Villiers est mort ; assez tôt pour demeurer, selon le jugement égoïste des jeunes générations, le génie pur par excellence. […] Fernand Weyl Quand parut le premier poème de Catulle Mendès, Sainte-Beuve, un peu effrayé et très certainement séduit, résuma son jugement en cette exclamation : Miel et poison !
Ce livre est le fruit de son humeur, et non l’œuvre fortement conçue de son jugement. […] A-t-il voulu dissimuler, sous ce jugement dédaigneux, tout ce qu’il a emprunté à Rabelais ?
Ne donnons-nous pas ce nom à sa science profonde de la vie, science qui ne condamne ni n’absout, mais qui fait voir toutes choses au vrai, et qui en porte des jugements dont peuvent s’autoriser également les gens sévères pour condamner, les indulgents pour absoudre ? […] L’ouvrage est faible, mais le jugement qu’il porte de l’original est exquis.
. — Jugement de Napoléon Ier sur Mme de Sévigné et Mme de Maintenon. — § IV. […] — Jugement de Napoléon Ier et de Royer-Collard.
Que toutes nos impressions et tous nos jugements ne soient pas en cela d’une logique très haute, je n’y contredirai pas. […] De plus notre vie, nos actes, notre imagination même sont enfermés dans un cercle si étroit, il y a autour de ce cercle tant de possibilités ou de réalités inconnues que les jugements portés par nous restent toujours incertains et petits ; s’ils sont trop arrêtés ou trop âpres, ils se teintent de ridicule.
N'eût-ce pas été assez pour sa gloire, & pour celle de leur jugement, de se contenter de dire, qu'il a donné le premier Poëme héroïque, en vers, qui ait réussi dans notre Langue ? […] Ils conviennent que parmi les Ouvrages de M. de Voltaire, il y en a quelques-uns d’excellens ; mais ils soutiennent [on commence à les croire, & on les croira de plus en plus] qu’il y en a beaucoup de médiocres & un grand nombre de mauvais : que le talent de saisir les rapports éloignés des idées, de les faire contraster, semble lui être particulier ; mais qu'il y met trop d'affectation, & que les productions de l'art sont sujettes à périr : qu'il n'a que l'éloquence qui consiste dans l'arrangement des mots, dans leur propriété, & non celle qui tire sa force des pensées & des sentimens, qui est la véritable : qu'il n'a aucun systême suivi, & n'a écrit que selon les circonstances, & presque jamais d'après lui-même : que le plus grand nombre de ses Ouvrages ne sont faits que pour son Siecle, & que par conséquent la Postérité n'en admettra que très-peu : que si la gloire du génie n'appartient qu'à ceux qui ont porté un genre à sa perfection, il est déjà décidé qu'il ne l'obtiendra jamais, parce qu'il ressemble à ce fameux Athlete, dont parle Xénophon, habile dans tous les exercices, & inférieur à chacun de ceux qui n'excelloient que dans un seul : que son esprit est étendu, mais peu solide ; sa lecture très-variée, mais peu réfléchie ; son imagination brillante, mais plus propre à peindre qu'à créer : qu'il a trop souvent traité sur le même ton le Sacré & le Profane, la Fable & l'Histoire, le Sérieux & le Burlesque, le Morale & le Polémique ; ce qui prouve la stérilité de sa maniere, & plus encore le défaut de ce jugement qui sait proportionner les couleurs au sujet : qu'il néglige trop dans ses Vers, ainsi que dans sa Prose, l'analogie des idées & le fil imperceptible qui doit les unir : que ses grands Vers tomdent un à un, ou deux à deux, & qu'il n'est pas difficile d'en composer de brillans & de sonores, quand on les fait isolés : enfin, que la révolution qu'il a tentée d'opérer dans les Lettres, dans les idées & dans les mœurs, n'aura jamais son entier accomplissement, parce que les Littérateurs qu'il égare, & les Disciples qu'il abuse, en les amusant, peuvent bien ressembler à Charles VII, à qui Lahire disoit, On ne peut perdre plus gaiement un Royaume ; mais qu'il s'en trouvera parmi eux, qui, comme ce Prince, ouvriront les yeux, chasseront l'Usurpateur, & rétabliront l'ordre.
Voici sa réponse : Avec le jugement le plus réfléchi, on n’est pas dupe deux fois, mais on peut l’être une. […] Mais il dit seulement à Bonaparte, qui lui demandait pourquoi il ne voulait pas rester consul avec lui, et qui insistait à lui offrir cette seconde place : « Il ne s’agit pas de consuls, et je ne veux pas être votre aide de camp. » Il niait aussi avoir prononcé, dans le jugement de Louis XVI, ce fameux mot : « La mort sans phrase. » Il dit seulement, ce qui est beaucoup trop : La mort.
I Comment a lieu la reconnaissance I La condition fondamentale de la reconnaissance, c’est ce jugement que l’image de la chose est une simple image. […] Autre chose est donc la suggestion de plusieurs images semblables, qui les a fait surgir nécessairement dans notre mémoire ; autre chose est l’acte de jugement par lequel je m’aperçois de leur similitude.
Seulement, pendant que l’on trifouille encore de partout la vie, le testament, les petits papiers de ce Tallemant des Réaux de la Critique, qui a mis au monde et à la mode les critiquaillons à petits faits et à petites histoires qui vont le montrer à la pointe de leurs aiguilles comme un insecte des plus curieux, nous voulons placer ici un mot définitif et littéraire et un jugement d’ensemble sur son esprit et ses travaux. […] Mais il n’était rien de plus, et quoique cela fût, cela n’était pas le critique, car le critique conclut d’après une idée supérieure à ce qu’il vient de décrire, d’analyser, de disséquer… Et puis, je l’ai dit déjà, le critique est le Stator suprême… S’il revient sur son jugement, ce n’est plus un juge : c’est un pauvre homme qui s’est trompé.
Elle était, dit-il, le manque le plus absolu de jugement, le mépris le plus complet de tous les scrupules et de tous les devoirs ; et M. […] Le complot fut éventé, Mme de Chevreuse, personnage de Mémoires, et qui pouvait entrer dans l’Histoire par un crime, n’y entre pas, car l’Histoire exige des faits et gestes et laisse à l’examen de la conscience et au jugement de Dieu les perversités de l’intention !
Le jugement individuel, cette lèpre d’anarchie incessante, n’y ronge pas tout… On y retrouve une autorité, une tradition, un enseignement, une hiérarchie, une Église enfin, et une Église vassale encore dans ses coutumes, dans ses cérémonies, dans son besoin d’unité, de l’Église de Rome qu’elle insulte. […] Maurice n’a point de jugements qui lui appartiennent ; il n’a que ses sentiments contre Rome et les condamnations de son Église à faire valoir.
