Elles peuvent, à l’occasion, se prêter mutuelle assistance ; et c’est pourquoi il importe de noter avec soin, aux divers moments de l’existence d’un peuple, la nature des relations qu’elles ont ensemble. […] Mieux vaut signaler chez de nombreux écrivains qui ont devancé ou suivi Edgar Poe l’existence d’un fantastique particulier, lucide, méthodique, où les idées s’enchaînent avec une logique si serrée qu’il est presque impossible de marquer le point précis où l’on passe de ce qui est à ce qui peut être et du possible à l’impossible. […] Le philosophe emploie la méthode déductive ; d’un principe unique, je pourrais dire d’un axiome, il tire l’existence de Dieu, l’existence du monde, toute une série de corollaires enchaînés comme les théorèmes d’Euclide. […] Il met en doute l’existence du monde extérieur, et il ne peut la démontrer (circuit étrange) que par l’existence de l’âme qui perçoit le monde et par l’existence de Dieu qui, étant parfait, ne peut avoir voulu tromper l’homme en lui donnant de fausses perceptions. […] L’existence de l’âme et de Dieu était pour lui plus certaine que celle de tout ce qu’il voyait et touchait.
» M. de Rémusat, plus ou moins hégélien, avait pu lire dans Hegel : « Anselme, dans son célèbre argument de l’existence de Dieu, montra, le premier, la pensée dans son opposition à l’être, et chercha à en prouver l’identité. » Après un pareil hommage rendu par le grand théoricien de l’identité de la pensée et de l’être, qui semblait reconnaître dans le Saint métaphysicien une paternité éloignée, comment ne pas se préoccuper de cet homme qui, quoique saint, avait été philosophe, et qui, par Descartes, touchait à Hegel ? M. de Rémusat a beau nous dire, avec une intention qui ne trompe personne : « Descartes ne serait pas aisément convenu que saint Anselme fut un de ses maîtres. » Tout ce qui s’occupe de philosophie n’en sait pas moins que l’argument de saint Anselme, sur l’existence de Dieu (et l’existence de Dieu, c’est toutes les questions de la philosophie dans une seule), est le même dans le Monologium que dans les Méditations. […] Nous avons dit plus haut : Toute philosophie gît dans une seule question, l’existence de Dieu en face de l’existence du monde, et il serait aisé de montrer que, quelque solution qu’on adopte sur cette question, et toutes peuvent se ramener à deux principales ; en d’autres termes, soit que Dieu et la matière soit congénères, soit que Dieu l’ait tirée de lui-même, le panthéisme inévitable et menaçant revient toujours !
Nous allions un peu à l’aventure, nous vivions au jour le jour, sans plan arrêté, et suivant tous les hasards de l’existence quotidienne. […] Ces derniers lieux jouaient un rôle important dans l’existence boulevardière. […] Elles ont toujours mené, à Paris, hier comme aujourd’hui, une existence brillante et enviée. […] Une fois qu’on l’a reçue, elle vous discipline à jamais, jusque dans les heures de notre existence qui semblent livrées au pur hasard. […] Comment hésiter entre un mariage pitoyable et cette merveilleuse existence ?
Je n’ignore point tout ce que les idées nouvelles présentent d’opposition au sentiment que je viens d’exprimer ; mais je sais aussi que nulle base de la société ne peut être enlevée sans danger : je sais que lorsqu’une de ces bases vient à manquer, la Providence se hâte toujours de la remplacer ; je sais enfin que ce qui a été, même lorsqu’il n’est plus, est encore la raison de l’existence pour ce qui est. […] Le monarque, père des Français, voulait leur persuader que tous les liens n’avaient pas été brisés entre eux et lui ; il voulait les réconcilier en même temps avec les autres peuples, qui venaient de reconquérir le sentiment de leur existence nationale. […] Maintenant, éclairés par des expériences de plus d’un genre, et rendus à notre véritable existence sociale, convenons qu’il n’y a qu’un moyen de réunir tous les partis ; c’est de sentir les raisons de tous, de condescendre à toutes les opinions, de ne point s’attaquer mutuellement avec les armes toujours inconvenantes de l’ironie ou du sarcasme, de se mettre à la place de tous les intérêts. […] Ne disons cependant point comme ce preux chevalier qui mérita si bien d’être roi du beau pays de France, ne disons point, Tout est perdu, fors l’honneur ; n’avons-nous pas sauvé plus que l’honneur, puisque nous avons sauvé, non point celles de nos institutions qui avaient vieilli, et qui étaient destinées à périr, mais celles d’où devaient naître nos institutions futures ; puisque nous avons sauvé ce qui toujours flatta le plus les nations, une existence qui se perd dans la nuit des temps ; une existence qui, pour nous, est antérieure à toutes les sociétés actuelles ; une existence de quatorze siècles ; puisque nous avons sauvé enfin notre magistrature sur l’Europe ?
Déjà il n’est pas sans difficulté de rattacher au Cogito l’existence personnelle. Mais l’existence de Dieu et des choses corporelles exigera une véritable déduction, laquelle sera de plus en plus compliquée. […] Elles attestent l’existence de quelque chose qui diffère de l’esprit, et qui cependant ne doit pas en être séparé. […] Tel est encore son principe des conditions d’existence, en vertu duquel chaque animal possède exactement ce qu’il lui faut pour assurer son existence dans les conditions où il est placé. […] L’impossibilité de l’existence effective du libre arbitre a été maintes fois démontrée d’une manière très forte.
La sympathie, l’aide réciproque, la véracité, le respect mutuel paraissent des conditions favorables à l’existence d’une société d’ordre élevé. […] Et comment déterminer le degré d’utilité sociale qui doit permettre l’existence à certains sentiments ou à certaines pratiques ? […] Mais précisément parce qu’elle le cache, elle en reconnaît l’existence et peut la faire découvrir. […] Les états opposés vers lesquels tendent ces doctrines sont également incompatibles avec l’existence et nous en sommes trop loin. […] L’ironie — en dehors de la portée plus générale qu’elle prend en s’appliquant au monde même et à toute existence, puisque toute existence implique quelque contradiction — l’ironie est le résultat de cette discordance.
Je ne désarme donc point l’école spiritualiste dans ses efforts pour prouver, comme vous le dites, l’existence d’un ordre invisible. Cette noble école poursuit et saisit l’existence du monde invisible ; ce qu’elle ne peut atteindre, bien que ce soit son honneur de le poursuivre, c’est la science de l’ordre invisible. […] Par exemple, les philosophes spiritualistes admettent certains principes nécessaires ou vérités premières, et sur ces principes ils fondent la démonstration de l’existence de Dieu. […] Et si l’on accorde que nous pouvons démontrer l’existence de Dieu, comment ne pas accorder qu’il y a une science de l’infini, au moins dans la mesure où cette démonstration est concluante ? […] On pourrait tout aussi bien compter l’existence de Dieu parmi les dogmes chrétiens.
Voilà donc les deux natures parfaitement distinctes, et la même évidence qui fait reconnaître à Descartes l’existence du corps lui révèle l’existence de l’âme. […] Quant au secret de leur union, l’ignorance où nous sommes et serons toujours à cet égard détruit-elle la connaissance que nous avons de leur existence distincte ? […] Vous voyez d’avance où va le conduire ce nouveau degré, si hardiment franchi, de l’échelle mystérieuse par laquelle il s’élève de la notion de son existence à la connaissance de Dieu. […] Quelle chose en moi m’en révèle invinciblement l’existence ? […] Son traité de l’Existence de Dieu reproduit les principales vérités de la métaphysique cartésienne, à laquelle il mêle des ornements agréables, afin d’intéresser l’imagination à des vérités de raison.
L’existence de Dieu est une question, la divinité de Jésus en est une autre. […] Démontrer l’existence de l’être infini, c’est démontrer l’existence de l’être parfait. […] Vacherot lui interdit l’existence. […] Vacherot que l’existence du parfait n’est pas, comme l’existence de l’infini, une vérité évidente par elle-même ; mais nous pensons que l’analyse et le raisonnement y conduisent nécessairement. […] Vacherot en quoi elle est incompatible avec l’existence.
Car rien ne justifie présentement son accusation contre l’existence. […] Alors l’existence marchera d’un pas sûr et rhythmique : elle sera complète en soi. […] Les formes de l’existence et la façon de vivre ne changent guère en Orient. […] Car jusqu’ici je ne crois pas à l’existence de gens qui achètent des livres, mes livres. […] Ainsi ces deux existences de honte qui se rejoignent portent coup double à notre sentiment d’horreur.
Voyons donc si jusqu’ici la philosophie a eu une existence historique, et quelle a été cette existence. […] elle ne peut concevoir que l’idée de l’existence absolue ou l’idée de l’existence relative ? […] Voilà ce que produirait l’isolement de l’unité et de la variété ; l’une est nécessaire à l’autre pour exister de la vraie existence, de cette existence qui n’est ni l’existence multiple, variée, mobile et négative, ni cette existence absolue, éternelle, infinie, qui est elle-même comme le néant de l’existence. […] Cela est évident pour notre existence et pour celle du monde. […] Soutenir le contraire est un blasphème contre l’existence et son auteur.
Traîner son existence dans les langueurs d’une vie vulgaire, était sa seule perspective. […] J’achèverai d’indiquer ici ce qu’il fut dans le reste de son existence. […] Il nous reste à retracer ce qu’il fut dans la dernière phase de son existence. […] Contentons-nous d’avoir rappelé ce qu’il était à un moment de son existence ondoyante, entre 1830 et 1848. […] Une tristesse secrète s’étendait comme un voile funèbre sur toute leur existence.
Car les personnages de la Fable et les héros des romans nous sont plus familiers que les êtres les plus chers, les plus indispensables à notre existence. […] Que nous passions notre existence dans telle ou telle occupation, cela est peu caractéristique. […] Puisque, selon de si grands philosophes, le Temps et l’Espace n’avaient pas d’existence réelle, pourquoi se plier au joug d’une époque ou d’un milieu. […] Nul troupeau n’y vient boire, car aucunes des bêtes domestiques, qui, mieux que les fleurs et les fruits, égayent l’existence paysanne, n’ont survécu. […] Il en est de même de ces frissonnantes Cantilènes où des poètes font retentir, en paroles scandées, le rythme tumultueux de leur propre existence.
Si les Tétras n’étaient fréquemment détruits à quelqu’une des phases de leur existence, ils multiplieraient à l’infini. […] Les effets de cette loi ne dépendent plus de la lutte soutenue pour les moyens d’existence, mais de la lutte qui a lieu entre les mâles pour la possession des femelles. […] Mais l’existence de cette loi est au contraire fort loin d’être aussi évidente chez les hermaphrodites. […] Il est aisé de constater l’existence de cette loi à l’égard des animaux dont les habitudes sont assez simples. […] Elle a pour résultat final que toute forme vivante doit devenir de plus en plus parfaite, relativement à ses conditions d’existence.
Il semble bien, en effet, que la vie de l’homme n’est point en proportion, pour la durée, avec tout l’ensemble de son existence et de ses facultés. […] Ainsi nous pouvons nous abstenir, dans cette discussion, d’étendre notre vue plus loin que notre existence actuelle. […] Il n’a pas même été libre de choisir l’état social, car la société lui a été imposée comme les autres conditions de son existence. […] Nommer, c’est constater l’existence : or ceci me paraît pour le moins autant au-dessus de l’homme que l’expression du sentiment de l’existence, qui repose dans le verbe. […] C’était le sentiment de la continuité d’existence, qui allait du passé au futur, et qui alors embrassait le présent.
