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1227. (1893) Du sens religieux de la poésie pp. -104

Ce don de la douleur qui double le prix de la joie et lui prête un caractère auguste. […] Ne serait-ce pas là un reflet du caractère d’absolu de la notion de beauté ? […] Observons-le : les révélations — je parle en général — ont ceci surtout d’essentiel et d’admirable, qu’elles concilient merveilleusement le caractère successif de l’esprit humain et le caractère absolu de la vérité : en supposant le problème résolu ! […] Il change seulement de caractère. […] La Beauté, par son caractère de constance, peut seule servir d’assise solide au progrès humain.

1228. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre I. De l’intensité des états psychologiques »

. — Il résulte de cette analyse que le sentiment du beau n’est pas un sentiment spécial, mais que tout sentiment éprouvé par nous revêtira un caractère esthétique, pourvu qu’il ait été suggéré, et non pas causé. […] Remarquons maintenant que beaucoup de sensations représentatives ont un caractère affectif, et provoquent ainsi de notre part une réaction dont nous tenons compte dans l’appréciation de leur intensité. […] Certaines sensations représentatives, celles de saveur, d’odeur et de température, ont même constamment un caractère agréable ou désagréable. […] Nous avons déjà dit qu’il fallait tenir compte du caractère affectif de ces sensations, de la secousse reçue par l’ensemble de l’organisme. […] On peut interpréter l’une par l’autre, ériger l’une en équivalent de l’autre ; mais, tôt ou tard, au commencement ou à la fin, il faudra reconnaître le caractère conventionnel de cette assimilation.

1229. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Ampère »

Ampère avait eu plus de cette volonté suivie, de ce caractère régulier, et, on peut le dire, plus ou moins ironique, positif et sec, dont étaient munis les hommes que nous avons nommés, il ne nous donnerait pas un tel spectacle, et, en lui reconnaissant plus de conduite d’esprit et d’ordonnance, nous ne verrions pas en lui le savant en quête, le chercheur de causes aussi à nu. […] Si son caractère intimidé se déconcertait et faisait faute, son intelligence gardait son audace. […] Des noms bien connus des Lyonnais, Journel, Bonjour et Barret (depuis prêtre et jésuite), tous caractères originaux et de bon aloi, en faisaient partie. […] Le caractère, estimable ou non, mais doué de conduite et de persistance même intéressée, quand il se joint à un génie incontestable, les frappe et a gain de cause en définitive dans leur appréciation. Je ne dis pas qu’ils aient tout à fait tort, le caractère tel quel, la volonté froide et présente, étant déjà beaucoup.

1230. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — I. Faculté des arts. Premier cours d’études. » pp. 453-488

Je crois qu’il est plus aisé d’apprendre l’arithmétique et la géométrie élémentaire qu’à lire ; les lettres de l’alphabet ont fait verser aux enfants plus de larmes comme caractères de l’écriture, qu’elles ne leur en feront verser comme signes algébriques. . […] Je renvoie sur ce point à l’endroit où j’esquisserai le caractère des auteurs grecs et latins. […] Caractère des auteurs grecs. […] Bion et Moschus touchent de près au ton et au caractère de Théocrite. […] Caractère des auteurs latins.

1231. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (1re partie). Littérature scientifique » pp. 221-288

Sa taille était petite, fluette, comme pour se glisser entre les personnages, un peu courbée par l’habitude courtisanesque d’un homme accoutumé aux prosternations dans les cours et dans les académies ; quelque chose de subalterne et d’en dessous était le caractère de cette physionomie. […] Dans les derniers temps, il éprouva de nombreuses indispositions, surtout des refroidissements, qui prirent chez lui le caractère de la grippe, et, toutes les fois que la nouvelle de sa maladie se répandait, tout le monde savant y prenait la part la plus affectueuse, les journaux en donnaient des bulletins, et les princes et les princesses s’informaient, ou par le télégraphe ou en personne, de l’état de sa santé. […] Dans une lettre rendue publique et qu’il écrivait au beau-frère d’Arago, il se plaignait avec raison en ces termes : “Me voilà tristement payé de mon zèle et de ma bonne volonté.” » XVIII On voit par le sourire sarcastique que l’ami de Berlin lui prête dans ses dernières années, que son caractère, tempéré par les dernières années, n’avait pas changé. […] Il restera quelques jours ici, et je sens déjà que ce sera pour moi comme si j’avais vécu plusieurs années avec lui. » Son caractère politique paraissait aussi éminemment propre à la diplomatie qu’à la science. […] Humboldt rétablit les caractères à la cour de Berlin, et le jeune et honnête diplomate y resta justifié et honoré comme il le méritait.

1232. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIIe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

L’Église, dans sa longue carrière, a subi diverses sortes de persécutions et essuyé bien des guerres : dans les siècles de sa formation, sous Julien, « elle fut exposée à une persécution du caractère le plus dangereux. […] Vers l’orient, au fond de la perspective, le soleil commençait à paraître entre les sommets brisés des Apalaches, qui se dessinaient comme des caractères d’azur dans les hauteurs dorées du ciel ; à l’occident, le Meschacebé roulait ses ondes dans un silence magnifique, et formait la bordure du tableau avec une inconcevable grandeur. […] « Mon humeur était impétueuse, mon caractère inégal. […] Voilà ton malheureux caractère, tes dégoûts, tes injustices. […] Il portait en secret un cœur compatissant, mais il montrait au dehors un caractère inflexible ; la sensibilité du Sachem le fit sortir du silence.

1233. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre II. Le quinzième siècle (1420-1515) »

Commynes : sa vie : son caractère, son intelligence ; les idées directrices de Commynes ; sa philosophie. […] Le xve  siècle continue et développe les caractères du xive  : épuisement, dissolution, ou monstrueuse déviation des principes vitaux du moyen âge, intermittente et comme inquiète éclosion de quelques bourgeons nouveaux, effort incomplet et encore entravé des formes futures vers la vie. […] Il n’a pas son pareil pour connaître les milieux où se meuvent les caractères, et les facilités ou les obstacles que leur jeu y rencontre : il est plus étonnant encore de perspicacité quand il sonde les âmes, mesure les esprits, et déduit les prolongements extérieurs de leur intime originalité qui viennent neutraliser ou fortifier la brutale action des choses. […] Sa foi donc est sincère : mais, comme il arrive toujours, elle se plie aux caractères du temps et de l’homme. […] Commynes est donc un grand esprit : goût pour les idées, goût pour les considérations abstraites et générales, psychologie pénétrante, essai d’une philosophie de l’histoire, voilà bien des caractères qui le recommandent à notre estime.

1234. (1894) Propos de littérature « Chapitre IV » pp. 69-110

Mais l’analogie ne peut s’établir directement entre l’attitude et l’harmonie, car à la Ligne c’est le Rythme qui répond ; cependant certains caractères communs les rapprochent. […] Un poème ainsi écrit manque de base tonale ; je l’ai déjà fait observer ailleurs, il contiendra des musiques plutôt que de la musique : car la musique suppose cette concordance des sons ininterrompue et comme organique, cette harmonie, que le rythme vivifie et dont il détermine la direction, mais qu’il ne peut entièrement remplacer sans enlever à l’œuvre son caractère de plénitude et de perfection. […] Il semble naturel que son caractère — car cela ne tient-il pas de l’instinct plutôt que de la raison ?  […] Les deux caractères précédents ne sont que les résultats de celui-ci, que l’on comprendra mieux si l’on se rappelle qu’un accord n’est pas toujours « plaqué », mais peut être écrit par harpèges ou par batteries et se résoudre en un trait. […] Il est certain, de plus, que toute vibration est un Rythme et qu’il n’y a point Harmonie sans vibration ; mais il en est de même de tout ce qui est couleur, chaleur, etc. ; je l’ai dit déjà, je ne prétends pas continuer les Éléates, cependant on peut faire abstraction d’un caractère lorsqu’il est commun à toutes choses.

1235. (1913) La Fontaine « VIII. Ses fables — conclusions. »

Cette fable, a pour intérêt de bien nous montrer, une fois de plus, le caractère même de La Fontaine, qui s’est soucié comme vous le savez des avantages de la fortune et de ses préférences, et qui a été celui qui a toujours attendu la fortune dans son lit. […] Le caractère de discours philosophique est encore plus marqué dans l’Astrologue qui se laisse tomber dans un puits. […] Belle journée d’automne où la nature est calme, reposée, silencieuse, pacifique, où les êtres jouissent du calme de l’atmosphère et du calme, tel qu’ils doivent l’imaginer, de l’univers tout entier, où les animaux, bien plus, les végétaux causent ensemble, se querellent amicalement, vont jusqu’à une légère dispute, échangent leurs impressions, montrent leur caractère, le chêne avec son orgueil et sa pitié plus ou moins simulée, plus ou moins factice pour le roseau ; le roseau, avec sa sagesse, sa résignation qui sait se soumettre aux chocs et qui s’incline. […] De cette école, quel était le caractère ? […] Je vous ai fait remarquer en passant cette invraisemblance des fables de La Fontaine sur certains caractères d’animaux et surtout sur certaines associations d’animaux : le lion associé avec la génisse, avec la brebis et avec la chèvre pour aller à la chasse d’un cerf, et puis l’Aigle et l’Escarbot, etc.

1236. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — II. (Suite.) » pp. 346-370

Roederer, dans son journal, plaisantait de cette faction nouvelle à laquelle, disait-il, on cherchait un nom et qui se composait de deux hommes « qui ne voient personne, qui ne se voient pas, et sont connus pour être d’un caractère très difficile à vivre ». […] Un publiciste grave qui a presque acquis dans ces derniers temps la valeur d’un historien, Mallet du Pan, tout en reconnaissant l’esprit et la capacité de Roederer58, a parlé très au hasard de son caractère et de ses intentions. […] Sans doute il avait coopéré par de bons conseils, car il n’avait dans Paris aucune influence, et par son caractère il était habituellement peu disposé aux négociations. […] Conseiller d’État et président de la section de l’intérieur depuis le 25 décembre 1799 jusqu’au 14 septembre 1802, ayant pris la plus grande part aux lois et aux projets administratifs qui s’y discutaient chaque jour, chargé en outre de missions et de directions importantes dans cet intervalle, il apprécia surtout le caractère et le génie civil du premier consul, et il a exprimé à cet égard son sentiment dans des notes éparses et vives, qui font le pendant et le contraste le plus parfait à la page que j’ai précédemment citée de lui sur la démocratie.

1237. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — L'abbé de Lamennais en 1832 »

C’est une aberration intellectuelle qui mène également, et par une pente rapide, à l’indifférence, une autre forme plus spécieuse qu’elle revêt, une autre injure au caractère sérieux et trois fois saint de la Vérité.  […] Tandis que pour cette tâche, en effet, M. de Bonald était trop purement métaphysicien, M. de Chateaubriand trop distrait et profane, M. de Maistre d’une lecture peu accessible et alors presque inconnu, voilà que s’élevait un théologien ardent, unissant la hauteur des vues au caractère pratique, écrivain, raisonneur et prêtre, empruntant à Port-Royal, aux gallicans et à Jean-Jacques les formes claires, droites et françaises de leur logique et de leur style, les emplissant par endroits d’une invective de missionnaire, catholique d’ailleurs en doctrine comme Du Perron et Bellarmin. […] Pour ceux qui cherchent dans les moindres détails des traits de caractère, ajoutons que M. de La Mennais, quand il était dans le monde, avait une passion extrême pour faire des armes, et qu’il donnait souvent à l’escrime des journées entières : ce sera un symbole de polémique future, si l’on veut. […] Ses passions profanes eurent sans doute elles-mêmes un caractère  d’autrefois ; il les combattit, il les balança longtemps, il les cicatrisa enfin par des croyances.