Mais il a écrit Dominique, et nous voici en présence d’une tentative d’un ordre tout différent, qui exige d’autres qualités, et peut motiver d’autres jugements. […] Il a des expressions nettes, tranchantes, d’un réalisme vif ; des insistances qu’il n’a point eues ailleurs ; des jugements d’une sûreté, d’une sévérité, d’un absolutisme que le roman ou le voyage ne lui ont nulle part inspirés.
Or l’hétérogénéité absolue de deux êtres semble leur interdire a priori, en même temps que la capacité d’agir l’un sur l’autre, la capacité de sentir l’un pour l’autre : elle leur défend, pourrait-on dire, en même temps que la réciprocité d’action, la réciprocité de compréhension ; elle empêche que, dans les jugements qui les comparent, ils se substitut l’un à l’autre. […] Foâ 92, regrettent souvent que la traite n’existe plus. » Montesquieu avait donc raison : « Ils ont le nez si écrasé qu’il est presque impossible de les plaindre. » Ainsi, souvent, l’impression que produit sur nous l’aspect physique des hommes gouverne le jugement que nous portons sur leur valeur ; nous classons les gens « sur la mine ».
Il fit, tout à la fois, preuve de beaucoup de jugement & de beaucoup de génie. […] Il n’en est comptable qu’envers le goût, qu’il faut toujours consulter, & à cette portion de jugement que l’imagination ne doit pas méconnoître.
Son mérite, que j’ai entendu apprécier dans mon enfance par des personnes qui l’avaient bien connu, était autre encore que celui d’un brave. « D’Alton aîné connaissait les hommes. » Ce jugement, que je ne songeais point alors à recueillir, est resté gravé dans mon esprit.
Des deux côtés il y a méprise, ce nous semble, et jugement superficiel.
Il a conçu de telle façon les caractères du frère et de la sœur, il a si fortement éclairé l’opposition de leurs égoïsmes fanatiques, que la victoire d’Horace doive produire la douleur frénétique de Camille, et celle-ci exaspérer la rage patriotique de son frère jusqu’à l’assassinat : ce dernier effet de la passion d’Horace pour Rome nécessite à son tour le jugement, que le précédent effet, qui est la victoire sur Albe, fait forcément aboutir à un acquittement.
Il y avait pourtant déjà des vues bien fines, une solide indépendance de jugement sous la délicatesse épigrammatique des Dialogues des Morts (1683).
Et puis ces jugements à crans sont si ridicules.
La réflexion personnelle, la lucidité d’esprit, l’indépendance du jugement sont des hôtes mal accueillis dans ces séances qui finissent généralement dans la plus horrible confusion.
Comme toute l’aristocratie du temple 1028, il était sadducéen, « secte, dit Josèphe, particulièrement dure dans les jugements. » Tous ses fils furent aussi d’ardents persécuteurs 1029.
Ils seraient ridicules dans les entretiens d’une femme sans esprit, sans jugement, qui aurait la vanité de faire la savante.
Cependant, on voit par une multitude de lettres adressées par le duc de La Rochefoucauld à madame de Sablé, dans le temps qu’il complétait, corrigeait, soumettait à la critique les Maximes qu’il a publiées en 1665, que madame de Sablé les jugeait, et les modifiait très judicieusement ; on voit de plus qu’elle les soumettait au jugement d’autres femmes célèbres, de ses amies, notamment à la maréchale de Schomberg, Marie d’Hautefort, alors âgée d’environ 49 ans, anciennement l’objet de cette passion religieuse de Louis XIII, qui a été tant célébrée, et à son amie la comtesse de Maure ; qu’elle rédigeait elle-même des maximes, ou, pour parler plus exactement, des observations sur la société et sur le cœur humain, observations dont il paraît que le recueil de La Rochefoucauld renferme quelques-unes ; et enfin que cette dame avait de la fortune, une bonne maison, une excellente table, citée alors pour son élégante propreté ; qu’elle donnait des dîners dans la maison qu’elle occupait à Auteuil ; et que le duc de La Rochefoucauld allait souvent l’y voir.
La Mothe, au jugement d’un de nos écrivains également versé dans la littérature & dans les sciences abstraites, n’eut d’autre tort que celui d’écrire contre la poësie en écrivant contre les vers dans les pièces de théâtre.
On a essayé, depuis Léon Gautier, d’acclimater ce jugement flatteur pour notre amour-propre national ; tout compte fait, il a fallu en rabattre et, à l’heure qu’il est, peu de gens oseraient soutenir ce parallèle.
Je ne le trouvais pas assez froidi, — ni moi non plus — pour y toucher ; — pour juger impartialement cette époque de malheur et de honte que nous avons là traversée… Ce n’est pas quand nous sommes à moitié pris encore, sans être des Titans, sous la montagne qui nous a écrasés, qu’on peut porter un jugement historique sur des événements et des hommes contre lesquels on doit avoir des ressentiments implacables : les ressentiments du mal qu’ils nous ont fait et des humiliations que nous leur devons !
Après la mort cachée de Kœnigsmark (madame de Platen avait fait disparaître le cadavre), Sophie-Dorothée fut mise en jugement pour adultère, et elle proposa un duel effroyable à la comtesse son accusatrice.
Avant de l’avoir lue, nous nous doutions bien du genre de jugements qu’on y trouverait (à part les arrangements d’Albert Blanc, bien entendu).
Lionne dut tirer souvent de cette qualité de grand seigneur, qui est peut-être un vice, un parti énorme ; car, en affaires, les hommes sont subjugués par l’aisance, la largeur sceptique, les grandes manières, qui sont parfois de grandes impertinences, et un jugement qui passe à cent pieds au-dessus de toutes choses.
Des idées générales, parfois primitives, — dans tous les cas toujours anciennes, — des jugements, des sentences, des vérités, soit absolues, soit relatives, rapidement poinçonnées, — le diable sait par qui !
C’était la seule manière qu’il y eût de relever le poète de la dégradation que lui a fait subir le jugement sommaire de la Postérité, qui n’a vu, elle, sous son tabard usé par la misère, que le maillotin, le mauvais garçon, l’enfant terrible d’un Paris terrible, et qui s’en est trop détournée.
Il a cité l’ingénieuse Lettre sur Saadi à M. de Voltaire, qui raconte à Voltaire, sous le nom de Saadi, sa propre histoire ; et enfin le jugement sur Voltaire, qui n’a pas bougé depuis qu’il fut écrit, et que les admirateurs de Voltaire lui-même sont obligés d’accepter comme le dernier mot sur un homme qui, à force d’esprit, s’est fait prendre frauduleusement pour un génie.