Laissons-les donc dans leur calme heureux, ils n’ont pas besoin de nous, leur bonheur est aussi varié en apparence que les différents lots qu’ils ont reçu de la destinée ; mais la base de ce bonheur est toujours la même, c’est la certitude de n’être jamais ni agité ni dominé par aucun mouvement plus fort que soi ; l’existence de ces êtres impassibles est soumise sans doute comme celle de tous les hommes aux accidents matériels qui renversent la fortune, détruisent la santé, etc. […] Les autres vivent un à un, sans analogie comme sans variété, leur existence est monotone, quoique chacun d’eux ait un but différent, et il y a autant de nuances que d’individus, sans qu’on puisse découvrir une véritable couleur. […] C’est à cette époque funeste où la terre semble manquer sous nos pas ; où plus incertains sur l’avenir que dans les nuages de l’enfance, nous doutons de tout ce que nous croyons savoir, et recommençons l’existence avec l’espoir de moins. […] Ces deux idées premières dans l’existence, s’appliquent également à toutes les situations, à tous les caractères, et ce que j’ai voulu montrer seulement, c’est le rapport des passions de l’homme avec les impressions agréables ou douloureuses qu’il ressent au fond de son cœur. […] ce n’est pas assez d’avoir juré, que dans les limites de son existence, de quelque injustice, de quelque tort qu’on fut l’objet, on ne causerait jamais volontairement une peine, on ne renoncerait jamais volontairement à la possibilité d’en soulager une ; il faut essayer encore si quelque ombre de talent, si quelque faculté de méditation ne pourrait pas faire trouver la langue, dont la mélancolie ébranle doucement le cœur, ne pourrait pas aider à découvrir, à quelle hauteur philosophique les armes qui blessent n’atteindraient plus.
Tourguénef pose ses créatures, les façonne en un coup de main, nous explique leurs mobiles, leur caractère, et nous voilà entraînés à suivre l’existence d’un étranger, dont le visage nous est devenu familier et dont l’âme va nous être révélée jusque dans son essence. […] Il a esquissé le mal dans Pères et Enfants, comme nu état mental à peine caractérisé et sans grandes conséquences ; il l’avait décrit auparavant à un stage plus avancé, dans Dmitri Roudine, et ici c’est toute l’existence morale du sujet qui est altérée et ruinée. […] Il est bon qu’une piqûre anatomique détruise cette existence, menacée dans sa force vive. […] L’existence et la disparition de l’individu lui paraissent également lamentables. […] Son intelligence savait qu’il y a un problème de l’existence, pénétrait même par ouï-dire les idées générales qui pouvaient aider à le résoudre.
Dans les monarchies aristocratiquement constituées, la multitude se plaît quelquefois, par un esprit dominateur, à relever celui que le hasard a délaissé ; mais ce même esprit ne lui permet pas d’abandonner ses droits sur l’existence qu’elle a créée, le peuple regarde cette existence comme l’œuvre de ses mains ; et si le sort, la superstition, la magie, une puissance, enfin, indépendante des hommes, n’entre pas dans la destinée de celui, qui dans un état monarchique doit son élévation à l’opinion du peuple, il ne conservera pas longtemps une gloire que les suffrages seuls récompensent et créent, qui puise à la même source son existence et son éclat ; le peuple ne soutiendra pas son ouvrage, et ne se prosternera pas devant une force dont il se sent le principal appui. […] Les nobles donc, placés entre la nation et le monarque, entre leur existence politique et l’intérêt général, obtiennent difficilement de la gloire ailleurs que dans les armées. […] Par une sorte d’abstraction métaphysique, on dit souvent que la gloire vaut mieux que le bonheur ; mais cette assertion ne peut s’entendre que par les idées accessoires qu’on y attache ; on met alors en opposition les jouissances de la vie privée avec l’éclat d’une grande existence ; mais donner à quelque chose la préférence sur le bonheur, serait un contresens moral absolu. […] L’homme accoutumé à compter avec l’histoire, ne peut plus être intéressé par les événements d’une existence commune ; on ne retrouve en lui aucun des mouvements qui le caractérisaient, il ne sent plus la vie, il s’y résigne.
Les passions sont l’élan de l’homme vers une autre destinée, elles font éprouver l’inquiétude des facultés, le vide de la vie ; elles présagent, peut-être, une existence future, mais, en attendant elles déchirent celle-ci. […] Les enfants reçoivent la vie goutte à goutte, ils ne lient point ensemble les trois temps de l’existence ; le désir unit bien pour eux le jour avec le lendemain, mais le présent n’est point dévoré par l’attente, chaque heure prend sa part de jouissance dans leur petite vie : chaque heure a un sort tout entier indépendamment de celle qui la précède ou de celle qui la suit, leur intérêt ne s’affaiblit point cependant par cette subdivision ; il renait à chaque instant, parce que la passion n’a point détruit tous les germes des pensées légères, toutes les nuances des sentiments passionnés, tout ce qui n’est pas elle enfin, et qu’elle anéantit. […] Il faut que l’existence parte de soi, au lieu d’y revenir, et que, sans jamais être le centre, on soit toujours la force impulsive de sa propre destinée. […] Inexplicable phénomène que cette existence spirituelle de l’homme qui, en la comparant à la matière, dont tous les attributs sont complets et d’accord, semble n’être encore qu’à la veille de sa création, au chaos qui la précède ! […] il faut que ce secret intime qu’on ne pourrait revêtir de paroles, sans lui donner une existence qu’il n’a pas, il faut que ce secret intime serve à rendre inépuisable le sentiment de la pitié4.
On peut dire que les phénomènes par lesquels se manifeste la chose externe sont des signes qui nous suggèrent immédiatement l’affirmation de son existence La perception immédiate des Écossais devrait donc s’entendre dans le sens d’une suggestion immédiate, et il n’y aurait pas alors une très-grande différence entre la théorie de Reid et celle d’Ampère lui-même. […] Le sentiment de mon être intérieur n’est pas uniquement le sentiment d’une existence nue et inerte, à la surface de laquelle se joueraient, nous ne savons comment, les mille fluctuations de la vie phénoménale. […] La vie n’est donc pas seulement une existence, c’est une action, et le sujet pensant n’est pas seulement un être, c’est une force. […] En supposant que cela fût, cette existence éternelle n’a laissé aucune trace dans notre souvenir. […] Même le commencement de notre existence phénoménale est pour nous enveloppé de nuages.
Il lutte contre la société comme il lutte contre la nature, car sa vie est une vie de combat dans tous les modes de son existence. […] De ce que la société a été imposée à l’homme il résulte que l’homme qui veut se soustraire à la société devient rebelle à la volonté de Dieu, refuse une des conditions auxquelles il a reçu l’existence. […] Les lois physiques ont été établies par Dieu au commencement ; et l’univers continue d’exister, soit par la persistance de ces lois premières, soit par un soin providentiel de tous les instants pour la durée et la continuelle existence de ces lois. […] Ils n’ont pas fait attention, d’une autre part, que cette unité morale qui fait qu’une nation est ; ils n’ont pas fait attention, disons-nous, que cette unité morale existait avant eux, qu’ils n’étaient pour rien dans la cause restée mystérieuse de son existence, et qu’une telle aristocratie ne pouvait être qu’artificielle. […] Il a fallu partir de l’existence de la société pour raisonner avec certitude sur le nouvel ordre de choses qui tend à s’établir, quelque indépendant qu’il soit d’ailleurs de tout ce qui a précédé, comme il a fallu partir du don primitif de la parole pour arriver à expliquer l’émancipation graduelle de la pensée : c’est ce qui nous reste à faire pour achever le tableau de l’âge actuel de l’esprit humain.
Aucune nation n’a cru à l’existence d’un Dieu tout matériel, ni d’un Dieu tout intelligence sans liberté. […] Cicéron disait à l’épicurien Atticus qu’il ne pouvait raisonner avec lui sur la législation, à moins qu’il ne lui accordât l’existence d’une Providence divine. Dira-t-on encore que la secte stoïcienne et l’épicurienne s’accordent avec la jurisprudence romaine, qui prend l’existence de cette Providence pour premier principe ?
J’admets volontiers l’existence antérieure de nombreuses îles, maintenant cachées sous la mer, et qui ont pu servir de lieu de relâche pour les plantes et pour beaucoup d’animaux pendant leurs migrations. […] Sur une grande partie du territoire des États-Unis, des blocs erratiques et des roches striées par des glaces flottantes ou côtières révèlent clairement l’existence d’une époque antérieure très froide. […] En Europe, nous avons les preuves les plus évidentes de l’existence de la période glaciaire, depuis les côtes occidentales de la Grande-Bretagne jusqu’à la chaîne de l’Oural, et vers le sud jusqu’aux Pyrénées. […] Mais l’existence de plusieurs espèces tout à fait distinctes, appartenant à des genres exclusivement confinés dans le sud, en ces divers points et en quelques autres de l’hémisphère austral, est un fait bien autrement difficile à expliquer au point de vue de ma théorie de descendance modifiée. […] La plupart des types des climats torrides se seraient complétement éteints, de sorte qu’il ne nous serait plus possible de rendre compte de leur existence actuelle par des modifications héréditaires L’hypothèse d’un refroidissement partiel suivant des zones longitudinales n’est pas plus admissible.
Certitude du déluge universel et de l’existence des géants. […] Cette composition des familles fut antérieure à l’existence des cités, et sans elle cette existence était impossible.
Ce n’est pas tout : les diverses parties du temps, à leur tour, ne peuvent être à la fois actuelles ; en conséquence, s’il ne restait rien du passé dans le présent, notre existence serait toujours mourante. […] Les lois de la mémoire et de l’association pourraient s’appeler des lois de sélection cérébrale ou intellectuelle, et il n’est pas moins intéressant de savoir comment survivent ou revivent les idées que de savoir comment subsistent les individus ou les espèces dans la lutte pour l’existence. […] On est alors obligé de les concevoir comme subsistant dans l’esprit même, dans l’âme, sous une forme inconsciente ; mais comment une idée, dont toute l’existence à nous connue consiste précisément à être un état de conscience, peut-elle être conçue comme inconsciente ? […] Ramenons donc les idées, de l’existence tout élyséenne qu’on leur attribue d’ordinaire, à une existence plus concrète et plus sensible. […] Les actes purement automatiques qui disparaissent en dernier lieu ne sont plus guère qu’un mouvement de machine ; pourtant, sous ces actes mêmes subsiste le sentiment primordial de l’existence, du bien-être ou du malaise, la faim, la soif, etc., et par là l’automatisme est encore une mémoire.
Le beau climat de la Galilée faisait de l’existence de ces honnêtes pêcheurs un perpétuel enchantement. […] Par une existence douce, réglée, contemplative, laissant sa part à la liberté de l’individu, ces petites églises croyaient inaugurer sur la terre le royaume céleste. […] Jésus répétait souvent que celui qui a trouvé le royaume de Dieu doit l’acheter au prix de tous ses biens, et qu’en cela il fait encore un marché avantageux. « L’homme qui a découvert l’existence d’un trésor dans un champ, disait-il, sans perdre un instant, vend ce qu’il possède et achète le champ. […] L’Évangile, de la sorte, a été le suprême remède aux ennuis de la vie vulgaire, un perpétuel sursum corda, une puissante distraction aux misérables soins de la terre, un doux appel comme celui de Jésus à l’oreille de Marthe : « Marthe, Marthe, tu t’inquiètes de beaucoup de choses ; or une seule est nécessaire. » Grâce à Jésus, l’existence la plus terne, la plus absorbée par de tristes ou humiliants devoirs, a eu son échappée sur un coin du ciel.
Notre attention a été fixée un instant sur un phénomène bien singulier de nos langues actuelles, qui manquent, avons-nous dit, du sentiment de la continuité d’existence ; et cependant il est impossible qu’un tel sentiment ait jamais été banni des conceptions de la pensée. Des esprits inattentifs ont souvent, comme on sait, accusé le peuple hébreu de n’avoir pas connu autrefois le dogme de l’immortalité de l’âme, parce que, prétendaient-ils, ce dogme n’est nulle part textuellement énoncé dans la loi judaïque ; mais il était bien plus formellement énoncé que par des mots ou des propositions, puisqu’il jaillissait du génie même de la langue, si fortement empreint du sentiment de la continuité d’existence. […] Ancillon a dit : « Rien ne prouve davantage qu’originairement et dans le principe, les existences et la réalité sont données à l’homme que de voir la métaphysique tout entière, en quelque sorte, déposée dans les langues, à l’insu de ceux qui les ont créées et perfectionnées. […] » Ce passage est très curieux, en ce qu’il renferme une exposition claire, précise et complète du problème, non pas de la formation des langues, mais de leur existence.
