il faut surtout qu’il l’exerce sous l’inspiration ou le pressentiment d’événements considérables, et, autant que possible, dans un de ces moments de crise qui sont rares, en bien comme en mal, dans l’histoire des peuples, et où l’émotion universelle des cœurs se communique et se fond en une seule âme, l’âme des poètes. […] Mais de tous les mortels, grâce aux dévotes âmes, Nul n’est si bien soigné qu’un directeur de femmes.
Toujours « l’Âme Étrangère », à laquelle on peut appliquer trop justement la phrase du plus lucide, à mon avis, de ces conteurs slaves, Tourgueneff : « L’Âme d’autrui, c’est une forêt obscure ! […] Elle fait comprendre que la première vertu de l’opérateur est la force d’âme. […] C’est le mot dont se sert l’auteur de l’Âme du chirurgien. […] Jamais je n’ai mieux compris qu’en l’écoutant la souveraine puissance du mythe sur l’âme populaire. […] Ces pages ont servi de préface à l’Âme du chirurgien, de M. le professeur J.
N’y peindra-t-on pas les passions qui sont l’âme de la fable ? […] « L’âme de tels héros courant vers la Judée « D’un aveugle transport fût-elle possédée ? […] On croit les approcher, les entendre, et l’âme pure s’envisage elle-même au nombre des divinités sous la délicate et timide figure de Psyché. […] Apollon commande à l’oubli de s’emparer de son âme, et d’en effacer la trace des secrets de l’avenir. […] Un tel merveilleux est grand, parce qu’il sort de la profondeur d’une grande âme.
Mais l’essentiel ici est de démêler ce qui, chez eux, est lieu commun, phrase apprise, provision de la mémoire, et ce qui est sentiment intime, émotion personnelle, éclosion spontanée de l’âme : ce qui est sifflé et ce qui est vécu. […] En un mot, au lieu de se persuader qu’on a affaire à de purs esprits et à des axiomes universels, on croira qu’on a devant soi un individu vivant, en qui tout est borné et relatif, chez qui les affections, les habitudes, la disposition physique font échec à la vérité ; on prendra la parole qu’on entend pour le signe de l’âme qu’on ne voit ni n’entend ; on tâchera par elle de deviner ce qu’est l’invisible personne qui ne se laisse jamais atteindre que par le dehors.
. — Cris de la chair et de l’âme, poésies (1883). — La Jeunesse de François Ier , drame en cinq actes et en vers (1884). — L’Inflexible, drame en cinq actes, en prose (1884). — Le Théâtre en France : la tragédie, la comédie, le drame, les lacunes (1885) […] cette hardiesse à rejeter un sentiment intime, un chagrin de l’âme, un remords de la conscience, M.
J’ai pensé toutefois que quelques jeunes âmes, amoureuses du beau et du vrai, trouveraient dans cette confidence consolation et appui, au milieu des luttes que doit livrer à un certain âge tout esprit distingué pour découvrir et se formuler l’idéal de sa vie. J’ai voulu aussi professer, à mon début dans la science, ma foi profonde à la raison et à l’esprit moderne, dans un moment où tant d’âmes affaissées se laissent défaillir entre les bras de ceux qui regrettent l’ignorance et maudissent la critique.
En effet, pour l’observateur, il n’y a rien de si multiple que l’âme ; rien de si gradué, de si fin, de si complexe, que les sentiments. […] Ainsi, la poésie, qui suit les démarches de l’âme, doit se composer de petits mouvements et à chaque instant changer d’allure. […] L’un donne l’abrégé d’un conte, l’autre fait l’histoire de l’âme. Au reste, La Fontaine ne décrit pas seulement les mouvements de l’âme. […] L’art, comme une âme, entre dans la prose pour la vivifier et l’organiser.