N’a-t-elle pas une initiative à prendre contre les préjugés d’opinion, les injustices et les jugements absurdes entretenus par les livres ou que les livres ne redressent pas ?
Il faut qu’un homme soit fièrement organisé pour juger sa maîtresse, et MM. de Goncourt n’ont pas cette faculté supérieure et cruelle du jugement.
L’ouvrage de M. l’abbé Gorini, malgré son titre, est moins un plaidoyer et un jugement après plaidoyer sur les choses de l’Église qu’un long mémoire à consulter.
Seulement, la raison du jugement surprenant que Rémusat a osé porter de cet homme, ce n’est pas autre chose que sa haine pour la Révolution française.
… Ainsi quelques-unes des parties du Samson, la Reconnaissance de Joseph par ses frères, le Jugement de Salomon, — où la vraie mère a une manière si passionnée de se jeter et de se traîner sur les genoux devant l’homme qui va fendre son enfant d’un seul coup de sabre, — mais dont le dessinateur se souviendra trop dans la Mort d’Athalie.
Or, pour juger cette inspiration, ne faut-il pas que la Critique ait un terme de comparaison et de jugement, et qu’elle indique une inspiration supérieure, si, dans ses convictions à elle, il y a une inspiration supérieure ?
Nous avions caractérisé leurs œuvres avec une sévérité qui nous avait trop coûté pour vouloir peser sur notre premier jugement.
C’est ainsi qu’un cardinal, qu’un ministre et qu’un prêtre faisait observer les lois dans les jugements.
Cette dernière espèce, la plus parfaite au jugement des philosophes de l’antiquité, ressemblait à celle que perfectionna le docte Molière. […] Jugement des anciens sur Térence, rangé au-dessous de Plaute et de quatre autres poètes. […] La différence des jugements de ce poète et de ceux du public éclairé lui fera penser que l’excellence du comique tient à des opinions si variables qu’elle n’est pas absolue, positive, et que l’art dans cette partie de la littérature est aussi conjectural que dans les autres qu’on accuse de l’être. […] Une pareille confusion des qualités diverses de chaque ouvrage cause la contradiction de tant de jugements portés au hasard et les doutes qui s’élèvent perpétuellement sur le bon et le mauvais. […] Si toutes les autres conditions qui constituent une vraie comédie étaient bien déduites de son examen, et bien exprimées, il n’y aurait plus tant de caprices dans les jugements : on saurait à quoi s’en tenir ; et l’omission d’une seule des lois requises marquerait où pèche un ouvrage.
Jugement auquel d’ailleurs notre histoire courante a rigoureusement souscrit. […] Un tel jugement ne peut provenir que de l’ignorance ou de l’inexacte appréciation des faits. […] Rien ne peut mieux caractériser que cette boutade du profond philosophe de l’histoire l’éloignement de la réalité en lequel nous nous tenons, et qui nous induit si fréquemment en de formidables erreurs de jugement. […] De ce côté, les peuples latins ont donné des témoignages d’une si extraordinaire folie, d’une si prodigieuse absence de jugement, que, pour les expliquer, on se trouve réduit à invoquer le Quos vuli perdere Jupiter dementat. […] Laissons là nos petits jugements de petits hommes à courte vue, notre ridicule égoïsme.
Une telle morale, laissant aux misérables lois humaines le soin des jugements inutiles, arrache à la vie l’essence même de la vie et la transporte en des régions supérieures où elle fructifie à l’abri des contingences, et des plus humiliantes, qui sont les contingences sociales. […] Les hommes seront-ils un jour des hommes, des êtres libres et si fiers qu’ils n’admettront d’autres jugements que les jugements de Dieu ? […] Cette réflexion (p. 142) résume assez bien l’état d’esprit d’André Walter : « Ô l’émotion quand on est tout près du bonheur, qu’on n’a plus qu’à toucher — et qu’on passe. » Il y a un certain plaisir à ne pas s’être trompé au premier jugement porté sur le premier livre d’un inconnu ; maintenant que M. […] S’il fallait, ce qui est bien inutile, s’exprimer plus clairement, on dirait que, de l’avis de quelques-uns, qui en valent peut-être beaucoup d’autres, toute l’histoire littéraire n’est, rédigée par des professeurs selon des vues éducatives, qu’un amas de jugements presque tous à casser et que, en particulier, les histoires de la littérature française ne sont que le banal catalogue des applaudissements et des couronnes échus aux plus habiles ou aux plus heureux.
Au théâtre, on ne voit plus un petit nombre de juges se rassembler solennellement, moins pour savourer une émotion que pour porter un jugement. […] À force de peindre on finirait par perdre l’habitude de juger, et qu’est-ce que la critique sans jugement ? […] Rigoureuse dans ses principes, la critique classique de notre époque réserve ses jugements les plus sévères pour les classiques eux-mêmes. […] Clarté, goût, jugement, tout y est requis avec une parfaite abnégation de soi-même. […] Pleine mer, plein ciel, la Trompette du jugement dernier, sont en dehors du temps.
Les premières craintes de l’accusation, la mine allongée des amis libéraux si hardis la veille, la saisie du pamphlet, le désespoir du libraire, père de sept enfants, la mise en jugement, le réquisitoire de M. le procureur du Roi, le plaidoyer piquant de M. Mérilhou, les idées et propos plaisants des jeunes avocats présents à l’audience, les étranges choses que ces propos révèlent avant, pendant et après le jugement ; voilà le cinquième acte, dont la dernière scène est l’écrou à Sainte-Pélagie pour un emprisonnement de quinze jours, suivi de la perte de tout espoir de voir à tout jamais la censure tolérer la représentation de ses comédies. […] Comme les uns ni les autres ne sont rien pour moi que par leurs écrits, en répétant le jugement du public, j’ai pu me considérer en quelque sorte comme étant déjà la postérité pour eux. […] Je ne vois qu’une ressource, il faut le refaire, il faut présenter à l’avide vanité de nos jeunes gens seize volumes de jugements tout faits sur toutes les questions littéraires qu’on est exposé à rencontrer dans les salons.