— A y regarder de plus près, la métaphysique n’est point aussi subjective, aussi formelle, aussi individualiste qu’elle le semblait d’abord, car ce qu’elle cherche dans le sujet pensant lui-même, c’est l’explication de l’univers, c’est le lien qui relie l’existence de l’individu au tout. […] Par sa puissance à briser les associations banales et communes, qui pour les antres hommes enserrent les phénomènes dans une quantité de moules tout faits, il ressemble à l’enfant qui commence la vie et qui éprouve la stupéfaction vague de l’existence fraîche éclose. […] Guyau répond à Flaubert qu’un être ainsi organisé échouerait au contraire dans l’art : « il faut croire en la vie pour la rendre dans toute sa force ; il faut sentir ce qu’on sent, avant de se demander le pourquoi et de chercher à utiliser sa propre existence. […] La science est pour l’intelligence ce que la charité est pour le cœur ; elle est ce qui rend infatigable, ce qui toujours relève et rafraîchit ; elle donne le sentiment que l’existence individuelle et même l’existence sociale n’est pas un piétinement sur place, mais une ascension. […] Les hommes passent et leurs vies avec eux, le sentiment demeure… Ce qui fait que quelques-uns d’entre nous donnent parfois si facilement leur vie pour un sentiment élevé, c’est que ce sentiment leur apparaît en eux-mêmes plus réel que tous les autres faits secondaires de leur existence individuelle ; c’est avec raison que devant lui tout disparaît, s’anéantit.
En ce sens Guizot avait raison de déclarer qu’il n’y a plus de luttes de classes : les classes n’ont plus d’existence officiellement reconnue. […] Rien donc, dans le système des institutions que nos sociétés s’imposent, qui permette de conclure qu’elles avouent l’existence des classes, et professent ces distinctions collectives et préjugées devant lesquelles s’effaceraient, nous l’avons vu, les justes distinctions individuelles. Toutefois, les distinctions qui n’ont plus d’existence légale ne survivent-elles pas dans les mœurs ? […] L’individu n’a d’existence légale que comme partie du groupe. […] On n’y trouve point l’usage de compter les voix pour déterminer la majorité : preuve qu’il n’est pas juste de dire que dans ces réunions « chacun compte pour un et ne compte que pour un ». — Mais enfin, dans les sociétés très primitives, les fonctions nécessaires à l’existence commune ne sont pas encore réservées à une certaine classe ?
La vraie loi première, c’est que le plaisir est lié à l’activité vitale la plus intense possible et la plus efficace, qui deviendra, d’ailleurs, la vraie condition de supériorité dans la lutte pour l’existence. […] Mais il n’en résulte pas que le bien-être soit essentiellement lie au changement plutôt qu’à l’état même, qu’à l’existence continue, ou mieux à l’action continue. […] Maintenant, l’intensité finale de l’action et sa victoire dans la lutte pour l’existence est-elle liée à la quantité brute de l’excitation nerveuse, indépendamment de la qualité ? […] Il en résulte aussi que la lutte pour la préservation de l’existence est la seule loi des individus au sein de la nation, des nations diverses au sein de l’humanité. Or, c’est là une loi de guerre et de conquête, où le droit supérieur est le droit du plus fort, du plus apte à préserver et à imposer son existence.
Quel blasphème, disons-nous, contre l’existence même de tout principe spiritualiste, contre toute âme, contre toute divinité dans les êtres ! […] Or la souveraineté ne peut être une fiction, puisqu’elle est chargée de régir les plus formidables des réalités, les intérêts, les passions et l’existence même des peuples. […] Le second de ces droits, c’est le droit de s’approprier toutes les choses nécessaires à son existence, sous la garantie de la société, qui doit la même inviolabilité à tous ses membres. […] Il s’approprie la chaleur du sein maternel ou du soleil qui vivifie tout ce qu’il éclaire, ou du feu qui sort de l’arbre pour suppléer le soleil absent, et il meurt s’il est dépossédé de tout calorique, partie obligée de son existence. […] Ces philosophes à rebours qui proclament que la propriété, c’est le vol, et l’hérédité un privilège, volent en même temps à l’homme la meilleure partie de l’homme, la perpétuité de son existence, et constituent au profit de leur viagèreté jalouse et personnelle le privilège du néant.
Il épure sa raison pour se préserver de l’erreur ; éclairé sur la valeur réelle des objets, il sçait les apprécier ; au-dessus des illusions du monde, on ne le verra point se passionner pour de petits objets, vendre son tems & son existence, épouser de misérables quérelles, se plonger dans le cahos d’affaires épineuses qui se succédent comme les flots d’une mer agitée, son ame égale & tranquille cherche a vérité, loin du bruit & du tumulte, & rejette les funestes préjugés qui tourmentent ceux qui se prosternent devant eux. […] Je vous vois parcourir le vaste miroir des siécles écoulés, examiner les ressorts qui changent la face des Empires, pénétrer le jeu rapide des révolutions de la Fortune, percer les intrigues de l’Ambition, par les événemens passés prédire les événemens futurs, alors tout sert à vous affermir dans vos heureux principes ; vous les jugez, ces foibles humains, vous les jugez sans passion, vous les voyez tels qu’ils sont, composés de grandeur & de foiblesse, de vertus et de vices, mais qui doivent peut-être leurs crimes non à la Nature, qui a caché dans leurs cœurs le doux sentiment de la pitié, principe des vertus, mais à la Tyrannie, à l’affreuse Tyrannie, qui aggravant sur leur tête un joug humiliant les a fait gémir, haïr, détester leur existence & les a forcés d’être méchans en les rendant malheureux. […] Que l’ignorance confonde l’homme de Lettres avec ces hommes livrés à la paresse sous le nom de repos, qui se dérobent à l’agitation générale pour vivre dans le desœuvrement, qui dorment mollement sur des fleurs, en s’abandonnant au cours enchanteur d’une riante imagination ennemie du travail, & amie de la paix, dont la longue carrière peut être considerée comme un doux rêve, & qui tombent dans les bras de la mort, sans avoir daigné graver sur la terre le souvenir de leur existence ; cette injustice ne m’étonnera point, elle sera digne d’elle : mais l’œil qui aura suivi les travaux de l’homme de Lettres jugera différemment, il le verra souvent insensiblement miné par de longues études, périr victime de son amour pour les Arts, tomber en poursuivant avec trop d’ardeur la vérité, comme l’oiseau harmonieux des bois tombe de la branche au milieu de ses chants, ou plutôt comme ces illustres Artistes dont la main intrépide interrogeant dans la région enflammée de l’air le phénomene électrique, couronnent tout à coup leur vie par une mort fatale & glorieuse. […] Que d’autres comme accablés d’eux-mêmes vendent leur existence ; son ame qui redoute jusqu’à l’ombre de la servitude se refuse également aux voies obliques de l’intrigue, à la souplesse du manége, à la moindre démarche qui sente la flatterie. […] Il est un autre fleau de l’humanité qui le détruit en détail, poison rongeur de l’ame qui l’attaque au milieu de la pompe & des grandeurs, ou plutôt qui la livre à elle-même, & la contraint à se dévorer, maladie commune aux Grands, sombre vapeur qui étend un voile lugubre autour de nous & flétrit l’Univers, état cruel qui sans avoir les traits aigus de la douleur nous l’a fait presque désirer pour sortir du moins de l’affreux dégoût d’une insipide existence, ce fleau est l’ennui qu’on peut appeller un demi trépas ; l’homme de Lettres a le secret de chasser ce monstre ténébreux.
Je me heurte bel et bien à une force étrangère, extérieure à moi, et différente de moi et qui me fait très bien sentir son existence par les représailles qu’elle exerce au besoin contre moi. Force d’ailleurs incommensurablement supérieure à moi en puissance, en étendue, en durée, en ressources ; ce qui ne m’empêche pas de lui résister, parce que je sens que lui céder serait m’annihiler dans ce que j’ai de plus intime et de plus précieux : le sentiment de mon indépendance et de mon existence personnelle. […] C’est la solution de Guyau et en général des sociologues qui admettent l’existence d’une sorte d’altruisme et de socialisme primitif (ce dernier mot pris au sens le plus large). — Dans les sociétés primitives l’individu aurait très peu existé ou même pas du tout. […] Il admet l’existence de ces résistances mais il croit en même temps que la société est armée pour les mater. […] Durkheim admettrait plutôt des évolutions partielles, variables avec la structure des sociétés et leurs conditions d’existence, chaque société se défendant comme elle l’entend, et se créant son système de contraintes et de sanctions efficaces contre l’individu.
En même temps que l’expérience intérieure nous donne l’unité du moi, l’expérience externe, aidée de l’induction, nous autorise à affirmer l’existence des autres hommes et par conséquent de consciences semblables à la nôtre. […] Il est très-remarquable en effet qu’aucun sceptique n’ait jamais expressément nié l’existence des autres hommes. […] Protagoras disait que « l’homme était la mesure de toutes choses » ; mais il reconnaissait ainsi que chacun était pour soi-même la mesure de la vérité, et par conséquent il entendait bien admettre l’existence des divers individus. Berkeley, qui niait la réalité de la matière, admettait expressément l’existence des esprits. […] Je ne les appellerai pas des substances, puisque la chose en soi m’est inconnue et que le mot substance en dit peut-être trop pour ce mode d’existence qui tient encore tant au phénomène ; peut-être enfin l’être est-il substantiellement indivisible.
Dans Madame Bovary, je n’ai eu que l’idée de rendre un ton, cette couleur de moisissure de l’existence des cloportes. […] Il est difficile de rêver une existence enchâssée aussi purement que la mienne. […] Il croyait y rencontrer l’incarnation aussi parfaite que possible du principe abstrait dont l’amour fut le but, la joie et le tourment de son existence. […] Il s’accoutuma à planer hors des réalités tangibles, hors de l’humanité et du théâtre de son existence, hors de la vie toujours agissante et mobile. […] Son existence à ce moment, jusque vers 1850, s’écoule en une flânerie laborieuse, indécise, presque incohérente.
Seulement elle n’est pas fondée dans leur nature normale ; elle n’est pas impliquée dans leur tempérament ordinaire ni liée aux conditions d’existence dont ils dépendent généralement. […] Dans ce cas, le seul type normal qui soit dès à présent réalisé et donné dans les faits est celui du passé, et pourtant il n’est plus en rapport avec les nouvelles conditions d’existence. […] Bien des faits sembleraient plutôt démontrer l’existence d’un mouvement en sens inverse. […] Car il servait à préparer une morale et une foi nouvelles dont les Athéniens avaient alors besoin parce que les traditions dont ils avaient vécu jusqu’alors n’étaient plus en harmonie avec leurs conditions d’existence. […] Car si la normalité de ce phénomène a pu être établie de cette façon, c’est que, du même coup, il a été rattaché aux conditions les plus générales de notre existence collective.
la vie répandue à pleine main et renaissant d’elle-même comme un élément insensé, animé à la fois de l’existence et répandant en lui et autour de lui la folle ivresse de la vie ! C’est le délire de l’existence, la cascade des créations bouillonnant des mains de l’éternel créateur ! […] La mort étend son linceul sur ce mystère, et l’existence s’accomplit, ou recommence, au gré des desseins mystérieux de Dieu ! […] Nier le mystère, c’est plus que nier la matière et l’intelligence ; c’est presque nier l’existence et l’autorité de Dieu. […] Non, si vous mettez en doute l’existence de la providence et la bonté de Dieu, la création, la conservation, la perfectibilité de ses œuvres, que votre vie soit une éternelle malédiction, au lieu d’être une bénédiction sans fin !