Mille pensées confuses naissaient dans son âme et y croissaient à mesure que croissaient au dehors les rayons du soleil. […] Puis vinrent de tumultueux mouvements d’âme. […] Conservez-moi ma bonne femme ; je l’aime beaucoup, voyez-vous, sans que ça paraisse, parce que, chez moi, tout se passe en dedans et me trifouille l’âme. […] En quittant avec joie l’existence, cette mère plaignit sa fille d’avoir à vivre, et lui laissa dans l’âme de légers remords et d’éternels regrets. […] « Dans la vie morale, aussi bien que dans la vie physique, il existe une aspiration et une respiration : l’âme a besoin d’absorber les sentiments d’une autre âme, de se les assimiler pour les lui restituer plus riches.
Aujourd’hui, nous nous embrasons l’âme par des citations… Nous n’en sommes encore qu’à la période des citations ; c’est le vers de Gilbert : On répète déjà les vers qu’il fait encore ! […] — écrivant un livre tardif où je n’aperçois, au bout de quatre cents pages, poindre ni caractère original, ni beauté d’âme, ni intérêt profond de trame humaine, se livrer à des besognes inférieures de pédant et de faiseur de dictionnaire, et atteler son vigoureux génie au haquet des plus lourdes dissertations ? […] Je le traite en artiste fort, en homme qui doit savoir la nature humaine et la faire vibrer à commandement quand il lui plaît ; mais qui, malheureusement, n’a montré dans son Homme qui rit ni art, ni âme, ni nature humaine ! […] dans Quatre-vingt-treize est plus monarchique que révolutionnaire, et l’on dirait, si on ne connaissait pas la versatilité de l’âme des poètes, que c’est là une espèce d’amende honorable faite, par un républicain dégoûté de ses républiques, aux pieds encore absents d’une monarchie qu’il sent venir ! […] S’ils y avaient touché dans leurs créations, ils auraient pénétré dans leurs âmes et mis leurs âmes dans leur action.
Tacite lit dans les conseils des ambitieux comme dans l’âme des sages rassasiés du monde. […] On n’entendit de lui qu’un seul mot, qui attestait encore un reste de fierté dans son âme, lorsqu’aux insultes du tribun militaire il répondit : — Et cependant j’ai été ton empereur ! […] « Il avait choisi pour maîtres de philosophie ces sages qui estiment que le seul bien est l’honnête, le seul mal le vice, et qui ne comptent la noblesse, la puissance, et tout ce qui est en dehors de l’âme, ni parmi les vrais biens, ni parmi les vrais maux. […] Les mœurs des peuples qu’il décrit interrompent habilement le récit des tragédies romaines, et reposent l’âme pour la préparer à de nouvelles émotions. […] « À son départ, il la reconduisit jusqu’au rivage, couvrant des plus tendres baisers les yeux et le sein d’Agrippine, soit pour achever la dissimulation, soit que le dernier aspect de sa mère, qui allait périr, attendrît son âme toute féroce qu’elle était.
d’en appeler à ses immortels souvenirs : Oui, dans ton sein l’âme agrandie Croit sur tes monuments respirer ton génie ? […] Jusqu’à l’indien rivage Le ramier porte un message Qu’il rapporte à nos climats ; La voile passe et repasse : Mais de son étroit espace Leur âme ne revient pas. […] Il n’est plus ; notre âme est veuve, Il nous suit dans notre épreuve, Et nous dit avec pitié : « Ami, si ton âme est pleine, De ta joie ou de ta peine Qui portera la moitié ? […] En avançant dans notre obscur voyage, Du doux passé l’horizon est plus beau : En deux moitiés notre âme se partage, Et la meilleure appartient au tombeau ! […] dans ton sein que leur âme se noie !
Au dix-septième siècle, le poète prête son âme à des personnages imaginaires, et ne découvre de son fonds que ce qui lui est commun avec tous les hommes. […] Le poète parle en son nom de tout ce qui l’a touché, peines, plaisirs, espérances, regrets, impressions des grands événements et des beautés de la nature, amour, enthousiasme, tentations du doute, rêveries, désenchantements, tout ce qui a passé par l’âme de René, René, le type de la poésie personnelle, l’aîné de cette noble famille qui le continue, non par imitation, mais parce que sa mélancolie est l’état des âmes d’élite au dix-neuvième siècle. […] Les plus tristes n’affectent l’âme que comme une douleur qui a perdu son aiguillon. […] S’il n’avait pas suffi, pour l’inventer, de la justesse d’esprit et de la candeur d’âme dans un homme de bien, je dirais de l’écrivain qui s’y est fait de nos jours une aimable célébrité, qu’il en a pris le modèle à Fénelon et à Rollin. […] Elle est l’âme de tous les ouvrages ; elle est mêlée à tous les genres.