À plus forte raison, ces sensations isolées n’éveillent plus les images associées qui constituent la mémoire, la prévision, par suite les jugements, et tout ce cortège d’émotions, désirs, craintes, volontés, que développe la notion du danger prochain ou du plaisir futur. […] En effet, toutes les images dont l’enchaînement irrégulier fait le rêve et dont l’enchaînement régulier fait la veille étaient absentes ; il ne restait que des sensations rares, intermittentes, celles que l’expérimentateur éveillait, et, avec elles, les tendances sourdes et les mouvements involontaires qui les suivent. — Une poule survécut dix mois à la même mutilation, et, au bout du cinquième mois, était grasse, très forte, très saine ; mais les instincts, la mémoire, la prévision, le jugement étaient abolis. […] Les effets qui résultent de la lésion du cerveau ont quelque analogie avec ceux qu’amène le progrès de l’âge ; le malade ne conserve que le souvenir des impressions récentes, et oublie celles qui sont d’une date plus ancienne… Parmi les malades, les uns ont toujours par la suite la mémoire imparfaite… Dans certains cas particuliers, les malades ne peuvent plus se servir du mot propre pour exprimer leurs idées ; souvent le jugement est affaibli ». — D’autres atteintes portées au cerveau par un intermédiaire produisent des effets semblables ; on connaît l’évanouissement qui suit les grandes pertes de sang, le désordre d’idées qu’entraîne l’ivresse, la stupeur qu’engendrent les narcotiques, les hallucinations qu’amène le haschich, l’excitation d’esprit que développe le café, l’insensibilité que provoquent le chloroforme et l’éther130. — En résumé, l’altération des lobes cérébraux a pour contrecoup l’altération proportionnée de nos images. […] Cas analogue d’un enfant de quatre ans et demi dont une balle avait traversé les deux tempes, et qui vécut encore vingt-six jours, jouissant de tout l’ensemble de ses facultés intellectuelles, mémoire entière, jugement sain, caractère semblable à celui qu’il avait avant l’accident.
Après la représentation, le roi, qui n’avait point encore porté son jugement, eut la bonté de dire à Molière : « Je ne vous ai point parlé de votre pièce à la première représentation, parce que j’ai appréhendé d’être séduit par la manière dont elle avait été représentée ; mais, en vérité, Molière, vous n’avez encore rien fait qui m’ait plus diverti, et votre pièce est excellente. » Molière reprit haleine au jugement de Sa Majesté ; et aussitôt il fut accablé de louanges par les courtisans, qui tout d’une voix répétaient, tant bien que mal, ce que le roi venait de dire à l’avantage de cette pièce. « Cet homme-là est inimitable, disait le même duc de… ; il y a un vis comica dans tout ce qu’il fait que les anciens n’ont pas aussi heureusement rencontré que lui. » Quel malheur pour ces messieurs que Sa Majesté n’eût point dit son sentiment la première fois ! […] Mais vous savez qu’il est des choses dans la vie Qu’on ne peut excuser, quoiqu’on en ait envie ; Et je me vis contrainte à demeurer d’accord Que l’air dont vous vivez vous faisait un peu tort ; Qu’il prenait dans le monde une méchante face ; Qu’il n’est conte fâcheux que partout on n’en fasse ; Et que, si vous vouliez, tous vos déportements Pourraient moins donner prise aux mauvais jugements. […] Élève de Molière, elle devint une excellente actrice: sa voix était si touchante, qu’on eût dit, suivant un auteur contemporain, qu’elle avait véritablement dans le cœur la passion qui n’était que dans sa bouche. « Remarquez, dit-il, que la Molière et La Grange font voir beaucoup de jugement dans leur récit, et que leur jeu continue encore lors même que leur rôle est fini.
Quel jugement porteroient-ils des Auteurs & des spectateurs ? […] L’éclair qui l’annonce, les idées qu’il conçoit, les pensées qui l’agitent ou qu’il produit, le jugement qui le conseille, le goût qui le guide, l’imagination qui l’embellit en agrandissant tous les objets intellectuels ou sensibles, la mémoire, ce miroir utile & officieux, qui les lui rappelle à son gré ; toutes ces admirables qualités ne sont-elles pas relatives au plus ou moins d’instruction, & par conséquent bornées au produit de l’éducation ? […] Elle se faisoit un jeu de la lecture des meilleurs Auteurs de l’Antiquité Grecque & Latine ; elle s’en nourrissoit, & l’on voyoit avec plaisir l’esprit se développer, le jugement se former, le goût devenir pur & solide. […] Comme il est vide, ses idées toujours vagues, quelquefois brillantes, ne sont jamais solides : présomptueux, il croit saisir tous les objets qu’il n’est pas capable d’atteindre ; superficiel, il les effleure tous & n’en embrasse aucun : fier, autant de ce qui lui manque, que de ce qu’il posséde, il s’arroge la supériorité, prend le ton, prononce & décide en maître ; son goût est toujours ou faux, ou bizarre, ou frivole : esclave de l’imagination, il en est tyrannisé & séduit tour-à-tour ; sans jugement & sans principes, il se laisse emporter au premier vent des opinions, l’erreur l’entraîne, & c’est envain que la raison & la vérité tentent de le ramener : il est trop aveuglé pour les reconnoître ; il n’est pas assez fort pour rétrograder sur lui-même.
VI, § 8], mais, en fait, constant, l’audition d’une voix secrète qui formule sans cesse en paroles nos conceptions et nos jugements ; comme d’ailleurs la plupart de nos sentiments et de nos volontés deviennent, en se faisant sentir à la conscience, des objets de la pensée, il est peu de faits, parmi ceux que nous croyons nôtres, qui iraient leurs correspondants dans la série des mots intérieurs ; les plus habituels, les plus faibles, les plus obscurs, font seuls exception ; la conscience est souvent plus riche que la parole2 ; mais la parole s’efforce toujours à l’exprimer ; dans cet effort, elle ne se repose jamais, et, si elle n’exprime pas tout, elle exprime toujours. […] Aristote, comme Platon, ne fait qu’une métaphore lorsqu’il dit : « Toutes les fois qu’un homme se souvient d’une chose, il se dit en lui-même […] qu’il a déjà ouï dire, perçu ou pensé cette chose7 » ; car le jugement de reconnaissance est justement de ceux qui, la plupart du temps, ne sont pas exprimés intérieurement [ch, II, § 9] Aristote a pu, avec beaucoup d’autres, omettre d’observer un fait important ; nous ne pouvons lui attribuer une observation radicalement fautive. […] De plus, il y a quelque chose que nous savons être contenu dans le discours, … l’affirmation et la négation ; quand cela se fait en silence dans l’âme par la pensée […], il faut l’appeler opinion […], … et imagination quand cet état de l’âme n’est pas l’ouvrage de la pensée, mais de la sensation » ; etc. — Théétète, p. 189-190 : « J’entends par pensée… un discours que l’âme s’adresse à elle-même sur les objets qu’elle considère… ; il me paraît que l’âme, quand elle pense, ne fait autre chose que s’entretenir avec elle-même, interrogeant et répondant, affirmant et niant, et que, quand elle se décide, … c’est cela que nous appelons juger ; ainsi juger, selon moi, c’est parler, et le jugement […] est un discours prononcé, non à un autre de vive voix, mais en silence et à soi-même […] ; juger qu’une chose est une autre, c’est se dire à soi-même que telle chose est telle autre » ; etc. — Cf. […] Elle explique sans doute pourquoi dans le Sophiste, aux alentours du passage cité, Platon admet, non par métaphore, semble-t-il, mais à parler rigoureusement, que le discours peut être vrai ou faux, comme le jugement.