1238. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE BALZAC (La Recherche de l’Absolu.) » pp. 327-357

Et certes, si en parlant du lyrique Malherbe et surtout de l’autre Balzac, solennel pourtant, et si savant en beaux mots, le bon Tallemant a trouvé moyen d’amasser tant de traits piquants de caractère, d’enregistrer tant d’indiscrétions de langage, tant de superstitions fastueuses d’auteur et de jactances naïves, que n’aurait-il pas à moissonner d’abondant autour de chacun des nôtres ! […] Un trait du caractère de M. de Balzac, c’est, aussitôt qu’il écrit la première page d’un livre, d’avoir tout de suite trente autres volumes en idée devant lui, et de rêver ainsi des séries indéterminées qui doivent, en se rejoignant, former une œuvre immense106. […] Le Dernier des Chouans offre seul pour la première fois du pittoresque, de l’entente dramatique, des caractères vrais, un dialogue heureux ; par malheur, l’imitation de Walter Scott et de Cooper est évidente. […] Le caractère de Fédora, de cette Femme sans cœur, indique pourtant le peintre déjà initié à demi.

1239. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « UNE RUELLE POÉTIQUE SOUS LOUIS XIV » pp. 358-381

Un double caractère de cette petite école est d’être à la fois en arrière et en avant, de tenir à l’âge qui s’en va et au siècle qui vient, d’avoir du précieux et du hardi ; enfin, de mêler dans son bel-esprit un grain d’esprit fort. Ce dernier point n’est vrai que de quelques-uns sans doute, mais l’est assez pour qu’on y voie un trait de caractère. […] Elle cultiva précieusement Fléchier, qui le lui rendit ; Fléchier, caractère noble, esprit galant, qui n’a d’autre tort que d’avoir été trop comparé par les rhéteurs à Bossuet, qu’il fallait seulement (à part son éclair sur Turenne) rapprocher de Bussy, de Pellisson, de Bouhours, et dont le portrait par lui-même est bien la plus jolie pièce sortie de la littérature Rambouillet. […] Villemain, Tableau du dix-huitième Siècle, onzième leçon. — Il a eu raison dans tout ce qu’il a dit du style, mais il a été injuste en ce qui concerne la personne et le caractère.

1240. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « L’abbé Prévost »

L’admirable caractère de Tiberge, dans Manon Lescaut, en offre en action toutes les lumières et toutes les vertus réunies. […] Tandis que, dans ses romans postérieurs, il se perd en des espaces de lieu considérables et se prend à des personnages d’outre-mer, qu’il affuble de caractères hybrides et dont la vraisemblance, contestable dès lors, ne supporte pas un coup d’œil aujourd’hui, dans ces Mémoires au contraire il nous retrace en perfection, et sans y songer, les manières et les sentiments de la bonne société vers la fin du règne de Louis XIV. […] Le jeune Rosemont dans le plus haut rang, le chevalier des Grieux jusque dans la dernière abjection, conservent les caractères essentiels de ce type et le réalisent également sous ses revers les plus opposés. […] … Au reste, le caractère de Tiberge, ami du chevalier, est admirable… Je ne dis rien du style de cet ouvrage ; il n’y a ni jargon, ni affectation, ni réflexions sophistiques ; c’est la nature même qui écrit.

1241. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre premier. Mécanisme général de la connaissance — Chapitre premier. De l’illusion » pp. 3-31

Quand nous examinons notre perception des choses du dehors, nous sommes tentés de la prendre pour un acte simple et nu, dépourvu de tout caractère sensible, et même de tout caractère, sauf son rapport avec la chose qui est son objet. — Soit donnée une table : je la regarde, je la touche, je la perçois. En dehors de mes sensations tactiles et visuelles, je ne trouve rien en moi qu’un acte d’attention pure, acte spirituel, d’espèce unique, incomparable à tout autre. — Rien d’étonnant dans ce jugement ; si l’acte est spirituel et pur, c’est qu’il est vide ; nous l’avons vidé nous-même, en retirant de lui tous ses caractères, pour les poser à part et faire d’eux un objet. […] Par ces deux caractères, elle aurait été reconnue comme purement intérieure et aurait été distinguée de la sensation.

1242. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre II. La jeunesse de Voltaire, (1694-1755) »

Son établissement aux Délices (1755) partage nettement sa vie et son œuvre en deux, et chacune des parties offre les caractères généraux des parties correspondantes du siècle. […] C’est le caractère le plus mobile et le plus extraordinaire qu’il y ait : sensible, brusque, plein d’humeur, boudant toute une soirée pour un verre de vin du Rhin que Mme du Châtelet l’a empêché de boire parce que ce vin lui fait mal, se querellant sans cesse avec elle, déjà malade éternel, se droguant à sa fantaisie, se gorgeant de café, mourant et, l’instant d’après, vif et gaillard si un rien l’a mis en train : avec cela, travailleur acharné, infatigable. […] Il se dirige avec aisance à travers le chaos des faits, débrouille, déblaye, noie le détail, fait saillir l’essentiel, lie les effets aux causes, note les conséquences, définit les rôles, analyse les caractères : chaque chapitre est un chef-d’œuvre de lucidité, de rapidité et d’intelligence. […] J’en ai dit le caractère ; et l’on voit quel en sera le vice rédhibitoire : il est impossible de se faire l’historien du moyen âge, si l’on est de parti pris, par une détermination rationnelle, l’irréconciliable ennemi du christianisme.

1243. (1921) Enquête sur la critique (Les Marges)

Sa conscience le met à l’abri des tentations, son caractère l’élève au-dessus de son temps, son goût est entretenu par la seule lecture des maîtres. […] Sauf une ou deux exceptions de caractère politique (chacun son domaine !) […] Je ne serais pas surpris qu’elle sût de nouveau imposer son autorité : il suffira de quelques critiques décidés, possédant, avec de l’instinct et du talent, du caractère. […] Montfort ajoute : « Du caractère. » De toutes les réponses qui nous ont été faites sur cette question, l’une des plus curieuses, et qui mérite le mieux d’être soulignée, est celle de M. 

1244. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Bussy-Rabutin. » pp. 360-383

Mais il s’aliénait vite par ses médisances et par son caractère les généraux qu’il était le plus fier d’avoir pour ses juges. […] Il avait de la foi et de la probité aux grandes occasions, et il était né insolent et sans égard mais l’adversité lui avait appris à vivre… On voit que Bussy avait le talent de peindre les physionomies et les caractères, et d’assembler les contraires dans un même point de vue, sous un même coup d’œil. […] Diseur de bons mots, mauvais caractère , a dit Pascal : Bussy vint à point pour expliquer cette pensée. […] En général, Bussy peut être frondeur et imprudent, mais il n’est pas menteur : « Et pour faire voir, dit-il encore, que c’est plutôt par amour pour la vérité que je parle, que par aucune malignité de naturel, je dis du bien, quand j’en trouve, de la même personne de qui j’ai dit du mal. » C’est en ce point que le jugement de Bussy vaut mieux que son caractère.

1245. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — I. (Dialogues inédits.) » pp. 1-28

Les Correspondances du père et de l’oncle du grand tribun, la Notice sur son grand-père, et en général toutes les pièces qui font le tissu de ces huit volumes, ont révélé une race à part, des caractères d’une originalité grandiose et haute, d’où notre Mirabeau n’a eu qu’à descendre pour se répandre ensuite, pour se précipiter comme il l’a fait et se distribuer à tous, tellement qu’on peut dire qu’il n’a été que l’enfant perdu, l’enfant prodigue et sublime de sa race. […] Il avait les gros yeux de la race, et qui, charmants dans les portraits de ses père, oncle et aïeul, le devenaient aussi chez lui toutes les fois qu’une femme s’oubliait à le regarder : « Ce sont ces certains yeux couchés, disait-il, que, sur mon honneur, je ne saurais appeler beaux, dusses-tu me battre (c’est à Sophie qu’il écrivait cela), mais qui enfin disent assez bien, et quelquefois trop bien, tout ce que sent l’âme qu’ils peignent. » Il tenait pourtant de sa mère (Mlle de Vassan) des caractères qui gâtaient fort et qui ravalaient même, disait son père, la hauteur originelle du type, qui en altéraient certainement la noblesse, mais qui en corrigèrent aussi la dureté. […] J’ai sous les yeux une espèce de lettre d’elle à Mirabeau, écrite à ce moment, et de sa meilleure écriture, d’une écriture d’enfant, sans orthographe, mais avec un caractère visible d’ingénuité. […] Il le fait de cette façon directe, didactique, indélicate, qui est proprement le caractère et l’affiche de la passion au xviiie  siècle.

1246. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre III : Examen de la doctrine de Tocqueville »

La France, qui, depuis le xviiie  siècle et surtout de nos jours, a les principaux caractères d’une société démocratique, a établi chez elle la liberté religieuse, et c’est une des conquêtes de 89 auxquelles elle est le plus attachée. […] Si nous essayons de résumer cette analyse de l’œuvre accomplie par M. de Tocqueville comme publiciste et comme philosophe, nous reconnaissons qu’il a rendu à la politique un incontestable service en lui restituant son caractère de science, qu’elle avait perdu presque entièrement dans notre siècle. […] De là ce caractère de placidité noble et de haut désintéressement qui a été si justement admiré dans son grand ouvrage. […] Elle a inspiré ces belles maximes éparses dans sa correspondance : « En toutes choses, il faut viser à la perfection ; — ce monde appartient à l’énergie ; — la grande maladie de l’âme, c’est le froid. » Sa vie même a été une confirmation de ses doctrines ; c’était une nature noble et haute, admirablement sincère, ayant toujours devant les yeux la grandeur morale ; c’était une personne, une âme, un caractère.

1247. (1856) Les lettres et l’homme de lettres au XIXe siècle pp. -30

Ces portraits et caractères composés si savamment, mais composés et concertés, auraient pris plus de naturel et de vie ; les originaux vrais auraient apparu, se seraient développés avec ampleur et abandon, et je ne sais quel charme qui leur manque ; je le suppose toujours à l’abri du trop de facilité et de laisser-aller. […] Ainsi plus de monarque à flatter ; plus d’humbles dédicaces à faire ; plus de temps à perdre dans les antichambres et les cours ; plus d’assouplissement de caractère ; plus de compromis gênant entre la conscience et l’intérêt. […] Il existe (on ne le dit pas assez) une vaste confédération qui n’est pas faite de main d’homme, dont le caractère même est de ne rien exclure, qui embrasse toutes les autres dans son sein, et qui tend à pacifier toutes leurs discordes. […] Qu’il y paraisse avec le prestige, d’un noble caractère, et, s’il le peut, avec l’éclat de la gloire : le monde estimera celui qui pourrait conquérir la richesse et qui sait s’en passer.