La gangrène particulière aux âmes blessées va s’emparer d’elle : je plains ceux qui tomberont entre les froides mains de cette morte qui sent déjà le vampire. […] et de quelle main sûre le poète fait jouer les ressorts de cette âme, compliquée comme une serrure à secret. […] Elle sort de son caractère et elle y rentre, avec la souplesse d’un être brisé, qui n’a plus de jointures à l’âme et qui en fait ce qu’il veut. […] Son âme est pure encore, mais ses paroles, ses manières, ses regards ne le sont plus déjà : le corps est chaste, la robe est souillée. […] Ainsi, s’il replonge une âme dans le purgatoire du demi-monde, il en délivre une autre, et le voilà quitte.
Vivant au xixe siècle, dans un temps de suffrage universel, de démocratie, de libéralisme, nous nous sommes demandé si ce qu’on appelle « les basses classes » n’avait pas droit au Roman ; si ce monde sous un monde, le peuple, devait rester sous le coup de l’interdit littéraire et des dédains d’auteurs, qui ont fait jusqu’ici le silence sur l’âme et le cœur qu’il peut avoir. […] Or, après ces malhonnêtes actions involontaires, ces petits crimes arrachés à sa droite nature, elle s’enfonçait en de tels reproches, en de tels remords, en de telles tristesses, en de tels noirs de l’âme, que dans cet enfer, où elle roulait de fautes en fautes, désespérée et inassouvie, elle s’était mise à boire pour échapper à elle-même, se sauver du présent, se noyer et sombrer quelques heures dans ces sommeils, dans ces torpeurs léthargiques qui la vautraient toute une journée en travers d’un lit, sur lequel elle échouait en le faisant. […] L’intérieur d’un ouvrier, d’une ouvrière, un observateur l’emporte en une visite ; un salon parisien, il faut user la soie de ses fauteuils pour en surprendre l’âme, et confesser à fond son palissandre ou son bois doré. […] cette année, je me suis trouvé dans une de ces heures de la vie, vieillissantes, maladives, lâches devant le travail poignant et angoisseux de mes autres livres, en un état de l’âme où la vérité trop vraie m’était antipathique à moi aussi ! […] Préface de la première édition (1882)12 Aujourd’hui, lorsqu’un historien se prépare à écrire un livre sur une femme du passé, il fait appel à tous les détenteurs de l’intime de la vie de cette femme, à tous les possesseurs de petits morceaux de papier, où se trouve raconté un peu de l’histoire de l’âme de la morte.
Ceux-là semblent avoir écrit et mesuré avec le doigt de Dieu les astres, la nature, les animaux, les grandeurs, les formes, les âmes répandues dans les êtres de la création, toute pleine pour eux d’évidence divine, d’intelligence animale et d’amour universel. […] Ils ont sur lui l’avantage de voir Dieu plus clairement à travers ses œuvres, et de sentir palpiter partout l’âme de la nature. […] Les généreuses illusions sont toutes brûlantes au premier moment dans l’âme du peuple ; elles animent les premiers orateurs qui sortent du sein de ce peuple ; elles élèvent un instant ce peuple au-dessus de lui-même. […] Mais cependant cette tragédie même avait par sa nature pathétique, pour le cœur humain, l’intérêt palpitant et passionné qui attache l’âme aux combats du cirque, aux grands crimes, comme aux grandes vertus sur la scène où les peuples jouent les drames de Dieu. […] Oui, de leur main chérie Un mot, à travers ces barreaux, A versé quelque baume en mon âme flétrie ; De l’or peut-être à mes bourreaux… Mais tout est précipice.