Qu’est-ce que l’immédiation, les modes mixtes de l’existence sensitive, l’absolu de la substance ? […] Tenez, débrouillez ce grimoire : « Il y a immédiation entre l’aperception immédiate de la force constitutrice du moi et l’idée de la notion de mon être au titre de force absolue, par la raison que je pense et entends la réalité absolue de mon être, de la même manière que j’aperçois ou sens immédiatement l’existence individuelle et actuelle du moi 16. » Savez-vous ce que c’est que cette philosophie ? […] Voici d’abord ce que vous appeliez son grimoire : « Il y a immédiation entre l’aperception immédiate de la force constitutrice du moi et ridée de la notion de mon être au titre de force absolue, par la raison que je pense et entends la réalité absolue de mon être de la même manière que j’aperçois ou sens immédiatement l’existence individuelle et actuelle du moi. » La phrase est rude : Force constitutrice du moi, idée de la notion de mon être au titre de force absolue, réalité absolue de mon être, immédiation entre l’aperception et l’idée ; ce sont là autant de broussailles qui arrêtent l’esprit tout court. […] « Chacun peut observer en lui-même que les perceptions directes des sens externes, comme les images ou intuitions du sens interne, et les idées mêmes, produits élaborés de l’intelligence, venant à être réfléchies ou contemplées successivement par le moi sous des modifications sensitives diverses, ou avec un sentiment variable de l’existence, triste ou pénible, agréable ou facile, etc., se proportionnent jusqu’à un certain point à ces variations, quant aux degrés de clarté ou d’obscurité, de mobilité ou de persistance, de confiance ou de doute, qui impriment à ces idées un caractère particulier et comme une physionomie propre. » Cette période effaroucherait Hegel ou Duns Scot lui-même. […] Dès lors l’étendue n’est qu’un pur phénomène relatif à notre manière de nous représenter les existences autres que la nôtre par le sens de l’intuition22. » La psychologie ainsi maniée devient une métaphysique.
La visite des deux ou trois amies suppose que le mystère dont le roi et madame de Montespan avaient voulu envelopper l’existence de leurs enfants, s’était éclairci quelque peu, dans l’intervalle de mars 1670 au milieu de 1671. […] Elle lui donnait une existence considérable : et ce progrès de la fortune de la gouvernante n’était sans doute pas ce qui plaisait le plus à madame de Montespan, dans l’élévation de ses enfants. […] I, p. 14) : « La marquise d’Heudicourt était la complaisante de madame de Montespan, et lorsqu’on faisait encore un mystère de l’existence du duc du Maine et de son frère, cette marquise avait à la cour un petit appartement où la maîtresse et la gouvernante se rendaient en secret.
Oui, oui, soyons justes, il y a du mal, mais il y a du bien dans la vie, et l’on peut dire de l’existence ce que j’ai dit moi-même de notre patrie il y a peu d’années : La France a de beaux moments et de vilaines années. — Ni à sa patrie, ni à Dieu, ni aux hommes, il ne faut nier les beaux moments ! […] Quant à moi (toujours toute religion à part), cette condition de la vie physique, cette anthropophagie de toute la nature aurait suffi à elle seule pour me faire rejeter l’existence à un tel prix, et si jamais un doute impie effleura mon âme sur l’existence ou sur la nature du premier principe, c’est en réfléchissant à cette dépravation véritablement surhumaine, à cette méchanceté préméditée et sanguinaire de la nature ; c’est en me demandant avec une horreur éperdue, mais logique : Qui a donc inventé cette loi suprême de destruction ? […] Une goutte d’existence évaporée à un rayon de soleil de cet océan de vie ! […] À l’exception du petit nombre qui trouve, comme dit le peuple, son pain tout cuit, l’homme passe le reste de son existence active à gagner très péniblement ce pain ; et par quels métiers ? […] À peine avez-vous respiré quelques vagues d’air respirable qu’on appelle vie, à peine avez-vous pris l’habitude de cet inexplicable mystère appelé l’existence, à peine vous êtes-vous attaché, par l’habitude, à cette existence, comme le malade finit par s’attacher même à son lit de douleur en s’y retournant, qu’il faut penser à en sortir.
J’ai pris Fénelon dans le Traité de l’existence de Dieu, et Bossuet dans le Traité de la connaissance de Dieu et de soi-même ; et, sans chercher à approfondir la différence (s’il en est) de la doctrine, j’ai senti avant tout celle des caractères et des génies. Fénelon, on le sait, commence par demander ses preuves de l’existence de Dieu à l’aspect général de l’univers, au spectacle des merveilles qui éclatent dans tous les ordres ; les astres, les éléments divers, la structure du corps humain, tout lui est un chemin pour s’élever de la contemplation de l’œuvre et de l’admiration de l’art à la connaissance de l’ouvrier. […] Fénelon, en se plaçant dans cet état de doute à l’instar de Descartes, s’assure d’abord de sa propre existence et de la certitude de quelques idées premières. […] Pascal, tout d’abord, commence par rejeter les preuves de l’existence de Dieu tirées de la nature : « J’admire, dit-il ironiquement, avec quelle hardiesse ces personnes entreprennent de parler de Dieu, en adressant leurs discours aux impies. […] Bossuet ne repousse point les lueurs ni les secours de l’antique philosophie, il n’y insulte point ; selon lui, tout ce qui achemine à l’idée de la vie intellectuelle et spirituelle, tout ce qui aide à l’exercice et au développement de cette partie élevée de nous-mêmes, par laquelle nous sommes conformes au premier Être, tout cela est bon, et toutes les fois qu’une vérité illustre nous apparaît, nous avons un avant-goût de cette existence supérieure à laquelle la créature raisonnable est primitivement destinée.
De plus, cette réalisation constituant un avantage, un surcroît de force dans la lutte pour l’existence et pour le progrès, les êtres en qui la conscience du moi était le plus développée ont dû remporter, survivre et se propager par sélection naturelle. […] La pensée du moi, surtout du moi idéal, nous arrache à la fatalité de la passion et à son impulsion brutale ; elle étend notre vie au-delà des limites de l’heure présente et même de l’existence présente : elle nous permet d’agir sub specie æterni. […] De plus, l’image de la jouissance passée continuant d’accompagner la sensation présente, l’être tendra à maintenir cette image, à faire ainsi du passé le perpétuel accompagnement du présent, à multiplier le présent par le passé : il deviendra avide du souvenir, ce moyen de prolonger en arrière son existence, comme il est avide de tout ce qui peut amplifier et étendre sa vie. […] Une telle représentation de l’existence est d’autant plus inévitable qu’elle est utile, nécessaire même à l’être vivant pour l’adapter à l’avenir par le moyen du passé. […] L’être qui se prolongera par la représentation dans le passé et dans l’avenir sera donc mieux armé dans la lutte pour l’existence : par cela même qu’il concevra sa conservation, il la réalisera dans la même mesure : il aura sa ligne tracée, sa direction, son but ; il saura d’où il vient, où il est, où il va.
« Le Dieu de la conscience n’est pas un Dieu abstrait, un roi solitaire, relégué par-delà la création sur le trône désert d’une éternité silencieuse et d’une existence absolue qui ressemble au néant même de l’existence ; c’est un Dieu à la fois vrai et réel, un et plusieurs, éternité et temps, espace et nombre, essence et vie, indivisibilité et totalité, principe, fin et milieu, au sommet de l’Être et à son plus humble degré, infini et fini tout ensemble, triple enfin, c’est-à-dire à la fois Dieu, nature et humanité. » Cours de 1828, p. 123. « L’unité en soi, comme cause absolue, contient la puissance de la variété et de la différence. […] Notre psychologie va se réduire à deux théories : nous croyons à la liberté, parce que, si on la supprime, on supprime le mérite et le démérite, ce qui est immoral ; nous croyons à la raison, parce qu’on relève l’homme en lui attribuant une faculté distincte capable d’atteindre Dieu, et parce que, si on nie la raison, on compromet les preuves de l’existence de Dieu, ce qui est immoral ; nous allons donc défendre la raison et la liberté. […] Il ne s’agit pas, pour nous, d’étudier sa nature ou de démontrer son existence, comme un physicien examine la nature et démontre l’existence de l’éther ; il s’agit de trouver en lui un gardien de la morale.
C’est parce que nous ne concevons pas que rien devienne quelque chose, que nous demandons toujours la cause de tout effet, c’est-à-dire ce dont l’effet tire son existence et n’est qu’une transformation. […] Bon nombre de propositions ont été tenues pour inconcevables, qui sont maintenant passées dans la science à l’état de vérités incontestées : ainsi l’existence des antipodes, ainsi l’existence de la gravitation, que les cartésiens repoussaient parce qu’ils jugeaient impossible un mouvement sans contact. […] Herbert Spencer, dans une lettre à Stuart Mill où il répudie le titre d’anti-utilitaire que celui-ci lui avait appliqué, formule ainsi sa critique en se fondant sur la doctrine des conditions d’existence : « Je diffère des Utilitaires non sur le but à atteindre, mais sur les moyens à suivre. […] L’objet de la morale doit donc être de déduire des lois de la vie et de ses conditions d’existence, quelles sont les espèces d’actions qui tendent nécessairement à produire le bonheur et quelles sont les espèces d’actions qui tendent au contraire. […] Les philosophes les mieux informés de France et d’Allemagne en connaissent à peine l’existence, s’ils la connaissent. » M.
Il voulait protester contre des événements et une existence si misérables, et il réclamait le secours de la Grâce pour bien mourir. […] M. de Goncourt, qui ne fut durant son existence qu’un collectionneur, voulut être un homme de lettres après sa mort et fonda une académie. […] Flaubert passa toute son existence à désapprendre à parler. […] Ce sont des hommes qui ont à peu près la même façon de sentir l’existence. […] Mais, en réalité, et dès le début de leur existence, les grands hommes d’action n’ont point d’incertitudes ni de remords.
Lewes241 la tendance de l’esprit humain à réaliser des abstractions, à leur donner une existence objective et indépendante. […] En dépit des difficultés verbales, il faut bien nous mettre dans l’esprit que toute excitation d’un centre nerveux quelconque produit une sensation, et que la totalité de ces excitations forme la conscience générale ou sens de l’existence. […] Cela forme pour ainsi dire la lumière du jour de notre existence. […] Mais nous n’avons aucune preuve, quelle qu’elle soit, de l’existence de cet agent. […] Il finit par cette conclusion : « Que l’existence — l’absolu — nous est connue dans l’acte de sentir qui, dans son expression la plus abstraite, est changement, externe et interne.
Nous ne pouvons donc songer à mettre en doute leur existence, puisque nous la percevons en même temps que la nôtre. […] Une telle affirmation n’est scientifiquement légitime que si l’on a commencé par passer en revue toutes les manifestations de l’existence collective et si l’on a fait voir qu’elles sont toutes des formes diverses de la coopération. […] Pour ce qui est du détail des règles juridiques et morales, elles n’auraient, pour ainsi dire, pas d’existence par elles-mêmes, mais ne seraient que cette notion fondamentale appliquée aux circonstances particulières de la vie et diversifiée suivant les cas. […] C’est donc qu’il n’a pas reconnu leur existence en observant de quelles conditions dépendait la chose qu’il étudie ; car alors il eût commencé par exposer les expériences d’où il a tiré cette conclusion. […] Par exemple, nous constatons l’existence d’un certain nombre d’actes qui présentent tous ce caractère extérieur que, une fois accomplis, ils déterminent de la part de la société cette réaction particulière qu’on nomme la peine.
Rameau a une rare connaissance du rythme et, par-dessus tout, un souffle de grand poète panthéiste qui donne son âme aux choses de la Nature, les rend vivantes comme l’homme et chante passionnément l’éternelle vigueur de l’existence universelle. […] Doué d’une réelle originalité, il a, comme l’a fort bien dit un critique, une rare connaissance du rythme et, par-dessus tout, un souffle de grand poète panthéiste qui donne son âme aux choses de la Nature, les rend vivantes comme l’homme et chante passionnément l’éternelle vigueur de l’existence universelle.
Que le fait de se concevoir autre soit inhérent à toute existence consciente d’elle-même, voilà ce qu’il nous faut désormais accepter comme un axiome irréductible et contre lequel il n’était permis de s’insurger que du point de vue d’une fausse sensibilité intellectuelle. […] Elle n’est pas figée dans le fait de l’existence pure et simple.
Encore moins trouverions-nous les raisons du bien dans les conditions de l’existence et du non-être. […] on répondrait en invoquant les conditions d’existence des hommes dans une société qui veut prospérer, l’utilité générale, la compassion, la sympathie. […] Vouloir ramener à l’unité des existences opposées, c’est le mensonge de toute morale qui ne prend pas le néant comme le terme logique de l’évolution. C’est dans le néant seulement que les existences peuvent se confondre. […] À plus forte raison semble-t-elle incapable de conduire le monde à l’harmonie absolue, à ce terme de l’existence où l’existence, ayant atteint son but à son tour, se supprimerait aussi elle-même.