Les Pacifiques m’apparaissent, à cet égard, l’œuvre majeure de Han Ryner, non pas œuvre majeure dans l’absolu de mon jugement, car j’ai trop le goût de l’abstraction, pour ne pas suivre Psychodore et les Paraboles Cyniques avec une joie d’algébriste au milieu de ses équations. […] Si des critiques essaient de tirer de ce côté le jugement et l’attrait des lecteurs, ils se trompent et ils sont injustes. […] Ils sentaient que le plus détaché d’entre eux se mettait encore dans des lisières terriblement positives en comparaison de toi et il leur arriva d’en abuser dans leurs jugements. […] Il souligne que « [d] es milliers de personnes sont fusillées sans jugement », ce à quoi M.
Et elle ne commence enfin d’être elle-même qu’autant qu’elle monte sur la scène pour s’exposer au jugement des spectateurs assemblés. […] Rigal, nous saurons désormais ce qu’il nous faut penser de ces jugements, ou plutôt de ces exécutions sommaires. […] Lorsque Hardy s’avisa, en 1623 seulement, de soumettre son œuvre au jugement des lettrés, il y avait près de trente ans qu’il travaillait sans se soucier de leur opinion, et la preuve, c’est que, quelque idée qu’il se fit de lui-même, il ne trouva que quarante et une de ses cinq ou six cents pièces qui lui parussent dignes de l’impression. […] Nous proposons la question ; nous ne voudrions pas prendre sur nous de la décider, ni de réformer le jugement de Mérimée et de M. […] Assez et trop longtemps, sous le prétexte « d’imiter le Créateur de l’univers », les hommes, obéissant on ne sait à quels « dégarnis de bon jugement et de sens commun », ont marché « les pieds en l’air, la tête en bas », et vécu comme à contresens de la Nature et de la vérité.
Moi, critique, qui la fourre dans mes jugements et sentences, je fais comme un pauvre chirurgien qui soigne ses malades, panse, saigne et tranche avec une sensibilité qui s’y dépense douloureusement et stérilement.
Il faut dans la comédie que celui qui se joue lui-même paraisse manquer de jugement… le poète doit exprimer son idéal en l’alliant à des grimaces de singe et à un langage de perroquet… Il doit savoir écrire sa propre écriture à rebours.
Et s’y l’on m’y force, je suis contraint, assez ineptement, d’en tirer quelque matière de propos universels, sur quoy j’examine son jugement naturel : leçon qui leur est autant incognue, comme à moi la leur. » Il a bien soin pourtant de montrer qu’il s’y entend aussi bien qu’un autre, et de relever les traits d’érudition qui peuvent faire honneur à son savoir ; pourvu qu’il soit bien entendu qu’il n’en fait aucun cas, et qu’il est au-dessus de ces pédanteries.
C’est en parlant des satires de Boileau contre eux, que Montausier mécontent avait prononcé ce jugement mis en vers par Boileau lui-même : Tout n’en irait que mieux, Quand de ces médisants l’engeance tout entière Irait, la tête en bas, rimer dans la rivière.
On sçoit que son principal mérite étoit le jugement & le goût.
Dryden, au jugement même de ses compatriotes, a-t-il copié les auteurs françois dans des ouvrages qu’il donnoit pour être de son invention ?
« Ce jugement de Bossuet, dit-il, est inacceptable. » On peut le déclarer inacceptable tant qu’on voudra ; on n’empêchera jamais de bons critiques de le trouver parfaitement acceptable.
Mais ce serait porter un jugement ridicule, que de donner en général la préférence aux uns ou aux autres.
Toute œuvre, du reste, et c’est le cas pour la peinture, ne manifeste guère ces caractères intellectuels : le raisonnement juste ou fautif, le jugement sain ou faux, la faculté forte ou faible de généralisation, etc.
Seulement, commencé par l’ivresse de l’espérance, ce livre, qui n’embrasse qu’un si petit nombre d’années, finit bientôt par le jugement du désespoir.
C’est un esprit qui a la prudence de sa timidité, une jeune chauve-souris d’entre-deux, qui n’est ni souris ni oiseau dans ses jugements littéraires, et qui n’a trouvé rien de mieux, pour éviter l’inconvénient des partis extrêmes et des points de vue absolus, que de se blottir dans la toile d’araignée de cette distinction : il y a précieuses et précieuses, comme il y a fagots et fagots !
En effet, avec tout ce qui fausse ou entrave en toute chose le jugement des hommes, avec tout ce qui cache à leurs faibles yeux la pointe de la vérité, avec tous les impedimenta de l’histoire, et les passions, et les partis, et les dauphins, et leurs précepteurs, et les bourgeois qui ont remplacé les dauphins, et les Martin qui ont remplacé les Bossuet, ce n’est pas qu’il y ait dans l’histoire quelques déplacements d’anecdotes, quelques reflets des autres temps, quelques inventions, quelques préjugés, quelques misères, qui doit étonner, mais c’est plutôt qu’il n’y en ait pas beaucoup plus !
On pourrait peut-être l’éclairer encore par l’aperçu, par l’originalité du jugement ; mais, pour cela, il faudrait une impartialité et une profondeur que depuis longtemps Michelet ne possède plus.
Et si nous disons, nous, chrétiens, qu’un jour nous aurons à répondre devant Dieu de nos actions et paroles oiseuses, nous demandons ce que ceux-là qui étaient nés et faits pour gouverner les hommes et qui passèrent ainsi toute leur vie dans des méditations ou des souvenirs de maîtres à danser, répondront, en attendant le jugement de Dieu, devant l’histoire… ?
Ils furent comme la semaille des dents de ce nouveau dragon de Cadmus… Il y eut, dans des camps d’opinions différentes : Suleau, Loustalot, Camille Desmoulins, Mallet-Dupan, Rivarol, Champcenetz, Mirabeau lui-même qui s’en mêla, et Mirabeau Tonneau, son frère, et, parmi eux, le plus noblement désintéressé des partis qui souillaient tout alors, le plus pur, le plus probe et le plus sublimement énergique, André Chénier, qui mourut pour l’avoir été… Tels furent les premiers clairons de cette légion de trompettes qui sonnèrent la diane de la Révolution, et qui continueront, je le crains bien, de sonner l’anarchie, jusqu’à la trompette, qui les fera taire enfin, du jugement dernier !
