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687. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Renan — III »

On veut y voir, pour l’ordinaire, un drame de la conscience, une de ces tragédies intérieures qui mirent, certain soir, le pauvre Jouffroy dans un état si propre à la composition littéraire.

688. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — VII »

Pour compléter le portrait du philosophe, je rapporterai qu’il mâchait d’ordinaire un petit bout de bois, afin de tromper sa nervosité et, sans doute, son besoin de fumer, et quand il se livrait à cette distraction, l’avance du bas du visage lui donnait l’apparence d’un rongeur.‌

689. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME GUIZOT (NEE PAULINE DE MEULAN) » pp. 214-248

La société ordinaire qui fréquentait la maison de M. de Meulan ne différait pas de celle de M. […] » Et de ce ton de douairière du Marais qu’elle affectionne : « La manie de votre âge, dit-elle en terminant, est de vouloir faire entendre la raison aux hommes : l’expérience du mien enseigne qu’il est plus sûr de les y laisser revenir ; que le temps les ramène d’ordinaire à la raison et à la vérité ; mais que la raison et la vérité n’ont presque jamais convaincu personne. » Cet esprit si expérimenté et si sûr, qui débute par où d’autres sages finissent, patience ! […] Si la manière de voir de Mme Guizot ne peut atteindre ni satisfaire ceux qui ont là-dessus une opinion très-arrêtée, de pure foi et rangée à la tradition rigoureuse, elle a cet avantage de répondre, de s’adapter à toutes les autres opinions et situations plus ou moins mélangées qui sont l’ordinaire de la société actuelle, et d’offrir un résultat praticable à Mme Mallard comme à Mme de Lassay.

690. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LONGUEVILLE » pp. 322-357

Si elles nous détaillent le cœur humain dans sa plus menue petitesse, c’est que cette petitesse en est le fond ordinaire, définitif ; elles le vont ainsi poursuivre et démontrer petit à tous les degrés de sa profondeur. […] Voilà donc Mme de Longueville partie pour ce grand voyage de l’Éternité d’où l’on ne revient jamais… Des morts de cette nature des personnes qui tiennent un grand rang parmi le monde, et surtout lorsque nous y avons quelque rapport, nous frappent dans le moment ; mais l’impression s’en efface bientôt, et nous ne tâchons pas même d’ordinaire à la retenir. […] Elle les avoit encore, et les peines qu’elle avoit supportées depuis un an lui auront servi de pénitence… » Et dans une lettre du 22 avril 1679 : « Je n’aime pas les exagérations, mais il faut avouer de bonne foi qu’il y a eu des choses assez singulières dans la pénitence de Mme de Longueville, et pour le corps et pour l’esprit ; car il est certain que, dans les commencements de sa pénitence, il lui étoit fort ordinaire de coucher sur la dure, prendre la discipline, porter une ceinture de fer.

691. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VII. La littérature et les conditions économiques » pp. 157-190

Comme le dit fort bien Guillaume de Greef dans son Introduction à la sociologie 58 : « L’inaction libre ou forcée est la condition sine qua non de l’art ; à la différence du producteur ordinaire, l’artiste travaille irrégulièrement, à ses heures, c’est-à-dire quand le repos l’a rendu sensible et irritable… ; c’est dans cet état nerveux que l’homme de génie inconscient et véritablement inspiré enfante ces créations en apparence subites et spontanées, mais, en réalité, jaillies d’une lente et considérable épargne d’accumulation d’énergie. » Aussi y a-t-il une liaison perpétuelle entre l’état plus ou moins prospère d’un pays et les œuvres auxquelles ce pays donne naissance. […] Bernardin de Saint-Pierre n’est pas un ordinaire faiseur d’idylles. […] Quoique la condition matérielle des ouvriers de la pensée se soit certainement élevée du moyen âge à nos jours, et d’un mouvement presque constant, ces contrastes fréquents, ordinaires même, d’opulence et de gueuserie ne permettent guère de suivre avec précision les phases par où elle a passé.

692. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 novembre 1886. »

Richard Wagner, ce grand dégoûté, ne savait que faire de ce succès, tous ceux qui ont lu sa Lettre à un ami savent du moins comment on l’a fait. « Les représentations, dont trois sont complètement assurées, auront lieu en dehors de tous les usages ordinaires et seront des représentations modèles. » Impossible de s’expliquer plus clairement sur le public auquel on s’adresse. […] Malgré leur haute valeur, le Vaisseau Fantôme, Tannhaeuser et Lohengrin ne sont que les créations admirables d’un génie ignorant encore à quel point de prodigieuse audace il lui sera, donné d’atteindre. « On m’accordera, dit-il, que j’ai fait un plus grand pas de Tannhaeuser à Tristan que pour passer de mon premier point de vue, celui de l’opéra ordinaire, à Tannhaeuser ». […] Il n’a donc pas écrit cette page véritablement unique en application directe de son système, mais à côté, presque à rebours, puisque les mobiles intérieurs sur lesquels il prétendait se guider échappaient à l’art musical et qu’il en arrivait, sans s’en apercevoir, à ne plus exprimer qu’un sentiment très banal, qu’une situation très ordinaire.

693. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Victor Hugo »

En effet, de composition quelconque, il n’y en a pas plus dans les trois volumes qui le suivent que dans le premier… Le premier — vous l’avez vu — était un récit de journal, de faits-Paris quelconques, racontés avec la platitude ordinaire aux faits-Paris, et coupé odieusement, et sans cesse, par des dissertations de revue. […] ne pratique pas, mais contre laquelle, du moins, il ne vomit plus ici le flot d’impiétés ordinaire… En ce roman de Quatre-vingt-treize, le royalisme de ses premières années, qui repousse dans Hugo, a porté bonheur à son talent. […] Quoi qu’il en soit, du reste, la maternité, voilà le sentiment humain, à hauteur des cœurs de la foule, — car les sentiments qui font agir les hommes comme Lantenac ne sont qu’à hauteur de cœur de quelques-uns dans l’humanité, — la maternité, voilà le sentiment dont Victor Hugo, qui, pour le moment, crée des héros vieux et ne met plus d’amour dans ses livres, a voulu tirer des effets dramatiques et touchants… Mais en la peignant avec son matérialisme ordinaire, en l’expliquant avec ce matérialisme qui n’est plus uniquement poétique, mais philosophique par-dessus le marché, cette notion, il l’a déshonorée !

694. (1836) Portraits littéraires. Tome I pp. 1-388

Cette nouvelle misère, qu’il prévoyait tous les jours, qu’il avait vue venir sans crainte, ne réussit pas à l’abattre ; il se remit à l’étude des lois ; et après les épreuves ordinaires, il obtint le titre d’avocat. […] Contre l’ordinaire de Fielding, on n’y trouve, au milieu des tableaux immoraux, rien qui puisse rappeler au lecteur de meilleurs sentiments. […] Comme il arrive d’ordinaire aux âmes tristes, il sentit, à son début dans la vie, le besoin de consolation, de confiance, d’intimité, de sympathie sans réserve. […] Mais une fois qu’il est accepté, d’ordinaire il ne se termine pas par des compliments. […] Ce n’est donc pas un roman ou un poème ordinaire, et l’on ne doit y chercher ni les épisodes qui excitent la curiosité oisive, ni les traits de réalité extérieure que chacun retrouve dans sa vie personnelle.

695. (1892) Sur Goethe : études critiques de littérature allemande

Goethe avait fatigué la renommée à ce point, qu’à peine restait-il place chez lui pour les vanités ordinaires. […] Les devoirs ordinaires leur sont à charge. […] C’est le train ordinaire du monde et le cours du siècle. […] Freytag ne considère pas Schrœter comme un personnage ordinaire ; il l’a comblé de vertus ; sa maison est un asile de paix et de bonheur. […] Il jeta un regard scrutateur sur le drôle ; il vit l’humilité de sa posture et l’effronterie peu ordinaire qui brillait dans ses yeux.