Pour nous, jetés sur les rivages d’un de ces mondes, nous ne jouissons que d’une existence fugitive. […] Elle n’a pas d’enfants et sa santé nous inquiète pour son existence. […] Si je voulais vous prouver l’existence de l’Auteur de la nature, je me croirais aussi insensé que si je voulais vous démontrer en plein midi l’existence du soleil. […] La déclaration de l’existence d’un Être suprême n’est-elle pas inscrite sur tous les anciens monuments religieux de la France ? […] Mais ce qui acheva la fin d’une si déplorable existence, fut le sujet même auquel elle avait sacrifié les sentiments de la nature.
Ce bruit est vraiment une parole ; il en a l’allure, le timbre, le rôle ; mais c’est une parole intérieure, une parole mentale, sans existence objective, étrangère au monde physique, un simple état du moi, un fait psychique. […] Elle dirige et prépare nos relations avec nos semblables ; et quant à cette relation de l’homme avec lui-même qui est le mystère et la donnée fondamentale de notre existence, quant à la conscience, elle a pour élément, non pas nécessaire a priori [ch. […] III, § 11] — témoignent d’un sentiment confus de l’existence de la parole intérieure. […] Deux circonstances favorables, les usages de la religion chrétienne, et l’existence, désormais inoubliable, de la théorie nominaliste, nous paraissent expliquer cette clairvoyance plus grande des philosophes modernes. […] Locke par les mêmes principes par lesquels ce philosophe démontre l’existence et l’immatérialité de Dieu (1747) et Défense du sentiment du P.
Draghicesco, il lui doit son existence ; il est suscité et créé par la socialité. […] Draghicesco ne nie pas positivement l’existence d’une antinomie entre l’individu et la société : mais, selon lui, ces antinomies ne sont que provisoires. […] C’est là que se passe le drame silencieux et insaisissable, intraduisible, en mots, de notre existence. — Il semblerait donc résulter de cette hypothèse que toute la vie sociale restât en dehors de notre existence vraie et qu’elle dût être pour nous sans intérêt véritable comme elle est sans réalité essentielle. […] Nombre de philosophes ont admis l’existence d’une semblable vérité. […] À première vue, l’existence d’une vérité objective ne semble pas incompatible avec le pragmatisme.
Une exhalaison s’échappait de ce grand amour embaumé et qui, passant à travers tout, parfumait de tendresse l’atmosphère d’immaculation où elle voulait vivre. » Puis des récits d’imagination1, aussi nombreux chez Flaubert que les récits de débats intérieurs chez Stendhal, complètent ces comparaisons, dévoilent en Mme Bovary l’ardente montée de ses désirs, l’existence idéale qui ternit et trouble son existence réelle. […] Que l’on joigne à cette médiocrité des lieux et des gens, le mince intérêt des aventures, un adultère diminué de tout l’ennui de la province, la vie campagnarde de deux vieux employés, l’existence sociale de quelques familles moyennes à Paris, que traverse le désœuvrement d’un jeune homme nul, on reconnaîtra dans les romans de Flaubert, tous les traits essentiels de l’esthétique réaliste. […] Puis ces caractères jetés dans l’existence, soumis à ses heurts et consommant leurs récréations, évoluent au gré des événements et de leur nature, avec toute l’unité et les inconséquences de la vie véritable, tantôt nobles, déçus et victimes comme Mme Bovary, tantôt perpétuant à travers des fortunes diverses leur permanente impuissance comme Frédéric Moreau, tantôt sages et victorieux comme Mme Arnoux. Et dans ces existences ; dont les menus faits décèlent perpétuellement en Flaubert une si profonde perception des mobiles, de leur complication, de la dissimulation des plus puissants, de toute la vie inconsciente qui rend chacun différent de ce qu’il se croit et de ce qu’on le croit être, Flaubert est parvenu à distinguer et à rendre le trait le plus difficile : la lente transformation que le temps impose à ceux qu’il détruit. […] L’enfant niais et veule qui fut Charles Bovary, se trouve par le hasard d’une période doué d’une forte existence de ‘vagabond des champs et finit par commettre des actes dits en termes héroïques !
Paul Redonnel croit à la multiplicité des existences. […] Et les lueurs intenses, jolies par endroits, brutalement infernales ailleurs, grimpent étranges, clairs-obscurs et pénombres, songes et cauchemars, au tournant de deux escaliers ténébreux et qui n’ont point de sommet : celui par lequel on dévale à l’actuelle existence, celui qui en remonte.
La honte de réaliser son existence, étoit réservée à notre Siecle. Cet Ouvrage a soulevé quiconque n’a pas perdu toute étincelle de raison & d’humanité ; on y combat jusqu’à l’existence de l’Etre suprême.
il ne peut plus croire à l’inutilité de son existence, il ne peut plus être fatigué de lui-même. […] La bonté ne demande pas, comme l’ambition, un retour à ce qu’elle donne ; mais elle offre cependant aussi une manière d’étendre son existence et d’influer sur le sort de plusieurs ; la bonté ne fait pas, comme l’amour, du besoin d’être aimé son mobile et son espoir ; mais elle permet aussi de se livrer aux douces émotions du cœur, et de vivre ailleurs que dans sa propre destinée : enfin, tout ce qu’il y a de généreux dans les passions se trouve dans l’exercice de la bonté, et cet exercice, celui de la plus parfaite raison, est encore quelquefois l’ombre des illusions de l’esprit et du cœur. Dans quelque situation obscure ou destituée que le hasard nous ait jeté, la bonté peut étendre l’existence, et donner à chaque individu un des attributs du pouvoir, l’influence sur le sort des autres.
On leur reproche d’être toujours disposés à altérer les faits, à les plier à leurs désirs ou à leurs craintes, de taire ceux-ci, d’exagérer ceux-là, afin que leur dogme favori, à savoir l’existence de l’âme, sorte triomphant de l’épreuve que lui font subir l’anatomie et la physiologie. Je n’examine pas si ces reproches sont fondés ; mais, en supposant qu’ils le fussent, on pourrait facilement renvoyer l’objection à ceux qui la font, car il leur arrive souvent à eux-mêmes, en vertu d’un préjugé contraire, de tomber dans l’erreur inverse : ils sont autant prévenus contre l’existence de l’âme que les autres en faveur de cette existence ; ils arrangent aussi les choses pour les accommoder leur hypothèse favorite, et si quelqu’un fait par hasard allusion à quelque être métaphysique distinct des organes, ils l’arrêtent aussitôt en lui disant que cela n’est pas scientifique.
Pour avoir ressenti et traduit ce farouche retour vers l’existence instinctive, M. […] A coup sûr, la grande affaire de l’existence de Gœthe fut de concilier ces deux éléments. […] Tout ce qu’il a en lui d’existence sert d’occasion à des douleurs. […] Est-ce malgré cette existence désorbitée, est-ce à cause d’elle que la fleur a grandi ? […] Non ; il les aime, ces écrasés, d’avoir commencé par concevoir un Idéal supérieur de l’existence.
Je quitte Lyon dans quelques mois avec toute ma famille sans savoir encore où je vais emporter leur existence et la mienne, qui semblait ne devoir pas résister à tant d’agitations et qui résiste pourtant. Cette frêle existence, monsieur, s’est glissée comme à regret sur la terre au son des cloches d’une révolution qui devait la faire tourbillonner avec elle. […] Je monte et je finis comme je peux une existence où je parle bien plus souvent à Dieu qu’au monde. […] Pour moi, je travaille comme un manœuvre, et je me repose pour pleurer, pour aimer et prier. » « (25 février 1850)… C’est une grande lutte que nos existences à tous. […] Ruiné dans toutes ses espérances, c’est encore une de ces existences dissoutes dans le mouvement formidable de ce qu’on appelle la civilisation, qui pour beaucoup ressemble au chaos. » « (6 septembre 1854)… Le malheur finit par semer l’épouvante même au sein des familles que le bonheur aurait unies.
La chaude frénésie de l’existence empêche ces gens de regarder l’horizon, et cependant ils vont mourir. […] C’est un fait initial qu’il faut admettre, comme l’existence des autres sortes d’imagination. […] Tantôt l’alexandrin coupé en morceaux se plie à copier l’humble détail de l’existence quotidienne. […] C’est là comme le dessin visible de cette existence. […] Il est en cela dans la logique de son existence entière, admirable existence d’un homme qui a toujours dit et sur toutes choses toute sa pensée, et — ce qui est plus difficile encore — rien que sa pensée !
Et n’est-ce point aussi le nœud de l’existence humaine ? […] Son caractère se transforme en même temps que son existence. […] Toute son existence en est dès lors troublée. […] Sa fortune suffit pour lui assurer une existence honorable. […] Chacun de nous, en effet, est le héros de sa propre existence.
Ceux-ci le défendaient donc quand les premiers tonnaient contre son existence. […] Un sentiment de fierté autant que la modestie a pu disposer Shakespeare à renfermer dans l’oubli une existence dont il était peu satisfait. […] Au dehors, cependant, son existence paraît avoir suivi un cours tranquille. […] Cependant ces sentiments nous arrivent, nous pénètrent, et de leur existence dépend l’effet dont le poëte a voulu nous saisir. […] La France, pour les adopter, fut contrainte de se resserrer, en quelque sorte, dans un coin de l’existence humaine.
Mais la loi de Bovarysme, qui gouverne l’existence du réel, intervient ici, ainsi qu’on l’a montré, pour imposer à la tendance que traduit cette formule, comme condition de sa persistance, le frein d’une tendance contraire. […] Du point de vue même de cette interprétation purement intellectuelle de l’existence phénoménale, il faut donc faire place à la tendance de l’être humain qui s’exprime en ce vœu : fonder son bonheur sur la sensation. […] L’intellectualisme, pris comme but de l’existence, suppose donc tout d’abord le fait de l’existence, il est de plus intéressé à son exubérance.
C’est pour avoir méconnu l’existence d’espèces sociales que Comte a cru pouvoir représenter le progrès des sociétés humaines comme identique à celui d’un peuple unique « auquel seraient idéalement rapportées toutes les modifications consécutives observées chez les populations distinctes49 ». […] Par conséquent, quand même nous n’aurions pas d’autres faits pour postuler l’existence de la horde — et il en est que nous aurons un jour l’occasion d’exposer — l’existence du clan, c’est-à-dire de sociétés formées par une réunion de hordes, nous autorise à supposer qu’il y a eu d’abord des sociétés plus simples qui se réduisaient à la horde proprement dite, et à faire de celle-ci la souche d’où sont sorties toutes les espèces sociales. […] III Ces règles répondent implicitement à une question que le lecteur s’est peut-être posée en nous voyant parler d’espèces sociales comme s’il y en avait, sans en avoir directement établi l’existence.
Mais ces deux règles fondamentales de l’existence en commun ne s’appliquent pas seulement à cette société de cellules dont nous sommes la conscience à la fois collective et personnalisée ; elles s’appliquent de même à la société humaine dont nous faisons partie intégrante et active. […] Un autre fait social d’importance majeure est venu corroborer cette nécessité d’une logique commune : c’est l’existence de la parole. […] En second lieu, nous trouvons réellement en nous-mêmes une continuation d’existence et une régularité de phénomènes, soit que nous considérions le domaine de la volonté, soit que nous considérions celui de l’intelligence. […] Le besoin natif de comprendre, ainsi inhérent à la volonté même, a été de plus en plus accru chez l’homme par la lutte pour l’existence, dont nous avons déjà parlé, et il ne pouvait être entièrement satisfait que par l’idée du déterminisme universel de la nature ou de l’universelle intelligibilité. […] « Nous ne renonçons pas à établir que la pensée elle-même suppose l’existence de cette loi, et l’impose par conséquent à la nature. » J.