Pascal, en effet, a été plus retrouvé, plus restauré, plus raconté que jugé de ce jugement définitif et suprême qui donne la raison suffisante d’un homme ; il a produit plus d’étonnement que d’admiration encore, et presque plus de frayeur que d’étonnement.
Lui, c’est un artiste en histoire bien plus qu’un historien, et il faut être précis dans le maintien de cette distinction… Les historiens ont des jugements, et des passions, et des convictions, et des partis pris et des polémiques… Ils font incessamment acte de cerveau, à chaque minute de la durée ; mais le coloriste que voici ne fait, lui, qu’acte de pinceau.
craint-on de prévenir l’esprit du lecteur et de nuire à l’indépendance de son jugement, à la liberté de sa pensée ?
Non : les mœurs changent, les formes politiques s’altèrent, les langues se détruisent, et la transplantation des races peut accroître et hâter toutes ces mutations inévitables ; mais l’âme humaine, avec ses points divers et ses touches sonores de sensibilité, de jugement et d’imagination, ne change pas, ne dégénère pas, ne perd aucune des conditions de sa puissance.
Taine a justifié par sa vie entière la justesse du jugement porté sur lui par M. […] Il était vis-à-vis d’elle comme un fils tendrement dévoué à sa mère, mais qui serait séparé d’elle par de cruels malentendus, par une foncière incompatibilité d’humeur, et à qui son amour même inspirerait des jugements sévères et douloureux. […] Telle a été la raison de la sévérité excessive de ses jugements sur la France de la Révolution. […] On l’admire, on l’écoute, tantôt avec une émotion bienveillante, tantôt avec une curiosité avide et parfois indiscrète ; mais on ne peut pas lui abandonner la direction de son jugement et de son intelligence. […] Il ne nous donne pas sur les événements historiques le jugement définitif d’une critique prudente et exacte ; il nous y fait participer avec les passions d’un contemporain.
La cervèle se prend aussi pour l’esprit, le jugement ; ô la belle tête ! […] Au contraire, quand on dit, c’est un home de tête, c’est une bone tête, on veut dire que celui dont on parle, est un habile home, un home de jugement. […] sors signifie encore jugement, arrêt, c’étoit le sort qui décidoit chez les romains, du rang dans lequel chaque cause devoit être plaidée : ainsi quand on a dit sors pour jugement, on a pris l’antécédent pour le conséquent. […] Le défaut de jugement qui empêche de sentir ce qui est ou ce qui n’est pas à propos, et le desir mal entendu de montrer de l’esprit et de faire parade de ce qu’on sait, enfantent ces productions ridicules. […] Il n’y a rien de si naturel que la logique et les principes sur lesquels elle est fondée ; cependant les jeunes logiciens se trouvent come dans un monde nouveau dans les premiers tems qu’ils étudient la logique, lorsqu’ils ont des maitres qui comencent par leur doner en abrégé le plan général de toute la philosophie ; qui parlent de science, de percéption, d’idée, de jugement, de fin, de cause, de catégorie, d’universaux, de degrés métaphysiques, etc., come si c’étoient là autant d’êtres réels, et non de pures abstractions de l’esprit.
Un jugement prononcé avec tant de légèreté ne mérite pas d’être discuté. […] Ni les poèmes, ni les discours de son héros ne sont soumis à notre jugement, et nous sommes réduit à les admirer sur parole. […] Vasari n’a de valeur que pour les renseignements biographiques : ses jugements sont empreints d’une emphase uniforme. […] Si ce jugement paraît sévère aux esprits inattentifs, j’ai la ferme confiance qu’il paraîtra juste aux esprits sérieux. […] La narration est le but principal ; le jugement des faits est-il interdit à l’historien ?
Après ça le jugement n’est pas de l’homme. […] Il ne suffit pas même qu’il soit sûr de Dieu c’est-à-dire du jugement que Dieu porte sur lui et de la connaissance que Dieu a de lui. Il faut encore qu’il soit sûr d’un jugement infirme parce que c’est tout de même un jugement d’honneur. […] Même envoyée de Dieu elle sollicite comme un jugement de Dieu. […] C’est la formule même du jugement de Dieu.
… Le goût est en quelque manière le microscope du jugement ; c’est lui qui met les petits objets à sa portée, et ses opérations commencent où s’arrêtent celles du dernier. […] Du reste, une des qualités d’André Chénier, qualité qu’il possédait à l’égal des plus grands esprits, était une rectitude de jugement remarquable. […] quel jugement feraient-ils de moi ? […] Plutarque méprisait l’érudition, mais voulait avoir du jugement. […] Victor Cousin a résumé le jugement qu’on doit porter sur lui : « Rousseau, dit-il, n’en est pas moins, comme Tacite, un grand écrivain.
Je voulais d’abord étudier la question du roman dans ce seul ouvrage de Victor Hugo ; les observations d’un ami dont j’estime le jugement m’ont décidé à élargir le cadre de cette étude, pour y placer un travail général sur le roman contemporain entre 1848 et 1864. […] Ce temps a laissé dans les esprits une impression si profonde, que le jugement qu’on avait porté sur l’époque précédente en a été profondément modifié. […] Ce qui caractérise George Sand, c’est l’alliance d’un grand talent avec un faible jugement et un esprit profondément chimérique. […] L’auteur, parmi d’autres prétentions, a celle d’avoir fait un roman moral, et il prend d’avance l’attitude d’un auteur incompris devant ceux qui refuseraient d’acquiescer au jugement qu’il porte sur lui-même. […] Mais ceux dont le jugement est plus ferme et plus formé éprouvent une véritable fatigue, malgré les agréments de la composition et du style, à suivre l’auteur dans le développement de ce petit drame où la fantaisie déborde et où la vérité tient si peu de place.
» Des jugements très-particuliers sur les divers traducteurs italiens les plus admirés montrent à quel point ces questions de style l’occupaient, et combien il travaillait déjà à tremper le sien. […] Ce sont, assure-t-on, les plus importants parmi ses travaux de ce genre ; le jugement de Niebuhr nous dispense d’y insister davantage. […] Tel est le point de vue de Leopardi, le pôle fixe auquel il rapporte désormais tous ses jugements et ses sentiments.
Elle l’accueillit comme sa propre gloire et voulut le venger des critiques jalouses des Toscans et des Romains, exprimés avec mépris dans un jugement de l’Académie florentine de la Crusca, contre la Jérusalem. […] On est fâché que le Tasse n’ait pas donné quelque souvenir aux patriarches : le berceau du monde, dans un petit coin de la Jérusalem, ferait un assez bel effet. » Ce jugement est d’un chrétien plus que d’un poète. […] « J’ai demandé à être transporté au monastère de Saint-Onufrio, non pas seulement parce que l’air, au jugement des médecins, y est le plus pur de Rome, mais aussi et surtout afin de pouvoir de ce lieu élevé, et grâce aux dévots religieux de ce couvent, y commencer de plus près mon entretien avec le ciel.