1248. (1899) Le roman populaire pp. 77-112

Quelques-uns s’élèvent même jusqu’à la composition et jusqu’aux premiers éléments de la psychologie, à ce point qu’on peut distinguer dans leurs œuvres le marquis d’avec le baron, le financier d’avec le traître, le charretier d’avec le chemineau, à d’autres signes que la coupe de l’habit et que le rappel des caractères physiques. […] L’une a presque un caractère d’évidence. […] N’est-il donc aucune œuvre d’imagination qui réunisse ces deux caractères d’être une œuvre d’art accessible à tous ? […] « On n’a pas apprécié à sa valeur, disait-il très justement, l’instrument d’influence que peut être le roman-feuilleton, au point de vue de l’éducation intellectuelle et littéraire, et de la formation morale. » Et il ajoutait ces lignes, que je cite parce qu’elles indiquent bien un des caractères du roman populaire, qui doit être approprié au génie de la nation.

1249. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre premier. »

Caractère général du génie de Pindare. — Quel type moderne peut en donner l’idée. — Ses analogies avec la sublimité oratoire de Bossuet. […] Et cependant, jusque dans ces faibles reliques conservées par le hasard de quelques citations grammaticales, on peut encore, plus que dans les odes sur les quatre grands jeux de la Grèce, reconnaître le caractère profondément religieux du poëte. […] moi, je serai le prophète11. » Mais cette piété active et guerrière recevait en même temps de la pureté pythagorique un caractère plus doux. […] Mais c’est surtout par la croyance à l’âme immortelle et à l’avenir des méchants et des justes, que ce caractère du poëte se montre, soit dans les trop rares fragments de ses cantiques perdus, soit même dans les odes consacrées aux jeux athlétiques, où il ramène un sentiment, dont son cœur surabonde.

1250. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Nouveaux voyages en zigzag, par Töpffer. (1853.) » pp. 413-430

Maintenant qu’on a sous les yeux l’ensemble des vues, des écrits et des croquis de Töpffer, c’est le cas de bien expliquer la nature de son talent comme peintre des Alpes, et de bien fixer le genre de son invention, le caractère à la fois naïf et réfléchi de son originalité. […] Ses courts et brusques dessins, ses récits, sont une suite de jolis tableaux flamands, relevés tout aussitôt d’une saveur alpestre, de quelque chose de fruste (pour employer un de ses mots favoris) et d’un caractère sauvage : en même temps, il n’oublie jamais le côté humain, familier, vivant, qui doit animer le paysage, et qui lui ôte tout air de descriptif. […] À d’autres endroits de ses écrits, et tout en reconnaissant avec vérité les défauts habituels au caractère du paysan, il est revenu encore sur la part de solide bon sens qu’il trouve en plus grande mesure chez eux que dans les autres classes : « Ceci se marque bien dans leur langage, ajoute-t-il, qui est clair, discret, et d’une constante propriété.

1251. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres complètes de Saint-Amant. nouvelle édition, augmentée de pièces inédites, et précédée d’une notice par M. Ch.-L. Livet. 2 vol. » pp. 173-191

Il avait des facultés naturelles très remarquable pour la poésie et le bel esprit : « C’était, a dit de lui l’exact et honnête abbé de Marolles, l’un des plus beaux naturels du monde pour la poésie, et de qui les bons sentiments de l’âme égalaient la gaieté de l’humeur. » Tallemant lui reproche une outrecuidance et une habitude de vanterie qui est un des caractères de la littérature de ce temps-là ; mais Saint-Amant ne paraît point avoir poussé ce défaut aussi loin qu’un Scudéry, et il n’en resta pas moins avant tout un bon vivant. […] Si, comme on peut le croire, dans le paysage probablement décrit d’après nature par Saint-Amant, il y avait en effet un coin de ruine mal famé, où l’on montrait encore de loin avec effroi ce qu’il appelle le squelette d’un amant qui s’était pendu par désespoir, je ne vois pas pourquoi il ne l’aurait pas conservé : mais autre chose est ce trait trop important pour être omis dans un paysage de ce caractère, et qui n’en occuperait dans tous les cas qu’un côté funeste et maudit, autre chose est la limace et le crapaud qu’il s’amuse à nous montrer dans la strophe suivante sur les parois de la cave ou du souterrain effondré du château : Le plancher du lieu le plus haut Est tombé jusque dans la cave, Que la limace et le crapaud Souillent de venin et de bave… Ce qui paraît d’autant plus choquant que cette cave, ainsi présentée de si laide façon, devint chez lui tout aussitôt la grotte sacrée du Sommeilq : Là-dessous s’étend une voûte Si sombre en un certain endroit, Que, quand Phébus y descendroit, Je pense qu’il n’y verrait goutte ; Le Sommeil aux pesants sourcils, Enchanté d’un morne silence, Y dort, bien loin de tous soucis, Dans les bras de la Nonchalence, Lâchement couché sur le dos, Dessus des gerbes de pavots. […] Ce qui plaît en cet endroit, malgré le traînant de quelques vers, c’est encore le naturel, ce qu’on appelait alors la naïveté, un des caractères de Saint-Amant là où il est bon.

1252. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — II » pp. 231-245

Le caractère le plus remarquable de ce morceau tout sentimental et poétique et nullement dogmatique, c’est peut-être qu’il ne conclut pas, et qu’il laisse conjecturer tout ce qu’on voudra sur la pensée finale de l’auteur ; il laisse chacun rêver à son gré sur l’état d’âme définitif que cela suppose. […] Il voudrait bien pouvoir ne le reléguer que dans les dehors de la place, dans ce qu’on appelle humeur : « Mes malheurs, mon cher Coindet, n’ont point altéré mon caractère, mais ils ont altéré mon humeur et y ont mis une inégalité dont mes amis ont encore moins à souffrir que moi-même. » Avant d’en venir à se croire l’objet de cette conspiration générale qui paraît avoir été son idée fixe depuis 1764-1766, il avait passé par bien des degrés. […] Un jeune homme faisait la cour à une jeune fille aussi distinguée par l’esprit que par le caractère.

1253. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir a l’histoire de mon temps. Par M. Guizot »

Guizot, prenant la mesure de cet homme d’État, une mesure très juste, et le qualifiant « homme de cour et de diplomatie, non de gouvernement, et moins encore de gouvernement libre que de tout autre », énumère plusieurs des qualités qu’il estime indispensables pour ce haut emploi, le plus haut en effet qui soit dans la société, puisqu’il l’embrasse et la comprend tout entière elle-même : L’autorité du caractère ; La fécondité de l’esprit ; La promptitude de résolution ; La puissance de la parole ; L’intelligence sympathique des idées générales et des passions publiques. […]  » ; et enfin ce mot qu’on a fort relevé : « Je ne connais guère l’embarras, et je ne crains pas la responsabilité. » C’est le signe d’une disposition chez lui fondamentale ; c’est le geste de son esprit, de son caractère qui se trahit et qui tranche, qui repousse et chasse, pour ainsi dire, les difficultés et leur interdit de reparaître. — Une remarque matérielle et qui n’est pas vaine vient à l’appui, le caractère de son écriture : pas une hésitation, pas une fatigue ; jamais un jambage qui bronche.

1254. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Essais de politique et de littérature. Par M. Prevost-Paradol. »

Les thèses qu’il composa pour obtenir le grade de docteur ès lettres sont d’un caractère sévère. […] Après avoir exposé à merveille et dans un parfait tableau les libertés de la presse anglaise et les avoir expliquées par le caractère du public à qui elle s’adresse, il reconnaît les différences de notre esprit, à nous, et de nos tendances françaises ; et cependant ses conclusions n’admettent guère, sur cet article capital, de différence de régime d’un pays à l’autre. […] S’imagine-t-on bien le caractère original et tout moderne de ce nouvel Empire, qui, sincèrement, ne repousse pas la liberté, qui possède la gloire, et en qui la tradition, dans sa chaîne auguste, se renoue déjà ?

1255. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourgogne, par M. Michelet »

Ce portrait ou Caractère dans le goût de La Bruyère, qui aurait pu sembler à quelques égards un jeu d’esprit et un exercice de littérature, aura désormais à nos yeux tout son sens et sa signification, éclairé qu’il est par la peinture flamboyante de Saint-Simon, qui y jette comme de sanglants reflets. […] Le cardinal de Bausset, en citant ce Caractère dans son Histoire de Fénelon, en a retranché, sans avertir, deux des traits les plus énergiques, la comparaison avec le taureau et l’image de la jaunisse. […] On croit trop, en lisant cet estimable écrivain à la Louis XVI, que le duc de Bourgogne n’était sujet qu’à des accès de colère comme en ont tant d’autres enfants : il a fallu, pour nous en faire distinguer l’accent tout féroce et en déterminer le caractère néronien, que parût au jour le moraliste de génie et le peintre incomparable.

1256. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourg, par M. Michelet. (suite.) »

Mais on pourrait ajouter de ces sortes d’éloges à l’infini sans que la portée d’un esprit et d’un caractère s’en trouvât poussée et exhaussée d’une ligne. […] Il n’est pas moins clair que le duc de Bourgogne cherchait, étudiait toujours, et n’avait rien trouvé de précis, n’avait rien de positivement arrêté ; que ses intentions étaient droites, pures, chrétiennes, tournées tout entières au bonheur et au soulagement des peuples, mais qu’avec tant d’instruction et le désir continuel d’en acquérir encore, il manquait de lumières supérieures, de génie politique, de ce génie qui tient surtout au caractère et à la conduite, à la décision de vue dans les crises, bien plus qu’aux règlements écrits et aux procédés mécaniques de constitution. […] « Fénelon, né lui-même ému, mais si fin et si calculé, dans l’embarras terrible où le mettait ce caractère, hasarda une chose, la médecine homéopathique ; contre la passion, il usa d’elle-même.

1257. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Daphnis et Chloé. Traduction d’Amyot et de courier »

Le caractère des dessins que je n’ai pas qualité pour juger est pur, simple, linéaire ; l’artiste, évidemment, s’est attaché à interpréter le plus possible son auteur dans le sens délicat et chaste, dans l’intention du beau pur ; il ne faut chercher ici rien de ce que les gravures du Régent faisaient saillir, l’ingénuité traduite spirituellement, galamment, et même avec une pointe de libertinage. […] L’originalité de l’œuvre n’est nullement dans l’action : elle est dans le caractère à la fois rustique et élégant de tout le début, dans la fraîcheur des petits tableaux nets et vifs qui se succèdent, et dans l’analyse graduelle, nuancée, du désir en deux cœurs adolescents, en deux pubertés naissantes et qu’on voit éclore. […] Il fait très-bien voir le mérite de composition, de la peinture des caractères, la grâce, la finesse, enfin toutes les qualités du poème, mais sans l’enthousiasme poétique de Goethe.