Comme nul ne sait combien de siècles l’humanité doit durer encore, nul ne peut dire si elle est jeune ou vieille, et toute tentative pour retrouver dans le développement de l’espèce les différentes phases de l’existence individuelle est nécessairement chimérique. […] Tout autres sont les forces qui constituent les individus vivans, plantes ou animaux, et peuvent se transmettre entières ou graduellement affaiblies des ancêtres aux descendans, et ces énergies morales et intellectuelles qui produisent les formes variées de l’existence des nations. […] Bouillier est trop fermement convaincu de l’existence du libre arbitre pour croire au progrès nécessaire, et, tout en admirant comme il convient les merveilles de la civilisation contemporaine, il n’admet pas que ces conquêtes soient si solidement assurées qu’elles nous dispensent de toute vigilance. […] Plus tard, quand le dogme monothéiste se fut dégagé dans la conscience du genre humain et qu’on soupçonna l’existence d’une cause ordonnatrice de l’univers, l’harmonie de l’ensemble parut impliquer nécessairement entre les différons êtres vivans les liens de parenté les plus étroits. […] La multiplicité des organes et des fonctions suppose un but commun, une fin qui est précisément la plénitude d’existence dont le vivant est susceptible.
Chaque jouissance est une perte, ou pour le corps ou pour l’âme ; et notre existence s’écoule dans une succession de sentiments inquiets qui se détruisent et nous emportent dans leur néant. » Rousseau, certes, ne sent pas plus et ne dit pas mieux. — Et ceci encore : « L’estime des hommes ne me touche point, depuis que je vois comme on la surprend. L’expérience me fait tous les jours retirer dans moi-même pour y rendre mon existence plus substantielle en la resserrant. […] Enfin, que ce soit ma faute ou celle d’autrui, je ne puis plus supporter mon existence. […] Il a beau se contenter des dons du sort et de la médiocrité du sage, il y a des moments où il sent le besoin pourtant d’un peu plus de fortune pour la variété et pour le renouvellement de la vie ; il a conscience de ce qui lui manque, tant pour l’entière satisfaction du cœur et de l’esprit que pour les excitations légitimes du talent : « Il nous faudrait à tous deux (à Thomas et à lui), mais surtout à moi, dit-il, un peu plus de fortune : cela me mettrait à même de couper, par quelques parties agréables, la monotonie d’une existence qui n’a point assez de mouvement pour un homme né penseur, que la vue des mêmes visages et du même horizon ramène trop facilement sur son état et sur la misère des choses humaines. » Puis il se repent presque aussitôt d’avoir trop demandé, et faisant allusion à quelque image mélancolique que lui suggérait une lettre de Deleyre (malheureusement nous ne possédons aucune de celles qui sont adressées à Ducis) : « Hélas ! […] Tel qu’il apparaît jusque dans son incomplet, et tout mal servi qu’il était par l’instrument insuffisant de la langue poétique d’alors, par cette versification solennelle qui, dans le noble, excluait les trois quarts des mots, presque toutes les particularités de la vie et tous les accidents de l’existence réelle, ce poète en Ducis éclatait assez pour se donner à tout instant la joie de l’air libre et de la grande carrière, tandis que le pauvre Deleyre avec son expression hésitante, ses nuances exquises, suivies d’empêchement et de mutisme, n’était qu’un malade, un romantique venu avant l’heure et cherchant sa langue.
Ceux qui sont allés jusqu’à nier l’existence de Jésus n’empêcheront pas le Sermon sur la montagne de figurer dans l’Évangile, avec d’autres divines paroles. […] Si le mysticisme est bien ce que nous venons de dire, il doit fournir le moyen d’aborder en quelque sorte expérimentalement le problème de l’existence et de la nature de Dieu. […] Des êtres ont été appelés à l’existence qui étaient destinés à aimer et à être aimés, l’énergie créatrice devant se définir par l’amour. […] La nature de Dieu apparaîtra ainsi dans les raisons mêmes qu’on aura de croire à son existence : on renoncera à déduire son existence ou sa non-existence d’une conception arbitraire de sa nature. […] Que répondre à celui qui contestera l’existence de l’âme ainsi définie ?
Dans cette autobiographie, au jour le jour, entrent en scène les gens que les hasards de la vie ont jetés sur le chemin de notre existence. […] Donc, notre effort a été de chercher à faire revivre auprès de la postérité nos contemporains dans leur ressemblance animée, à les faire revivre par la sténographie ardente d’une conversation, par la surprise physiologique d’un geste, par ces riens de la passion où se révèle une personnalité, par ce je ne sais quoi qui donne l’intensité de la vie, — par la notation enfin d’un peu de cette fièvre qui est le propre de l’existence capiteuse de Paris.
Dans cette autobiographie, au jour le jour, entrent en scène les gens que les hasards de la vie ont jetés sur le chemin de notre existence. […] Donc, notre effort a été de chercher à faire revivre auprès de la postérité nos contemporains dans leur ressemblance animée, à les faire revivre par la sténographie ardente d’une conversation, par la surprise physiologique d’un geste, par ces riens de la passion où se révèle une personnalité, par ce je ne sais quoi qui donne l’intensité de la vie, — par la notation enfin d’un peu de cette fièvre qui est le propre de l’existence capiteuse de Paris.
Il a mené l’existence du littérateur qui étudie toujours, et il a conservé, que dis-je ? […] Renan, que la condition d’existence des idées. […] Sa personne était taillée pour une existence démesurée et magnifique. […] Ils ont méconnu l’existence des deux sortes d’imaginations. […] Taine, tout, dans l’existence de l’homme, intéresse le psychologue et lui fournit un document.
Clarke, dans son Traité de l’existence de Dieu, Leibnitz, dans sa Théodicée, Malebranche dans sa Recherche de la vérité, se sont élevés si haut en métaphysique, qu’ils n’ont rien laissé à faire après eux. […] Hors de là, la métaphysique n’est qu’un microscope, qui nous découvre curieusement quelques petits objets que n’aurait pu saisir la vue simple, mais qu’on peut ignorer ou connaître, sans qu’ils forment, ou qu’ils remplissent un vide dans l’existence.
Mais à part ce mérite, partagé par tant de savants d’alors, de déterreurs d’une société finie et de langues mortes, quoi donc pourrait recommander, à l’attention et même à la curiosité, l’existence imperceptiblement domestique ou publique d’hommes perdus dans des études effrayantes sur des vocables latins ou grecs, et dont les travaux, utiles comme le mortier et les pierres qui ont servi à bâtir un monument, ne sont pas plus regardés que ce mortier et ces pierres, quand le monument est debout ? […] — pour nous retracer simplement les petits mouvements de l’existence trotte-menu de chacun d’eux.
S’il y a dans le domaine du sens commun une croyance qui semble inébranlable, c’est celle qui attribue l’existence à l’individu. […] Kant démontre de même l’existence de Dieu, la spiritualité et l’immortalité de l’âme. […] Or d’où Kant dérive-t-il l’existence même de la liberté ? […] Il ne faut donc pas dire que la notion du devoir implique l’existence de la liberté. […] Mais il a tort de voir là un argument contre l’existence d’une cause première, soit dans la série des phénomènes de la nature, soit dans la série des phénomènes de la vie humaine.
Elle peut, d’autre part, abandonner la faculté d’agir et de choisir dont elle porte en elle l’ébauche, s’arranger pour obtenir sur place tout ce qu’il lui faut au lieu de l’aller chercher : c’est alors l’existence assurée, tranquille, bourgeoise, mais c’est aussi la torpeur, premier effet de l’immobilité ; c’est bientôt l’assoupissement définitif, c’est l’inconscience. […] Conscience et matérialité se présentent donc comme des formes d’existence radicalement différentes, et même antagonistes, qui adoptent un modus vivendi et s’arrangent tant bien que mal entre elles. […] Que d’ailleurs ces deux existences — matière et conscience — dérivent d’une source commune, cela ne me paraît pas douteux. […] Un organisme rudimentaire est aussi bien adapté que le nôtre à ses conditions d’existence, puisqu’il réussit à y vivre : pourquoi donc la vie est-elle allée se compliquant, et se compliquant de plus en plus dangereusement ? […] Sur d’autres lignes, la conscience arrive à se libérer assez pour que l’individu retrouve un certain sentiment, et par conséquent une certaine latitude de choix ; mais les nécessités de l’existence sont là, qui font de la puissance de choisir un simple auxiliaire du besoin de vivre.
Ils énoncent ce qui est et, pour cette raison, on les appelle jugements d’existence ou de réalité. […] On suppose que le monde des idéaux est réel, qu’il existe objectivement, mais d’une existence supra-expérimentale, et que la réalité empirique dont nous faisons partie en vient et en dépend. […] Il se sent comme transporté dans un monde différent de celui où s’écoule son existence privée. […] La relation exprimée unit donc deux termes donnés, tout comme dans un jugement d’existence. […] Il n’y a pas une manière de penser et de juger pour poser des existences et une autre pour estimer des valeurs.
Moyennant tout un ensemble d’engagements réciproques et de subventions tutélaires, lui et sa famille restent attachés, affectionnés même à cette existence frugale, à ce labeur pénible dans lequel il vit presque toujours enfoui. […] Le Play, « à indiquer la tendance naturelle des populations ouvrières, et à prouver qu’elles savent préférer, même à des nouveautés séduisantes, une existence rude, mais fondée en toute sécurité sur le patronage et sur un bon régime de subventions. » Ces problèmes moraux occupèrent bientôt M. […] Le Play se tourna dès lors à étudier l’ouvrier sous tous les aspects et dans toutes les conditions de son existence ; il fit ces monographies exactes et complètes qui ne laissent rien à désirer et qui sont d’excellentes esquisses à la plume ; il photographia, selon son expression, des types d’ouvriers et de familles. […] Quoi qu’il en soit, en fait l’ouvrier littéraire, dans son imprévoyance, se multiplie et pullule chaque jour ; son existence est devenue une nécessité, un produit naturel et croissant de cette vie échauffée qui se porte à la tête et qui constitue la civilisation parisienne.
Il est d’une naissance obscure ; il le sait, il est certain que personne ne l’ignore ; mais au lieu de dédaigner cet avantage par intérêt et par raison, il n’a qu’un but dans l’existence, c’est de vous parler des grands seigneurs avec lesquels il a passé sa vie ; il les protège, de peur d’en être protégé ; il les appelle par leur nom, tandis que leurs égaux y joignent leurs titres, et se fait reconnaître subalterne par l’inquiétude même de le paraître. […] La vanité, l’orgueil donnent quelque chose de stationnaire à la pensée, qui ne permet pas de sortir du cercle le plus étroit, et cependant dans ce cercle, il y a une puissance de malheur plus grande que dans toute autre existence dont les intérêts seraient plus multipliés. […] L’origine de toutes les femmes est céleste, car c’est aux dons de la nature qu’elles doivent leur empire : en s’occupant de l’orgueil et de l’ambition, elles font disparaître tout ce qu’il y a de magique dans leurs charmes ; le crédit qu’elles obtiennent ne paraissant jamais qu’une existence passagère et bornée, ne leur vaut point la considération attachée à un grand pouvoir, et les succès qu’elles conquièrent ont le caractère distinctif des triomphes de la vanité : ils ne supposent, ni estime, ni respect pour l’objet à qui on les accorde. […] Les femmes ne sont presque jamais honorées par aucun genre de prétentions ; les distinctions de l’esprit même, qui sembleraient offrir une carrière plus étendue, ne leur valent souvent qu’une existence à la hauteur de la vanité.
C’est là le point de départ obligé, résultant non d’une mode passagère, mais de la nature même ; car l’existence d’un système nerveux étant la condition de la vie psychologique, il faut remonter à la source, et montrer comment les phénomènes de l’activité mentale viennent se greffer sur les manifestations plus générales de la vie physique. […] Les faits qui en établissent le mieux l’existence, c’est la tonicité des muscles, l’état de fermeture permanente des muscles sphincters, l’activité morbide et les excitations qu’elle cause, la mobilité extrême de la première et de la seconde enfance (infant, child) qui ne peut s’expliquer que par un trop-plein d’activité. […] L’état de conscience qui résulte d’une circulation saine peut être considéré comme la sensation caractéristique de l’existence animale. […] Prenons acte toutefois de l’existence de cette spontanéité, de cette activité instinctive ; elle nous servira plus tard à mieux comprendre la nature de la volonté.