696. (1925) Proses datées

Elle débutait d’ordinaire, de la part de Leconte de Lisle, par des lamentations mi-sérieuses et mi-plaisantes sur son âge et ses infirmités, sur la stupidité humaine et la bassesse de l’époque. […] Ce fait divers, plus inoffensif et plus pittoresque que ceux que rapportent d’ordinaire les gazettes, a ceci d’intéressant qu’il se rattache à une tradition qui fut toujours chère à la jeunesse française. […] C’est aux événements qu’il rapporte à nous intéresser par eux-mêmes et celui qu’il nous conte est de ceux qui mettent l’homme aux prises avec des difficultés qui, pour n’être point ordinaires, n’en sont pas moins instructives. […] D’ordinaire, elle est vide et ne contient pas, comme ses sœurs de la comédie shakespearienne, le portrait de Portia, mais il s’en exhale une poussiéreuse odeur de passé et de mystère. […] J’ai son acte de baptême ; j’y vois qu’il était le fils de Gabriel-François de Régnier, brigadier des Chevau-Légers de la Garde ordinaire du Roi, Chevalier de Saint-Louis, et de Marguerite-Françoise de Villelongue2.

697. (1890) Le massacre des amazones pp. 2-265

J’ai besoin de distinguer dès aujourd’hui son uniforme et son allure ordinaire. […] Je sais aussi que le petit animal, remarquable par sa seule vanité, est presque toujours de la couleur ordinaire. […] Dans Camée ou dans Cécile Cassot ils effarent par la platitude de leur fantaisie et l’ordinaire de leur imprévu. […] La forme est d’ordinaire si plate et ennuyeuse que, lorsqu’elle devient ridicule, je me réjouis comme d’une bonne fortune. […] Mais cette pauvre Française de Jeanne Mairet n’a pu leur donner que les qualités ordinaires aux jeunes premiers Français.

698. (1887) George Sand

Je demandais à un philosophe distingué de ce temps quel était, d’ordinaire, le premier article qu’il lisait dans la Revue des Deux Mondes. […] Son nez est simplement un nez droit et ordinaire. […] Les comédiens ordinaires de Nohant étaient tous en vacances, et je crois me souvenir que Balandard, la grande marionnette dont il est si souvent question dans les lettres, était en réparation. […] En temps ordinaire, George Sand s’y mettait tout entière, cœur et âme, avec ses doigts de fée. […] » Elle avait, au lendemain de ces orgies scientifiques, toutes les peines du monde à se remettre à la vie ordinaire et à ses besognes accoutumées ; mais elle y revenait avec plus de force.

699. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre III. Le lien des caractères généraux ou la raison explicative des choses » pp. 387-464

Tout nombre écrit selon notre système de numération ordinaire, et dans lequel la somme des chiffres est divisible par 9, est lui-même divisible par 9. […] « De là suit, dit Cuvier, une certaine forme du condyle pour que les mâchoires s’engrènent à la façon des ciseaux, un certain volume dans le muscle crotaphyte, une étendue dans la fosse qui le reçoit, une certaine convexité de l’arcade zygomatique sous laquelle il passe, et une foule de caractères du squelette, des articulations et des muscles moteurs… La forme de la dent entraîne celle du condyle, celle de l’omoplate, celle des ongles, tout comme l’équation d’une courbe entraîne toutes ses propriétés, et, de même qu’en prenant séparément chaque propriété pour base d’une équation particulière, on retrouverait et l’équation ordinaire et toutes ses autres propriétés quelconques, de même l’ongle, l’omoplate, le condyle, le fémur et tous les autres os, pris séparément, donnent la dent et se donnent réciproquement. » — Cela est si vrai que, dans le même animal, la métamorphose d’un organe entraîne une métamorphose appropriée du reste. […] Ce dernier cas lui-même se ramifie en deux branches. — Ou bien les éléments dans lesquels l’intermédiaire est répété sont semblables, comme les unités du nombre ou les triangles du polygone, ou bien ils sont dissemblables, comme les organes de l’animal. — Mais, simple ou multiple, composé d’intermédiaires successifs ou d’intermédiaires simultanés, d’intermédiaires différents ou du même intermédiaire répété, du même intermédiaire répété par des éléments semblables ou du même intermédiaire répété par des éléments dissemblables, l’intermédiaire explicatif s’est toujours montré à nous comme un caractère ou une somme de caractères inclus dans la première donnée du couple, plus généraux qu’elle si on les considère à part, accessibles à nos prises, puisqu’ils sont compris en elle, et séparables d’elle par nos procédés ordinaires d’isolement et d’extraction. […] En d’autres termes, et pour continuer la comparaison, chaque coffret plus large, à côté du coffret plus petit dans lequel finalement on trouvera la propriété énoncée, en contient plusieurs autres qu’on ouvrirait inutilement ; il faut donc mettre la main sur le coffret utile, et, s’il y a, comme dans le cas précédent, cinq coffrets à ouvrir, il faut cinq fois de suite avoir du tact et faire le bon choix. — En outre et d’ordinaire, il y a des coffrets qui ne s’ouvrent pas tout seuls : un tour de clef adroit est nécessaire ; nous avons été obligés d’exécuter une construction, d’ajouter une ligne à la figure, de tracer la diagonale. […] De cette façon, le raisonnement devient une analyse et non un jeu logique comme le syllogisme ordinaire.

700. (1905) Propos de théâtre. Deuxième série

Il est vrai que d’ordinaire il ne m’en fait aucun ; mais enfin vous voyez la nuance. […] Un peu plus de zèle, Messieurs les Ordinaires ! […] Ensuite parce qu’Orgon, homme sans peur en choses ordinaires, n’a qu’une crainte, mais à frissonner, celle de l’enfer. […] Comme procédé ordinaire de composition, il n’est pas autre chose qu’un roman arrangé en pièce de théâtre. […] On n’a pas considéré qu’un langage au-dessus du langage ordinaire doit être débité d’un ton au-dessus du familier.

701. (1930) Physiologie de la critique pp. 7-243

On connaît la distinction ordinaire de Faguet entre les poètes qui ont des idées, comme Vigny, et les poètes qui n’ont pas d’idées, comme Victor Hugo. […] Une génération réagit d’ordinaire contre la génération précédente, — critique si l’autre est organique, organique si l’autre est critique. […] La critique ordinaire suppose l’œuvre faite. […] le génie, c’est-à-dire la réalité la plus rebelle à la déduction, à la prévision, à la logique ordinaire. […] Voilà donc un cas où le rapport ordinaire est renversé.

702. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre II. Les directions divergentes de l’évolution de la vie. Torpeur, intelligence, instinct. »

Leurs diverses espèces constituent autant d’impasses, comme si, en renonçant au mode d’alimentation ordinaire des végétaux, ils s’arrêtaient sur la grande route de l’évolution végétale. […] Ils n’intéressent d’ordinaire qu’une partie de l’organisme, et ne s’étendent presque jamais à l’organisme entier. […] D’ordinaire, l’une des deux tendances recouvre ou écrase l’autre, mais, dans des circonstances exceptionnelles, celle-ci se dégage et reconquiert la place perdue. […] Or, c’est là un fait qui se produit d’ordinaire quand une tendance s’analyse. […] Nous avons de la peine à nous en apercevoir, parce que les modifications de l’humanité retardent d’ordinaire sur les transformations de son outillage.

703. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — III » pp. 81-102

Sans nulle difficulté on se loge le premier jour sur la contrescarpe ; on occupe en arrivant Léopolstadt, et si nous n’y avions trouvé que ce régiment de la garde ordinaire que j’ai vu battre par les écoliers de Vienne, ce n’eût peut-être pas été un siège de huit jours. » Notez que Villars comptait bien alors se tenir, par le Tyrol, en communication avec l’Italie et avec l’armée de Vendôme, dont un détachement l’aurait appuyé : « Ces troupes, écrivait-il au roi, auraient traversé le Tyrol comme l’on va de Paris à Orléans, si elles s’étaient mises en marche dès les premiers jours de juillet. » Les grandes idées des campagnes de 1805 et de 1809, Villars les a donc entrevues ; il avait pour principe qu’il faut qu’un seul et même esprit gouverne toute la guerre : « Votre Majesté saura un jour que l’empereur était perdu si on avait marché à Passau, et il n’y a que des gens gagnés par l’empereur, ou des ignorants, qui aient pu s’opposer à ce dessein. » Le prince Eugène, revoyant Villars à Rastadt, le lui dit en présence de témoins : si on avait suivi ce parti alors, la paix qui se fit en 1714 eût pu être conquise par la France neuf ans plus tôt. […] « On envoie un empirique, disait-il gaiement, là où les médecins ordinaires ont échoué. » Il prit d’ailleurs sa mission très au sérieux, et eut dès l’abord des idées saines et justes sur l’esprit qu’il convenait d’y apporter : Je me mis dans la tête de tout tenter, d’employer toutes sortes de voies, hors celle de ruiner une des meilleures provinces du royaume ; et même que si je pouvais ramener les coupables sans les punir, je conserverais les meilleurs hommes de guerre qu’il y ait dans le royaume.

704. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) «  Essais, lettres et pensées de Mme  de Tracy  » pp. 189-209

Mme de Coigny, un peu à cause de son gendre et aussi par tout ce qu’elle avait vu dans la Révolution, par reconnaissance pour celui qui nous en avait tirés, était grande admiratrice, et plus qu’on ne l’était d’ordinaire dans son monde, de l’Empereur et de son génie. […] Penser par soi-même est fort rare en France dans le monde, et chez une femme c’est assez mal vu d’ordinaire ; on s’en indigne ou l’on en sourit.

705. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Souvenirs militaires et intimes du général vicomte de Pelleport, publiés par son fils. » pp. 324-345

À cette occasion, le général Dagobert nous dit qu’il fallait prendre le pas ordinaire en montrant le dos à l’ennemi, et le pas de charge en lui présentant sa poitrine y. […] La conversation roulait sur les événements politiques ; s’interrompant au milieu d’une de ces périodes à effet comme il savait les faire, le général lui dit : « Rappelez-vous, Pelleport, et vous êtes trop jeune pour que vous ne puissiez un jour ou l’autre mettre à profit mon avertissement, rappelez-vous qu’en révolution il ne faut jamais se mettre du côté des honnêtes gens : ils sont toujours balayés. » — « Après ce court dialogue, ajoute Pelleport, la conversation reprit son cours ordinaire, et je me promis bien de désobéir à mon général. » De retour en France, Pelleport continue sa marche d’un pas égal.

706. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « François Villon, sa vie et ses œuvres, par M. Antoine Campaux » pp. 279-302

Une affaire d’amour où il apporta, ce semble, plus de cœur qu’à l’ordinaire et qui se termina par une éclatante disgrâce, par je ne sais quelle perfidie notoire qui le faisait montrer au doigt et qui le rendit la fable de la cité, le décida tout d’un coup à quitter Paris et à partir pour Angers : Mais auparavant il voulut, nous dit M.  […] Cet écolier aura fait, un jour, à Villon sa déclaration d’enthousiasme, et Villon l’aura reçue avec plus de sérieux qu’il n’en gardait d’ordinaire en pareil cas ; il aura même, en voyant sa candeur, ménagé assez le jeune homme pour ne pas l’initier à ses tromperies et pour n’essayer, à aucun moment, de l’embaucher dans sa troupe de mauvais garçons.

707. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Benjamin Constant. Son cours de politique constitutionnelle, ou collection de ses divers écrits et brochures avec une introduction et des notes, par M. Laboulaye »

D’ordinaire un journal est plus mauvais que son auteur ; et d’ordinaire encore un auteur devient plus mauvais par son journal.

708. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

Planche, en louant Horace Vernet, eût adhéré à la foule, ce qu’il évitait le plus soigneusement ; en louant Charlet au-delà de la mesure ordinaire, il commandait à la foule, il se mettait au-dessus d’elle ; et c’est ce qui lui plaisait avant tout. […] Graveur de tableaux, le graveur ordinaire d’Horace Vernet.

709. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Joséphine de Saxe dauphine de France. (Suite et fin.) »

La demande solennelle de mariage, faite à Dresde le 7 janvier 1747 par les deux ambassadeurs extraordinaire et ordinaire, le duc de Richelieu et le marquis des Issarts, fut suivie du mariage par procuration le 10, et de fêtes, feux d’artifice, concerts et galas, dont le détail nous est donné dans ce volume. […] » Je saute sur les lettres suivantes ou sur les post-scriptum qui rentrent dans les tons de plaisanterie et les gaietés autorisées, ordinaires à toutes les noces ; mais je ne ferai pas grâce d’un passage qui achèvera de fixer les notions sur les énormités de l’étiquette.

710. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine »

Toutes les scènes qui ont pour cadre l’Italie, principalement dans les secondes Méditations, ne se rapportent donc pas originairement à l’idée d’Elvire, à laquelle je les crois antérieures ; ou bien elles auront été combinées, transposées sur son souvenir par une fiction ordinaire aux poëtes. […] S’il était possible d’assigner aux vrais poëtes des heures naturelles d’inspiration et de chant, comme cela existe dans l’ordre de la création pour certains oiseaux harmonieux, nous dirions, sans trop de crainte de nous tromper, que Lamartine chante au matin, au réveil, à l’aurore (et réellement la plupart de ses pièces, celles même où il célèbre la nuit, sont écloses à ces premiers moments du jour ; il ébauche d’ordinaire en une matinée, il achève dans la matinée suivante).

711. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LE COMTE XAVIER DE MAISTRE. » pp. 33-63

Lui, d’ordinaire, il est la simplicité même. […] Les Prisonniers du Caucase, par la singularité des mœurs et des caractères si vivement exprimés, semblent déceler, dans ce talent d’ordinaire tout gracieux et doux, une faculté d’audace qui ne recule au besoin devant aucun trait de la réalité et de la nature, même la plus sauvage.

712. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LOYSON. — POLONIUS. — DE LOY. » pp. 276-306

Voilà, ce me semble, de la belle poésie philosophique, s’il en fut136 ; mais chez Loyson cette élévation rigoureuse dure peu d’ordinaire ; la corde se détend, et l’esprit se remet à jouer. […] Couturier, ses biographes148, nous en disent là-dessus moins encore qu’ils n’en savent ; l’aventure de Goldsmith, qui parcourut une fois la Touraine sans argent, en jouant de la flûte de village en village, n’est qu’un des accidents les plus ordinaires de la destinée de de Loy.

713. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE PONTIVY » pp. 492-514

Plus tard elle se rappela qu’un jour, un soir, six mois environ après le mariage, elle qui était inquiète d’ordinaire et toute à la minute quand son époux ne rentrait pas, avait laissé sonner l’heure à la petite et à la grosse horloge sans faire attention et s’oubliant à quelque rêverie. […] Par une délicatesse rare, autant il avait été question entre eux, au début, de cet époux, leur matière ordinaire, autant, depuis l’amour avoué, il n’en était jamais fait mention qu’à l’extrémité, pour ainsi dire.

714. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Le comte de Ségur »

Mais comment avertir à temps et avec convenance une fantaisie impérieuse qui d’ordinaire marchait assez droit à son but ? […] Chaque après-midi, à une certaine heure, dans les jardins, l’impératrice faisait sa promenade régulière : deux allées parallèles étaient séparées par une charmille ; elle arrivait d’ordinaire par l’une et revenait par l’autre.

715. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Madame de Krüdner et ce qu’en aurait dit Saint-Évremond. Vie de madame de Krüdner, par M. Charles Eynard »

Dès l’instant où vous lui seriez moins cher, elle ne serait plus pour moi qu’une femme ordinaire, et je cesserais de l’aimer. » M. de Krüdner, touché de cette lettre comme un galant homme pouvait l’être, fit avec gravité une chose imprudente : il montra cette déclaration à sa femme ; et, en croyant stimuler sa vertu, il ne fit qu’irriter sa coquetterie. […] « La vie ordinaire des hommes est semblable à celle des saints : ils recherchent tous leur satisfaction, et ne diffèrent qu’en l’objet où ils la placent197. — Le cœur humain se retrouve partout avec les mêmes mobiles ; partout c’est le désir du bien-être, soit en espoir, soit en jouissance actuelle, et le parti qui le détermine est toujours celui où il y a le plus à gagner198.

716. (1892) Boileau « Chapitre II. La poésie de Boileau » pp. 44-72

Souvent les deux mots qui riment, presque toujours l’un des deux, sont significatifs ; à l’ordinaire, la fameuse loi de la consonne d’appui est observée. […] J’ai regret d’être obligé d’insister sur de telles images : mais il le faut, tant on méconnaît à l’ordinaire le vrai caractère de la poésie de Boileau.

717. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre I. Roman de Renart et Fabliaux »

Et n’est-ce pas aussi une parodie perpétuelle de la littérature chevaleresque, que ces aventures multiples, d’où Renart sort le plus souvent repu et glorieux, où les autres laissent à l’ordinaire une patte, un bout de leur queue, ou la peau de leur mufle ? […] Mais à l’ordinaire on est loin de cet idéal.

718. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre II. Corneille »

Même dans ses œuvres lyriques — il y a de belles choses dans son Imitation ou dans son Office de la Vierge — les qualités ordinaires du style lyrique, richesse des images, délicatesse des sonorités, ne se rencontrent guère : là encore les éléments concrets, sensibles, pittoresques font à peu près défaut. Il reste le rythme, le rythme pur, séparé du son, dont la qualité est ordinaire ; et le rythme, c’est le mouvement : le lyrisme de Corneille, ce sont des pensées en mouvement, qui se pressent, s’élancent, enlèvent la stance ou la strophe ; et c’est la sensation expressive de ce mouvement abstrait que le rythme nous communique.

719. (1902) L’œuvre de M. Paul Bourget et la manière de M. Anatole France

. — On ne peut nier non plus que, si les faits présentés, si peu alourdis qu’ils soient de complications matérielles, se distinguent des ordinaires accidents ressassés, par une idée, — il en résulte souvent un ensemble capable d’offrir des ressources d’émotion et d’intérêt, mille fois plus puissantes sur le cœur que ne l’ont jamais été sur l’imagination les ficelles du roman à physionomie unilatérale, comme le roman d’aventures, par exemple. […] Et qu’il aurait aimé le reconnaître si un peu de philosophie franche, virilement admise et positivement envisagée, l’eût, contre tout prétexte d’idiosyncrasie, dissuadé de trouver la vie si drôle et le fait ordinaire si irrémédiablement pitoyable, tant dans sa psychologie spécifique que dans sa connexité avec les entités naturelles.

720. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XII. La littérature et la religion » pp. 294-312

Voici la marche ordinaire des choses : si nous prenons pour point de départ une époque où elle est maîtresse incontestée des âmes, par exemple l’époque des premières croisades, nous la voyons d’abord, dans la plénitude et l’orgueil de sa force, faire peser un joug de fer sur les consciences, régenter la société civile, essayer de gouverner à la fois et les rois et les peuples, se faire l’arbitre de la paix et de la guerre, s’ériger en dépositaire unique et infaillible de la vérité tant religieuse que scientifique. […] Il faut suivre en chaque époque l’histoire de l’Église, noter si son influence allait croissant ou décroissant, dans quelles limites elle était contenue, et si elle a rencontré un de ces points d’arrêt qui se trouvent d’ordinaire pour toute puissance au lendemain d’un triomphe et d’un excès de prétentions.

721. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « L’abbé Galiani. » pp. 421-442

Le peuple cependant ne faisait là que traduire le raisonnement des plus fins ; il le traduisait grossièrement, selon l’ordinaire des traducteurs, mais sans trop de contresens. […] Il prétendait, selon sa façon demi-sérieuse, demi-bouffonne, et où la pensée se doublait du calembour, qu’il y avait trois sortes de raisonnements ou résonnements : 1º raisonnements de cruches ; c’était, à ce qu’il croyait, les plus ordinaires, ceux du commun des hommes ; 2º raisonnements ou résonnements de cloches ; c’étaient ceux de bien des poètes et orateurs, de gens de haut talent, mais qui s’en tenaient trop, selon lui, aux apparences, aux formes majestueuses et retentissantes de l’illusion humaine.

722. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Mme de Caylus et de ce qu’on appelle Urbanité. » pp. 56-77

Le mari qu’on lui donna, M. de Caylus, très ordinaire pour la fortune, était, à d’autres égards, des moins dignes d’elle. […] Sans flatterie, et à ne voir que la plénitude et la justesse des termes dans l’ordinaire du discours, il aurait été un des premiers académiciens de son royaume.

723. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « L’abbé de Choisy. » pp. 428-450

On a vu mainte fois le travestissement être un moyen de licence et de désordre, et servir à faciliter des passions, des intrigues ; c’est le cas le plus ordinaire. […] Ceux de Fouquet, de Le Tellier, de Lionne et de Colbert, de ces quatre hommes qui prirent rang après la mort de Mazarin, sont admirablement saisis et passent même la portée ordinaire de l’écrivain : Choisy a eu affaire à de bons causeurs les jours où il les a peints d’une main si sûre.

724. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — II. (Suite.) » pp. 220-241

Le fond du Barbier est bien simple et pouvait sembler presque usé : une pupille ingénue et fine, un vieux tuteur amoureux et jaloux, un bel et noble amoureux au-dehors, un valet rusé, rompu aux stratagèmes, et qui introduit son maître dans la place, quoi de plus ordinaire au théâtre ? […] Rien ne manqua à la solennité ni à l’éclat de cette première représentation : Ç’a été sans doute aujourd’hui, disent les Mémoires secrets, pour le sieur de Beaumarchais qui aime si fort le bruit et le scandale, une grande satisfaction de traîner à sa suite, non seulement les amateurs et curieux ordinaires, mais toute la Cour, mais les princes du sang, mais les princes de la famille royale ; de recevoir quarante lettres en une heure de gens de toute espèce qui le sollicitaient pour avoir des billets d’auteur et lui servir de battoirs ; de voir Mme la duchesse de Bourbon envoyer dès onze heures des valets de pied, au guichet, attendre la distribution des billets indiquée pour quatre heures seulement ; de voir des Cordons bleus confondus dans la foule, se coudoyant, se pressant avec les Savoyards, afin d’en avoir ; de voir des femmes de qualité, oubliant toute décence et toute pudeur, s’enfermer dans les loges des actrices dès le matin, y dîner et se mettre sous leur protection, dans l’espoir d’entrer les premières ; de voir enfin la garde dispersée, des portes enfoncées, des grilles de fer même n’y pouvant résister, et brisées sous les efforts des assaillants.

725. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre I. Shakespeare — Son génie »

C’est là, soit dit en passant, une de ces déviations à la loi ordinaire terrestre qui font rêver et réfléchir la haute critique et lui révèlent le côté mystérieux de l’art. […] III Un des caractères qui distinguent les génies des esprits ordinaires, c’est que les génies ont la réflexion double, de même que l’escarboucle, au dire de Jérôme Cardan, diffère du cristal et du verre en ce qu’elle a la double réfraction.

726. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Nisard » pp. 81-110

VI Il est vrai que, pour la première fois, cette besogne est plus proprement faite que les chacals ne la font d’ordinaire… Le livre des Recollections a été composé avec un soin très particulièrement anglais. […] … Non content des sentiments ordinaires de la vie, Byron s’invente des sentiments extraordinaires dans lesquels triomphe mieux la pureté de son génie, par exemple la petite Léïla dans le Juan, et la Yanté de la dédicace d’Harold.

727. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « X. M. Nettement » pp. 239-265

Nettement, a oublié ses circonspections ordinaires, il est monté jusqu’à cette indépendance où l’on ne craint plus de paraître implacable, et il l’a été en restant juste. […] Il est ici, dans ce nouvel ouvrage, sinon debout et fièrement campé comme le Romulus des Sabines, au moins sur son séant ordinaire, dans l’attitude d’un esprit qui s’empâte chaque jour un peu davantage, mais assez lentement cependant pour qu’on puisse encore constater l’identité de l’écrivain.

728. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Sainte-Beuve. Les Poésies de Joseph Delorme, Les Consolations, les Pensées d’août. »

Dans Après une lecture d’Adolphe, que j’aime déjà moins, car cette pièce est teintée d’André Chénier, et l’auteur, d’ordinaire si sincère, y est si peu sûr de sa sincérité qu’il se croit obligé dans une note de se suspecter d’ironie, dans La Plaine, et, pour finir, dans Rose ! […] Tel est, sauf de très rares exceptions, le style ordinaire des Pensées d’août, qui déshonorerait de la prose.

729. (1868) Curiosités esthétiques « VII. Quelques caricaturistes français » pp. 389-419

Ainsi le roide, le dégingandé des figures de ce temps-là nous surprend et nous blesse étrangement ; cependant tout ce monde est beaucoup moins volontairement étrange qu’on ne le croit d’ordinaire. […] En dehors de ses peintures et de ses gravures à l’eau-forte, où il s’est montré toujours grave et poétique, il a fait de fort bons dessins grotesques, où l’idée d’ordinaire se projette bien et d’emblée.

730. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — La rentrée dans l’ordre »

  On n’envisage pas d’ordinaire, avec une suffisante attention, le fait d’humanité dont ces deux écrivains se sont faits les spectateurs attendris, et dont l’importance se précise de jour en jour. […] Ni l’intelligence ni l’instinct ne vivent plus en lui d’une vie assez accusée pour qu’on ait dans l’ordinaire à en redouter quelque éclat.

731. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre I. La quantité des unités sociales : nombre, densité, mobilité »

Mill 57, sont d’ordinaire plus attachés à leurs dogmes que ceux des Églises universelles. — Toutes observations qui prouvent suffisamment l’influence de la quantité sociale non pas seulement sur la façon dont les hommes réalisent leurs idées et leurs sentiments, mais sur le ton même de ces sentiments et, le tour de ces idées. […] On mesure d’ordinaire la densité d’une société par le rapport qui unit la surface qu’elle recouvre aux éléments qu’elle contient : mesure singulièrement imparfaite pour notre objet.

732. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVIII. Des obstacles qui avaient retardé l’éloquence parmi nous ; de sa renaissance, de sa marche et de ses progrès. »

Il faut, pour créer, qu’ils aient plus d’imagination que de raison ; il faut qu’ils aient une certaine vigueur d’âme qui les emporte et les entraîne loin de ce qui est ordinaire. […] Parmi les causes ordinaires, plusieurs par l’embarras de nos procédures, ne dépendent que des formes ; plusieurs par le vice de nos lois qui se combattent, se réduisent souvent à une discussion sèche de lois qu’il faut éclaircir : l’étude même de tant de législations opposées, consume parmi nous la vie d’un orateur.

733. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « VICTORIN FABRE (Œuvres mises en ordre par M. J. Sabbatier. (Tome II, 1844.) » pp. 144-153

Victorin Fabre avait des qualités de jeune homme, et supérieures à celles que cet âge présente d’ordinaire : il avait la générosité de la jeunesse, il y joignait un esprit grave, une application constante, une faculté d’analyse et d’examen qui, dans l’expression, savait se revêtir de nombre et d’un certain éclat.

734. (1874) Premiers lundis. Tome I « Victor Hugo : Odes et ballades — I »

Né dans les camps, élevé au milieu de nos guerriers, il avait de bonne heure parcouru l’Europe à la suite de nos drapeaux ; son jeune cœur était déjà oppressé d’une foule d’ineffables sentiments, à l’âge ordinaire des jeux et de l’insouciance.

735. (1874) Premiers lundis. Tome I « A. de Lamartine : Harmonies poétiques et religieuses — II »

Dans la pièce intitulée l’Occident, qui est presque une exception à sa manière habituelle, M. de Lamartine jette sur la nature un coup d’œil moins humain, moins aimant qu’à l’ordinaire, mais plus intrépide et plus effaré à la fois, s’il est possible.

736. (1874) Premiers lundis. Tome II « Charles de Bernard. Le nœud Gordien. — Gerfaut. »

Gerfaut, pourtant, aspire à des dimensions plus imposantes : la description, la dissertation, y ont plus de part ; mais tout cela si varié, si vif, si bien pris sur le fait, que d’ordinaire on y a peu de regret, nulle impatience.

737. (1897) La crise littéraire et le naturisme (article de La Plume) pp. 206-208

Selon lui, au lieu d’entraîner les naïves imaginations vers de fantastiques empyrées, des forêts féeriques et de légendaires paysages, ce qui contribue, en quelque sorte, à détacher de leur existence habituelle les hommes pour qui nous chantons, il s’agirait de les persuader, au contraire, de la beauté, de la grandeur même et de la pompe dont sont empreints leurs actes ordinaires et leurs occupations courantes.

738. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Contes de Noël »

D’abord, le préambule ordinaire : «… Mon ami secoua dans le foyer les cendres de sa pipe, et tout à coup : — Veux-tu que je te raconte mon premier réveillon à Paris ?

739. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XVII. Conclusion » pp. 339-351

C’est aux endroits où son théâtre s’anime davantage, que les commentateurs ont d’ordinaire à constater quelque imitation, à signaler quelque rapprochement.

740. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre IX. L’avenir de la Physique mathématique. »

Et au point de vue particulier qui nous occupe aujourd’hui, quand nous saurons pourquoi les vibrations des corps incandescents diffèrent ainsi des vibrations élastiques ordinaires, pourquoi les électrons ne se comportent pas comme la matière qui nous est familière, nous comprendrons mieux la dynamique des électrons et il nous sera peut-être plus facile de la concilier avec les principes.

741. (1897) Manifeste naturiste (Le Figaro) pp. 4-5

De même que les exploits des rois, les actes ordinaires de la vie et tant de journaliers labeurs, auxquels se soumettent les pêcheurs, les boulangers et les bouviers, sont dignes de nos odes et de notre étude.

742. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface des « Feuilles d’automne » (1831) »

Le fait répond d’ordinaire oui ou non aux questions de ce genre, et, au fond, il importe peu.

743. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Bayle, et Jurieu. » pp. 349-361

Les noms d’athée, d’impie, de faux frere, d’homme sans foi, sans mœurs, sans probité, sans principes, étoient le refrein ordinaire de ses discours & de ses écrits.

744. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 7, nouvelles preuves que la declamation théatrale des anciens étoit composée, et qu’elle s’écrivoit en notes. Preuve tirée de ce que l’acteur qui la recitoit, étoit accompagné par des instrumens » pp. 112-126

On étoit si bien prévenu en sa faveur, que lorsqu’il joüoit moins bien qu’à l’ordinaire, on disoit de lui qu’il se negligeoit, ou que par un accident auquel les bons acteurs sont sujets volontiers, il avoit fait une mauvaise digestion.

745. (1912) L’art de lire « Chapitre X. Relire »

Les beaux lieux vus autrefois paraissent ordinaires et avoir été surfaits par on ne sait qui.

746. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Gabrille d’Estrées et Henri IV »

Le livre de Gabrielle d’Estrées, écrit avec le sang-froid de l’homme d’État encore plus que de l’historien, se distingue par une simplicité d’expression ravissante en Capefigue, qui d’ordinaire aime à fringuer et à faire briller la paillette chère au siècle qu’il a tant aimé Pour tout dire d’un mot, c’est un livre où la rectitude des idées a créé, seule, un talent sur lequel nous ne comptions plus.

747. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Hebel »

« L’idylle hébélienne — disait en 1847 un critique distingué, le professeur Rapp de Tübingen, — est dans la littérature allemande quelque chose de si complètement à part, que nous ne la comprenons pas nous-mêmes dans le cercle ordinaire de la littérature, À nous, Allemands du sud, à qui Hebel tient si fortement au cœur, cela fait déjà mal quand on nous dit que quelqu’un a cherché à traduire ces poésies en haut allemand ; car il y a pour nous comme une profanation de l’intimité avec laquelle nous honorons ces produits. » Et le mot produits est bien dit, il marque mieux qu’un autre l’autochtonie du talent de Hebel.

748. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Leopardi »

Au contraire, il a persévéré imperturbablement à trouver Leopardi un grand homme, comme tout traducteur trouve d’ordinaire son traduit !

749. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Louandre »

Louandre10 La littérature nous a offert dans ces derniers temps quelques livres supérieurs à ce qui se publie d’ordinaire, et nous les avons examinés avec le soin et la conscience que tout homme qui a le respect du travail et de l’effort ne manquera jamais d’avoir, même quand il s’agirait d’œuvres surfaites.

750. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Comte de Gramont »

Seulement, ce mal n’y est pas étalé avec ces coquetteries misérables de l’égoïsme ordinaire aux poètes, ces lécheurs éternels de leurs blessures.

751. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Erckmann-Chatrian » pp. 95-105

Ce peintre d’école hollandaise levant des paysages allemands vus par la fenêtre d’un cabaret, ce peintre de genre encore trop heurté de couleur et qui attend comme un bénéfice le velours brun du temps, de l’expérience et de l’art, sur son rouge trop dur, a tout d’un coup élargi sa toile, et, dans un horizon plus vaste que celui dans lequel il se contient d’ordinaire, il est monté jusqu’à l’idéal.

752. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre VII. D’Isocrate et de ses éloges. »

Il servit assez bien le roi de Perse pour mériter d’en être craint ; et ayant essuyé l’ingratitude et l’orgueil ordinaire aux grandes puissances contre les petites, il osa combattre le roi qu’il avait servi ; et avec ses seules forces, soutint pendant dix ans les forces de l’Asie.

753. (1894) Écrivains d’aujourd’hui

Tel est le procédé ordinaire de Maupassant. […] Lavisse a les qualités les plus précieuses : et il n’a pas le défaut le plus ordinaire, qui est de mal écrire. […] D’ordinaire, il écrit bien. […] C’est la tendance ordinaire de rabaisser l’époque présente. […] Un prêtre croit avoir accompli sa tâche parce qu’il a fidèlement accompli ses devoirs ordinaires.

754. (1925) Comment on devient écrivain

En d’autres termes, il existe une langue que l’on parle et une langue que l’on écrit, une prose ordinaire et une prose d’art. […] Il n’y a d’abord que l’ordinaire bouleversement d’une technique. […] Chez les critiques ordinaires, elles s’expliquent par le manque de lectures et, par conséquent, de comparaisons et de points de vue. […] Ordinaire, Rhétorique nouvelle, p. 63. […] M. Ordinaire, p. 200 93.

755. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre cinquième. De l’influence de certaines institutions sur le perfectionnement de l’esprit français et sur la langue. »

Gentilhomme ordinaire, et plus tard chambellan de M. le duc d’Orléans, il vécut quarante ans à la cour, non pour s’y mêler d’intrigues politiques ou pour y avancer sa fortune, mais pour y être plus au centre du bon langage. […] Pour lui, l’exil n’est qu’une épreuve ordinaire, parce que la patrie est partout où est Dieu, partout où l’on peut emporter le dépôt de la doctrine. […] Il en est de même des vérités très délicates, d’une pratique restreinte aux esprits d’élite, lesquelles échapperaient à une attention ordinaire, si nous n’en étions avertis par quelque particulier du style.

756. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre quatrième. Les émotions proprement dites. L’appétit comme origine des émotions et de leurs signes expressifs. »

L’intensité d’une impression agréable ou pénible est bien la condition ordinaire de l’émotion, mais, à vrai dire, l’émotion proprement dite ne commence qu’avec la modification du mouvement des états de conscience, du cours de nos idées, de nos sentiments, de nos volitions : la colère et la terreur, par exemple, agissent différemment sur le cours de la conscience. […] Mais examinons auparavant jusqu’où s’étendent les explications ordinaires, empruntées aux deux domaines de la biologie et de la physiologie. […] V Explication sociologique de l’expression des émotions Passons maintenant aux considérations, d’ordinaire négligées, qu’on peut emprunter à la sociologie.

757. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIV : Récapitulation et conclusion »

La plupart des formations fossilifères sont le résultat d’accumulations intermittentes ; et j’incline à croire que leur durée a été plus courte que la durée ordinaire des formes spécifiques. […] Du point de vue ordinaire, qui admet chaque espèce comme indépendamment créée, pourquoi les caractères spécifiques, c’est-à-dire ceux par lesquels les espèces du même genre différent les unes des autres, seraient-ils plus variables que les caractères génériques qui lui sont communs à toutes ? […] Ces auteurs ne semblent pas plus s’étonner d’un acte miraculeux de création que d’une naissance ordinaire ; mais croient-ils réellement qu’à d’innombrables époques de l’histoire de la terre, certains atomes élémentaires ont reçu l’ordre de jaillir soudain en tissus vivants ?

758. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre V. Le souvenir du présent et la fausse reconnaissance »

D’ordinaire, les deux processus se recouvrent ; mais, si le second arrive en retard, une image double s’ensuit, qui donne lieu à la fausse reconnaissance 37. […] Mais la conscience ne l’aperçoit pas d’ordinaire, pas plus que notre œil ne verrait notre ombre s’il l’illuminait chaque fois qu’il se tourne vers elle. […] Mais il peut arriver que cette attention se maintienne d’ordinaire à son ton normal, et que son insuffisance se manifeste d’une tout autre manière ; par des arrêts de fonctionnement, généralement très courts, espacés de loin en loin.

759. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome IV pp. -328

« Envoyez la bulle par le premier ordinaire, mandoit au cardinal un secrétaire d’état, ou nous sommes perdus vous & moi : le roi s’en prend à nous, & nous sommes déclarés jansénistes ». […] Il est encore plus ordinaire, dans ce corps, que partout ailleurs, de voir qu’on se décide non sur la force des raisons, mais sur le nombre des opinans. […] Les vers en forme d’épître étoient adressés au père Jouvenci, son conseil & réviseur ordinaire de ses ouvrages, & qu’il ne manqua pas de louer plus que tous les autres. […] Le monarque voulut que l’affaire suivît le cours ordinaire de la justice. […] Arrive enfin ce tems si desiré : l’abbé de Prades soutient sa thèse le 18 novembre 1751, signée & approuvée selon la forme ordinaire.

760. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre IV. Addison. »

Ce mélange et ce décousu peignent bien l’esprit ordinaire qui reste au niveau de son auditoire, et l’esprit pratique qui sait maîtriser son auditoire. […] Voyez, par exemple, de quel style il nous met en garde contre l’hypocrisie involontaire, annonçant, expliquant, distinguant les moyens en ordinaires et en extraordinaires, se traînant en exordes, en préparations, en exposés de méthodes, en commémorations de la sainte Écriture914. […] Ils ne veulent que des termes clairs, de l’usage commun, où l’esprit entre de prime-saut comme dans les sentiers de la causerie ordinaire ; en effet, pour eux, la lecture n’est qu’une causerie et meilleure que l’autre. […] Ceux qui cherchent des idées feront bien de ne point lire son Essai sur l’imagination, si vanté, si bien écrit, mais d’une philosophie si écourtée, si ordinaire, toute rabaissée par l’intervention des causes finales.

761. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIII : Affinités mutuelles des êtres organisés »

Au point de vue ordinaire de la création indépendante de chaque espèce, nous ne pouvons que constater ce fait, en ajoutant qu’il a plu au Créateur de construire ainsi chaque animal et chaque plante. […] Ainsi les feuilles séminales de l’Ajonc (Ulex) et celles des Acacias à phyllodes sont pinnées ou divisées comme les feuilles ordinaires des Légumineuses. […] Mais en quelques genres la larve, en acquérant des organes sexuels, devient, soit un hermaphrodite, ayant la structure ordinaire des autres représentants de la classe, soit ce que j’ai nommé un mâle complémentaire. […] Nous pouvons donc conclure que, d’après la théorie de descendance modifiée, l’existence d’organes rudimentaires, imparfaits et inutiles, ou complétement avortés, loin de présenter des difficultés insolubles, comme ils le font certainement d’après la théorie ordinaire de création, aurait pu être prévue à priori, ou tout au moins elle s’explique aisément par les lois de l’hérédité.

762. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXVIII » pp. 266-276

Hippolyte Lucas, rédacteur ordinaire des feuilletons de théâtre au Siècle, et qui n’a d’ailleurs en rien, nous dit-on, la prétention de savoir le grec : il semble en vérité que ce soit la condition la moins requise pour traduire ces grands poëtes d’autrefois.

763. (1874) Premiers lundis. Tome II « Doctrine de Saint-Simon »

Certes c’eût été là pour la douleur et la louange humaines, dans les amitiés ordinaires, une magnifique occasion de s’étendre en ces détails privés auxquels se prennent encore la curiosité et le désœuvrement de nos jours.

764. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VIII. Du crime. »

Plus ils étaient nés avec des facultés sensibles, plus l’irritation qu’ils éprouvent est horrible ; il vaut mieux, en fait de crimes, avoir à faire à ces êtres corrompus, pour qui la moralité n’a jamais été rien, qu’à ceux qui ont eu besoin de se dépraver, de vaincre quelques qualités naturelles ; ils sont plus offensés du mépris, ils sont plus inquiets d’eux-mêmes, ils s’élancent plus loin pour mieux se séparer des combinaisons ordinaires, qui leur rappelleraient les anciennes traces de ce qu’ils ont senti et pensé.

765. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre III. De l’étude. »

Il accomplit les actions ordinaires de la vie comme dans un état de somnambulisme ; tout ce qui pense, tout ce qui souffre en lui, appartient à un sentiment intérieur, dont la peine n’est pas un moment suspendue.

766. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XII. Lo Ipocrito et Le Tartuffe » pp. 209-224

Poussée par cet amour qui enflamme le courage des lions, et non par celui qui habite d’ordinaire au cœur des jeunes vierges… Enfin, par charité, j’ai dû en prendre compassion.

767. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Samuel Bailey »

Je ne sais, ajoute-t-il, pourquoi on voit d’ordinaire une incompatibilité dans ces deux faits.

768. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre IV » pp. 38-47

Il trouvait un double avantage à la fréquentation de cette société, celui de satisfaire le goût très vif qu’il avait pour les jouissances de l’esprit, et de se dérober aux inquiétudes jalouses de Luynes, favori de Louis XIII, et défiant à l’égard de toute espèce de mérite, comme le sont d’ordinaire les favoris.

769. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXV » pp. 402-412

On dit que la petite reprendra son train ordinaire chez Madame. » Une autre lettre du 15 juin nous apprend que Jo a été à la messe du roi à la suite de Madame : « Le roi l’a regardée sous cape ; mais on (le roi) est insensible à son état et à sa tristesse. » Le lendemain, madame de Sévigné dit que « la dureté ne s’est point démentie ».

770. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 239-252

Tant qu’ils se bornent à ne puiser que dans leur propre fond, on s’apperçoit d’une sécheresse, d’un désordre, d’une monotonie rebutante, partage ordinaire d’un esprit qui n’a pas su fortifier ses propres richesses par celles des autres.

771. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 8-23

L’amour n’est jamais qu’une foiblesse, quelque part où il se trouve ; & faire soupirer des Héros, c’est les réduire au niveau des hommes ordinaires.

772. (1899) Le monde attend son évangile. À propos de « Fécondité » (La Plume) pp. 700-702

Il sait que nous sommes des hommes ordinaires, que nous voulons vivre avant tout, que nos ambitions ne sont point vertueuses.

773. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Balzac, et le père Goulu, général des feuillans. » pp. 184-196

On doit dire, il est vrai, pour sa justification, que ses lettres n’ont été écrites à personne ; qu’elles ne traitent ni de nouvelles ni d’affaires ; qu’elles ne sont proprement que des discours travaillés avec autant de soin que ses autres écrits ; qu’ainsi son imagination étoit moins à craindre & qu’il a pu se donner carrière, s’éloigner du ton des Bussy-Rabutin & des Sévigné, faire des ouvrages académiques plutôt que des lettres simples & ordinaires.

774. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre III. Paradis perdu. »

Un esprit ordinaire n’aurait pas manqué de renverser le monde, au moment où Ève porte à sa bouche le fruit fatal ; Milton s’est contenté de faire pousser un soupir à la terre qui vient d’enfanter la mort : on est beaucoup plus surpris, parce que cela est beaucoup moins surprenant.

775. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre II. Qu’il y a trois styles principaux dans l’Écriture. »

Ce peuple, dont tous les pas sont marqués par des phénomènes ; ce peuple, pour qui le soleil s’arrête, le rocher verse des eaux, le ciel prodigue la manne ; ce peuple ne pouvait avoir des fastes ordinaires.

776. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 29, qu’il est des païs où les ouvrages sont plûtôt apprétiez à leur valeur que dans d’autres » pp. 395-408

Cette inaction, l’occasion continuelle de voir de beaux tableaux, et peut-être aussi la sensibilité des organes plus grande dans ces contrées-là que dans des païs froids et humides, rendent le goût pour la peinture si general à Rome, qu’il est ordinaire d’y voir des tableaux de prix jusques dans des boutiques de barbiers, et ces messieurs en expliquent avec emphase les beautez à tous venans, pour satisfaire à la necessité d’entretenir le monde, que leur profession leur imposoit dès le temps d’Horace.

777. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 18, reflexions sur les avantages et sur les inconveniens qui resultoient de la déclamation composée des anciens » pp. 309-323

Ce que tous les musiciens, et principalement les musiciens italiens écrivent en lettres ordinaires à côté de la composition, pour dire si le mouvement doit être ou vif ou bien lent, ne l’enseigne qu’imparfaitement.

778. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Les honnêtes gens du Journal des Débats » pp. 91-101

Les bohèmes des petits journaux s’étaient livrés contre nous à leurs plaisanteries ordinaires, à ces pantalonnades en dehors des questions qui remplacent pour eux les idées.

779. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Avellaneda »

Avellaneda9 D’ordinaire, les traducteurs sont les très humbles et très petits serviteurs des grands génies ou des grands talents qu’ils traduisent ; ils sont les clairs de lune d’un astre étranger.

780. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre II. Des éloges religieux, ou des hymnes. »

Son style est quelquefois mystérieux comme l’être à qui il parle ; son oreille même cherche dans les sons une harmonie inconnue ; et comme pour donner une habitation à la divinité, il a élevé des colonnes, exhaussé des voûtes, dessiné des portiques ; comme pour la représenter, il a agrandi les proportions et cherché à faire une figure imposante ; comme pour en approcher dans les jours de fêtes, il a substitué à la marche ordinaire des mouvements cadencés et des pas en mesure ; ainsi, pour la louer, il cherche, pour ainsi dire, à perfectionner la parole ; et joignant la poésie à la musique, il se crée un langage distingué en tout du langage commun.

781. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre V. Swift. » pp. 2-82

C’est pourquoi son style ordinaire est l’ironie grave. […] J’ai consulté d’après mes règles l’étoile de sa nativité, et je trouve qu’il mourra infailliblement le 29 mars prochain, à onze heures du soir environ, d’une fièvre chaude ; c’est pourquoi je l’avertis d’y songer et de mettre ordre à ses affaires984. » Le 29 mars étant passé, il raconte que l’entrepreneur des pompes funèbres est venu pour tendre de noir l’appartement de Partridge ; puis Ned le fossoyeur, demandant si la fosse sera revêtue de briques ou ordinaire ; puis M.  […] Un des frères ne goûta pas cela à cause de cette épithète d’argent, qui, dans son humble opinion, ne pouvait pas, du moins en langage ordinaire, être raisonnablement appliquée à un manche à balai ; mais on lui répliqua que cette épithète devait être prise dans le sens mythologique et allégorique. […] Rien d’agréable dans la fiction ni dans le style ; c’est le journal d’un homme ordinaire, chirurgien, puis capitaine, qui décrit avec sang-froid et bon sens les événements et les objets qu’il vient de voir ; nul sentiment du beau, nul apparence d’admiration et de passion, nul accent. […] La machine à aimant qui soutient l’île volante, le transport et l’inventaire de Gulliver à Lilliput, son arrivée et sa nourriture chez les chevaux font illusion ; nul esprit n’a mieux connu les lois ordinaires de la nature et de la vie humaine ; nul esprit ne s’est si strictement renfermé dans cette connaissance ; il n’y en a point de plus exact ni de plus limité.

782. (1864) Le positivisme anglais. Étude sur Stuart Mill

Tous les demi-siècles, et plus ordinairement tous les siècles ou tous les deux siècles, paraît un homme qui pense : Bacon et Hume en Angleterre, Descartes et Condillac en France, Kant et Hegel en Allemagne ; le reste du temps la scène reste vide, et des hommes ordinaires viennent la remplir, offrant au public ce que le public désire, sensualistes ou idéalistes, selon la direction du temps, suffisamment instruits et habiles pour tenir le premier rôle, capables de rajeunir les vieux airs, exercés dans le répertoire, mais dépourvus de l’invention véritable, simples exécutants qui succèdent aux compositeurs. […] Mais, de plus, nous savons déductivement, d’après les lois de la chaleur, que le contact de l’air avec un corps plus froid que lui-même abaissera nécessairement la température de la couche d’air immédiatement appliquée à sa surface, et par conséquent la forcera d’abandonner une portion de son eau, laquelle, d’après les lois ordinaires de la gravitation ou cohésion, s’attachera à la surface du corps, ce qui constituera la rosée… Cette preuve déductive a l’avantage de rendre compte des exceptions, c’est-à-dire des cas où, ce corps étant plus froid que l’air, il ne se dépose pourtant point de rosée : car elle montre qu’il en sera nécessairement ainsi, lorsque l’air sera si peu fourni de vapeur aqueuse, comparativement à sa température, que même, étant un peu refroidi par le contact d’un corps plus froid, il sera encore capable de tenir en suspension toute la vapeur qui s’y trouvait d’abord suspendue. […] Nous quittons le phénomène, nous nous reportons à côté de lui, nous en étudions d’autres plus simples, nous établissons leurs lois, et nous lions chacun d’eux à sa cause par les procédés de l’induction ordinaire ; puis, supposant le concours de deux ou plusieurs de ces causes, nous concluons d’après leurs lois connues quel devra être leur effet total. […] Ce n’est point là l’affirmation d’une qualité ordinaire, car elle vous révèle la qualité qui est la source du reste. […] Le syllogisme ne va pas du particulier au particulier, comme dit Mill, ni du général au particulier, comme disent les logiciens ordinaires, mais de l’abstrait au concret, c’est-à-dire de la cause à l’effet.