1258. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La Grèce en 1863 par M. A. Grenier. »

Non que Byron se soit jamais fait aucune illusion sur les Grecs ni sur leur caractère. […] Ce qu’il faut dire à son éternel honneur, c’est qu’il partit prévoyant sa fin, ne se faisant pas plus illusion alors que le premier jour sur le caractère et les défauts de ceux qu’il allait servir, s’étant tout dit sur les lenteurs et les misères de tout genre inhérentes à une telle entreprise : « Je n’ai pas de bourdonnement poétique aux oreilles, je suis trop vieux pour cela ; des idées de ce genre ne sont bonnes que pour rimer. » — « Je ne m’aveugle pas sur les difficultés, les dissensions, les défauts des Grecs eux-mêmes ; mais il y a des excuses pour eux dans l’âme de tout homme sensé. […] About n’a senti et n’a décrit le caractère et le genre de beauté des paysages, l’éclat et la transparence du ciel de l’Attique à de certaines heures, la maigreur élégante de cette plaine, opposée à la terre riche et grasse, aux fertiles glèbes d’Argos ou de Thèbes.

1259. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Gisors (1732-1758) : Étude historique, par M. Camille Rousset. »

Frédéric, dans une lettre à l’abbé de Prades, avait dit peu de jours après son arrivée à Berlin : « Écrivez en lettres d’or qu’il est arrivé ici un jeune seigneur français, rempli d’esprit, de bon sens et de politesse. » À son départ pour la Suède, c’était le prince Henri qui écrivait à M. de Gisors en manière d’adieu : « Unir à la jeunesse le caractère et les talents, c’est être né avec des qualités rares ; les perfectionner, les embellir et les rendre utiles, mérite l’admiration de tout le monde. […] Les pitoyables résultats de ce manque d’amour-propre et de caractère sont assez étalés dans le livre de M.  […] Lui aussi, Gisors comme Pallas, s’il avait un vieux père que sa mort navrait, du moins il n’avait plus de mère : …….Tuque, o sanctissima conjux, Felix morte tua, neque in hunc servata dolorem, s’écriait le vieil Évandre. — Malgré le caractère tout historique du livre de M. 

1260. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [I] »

Ceux qui ont connu Jomini dans sa jeunesse nous le dépeignent comme un caractère vif, chaleureux, un peu susceptible, un peu cassant. Il n’avait rien de la violence ni de la rudesse du métier ; mais il avait l’indépendance de l’esprit et le ressort du caractère, impossible à comprimer chez un homme qui pense et qui tient à ses idées. […] Je reconnaîtrai même que Frédéric n’était point dans une situation à jouer un si gros jeu, et qu’en bornant ses plans à gagner du temps et à empêcher tout concert entre ses formidables ennemis, il prit le parti le plus sage. » Ce qu’il avait retiré à Frédéric comme général, il le lui rendait amplement comme politique et comme caractère.

1261. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. EDGAR QUINET.— Napoléon, poëme. — » pp. 307-326

Le génie des Romains, comme celui des Français au XVIIe et au XVIIIe siècle, avait un caractère positif qui se prêtait mieux à la politique, à l’histoire, à la philosophie, qu’à la poésie lyrique ou épique. […] Une telle épopée, on le sent, aurait le caractère des épopées dans les sociétés et les littératures civilisées, c’est-à-dire qu’elle serait d’un homme et non de tous, qu’elle ne se prêterait pas à être remaniée, fondue dans quelque rédaction postérieure. « Pourquoi, » dit M. […] Ce mal de faiblesse, d’indifférence, parfois de lâcheté, dans le caractère politique, dont semble travaillé le pays ; ce mal, dont 1814 et 1815 ne furent qu’une des circonstances les plus aggravantes, et dont les causes profondes remontent à des crises bien antérieures, et jusqu’en 91, en 93, au 18 fructidor, au 18 brumaire, etc. ; ce mal-là se concentre tout entier pour M.

1262. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — II »

Son génie, naturellement recueilli et paisible, eût-il suffi à cette intensité d’action que réclame notre curiosité blasée, à cette vérité réelle dans les mœurs et dans les caractères qui devient indispensable après une époque de grande révolution, à cette philosophie supérieure qui donne à tout cela un sens, et fait de l’action autre chose qu’un imbroglio, de la couleur historique autre chose qu’un badigeonnage ? […] Est-ce à dire pourtant que le caractère dramatique manque entièrement à cette manière de faire parler des personnages ? […] C’est le cas de Racine lorsqu’on vient à lui en quittant Molière ou Shakspeare : il demande alors plus que jamais à être regardé de très-près et longtemps ; ainsi seulement on surprendra les secrets de sa manière : ainsi, dans l’atmosphère du sentiment principal qui fait le fond de chaque tragédie, on verra se dessiner et se mouvoir les divers caractères avec leurs traits personnels ; ainsi, les différences d’accentuation, fugitives et ténues, deviendront saisissables, et prêteront une sorte de vérité relative au langage de chacun ; on saura avec précision jusqu’à quel point Racine est dramatique, et dans quel sens il ne l’est pas.

1263. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Légendes françaises. Rabelais par M. Eugène Noël. (1850.) » pp. 1-18

On a fort discuté sur la vie et sur le caractère réel de Rabelais. […] Le caractère tout nouveau de cette éducation est dans le mélange du jeu et de l’étude, dans ce soin de s’instruire de chaque matière en s’en servant, de faire aller de pair les livres et les choses de la vie, la théorie et la pratique, le corps et l’esprit, la gymnastique et la musique, comme chez les Grecs, mais sans se modeler avec idolâtrie sur le passé, et en ayant égard sans cesse au temps présent et à l’avenir. […] On a fait ainsi pour Molière, et Camille Desmoulins, dans Le Vieux Cordelier, a dit : « Molière, dans Le Misanthrope, a peint en traits sublimes les caractères du républicain et du royaliste : Alceste est un Jacobin, Philinte un Feuillant achevé. »

1264. (1903) Zola pp. 3-31

On ne s’arrêta pas au non-sens de l’expression qui suppose que l’on peut faire des expériences sur les caractères des hommes, alors qu’on ne peut faire sur eux que des observations ; et l’on comprit que M.  […] Mais ce qu’il y a à remarquer ici, c’est que son caractère avait changé et aussi son point de vue. […] IV C’était une force mal employée, d’abord parce qu’elle était gauche, ensuite parce qu’elle n’était pas dirigée par un esprit net, précis, mesuré, réfléchi, ni bien nourri ; peut-être aussi parce qu’elle l’était par un caractère orgueilleux, un peu ombrageux et un peu aigri ; mais ici, n’étant informé qu’à demi, je craindrais, en affirmant, d’être injuste.

1265. (1913) Le bovarysme « Troisième partie : Le Bovarysme, loi de l’évolution — Chapitre I. Le Bovarysme de l’individu et des collectivités »

I Il est aisé, en ce qui touche à la psychologie individuelle, de restituer au pouvoir de se concevoir autresa valeur active et son caractère de bienfaisance. […] C’est ici le lieu d’insister plus fortement qu’on ne le fit alors sur ce caractère de bienfaisance de la notion. […] Entre ces deux mesures extrêmes, il y a place pour un lent pouvoir de métamorphose où la faculté de se concevoir autre fait preuve du caractère d’excellence que ce chapitre avait pour objet de rendre manifeste.

1266. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre VII. Le cerveau et la pensée : une illusion philosophique »

Réaliste au moment où il pose le réel, il devient idéaliste dès qu’il en affirme quelque chose, la notation réaliste ne pouvant plus guère consister, dans les explications de détail, qu’à inscrire sous chaque terme de la notation idéaliste un indice qui en marque le caractère provisoire. […] On peut l’exprimer à la moderne, la traduire dans le langage de la science actuelle, y rattacher un nombre toujours croissant de faits observés (où l’on a été conduit par elle) et lui attribuer alors des origines expérimentales : la partie effectivement mesurable du réel n’en reste pas moins limitée, et la loi, envisagée comme absolue, conserve le caractère d’une hypothèse métaphysique, qu’elle avait déjà au temps de Descartes. […] Tout ce qu’on aura dit du rapport du cerveau à la représentation dans un idéalisme pittoresque, qui s’arrête aux représentations immédiates encore colorées et vivantes, s’appliquera a fortiori à un idéalisme savant, où les représentations sont réduites à leur squelette mathématique, mais où n’apparaît que plus clairement, avec leur caractère spatial et leur extériorité réciproque, l’impossibilité pour l’une d’elles de renfermer toutes les autres.

1267. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Note »

Quant au paragraphe qui suit ces trois portraits, et où vous auriez, m’a-t-on dit, trouvé quelque trait offensant, une lecture un peu moins prévenue vous aurait fait voir qu’il ne s’agissait plus des trois portraits précédents, mais de traits nouveaux s’adressant à d’autres caractères qui ne sont qu’à peine indiqués, et auxquels on ne pourrait, à moins d’être bien devin, rattacher aucun nom propre. […] L’Ombre de Napoléon projetée sur les nuages grossissants de l’horizon de l’avenir, voilà pour la réalité historique ; une inspiration orientale nous arrivant à travers les Nibelungen, et faisant pour la première fois invasion dans notre poésie, c’en est assez le caractère littéraire.

1268. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la Révolution française. IXe et Xe volumes »

Cet homme, naguère si grand et si utile, d’un caractère fort, d’un génie profond et spécial, mais à idées fixes, irritable d’orgueil aussi bien qu’étroit d’intelligence, s’était laissé circonvenir et duper par la faction astucieuse qui rôdait autour de Moreau, achetait Pichegru et conspirait contre la république. […] D’ailleurs les chocs ont un caractère de nécessité non moins évident.

1269. (1874) Premiers lundis. Tome II « Quinze ans de haute police sous Napoléon. Témoignages historiques, par M. Desmarest, chef de cette partie pendant tout le Consulat et l’Empire »

Il loue Napoléon, à propos des tentatives de complots et d’assassinat dont sa personne était l’objet, de ce généreux dédain qu’il y opposa et du caractère purement défensif que garda l’administration chargée d’y veiller. […] Les alliés, qui l’en firent sortir en 1814, ont pu voir son écrou et les motifs de sa détention. » Georges Cadoudal, le plus grand caractère d’entre les conspirateurs royalistes, le plus héroïque des brigands, le Vendéen roturier qui ne souffrait pas de nobles dans son armée ; physionomie attrayante d’ailleurs, ouverte, très replet, les cheveux bouclés, le teint clair et frais, l’œil assuré, mais doux, aussi bien que la voix ; Georges avait, il paraît, été reçu avec hauteur et dureté par le premier consul, lorsqu’il se présenta à lui après la pacification.

1270. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre I. Un retardataire : Saint-Simon »

Caractère de Saint-Simon Né en 1675, d’un père très vieux, qui devait sa fortune et son titre à Louis XIII, il grandit loin de la cour de Louis XIV, parmi les souvenirs de l’autre règne, dans une dévotion attendrie au feu roi, au « roi des gentilshommes », qui enveloppait une sourde aversion pour le roi des commis. […] Rien ne s’embrouille pourtant et ne se confond ; à de certains moments, toutes les particularités reculent et s’effacent ; on ne voit plus que les ensembles, les mouvements généraux, les caractères saillants.

1271. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre I. Influence de la Révolution sur la littérature »

Je crois, en effet, qu’un des caractères généraux de la littérature qui s’est développée en ce siècle, orientée tantôt vers la science et tantôt vers l’art, c’est d’être une littérature d’hommes, faite surtout par et pour des hommes. […] Les œuvres où se continuait la précédente époque nous apparaissent noyées au milieu du fatras, des platitudes, des grossièretés, des violences sans caractère et sans décence, par où toute sorte d’écrivassiers flattèrent les passions du peuple, et les entretinrent honteusement sous prétexte de se mettre à sa portée.