« Il sera bien difficile, a dit Goethe, que le public allemand arrive à une espèce de jugement sain, comme cela existe à peu près en Italie et en France. […] Dans son inconcevable poème du Jugement dernier, il a écrit l’œuvre extrême qu’il pouvait écrire. » L’entretien se tourna ensuite sur le poète italien Torquato Tasso, et sur ses différences avec Byron. […] « Laissez-la fichée, me dit Goethe, elle y restera pendant quelques jours et sera un souvenir de notre partie. » XI Un second jugement de lui sur Byron est d’une justesse qui diminue l’enthousiasme, le voici : Il n’est pas juste que la haine et l’immoralité reçoivent la récompense de la charité et de l’amour.
J’ai évité de le répandre sous cette forme, me défiant d’une traduction incomplète et imparfaite, et craignant de demander aux personnes qui veulent bien s’occuper de mes écrits un jugement prématurée Mais, peu de temps après, j’ai lu cet essai, sous sa première forme, à l’Académie des sciences morales et politiques ; il, y fut écouté avec une attention bienveillante qui m’encourage et dont je m’honore. […] C’est plutôt par des jugements et par des pensées, par mes idées et par leur forme qu’en ce travail, comme partout, je m’efforce bien ou mal, d’être assez neuf ou assez intéressant pour mériter l’attention des quelques lecteurs dont l’approbation m’est chère. […] Il n’est pas douteux que Swift l’aimait ; mais rompre avec Stella et épouser Miss Vanhomrigh, était au-dessus de ses forces ; il voyait aussi dans cette action la ruine de sa réputation, et une prise offerte aux sévères jugements du monde.
À ce jugement un seul peut être rapproché, pris dans la même feuille (8 février) : L’ouverture des Maîtres Chanteurs ne ressemble guère à une ouverture d’opéra-comique : c’est une grosse machine, lourdement orchestrée, brutale d’effets, d’une harmonie touffue, dépourvue de délicatesse et d’élégance… (Signé, H. […] Fétis est connu comme adversaire de l’idée wagnérienne ; néanmoins, son jugement, avec beaucoup de réserves, est favorable. […] On remarquera que Saint-Saëns ou Joncières opposent à ce jugement leur… patriotisme.
Tantôt sa voix expire dans des tenues prolongées, comme si ses forces physiques l’abandonnaient à cette cruelle tâche ; tantôt sa force d’âme vient les ranimer, et avec des accents de plus en plus émouvants et pénétrants, elle atteste les Cieux et la terre que l’inflexibilité serait sacrilège ; elle devient inspirée pour désarmer une farouche indignation, et commande au nom du Rédempteur lui-même de renoncer à l’iniquité d’un jugement prématuré. […] Ainsi sont nées les Notions, groupes de sensations abstraits, généraux, fixés dans l’esprit par des noms ; et ce qu’on appelle la vie intérieure, la pensée, le jugement composé, le raisonnement : c’est un mode nouveau de la vie, issu logiquement de la sensation. […] La partie spécialement biographique est faite surtout avec des lettres du Maître : la partie critique avec les jugements de Richard Wagner très habilement réunis et cités.
Le langage d’Aristophane sent son misérable Charlatan ; ce sont les pointes les plus basses & les plus dégoutantes ; il n’est pas même plaisant pour le peuple, & il est insupportable aux gens de jugement & d’honneur ; on ne peut souffrir son arrogance & les gens de bien détestent sa malignité. […] Le plan & la conduite en sont admirables, & supposent un Poëte qui avoit autant de jugement que d’imagination. […] Et comme c’est le même goût qui regne dans ces deux ouvrages, vous pouvez appliquer au second le jugement que j’ai porté du premier.
C’est dans ce portrait surtout qu’il faut étudier les véritables opinions de Tacite : on se caractérise par ses amitiés ; on se juge par les jugements qu’on porte sur les autres. […] L’invective, dans Tacite, n’est pas moins vengeresse que son jugement n’est impartial dans le récit : « Un misérable, nommé Régulus, frère de Messala, a brigué sous Néron le rôle de délateur ; il a perdu, par ses délations, d’illustres familles, il s’est engraissé de leurs dépouilles.
On leur pose alors, pour les embarrasser, la terrible question du jugement et du supplice du roi. […] Le jugement final porté par moi dans les Girondins sur cet homme, sur ses systèmes et sur ses actes, est trop implacable de sévérité pour qu’on puisse m’imputer aucune complicité d’idées ou aucune intention d’atténuation de ses immanités, juste horreur des siècles.
Il dit que “si jamais d’insignifiants bavards, étrangers à toute connaissance mathématique, avaient la prétention de porter un jugement sur son ouvrage, en torturant à dessein quelque passage des saintes Écritures ( propter aliquem locum Scripturæ male ad suum propositum detortum ), il méprisera ces vaines attaques. […] Afin de prouver que, quant à lui, profondément pénétré de la justesse de ses résultats, il ne redoute aucun jugement, du coin de terre où il est relégué, il en appelle au chef de l’Église et lui demande protection contre les injures des calomniateurs.
Qui ne sent l’absurdité d’une pareille supposition, et quel homme de bonne foi, en comparant les paroles du poète et ses actions, en opposant tous les vers où il exprime sous son propre nom ses propres impressions à ceux où il exprime les sentiments présumés de son personnage, quel homme de bonne foi, disons-nous, pourra suspendre son jugement ? […] Dans sa fiction, son héros et lui parlent de principes trop opposés pour se rencontrer jamais dans un jugement semblable.
Rien n’a de substance ni de réalité ; toute chose est le rêve d’un rêve ; et la Vision de Brahma est un obscur poème qu’il faut lire sous le poids d’un grand soleil, quand la tête se vide, quand la mémoire fuit, quand la volonté se dissout, quand on reçoit des objets voisins des impressions si intenses qu’elles tuent la pensée, quand on sent sur soi de tous côtés la molle pesée de la vie universelle et que le moi y résiste à peine et voudrait s’y perdre tout entier, quand la vie arrive à n’être plus qu’une succession d’images sur lesquelles ne s’exerce plus le jugement et que l’on conserve juste assez de conscience pour souhaiter qu’elle s’évanouisse tout à fait, parce qu’alors il n’y aurait plus rien, plus même d’images, et que cela vaudrait mieux. […] Savez-vous bien que cela suppose deux sentiments éternels et très humains, portés l’un et l’autre au plus haut degré : le désenchantement de la vie, et, seul remède durable, l’amour du beau, et du beau sans plus : j’entends le beau plastique, celui qui est dans la forme et qui peut se passer de la notion du bien, celui qu’on sent et qu’on reconnaît indépendamment de tout jugement moral, sans avoir de haine ou d’amour pour ce qui en fait la matière, que ce soit la Nature ou les actions des hommes ?