783. (1906) Propos de théâtre. Troisième série

Mounet-Sully, chargé du rôle très court d’Œdipe, a rugi et mugi à son ordinaire, de manière à agir très fortement sur les nerfs du public. […] Ces scènes, que d’ordinaire on écoute peu, elle a forcé à les écouter de très près et elle y a été d’une précision et d’une fermeté et d’une délicatesse exquise. […] Or, leurs ennemis, ce sont ceux-là qui exploitent leurs défauts ordinaires. […] « Qui dit développement de caractère, dit d’ordinaire mise au jour, exposition lucide, détaillée et complète d’un caractère. […] Certes, je ne conseille pas à l’ordinaire le monologue aux auteurs ; et que ce qui manque à une pièce, ce soit un monologue, cela, sans doute, est rare.

784. (1903) La pensée et le mouvant

Elle l’accepte pourtant d’ordinaire. […] C’est que, d’ordinaire, nous regardons bien le changement, mais nous ne l’apercevons pas. […] Je reconnais d’ailleurs que c’est dans le temps spatialisé que nous nous plaçons d’ordinaire. […] Là est le rôle ordinaire des concepts tout faits, ces stations dont nous jalonnons le trajet du devenir. […] C’est sur ces matières que travaillent d’ordinaire les disciples : là est le rôle de l’analyse.

785. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre I. De l’évolution de la vie. Mécanisme et finalité »

Nous ne leur reprocherons pas, comme on le fait d’ordinaire, de répondre à la question par la question même. […] Que deux promeneurs partis de points différents, et errant dans la campagne au gré de leur caprice, finissent par se rencontrer, cela n’a rien que de très ordinaire. […] Nous reconnaissons d’ailleurs que la nature elle-même paraît inviter notre esprit à confondre les deux genres d’adaptation, car elle commence d’ordinaire par une adaptation passive là où elle doit construire plus tard un mécanisme qui réagira activement. […] Sans entreprendre une analyse exhaustive de l’idée de causalité, nous ferons simplement remarquer que l’on confond d’ordinaire trois sens de ce terme qui sont tout différents. […] Si, au contraire, c’est bien une activité interne qu’on invoque, alors il s’agit de tout autre chose que de ce que nous appelons d’ordinaire un effort, car jamais l’effort n’a produit devant nous la moindre complication d’un organe, et pourtant il a fallu un nombre énorme de ces complications, admirablement coordonnées entre elles, pour passer de la tache pigmentaire de l’Infusoire à l’œil du Vertébré.

786. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « L’obligation morale »

Ainsi envisagée, et prise dans son acception la plus ordinaire, l’obligation est à la nécessité ce que l’habitude est à la nature. […] En temps ordinaire, nous nous conformons à nos obligations plutôt que nous ne pensons à elles. […] Nous ne tranchions pas la question, pas plus qu’on ne le fait d’ordinaire quand on parle du devoir de l’homme envers ses semblables. […] La première est celle à laquelle nous pensons d’ordinaire quand nous nous sentons naturellement obligés. […] Mais il frappe l’attention quand on s’y arrête, — signe ordinaire d’une insuffisance d’élan.

787. (1926) La poésie pure. Éclaircissements pp. 9-166

Me voyant très embarrassé et comme perdu, au milieu de ce vaste chantier, et, d’ailleurs pressé de revenir à mon travail ordinaire, M.  […] Commençons par une expérience que nous faisons tous, mais, d’ordinaire, sans y prendre garde, quand nous lisons un poème. […] En sa qualité d’animal raisonnable, le poète observe d’ordinaire les règles communes de la raison, comme celles de la grammaire ; non en sa qualité de poète. […] Les mots de la prose excitent, stimulent, comblent nos activités ordinaires ; les mots de la poésie les apaisent, voudraient les suspendre. […] Suavement, d’ordinaire, et sans qu’il y paraisse trop.

788. (1902) Propos littéraires. Première série

C’est immense, puisque c’est arracher l’homme à sa nature ordinaire. […] Tortures ordinaires et fatales de l’adultère. […] Sans m’arrêter au ton un peu tranchant, qui n’est pas ordinaire à M.  […] la plus ordinaire de la bonté. […] Daudet, qui n’aimait guère à étudier que des âmes bourgeoises à l’ordinaire, tout au contraire de M. 

789. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre III. Services locaux que doivent les privilégiés. »

Même partage dans l’Église : les abbés commendataires, les évêques et archevêques ne résident guère ; les grands vicaires et chanoines sont dans les grandes villes ; il n’y a que les prieurs et les curés dans les campagnes ; à l’ordinaire, tout l’état-major ecclésiastique ou laïque est absent ; les résidents ne sont fournis que par les grades secondaires ou inférieurs. — Comment ceux-ci vivent-ils avec le paysan ? […] Il est clair qu’avec de tels revenus et les droits féodaux de police, de justice, d’administration qui les accompagnent, un grand seigneur ecclésiastique ou laïque est, de fait, une sorte de prince dans son district, qu’il ressemble trop à l’ancien souverain pour avoir le droit de vivre en particulier ordinaire, que ses avantages privés lui imposent un caractère public, que son titre supérieur et ses profits énormes l’obligent à des services proportionnés, et que, même sous la domination de l’intendant, il doit à ses vassaux, à ses tenanciers, à ses censitaires, le secours de son intervention, de son patronage et de ses bienfaits. […] Près de là, l’abbé de la Croix-Leufroy, « gros décimateur, et l’abbé de Bernay, qui touche cinquante-sept mille livres de son bénéfice et ne réside pas, gardent tout et donnent à peine à leurs curés desservants de quoi vivre ». — « J’ai dans ma paroisse, dit un curé du Berry88, six bénéfices simples dont les titulaires sont toujours absents, et ils jouissent ensemble de neuf mille livres de revenu ; je leur ai fait par écrit les plus touchantes invitations dans la calamité de l’année dernière ; je n’ai reçu que deux louis d’un seul, et la plupart ne m’ont pas même répondu. » — À plus forte raison faut-il compter qu’en temps ordinaire ils ne feront point remise de leurs droits.

790. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre premier. Les caractères généraux et les idées générales. » pp. 249-295

. — Par exemple, la notion qu’un homme ordinaire a du corps humain est fort pauvre et incomplète ; il ne le connaît qu’en gros ; pour lui, c’est une tête, un tronc, un cou, quatre membres, de telle couleur et de telle forme ; cela lui suffit pour la pratique. […] Par conséquent, elle n’est, comme toute aptitude, propriété et capacité, qu’un caractère général de l’objet, et ce caractère peut être dégagé, retiré, mis à part par les procédés ordinaires, c’est-à-dire au moyen d’un nom, et, en général, au moyen d’un signe. — Bien mieux, il n’y en a pas de plus facile à mettre à part ; car tous les objets et tous les événements le présentent, puisque chaque objet et chaque événement contribue avec d’autres semblables à faire une collection qui est sa classe. […] D’ordinaire, cette coïncidence n’est qu’assez lointaine ; mais, même dans les cas les plus favorables, elle manque sur quelque point ; on dirait que la substance réelle essaye de se mouler sur la forme mentale, mais que l’imperfection de son argile l’empêche de copier rigoureusement le contour prescrit.

/ 1941