1272. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre VI. L’Astronomie. »

C’est donc l’Astronomie qui nous a montré quels sont les caractères généraux des lois naturelles ; mais, parmi ces caractères, il y en a un, le plus subtil et le plus important de tous, sur lequel je vous demanderai la permission d’insister un peu.

1273. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre II. Enfance et jeunesse de Jésus. Ses premières impressions. »

Même alors ils ne paraissent pas avoir égalé en considération leurs cousins, dont la conversion avait été plus spontanée et dont le caractère paraît avoir eu plus d’originalité. […] On s’explique de la sorte comment le caractère des personnages appelés « frères du Seigneur », de Jacques par exemple, est si différent de celui des vrais frères de Jésus, tel qu’on le voit se dessiner dans Jean, VII, 3 et suiv.

1274. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Notre critique et la leur »

À côté du théâtre, il y a les livres, les livres, dont le meilleur fait moins de bruit que la plus mauvaise de toutes les pièces, car c’est encore un des caractères de ce temps contre lesquels nous voulons réagir que la gloire facile du théâtre, que cette préoccupation des spectacles qui matérialisent tous, plus ou moins, la pensée des peuples. […] Malheureusement, nous ne la brisons pas toujours, et c’est ainsi que, les défaillances du caractère s’ajoutant au scepticisme de l’esprit, la critique non seulement n’existe pas, du fait même de ceux qui l’exercent, mais elle devient impossible.

1275. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame Sand »

Pour des écrivains perspicaces qui n’ont jamais été éblouis par cette gloire sans proportion avec le talent qui ne l’a pas faite, mais bien le sexe de l’auteur, Madame Sand était jugée déjà un peu à l’envers de sa gloire, et à travers ses œuvres nombreuses on avait pénétré jusqu’à la nature de son esprit et jusqu’au mystère d’une inspiration qui n’a aucun des caractères de l’inspiration du génie. […] III Ce n’est guère que vers les trois quarts de ce premier volume d’une Correspondance qui ressemble presque à une trahison de la part de ceux qui la publient, tant elle ravale de toutes manières Madame Sand, comme talent et comme caractère, qu’elle se met à raconter son embarquement sur cette mer orageuse, où, par parenthèse, elle n’a jamais eu, elle, que du beau temps.

1276. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXII. Des panégyriques latins de Théodose ; d’Ausone, panégyriste de Gratien. »

Saint Jean Chrysostôme, qui alors était l’orateur le plus fameux du christianisme et de l’Orient, et qui avait tout à la fois l’éloquence de sa religion, de son caractère et de son génie, prononça, en 339, cet éloge, dont une partie nous a été conservée59. […] Il n’est que trop prouvé par l’histoire, que Théodose avait reçu de la nature un caractère violent.

1277. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre IV. Trois espèces de jugements. — Corollaire relatif au duel et aux représailles. — Trois périodes dans l’histoire des mœurs et de la jurisprudence » pp. 309-320

On trouve le caractère tout religieux de ces jugements privés dans les guerres qu’on appelait pura et pia bella. […] Les préteurs trouvant que les caractères, que les mœurs et le gouvernement des Romains étaient déjà changés, furent obligés pour approprier les lois à ce changement d’adoucir la rigueur de la loi des douze tables, rigueur conforme aux mœurs des temps où elle avait été promulguée.

1278. (1910) Propos littéraires. Cinquième série

Comme caractère, c’était un délicieux innocent. […] Herriot a songé, n’offre, précisément, ce caractère. […] Cependant on en peut entrevoir et à peu près démêler le caractère. […] Je vous suppose un homme de caractère, à qui une scène conjugale est parfaitement indifférente. […] Et en effet, il a tous les caractères de sa cause.

1279. (1925) Comment on devient écrivain

On dédaigne les sentiments et les caractères ; le but, l’idéal, c’est l’alcôve.‌ […] Le monde de la politique est un bon terrain pour la peinture des ambitions et des caractères. […] — Le procédé de Tourgueneff. — Les caractères et les personnages. — Balzac copiait-il ? […] On n’invente ni un personnage ni un caractère. […] Se préoccupe-t-on des caractères ?

1280. (1761) Salon de 1761 « Sculpture —  Pajou  »

Cependant un Ange de beau caractère ; et deux portraits en terre cuite, qui se font remarquer.

1281. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Hauser, Fernand (1869-1941) »

Antony Valabrègue Voici le caractère de la poésie de M. 

1282. (1761) Salon de 1761 « Sculpture —  d’Huès  »

Et hoc sapit antiquitatem ; et de caractères et de draperies.

1283. (1823) Racine et Shakspeare « Résumé »

À mon avis, l’artiste moderne plus remarquable par la force du caractère que par le talent, est resté inférieur aux grands peintres du siècle de Louis XIV ; mais sans M. 

1284. (1767) Salon de 1767 « Dessin. Gravure — Flipart » p. 333

Le paralytique, estampe charbonnée, caractères manqués, rien de l’effet du tableau ; ponsif noir, étalé sur un morceau de fer blanc.

1285. (1901) Figures et caractères

Il retouche à la Tacite les caractères de La Bruyère. […] Son caractère en garda une dignité singulière. […] Son caractère intraitable augmente ses peines et ses souffrances. […] La singularité des événements y vaut l’intensité des caractères. […] Dans toutes elle est empreinte d’un caractère de ténacité et d’obstination, de prudence et de calme.

1286. (1929) Les livres du Temps. Deuxième série pp. 2-509

« Boileau, qui était assez ferme de caractère, dit M.  […] Il a quelques caractères communs avec Jean-Jacques, ainsi que M.  […] Pour n’avoir pas exactement le caractère du nôtre, son patriotisme n’en était pas moins réel. […] La coquette est un caractère connu, dont il n’y a rien à dire. […] Il a rayé des passages qui l’ont inquiété par leur violence ou leur caractère scandaleux.

1287. (1898) Émile Zola devant les jeunes (articles de La Plume) pp. 106-203

Ils avaient du caractère, toujours de l’érudition, souvent de la verve, et parfois de l’esprit. […] La classification des hommes, suivant leurs caractères apparents, demeure en effet artificielle. […] Émile Zola a donc renouvelé l’étude des caractères en s’attachant d’abord à celle des tempéraments. […] Et je ne connais nul auteur, si ce n’est Gustave Flaubert, dont les personnages possèdent à ce point un caractère aussi puissant de viabilité. […] Leurs vices et leur dégradation sont la conséquence de l’état actuel de la société, et le seul fait qu’ils vivent largement leur confère un caractère de beauté.

1288. (1856) Cours familier de littérature. II « Xe entretien » pp. 217-327

Que le temps ait été malheureux et que de grandes choses y aient avorté faute de bonne fortune, je ne le niais pas ; mais que la nature humaine n’y ait pas été très féconde en grandes intelligences, en grands talents, en grands caractères, plus féconde peut-être qu’à aucune autre époque de notre histoire intellectuelle, c’est à quoi je ne pouvais consentir. […] Je n’avais jamais fait à loisir cette revue, parce que je n’avais jamais eu besoin de me grouper à moi-même en faisceau cette multitude de talents et de caractères pour donner un démenti à ce prétendu appauvrissement de la nature en France. […] Chacun de nous, à son insu, trahissait ainsi son caractère dans ses préférences. […] Il était non pas vêtu, mais couvert d’une redingote sordide, dont les basques étirées de vétusté battaient ses pantoufles ; il penchait la tête vers le plancher comme un homme qui cherche à lire des caractères mystérieux sur le sable. […] Elle avait épousé M. le duc de Broglie, jeune homme en qui le nom historique, le caractère élevé, l’éloquence studieuse, les opinions libérales se réunissaient pour faire une grande figure de sénat ou de gouvernement sous un régime représentatif.

1289. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIe entretien. Sur le caractère et les œuvres de Béranger » pp. 253-364

Lucien Bonaparte avait quelque chose de romain de la vieille république dans le caractère et dans l’attitude. […] Grand de génie et grand de caractère, Pourquoi du sceptre arma-t-il son orgueil ? […] Ajoutons, à la gloire de son caractère et de son génie, qu’il fut, d’après le témoignage universel, le seul homme d’État de ce coup de feu. […] Ce fut alors que j’appris à connaître le vrai caractère de ce grand homme de cœur et les vraies opinions de ce grand homme de sens. […] Il s’en chargeait, après une enquête scrupuleuse sur la situation, sur le caractère et jusque sur le cœur des deux amants.

1290. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Guaïta, Stanislas de (1861-1897) »

Rodolphe Darzens La Muse noire, recueil comprenant des poèmes d’un rythme sur qui révèlent déjà, à travers l’admiration de l’auteur pour Baudelaire, une originalité curieuse, dont le caractère fut bientôt affirmé dans un livre ayant pour titre : Rosa mystica, où des pensées d’un ordre élevé sont exprimées en fort beaux vers.

1291. (1904) En lisant Nietzsche pp. 1-362

Malgré son orgueil et son humeur batailleuse, — et j’ai prévenu que les traits principaux du caractère de Nietzsche n’étaient pas tout son caractère, — il connut la tristesse de l’homme qui se sépare de son pays, ou de son parti, ou de son cénacle, tristesse que tout homme qui a quelque personnalité a connue à un moment de sa vie. […] Par elle-même, la compassion ne possède pas plus un caractère bienfaisant que tout autre instinct. […] On exige maintenant une certaine convention du caractère passionné ; mais à aucun prix on ne voudrait la passion elle-même ! […] Vivre est une aventure ; prenez dans la vie tel parti ou tel autre, toujours elle gardera ce caractère ! […] Ce caractère, il l’a gardé.

1292. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Lélia (1833) »

En passant d’ailleurs à l’état de représentation idéale et de symbole, les personnages ou les scènes, dont la première donnée était, pour ainsi dire, à terre, n’ont pu éviter, au moment indécis de leur métamorphose, de revêtir un caractère mixte et fantastique qui ne satisfait pas. […] Parmi les personnages et portraits charmants déjà en foule échappés à sa plume, nous en savons un dont nous voudrions lui inculquer le souvenir, parce qu’en même temps qu’il est proche parent de Lélia pour les principales circonstances, il a, dans le caractère et dans l’expression, la mesure, la grâce, la nuance qu’on aime et qui attire tout lecteur : ce personnage est celui de Lavinia, que l’auteur a peinte dans une Vieille Histoire.

1293. (1874) Premiers lundis. Tome II « Jouffroy. Cours de philosophie moderne — I »

Jouffroy le caractère de la religion, c’est l’inspiration, et non certaines formes qui constituent le culte. […] Habitué à certaines formes du passé dans lesquelles il reconnaît le caractère religieux, il ne peut se décider à admettre comme religion toute pensée qui ne se manifeste pas sous une de ces formes.

1294. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — George Sand. Cosima. »

Ce caractère est vrai encore. […] Et puis certains caractères peut-être ne doivent pas être trop vrais, trop réels.