C’est l’âme légère de la Grèce qui, passant en elle et se combinant avec le sens ferme et judicieux de ces politiques et de ces vainqueurs, a produit, à la seconde ou à la troisième génération, ce groupe de génies, de talents accomplis, qui composent le bel âge d’Auguste. Soit directement, soit dorénavant par les Romains, cette âme légère, cette étincelle (car il ne faut pas plus qu’une étincelle), cet atome igné et subtil de civilisation n’a cessé d’agir aux époques décisives pour donner la vie et le signal à des floraisons inattendues, à des renaissances. […] Si nous le voyions paraître tout à coup et entrer en personne, je me le figure (comme nous l’a montré un critique ingénieux)73 noble et humain de visage, n’ayant rien du taureau, du sanglier ni même du lion, portant dans sa physionomie, comme Molière, les plus nobles traits de l’espèce et ceux qui parlent le plus à l’âme et à l’esprit modéré, sensé de propos, et le plus souvent (pitié ou indulgence) souriant et doux ; car il a créé aussi des êtres ravissants de pureté et de douceur, et il habite au centre de la nature humaine. […] On ne naît pas quand on veut, on ne choisit pas son moment pour éclore ; on n’évite pas, surtout dans l’enfance, les courants généraux qui passent dans l’air, et qui soufflent le sec ou l’humide, la fièvre ou la santé ; et il est de tels courants pour les âmes. […] Mais soyez tranquilles sur le résultat : toutes celles de ces admirations qui sont bien fondées, et si lui-même, lecteur, en son âme secrète, n’est pas devenu, dans l’intervalle, moins digne d’admirer le Beau, toutes ou presque toutes gagneront et s’accroîtront à cette revue sincère : les vraiment belles choses paraissent de plus en plus telles en avançant dans la vie et à proportion qu’on a plus comparé.
Toute cette conduite est d’une nuance qu’on ne saurait moralement assez apprécier ; ce qui est certain, c’est que des hommes comme Saint-Évremond et Bernier ne sont pas seulement des esprits libres : c’étaient des âmes libres et qui échappaient à Louis XIV. […] Les âmes délicates s’en étaient révoltées, et la noble nature de Mme de Sablé la première. […] Socrate ne lui paraît pas plus assuré et certain, en fait d’immortalité de l’âme, qu’Épicure en fait d’anéantissement ; il se plaît à surprendre quelqu’une de leurs inconséquences et à les montrer en contradiction avec eux-mêmes. […] Il n’a eu à traverser aucune des grandes ou des belles folies qui transportent une âme, ne fût-ce qu’à une heure sublime de la jeunesse. […] Je ne prétends pas dire, assurément, qu’il n’y ait plus lieu aux convenances des esprits et des âmes, ni à ce noble sentiment de l’amitié ; mais la forme où nous le voyons se produire chez Saint-Évremond a notablement changé avec les conditions de la société elle-même.
Fortunio, Valentin, Perdican, Fantasio, Lorenzaccio, autant d’épreuves du même portrait ; c’est Musset vu par lui-même, à des moments divers, en des états passagers d’exaltation, de renouvellement, de confiance, de lassitude ou de dégoût : parfois il se dédouble, et, dans Octave et Célio, pose face à face les deux âmes qu’il sent en lui, l’âme légère du libertin, l’âme grave de l’amant idéaliste. […] Il a présenté aussi, avec une singulière ingénuité de sentiment, ses rêves d’innocence et de pureté, des âmes délicieuses, inaltérables en leur candeur, ou frissonnantes d’indécises inquiétudes ; ses jeunes filles sont d’exquises visions, Cécile, Rosette, et la petite princesse Elsbeth qui va être sacrifiée à la raison d’État804. Musset a le sens du dialogue : il voit les interlocuteurs comme personnes distinctes, et il entend manifestement le timbre de chaque voix, l’accent, la réplique, qui manifestent chaque âme en son état et qualité. […] La comédie ne devait guère tenter les romantiques : ils avaient l’âme trop sombre, et prenaient trop au sérieux leur mission ou leurs souffrances.