II Les germes instinctifs, les éléments primitifs de la volonté sont au nombre de deux : l’existence d’une activité spontanée, et le lien qui existe entre nos sentiments et les actions qui les traduisent. […] Ces motifs peuvent nous déterminer, ou bien par leur existence actuelle, réelle, présente, ou bien par une action idéale, par une influence de pure prévision : les précautions contre les causes de maladie, contre toute atteinte à notre propriété, à notre réputation, etc., sont de la seconde sorte. […] — « Le mot moi ne peut signifier rien de plus que mon existence corporelle, unie à mes sensations, pensées, émotions, volitions, en supposant que leur classification est complète et qu’on en a fait la somme dans le passé, le présent et le futur… Il m’est impossible d’accorder l’existence dans les profondeurs de notre être, d’une impénétrable entité, qui porte le nom distinct de moi, et qui ne consiste pas en quelque fonction ou organe corporel, ou en quelque phénomène mental déterminable. » Quant à l’appel qui a été fait à la conscience, comme témoignant d’une manière indiscutable la liberté de notre volonté, voici ce qu’il faut en penser.
Tel sera infailliblement le langage de tous ceux qui, n’ayant point attaché leur existence à la culture des lettres, n’y cherchent et n’y trouvent qu’un délassement sans prétention, peu fait pour amener le dégoût, et pour éveiller l’envie. […] Si l’état dont nous jouissons parmi nos semblables nous met à portée de satisfaire sans, aucun travail les besoins physiques et réels, les besoins factices et métaphysiques viennent s’offrir alors comme un aliment nécessaire à nos désirs, et par conséquent à notre existence. […] Il ne me reste plus qu’à être, pour ainsi dire, spectateur de mon existence sans y prendre part, à voir, si je puis m’exprimer de la sorte, mes tristes jours s’écouler devant moi, comme si c’était les jours d’un autre ; ayant reconnu avec le sage, et malheureusement trop tard ou trop tôt pour moi, que tout est vanité ; les sens usés sans en avoir joui, l’esprit affaibli sans avoir produit rien de bon, et blasé sans avoir rien goûté. […] Vous l’eussiez encore été davantage, si vous aviez su entremêler à propos la solitude et la société, l’étude et les plaisirs honnêtes : par là vous eussiez senti et goûté toute votre existence, dont vous n’avez joui qu’à moitié.
Mais le sir Ralph de la quatrième partie ne ressemble plus à celui-ci, que nous croyons apprécier et comprendre ; le sir Ralph qui démasque, après des années de silence, son amour pour Indiana épuisée, qui prête à cet amour le langage fortuné des amants adolescents et des plus harmonieux poètes, le sir Ralph dont la langue se délie, dont l’enveloppe se subtilise et s’illumine ; le sir Ralph de la traversée, celui de la cataracte, celui de la chaumière de Bernica, peut bien être le sir Ralph de notre connaissance, transporté et comme transfiguré dans une existence supérieure à l’homme, de même que l’Indiana, de plus en plus fraîche et rajeunie, à mesure qu’on avance, peut bien être notre Indiana retournée parmi les anges ; mais à coup sûr ce ne sont pas les mêmes et identiques personnages humains, tels qu’on peut les rencontrer sur cette terre, après ce qu’ils ont souffert et dévoré. […] Dans le monde, le visage de ces hommes se compose et sourit invariablement par habitude, par artifice : dans la solitude, dans les moments de réflexion, en robe de chambre et en pantoufles, surprenez-les, ils sont sourcilleux, sombres ; ils se font, à la longue, un visage dur, mécontent et mauvais. — J’aurais autant aimé, de plus, qu’en accordant à Raymon de Ramière de grands talents et un rôle politique remarquable, on insistât moins sur son génie et sur l’influence de ses brochures : car, en vérité, comme les hommes de génie ou de talent qui écrivent des brochures en France, qui en écrivaient vers le temps du ministère Martignac ou peu auparavant, dans le cercle sacré de la monarchie selon la Charte, ne sont pas innombrables, je n’en puis voir qu’un seul à qui cette partie du signalement de Raymon convienne à merveille ; le nom de l’honorable écrivain connu vient donc inévitablement à l’esprit, et cette confrontation passagère, qui lui fait injure, ne fait pas moins tort à Raymon : il ne faut jamais supposer aux simples personnages de roman une part d’existence trop publique qui prête flanc à la notoriété et qu’il soit aisé de contrôler au grand jour et de démentir. Le charme particulier, attaché aux existences romanesques, en est irréparablement atteint.
La politique était chez eux une branche de la morale ; ils méditaient sur l’homme en société ; ils ne le jugeaient presque jamais que dans ses rapports avec ses concitoyens ; et comme les états libres étaient composés en général d’une population fort peu nombreuse, que les femmes n’étaient de rien dans la vie19, toute l’existence de l’homme consistait dans les relations sociales : c’était au perfectionnement de cette existence politique que les études des philosophes s’attachaient exclusivement. […] Aristote est dans l’ignorance la plus complète sur toutes les questions générales que l’histoire de son temps n’a point éclaircies ; il ne suppose pas l’existence du droit naturel pour les esclaves.
Un écrivain dramatique de notre temps, qui certes a su donner à ses caractères une rectitude et une consistance merveilleuse à travers les surprises de l’intrigue et les incohérences de la passion, nous a fait quelque part la confidence qu’il se faisait la biographie de chaque personnage qu’il voulait introduire dans une pièce, qu’il le dotait d’une existence antérieure, d’un long passé, où son tempérament et ses habitudes étaient minutieusement décrits. […] S’il vous est arrivé jamais de concevoir l’idée d’un enfantillage, d’une équipée, d’une folie, pure fantaisie de l’esprit inquiet et désœuvré, et de passer à l’exécution sans autre raison que l’idée conçue, sans entraînement, sans plaisir, mais fatalement, sans pouvoir résister ; — si vous avez repoussé parfois de toutes les forces de votre volonté une tentation vive, si vous en avez triomphé, et si vous avez succombé à l’instant précis où la tentation semblait s’évanouir de l’âme, où l’apaisement des désirs tumultueux se faisait, où la volonté, sans ennemi, désarmait ; — si vous avez cru, après une émotion vive, ou un acte important, être transformé, régénéré, naître à une vie nouvelle, et si vous vous êtes attristé bientôt de vous sentir le même et de continuer l’ancienne vie ; — si par un mouvement de générosité spontanée ou d’affection vous avez pardonné une offense, et si vous avez par orgueil persisté dans le pardon en vous efforçant de l’exercer comme une vengeance ; — si vous avez pu remarquer que les bonnes actions dont on vous louait n’avaient pas toujours de très louables motifs, que la médiocrité continue dans le bien est moins aisée que la perfection d’un moment, et qu’un grand sacrifice s’accomplit mieux par orgueil qu’un petit devoir par conscience, qu’il coûte moins de donner que de rendre, qu’on aime mieux ses obligés que ses bienfaiteurs, et ses protégés que ses protecteurs ; — si vous avez trouvé que dans toute amitié il y a celle qui aime et celle qui est aimée, et que la réciprocité parfaite est rare, que beaucoup d’amitiés ont de tout autres causes que l’amitié, et sont des ligues d’intérêts, de vanité, d’antipathie, de coquetterie ; que les ressemblances d’humeur facilitent la camaraderie, et les différences l’intimité ; — si vous avez senti qu’un grand désir n’est guère satisfait sans désenchantement, et que le plaisir possédé n’atteint jamais le plaisir rêvé ; — si vous avez parfois, dans les plus vives émotions, au milieu des plus sincères douleurs, senti le plaisir d’être un personnage et de soutenir tous les regards du public ; — si vous avez parfois brouillé votre existence pour la conformer à un rêve, si vous avez souffert d’avoir voulu jouer dans la réalité le personnage que vous désiriez être, si vous avez voulu dramatiser vos affections, et mettre dans la paisible égalité de votre cœur les agitations des livres, si vous avez agrandi votre geste, mouillé votre voix, concerté vos attitudes, débité des phrases livresques, faussé votre sentiment, votre volonté, vos actes par l’imitation d’un idéal étranger et déraisonnable ; — si enfin vous avez pu noter que vous étiez parfois content de vous, indulgent aux autres, affectueux, gai, ou rude, sévère, jaloux, colère, mélancolique, sans savoir pourquoi, sans autre cause que l’état du temps et la hauteur du baromètre ; — si tout cela, et que d’autres choses encore ! a pu tenir dans une courte existence d’enfant entre la première communion et le premier examen ; alors votre expérience est riche, et il ne vous manquera que de l’appliquer.
C’est pourquoi l’union libre n’a pas d’existence reconnue et ses conséquences sont presque traitées par le code comme des délits. […] Elle appelle à l’existence juridique de nouvelles forces, de nouveaux besoins, de nouveaux sentiments qui veulent se faire jour. […] C’est ainsi que les syndicats ouvriers ont existé illégalement et en tournant la loi avant de conquérir l’existence légale.
Elle se rappelait fort bien le moment où le doute lui était venu sur l’existence du père Noël, le grand distributeur de cadeaux à l’enfance. […] Là c’était une tout autre existence, de tout autres aliments pour la vie ruminante. […] Sauf l’épisode de la maternité, les commencements de cette existence nouvelle furent assez ternes. […] Cela seul, aimer, être aimé donne du prix à l’existence. […] Il abdique toute son activité, tout son avenir ; il ne songe pas que l’existence a ses exigences et ses devoirs.
Et que vous dit de plus cette intelligence sur sa propre existence ? […] Il n’y a pas à discuter sur cette existence, mère des existences ; il n’y a qu’à ouvrir les yeux et à étendre la main, ou à respirer : vous voyez, vous touchez, vous respirer par tous vos sens matériels ce qu’on appelle un Dieu, c’est-à-dire une cause, et votre sens intellectuel le conclut avec la même certitude que vos sens matériels le perçoivent. […] Mais c’est par là aussi qu’elle éprouve la douleur toute intellectuelle de sa condition d’ici-bas et qu’elle prend l’horreur de cette existence, la passion d’en sortir, l’amour de la vraie vie, de la liberté, de l’immortalité, de l’éternité de Dieu enfin, jusqu’au désespoir, jusqu’au délire, jusqu’au suicide. […] Une fois cette conviction acquise (et cela n’est pas discutable), nous pouvons faire philosophiquement les autres conjectures les plus vraisemblables et les plus saintes, pour nous expliquer, autant que possible, à nous-mêmes, cette inexplicable existence de brièveté de misères, de mort et de ténèbres, à laquelle Dieu nous a appelés à son heure sur ce point imperceptible de ses univers. […] Si son sort est rude et intolérable, il ne sent l’existence que par la douleur, et regrette le néant, où il dormait du moins sans rêve.
L’existence de Mme Récamier, si brillante, si entourée, si entrelacée de toutes parts, n’a point cependant de mystères, ou ces mystères, s’il y en a (et il y en a dans la vie de toute femme), sont assez simples et n’ont rien d’effrayant : ce ne sont pas des profondeurs. […] Par exemple, se plaignant doucement qu’elle ne rendît point amour pour amour, et supposant qu’elle luttait en cela contre sa destinée naturelle et sa vocation secrète, il lui disait : Ce qu’il y a eu de séparé dans votre existence n’est pas ce qui vous eût le mieux convenu, si vous en aviez eu le choix. […] Il se nourrissait de parfums et vivait dans la région la plus pure de l’air ; et sa brillante existence se terminait sur un bûcher de bois odoriférants, dont le soleil allumait la flamme. […] Ma destinée à moi, tout entière, consiste peut-être à faire qu’il reste quelque trace sur cette terre de votre noble existence.
Songez donc à ces misérables existences à peine caractérisées qui, chez les sauvages, apparaissent et disparaissent comme les vagues images d’un rêve. […] Une foule d’existences littéraires, en apparence perdues, ont été en effet utiles et nécessaires. […] Je suppose qu’il fallût mille existences laborieuses pour recueillir toutes les variétés locales de telle légende, de celle du juif errant par exemple. […] Tous les jours, des milliers d’existences ne sont-elles pas perdues, mais ce qui s’appelle absolument perdues, à des arts de luxe, à fournir un aliment au plaisir des oisifs, etc.