1295. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Conclusion » pp. 355-370

Considérant toutes les œuvres de toutes les littératures comme les objets égaux d’une curiosité indifférente, elle s’interdit tout jugement d’appréciation sur la valeur absolue et même relative des œuvres et des littératures, et se borne à noter leurs caractères spéciaux. […] Quand Goethe déclare que « Klopstock n’avait aucun goût, aucune disposition pour voir, saisir le monde sensible, et dessiner les caractères », quand il trouve ridicule cette ode où le poète suppose une course entre la Muse allemande et la Muse britannique, quand il ne peut supporter « l’image qu’offrent ces deux jeunes filles courant à l’envie à toutes jambes et les pieds dans la poussière » : à ce moment-là Goethe est moins content, moins heureux, il jouit moins du plaisir de vivre, du bonheur de sentir que madame de Staël, qui traduit avec enthousiasme cette même ode, et déclare fort heureux tout ce que Goethe trouve ridicule.

1296. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rostand, Edmond (1868-1918) »

Il est inouï qu’un drame captive et éveille l’attention sans amour, sans intrigue, avec la seule beauté des caractères et des pensées, avec la magie des vers. Je ne sache pas, depuis Hamlet, caractère plus touchant en sa pureté, en ses audaces, surtout en son renoncement, type plus séduisant et plus précaire que celui du duc de Reichstadt.

1297. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Quatrième faculté d’une Université. Faculté de théologie » pp. 511-518

La partie la plus sérieuse de l’institution d’un prêtre est celle qui concerne les mœurs et le caractère qui lui conviennent. […] La médiocrité de talents est ici moins à redouter que le vice du caractère.

1298. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre III. Mme Sophie Gay »

Quand La Bruyère peignait des Caractères, il aurait pu se dispenser d’avoir autant de coloris et de force picturesque qu’il en avait, et le prodigue génie, il ne s’en dispensait pas ! Il pouvait s’en dispenser par la très bonne raison qu’il faisait encore de très grandes choses en dessinant vigoureusement ces ensembles, ces organisations entières que l’on appelle des Caractères.

1299. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Pélisson et d’Olivet »

Ce n’est pas au xixe  siècle, quand l’analyse des œuvres, des esprits et des caractères, a été poussée aussi loin que l’analyse scientifique, ce n’est pas quand la critique a joué aussi inexorablement du scalpel que la chirurgie elle-même, que les petites notices de Pélisson, gazées par la réserve et entrecoupées de silences, pourront intéresser la curiosité et la satisfaire. […] La Bruyère, on s’en souvient, niait que ses Caractères fussent des portraits, et Saint-Simon, insolent pour demain, gardait sous clef ses Mémoires.

1300. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le cardinal Ximénès »

Les prêtres, auxquels on peut appliquer le mot superbe de saint Bernard : « Ils n’ont soif que du sang des âmes », sont plus près du caractère qu’il faut pour gouverner ces masses d’âmes qui font les peuples que ceux-là qui ont toutes les autres soifs de la vie. […] Mais il serait facile de montrer, l’histoire à la main, et ce serait là une étude curieuse et utile, que leurs plus grandes fautes vinrent justement de l’oubli de leur caractère et de leur devoir.

1301. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Laïs de Corinthe et Ninon de Lenclos » pp. 123-135

Un homme plus savant sur la Grèce que Debay, malgré son séjour dans le Péloponèse, et dont le talent a pour caractère distinctif une sagacité redoutable, Prosper Mérimée, a regretté quelque part, avec le sentiment d’une curiosité indigente et trompée, cette absence de mémoires, qui nous enlève d’un seul coup la moitié du monde grec sans espoir de la retrouver, et précisément la moitié dans laquelle se produisaient, en se variant, l’influence et l’action des courtisanes. […] Seulement, moins heureux dans tout ce qui tient à l’appréciation de l’intelligence qu’à l’appréciation de la moralité du caractère, Chateaubriand a trop consacré une réputation d’esprit dont il n’était pas juge ; car, dans ses Mémoires, on se rappelle comment il a traité Rivarol.

1302. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Francis Wey » pp. 229-241

Elle perd, à l’instant même, son caractère de point d’or dans le clair-obscur. […] Les autres erreurs de Dick Moon, qui ont un caractère moins immoral, ne regardent pas mon ignorance.

1303. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XIV. M. Auguste Martin »

En tant qu’on se préoccupe de la morale par elle-même, il faut la prendre où elle brille le mieux, où elle a son caractère le plus saillant et le plus incontestable, là enfin où elle a le plus régné sans s’appuyer sur cette robuste et grossière épaule des religions, dont elle n’a plus besoin pour aller toute seule à présent… Or, qui ne le sait ? […] Toute cette morale dont ils se chamarrent n’est donc pour eux que de l’ornementation pure, pièces d’estomac, broderies de robe, inscriptions de lambris, peintures d’éventail, dessus de porte, arabesques, mais elle n’a aucune influence réelle sur leur caractère et leurs actes, et elle ne peut pas en avoir, car voici précisément où un homme, qui n’aurait pas été M. 

1304. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXII. Philosophie politique »

Il n’y a qu’un bon gouvernement qui soit possible dans la nature même des choses, qu’un seul, quels que soient les climats, les caractères, les idées, il ne nous doit pas le bonheur cependant, c’est ce que les philosophies politiques en dehors des idées chrétiennes n’ont pas compris, et ce que celle de M. de Beauverger, s’il en avait une à lui, — car il n’en a point, — ne comprendrait pas davantage. […] Si une telle pensée, par exemple, s’était emparée de l’esprit de l’auteur du Tableau historique des progrès et qu’il eût examiné à sa lumière les doctrines et les hommes dont il fait la revue dans son livre, ses appréciations auraient à l’instant même revêtu un caractère d’originalité et de profondeur qu’elles n’ont pas.

1305. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Banville. Les Odes funambulesques. »

Houlette en main, souriante à demi, Plus d’une encore fait voir au blond Arsène                Où c’est…… Voilà les sornettes idiotes et enragées, — ces deux caractères sont également dans ce volume de rythme forcé et de pensée atone, — voilà les sornettes dignes de Vadius et de Trissotin : Ne dis plus qu’il est amarante, Dis plutôt qu’il est de ma rente ! […] Quand l’Inspiration, dont le caractère semble être d’agrandir notre âme aux dépens de notre corps, ne nous a pas, comme dans le livre dont il s’agit ici, allégé le poids de nos organes, et qu’on a été soumis au martelage tellement appuyé de ce double coup, la sensibilité en est comme stupéfiée, on est accablé de cette matérielle perfection, et on éprouve le désir de retourner à quelque négligé divin, à quelque mal rimé, puissant ou exquis, comme Alfred de Musset ou Maurice de Guérin, par exemple.

1306. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome III pp. -

L’inflexibilité de son caractère distinguoit sur-tout ce dialecticien Picard. […] L’infiniment petit étoit marqué, dans Léibnitz, par un caractère plus commode & d’un plus grand usage que le caractère employé par Newton. […] Je mets ici en caractère italique les coups portés par l’un, & en caractère romain les coups parés habilement par l’autre. […] Son caractère doux & liant lui procura de vrais amis. […] Il n’en sortoit rien qui ne fût marqué au coin du génie mâle & vigoureux, de l’élevation de leur ame, & de l’âpreté de leur caractère.

1307. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Avant-propos »

Calomniée sans cesse, et me trouvant trop peu d’importance pour me résoudre à parler de moi, j’ai dû céder à l’espoir qu’en publiant ce fruit de mes méditations, je donnerais quelque idée vraie des habitudes de ma vie et de la nature de mon caractère.

1308. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bouchaud, Pierre de (1862-1925) »

Henri de Régnier Le caractère même de la Revue (Mercure de France) m’impose de parler, plutôt que de maint ouvrage méritoire et agréable peut-être, de certains livres remarquables par quelque singularité de pensée ou quelque nouveauté de forme.

1309. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — P.-S. »

Il est indispensable pour se faire une idée tout à fait juste du caractère et de la destinée de Léopold Robert, de lire un petit écrit intitulé : Léopold Robert de 1831 à 1835, par Ch. 

1310. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Braun, Thomas (1876-1961) »

Edward Sansot-Orland C’est là un curieux recueil d’un caractère étrange autant par son aspect typographique que par son contenu littéraire.

1311. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque » pp. 2-79

Cette différence de caractère entre ces deux amours se remarque aussi dans les poètes qui ont célébré l’un ou l’autre de ces amours ; amours qui portent le même nom, mais qui sont en réalité aussi différents que l’esprit de la matière, que le corps de l’âme. […] Voilà le caractère de Pétrarque, racontons sa vie. […] On verra que cet amour, qui ne porta jamais la moindre atteinte à la chasteté de Laure ni à la vertu de son amant, n’eut pas d’autre caractère que celui d’adoration intellectuelle aux yeux de son époque et de la postérité. […] Tel paraît avoir été toujours le caractère de l’amour de Pétrarque ; s’il fut payé quelquefois de reconnaissance, de grâce et de sourire, il ne fut jamais payé d’aucun retour criminel ; c’était une folie du génie que l’on pardonnait et qu’on encourageait même dans une adoration sans mystère. […] L’énergie des caractères et la puissance des intelligences qu’elle produit sont en perpétuel contraste avec la petitesse des États et avec la servitude des institutions pour lesquels ces natures romaines devaient vivre ; en sorte que cette noble et belle terre souffre doublement de rêver ce que fut l’Italie jadis, et de subir ce que l’Italie est aujourd’hui.

1312. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIVe entretien. Littérature, philosophie, et politique de la Chine » pp. 221-315

Ce gouvernement, Dieu l’a donné tout fait par instinct à diverses tribus d’animaux, tels que les fourmis et les abeilles ; il a laissé aux hommes le mérite de l’inventer, de le choisir, de le changer, de l’approprier à leur caractère et à leurs besoins, et de se faire à eux-mêmes leur propre sort, en se faisant un gouvernement plus ou moins conforme à la conscience, à la justice, à la raison. […] « “Nous ne sommes pas assez érudit, poursuit-il, pour prononcer entre le Chi-King, et les poètes d’Occident ; mais nous ne craignons pas de dire qu’il ne le cède qu’aux psaumes de David pour parler de la divinité, de la providence, de la vertu, etc., avec cette magnificence d’expression et cette élévation d’idées qui glacent les passions d’effroi, ravissent l’esprit et tirent l’âme de la sphère des sens.” » XIII S’élevant ensuite à la hauteur d’une critique supérieure aux ignorances et aux préjugés de secte, le savant disciple des jésuites parle des Kings, de leur antiquité, de leur authenticité, de leur caractère en ces termes : « De bons missionnaires qui avaient apporté en Chine plus d’imagination que de discernement, plus de vertu que de critique, décidaient sans façon que les Kings étaient des livres, sinon antérieurs au déluge, du moins de peu de temps après ; que ces livres n’avaient aucun rapport avec l’histoire de la Chine, qu’il fallait les entendre dans un sens purement mystique et figuré. […] Son application, ses progrès, son obéissance, sa modestie, la douceur de son caractère, la grâce de son langage et de ses manières en firent le modèle de l’école ; il fut chargé par le maître de le suppléer habituellement dans ses leçons aux plus jeunes de ses élèves. […] XXII Ce caractère distingue Confucius des sophistes grecs ; un autre caractère le distingue des autres législateurs de l’Inde, de l’Égypte, de la grande Grèce et des deux Asies, c’est qu’il ne fait point intervenir le ciel et les prodiges dans l’autorité qu’il affecte sur les hommes ; il n’étale point l’inspiration surnaturelle de Zoroastre, de Pythagore, du prophète arabe, pas même le génie conseiller et un peu frauduleux de Socrate ; il ne se substitue pas aux lois absolues de la nature, il ne se proclame ni divin, ni ange, ni demi dieu ; il ne sonde le passé que par l’étude, il ne lit dans l’avenir que par la logique qui enchaîne les effets aux causes ; il se confesse homme faible, ignorant, borné comme nous ; seulement, à l’aide de cette clarté purement intellectuelle et toute humaine qui vient pour la vérité de l’intelligence et pour la morale de la conscience, il recherche le vrai et conseille le bien. […] Cette obéissance d’instinct, de reconnaissance et de volonté donnait un caractère de moralité, de vertu, de divinité à la supériorité du père.