Goethe a su joindre à cette peinture des inquiétudes de l’âme, si philosophique dans ses résultats, une fiction simple, mais d’un intérêt prodigieux3. » Ce jugement de madame de Staël est profond et parfait pour l’époque où elle écrivait. […] Plus avancés aujourd’hui, nous devons porter sur ce livre un jugement plus philosophique encore, en le rattachant à toute la littérature contemporaine.
Pour les romantiques et les parnassiens, il n’y a rien à dire aux choix ni aux jugements : ici, M. […] Mais, dame, quand il s’agit de gens qui ne sont pas encore classés et nettement définis, il n’y a pas de sa faute s’il est un peu gauche et un peu lent à exprimer quelque chose qui ressemble de loin à un jugement presque personnel.
Les institutions, pour renaître, ont besoin de bonne renommée ; elle perdit de renommée la démocratie en la souillant du sang de ses milliers de victimes ; elle jeta des têtes sans compter à la Terreur, comme on jette des lambeaux de ses vêtements à la bête féroce par qui on est poursuivi pour lui échapper ; elle appela le peuple au spectacle quotidien de la mort sur la place publique ; elle commença par un massacre de trois mille prisonniers sans jugement aux journées de septembre, cette Saint-Barthélemy de la panique ; elle finit par un massacre le 9 thermidor : sa seule institution fut l’échafaud en permanence. […] Nous ajournons sans hésitation et sans crainte ceux qui nous reprochent notre innocence aux épreuves et au jugement des démocraties à venir.
En effet, je les ai vus tous se conformer à son goût, s’instruire à ses critiques quelquefois très bruyantes, et ne pas appeler même de son jugement. […] Si, tout en reconnaissant, Monsieur, la richesse de votre imagination, je vous ai fait en même temps connaître la faiblesse et l’immoralité de vos conceptions dramatiques, c’est que je suis certain d’avance qu’il n’est pas un homme de goût qui ne confirme mon jugement.
J’ai eu beau me tâter, je n’ai pu me repentir ; mais, mon cher directeur, je suis pourtant resté un peu effrayé de voir à quel point la critique littéraire devient difficile, quand on n’y veut mettre ni morgue ni injure, quand on réclame pour elle une honnête liberté de jugement, le droit de faire une large part à l’éloge mérité, de garder une sorte de cordialité jusque dans les réserves, Depuis, en effet, que j’ai parlé des deux romans qui, dans ces dernières années, ont le plus piqué l’attention du public et auxquels je n’avais accordé, ce me semble, que des éloges motivés et tempérés, je n’ai cessé, en toute occasion, d’être dénoncé par des confrères vigilants comme un critique peu moral, presque un patron d’immoralité.
toujours contente de toi, te disant sans cesse que ta magistrature est la plus intègre, que ton armée est la plus brave, que ton clergé même est le plus pur, et à plus forte raison que ton jugement et ton goût dans les lettres et dans les études ne laissent rien à désirer !
Il y a un an environ, abreuvé de tous les dégoûts, renonçant par convenance et soumission au journal dont il avait cru l’action salutaire, voyant se disperser et se détacher même entièrement de lui des disciples si regrettables, il se mit, un matin d’été à la campagne, à vouloir déposer quelque part, pour lui seul, sa secrète pensée, son jugement amer sur le présent, son vœu et son coup d’œil d’apôtre touchant l’avenir.
Et, d’autre part, comme ces admirateurs plus tardifs, honteux tout bas de s’être fait tant prier, et n’en voulant pas convenir, acceptent le grand écrivain dans ses dernières œuvres au détriment des premières qu’ils ont peu lues et mal jugées, comme ils sont fort empressés de le féliciter d’avoir fait un pas vers eux, public, tandis que c’est le public qui, sans y songer, a fait deux ou trois grands pas vers lui, il est du ressort d’une critique équitable de contredire ces points de vue inconsidérés et de ne pas laisser s’accréditer de faux jugements.
Quel que soit le jugement définitif qu’on porte à ce propos, il faut rendre hommage à tant de conscience et d’étude dans un homme qui est, du reste, évidemment poëte, qui a un sentiment profond des choses, l’amour de la gloire, et le foyer des fortes passions.
Lors donc qu’on les expose encore naissants au regard d’un ami, il doit être toujours sous-entendu qu’on le consulte, et qu’après votre première émotion passée et votre rougeur, il y a lieu pour lui à un jugement.
. — Voir encore sur lui le jugement de d’Alembert et ses propres lettres dans le volume intitulé Correspondance inédite de madame Du Deffand (2 vol., 1809) ; l’opinion de d’Alembert sur le président s’y peut lire au tome I, pages 232 et 251.
Quel que soit le jugement à porter sur l’ensemble de cette science et sur les hautes prétentions qu’elle élève, elle n’est pas représentée dans l’idée vulgaire qui s’attache au mot d’éclectisme.
Hugo ; les jugements individuels peuvent être divers ; la sévérité littéraire peut trouver à s’exercer.
. — Couci couça », répond un plaisant du parterre, et ce mot, que l’oreille seule suggère, se trouve être un jugement sur la pièce, et la tue.
La Correspondance de Grimm590 est le chef-d’œuvre du genre : les princes qui s’y étaient abonnés sous la promesse du secret absolu, recevaient chaque mois toutes les nouvelles littéraires, dramatiques, philosophiques, politiques, mondaines, le jugement et l’analyse de toutes les publications importantes, le journal détaillé en un mot de la vie de Paris, avec laquelle ils restaient ainsi en communication constante.
l’annonce et l’expose par le comment et le pourquoi avant de l’accomplir, faut-il donc do toute nécessité que même les esprits les plus hauts et les plus fins du monde entrent en méfiance, laissent percer sous l’ambiguïté de leur jugement une vague accusation de pédantisme et se tiennent à peine de prononcer les mots sacramentels : absence d’inspiration ?
M. de Sacy s’entretenant avec Pascal appliquait à Montaigne un jugement de saint Augustin : « Il met dans tout ce qu’il dit la foi à part ; ainsi nous, qui avons la foi, devons de même mettre part tout ce qu’il dit. » C’est M. de Sacy, c’est la vieille gouvernante revêche qui, catholiquement parlant, avaient raison.