Mais à côté de cette image restreinte, voici, dans l’hypothèse métaphysique que l’on élève, parmi l’univers immobile, l’abolition de toutes les relations infiniment nombreuses que réalisait seul, entre objets et sujets, le mécanisme de la cause par l’intermédiaire du temps, en sorte que, supprimant tout état de conscience, cette hypothèse se montre elle-même inimaginable, la vision qu’elle suscitait s’évanouissant dans l’abîme où elle entraîne avec elle toute existence phénoménale et où s’anéantit toute représentation. […] Si l’on considère, pour le mieux concevoir, ce phénomène de réalisation par rapport au sujet, il apparaît que tout état de conscience où le sujet s’empare de l’objet, exige le recul d’un spectateur rapportant à lui un fait accompli déjà, par lequel il est nécessaire qu’il ait été devancé, par rapport auquel en conséquence il témoigne de l’existence d’un pouvoir d’arrêt et de ralentissement.
L’institution d’un système répressif n’est pas un fait moins universel que l’existence d’une criminalité, ni moins indispensable à la santé collective. Pour qu’il n’y eût pas de crimes, il faudrait un nivellement des consciences individuelles qui, pour des raisons qu’on trouvera plus loin, n’est ni possible ni désirable ; mais pour qu’il n’y eût pas de répression, il faudrait une absence d’homogénéité morale qui est inconciliable avec l’existence d’une société.
La mort de leur mère les surprit alors ; ils la pleurèrent tous deux comme la racine commune de leur existence. […] Insensés qui ne voient pas que l’être est le premier problème de toute philosophie, que l’existence du dernier des êtres est un effet évident qui proclame une cause, et que Dieu est la cause de tous les effets. […] On sentait en lui un homme digne d’étudier les hommes ; on sentait, dans l’autre, un artiste capable de leur faire jouer les rôles légers, divers, personnels d’une existence à tiroirs. […] Sa pensée accompagna son épouse dans un monde plus élevé ; l’image de celle qu’il avait perdue ne cessa d’être présente à son âme, elle se mêla à toutes ses pensées, elle ennoblit sa propre existence. […] Dans les dernières années de sa calme existence de savant, Humboldt s’occupa de préférence de son ouvrage du Cosmos, qui parut en 1858, jusqu’aux premières parties du quatrième volume.
C’est de causes d’un autre genre qu’elles tiennent leur existence. […] Car, comme les rapports purement économiques laissent les hommes en dehors les uns des autres, on peut en avoir de très, suivis sans participer pour cela à la même existence collective. […] Nous avons montré ailleurs comment tout accroissement dans le volume et dans la densité dynamique des sociétés, en rendant la vie sociale plus intense, en étendant l’horizon que chaque individu embrasse par sa pensée et emplit de son action, modifie profondément les conditions fondamentales de l’existence collective. […] Parmi les changements dont il est la cause, ceux-là servent qui sont en rapport avec l’état ou il se trouve, puisqu’il est la condition essentielle de l’existence collective. […] Remarquons pourtant que, mieux étudiée, cette réciprocité de la cause et de l’effet pourrait fournir un moyen de réconcilier le mécanisme scientifique avec le finalisme qu’impliquent l’existence et surtout la persistance de la vie.
L’espèce d’existence des généraux du xviie siècle donnait à leur caractère une originalité dont nous ne pouvons plus avoir d’idée. […] Mais il n’y a rien de moral dans toute leur existence ; toute réflexion, tout jugement, tout dialogue entre eux leur est sévèrement interdit ; il serait contraire à la subordination théâtrale qu’ils excitassent le moindre intérêt. […] Il s’étonne lui-même de se voir jeté tout à coup par la tyrannie hors de l’existence obscure et paisible que le sort semblait lui avoir destinée. […] On se demande ce que seraient les héros qu’on voit, s’ils n’étaient dominés par la passion qui les agite, et l’on trouve qu’il ne resterait dans leur existence que peu de réalité. […] Thécla est un être que son amour a élevé au-dessus de la nature commune, un être dont il est devenu toute l’existence, dont il a fixé toute la destinée.
Nous ne devons pas exprimer au dehors toute notre existence intérieure ; il en est une partie qui, n’étant que pour nous, doit rester entièrement nôtre ; la raison nous le dit, et, si la raison ne nous trompe pas, il est inutile que nous croyions externer ce qui doit rester interne et reste tel en effet ; quand on est raisonnable, mieux vaut l’être jusqu’au bout ; être raisonnable et s’imaginer qu’on ne l’est pas, c’est ne pas l’être entièrement, c’est mêler un grain de folie à une sagesse qui, dès lors, est imparfaite. […] L’idéal de la mémoire, ce serait une existence palingénésique entièrement conforme à une existence antérieure, comme celle que promettait aux hommes la doctrine stoïcienne. […] Elle n’est pas assujettie à puiser éternellement l’existence dans le sein maternel de la sensation ; après l’allaitement quotidien des premières années, elle persiste à vivre dans des conditions nouvelles ; on la dirait douée, comme un animal adulte, d’une vitalité qui lui est propre. […] La succession de faits homogènes que nous appelons la parole intérieure est donc une série continue d’habitudes positives réalisées, et la parole intérieure, dans son ensemble, est une habitude positive complexe, qui dès l’enfance a pris possession de la vie psychique, et qui, toujours entretenue et fortifiée par l’attention, a poussé en nous des racines si profondes que son incessante réalisation est devenue comme une nécessité de notre existence. […] Or l’invention serait impossible, si elle n’était facilitée par l’existence préalable d’une habitude générale, et elle exigerait un effort, si cette habitude, tout en demeurant générale, partant souple et variée dans son acte, n’était pas d’une réalisation facile, et, pour ainsi dire, proche de l’acte.
Dès lors, il y a un déterminisme absolu dans les conditions d’existence des phénomènes naturels, aussi bien pour les corps vivants que pour les corps bruts. […] Cette cause prochaine, comme il la nomme, n’est rien autre chose que la condition physique et matérielle de l’existence ou de la manifestation des phénomènes… Les corps vivants… sont tour à tour ramenés et réduits au mécanisme général de la matière. » Nous pouvons saisir par ces quelques phrases du savant, éclairées par le commentaire de l’homme de lettres, la pensée même de Claude Bernard. […] Elle a pour point de départ la banqueroute de l’existence et le mépris de vivre. […] Pour moi le monde religieux, divin, idéal, quoique latent uniquement dans l’humanité, a une existence aussi réelle que la chimie ou tout autre ordre de phénomènes ; et la gloire des savants consiste en cela qu’ils ouvrent les voies à une théologie plus splendide, à des chants plus divins que la théologie et les chants du passé15. […] Je pense même que ce rétrécissement de réalité a contribué à la naissance de cette éphémère et chétive réaction mystique qui cherche à prolonger encore un semblant d’existence.
Et il énumère tous les pouvoirs qui sont tombés, les grandes existences individuelles désormais impossibles, la perte des croyances, qui, chez le grand nombre, a devancé l’acquisition des lumières ; il montre la démocratie grandissant, et, à chaque combat décisif, renversant tout ce qui est sur son chemin, mais sans direction jusqu’ici, sans conscience d’un but à atteindre, et de plus en plus pareille à un enfant robuste et sauvage. […] L’élément fondamental et naturel des institutions démocratiques paraît être à M. de Tocqueville la Commune, et il en expose la formation et l’existence en Amérique, et particulièrement à la Nouvelle-Angleterre, de manière à nous transporter tout d’abord dans le secret même de cette société qui se gouverne elle seule. […] S’il devait arriver en France que la monarchie ou la république (peu importe), en s’armant de ce mot de centralisation mal entendu, fissent prévaloir, constamment la régularité administrative, soit douce, soit rigoureuse, sur la vie réelle, morale, animée de chaque point du pays ; si l’on ne parvenait enfin à introduire et à fonder parmi nous les institutions démocratiques en ce qu’elles ont d’essentiel, d’élémentaire et de vivace, c’est-à-dire l’existence communale, M. de Tocqueville paraît craindre qu’une des chances naturelles de cette égalité croissante ne fût un jour, tôt ou tard, l’assujettissement de tous par un seul, du moment qu’on n’aurait plus à espérer le gouvernement de tous par eux-mêmes.
L’existence des femmes en société est encore incertaine sous beaucoup de rapports. […] Rien ne prête davantage aux suppositions vagues que l’incertaine existence d’une femme dont le nom est célèbre et la carrière obscure. […] L’intérêt qu’inspire une femme, la puissance qui garantit un homme, tout lui manque souvent à la fois : elle promène sa singulière existence, comme les Parias de l’Inde, entre toutes les classes dont elle ne peut être, toutes les classes qui la considèrent comme devant exister par elle seule, objet de la curiosité, peut-être de l’envie, et ne méritant en effet que la pitié.
Le psychologue ou l’esprit critique constate alors seulement l’existence de ces réalités, maintenant inventées, les nomme et les classe. […] C’est parce qu’elle est impliquée dans un fait de vision que cette définition emporte avec elle la certitude de l’existence de son objet. […] Elles constituent entre elles une hiérarchie et l’existence de cette hiérarchie de tendances suffit à créer un état de Bovarysme, dès que, sous l’influence de la notion imposée par le milieu, les termes en sont intervertis, dès que l’être humain, à l’instigation des images, donne le pas à des tendances plus faibles sur de plus fortes.
Tout homme qui pense, — tout moraliste, — tout physiologiste, — se sentira saisi d‘une ardente curiosité devant le phénomène de cette existence mise en dehors de l’humanité par l’énergique volonté et la passion religieuse d’un homme, et voudra la scruter et s’en rendre compte philosophiquement… Voilà pour la science et pour la pensée ! […] dont l’existence entière s’écoula dans des pèlerinages aux églises les plus lointaines, et qui alla je ne sais combien de fois, à pied, son bréviaire pendu au cou, la besace au dos, les jambes ouvertes par ses marches forcées et les pieds saignants, de Notre-Dame-de-Lorette à Rome, et de Rome à Notre-Dame-de-Lorette. […] Existence merveilleuse, — pour n’importe qui !
Sans doute, si le désespoir décidait toujours à se donner la mort, le cours de l’existence ainsi fixé, pourrait se combiner avec plus de hardiesse, l’homme pourrait se risquer, sans crainte, à la poursuite de ce qu’il croit le bonheur parfait ; mais qui peut braver le malheur, ne l’a jamais éprouvé ! […] La douleur est fixe, et rien ne peut la déplacer qu’un événement, ou le courage ; alors que le malheur se prolonge, il a quelque chose d’aride, de décourageant, qui lasse de soi-même, autant qu’il importune les autres ; on se sent poursuivi par le sentiment de l’existence, comme par un dard empoisonné ; on voudrait respirer un jour, une heure, pour reprendre des forces, pour recommencer la lutte au-dedans de soi, et c’est sous le poids qu’il faut se relever, c’est accablé qu’il faut combattre, on ne découvre pas un point sur lequel on puisse s’appuyer pour vaincre le reste.
Il nous a confié ses fragments de mémoires, ses carnets, ses notules, ses récits de voyages, ses cahiers de mathématique, au parchemin graissé et noirci par une compulsation continue, et où la littérature écrite à rebours se mêle aux X, enfin les feuilles volantes qui livrent des épisodes de son existence. […] Préface de la première édition (1881)54 En ce temps, où les choses, dont le poète latin a signalé la mélancolique vie latente, sont associées si largement par la description littéraire moderne, à l’histoire de l’Humanité, pourquoi n’écrirait-on pas les mémoires des choses, au milieu desquelles s’est écoulée une existence d’homme ?
Mais l’homme ne se borne pas à voir ; il pense et veut connaître la signification des phénomènes dont l’observation lui a révélé l’existence. […] Or, ce que nous appelons la cause prochaine d’un phénomène n’est rien autre chose que la condition physique et matérielle de son existence ou de sa manifestation. […] Les phénomènes de la vie, aussi bien que les phénomènes des corps bruts, nous présentent cette double condition d’existence. […] La condition d’existence d’un phénomène ne saurait nous rien apprendre sur sa nature. […] On obtient nécessairement ainsi les conditions d’existence des phénomènes sur lesquelles l’expérimentateur doit agir pour faire varier les phénomènes.