1313. (1860) Cours familier de littérature. X « LVe entretien. L’Arioste (1re partie) » pp. 5-80

Ce secret, c’est le caractère national des Italiens, c’est le génie du lieu et du peuple. […] C’est précisément là le caractère de l’Italien moderne : il imagine, et il rit de ses propres imaginations ; c’est aussi le caractère de la vieillesse dans les nations et dans les individus. […] Je me piquerai peut-être un peu les doigts en émondant ce rosier à quarante-cinq feuilles qui enivre depuis trois siècles notre Italie ; mais, à mon âge et avec mon caractère, on a la main callée et la peau dure ; on peut jouer avec les feux follets de l’Arioste sans craindre de se brûler les doigts ou les yeux. […] — Vous oubliez, belle Léna, dit gravement le professeur, qu’alors il ne serait plus l’Arioste, car le caractère de son génie est précisément de nager entre deux eaux, comme on dit en français, d’être un poète amphibie, si vous aimez mieux, et de passer du rire aux larmes ou de l’esprit au cœur, comme le parfait musicien passe d’une gamme à l’autre sur le même instrument : c’est le caractère du souverain artiste

1314. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VII »

Il faudra que l’ensemble du poème se lie intimement au caractère spécial de la musique, qu’on sente que l’un « est enfant de l’autre » ; et le style devra être moulé sur celui de l’original. […] Rien d’objectif ; seulement, de l’obscurité et du silence qui précédaient et nous donnaient le besoin devoir et d’entendre avec avidité, est sortie une impression subjective destinée à orienter d’avance notre compréhension et à familiariser notre entendement avec la révélation mystiquement réalisée du drame dont nous sentons déjà le caractère si profond qu’on l’a cru religieux. […] Le chiffre en caractères romains renvoie au volume et l’on trouve ensuite le numéro de la page [NdE] al. […] Il recherche avant tout l’expression et rejette tout caractère mécanique et obligatoire de la rime. […] On reconnaissait à Pasdeloup son caractère passionné et son enthousiasme communicatif.

1315. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre III. Le roman » pp. 135-201

Chacune de ces parties présente un caractère qui est la synthèse d’une race : Moutousami, Talata, Compère et Cafrine. […] L’inconstante, — Gillette — est un caractère parce qu’elle n’en a pas. […] Elle répondra aussi que le fait d’être sans caractère constitue un « caractère » spécial, et que tous les personnages sont intéressants lorsqu’ils dégagent de la beauté. […] Il a été un des premiers à ne plus écrire des pages psychologiques, mais il a animé ses personnages d’une mimique — un peu compliquée — et telle qu’il est facile pour le lecteur de déduire, à cause d’elle, le caractère de ces personnages. […] Henri de Régnier, Figures et Caractères (Mercure de France, 1904).

1316. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVIII. J.-M. Audin. Œuvres complètes : Vies de Luther, de Calvin, de Léon X, d’Henri VIII, etc. » pp. 369-425

Parmi ces laïques et ces séculiers de la pensée qui n’ont pas sur les mains la lèpre de l’onction divine et qui ne sont pas exposés à infecter l’histoire de la sainteté du caractère sacerdotal, brillera au premier rang J. […] Le caractère indélébile de l’Église romaine n’est pas que dans ses sacrements. […] Il n’a su pénétrer ni les Guise, ni les Valois, ni personne, à plus forte raison ni Catherine de Médicis, l’un des caractères les plus compliqués des temps modernes : Catherine de Médicis, toute l’Italie de Machiavel, que Machiavel lui-même, revenant au monde, ne peindrait que par le dehors, s’il n’ajoutait pas à son génie. […] Ici l’Histoire revêt un caractère qu’elle n’a point ailleurs. […] C’est ainsi qu’Audin éteignit ou du moins modéra dans son Henri VIII, pour obéir à certaines influences, le feu de polémique qui brûlait dans son Calvin et dans son Luther, et qu’il affaiblit à dessein un des caractères de son talent, essentiellement militant.

1317. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — III. (Suite et fin.) » pp. 454-472

Une fiction romanesque, c’est la qualification que peut mériter le récit de Saint-Réal avec son cortège d’assemblées nocturnes, de discours éloquents et de caractères inventés ; il n’a rien vu là-dedans, en effet, que l’occasion de faire un beau pendant à la Conjuration de Catilina par Salluste. […] Le séjour qu’il avait fait autrefois en Bretagne dans les premières années de la Révolution, et le caractère isolé et tout à fait distinct de cette province, le déterminèrent à la choisir pour le sujet premier de son étude. […] Louis XVIII était fait pour apprécier le caractère et la modération de M. 

1318. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — II. (Fin.) » pp. 495-513

Il se dit de part et d’autre beaucoup de choses bonnes et mauvaises, spirituelles et grossières, excellentes et ridicules ; chacun des combattants y dessina son caractère encore plus qu’il n’éclaircit la question. […] Au même moment, d’autres champions de tout caractère et de taille diverse entraient en scène, et la mêlée devint générale : il y avait la vraie jeunesse du temps, les malins et les espiègles armés à la légère, comme l’abbé de Pons, comme Marivaux ; il y avait ceux qui ne riaient pas et les esprits rectilignes comme l’abbé Terrasson, membre de l’Académie des sciences. […] Quant à ce qui est de sa personne et de son caractère dans la société, un certain abbé Cartaud de La Vilate nous la représente sous une forme grotesque et ridicule qui ne fut jamais la sienne : « J’ai ouï dire, prétend-il facétieusement, à une personne qui a longtemps vécu avec elle, que cette savante, une quenouille à son côté, lui récita l’adieu tendre d’Andromaque à Hector avec tant de passion qu’elle en perdit l’usage des sens. » Ce sont là des exagérations et des caricatures sans vérité ; il ne faudrait pas croire que Mme Dacier fût devenue en vieillissant une demoiselle de Gournay, une sorte de sibylle qui représentait avec emphase et solennité le bon vieux temps.

1319. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres complètes de Buffon, revues et annotées par M. Flourens. » pp. 55-73

Il entre dans les voies de la science, il établit de bons groupes d’après l’observation des vrais caractères. […] Si Buffon tient du xviiie  siècle français par un esprit d’indépendance et par une secrète hostilité à la tradition, il s’en sépare d’ailleurs par l’ensemble de son caractère, par le maniement et la bonne économie de ses facultés, par toute son attitude ; en un mot, son esprit tient du xviiie  siècle bien plus que son genre de vie et son talent. […] Je faisais la même réflexion en voyant l’instant d’auparavant le buste de Bossuet : il n’y a rien d’exagéré dans toutes ces têtes sublimes, et le caractère humain est empreint dans celle de Buffon.

1320. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Maucroix, l’ami de La Fontaine. Ses Œuvres diverses publiées par M. Louis Paris. » pp. 217-234

Il est possible à tout le monde aujourd’hui de se bien représenter le genre d’existence et le caractère du bon Maucroix, qui est un des derniers types, et les plus polis, de la grâce et de la naïveté du vieux temps. […] Aussi son amour et sa douleur, dans les élégies qu’il composa d’abord, prennent-ils un caractère de regret, de résignation et de sacrifice auquel nos bons aïeux ne nous ont pas accoutumés, et qui ne sera guère dans l’habitude de Maucroix lui-même. […] Louis Paris, nous apprend tout ce qu’on peut désirer, sinon sur les principaux événements de sa vie, du moins sur sa personne et son caractère.

1321. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Agrippa d’Aubigné. — I. » pp. 312-329

On voit qu’il ne manquera bientôt plus rien à l’étude du caractère et de l’écrivain : il en sera, à cet égard, de d’Aubigné comme de Pascal, on aura tout dit sur lui, et pour et contre, et alentour ; on l’aura embrassé dans tous les sens. […] Il dut à sa race, à sa trempe d’éducation et au rude milieu où il fut plongé, de conserver, à travers ses passions contradictoires et qu’il combattait très peu, un fonds de moralité qui étonne et qui ne fait souvent que leur prêter une plus verte sève : nature généreuse après tout, témoin subsistant d’un siècle plus robuste et plus endurci que les nôtres, et qui nous en rend au hasard et avec saillie les caractères les plus heurtés. […] Il y a un point qu’il n’a pas assez vu, parce que ses passions le lui cachaient : c’est combien vite les guerres civiles corrompent et dénaturent les caractères ; il n’a voulu voir, sur son propre exemple, que le côté par où elles les trempent.

1322. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — II. (Fin.) » pp. 361-379

Il me semble que le caractère de Bailly se dessine ici sous sa propre plume : hâtons-nous d’ajouter que cet homme si sensible, si touché, si peu au fait, ce semble, des mille circonstances compliquées et confuses de la société de son époque, et qui manque certainement de génie et de coup d’œil politique, ne manquera nullement de fermeté et de force de résistance dès que le devoir et la conscience lui parleront. […] Il y a, dans ces vastes drames qu’on appelle révolutions, des rôles séparés et soutenus jusqu’au bout pour tous les caractères. […] Mais ce n’est point cette dernière partie de la vie de Bailly qui nous appelle et que nous étudions : je me suis borné à donner quelque idée de son caractère, et à y faire saillir une veine littéraire et d’imagination jusqu’ici moins en vue qu’il ne convenait.

1323. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — II » pp. 71-89

Je ne m’attacherai qu’aux circonstances principales où il se dessine avec toute son originalité et son caractère. […] car il me semble que cela serait mieux accommodé de notre main (j’entends du fait de la guerre) que non pas des gens de lettres ; car ils déguisent trop les choses, et cela sent son clerc. » Les discours de Montluc, qui ne sentent pas du tout leur clerc, et qui restent-si appropriés à son caractère et à son allure, ne sont pas pour cela moins bien menés et moins habiles. […] Car un des caractères de ce siège, et qui le distingue des autres sièges également soutenus à outrance dont l’histoire a gardé les noms, c’est que le sentiment qui anime les chefs de ceux qui résistent et qui s’opiniâtrent ainsi, est un sentiment que j’appellerai éclairé ou civilisé, un sentiment tout d’honneur chez Montluc, tout de patriotisme et d’indépendance chez les Siennois.

