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683. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — E. — article » pp. 238-247

Au combat d’Ultrop, elle fut blessée à la tête & à une cuisse. A Osterwick, étant à la tête d’un Corps de quatre-vingts Dragons des Volontaires de St.

684. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 11, les romains partageoient souvent la déclamation théatrale entre deux acteurs, dont l’un prononçoit tandis que l’autre faisoit des gestes » pp. 174-184

On sent bien, ajoute Quintilien, qu’il est impossible de le réciter sans renverser un peu la tête en arriere, comme l’on est porté à le faire par un instinct machinal, lorsqu’on veut prononcer quelque chose avec emphase. La voix a une issuë plus aisée lorsqu’on tient la tête dans cette situation.

685. (1887) La vérité sur l’école décadente pp. 1-16

La presse, dès le début fort mal renseignée et leurrée par les Déliquescences jusqu’à prendre cette parodie au sérieux, brouilla si bien les choses, ouvrit si facilement ses portes aux plus fantaisistes inventions et mit au jour de si bizarres personnalités, que la Réclame, flot bourbeux d’encre, passa par-dessus la tête des vrais et primitifs artistes pour porter à la célébrité tous les ratés de la Banlieue et tout le bas-fond de la bêtise écrivassière — ; Il est temps de le dire ! […] La petite note mise en tête de ce volume est intéressante par cela qu’elle semble vouloir formuler le vœu raisonnable de beaucoup, de nouveaux venus vers une prosodie moins corsetée.

686. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Renan — I »

Mais eût-il été maigre et d’humeur bougonne, qu’il avait un trop haut sentiment de sa tâche et de ses responsabilités pour s’accorder le plaisir de laver la tête à tous ceux qui ne l’ont pas propre. […] Renan toujours se conduisit avec l’opinion publique comme Judith, cette grande concessionnaire, avec Holopherne ; elle lui avait cédé sur un point, mais elle saisit par les cheveux la première occasion de lui tenir tête.

687. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre III. La Révolution. »

À chaque accident politique, on entend un grondement d’émeute, on voit des bousculades, des coups de poing, des têtes cassées. […] L’Esprit des Lois de Montesquieu est aussi « l’esprit sur les lois. » Les périodes de Rousseau, qui enfanteront une révolution, ont été, dix-huit heures durant, tournées, polies, balancées dans sa tête. […] Et le précepte posé, ils exigent l’énumération de toutes les raisons qui l’appuient ; ils veulent être convaincus, emporter dans leur tête une provision de bons motifs vérifiés pour toute la semaine. […] Ils ont beau avoir du génie ; dès qu’ils touchent à la religion, ils redeviennent surannés, bornés ; ils n’avancent pas, ils sont aheurtés, et obstinément choquent leur tête à la même place. […] Le peuple souverain, c’est-à-dire l’arbitraire changeant de la majorité comptée par têtes.

688. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

Par cette mesure, il honore Jupiter, protecteur de la cité ; mais il amasse sur sa tête la colère des Dieux infernaux, sombres vengeurs des liens du sang. Antigone, sœur du mort, ose, au mépris du décret royal, couvrir de poussière le cadavre de Polynice et faire des libations sur sa tête chérie. […] Apollon soutient en même temps le droit sacré du prince, qui est l’auguste tête de la société politique. […] À la tête d’une poignée d’« hommes tels que lui », c’est-à-dire de huit brigands, le voilà parti pour réaliser son rêve. […] Au bout d’une dizaine d’années, les nuits sont froides, les cheveux tombent, on s’enrhume, et il faut en définitive s’enfoncer sur la tête un bonnet moins galant que chaud.

689. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre III. Ben Jonson. » pp. 98-162

Où en sont les éblouissements de sa tête ? […] À toutes les questions, il se taisait, j’ai interprété comme marque de consentement les signes de tête qu’il faisait par pure faiblesse. —  Ô mon cher Mosca ! […] Morose s’enfuit au grenier, met vingt bonnets de nuit sur sa tête, se bouche les oreilles. […] Écho, réveillée par Mercure, pleure le beau jeune homme « qui, maintenant transformé en une fleur penchée, baisse et détourne sa tête repentante, comme pour fuir la source qui l’a perdu, dont les chères grâces se sont ici dépensées sans fruit comme un beau cierge consumé dans sa flamme. […] Pareillement, les idées, une fois qu’elles sont dans la tête humaine, tirent chacune de leur côté à l’aveugle, et leur équilibre imparfait semble à chaque minute sur le point de se renverser.

690. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIVe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

Nous inclinâmes sur l’oreiller la femme arrivée au repos ; elle pencha la tête ; quelques boucles de ses cheveux déroulés tombaient sur son front ; ses yeux étaient fermés, la nuit éternelle était descendue. […] Les partis ne cherchent pas la vertu, mais les services dans ceux qui se mettent à leur tête ; il fut certainement alors une des causes de la chute de la monarchie des Bourbons en 1830 ; il avait juré de se venger, sa vengeance porta plus loin que sur les ministres, elle porta sur le trône ; elle embarrassa le roi et désaffectionna l’opinion qu’il avait le premier fanatisée pour les Bourbons en 1814. […] Il se retira enfin à la tête de sa garde fidèle, et s’embarqua pour l’Angleterre après avoir abdiqué la couronne. […] Les événements politiques se déroulèrent et placèrent, comme nous l’avons dit, M. de Chateaubriand à la tête de la coalition des mécontents de tous les partis pour en former le parti de la ruine des royalistes. […] Charles X ne l’aimait pas et ne songeait point à le rappeler à la tête des affaires, où il le croyait dangereux.

691. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 avril 1886. »

Passe encore que d’un deuxième acte de Tristan on supprime la dernière scène : un corps sans jambes se conçoit : mais un corps sans torse, la tête à la place du ventre, cela se conçoit-il ? […] Mais la connaissance de Dieu n’est pas une branche de la science, qui ne conçoit que ce qui est terrestre : la connaissance de Dieu est affaire de foi, et la vraie foi est l’expression nécessaire du degré que l’on a atteint sur le chemin de l’humanité idéale ; la foi ne vit pas non plus dans la tête, mais dans un cœur ; elle appartient absolument à l’essence de l’homme ; c’est son âme conçue dans ce mot, le Christ. […] Car jamais, semble-t-il, la tête n’a aussi puissamment prévalu sur le cœur. Or, dans le cœur est enfermé le salutaire sang Aryen, comme dans le sanctuaire du Gral ; tandis que la tête peut concevoir tous les mélanges faux et bizarres, et s’en glorifie même, nommant cela un accroissement de la science. […] Or pour les spectateurs la compréhension de la musique est souvent rendue ou difficile ou tout à fait impossible, s’ils ne peuvent se faire une idée claire du drame qui tout d’abord s’offre à eux, s’ils ne comprennent pas les paroles par lesquelles les personnes du drame unissent dans leur sphère le cœur musical à la tête dramatique, pour former l’entier organisme artistique.

692. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre premier. La sélection et la conservation des idées dans leur relation à l’appétit et au mouvement. »

Que d’objets qui coexistent dans l’immensité de l’espace, depuis le brin d’herbe sous nos pieds jusqu’aux astres sur nos têtes ! […] Raccourcissez par la pensée les dimensions du ciel visible en gardant toutes les distances respectives des astres, vous pourrez, dans votre tête, faire tenir le firmament. […] Ainsi, nous n’avons par le souvenir qu’une très faible reproduction d’un mal de dents passé, d’une brûlure, d’un frisson produit par une eau glacée, du mal de tête, etc. […] « Un enfant tombe d’un mur, dit Abercrombie ; revenu à lui, il sent que sa tête est blessée, mais ne soupçonne pas comment il a reçu la blessure. Après un peu de temps, il se rappelle qu’il s’est frappé la tête contre une pierre, mais ne peut se rappeler comment.

693. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Émile Zola »

Il y a entre la Notre-Dame de Paris, dont l’idée première a frappé certainement la tête de M.  […] , des hollande, ronds comme des têtes coupées (détail qui doit les faire aimer !), barbouillées de sang séché, avec cette dureté de crânes vides qui les fait nommer têtes de mort (c’est complet !). […] Zola, mysticisme et idiotisme ne sont qu’une équation dans la tête humaine. […] Il n’a point d’idéal dans la tête, et, comme son siècle, il aime les choses basses, signe du temps, et ne peut s’empêcher d’aller à elles.

694. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « À M. le directeur gérant du Moniteur » pp. 345-355

» En France et dans notre société, c’est moins encore l’idée de beauté que celle de morale qui fait ce même office de pavé accablant, et dont on s’arme sans cesse, qu’on jette à la tête de tout nouveau venu, avec une vivacité et une promptitude qui ne laissent pas d’être curieuses, si l’on songe à quelques-uns de ceux qui en jouent de la sorte. […] Feydeau l’idée, la situation et le talent, j’avais fait des réserves suffisantes ; mais, me souvenant de nos propres débuts, déjà si lointains, et des accusations, au moins exagérées, dont nous-même fûmes autrefois l’objet de la part d’adversaires prévenus, je ne saurais admettre que le meilleur moyen d’encourager ou de redresser un talent qui se produit soit de lui lancer d’abord un écritoire à la tête ou de le lapider. […] Je les ai connus aussi ces salons aimables, si français, si bruyants, si moqueurs, si étourdissants, si bien pensants, si libéraux (à leurs heures), si parlementaires, si ultramontains à la fois, si absolus toujours, où chacun si vite se répète et renchérit à l’envi sur le voisin, et auxquels, avec la meilleure tête du monde, il est vraiment impossible de résister quand on les fréquente tout un hiver de quatre à six heures du soir et de neuf heures à minuit !

695. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « FLÉCHIER (Mémoires sur les Grands-Jours tenus à Clermont en 1665-1666, publiés par M. Gonod, bibliothécaire de la ville de Clermont.) » pp. 104-118

Même avant la publication des Mémoires sur les Grands-Jours, il suffisait d’avoir lu le délicieux et complaisant portrait pour bien saisir dans son vrai jour cet Atticus de l’épiscopat français sous Louis XIV, élégant, disert, d’un silence encore plus ingénieux parfois que ses discours, qui n’est ni pour les jésuites, ni pour les jansénistes, ni contre ; qui n’est ni une créature de la Cour, ni trop dissipé au monde, ni voué à la pénitence ; honnête homme avant tout, excellent chrétien pourtant, tolérant prélat, résidant et exemplaire, charitable aux protestants persécutés, modérant sur leur tête les rigueurs de Bâville, et trouvant encore des intervalles de loisir pour les divertissements floraux de son Académie de Nîmes ; doux produit du Comtat, chez qui tout est d’accord, même son nom (il s’appelait Esprit Fléchier) ; un Balzac en style, mais un Balzac châtié, mesuré et spirituel, un Godeau plus jeune, mais avec une galanterie plus décente, une tête plus saine et sans engagement de parti ; une sorte de Fontenelle non égoïste et encore chrétien ; enfin un bel-esprit tout à fait sage, aimable et sensible, déjà un peu rêveur. […] Ainsi, pour leur exemple d’éclat, ils firent tout d’abord tomber la tête de ce pauvre vicomte de La Mothe de Canillac, le plus innocent de tous les Canillacs, ce qui ne veut pas dire qu’il fût très-innocent.

696. (1874) Premiers lundis. Tome II « Chronique littéraire »

Borel qui croit devoir mettre en tête de ses contes une biographie mortuaire sur un Champavert, avec lequel il identifie le Petrus Borel des Rhapsodies, de façon que, dans ce dédale de Champavert et de Petrus, le pauvre lecteur éperdu ne sait auquel de tous ces sosies se reprendre. Je lui reprocherai encore dans ses contes, où l’imagination et l’originalité se font jour, cette incroyable profusion d’épigraphes, de titres et d’étiquettes en toutes langues, sans traduction ; moi, par exemple, qui ne suis pas un Panurge, et qui n’entends que deux langues d’Europe, outre la française, il y a, je le confesse, les deux tiers de ces têtes de chapitre que je n’ai pas compris. […] Il a jugé convenable d’en exclure un écrit de jeunesse qui parut en 1801 et qui avait pour titre, du Sentiment : c’était un pur essai vaguement expansif, comme tous les jeunes gens sont tentés d’en imprimer, la tête encore échauffée de leurs premières lectures.

697. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre premier. Pour faire des Tragédies qui puissent intéresser le public en 1823, faut-il suivre les errements de Racine ou ceux de Shakspeare ? » pp. 9-27

Or, cette pièce, qui, chaque année, est applaudie un nombre infini de fois en Angleterre et en Amérique, commence par l’assassinat du roi et la fuite de ses fils, et finit par le retour de ces mêmes princes à la tête d’une armée qu’ils ont rassemblée en Angleterre, pour détrôner le sanguinaire Macbeth. […] Le Romantique. — Ne nous fâchons pas, et daignez observer avec attention ce qui se passe dans votre tête. […] Il arrive précisément la même chose dans la tête du Parisien qui applaudit Iphigénie en Aulide, et dans celle de l’Écossais qui admire l’histoire de ses anciens rois, Macbeth et Duncan.

698. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre IV. L’écrivain (suite) »

Il suit toutes les liaisons de toutes ces choses, voit l’épargne et les querelles, sent les odeurs de la cuisine, et sort attristé, égayé, la tête comblée d’histoires villageoises, prêt à déverser le trop-plein de ses imaginations sur l’ami ou la feuille de papier qui va tomber sous sa main. — Le coche l’emporte à Versailles ; il aperçoit un seigneur qui, au bord d’une pièce d’eau, fait une révérence et offre la main à une dame. […] Voilà son imagination remplie de figures majestueuses, de discours ornés et corrects, de politesses condescendantes, d’airs de tête royaux. — Sans doute un roi est beau, mais un chien l’est davantage. […] On n’a pas besoin d’aller à Vaux regarder la peinture de la Nuit ; la voici, et digne du Corrège Par de calmes vapeurs mollement soutenue, La tête sur son bras et son bras sur la nue, Laissant tomber des fleurs et ne les semant pas.

699. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « La Plume » pp. 129-149

Enfin Anatole Baju, dénué de toutes ressources, réalisait ce prodige inouï de faire vivre pendant deux ans, par la seule force de sa volonté, un journal le Décadent, qu’il imprimait lui-même sur du papier à chandelle avec des têtes de clous. […] Deux garçons effarés, ahuris, ne savent comment tenir tête à l’avalanche des appels, des revendications, ni comment glisser à travers la barricade des chaises et des tables chargées de bocks. […] Partout, dans tous les coins, à toutes les tables, des visages de connaissance, des têtes de camarades venus avec la seule intention d’écouter des vers.

700. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre III »

Il ne s’agit pas de bannir les termes techniques, il s’agit de ne pas traduire en grec les mots légitimes de la langue française et de ne pas appeler céphalalgie 17 le mal de tête 18. […] Ce fut un grand progrès d’avoir appelé histérotomotocie l’opération césarienne31, scolopomacherion le bec de bécasse et méningophylax un couteau à pointe mousse pour la chirurgie de la tête ! […] Nom médical de tête, en composition.

701. (1860) Ceci n’est pas un livre « Le maître au lapin » pp. 5-30

Un jour, la maîtresse s’en va, ou meurt — je ne sais plus lequel — et cette séparation trouble si bien la cervelle de l’infortuné Caillou, qu’il tue son lapin, de désespoir, en lui cognant la tête contre un mur. […] Sur leurs têtes un superbe chêne (nous étudierons tout à l’heure ce chêne d’une merveilleuse exécution) verse la fraîcheur qui, montant du torrent, s’est infiltrée dans le branchage. […] Les chats-huants eux-mêmes, l’orfraie, la chouette, toute la bande des oiseaux funèbres, stupéfiés, se retiennent de leurs griffes aux branches des arbres pour ne pas tomber… Une chauve-souris, qui s’entêtait à voler, sent tout à coup ses ailes se détendre, et va sombrer dans une mare. — Par terre sont éparpillés des crânes et des carcasses de squelettes. — Le dos appuyé contre un vieux tronc, les bras pendants, un homme regarde vaguement devant lui d’un œil hébété par la lourde ivresse de la mort ; un autre serre sa tête dans ses deux mains pour ne rien voir.

702. (1860) Ceci n’est pas un livre « Mosaïque » pp. 147-175

Avez-vous un article en tête ? […] C’est lui qui, au collège, — la tête sous la couverture de son pupitre, — copiait, de son écriture la plus soignée, le Feu du ciel ou la Prière pour tous, signait Alidor au bas, et puis faisait passer, de main en main, ses vers par la salle d’études. […] Calino, précipitant sa tête à la portière : — Cocher !

703. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre premier. Mme de Staël »

Elle y fait tête d’homme, sous son turban, comme un Mameluk… C’est une espèce de grenadier bas-bleu des compagnies d’élite du Bas-Bleuisme littéraire. […] Les contemporains de Mme de Staël qui n’entendaient pas grand’chose à la physiologie et qui avaient dans la tête le type de beauté dont Pauline Borghèse et Mme Récamier étaient l’idéal, n’ont rien compris à ces traits un peu gros, à ce large nez de lionne, à ces lèvres roulées plus amoureuses encore qu’éloquentes, aux orbes solaires de ces yeux, sincèrement ouverts jusqu’à l’âme, qui ont trempé tant de fois leurs feux dans les larmes, comme le soleil trempe les siens dans les mers ! […] C’est la femme enfin qu’il faudrait montrer, parce qu’on l’a trop cachée, dans tout ce qui fut la tête, le cœur, la personne entière de Mme de Staël !

704. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « La Chine »

… Et malgré la plus excessive bienveillance, peut-on vraiment appeler méthode une enfilade de chapitres qui se suivent, comme les moutons de Dindenaut, et qu’on a cru classés parce qu’on leur a noué à la tête la plate cocarde d’une étiquette ? […] Les autres, moins persuadés que le Céleste Empire soit céleste, ont fait du peuple-phénomène qui l’habite une nation de la date de beaucoup d’autres dans la chronologie asiatique, malgré ses prétentions exorbitantes à l’antiquité ; ni plus grand, ni plus fier, ni plus sage que tous les idolâtres de la terre, que toutes les races tombées et dispersées aux quatre vents de la colère de Dieu, abominablement corrompu, — ce qui lui donne ce petit air vieux qui nous fait croire à sa vieillesse, car la corruption vieillit le multiple visage des peuples comme la chétive figure de l’homme, — laid jusqu’à la plus bouffonne laideur, et, si l’on s’en rapporte aux œuvres qui sortent des mains patientes et industrieuses de ce peuple stationnaire, encagé dans son immuable empire du Milieu, ces œuvres de prisonnier qui s’ennuie et qui apparaissent comme des prodiges à notre fougue occidentale, ayant l’intérieur de la tête aussi étrangement dessiné que le dehors, le cerveau conformé comme l’angle facial ! […] Mais c’était un Jacquemont supérieur au Jacquemont des Indes de toute la supériorité d’un peintre, d’un artiste, sur un philosophe et un bourgeois de la rue Saint-Denis, qui habite et parcourt les Indes comme le plongeur habite la mer, sous une cloche de verre, la tête éternellement recouverte de son bonnet de soie noire et d’un dôme de préjugés voltairiens.

705. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’ancien Régime et la Révolution »

La Démocratie en Amérique, qui a fait si aisément sa fortune et qui le coula, sans effort et sans résistance, à la tête des écrivains politiques du règne de Louis-Philippe, n’est pas un livre de conclusion, et n’annonçait guères que le logicien pût se développer jamais dans un esprit qui recevait, les deux mains ouvertes, les faits les plus contradictoires, et toujours avec le même sourire de bon accueil. […] S’il avait été réellement un observateur historique, il aurait vu et il aurait dit que les Bourbons, de Henri IV à Louis XVI, n’avaient rien compris à l’esprit chrétien de la France, à priori héroïque et docile, qui n’a de dangereux que la tête facile à enivrer. […] Cet exemple, qu’on peut multiplier, en prenant toutes ses assertions les unes après les autres, donnera une idée de l’assiette de ce ferme esprit, de la force d’Œdipe de cet investigateur de l’histoire, qui trouve que le Sphinx a trop peu d’une tête et qui lui en met deux !

706. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « L’idolâtrie au théâtre »

Elle imite en cela madame de Staël, dont le talent a bien gardé quelque peu de l’amphigouri de Thomas, qui l’avait bercée, quand elle s’écriait un beau soir, à une représentation de Talma, qu’elle « lui voyait positivement des étoiles autour de la tête ». […] Tentées par cette gloire enivrante des Rachel et des Alboni, des jeunes filles, la tête incendiée, se jettent au théâtre, et les mères, le croira-t-on ? […] Nous pensons qu’en les dirigeant, qu’en exerçant sur eux la haute main qu’ils doivent toujours sentir, invisible et présente, sur leur tête, les théâtres peuvent servir à mieux qu’à l’amusement, c’est-à-dire à l’éducation des peuples ; seulement, ici, oserait-on vraiment nous opposer la littérature dramatique ?

707. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Odysse Barot »

., avec la tuméfaction à la tête de l’orgueil, — car l’orgueil est hydrocéphale, — que l’esprit humain va de ce côté ; que l’avenir, ô bonheur du ciel mis sur la terre ! […] Byron, l’aristocrate Byron, dans cette histoire de la littérature anglaise, est sacrifié à Shelley, l’utopiste, l’humanitaire, qui était athée, c’est-à-dire un démocrate religieux qui eût voulu couper la tête à Dieu comme on peut la couper au roi, et qui, par conséquent, était un démocrate intégral de principe et d’essence. […] Mais il a gratifié de têtes de génie ceux qui représentent le mieux cette idée de démocratie dont son malheureux esprit est féru.

708. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le comte du Verger de Saint-Thomas »

… Il n’a mis en tête de son livre aucun prolégomène philosophique sur la légitimité ou l’illégitimité du duel. […] Le point d’honneur devint tout l’honneur ; — et, pour peu qu’un homme mit bravement sa vie au bout d’une épée, il avait assez d’honneur comme cela… Ce n’était pourtant pas assez, en réalité, pour qui pense ; mais c’était l’illusion d’une race si profondément militaire qu’à ses yeux la magie du combat et d’un duel brillant couvre tout encore, fait trembler le châtiment sur la tête du coupable et empêche le mépris, même mérité ! […] Le règne d’après, si Richelieu, moins sentimental que Henri II, et qui n’avait pas perdu de favoris parmi les sept mille tués sous Henri IV, frappa plus cruellement le duel que personne, ce fut moins sagesse et moralité du législateur que politique à la Tarquin, qui abat les têtes de pavot aristocratiques, non plus avec une baguette, mais avec la hache du bourreau.

709. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Joubert » pp. 185-199

Si elle est, en définitive, toujours du côté du talent, comme le Bruit, sa canaille de frère, est toujours du côté de la sottise, la Gloire viendrait plutôt sur la tête que de ne pas venir à Joubert. […] Deux à trois lueurs blanchissantes en avaient passé, un jour, sur la jeune tête de Vauvenargues, mais sans pouvoir jamais y devenir une aurore. […] Le flambeau du Christianisme, allumé sur cette tête que fascinait toute lumière, l’a sauvé !

710. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Les Césars »

Résumé par la France, sa tête de colonne, le monde Occidental avait puisé à la double mamelle de ses nourrices, Rome et la Grèce, deux breuvages différents qui devaient troubler sa pensée et qui ne pouvaient pas remplacer le lait maternel de la Tradition. […] Montesquieu cessait d’être sagace ; Gibbon, tête d’historien supérieur, Gibbon, qui avait assez de savoir pour être juste, avec sa misérable haine contre le Christianisme atrophiait un des lobes de son cerveau et rapetissait une histoire qui aurait pu être un chef-d’œuvre. […] Lorsqu’on est un homme de réalité supérieure comme Franz de Champagny, c’est trop superficiel, en vérité, que d’expliquer l’avènement de l’Empire et sa durée par les seules questions morales, par la vertu oblitérée des républiques, par une terreur à la Robespierre et une idolâtrie épouvantée du nom de César, — de ce nom devenu, grâce à celui qui le porta le premier, une tête de Méduse d’adoration et de crainte !

711. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Jacques Cœur et Charles VII »

Mais il la portait dans sa tête, et elle était dans son esprit comme ces étoiles qui sont fixes autour du pôle ». […] Dans l’état actuel de la tête humaine, n’est-ce pas là quelque chose d’original ? […] Ainsi, quand Bossuet nous fait, à coups si rapides, son Discours sur l’histoire universelle, c’est sa marque surtout à lui, c’est le trou de boulet fait par sa puissante tête qu’il laisse dans l’histoire, beaucoup plus qu’une histoire dans la rigueur et les responsabilités du mot qu’il écrit.

712. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le roi René »

Leurs têtes, à elles, n’ont pas été fabriquées pour être des têtes de gouvernement. […] Ses rapports avec Louis XI furent très bons, et il eut l’estime de cet homme sans enthousiasme, dont la tête supérieure ne pouvait pas incliner beaucoup au respect.

713. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. H. Wallon » pp. 51-66

L’auteur de Saint Louis et son temps ne comprend son sujet qu’avec son esprit, et il ne le fait point sentir avec son cœur… Je sais bien qu’il est rare qu’on ait à mettre son cœur dans une histoire politique, où le jugement est bien assez pour la besogne qu’ordinairement on a à y faire ; mais la politique de Saint Louis n’est pas une politique d’homme d’État « qui a son cœur dans sa tête », comme le voulait Napoléon. […] Il aurait peut-être voulu la simplifier, du moins, ne pouvant pas l’omettre, ne pouvant pas couper en deux cette vie devant Dieu, soit dans l’éclat du trône comme dans les obscurités de la chapelle, soit à la tête des armées comme au pied des autels. […] — la Royauté sortait enfin des luttes et des confusions féodales, comme une tête sauvée sort des eaux d’un déluge qu’elle va, en s’élevant au-dessus d’elles, apaiser.

714. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVII. Saint-Bonnet »

Conséquent à la manière des grands observateurs, qui généralisent quand ils concluent, anatomiste de la pensée comme Bichat et Cuvier l’étaient des organes, il a pris la tête humaine dans sa main et il a dit : Cette tête étant conformée comme elle est, il est évident que telles idées ou tels sentiments qu’on y infiltre quand elle est vierge encore doivent produire tel effet funeste, — absolument comme le chimiste dit : Tel liquide versé dans un autre liquide doit produire tel précipité à coup sûr ; — et par là il a donné à une argumentation épuisée le degré de solidité qui devait la rendre invincible. […] Seulement, plus frappé que personne, en vertu de son tour d’esprit, de l’inutilité des charges à fond exécutées par les meilleures intelligences contre la Révolution dans les systèmes qu’elle a engendrés par la tête de ses plus illustres penseurs, et voyant, sur ces systèmes rompus, déshonorés, défaits, la Révolution vivre encore et continuer de ravager la pensée sociale, M. 

715. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Raymond Brucker. Les Docteurs du jour devant la Famille » pp. 149-165

… Compagnon de plume des La Touche, des Gozlan, des Sand, des Balzac, dans la tête desquels, lui, le vaste semeur d’idées, — il en était un !  […] Père lui-même, père chrétien, il savait l’auguste grandeur de cette première des magistratures. — Qu’on me permette une anecdote : Un jour, en 1848, il était allé, sous les balles, chercher un de ses fils aux barricades, et il avait fait rentrer devant lui à la maison ce jeune homme, qui y rentra tête basse et le fusil fumant encore entre ses mains. […] Eh bien, c’est cette force de la Paternité, dont Brucker n’avait pas seulement que l’idée dans la tête, mais dont il avait aussi le sentiment dans la poitrine, c’est cette force de la Paternité qu’il résolut de réapprendre au monde, en la lui peignant… Et puisqu’il avait accepté la forme du roman dans son ouvrage, il y introduisit un père comme on n’en connaissait plus, un père qui relevait la Paternité de tous les avilissements qu’elle subissait, depuis des siècles, dans les mœurs et dans les comédies !

716. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Gratry »

… Pour tout dire avec un seul mot : verrons-nous enfin se lever parmi nous, du milieu des têtes à discussion qui pullulent, la tête à conception qui manque toujours ? En effet, une tête à grande conception métaphysique, voilà jusqu’ici ce qui a le moins illustré la France intellectuelle du xixe  siècle.

717. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Agrippa d’Aubigné »

Tout le monde sait que son père lui fît faire, dès son âge de huit ans, contre les catholiques, le serment que le père d’Annibal avait fait faire à son fils contre les Romains, un jour qu’en passant à Amboise il avait vu sur un bout de potence les têtes coupées de plusieurs gentilshommes de son parti. […] Il a besoin, pour être légitimement admiré, d’une date au-dessus de sa tête. […] Avoir besoin de ce pauvre rayon d’une date au-dessus de sa tête, n’est-ce pas tout ce qu’on peut dire de pis du génie, qui ne relève pas du temps et qui est absolu comme Dieu ?

718. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Madame Ackermann »

Laid de couverture comme un livre utilitaire et tiré à cent exemplaires, pour que le gros public, le Jocrisse aux trois cent mille têtes, s’en torchât le bec, comme dit l’expression populaire avec une insolence qu’ici j’aime. […] J’erre et vais disparaître au sein des flots hurlant ; Le gouffre est à mes pieds, sur ma tête les nues            S’amoncellent, la foudre aux flancs. […] L’athéisme, cette teigne du temps, aurait-il desséché sa noble tête de poète et condamné son génie à la stérilité des terres maudites ?

719. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Honoré de Balzac » pp. 1-15

Ainsi encore, après avoir refusé à peu près tout à Balzac, après lui avoir reproché « la stérilité d’invention », à cet homme qui a produit plus que Walter Scott, et la reproduction des mêmes types , quand le prodigieux créateur en a fait jaillir de sa tête quelque chose comme un millier, M.  […] Le bourreau qui trancha la tête au duc de Monmouth s’y reprit à quatorze fois, nous dit l’histoire. […] Or, ce livre, nous prenons l’engagement de le faire un jour ; seulement nous n’avons pas voulu, par respect pour le grand homme littéraire des temps modernes, commencer la série des Romanciers du xixe  siècle, sans écrire à la tête le nom de Balzac.

720. (1949) La vie littéraire. Cinquième série

Mais il n’est tel qu’un ignorant pour avoir la tête bourrée de papier noirci. […] On n’y trouve ni l’air de tête, ni l’expression, ni même les traits du modèle. […] Car cette tête m’a été donnée pour celle de la plus jolie femme de Paris. […] Je tousse comme un bœuf et la tête me bourdonne. […] Ingres, avec un palmier qui semble sortir de la tête du prince des apôtres.

721. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre I. Les idées et les œuvres. » pp. 234-333

Dans ces sortes de têtes, les idées font boulet ; l’homme lancé en avant rompt tout, se brise lui-même, recommence le lendemain en sens contraire, et finit par ne plus trouver en lui et hors de lui que des débris. […] On l’avait fait boire jusqu’à six heures du matin ; bien souvent à Dumfries il fut ivre ; non que le vin soit bien bon ; mais il nous met un carnaval dans la tête, et à ce titre les poëtes, comme les pauvres, y sont enclins. […] La ferraille rouillée et le parchemin sale l’attiraient, remplissaient sa tête de souvenirs et de poésie. […] Et comment, par exemple, ces grands rêves catholiques et mystiques, ces audaces gigantesques ou ces impuretés de l’art charnel entreraient-ils dans la tête de ce gentleman bourgeois ? […] Quand j’aurai vidé ma tête de toutes les pensées mondaines, et que j’aurai regardé les nuages dix années durant pour m’affiner l’âme, j’aimerai cette poésie.

722. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Alfred de Vigny. »

Et comme il cherchait dans sa tête sans trouver, il fallut qu’on lui en nommât plusieurs pour qu’il dît au passage : « C’est lui. » Je n’eus l’honneur de connaître M. de Vigny qu’en 1828 ; je m’étais fait pardonner, par l’admiration bien sincère que j’avais pour sa poésie, mon jugement antérieur sur Cinq-Mars. […] Cela sentait, des pieds jusqu’à la tête, le rhumatisme littéraire, la migraine poétique, dont le poète avait déjà décrit les pointillements aux tempes de son Stello. […] Samson est assis dans sa tente au désert, et Dalila, la tête appuyée sur les genoux de l’homme puissant, repose avec nonchalance. […] Samson se plaît à bercer la belle esclave et lui chante en hébreu une chanson funèbre dont elle ne saisit pas le sens : Elle ne comprend pas la parole étrangère, Mais le chant verse un somme en sa tête légère. […] J’ai l’âme si pesante, Que mon corps gigantesque et ma tête puissante, Qui soutiennent le poids des colonnes d’airain, Ne la peuvent porter avec tout son chagrin.

723. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIVe entretien. Littérature, philosophie, et politique de la Chine » pp. 221-315

Ceux qui seront curieux de s’en convaincre n’ont qu’à jeter les yeux sur les notes qu’on a mises à la tête de chaque King dans la grande édition du palais ; ils verront avec surprise qu’on n’a jamais poussé si loin les recherches et la critique pour aucun livre profane. […] Ses pieds sont cachés sous les plis flottants du manteau, ses coudes sont appuyés sur les bras du fauteuil ; une espèce de bonnet carré, pareil à la mitre persane, coiffe la tête ; une frange à longues torsades retombe du sommet de cette coiffure sur un large bandeau qui ceint le front du philosophe comme une tiare. […] C’est une beauté morale, encore plus attrayante que celle de la tête de Platon, où l’on ne sent que la poésie et l’éloquence, divinités de l’imagination, tandis que dans la tête de Confucius on sent la raison, la piété et l’amour des hommes, triple divinité de l’âme. […] Le plus significatif de ces augures, selon les historiens du temps, était une protubérance élevée au-dessus de la tête, signe que les phrénologistes d’aujourd’hui considèrent encore comme une prédisposition naturelle des organes de l’intelligence à la contemplation des choses célestes, à la piété et à la vertu dont la piété est le premier mobile. […] » dit-il au disciple en langage poétique et rhythmé et en s’accompagnant encore de sa lyre, « la montagne de Faij (la tête) s’écroule, et je ne puis plus lever le front pour la contempler.

724. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (2e partie) » pp. 1-80

Fou d’enthousiasme ou de fureur, nous reconnaissons l’auteur d’Antigone et de Virginie ; mais bientôt, quand il arrive à Londres, il ne songe plus qu’aux belles têtes de chevaux, aux fières encolures, aux larges croupes, et son grand souci est de faire traverser le détroit à ces quinze nobles bêtes dont il va enrichir ses écuries. […] J’en ai pour garants les années qui vont s’amassant sur ma tête, et tout ce qui me reste encore à faire dans un autre genre, si toutefois j’en trouve la force et le moyen. […] Le matin, à peine éveillé, j’écrivais aussitôt cinq ou six pages à mon amie ; je travaillais ensuite jusqu’à deux ou trois heures de l’après-midi ; je montais alors à cheval ou en voiture pendant une couple d’heures ; mais, au lieu de me distraire et de me reposer, ne cessant de penser soit à tels vers, soit à tel personnage, soit à telle autre chose, je fatiguais ma tête loin de la soulager. […] Tout fut bouleversé dans sa vie et dans sa tête. […] Toutefois il ne se mit pas encore au lit ; ce repos que lui donnait l’opium n’était pas sans quelque mélange d’hallucinations importunes ; il avait la tête pesante, et, quoique éveillé, il retrouvait comme en songe le souvenir des choses passées le plus vivement empreintes dans son esprit.

725. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — I » pp. 298-315

Quant à la noblesse et aristocratie de France, il l’estime, et sans assez de raison peut-être, beaucoup plus heureuse que celle d’outre-mer, « tant parce que celle-ci, dit-il, paie taille comme le peuple, qu’aussi pour la rigueur de justice qui est si ordinairement exercée contre eux, qu’il y en a qui tiennent à beaucoup d’honneur, et prennent la grandeur de leurs maisons par le nombre de leurs prédécesseurs qui ont eu la tête tranchée, au lieu que cela est fort rare parmi nous. » Il parle ici en jeune homme et avant Richelieu. […] Et cependant, à une année de là, devait tomber la tête de Biron. Henri IV avait une vraie amitié pour le jeune Rohan ; en lui il voyait un élève, un lieutenant futur pour ses projets militaires ; il discernait aussi sans doute une tête capable de maintenir et de conduire un jour le parti réformé, et de s’opposer dans un sens meilleur aux intrigues éternelles du maréchal de Bouillon. […] Il roulait comme il pouvait, quelquefois trois mois durant, avec ces troupes sans paye, tenant tête aux armées ennemies, faisant plusieurs sièges, et il était forcé après cela de se désister de ce qu’il était près d’atteindre, « tant à cause de la mauvaise humeur de ses mestres de camp, que parce que les moissons approchaient, qui est un temps où les pauvres gens gagnent gros au bas Languedoc. » Ce ne sont là que des aperçus, mais qui donnent idée de la nature de génie et de constance qu’il lui fallut pour faire si bonne mine en un tel genre de guerre : je laisse à d’autres à l’en admirer.

726. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — III » pp. 337-355

Dans des négociations qui eurent lieu pendant la seconde guerre (1625), il avait demandé à être envoyé en Italie sous Lesdiguières à la tête d’un petit corps d’armée de 6000 hommes et de 500 chevaux. […] On l’envoya d’abord dans la Haute Alsace, où il fit tête au duc Charles de Lorraine ; mais la destination réelle, qu’il importait de masquer jusqu’au bout, était la prise de possession de la Valteline. […] Qu’on l’aide un peu du côté de France, qu’on le renforce d’infanterie et de cavalerie pour garder les passages, qu’on le secoure surtout d’argent, ce nerf de la guerre, et plus nécessaire encore au pays des Grisons ; que le duc de Savoie aussi veuille bien l’épauler, et Rohan, à la tête de 4000 hommes de pied et de 500 chevaux, son idéal de petite armée, répond d’entrer dans le Milanais avec des desseins tout mûris, de s’emparer de Lecco et de Côme, et maître de tout le lac, ruinant le fort de Fuentes qui en est la porte du côté de la Valteline, de condamner les Allemands à n’avoir plus que le passage du Saint-Gothard pour entrer dans le nord de l’Italie. […] Rohan se décida avec une sorte de joie à y faire le simple soldat et à y donner le coup de main, lui qui, jusque-là, avait tant machiné de la tête.

727. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Madame Bovary par M. Gustave Flaubert. » pp. 346-363

Elle aime follement Rodolphe, elle se jette à sa tête et ne craint pas de se compromettre pour lui. […] Elle le montrera encore plus tard, lorsque délaissée par Rodolphe qui veut bien avoir une jolie voisine, mais qui ne tient pas du tout à l’enlever, ayant trouvé dans un voyage à Rouen Léon très gâté et qui n’est plus timide, livrée elle-même à d’ignobles entraînements, ayant ruiné son intérieur et contracté des dettes à l’insu de son mari, un jour qu'elle ne sait plus où donner de la tête et où la saisie la menace, elle dit à Léon en lui demandant de lui procurer 3000 francs à l’instant même : « Si j’étais à ta place, moi, je les trouverais bien. — Où donc ? […] Ainsi pour Charles Bovary vers la fin : le sculpteur n’avait qu’à vouloir, il suffisait d’un léger coup de pouce à la pâte qu’il pétrissait pour faire aussitôt d’une tête vulgaire une noble et attendrissante figure. […] Vous avez beau faire, dans vos personnages même si vrais vous rassemblez un peu comme avec la main et vous rapprochez avec art les ridicules, les travers ; pourquoi aussi ne pas rassembler le bien sur une tête au moins, sur un front charmant ou vénéré ?

728. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Une monarchie en décadence, déboires de la cour d’Espagne sous le règne de Charles II, Par le marquis de Villars »

Dès les premiers pas que la jeune reine fit en Espagne, elle était donc tombée dans les filets d’une cabale, qui espérait se faire d’elle un point d’appui et de défense près du roi ; et, chose étrange et peu digne de la prudence de Louis XIV, on avait complètement négligé de placer auprès d’elle une personne prudente, une bonne tête pour la guider dans les commencements : « Entre nous, écrivait quelques mois après Mme de Villars à Mme de Coulanges, ce que je ne comprends pas, c’est qu’on ne lui ait pas cherché par mer et par terre, et au poids de l’or, quelque femme d’esprit et de mérite, et de prudence, pour servir à cette princesse de consolation et de conseil. […] « Il a le visage beau, nous dit un témoin autre que Mme de Villars (Mme d’Aulnoy), la tête admirable et de l’esprit plus qu’on ne peut se l’imaginer, mais un esprit sage et qui sait beaucoup. » Il faut rendre justice à tout le monde, même aux nains ; et d’ailleurs ici le plus nain des deux n’est pas celui qu’on pense. […] Le tableau intérieur de cette monarchie, qui depuis des années manquait d’une tête et d’un bras capables, et qui devait continuer ainsi de dépérir pendant vingt années encore, est effrayant. […] On lit en tête une bonne préface de l’éditeur.

729. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Journal de la santé du roi Louis XIV »

la misère pourtant que d’être ainsi exposé des pieds jusqu’à la tête à la postérité ! […] Bientôt se déclare la première atteinte d’un mal singulier qui tourmenta Louis XIV toute sa vie, le tint perpétuellement en échec, et qu’il ne parvint à dissimuler qu’à force de bonne contenance et d’empire sur lui-même, devant sa Cour et aux yeux de son entourage : ce sont des vapeurs, « une douleur de tête sourde et pesante, avec quelques ressentiments de vertiges, maux de cœur, faiblesse et abattement. » C’est en 1662 que les premiers signes de cette indisposition inquiétante apparaissent. […] Une rougeole de la plus mauvaise nature, que le roi âgé de vint cinq ans contracta en soignant la reine (1663), mit encore une fois ses jours en danger, et même, en se guérissant heureusement, n’emporta point ces tournoiements de tête et ces mouvements vertigineux qui avaient précédé et qui se renouvelèrent bientôt. […] Était-ce mouvement du sang à la tête et menace de congestion, d’apoplexie ?

730. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. »

Le lendemain, ayant gagné le fossoyeur, elle trouva moyen d’approcher des restes tout sanglants ; elle coupa à chaque tête une mèche de cheveux qu’elle marqua et noua dans son mouchoir pour les remettre aux familles. […] Osant blâmer M. de Richelieu d’avoir accédé, de guerre lasse et le cœur navré, à ce traité nécessaire et imposé qui diminua la France et qui en rogna la carte, bien moins pourtant qu’on ne l’avait craint, il disait d’un air capable : « Au reste, il y avait une autre carte plus respectable que celle dont on a parlé : elle était tracée dans le cœur de tous les Français attachés à leur roi. » Il répétait sans cesse, en se flattant d’avoir une recette royaliste de son invention : « On peut étouffer la faction, sans arracher un cheveu de la tête d’un seul factieux. » C’était le même qui, autrefois préfet à Metz sous l’Empire, un jour de cérémonie et de fête impériale, avait dit à sa fille en présence d’un buste de Napoléon : « Fille d’un guerrier, couronnez le buste d’un héros !  […] On voyait en première ligne, en tête de ces partisans des rigueurs salutaires, un Bonald, à l’air respectable et doux, métaphysicien inflexible et qui prenait volontiers son point d’appui, non pas dans l’ancienne monarchie trop voisine encore à son gré, mais par-delà jusque dans la politique sacrée et dans la législation de Moïse : oracle du parti, tout ce qu’il proférait était chose sacro-sainte, et quiconque l’avait une fois contredit était rejeté à l’instant, répudié à jamais par les purs ; — un La Bourdonnaie, l’homme d’action et d’exécution, caractère absolu, dominateur, un peu le rival de Bonald en influence, mais non moins dur, et qui avec du talent, un tour d’indépendance, avec le goût et jusqu’à un certain point la pratique des principes parlementaires, a eu le malheur d’attacher à son nom l’inséparable souvenir de mesures acerbes et de classifications cruelles ; — un Salaberry, non moins ardent, et plus encore, s’il se pouvait ; pamphlétaire de plume comme de parole, d’un blanc écarlate ; — un Duplessis-Grenedan, celui même qui se faisait le champion de la potence et de la pendaison, atroce de langage dans ses motions de député, équitable ailleurs, par une de ces contradictions qui ne sont pas rares, et même assez éclairé, dit-on, comme magistrat sur son siège de justice ; — M. de Bouville, qui eut cela de particulier, entre tous, de se montrer le plus inconsolable de l’évasion de M. de Lavalette ; qui alla de sa personne en vérifier toutes les circonstances sur les lieux mêmes, et qui, au retour, dans sa fièvre de soupçon, cherchait de l’œil des complices en face de lui jusque sur le banc des ministres ; — et pour changer de gamme, tout à côté des précédents, cet onctueux et larmoyant Marcellus, toujours en deuil du trône et de l’autel, d’un ridicule ineffable, dont quelque chose a rejailli jusqu’à  la fin sur son estimable fils ; — et un Piet, avocat pitoyable, qui, proposant anodinement la peine de mort pour remplacer celle de la déportation, disait, dans sa naïveté, qu’entre les deux la différence, après tout, se réduisait à bien peu de chose ; ce qui mettait l’Assemblée en belle humeur et n’empêchait pas le triste sire de devenir bientôt, par son salon commode, le centre et l’hôte avoué de tous les bien pensants ; — et un Laborie que j’ai bien connu, toujours en quête, en chuchotage, en petits billets illisibles, courtier de tout le monde, trottant de Talleyrand ou de Beugnot à Daunou, mêlé et tripotant dans les journaux, pas méchant, serviable même, mais trop l’agent d’un parti pour ne pas être inquiétant et parfois nuisible. […] A l’occasion de ces projets et propositions de rétablir la corde et de garder apparemment la peine de la tête tranchée pour les crimes d’État et les hauts personnages, une femme de qualité rencontrant le garde des sceaux, s’échappa à lui dire, et d’un air de satisfaction : « Eh bien !

731. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis du Belloy (suite et fin.) »

. — Chrémès, après avoir tout entendu : « Il y a de votre faute à tous deux, dit-il, bien que ce coup de tête annonce pourtant une nature sensible à l’honneur, et à qui certes le cœur ne manque pas. » — Ménédème a raconté ce qui lui était le plus pénible ; c’est alors que le malheureux père, en apprenant le départ de son fils et se voyant seul, a tout quitté et vendu de désespoir ; il a fait maison nette et s’en est venu se confiner dans ce champ pour s’y mortifier et s’y punir. […] C’est injuste, car si nous avions eu de quoi, nous aurions fait comme les autres ; et celui que vous me jetez sans cesse à la tête (ilium tu tuum, ce fils modèle élevé aux champs), si vous étiez homme, vous le laisseriez faire maintenant, tandis que l’âge le permet, plutôt que d’attendre qu’il ait mené votre convoi, trop tard à son gré, pour s’en aller faire après coup toutes ces mêmes choses, dans un âge moins propice. » Je paraphrase un peu ; chez Térence, chaque nuance et intention est indiquée par de simples mots bien jetés, bien placés et qui laissent à la pensée toute sa grâce (ubi te expectatum ejecisset foras, alienore ætate post faceret tamen). […] Déméa est outré de la réponse de Micion : Si vous étiez homme, lui a dit Micion : il lui renvoie son mot et lui rejette son homo à la tête : « Pardieu ! […] écoutez, mon frère, ne me rompez plus la tête à ce sujet.

732. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Œuvres de M. P. Lebrun, de l’Académie française. »

« Il me semble que depuis quelques jours une révolution s’est faite en moi ; je sens comme un brasier dans ma tête et dans tout mon corps. […] Depuis dimanche matin, j’ai fait trois actes de ma tragédie de Pallas : toute cette tragédie s’est placée subitement dans ma tête, sans travail, et comme d’elle-même. […] Contre la puissance et le Vaisseau de l’Angleterre, par exemple, en 1808, le disciple et l’héritier de Malherbe s’écriait énergiquement Je vois, aux plaines de Neptune, Un vaisseau brillant de beauté, Qui, dans sa superbe fortune, Va d’un pôle à l’autre porté : De voiles au loin ondoyantes, De banderoles éclatantes, Il se couronne dans les airs, Et seul sur l’humide domaine, Avec orgueil il se promène, Et dit : « Je suis le roi des mers. » Mais voici la belle strophe, celle de l’invective et de la menace, tout à fait à la Malherbe, et un peu dans son style légèrement vieilli : Il n’a pas lu dans les étoiles Les malheurs qui vont advenir ; Il n’aperçoit pas que ses voiles Ne savent plus quels airs tenir ; Que le ciel est devenu sombre, Que des vents s’est accru le nombre, Que la mer gronde sourdement, Et que, messager de tempête, L’alcyon passe sur sa tête Avec un long gémissement. […] Un toit, la santé, la famille ; Quelques amis, l’hiver, autour d’un feu qui brille ; Un esprit sain, un cœur de bienveillant conseil, Et quelque livré, aux champs, qu’on lit loin du grand nombre Assis, la tête à l’ombre, Et les pieds au soleil.

733. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. »

La prudence est encore plus nécessaire aux princes qu’aux simples particuliers… » Et il parlait avec sensibilité de la prochaine réunion des États Généraux, exhortant chacun de ceux qui y étalent appelés à faire effort pour le bien dans sa ligne et dans sa mesure, à concourir au règlement de la chose publique, au rétablissement de l’ordre dans les diverses parties de l’administration, « afin de redonner à notre bon roi, disait-il, la tranquillité et le bonheur qu’il a perdus et dont il est si digne. » Celui qui lui aurait prédit alors, et ce jour-là, que trois ans et demi après, nommé membre d’une Convention avec mandat de juger ce même roi, il aurait hâte d’en finir au plus tôt avec lui et de faire le plus sommairement tomber sa tête, — celui qui lui aurait prédit que son premier discours à cette Convention nationale serait non plus pour louer ce bon roi, mais pour célébrer « le bon peuple » qui l’y avait porté et qui venait de lui conférer à ses collègues et à lui une mission terrible, souveraine, une mission de nivellement estimée par lui légitime, irrésistible et régénératrice, l’aurait certainement bien étonné. […] Au lieu de cela, il resta dans sa province, à la tête du parti du mouvement, le chef de la Société populaire de Montauban, qu’il chauffait en se chauffant lui-même, et se maintenant dans un état d’incandescence que tout, à l’entour, favorisait. […] Il nous faut des maîtres plus sensibles qu’instruits, plus raisonnables que savants, qui dans un lieu vaste et commode, hors des villes, hors de l’infection de l’air qu’on y respire et de la dépravation des mœurs qui s’introduit par tous les pores, soient les égaux, les amis, les compagnons de leurs élèves ; que toute la peine, que tout le travail de l’instruction soit pour le maître, et que les enfants ne se doutent même pas qu’ils sont à l’école ; que dans des conversations familières, en présence de la nature et sous cette voûte sacrée dont le brillant éclat excite l’étonnement et l’admiration, leur âme s’ouvre aux sentiments les plus purs ; qu’ils ne fassent pas un seul pas qui ne soit une leçon ; que le jour, la nuit, aux heures qui seront jugées les plus convenables, des courses plus ou moins longues dans les bois, sur les montagnes, sur les bords des rivières, des ruisseaux ou de la mer, leur fournissent l’occasion et les moyens de recevoir des instructions aussi variées que la nature elle-même, et qu’on s’attache moins à classer les idées dans leur tête qu’à les y faire arriver sans mélange d’erreur ou de confusion. » Vous voyez d’ici le tableau idéal et enchanteur de toutes ces écoles primaires et rurales de la République française, où chaque enfant serait traité comme Montaigne, Rabelais ou Jean-Jacques ont rêvé de former et de cultiver leur unique élève. […] Il n’est pas en représentant ni en délégué ; il lui manque les insignes, le panache et l’écharpe ; il est en bourgeois, la tête couverte d’un chapeau ordinaire et commun, aux larges bords, les bras croisés, les cheveux longs, flottants, avec la queue derrière, dans l’attitude de l’observation sévère, ardente, pénétrante ; le profil est grave, attentif ; l’œil à moitié dans l’ombré lance un regard perçant : tout dans cette physionomie veut dire sévérité, vigilance, fermeté.

734. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre IV »

La préface de Brown-Séquard en tête du livre de Braid, les travaux de Carpenter sur l’Expectant Attention m’avaient dessillé les yeux. […] Il y a longtemps déjà que je portais le sujet dans ma tête ; il y a longtemps que je voulais décrire un cas de lèpre, avec tous les phénomènes qui accompagnent cette triste maladie dont on ne voit plus, en Europe du moins, que de rares échantillons. […] Si vous lisez ce chapitre de Madame André vous pourrez voir que j’ai d’abord relevé les symptômes du début : Les frissons, l’élévation de température, la langue tuméfiée, le gargouillement de la fosse iliaque droite se manifestant à la palpation ; puis la céphalalgie, qui vous étreint comme un étau ou vous taraude comme une vrille et qui vous met vraiment du plomb dans la tête ; je n’ai pas oublié les tranchées intestinales, ni le saignement de nez si fréquent au cours de l’affection dans la première période. […] un déménagement complet, des idées de se casser la tête contre le mur, des hurlements qui empêchaient les autres malades de dormir » (p. 433).

735. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XIII »

Le haut fumet de corruption qu’elle exhale monte à sa tête, enivre ses sens. […] Il faut la voir entrer, la tête haute, dans ce salon bruyamment hostile, et le fendre d’un long sillage, et démêler, en passant, d’un mot furtif, d’un geste imperceptible, les deux ou trois intrigues dont elle tient les fils. […] Elles ne courbent même pas sa tête orgueilleuse. […] La princesse Georges rentre dans sa chambre, la tête en feu, le cœur déchiré : son mari la trahit, la ruine, l’abandonne ; il va la laisser seule, comme dans un désert, à un veuvage désolé par toutes les horreurs de la jalousie.

736. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Éloges académiques de M. Pariset, publiés par M. Dubois (d’Amiens). (2 vol. — 1850.) » pp. 392-411

Je ne dirai point que Cabanis était le maître de cette école ; Cabanis était trop consciencieux, trop réellement savant pour mériter d’être classé ainsi, et il ne saurait figurer en tête de ce groupe que par son talent d’écrivain et de peintre physiologiste. […] En 1819, il désira de faire partie du Conseil des prisons : « Vous savez mes desseins relativement aux prisonniers, écrivait-il à un de ses amis ; j’ai dans la tête un Petit Carême à leur usage, et une voix intérieure me dit que je ferai en ce genre ce qu’on n’a jamais fait, de vraies conversions au bien. » Ce Petit Carême qu’il avait dans la tête resta, comme tant d’autres de ses idées, à l’état de projet. […] Je laisse de côté les vivants, pour ne paraître flatter personne ; mais écoutons Cuvier en tête de son recueil d’éloges : Les petites biographies écrites avec bienveillance, dit-il, auxquelles on a donné le nom d’éloges historiques, ne sont pas seulement des témoignages d’affection que les Corporations savantes croient devoir aux membres que la mort leur enlève ; elles offrent aussi à la jeunesse des exemples et des avertissements utiles, et à l’histoire littéraire des documents précieux.

737. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Histoire de la Restauration, par M. de Lamartine. (Les deux premiers volumes. — Pagnerre.) » pp. 389-408

On eût dit que sa tête, naturellement petite, s’était agrandie pour laisser plus librement rouler entre ses tempes les rouages et les combinaisons d’une âme dont chaque pensée était un empire. La carte du Globe semblait s’être incrustée sur la mappemonde de cette tête. […] Après l’avoir peint dans son costume ordinaire, avec ses bottes de velours, son habit de drap bleu, et avoir décrit ainsi sa tête : « Sa chevelure, artistement relevée et contournée par le fer des coiffeurs sur les tempes, se renfermait derrière la nuque dans un ruban de soie noire flottant sur son collet » (ce qui, sans périphrase, veut dire qu’il avait une queue) ; après avoir ajouté, en parlant toujours de sa tête : « Elle était poudrée à blanc à la mode de nos pères, et cachait ainsi la blancheur de l’âge sous la neige artificielle de la toilette », le peintre en vient au caractère de la personne et au visage : On eût dit que le temps, l’exil, les fatigues, les infirmités, l’obésité lourde de sa nature, ne s’étaient attachés aux pieds et au tronc que pour faire mieux ressortir l’éternelle et vigoureuse jeunesse du visage.

738. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — I. » pp. 201-219

Nous n’en indiquerons que quelques têtes de chapitres. […] Dans l’Essai ou préface que Beaumarchais a fait imprimer en tête de son drame, il expose sa théorie, qui n’est autre que celle de l’imitation pure et vulgaire de la nature ; il y révèle son absence de poésie élevée et d’idéal. […] Toutes les scènes où il met en cause Mme Goëzman, tête légère, assez jolie femme, qu’on retournait par un compliment, qu’on jetait hors d’elle par une vérité, et qui présentait dans toute sa conduite un mélange de coquinerie, d’impudence et d’innocence, sont des scènes parfaites de comédie. […] Voilà une page de l’excellent Beaumarchais dans le ton d’apologie de l’abbé Prévost, sans mauvais goût, sans fausse veine, avant l’ivresse et la fumée à la tête, avant la tirade de Figaro.

739. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — III. Franklin à Passy. (Fin.) » pp. 167-185

Ce Franklin de 1767, ainsi frisé, poudré et accommodé à la française, et qui s’étonnait d’avoir quitté pour un instant sa perruque plus grave, différait tout à fait du Franklin pur Américain qui reparaissait en 1776, et qui venait demander l’appui de la Cour dans un costume tout républicain, avec un bonnet de fourrure de martre qu’il gardait volontiers sur la tête ; car c’est ainsi qu’il se montra d’abord dans les salons du beau monde, chez Mme Du Deffand, à côté de Mmes de Luxembourg et de Boufflers, et autres puissances : Figurez-vous, écrit-il à une amie, un homme aussi gai qu’autrefois, aussi fort et aussi vigoureux, seulement avec quelques années de plus ; mis très simplement, portant les cheveux gris clairsemés tout plats, qui sortent un peu de dessous ma seule coiffure, un beau bonnet de fourrure qui descend sur mon front presque jusqu’à mes lunettes. Pensez ce que cela doit paraître parmi les têtes poudrées de Paris. Pourtant il supprima bientôt le bonnet, et il demeura sous sa forme dernière, nu-tête, avec les cheveux rares au sommet, mais descendant des deux côtés de la tête et du cou jusque près des épaules ; en un mot, tel que son portrait s’est fixé définitivement dans le souvenir, et à la Franklin. […] Se coiffer de manière à ne pouvoir mettre un chapeau sur sa tête, et alors tenir son chapeau sous le bras, et se remplir le nez de tabac, peuvent s’appeler des ridicules peut-être, mais ce ne sont pas des vices ; ce ne sont que les effets de la tyrannie de la mode.

740. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1853 » pp. 31-55

Une, deux, trois années de prison tombaient sur des têtes à peine entrevues. […] Il est en habit noir et en chapeau tuyau de poêle qu’il ne quitte jamais et qu’il a perpétuellement sur la tête, quand il peint, quand il mange. […] Trois marches à monter, et derrière la porte un établi hors de service, sur lequel, les coudes posés à plat, une vieille dormichonne, brinqueballant de la tête comme les gens sommeillant en voiture. […] La rivière allait en pente très douce, elle y entrait pas à pas, et quand elle avait de l’eau jusqu’aux genoux, elle était entraînée par le courant… mais, à demi noyée, elle ne perdait pas toute connaissance ; à un moment, elle avait parfaitement le sentiment que sa tête cognait contre un câble tendu et que ses cheveux dénoués se répandaient autour d’elle, et, quand elle entendit un chien sauter à l’eau, de la Verberie, elle éprouvait l’appréhension anxieuse qu’il ne l’empoignât par un endroit ridicule.

741. (1883) La Réforme intellectuelle et morale de la France

Présomption, vanité puérile, indiscipline, manque de sérieux, d’application, d’honnêteté, faiblesse de tête, incapacité de tenir à la fois beaucoup d’idées sous le regard, absence d’esprit scientifique, naïve. et grossière ignorance, voilà depuis un an l’abrégé de notre histoire. […] Le jour où la France coupa la tête à son roi, elle commit un suicide. […] Il n’y a pas de fort développement de la tête sans liberté ; l’énergie morale n’est pas le résultat d’une doctrine en particulier, mais de la race et de la vigueur de l’éducation. […] Pour former de bonnes têtes scientifiques, des officiers sérieux et appliqués, il faut une éducation ouverte à tout, sans dogme rétrécissant. […] Sans nul doute, les classes menacées par le socialisme feraient taire leurs antipathies patriotiques, le jour où elles ne pourraient plus tenir tête au flot montant, et où quelque État fort prendrait pour mission de maintenir l’ordre social européen.

742. (1927) Les écrivains. Deuxième série (1895-1910)

avez-vous remarqué que j’ai une tête de médaille ? […] … Pour entrer à l’Académie, quand on n’a pas de talent, quand on n’a aucune sorte de talent — ce qui est mon cas — il faut avoir une tête de quelque chose, une tête de n’importe quoi… Moi, j’ai opté pour la tête de médaille… La tête de médaille a je ne sais quoi de sévère, de grave… — De gravé, vous voulez dire ? […] … fit le vieillard en hochant tristement la tête. […] reprit-il en hochant la tête. […] … La tête du public, monsieur !

743. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre premier. » pp. 15-203

— Celle qui s’enveloppait la tête d’un voile à la chute du jour ? […] Elle roule dans sa tête le projet de marier à son fils, Octavie, la fille de Claude. […] Sénèque et Burrhus auraient mis la tête d’Agrippine en péril, s’ils s’étaient récusés. […] S’il y a quelqu’un à blâmer, c’est vous ; j’ai ébauché une tête hideuse, et vous avez écrit le nom du modèle au-dessous. […] Pollutia venait de recevoir dans le pan de sa robe la tête sanglante de son époux.

744. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XIX. Réflexions morales sur la maladie du journal » pp. 232-240

VIII À la tête d’une maison de commerce il faut un homme d’affaires. […] X On peut comparer les têtes d’autrefois et d’aujourd’hui.

745. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 3, que le merite principal des poëmes et des tableaux consiste à imiter les objets qui auroient excité en nous des passions réelles. Les passions que ces imitations font naître en nous ne sont que superficielles » pp. 25-33

Son imagination alterée lui fit faire des extravagances semblables à celles que Cervantes fait faire en une folie du même genre, mais d’une autre espece, à son dom Quichotte, après avoir supposé que la lecture des prouesses de la chevalerie errante eut tourné la tête à ce bon gentilhomme. Il est bien rare de trouver des hommes qui aïent en même tems le coeur si sensible et la tête si foible ; supposé qu’il en soit veritablement de tels, leur petit nombre ne merite pas qu’on fasse une exception à cette regle generale : que notre ame demeure toujours la maîtresse de ces émotions superficielles que les vers et les tableaux excitent en elle.

746. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — II » pp. 57-80

Catinat, chargé de former et de commander un corps d’armée en état de tenir tête au prince Louis de Bade sur cette frontière, et qui d’ailleurs ne fut instruit par sa cour de l’alliance avec la Bavière qu’au dernier moment et lorsqu’elle fut déclarée, se trouva trop faible dès le début pour s’opposer au siège de Landau, qui était alors à la France, et se résigna tout d’abord à la perte de cette place. […] Louis XIV, en lui donnant l’ordre de partir, lui a dit expressément « qu’il voudrait bien inspirer à ce qui est à la tête des armées l’audace naturelle à quiconque mène des Français » ; et ce mot-là a plus que suffi pour l’électriser lui-même. […] J’ai tout le respect que je dois pour ceux qui sont à la tête de nos armées, mais cependant peut-être y aurait-il encore chez eux quelque chose à désirer. Faut-il que les raisons de cour, les protections, certains emplois déjà occupés, le grand âge, de longs mais froids services… Il s’embrouille dans sa phrase (ce qui lui arrive quelquefois quand les phrases sont longues), et il ne l’achève pas ; mais il suit très bien sa pensée, et il veut dire ce qu’il redit souvent encore ailleurs en des termes que je résume ainsi : « Les hommes à la guerre sont rares ; avec mes défauts, je crois en être un ; essayez de moi. » Villars, à la tête d’un détachement considérable et par le fait général en chef, investi de la confiance du roi, ne songe qu’à la justifier. […] Toutes vos troupes en sont témoins ; M. de Villars me l’a dit à la tête de votre armée, en me faisant l’honneur de m’embrasser devant tous les officiers.

747. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « De la tradition en littérature et dans quel sens il la faut entendre. Leçon d’ouverture à l’École normale » pp. 356-382

l’humanité elle-même tout entière aurait pu dire, comme une famille quand elle a perdu celle qui faisait sa joie et son honneur : « La couronne de notre tête est tombée !  […] Dans un autre discours bien mémorable que lui prête Thucydide, et que sans doute il ne lui prête pas sans de bons motifs, Périclès traite déjà les Athéniens comme plus tard on traitera les Romains ; il s’efforce de les soutenir et de les fortifier contre la double épreuve de la guerre et de la terrible peste ; il prétend inspirer à ces citoyens d’une grande ville, et nourris dans des mœurs et des sentiments dignes d’elle, la force de tenir tête aux plus grands malheurs. […] Pour moi, quelque large part que je fasse à la variété et à la singularité des natures, je ne me figurerai jamais le chœur révéré des cinq ou six grands hommes littéraires et des génies créateurs dont se vante l’humanité, et qui ne sauraient être enfin que les cinq ou six premiers honnêtes gens de l’univers, comme une bande, une meute de forcenés et de maniaques, courant chacun, tête baissée, après leur proie, dussent-ils l’atteindre. […] quand je vois ces titres qu’on y affiche pas trop complaisamment, ces promesses et ces engagements publics de découvertes, tel ou tel personnage d’après des documents inédits, je me défie un peu du goût et de la parfaite justesse des conclusionsad ; je ne conseillerai pas de mettre, mais j’aimerai tout autant qu’on mît en tête une bonne fois : tel ou tel personnage d’après des idées et des vues judicieuses fussent-elles même anciennes. […] Laissons d’autres s’exalter dans des admirations exagérées qui portent à la tête et qui tiennent d’une légère ivresse : je ne sais pas de plaisir plus divin qu’une admiration nette, distincte et sentie.

748. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres de Virgile »

De toute la docte bande, Ribbeck, avec ses cinq volumes armés et hérissés d’un bout à l’autre de toute une forêt de variantes, ses Prolegomena en tête, me paraît être le plus considérable et celui avec lequel il faut compter de plus près. […] Depuis, on n’a jamais rien eu de raisonnable à opposer contre, et pourtant on continue chez nous d’imprimer obstinément en tête des éditions latines Virgilius. […] Benoist a mis en tête de son édition une Notice développée sur le poète, dans laquelle il concilie heureusement les qualités françaises avec les connaissances allemandes. […] Mais il y a une autre manière de commentateurs, et ceux-ci fort utiles et particulièrement agréables ; ils ont l’abondance des vues ; un développement naturel, et judicieux ou fin, ne les effraye pas : j’y mettrais en tête le bon Eustathe, le commentateur d’Homère. […] Et pour n’en citer qu’un exemple, dès la seconde strophe, Corydon suppose un jeune chasseur qui dédie à Diane la tête d’un sanglier et les cornes d’un cerf ; et, si ses chasses continuent à être heureuses, il promet à la déesse, au lieu d’un buste, un socle de marbre, d’où elle s’élancera en pied avec le cothurne couleur de pourpre.

749. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — I »

Ils font, sans trop s’inquiéter ni se rendre compte de leurs moyens de faire ; ils ne se replient pas à chaque heure de veille sur eux-mêmes ; ils ne retournent pas la tête en arrière à chaque instant pour mesurer la route qu’ils ont parcourue et calculer celle qui leur reste ; mais ils marchent à grandes journées sans se lasser ni se contenter jamais. […] Le voilà donc pendant tout l’hiver de 1661, le printemps et l’été de 1662, à Uzès ; tout en noir de la tête aux pieds ; lisant saint Thomas pour complaire au bon chanoine, et l’Arioste ou Euripide pour se consoler ; fort caressé de tous les maîtres d’école et de tous les curés des environs, à cause de son oncle, et consulté par tous les poëtes et les amoureux de province sur leurs vers, à cause de sa petite renommée parisienne et de son ode célèbre sur la Paix ; d’ailleurs sortant peu, s’ennuyant beaucoup dans une ville dont tous les habitants lui semblaient durs et intéressés comme des baillis ; se comparant à Ovide au bord du Pont-Euxin, et ne craignant rien tant que d’altérer et de corrompre dans le patois du Midi cet excellent et vrai français, cette pure fleur de froment dont on se nourrit devers la Ferté-Milon, Château-Thierry et Reims. […] Il faut envoyer consulter l’oracle… » Au troisième acte, au moment où Thésée, qu’on croyait mort, arrive, et quand Phèdre, œnone et Hippolyte sont en présence, Phèdre ne trouve rien de mieux que de s’enfuir en s’écriant : Je ne dois désormais songer qu’à me cacher ; c’est imiter l’art ingénieux de Timanthe, qui, à l’instant solennel, voila la tête d’Agamemnon. […] Où siégeaient, sur de riches carreaux, Cent idoles de jaspe aux têtes de taureaux ; . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Où, sans lever jamais leurs têtes colossales, Veillaient, assis en cercle et se regardant tous, Des dieux d’airain posant leurs mains sur leurs genoux.

750. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLIXe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

« Je ne doute point, lui dit Laurent, que vous ne jouissiez, après moi, d’autant de crédit et d’autorité dans l’État que j’en ai eu moi-même ; mais, comme la république, bien qu’elle ne forme qu’un seul corps, est composée d’un grand nombre de têtes, vous devez vous attendre qu’il ne vous sera pas possible de vous conduire, en toute occasion, de manière à obtenir l’approbation de chaque individu. […] XIV Les émigrés, à la tête desquels était Philippe Strozzi, tentèrent de surprendre Florence dans le tumulte qui éclata quand on eut découvert l’horrible fin du duc. […] Je ne crains pas non plus que ton autorité soit inférieure à celle que j’ai eue jusqu’à ce jour : mais parce qu’une cité entière est un corps à plusieurs têtes, comme l’on dit, et qu’on ne peut pas être au gré d’un chacun, souviens-toi, au milieu de cette diversité, de suivre toujours le dessein que tu jugeras le plus honnête, et d’avoir égard à l’intérêt de tous plutôt qu’à l’intérêt d’un seul. » Il donna ensuite des ordres pour ses funérailles, pour qu’elles se fissent à l’instar de celles de son aïeul Côme, dans la mesure enfin qui convient à un simple particulier. […] J’éclatais en sanglots et en larmes que je voulais cacher, en m’efforçant de détourner ma tête ; mais lui, nullement ému, me prenait et me reprenait les mains. […] votre bénédiction, mon père, avant de me quitter. » Aussitôt, courbant la tête, abaissant son regard et offrant la plus parfaite image de la piété, il répondit de mémoire et sacramentalement aux paroles et aux prières du prêtre, nullement ému de l’expression de la douleur de ses familiers qui éclatait et ne se dissimulait plus.

751. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre VIII »

Elle n’a qu’à se décoiffer, d’un tour de tête, pour retenir Jean au passage, et le traîner en laisse, par son chignon flottant, à la Maison-d’or, où il s’en va souper avec elle, tandis que sa mère l’attend à la gare, en séchant sur pied. […] En tête, à cheval, le chef de bataillon et deux capitaines ; il reconnaît son père et ses frères, et, à un balcon du quai, sa mère agitant son mouchoir. — « Le lendemain, dans la cour du Louvre, le commandant de Thommeray assistait à l’appel de son bataillon. […] » Aucune justification ne tient contre ce mot décisif, et madame Merson n’a qu’à baisser humblement la tête. […] Sa tête avance sur son coeur, l’idée d’être baronne chatouille sa jeune vanité. […] La mère répond en baissant la tête. — « C’est bien, j’obéirai ! 

752. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1879 » pp. 55-96

Samedi 7 juin Je suis à l’enterrement du vieux Maherault, l’avant-dernier collectionneur sincère, l’avant-dernier collectionneur pauvre — je me regarde comme le dernier, — et je n’entends que colloques sans pudeur d’amateurs, tout réjouis par la perspective de la vente, et ne vois que têtes de marchands d’estampes, travaillant à attirer sur elles, l’attention de la famille. Dimanche 8 juin Déjeuner en tête à tête avec Flaubert, ce matin. […] … Je me creuse la tête… est-ce que cela tiendrait simplement à l’étroitesse du compartiment, au peu de place, donnée à la composition de l’artiste ?  […] Pauvre naïf artiste, pauvre grand enfant, qui, un jour, perdant la tête, se pendit à propos d’une dette de 300 francs.

753. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre II. Le fond et la forme dans la littérature indigène. »

Ybilis — Le vieillard et les 7 têtes — L’avare et l’étranger. […] Brennus jetant son épée dans la balance où se pèse le tribut libérateur de Rome et Noménoé faisant le poids avec la tête de l’envoyé du roi frank. […] J’ai indiqué les principaux apologues, tant ouolofs (Adina-Guéhuel et Damel), que peuhls (Kahué l’omniscient — La tête de mort) gourmantié (Trois frères en voyage) et môssi (Enseignements d’un fils à son père ; Froger.) […] 3º Celui d’Adina ou la misère humaine qui, ne pouvant soulever un fardeau, en augmente encore le poids après chaque tentative inutile qu’il a faite pour le charger sur sa tête. […] Le conteur, pour les chanter, adoucit la rudesse de sa voix masculine en prenant une voix de tête dont l’effet devient assez comique, par contraste, lorsque c’est, par exemple, un garde-cercle qui raconte.

754. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vi »

Ayant aperçu l’ennemi, il tira tant qu’il eut des munitions ; au moment où il allait rejoindre ses camarades, une balle lui traversa la tête et blessa son lieutenant qui se trouvait à son côté. […] Dans les moments difficiles, quand le geste d’autorité tout sec ne donnerait rien de bon, je m’adresse à la plus forte tête, je lui explique mon idée sur le terrain : C’est là le point le plus important, et je n’ai plus de tête à y mettre ; choisis tes meilleurs camarades, ceux que tu voudras, et vas-y ; d’heure en heure, tu m’enverras un des tiens pour me rendre compte, et tu tiendras. […] Appuyant sa tête contre le cœur de ses frères, et puis écoutant son propre cœur, il a constamment chauffé et perfectionné à ce foyer d’humanité une conception fort belle qu’il s’était faite de la sainteté du travail et de la sainteté du peuple qui travaille. […] Dans les papiers de Sainte-Beuve, on a trouvé une note, qui demeure juste et qu’il semble qu’Albert Thierry ait méditée : « La bourgeoisie se corrompant si aisément par sa tête (et aujourd’hui, en 1917, j’ajoute : la France étant si fort décimée), le recours est dans le bon sens et la vigueur des masses qu’il faut éclairer le plus possible et animer d’un souffle à elles (c’est tout le programme de Thierry) en tâchant de corriger la brutalité sans attiédir la force ».‌

755. (1898) Ceux qu’on lit : 1896 pp. 3-361

La pauvre petite est déjà assez malheureuse d’être obligée de se fourrer du latin dans la tête. […] Cette tête sacrée, C’est mon père. […] Le roi Murat, dans ses costumes d’apparat, chevauchait à la tête de la cavalerie. […] Il en donna tant et plus, et sauva ainsi sa tête et celle de bien d’autres. […] Il relève la tête et me dit : “C’est toi qui es un traître, et je vais te faire fusiller !”

756. (1903) La vie et les livres. Sixième série pp. 1-297

Ton frère est quelquefois mauvaise tête ; il agit avec ses amis comme avec des étrangers. […] Le peintre Gervex nous l’a montrée, au Salon des Champs-Élysées, en tête à tête avec Bonaparte, sous les traits d’une grisette qui lutine un soldat. […] Puisse-t-il aussi perdre la tête ! […] Les années qui se posent sur ces petites têtes si chères ne calment pas cet amour inquiet. […] Un « melon » couvrait sa tête.

757. (1856) Réalisme, numéros 1-2 pp. 1-32

nous n’avons donc plus de têtes, de cœur, de passions, d’existence enfin ? […] Christophe, qui fait des femmes géantes cachant leur tête et montrant leur derrière. […] Mais tant de têtes, bon Dieu ! […] … Deux fois elle m’a donné tous les symptômes de l’ivresse : tournements de tête, loquacité, lasciveté, lassitude. […] En tête de la préface de M. 

758. (1856) Cours familier de littérature. I « Ier entretien » pp. 5-78

« Les femmes qui tirent l’eau du puits, ou qui la rapportent à la maison dans un seau de bois sur leurs têtes, s’arrêtent à ce son de la cloche ; elles courbent leurs fronts en soutenant le vase de leurs deux mains levées, de peur que leur mouvement ne fasse perdre l’équilibre à l’eau ; elles adressent une courte prière au Dieu qui fait lever un jour de printemps. […] Ils s’endorment après sur la terre qui fume de chaleur, la tête appuyée sur leurs bras recourbés, et ils repuisent leur vigueur dans les rayons brûlants de ce soleil qui sèche leur jeune sueur. […] XIX Ces trois amis s’entendaient admirablement dans une opposition commune au gouvernement du jour ; les deux plus âgés, cependant, détestaient bien davantage la démagogie sanguinaire de 1793, à laquelle leurs têtes venaient d’échapper. […] Je n’avais eu que le temps d’apercevoir son visage ; c’était une tête de Greuze, déjà un peu décolorée et décharnée par le temps, dans un tableau de famille de notre compatriote, le Raphaël de la vieillesse. […] Là, un matelas, recouvert de couvertures étendues irrégulièrement aussi sur une litière mal aplanie de volumes, servait de lit à M. de Valmont ; des livres amoncelés en forme de traversin lui servaient à relever sa tête comme un oreiller ; d’autres volumes marquaient la place des pieds par un bourrelet de livres qui encadraient cette couche.

759. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « [Note de l’auteur] » pp. 422-425

Quoi qu’il en soit, il y a tant d’esprit dans cet ouvrage et une si grande pénétration pour connaître le véritable état de l’homme, à ne regarder que sa nature, que toutes les personnes de bon sens y trouveront une infinité de choses qu’ils (sic) auraient peut-être ignorées toute leur vie, si cet auteur ne les avait tirées du chaos du cœur de l’homme pour les mettre dans un jour où quasi tout le monde peut les voir et les comprendre sans peine. » En envoyant ce projet d’article à M. de La Rochefoucauld, Mme de Sablé y joignait le petit billet suivant, daté du 18 février 1665 : Je vous envoie ce que j’ai pu tirer de ma tête pour mettre dans le Journal des savants. […] Et d’autre part, M. de La Rochefoucauld, qui craint sur toutes choses de faire l’auteur, qui laisse dire de lui dans le discours en tête de son livre, « qu’il n’aurait pas moins de chagrin de savoir que ses Maximes sont devenues publiques, qu’il en eut lorsque les Mémoires qu’on lui attribue furent imprimés » ; M. de La Rochefoucauld, qui a tant médit de l’homme, va revoir lui-même son éloge pour un journal ; il va ôter juste ce qui lui en déplaît.

760. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXVI » pp. 256-263

Il a même emprunté à Millevoye ce trait malicieux qui termine une Épitre à un poëte amateur ; ce dernier avait demandé bonnement à Latouche une préface en vers pour mettre en tête de son recueil de poésies, et le malin introducteur mystificateur lui disait : Imprimez-les vos vers et qu’on n’en parle plus ! […] Un de ses poëmes avait pour titre : Le clocher de Saint-Marc : on a dit plaisamment que ce clocher lui était tombé sur la tête, et pour comble de malheur, ce fut sans bruit.

761. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Jean Lahor (Henri Cazalis). »

……………………………………………………………      Tu fermes les yeux, en penchant      Ta tête sur mon sein qui tremble :      Oh ! […]      Plonge sans peur dans le gouffre béant, Ainsi que l’épervier plongeant dans la tempête : Car tout ce rêve une heure a passé dans ta tête : Tu fus la goutte d’eau qui reflète les cieux, Et l’univers entier est entré dans tes yeux ; Et bénis donc Allah, qui t’a pendant cette heure Laissé comme un oiseau traverser sa demeure.

762. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre V. Harmonies de la religion chrétienne avec les scènes de la nature et les passions du cœur humain. — Chapitre VI. Harmonies morales. — Dévotions populaires. »

Le pasteur marchait à leur tête, la corde au cou, humble victime dévouée pour le salut du troupeau. […] Le capitaine marchait à leur tête, et le peuple suivait en chantant avec eux l’Ave, maris Stella.

763. (1912) Chateaubriand pp. 1-344

Il avait la plus belle tête du monde, et dont on ne conçoit les cheveux que fouettés par le vent. […] C’est un gamin un peu court, avec une grosse tête, robuste et dru. […] Sa tête est un chaos. […] Comme Cymodocée, toujours pressée dans le sein de son époux, ouvrait sur lui des yeux pleins d’amour et de frayeur, elle aperçoit la tête sanglante du tigre auprès de la tête d’Eudore. […] Descendu à Shipwright-Inn, le maître et les garçons de l’auberge me reçoivent bras pendants et tête nue.

764. (1925) Feux tournants. Nouveaux portraits contemporains

messieurs, je suis confus de vos bontés, mais que suis-je, un ancien combattant sans tête, et comme qui dirait le benjamin de ce pauvre Bloc national ; M.  […] Mais une blessure à la tête éloigne du front Unruh ; il est envoyé en Allemagne, puis on le soigne à Zurich, où il restera jusqu’en 1918. […] La tête en avant, le voici qui part dans la nuit. […] j’ignorerai toujours l’image de moi que contient cette tête dorée !  […] Les batailles qu’il livre dans sa tête l’amèneront-elles un jour à une action plus extérieure ?

765. (1868) Curiosités esthétiques « II. Salon de 1846 » pp. 77-198

Le parallèle est resté dans le domaine banal des idées convenues, et ces deux préjugés encombrent encore beaucoup de têtes faibles. […] Polichinelle le suit, — tête un peu avinée, œil plein de fatuité, pauvres petites jambes dans de grands sabots. […] Il faut savoir baigner une tête dans les molles vapeurs d’une chaude atmosphère, ou la faire sortir des profondeurs d’un crépuscule. […] Dubufe, sont les mêmes qui se sont laissé charmer par les têtes de bois de M.  […] Néanmoins, il s’applique plus particulièrement aux expressions de tête et aux attitudes.

766. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

Janikan s’approchant là-dessus avec sa troupe, et l’entourant, lui dit: « Chien maudit, nous ne sommes pas venus ici pour nous asseoir, mais pour te couper cette vieille méchante tête qui a rempli la Perse de malheurs, et a fait périr tant de grands seigneurs infiniment plus gens de bien que toi !  […] Le grand maître le prévint et abattit la tête de cet infortuné, qui tomba aux pieds de Janikan, et d’un autre coup lui coupa le corps presque en deux. Janikan prit la tête par la moustache et, s’avançant sur le bord du rond d’eau pour y laver sa main qui était ensanglantée, il la porta ensuite trois ou quatre fois pleine d’eau à la bouche, en disant: « À présent, voilà ma soif apaisée. » Il mit ensuite une garnison de ses gens dans le palais du vizir, comme s’il eût eu un ordre fort précis de le faire, et remonta à cheval, tenant la tête d’une main et son épée nue de l’autre, prenant le chemin du palais. Sa suite se trouva en un instant grossie de plusieurs grands seigneurs, avec qui il alla se présenter au roi, et lui dit, selon les compliments du pays: « Sire, que votre tête soit toujours glorieuse et saine. […] Sefie-Mirza est vivant et voyant, Dieu en est ma caution ; et, s’il n’en est pas ainsi, voilà ma tête.

767. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « MÉLEAGRE. » pp. 407-444

Et tant que la nuit dure, ma couche odieuse en ces tristes palais sait déjà tout ce que j’exhale de lamentations sur mon malheureux père, lui que le meurtrier Mars n’a point laissé en chemin dans la terre barbare, car c’est ma mère à moi, c’est son compagnon de lit Ægisthe, qui, comme un bûcheron qui fend le chêne, lui ont fendu la tête d’une hache sanglante. » Quand je dis que Sophocle a ennobli le trait d’Homère, je ne parle pas exactement ; il a moins songé à cela sans doute qu’à rendre à sa manière le même acte impie. […] Le poëte dont je voudrais donner idée est un petit poëte, un poeta minor par excellence ; mais il en tête de la série, tellement quel si l’on peut dire que Théocrite demeure le dernier des grands poëtes grecs, Méléagre, en mérite comme en date, est le premier des petits : il mène avec lui tout un cortège. […] Déjà les buveurs entonnent Évohé en l’honneur du Père des raisins, la tête ceinte des corymbes en fleur du lierre. […] Dans un autre poëme ancien136 on possède, en effet, une description de Tyr, de cette île rattachée au continent, toute pareille à une jeune fille qui nage, offrant au flot qui la baigne sa tête, sa poitrine et ses bras étendus, et appuyant ses pieds à la terre : là seulement, est-il dit, le bouvier est voisin du nocher, et le chevrier s’entretient avec le pêcheur ; l’un joue de la flûte au bord du rivage, tandis que l’autre retire ses filets ; la charrue sillonne le champ tout à côté de la rame qui sillonne les flots ; la forêt côtoie la mer, et l’on entend au même lieu le retentissement des vagues, le mugissement des bœufs et le gazouillis des feuilles. […] Mais, sitôt que vous le verrez entr’ouvrir la porte, distillez sur sa tête ma fraîche rosée, afin que sa blonde chevelure s’abreuve en plein de mes larmes. » — Mot à mot : boive mieux mes larmes.

768. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre I. Les chansons de geste »

Il y eut ainsi cinq siècles environ pendant, lesquels notre race, quoi qu’on ait dit, eut bien « la tête épique ». […] Et jamais la force de l’honneur et du serinent féodal n’a plus fortement apparu qu’en ce Bernier : quand, sa mère morte, blessé lui-même, il a renoncé l’hommage, si, dans le premier moment de colère, il refuse la réparation que Raoul offre une fois revenu à lui, jamais cependant il n’aura le cœur en paix : il combattra Raoul de tout son courage, il le tuera, mais toujours l’idée de son serment violé le tourmentera : toujours il rappellera ses griefs, sa mère « arse », sa tête cassée ; il maintiendra « son droit », mais il sera inquiet. À peine vainqueur, il songera à aller servir « au Temple » à Saint-Jean d’Acre ; et le médiocre continuateur du vieux poème a bien dégagé l’idée-mère du sujet, quand il montre Bernier usant sa vie sur les chemins, en pèlerinages lointains, pour expier, jusqu’au jour où le roux Ceri, oncle de Raoul, lui casse la tête d’un coup de son lourd étrier sur le lieu même où jadis il a tué son seigneur. […] Il n’y a point de milieu : ou la femme est l’ange de pureté, l’idéale et rarement vivante Geneviève de Brabant, stéréotypée dans sa douloureuse fidélité, banale réplique d’une des plus primitives traditions ; ou bien, et plus souvent, plus vivante aussi parfois, c’est l’impudente, la sensuelle, fille ou femme, qui d’un regard s’enflamme, et qui donnera pour être aimée, s’il le faut, la tête d’un père37. […] L’épopée avait son comique, simple, primitif, comme elle, et savoureux par-là dans sa grossièreté : le succès sans doute de ces épisodes lança les trouvères dans la recherche des effets plaisants : dénués de finesse comme ils étaient, ils avilirent la matière épique par la lourde et vulgaire outrance du comique sans observation qu’ils y jetèrent à profusion : comique de foire, dont les « bonnes farces », les têtes cassées et les larges ripailles sont les principaux moyens.

769. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — I. » pp. 262-280

Après sa mort, une lettre du supérieur de la maison professe, le père Martineauk ; un éloge mis en tête de ses Sermons par le religieux qui en fut l’éditeur, le père Bretonneau ; une lettre de M. de Lamoignon, son ami de tous les temps ; un autre hommage plus développé mais du même genre, par une personne de condition, Mme de Pringy, c’est tout ce qu’on a sur Bourdaloue ; et, je le dirai, quand on l’a lu lui-même et considéré quelque temps dans l’esprit qui convient, on ne cherche point sur son compte d’autres particularités, on n’en désire pas : on entre avec lui dans le sens de cette conduite égale, uniforme, qui est le caractère de la prudence chrétienne et le plus beau support de cette saine éloquence ; et l’on répète avec une des personnes qui l’ont le mieux connu : « Ce qui m’a le plus touché dans sa conduite, c’est l’uniformité de ses œuvres. » On ne sait rien ou à peu près rien non plus de la vie de La Bruyère ; mais, à l’égard de ce dernier, le sentiment qu’on apporte est, ce me semble, tout différent. […] chrétiens, notre amour-propre, tout ingénieux qu’il est, n’a plus de quoi se défendre… Il ne faut que cette cendre qu’on nous met sur la tête, et qui nous retrace l’idée de la mort, pour rabattre toutes les enflures de notre cœur… Je suivais donc ce développement plein, pressant et sans trêve, et qui vous tient en suspens jusqu’au terme, m’arrêtant à peine à ce qui m’y paraissait plus saillant (le saillant, proprement dit, y est rare), et ne pouvant cependant méconnaître ce qu’il y avait par moments d’approprié à cet auditoire de Notre-Dame, à la fois populaire et majestueux. […] Dans la préface qu’il a mise en tête de l’Oraison funèbre du prince de Condé par Bossuet, l’abbé Bourlet de Vauxcelles a dit : Voltaire donne à entendre que, deux ans avant la mort du Grand Condé, son esprit s’était totalement affaibli. […] Mais il faut observer que Bossuet, qui avait si fort insisté sur le bonheur qu’a eu le chancelier Le Tellier de conserver toute sa tête jusqu’au dernier instant, et qui rapporte les fortes paroles de ce vieillard courageux, insiste moins sur la présence d’esprit du Grand Condé : seulement il en rappelle quelques paroles, et cite une lettre au roi où le prince reparaît encore, et où se montre le chrétien.

770. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — II » pp. 18-34

L’entrée de la baie est comme défendue par une chaîne d’îlots de granit : il fallait voir les lames courir à l’assaut et se lancer follement contre ces masses avec des clameurs effroyables ; il fallait les voir prendre leur course et faire à qui franchirait le mieux la tête noire des écueils. […] Nous étions là, le corps incliné elles jambes écartées pour élargir notre base et résister avec plus d’avantage, et les deux mains cramponnées à nos chapeaux pour les assurer sur nos têtes. […] Féli pour ce même labeur ; — les heures d’étude et d’épanchement poétique, qui nous mènent jusqu’au souper ; ce repas qui nous rappelle avec la même douce voix et se passe dans les mêmes joies que le dîner, seulement un peu moins éclatantes parce que le soir voile tout, tempère tout ; — la soirée qui s’ouvre par l’éclat d’un feu joyeux, et de lectures en lectures, de causeries en causeries, va expirer dans le sommeil ; — et à tous les charmes d’une telle journée ajoutez je ne sais quel rayonnement angélique, je ne sais quel prestige de paix, de fraîcheur et d’innocence qu’y répandent la tête blonde, les yeux bleus, la voix argentine, les petits pieds, les petits pas, les rires, les petites moues pleines d’intelligence d’une enfant qui, j’en suis sûr, fait envie à plus d’un ange ; qui vous enchante, vous séduit, vous fait raffoler avec un léger mouvement de ses lèvres, tant il y a de puissance dans la faiblesse ? […] Qui l’eût rencontré deux ans après, mondain, élégant, fashionable même, causeur à tenir tête aux brillants causeurs, n’aurait jamais dit, à le voir, que ce fût un actif malgré lui.

771. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Étienne-Jean Delécluze, (suite et fin) »

Mais celui qui habituellement y tenait le de et y faisait le diable à quatre, qui harcelait le maître de la maison, tenait tête à Courier, et relançait un chacun jusque dans les derniers retranchements des vieilles doctrines, c’était Beyle, autrement dit Stendhal, la trompette à la fois et le général d’avant-garde de la nouvelle révolution littéraire. […] Delécluze, qui a toujours eu le goût des procès-verbaux et des copies exactes, soit en dessin, soit en littérature, n’était pas fâché que Beyle se lançât et, selon lui, extravaguât beaucoup, afin d’avoir le plaisir d’écrire : le soir, à tête reposée, les conversations dont il nous donne les échantillons aujourd’hui dans ses Souvenirs, et qu’il nous représente comme des fantaisies folles : car sa marotte à lui, c’est la sagesse ? […] Et en conséquence, il va nous le dessiner ainsi : « Faible de santé, lourd dans ses mouvements, ce pauvre homme avait la tête et particulièrement le visage concassés comme s’ils eussent reçu deux ou trois coups de pilon dans un mortier… Tout le temps qu’il ne donnait pas à l’étude, il le consacrait à Mme Récamier, qu’il aimait et a toujours vénérée comme une sainte. […] Mais Ballanche, levant la tête et prenant un ton d’autorité : commença une diatribe fulminante en motivant, comme il l’entendait, les reproches qu’il faisait à Bossuet, et s’échauffant toujours davantage, il arriva enfin à sa péroraison en disant, comme s’il avait été hors de lui : « Qu’on ne me parle plus des vertus et des talents de Bossuet ; d’un homme qui a osé dire que Dieu n’a pas révélé le dogme de l’immortalité de l’âme aux Juifs, parce qu’ils n’étaient pas dignes de recevoir cette vérité !

772. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Œuvres complètes de Molière »

Victor Fournel publie en ce moment le premier volume66 ; — les Œuvres de Molière, de la maison Furne, magnifiquement exécutées, et où se trouve en tête la cinquième édition de l’Histoire de sa vie et de ses ouvrages, par M.  […] On n’est pas mieux pourvu qu’elle en bracelets, colliers, pendants d’oreilles, agrafes et chaînes, aiguilles à cheveux, bagues et anneaux : « Les quatorze bagues sont ornées de diamants, d’émeraudes et d’opales ; l’une d’elles a pour chaton une tête de nègre en émail. […] L’année suivante, Molière part pour la province, à la tête de sa troupe qui a quitté son titre magnifique et renouvelé en partie son personnel ; il commence sa vie aventureuse de comédien de campagne, qui ne se terminera qu’en 1658. […] C’était un de ces moments si précieux pour la haute éducation de l’esprit, où les masques se détachent, où les physionomies ont toute leur expression, où les caractères ont tout leur jeu, où les conditions sociales s’opposent violemment les unes aux autres, où les travers, les vices, les ridicules se montrent avec une pétulance fanfaronne… » Non content d’une large et riche Introduction, qui se poursuit et se renouvelle même en tête du second volume par une Étude sur la troupe de Molière, M. 

773. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni (suite et fin.) »

Gavarni veut-il nous montrer la fin et l’issue d’un combat de boxeurs, c’est d’abord le vaincu, celui qui est resté sur le carreau : on l’emporte pâle, étendu, la tête renversée, sans connaissance et comme prêt à rendre le dernier soupir ; vous tournez la page et vous voyez le vainqueur : celui-ci, on ne l’emporte pas ; il est debout, on le porte ; deux camarades ont besoin de toute leur force pour le soutenir ; éborgné, fracassé, démoli, croulant, il lui faudra bien des jours pour se refaire, s’il y parvient jamais. […] Les gens comme il faut ont pu être choqués d’abord qu’il les ait négligés : il ne les a pas omis toutefois, et il y a de lui des devants de loges d’Opéra peuplés de toutes les variétés de têtes aristocratiques, et parés de toutes les blancheurs éblouissantes. […] » Et une autre fois, tandis qu’il écoute accroupi je ne sais quel prêcheur humanitaire debout qui s’exalte et pérore, les cheveux dressés sur la tête, ce court dialogue s’engage : « — … L’homme est le chef-d’œuvre de la création. » — « Et qui a dit ça ?  […] Jamais il n’a fait une figure sans en avoir ridée nette dans son imagination ; il a le bonhomme dans la tête.

774. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Le maréchal de Villars. »

Il en eut tant de honte qu’il se dénonça lui-même au général, offrant sa tête, en expiation, renvoyant sa croix de Saint-Louis et se condamnant à une humiliation publique pour le reste de ses jours. […] Le maréchal de Montesquiou proposa, dès le commencement de la campagne, de tirer des lignes depuis la tête de l’Escaut jusqu’à la Somme pour couvrir la Picardie, et de s’y retrancher ; projet que Villars dut soumettre à la Cour, par déférence pour un confrère, bien qu’il le désapprouvât en principe. […] Je lui répétai tout ce qui devait l’en empêcher, après quoi il se rendit en me disant : « Puisque vous êtes d’avis d’attaquer, marchons. » Que Villars ait voulu différer l’attaque jusqu’à ce qu’il fût arrivé et présent de sa personne, c’est possible et c’est naturel ; mais il ne paraît pas qu’après les précautions prises pour assurer son arrière-garde contre un retour du prince Eugène, il ait hésité sur l’attaque du camp ; et comme le marquis d’Albergotti lui proposait de faire des fascines pour combler les retranchements : « Croyez-vous, lui répondit-il en lui montrant l’armée ennemie dont les têtes de colonnes s’apercevaient déjà, que ces messieurs nous en donnent le temps ! […] Mais il ne cessa point d’être le général en chef, et un général intrépide, celui qui entrait dans les retranchements de Denain à cheval à la tête de ses troupes, et qui recevait en personne la soumission du duc d’Albemarle et des sept ou huit lieutenants généraux de l’empereur ; il avait le droit d’écrire au ministre, du camp de Denain, le soir même (24 juillet) : « Je n’ai pas le temps, Monsieur, de vous écrire une bien longue lettre ; je ne puis trop me louer des troupes.

775. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

 » Ceux qui sont si empressés à refuser aux hommes engagés dans la vie active et dans l’âpreté des luttes publiques la faculté de sentir et de souffrir n’ont pas lu Émile, où se rencontrent, au milieu d’une certaine exaltation de tête, tant de pensées justes, délicates ou amères nées du cœur : « A l’âge où les facultés sont usées, où une expérience stérile a détruit les plus douces illusions, l’homme, en société avec son égoïsme, peut rechercher l’isolement et s’y complaire ; mais, à vingt ans, les affections qu’il faut comprimer sont une fosse où l’on est enterré vivant. » « Cette proscription qui désole mon existence ne cessera entièrement que lorsque j’aurai des enfants que je vous devrai (il s’adresse à celle qu’il considère déjà comme sa compagne dans la vie) ; je le sens, j’ai besoin de recevoir le nom de père pour oublier que le nom de fils ne me fut jamais donné. » Émile parle de source et, quand il le pourrait, il n’a à s’inspirer d’aucun auteur ancien ; la tradition, je l’ai dit, ne le surcharge pas ; elle commence pour lui à Jean-Jacques, et guère au-delà : c’est assez dans le cas présent. […] Il fallut à M. de Girardin, pour tenir tête à ces attaques réitérées et qui se renouvelaient sous toutes les formes depuis celle de l’insulte directe jusqu’à celle de la légalité la plus chicanière et la plus inquisitive, un sang-froid, un calme, une intrépidité bien supérieure encore à ce qu’il lui en avait fallu dans la rencontre funeste. […] Ces deux hommes d’ailleurs, également courageux et sans peur, marchant également tête haute et la poitrine en dehors, aimaient la liberté, mais différemment : l’un, qui n’a pas donné son dernier mot et dont on ne peut que deviner l’entière pensée tranchée avant l’heure, aimait la liberté, mais armée, glorieuse, imposante, et, pour tout dire, la liberté digne d’un consul : — il faut convenir aussi que cette forme a bien de l’éclat et de l’attrait ; — il aimait la liberté réglée par les mœurs, par les lois mêmes, la liberté organisée et peut-être restreinte ; l’autre aimait et voulait la liberté complète, cosmopolite, individuelle au suprême degré dans tous les genres, civile, religieuse, intellectuelle, industrielle, commerciale, à la manière d’un Hollandais, d’un Belge ou d’un citoyen de New-York : le plus Américain des deux n’était pas celui qui croyait l’être. […] Il y a des mots pour cela, des étiquettes de pensée, des têtes d’article, il y a des formules saisissantes, pénétrantes, et qui réveillent le monstre en sursaut.

776. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite et fin.) »

Quand le sort nous la refuse sans raison, il y a plus d’honneur quelquefois à mériter une place qu’à l’obtenir. » — « Je vois bien, seigneur Apollon », lui répondis-je, « qu’on ne prend pas garde que je n’ai point de manteau. » — Il répondit : « Quoi qu’il en soit, j’ai du plaisir à te voir ; la vertu est un manteau avec quoi l’indigence peut couvrir sa honte ; elle conserve sa liberté et se garantit de l’envie. » Je baissai la tête en recevant ce conseil ; je restai debout… » Il faut convenir qu’on ne peut être pauvre diable de meilleure grâce ni plus galamment. […] Dans la préface de ses Nouvelles, supposant qu’un de ses amis aurait bien pu faire graver son portrait pour le placer en tête du livre, il donne de lui-même, et de ce portrait absent, la description suivante, quand il avait soixante-six ans (1613) : « Celui que vous voyez ici à la mine d’aigle, les cheveux châtains, le front uni et ouvert, les yeux gais, le nez courbé, quoique bien proportionné, la barbe d’argent (il n’y a pas vingt ans qu’elle était d’or), la moustache grande, la bouche petite, les dents pas plus qu’il n’en faut, puisqu’il n’en a que six, et celles-ci en mauvais état et encore plus mal placées, puisqu’elles ne correspondent pas les unes aux autres ; la taille entre les deux, ni grande ni petite, le teint vif, plutôt blanc que brun ; un peu haut des épaules sans en être plus léger des pieds ; celui-là, je dis que c’est l’auteur de la Galatée, de Don Quichotte de la Manche, le même qui a fait le Voyage du Parnasse et d’autres ouvrages qui courent le monde de çà de là, peut-être sans le nom de leur maître. […] Nous l’attendîmes ; et voilà que survint, monté sur une bourrique, un étudiant tout gris, car il était habillé de gris des pieds à la tête. […] Le livre n’était pas dans le ton ni dans la note du jour ; ces gens de combat avaient trop à faire autour d’eux ; ils avaient bien d’autres dadas en tête avec leur Encyclopédie ou leur Contrat social et leur Émile.

777. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « La reine Marie Leckzinska (suite et fin.) »

Le cheveu est légèrement poudré : elle porte sur la tête une pointe de dentelle noire, une sorte de petit fichu dit fanchonnette. […] On dit que pour la tête il a étudié le pastel de La Tour plus que l’original même. […] La voilà qui vient. » « Je vois la reine de France, sans rouge, simplement vêtue, la tête couverte d’un grand bonnet, ayant l’air vieux et la mine dévote. […] » « À ce nom, je vois un superbe homme qui s’avance en inclinant la tête, et qui dit : « Madame !

778. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Exploration du Sahara. Les Touareg du Nord, par M. Henri Duveyrier. »

Les Gouv seraient les pointes de rochers montrant leurs têtes au milieu des eaux ; les Ghourd, les Zemla et les Sif, les vagues que les vents auraient soulevées et dressées au-dessus du niveau général ; les Theniya, les Ouâd, les Douriya, les Haoudh et les Sahan, les dépressions houleuses séparant les vagues. […] Le palmier dattier, disent les Sahariens, doit, pour produire de bons fruits, « avoir la tête dans le feu et les pieds dans l’eau. » L’industrie des indigènes à trouver et à découvrir les eaux cachées a été grande de tout temps : le besoin, comme toujours, a aidé à l’invention. […] Exempts comme gentilshommes de toute occupation manuelle, ils sont assez occupés, d’ailleurs, à faire la police du territoire dans leur tribu, à assurer la sécurité des routes, à protéger les caravanes, à veiller sur l’ennemi, à le combattre au besoin et à se mettre à la tête des serfs : « Aussi, nous dit M.  […] Les Touareg sont grands, maigres, secs, nerveux ; leurs muscles semblent des ressorts d’acier : « Un des caractères physiques auxquels un Targui peut se reconnaître entre mille est l’attitude de sa démarche grave, lente, saccadée, à grandes enjambées, la tête haute, attitude qui rappelle un peu celle de l’autruche ou du chameau en marche, mais qui est due principalement au port habituel de la lance. » Ils sont pauvres.

779. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire de la Grèce, par M. Grote »

De dignes adversaires de Wolf, Ottfried Müller en tête, regagnèrent du terrain et tinrent vaillamment campagne. […] Sainte-Croix, le premier, sur la seule annonce du système de Wolf et avant même de le bien connaître10, s’était empressé de crier au paradoxe, et dès 1797 il avait dit : « Il ne faut que sentir et obéir à sa propre imagination, sans aucun effort d’esprit, pour être intimement convaincu que l’Iliade et l’Odyssée sont sorties toutes deux aussi entières de la tête d’Homère que Minerve du cerveau de Jupiter. […] On sait que Piron, par exemple, faisait toutes ses tragédies de tête et qu’il les récitait de mémoire aux comédiens. Casimir Delavigne de même : ce poète si exact, si lettré, si peu homérique, composait de tête, refaisait des scènes entières de mémoire, et on dit qu’il a emporté ainsi en mourant une tragédie à peu près terminée.

780. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. »

Dès l’âge de neuf ans, il vit successivement pleuvoir sur sa tête les revenus de l’abbaye du Bec-Hellouin, ceux de Saint-Claude, ceux de Chaalis et de Marmoutiers, auxquels s’ajoutèrent bientôt l’abbaye de Cercamp et celle de Buzay : tout cela n’était qu’en attendant mieux. […] Lui, il n’était que brave au feu et brillant de son épée : il n’avait pas une tête à commandement. […] On raconta fort, dans le temps, que le comte d’Estrées, qui faisait la tête de cette droite, ayant remporté un premier avantage et proposant par des raisons évidentes de pousser plus avant l’ennemi, ne put arracher l’ordre qu’il réclamait ; il dut s’arrêter en frémissant. […] monsieur le comte, vous vous fâchez ; M. le comte de Clermont a envoyé recevoir les ordres de M. le maréchal, il les aura dans un moment. » En effet, la réponse arriva : ce fut d’aller en avant, comme le comte d’Estrées l’avait proposé. » Ce récit n’est point tout à fait exact, et Rochambeau, présent à l’action, le rectifie sur quelques points : « M. le comte d’Estrées marcha, à la tête de plusieurs colonnes d’infanterie, droit au village (d’Ans), le faisant tourner par l’infanterie des troupes légères : il fut emporté, et la gauche de l’ennemi fut prise en flanc par tout le corps commandé par ces trois généraux.

781. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVe entretien. Littérature grecque. L’Iliade et l’Odyssée d’Homère » pp. 31-64

Les traditions racontent et les anciens ont écrit qu’Orphée, le premier des poètes grecs qui chanta en vers des hymnes aux immortels, fut déchiré en lambeaux par les femmes du mont Rhodope, irritées de ce qu’il enseignait des dieux plus grands que les leurs ; que sa tête, séparée de son corps, fut jetée par elles dans l’Hèbre, fleuve dont l’embouchure est à plus de cent lieues de Smyrne ; que le fleuve roula cette tête encore harmonieuse jusqu’à la mer ; que les vagues, à leur tour, la portèrent jusqu’à l’embouchure du Mélès ; que cette tête échoua sur l’herbe, près de la prairie où Crithéis mit au monde son enfant, comme pour venir d’elle-même transmettre son âme et son inspiration à Homère. […] Ils y roulèrent une roche, sur laquelle ils gravèrent au ciseau ces mots : « Cette plage recouvre la tête sacrée du divin Homère. » Ios garda à jamais la cendre de celui à qui elle avait donné ainsi la suprême hospitalité.

782. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIIe entretien. Tacite (1re partie) » pp. 57-103

Les soldats féroces et cruels déchirèrent en lambeaux ses bras et ses jambes, même après que sa tête eut été séparée du tronc. » Pison, blessé, qui revenait du camp des prétoriens, se réfugie dans la chambre d’un esclave fidèle ; mais, bientôt découvert, il est traîné sur le seuil et égorgé par les soldats d’Othon. Sa tête, celle de Galba, celle de Vinius, leur lieutenant, sont portées au bout des piques, au milieu des enseignes des légions, auprès des aigles. […] Sa tête, mutilée et attachée à une pique par les vivandiers et les valets d’armée devant le tombeau de Patrobius, affranchi de Néron, puni par Galba, fut recueillie le jour suivant et réunie aux cendres de son corps déjà brûlé. » Quelle tragédie ! […] le sénat, la tête de l’empire, le lustre de toutes nos provinces, demander des supplices contre ses membres !

783. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Le père Monsabré »

Je vois beaucoup de vieux messieurs et de jeunes gens à tête de séminariste. […] II L’orateur paraît : larges mâchoires, menton carré, grande bouche, une tête de paysan robuste et qui a sa beauté. […] La tête de l’orateur se détache, à demi encadrée par le capuchon noir, pendant que les bras étendus déploient les manches de la robe, larges et blanches. […] Mais ce n’est pas assez pour lui : « Les dalles que vous foulez aux pieds, ne les arracheriez-vous pas pour me les jeter à la tête et m’étouffer dessous ? 

784. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « M. de Féletz, et de la critique littéraire sous l’Empire. » pp. 371-391

Il avait la tête moins saine le dernier jour que le premier : c’est l’histoire de tous les potentats et dictateurs. […] Il avait dans la manière de finir, dans le jet de la phrase, certain geste de tête que nous lui avons bien connu ; il avait de l’abbé Delille en prose. […] À propos des exactes et sévères critiques qu’elle fait de ses contemporains : Mme Du Deffand, disait M. de Féletz, eût été, sans contredit, un excellent journaliste, quoiqu’un peu amer… Le tableau qu’elle présente de sa société décèle un esprit qui ne voit pas en beau, mais qui voit juste ; un pinceau qui ne flatte pas, mais qui est fidèle ; ses traits malins vous peignent un homme depuis les pieds jusqu’à la tête. […] [NdA] M. de Falloux, ministre de l’Instruction publique et ancien légitimiste, auteur de l’Histoire de saint Pie V, conservait à la tête de la division des lettres M. 

785. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Nouveaux documents sur Montaigne, recueillis et publiés par M. le docteur Payen. (1850.) » pp. 76-96

De nos jours, des amateurs, gens d’esprit, ont continué sous une autre forme cette religion : ils se sont consacrés à recueillir les moindres vestiges de l’auteur des Essais, à rassembler ses moindres reliques : et, en tête de ce groupe, il est juste de mettre le docteur Payen, qui prépare depuis des années un livre sur Montaigne, lequel aura pour titre : Michel de Montaigne. […] À qui il grêle sur la tête, tout l’hémisphère semble être en tempête et orage. […] Quand les partis n’ont pas de chef ni de tête, quand ils se présentent par leur corps seul, c’est-à-dire par leur réalité la plus hideuse et la plus brutale, il est plus difficile et aussi plus hasardeux de se montrer envers eux si équitable et de faire à chacun sa part jusqu’au milieu de l’action. […] Regardons à terre : les pauvres gens que nous y voyons épandus, la tête penchante après leur besogne, qui ne savent ni Aristote ni Caton, ni exemple ni précepte, de ceux-là tire nature tous les jours des effets de constance et de patience plus purs et plus roides que ne sont ceux que nous étudions si curieusement en l’école.

786. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 38, que les peintres du temps de Raphaël n’avoient point d’avantage sur ceux d’aujourd’hui. Des peintres de l’antiquité » pp. 351-386

On sçait avec quelle affection Pline vante le trait ingénieux de Timante, qui peignit Agamemnon, la tête voilée au sacrifice d’Iphigenie, pour marquer qu’il n’avoit osé tenter d’exprimer la douleur du pere de cette jeune victime. […] Quoique son air de tête soit naïf, quoique son maintien paroisse ingénu, on devine à son sourire malin, qui n’est pas entierement formé, parce que le respect le contraint, comme au mouvement de ses yeux sensiblement gêné, que cet enfant veut paroître vrai, mais qu’il n’est pas sincere. […] Cette distraction est sensible dans tout son corps, et principalement dans ses mains et dans sa tête. […] Par un geste naturel à ceux qui écoutent en craignant qu’on ne s’apperçoive qu’ils prêtent l’oreille à ce qu’on dit, notre esclave tâche de lever assez la prunelle de ses yeux pour appercevoir son objet sans lever la tête comme il la leveroit naturellement s’il n’étoit pas contraint.

787. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Xavier Aubryet » pp. 117-145

Cela pourrait-il être une raison, parce que l’auteur des Jugements nouveaux nous a exprimé, à la tête de son livre, une franche sympathie d’idées et de sentiments littéraires, pour que la critique, qu’il a la bonté d’estimer, lui manque tout à coup, et qu’il soit privé de sa part d’examen sous le prétexte, de peu de courage, que notre éloge serait suspect de reconnaissance et notre blâme d’ingratitude ? […] Dieu a déjà commencé à lui mettre sur sa tête brune, à l’aspect toujours jeune, la pincée de cendre des quarante ans qui sont le Mercredi des Cendres de la vie, la fin de ce Carnaval qu’il faut traduire : Adieu à la chair ! […] Ce sont des bossues qui ont de jolies têtes, mais le défaut à la taille crève les yeux. […] Chez nous et chez nos voisins est un recueil de fragments littéraires, très dignes de cette tête qui, tout en produisant des livres d’imagination et des créations romanesques, a montré des aptitudes critiques de la plus brillante supériorité.

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