1324. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — I » pp. 236-253

Au commencement du xviiie  siècle, Bolingbroke, écrivant à l’abbé Alary et lui citant un passage de Charron qu’il trouvait admirable, disait encore : « Charron, qui avait autant d’esprit et plus de sens que son compatriote Montaigne. » Je voudrais, en parlant aujourd’hui de Charron, bien établir le caractère de son mérite et son exact rapport avec Montaigne. […] Nous n’avons pas à entrer ici dans les détails de cette polémique ; il nous suffira de marquer en traits généraux les caractères de la controverse et du christianisme de Charron. Quelques-uns de ces caractères ne laissent pas d’étonner au premier abord : en effet Charron s’y montre plus sceptique dans l’exposé de certaines vérités naturelles qu’on ne s’y attendrait d’après son rôle public de théologien, et il nous est possible, sans trop de difficulté, de retrouver le lien qui unit ses ouvrages de religion et d’apologétique à celui qu’il composera bientôt à un point de vue tout philosophique, comme disciple de Montaigne, et sous le titre humain De la Sagesse.

1325. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — I » pp. 20-38

Que s’il se mêle à cette question de liturgie une part de dogme, on trouvera tout naturel que je la néglige ici pour ne considérer que ce qui est du ressort du goût, ce dernier ordre de considérations étant très suffisant pour nous permettre de bien juger du caractère, du rôle et de toute la destinée de Santeul ; car il ne fut jamais qu’un homme de verve, et nullement un homme de doctrine. Or il était immanquable que l’étude et la vogue se reportant aux choses du Moyen Âge, on en vînt bientôt, pour ce qui est des hymnes dans les rituels et les bréviaires, à contester au moins la convenance et l’opportunité de cette substitution qu’on y avait faite des hymnes de Santeul à des compositions plus anciennes et d’un caractère chrétien et populaire plus marqué. […] Dom Guéranger se plaisait aussi à faire ressortir le contraste qu’il y avait entre le caractère connu, la belle humeur joviale de Santeul et cet office solennel d’hymnographe dont on l’avait investi.

1326. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — II » pp. 414-431

La margrave n’avait pas besoin de longs raisonnements pour croire au bon droit de son frère, pour se confier en ce qu’elle appelait sa grande âme, et que nous appellerons seulement son grand caractère. […] Elle était évidemment une personne des plus distinguées, spirituelle, naturelle, piquante, capable de satire, encore plus capable d’affection, tendrement dévouée à son frère, et l’égalant au besoin par la fermeté du caractère et le stoïcisme des résolutions : dans une des crises les plus extrêmes où se soient vues des personnes de leur rang, elle a fait acte de vigueur et de sacrifice ; si Frédéric avait fini violemment alors, elle serait indubitablement morte avec lui ; elle avait de l’âme d’une Porcia ou d’une Roland. […] Contentons-nous de reconnaître et de saluer dans la margrave une des femmes originales du xviiie  siècle, un esprit piquant, une rare fierté d’âme, un caractère et un profil qui a sa place, marquée non seulement dans l’anecdote, mais dans l’histoire de son temps, et qui, à meilleur droit encore que le prince Henri et à un degré plus rapproché, se distinguera toujours au fond du tableau à côté du roi son frère.

1327. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « La princesse des Ursins. Ses Lettres inédites, recueillies et publiées par M. A Geffrot ; Essai sur sa vie et son caractère politique, par M. François Combes » pp. 260-278

A Geffrot ; Essai sur sa vie et son caractère politique, par M.  […] Elle l’avait réellement façonné, créé, lui avait (au moral aussi, et jusqu’à un certain point) redressé la taille ; la fermeté récente dont il avait donné des marques dans ses lettres en France, dans toute sa conduite, était en effet son ouvrage : il avait acquis une sorte de caractère, de la volonté. « On ne connaît pas assez le roi d’Espagne », disait-elle à ceux qui paraissaient en douter : cela était vrai en plus d’un sens ; elle devait elle-même le vérifier quatre ans plus tard, lorsque, lui ayant trop fait sentir son joug, elle fut renversée traîtreusement en un clin d’œil et tomba de cette chute soudaine et ridicule dont sa renommée historique s’est ressentie. […] » Comment, au sujet de Mme de Maintenon encore et de l’estime due à son mérite, nous parler de l’honorabilité de son caractère, comme s’il s’agissait de qualifier un témoin devant une cour d’assises ?

1328. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — II » pp. 435-454

Le caractère français, parisien, en tant qu’il diffère essentiellement du génie anglais, est parfaitement saisi et présenté par lui. […] rappelle-toi nos anciens amis, les grands hommes que nous avons lus, que nous avons adorés ensemble, le siècle où nous vivons, tes premiers penchants, le caractère de ton esprit, et l’espèce de bonheur qui était l’objet de tes désirs. […] À deux pas de Coppet, au bord de ce beau lac, dans cette Suisse romande que Voltaire avait tant goûtée, Bonstetten, avant que les événements menaçants lui fissent la position trop difficile et vinssent mettre à une trop forte épreuve son caractère, avait trouvé le moyen de concilier tous ses goûts de curiosité, d’universalité, de philanthropie, de cosmopolitisme.

1329. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Connaissait-on mieux la nature humaine au XVIIe siècle après la Fronde qu’au XVIIIe avant et après 89 ? »

Moi-même j’avais, j’en conviens, le caractère trop mal fait peut-être et trop rétif pour pouvoir me ranger et me fixer à demeure dans un journal qui avait le ton et les usages d’une famille ; car, une fois admis et agréé, c’était quasi un mariage que l’on contractait. […] Saint-Évremond, l’épicurien à l’âme ferme, avait appris à ce jeu où il semble n’être entré que pour mieux voir, à connaître de près le caractère des grands personnages de l’histoire et à deviner, presque en homme pratique, le génie des anciens peuples. […] … Lorsque Dieu forma le cœur et les entrailles de l’homme, il y mit premièrement la bonté comme le propre caractère de la nature divine… La bonté devait donc faire comme le fond de notre cœur… La grandeur qui vient par-dessus, loin d’affaiblir la bonté, n’est faite que pour l’aider, etc. » Mais c’est méconnaître outrageusement l’expérience que de déclarer ainsi que la bonté fait le fond de l’homme : l’homme n’est précisément ni bon ni méchant ; les uns ont reçu en naissant la bonté peut-être, mais les autres ont certainement autre chose au fond du cœur, et le grand Condé plus qu’un autre homme était une preuve de cette disposition primitive et nullement débonnaire.

1330. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. »

Fiévée, justifiant cette Chambre de 1815, a prétendu qu’après les événements antérieurs qui avaient brisé, trituré ou détrempé tant de caractères, s’il restait quelques espérances de talents applicables aux circonstances dans lesquelles on se trouvait au second retour de Louis XVIII, « ce ne pouvait être que parmi les royalistes qui avaient vécu, disait-il, hors du tourbillon qui entraînait l’Europe, réfléchissant sur l’inconstance des événements, en recherchant les causes, comparant le passé à ce qu’ils voyaient, faisant la part des hommes et des choses, et trouvant dans des pensées toujours refoulées un exercice qui doublait leurs forces : « J’ai toujours cru et je crois encore, écrivait-il en 1819, que la Chambre de 1815 offrait plusieurs hommes de cette trempe. […] Singulière physionomie de cette Chambre où, pour la première fois, quelques-uns des plus hauts talents oratoires allaient se révéler à la France et à eux-mêmes, et prendre le rang qu’ils gardèrent depuis en face du pays, mais où bien d’autres, en revanche, allaient divulguer publiquement, par des motions insensées et funestes, les misères de leurs passions, les inconvénients de leur caractère, les faiblesses ou les ridicules de leur esprit, et s’y faire comme une effigie de première renommée qui ne s’effacera plus. […] On voyait en première ligne, en tête de ces partisans des rigueurs salutaires, un Bonald, à l’air respectable et doux, métaphysicien inflexible et qui prenait volontiers son point d’appui, non pas dans l’ancienne monarchie trop voisine encore à son gré, mais par-delà jusque dans la politique sacrée et dans la législation de Moïse : oracle du parti, tout ce qu’il proférait était chose sacro-sainte, et quiconque l’avait une fois contredit était rejeté à l’instant, répudié à jamais par les purs ; — un La Bourdonnaie, l’homme d’action et d’exécution, caractère absolu, dominateur, un peu le rival de Bonald en influence, mais non moins dur, et qui avec du talent, un tour d’indépendance, avec le goût et jusqu’à un certain point la pratique des principes parlementaires, a eu le malheur d’attacher à son nom l’inséparable souvenir de mesures acerbes et de classifications cruelles ; — un Salaberry, non moins ardent, et plus encore, s’il se pouvait ; pamphlétaire de plume comme de parole, d’un blanc écarlate ; — un Duplessis-Grenedan, celui même qui se faisait le champion de la potence et de la pendaison, atroce de langage dans ses motions de député, équitable ailleurs, par une de ces contradictions qui ne sont pas rares, et même assez éclairé, dit-on, comme magistrat sur son siège de justice ; — M. de Bouville, qui eut cela de particulier, entre tous, de se montrer le plus inconsolable de l’évasion de M. de Lavalette ; qui alla de sa personne en vérifier toutes les circonstances sur les lieux mêmes, et qui, au retour, dans sa fièvre de soupçon, cherchait de l’œil des complices en face de lui jusque sur le banc des ministres ; — et pour changer de gamme, tout à côté des précédents, cet onctueux et larmoyant Marcellus, toujours en deuil du trône et de l’autel, d’un ridicule ineffable, dont quelque chose a rejailli jusqu’à  la fin sur son estimable fils ; — et un Piet, avocat pitoyable, qui, proposant anodinement la peine de mort pour remplacer celle de la déportation, disait, dans sa naïveté, qu’entre les deux la différence, après tout, se réduisait à bien peu de chose ; ce qui mettait l’Assemblée en belle humeur et n’empêchait pas le triste sire de devenir bientôt, par son salon commode, le centre et l’hôte avoué de tous les bien pensants ; — et un Laborie que j’ai bien connu, toujours en quête, en chuchotage, en petits billets illisibles, courtier de tout le monde, trottant de Talleyrand ou de Beugnot à Daunou, mêlé et tripotant dans les journaux, pas méchant, serviable même, mais trop l’agent d’un parti pour ne pas être inquiétant et parfois nuisible.

1331. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid. »

Taschereau dans la Bibliothèque elzévirienne, travail dès l’abord fort estimable que l’auteur a de plus en plus complété et nourri, revint mettre sous les yeux toutes les pièces biographiques, précédemment ou plus récemment connues, et fournir tous les éléments pour l’étude du caractère dans un portrait futur, et qui reste à faire, du brusque et altier tragique. […] L’action, l’arrangement dramatique, les caractères, les mœurs, la langue, tout enfin, les vers même offrent les défauts les plus graves ; et la barbarie d’un art qui commence à peine à se former ne suffit pas, il s’en faut, à les excuser. Car ce n’est pas seulement le mauvais goût (défaut si fréquent dans les œuvres où il y a le plus de génie, quand ces œuvres appartiennent à des époques encore incultes), ce n’est pas, dis-je, le mauvais goût seulement qui nous choque ici, c’est la pauvreté dans l’invention, la maigreur et la sécheresse dans le développement des caractères, la froideur dans les passions, la lenteur et la gaucherie de l’action, et enfin l’absence presque totale d’intérêt.

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