Dans la seconde, nous avons soumis à une respectueuse critique l’apologétique chrétienne de M.
Ne dirait-on pas aussi justement la foi stoïcienne que la foi chrétienne ? […] Chez les cartésiens, cette transformation n’a pas eu lieu, parce qu’à côté de la recherche philosophique se trouvait chez eux la foi chrétienne. […] On peut donc dire de lui avec Bossuet, Malebranche, tous les platoniciens et tous les chrétiens, qu’il est le lien et la substance des vérités éternelles. […] La théologie chrétienne est plus profonde et plus vraie en admettant des mystères dans la nature divine. […] Henri Martin (de Rennes), où une grande indépendance d’esprit dans les matières scientifiques s’unit à une foi spiritualité et chrétienne hautement déclarée.
Une telle enfance menait naturellement M. de Fontanes à placer son idéal chrétien dans la religion de Fénelon. […] dernier vers charmant, imité de La Fontaine avant sa conversion ; mais depuis quand la mort, pour le chrétien, est-elle un doux sommeil et le cercueil un oreiller ? […] Il était même de l’avis de celui-ci contre Fontanes en faveur du merveilleux chrétien réprouvé par Boileau. […] Je l’ai dit, l’épicurien dans le poëte était tout à côté du chrétien, et cela si naturellement, si bonnement ! […] Pourtant il y a cela encore entre l’hôte de Bagnolet et celui de Courbevoie, que la légèreté profane et connue de quelques-uns de leurs vers ne nuisit point à la chaleur de leurs manifestations chrétiennes et catholiques.
L’art symboliste rend abstrait le concret : il est chrétien.
Au reste, en ne parlant que des chants grecs de l’Église, on sent que nous n’employons pas tous nos moyens, puisque nous pourrions montrer les Ambroise, les Damase, les Léon, les Grégoire, travaillant eux-mêmes au rétablissement de l’art musical ; nous pourrions citer ces chefs-d’œuvre de la musique moderne, composés pour les fêtes chrétiennes, et tous ces grands maîtres enfin, les Vinci, les Leo, les Hasse, les Galuppi, les Durante, élevés, formés, ou protégés dans les oratoires de Venise, de Naples, de Rome, et à la cour des souverains pontifes.
Notre raison n’est pas pervertie par un culte abominable ; nous n’adorons pas des monstres ; l’impudicité ne marche pas le front levé chez les chrétiens ; nous n’avons ni gladiateurs ni esclaves.
Consultons le recueil de la littérature de la Gaule pendant les quatre premiers siècles de l’ère chrétienne. […] L’Eglise chrétienne, tout d’abord humble et souterraine, avait grandi dans les persécutions. […] Sur le monde barbare, l’influence chrétienne s’est donc exercée beaucoup plus tard que sur le monde romain. […] La civilisation chrétienne a tout envahi. […] Figurons-nous la situation du monde grec, un siècle et demi avant l’ère chrétienne, lorsque le Romain se présente aux portes de ses cités.
Fénelon, qui fut un si hardi novateur sous des formes si insinuantes et si adoucies, avait donné le premier d’admirables conseils dont l’excellence n’a pas été surpassée ; la femme, telle qu’il l’élève et qu’il la forme, serait encore le plus achevé modèle et comme le trésor de la famille chrétienne.
Son livre, et en général tous ses ouvrages depuis les Études jusqu’aux Harmonies, sont en ce sens une espèce de compromis entre l’ancien spiritualisme chrétien et l’observation irrécusable, je dirai aussi, le culte croissant de la nature : dans ses croyances à l’immortalité, il essaye, par exemple, de donner au ciel chrétien une réalité naturelle en faisant aller les âmes dans les planètes ou dans le soleil. […] Dans son vague déisme évangélique, il n’est pas plus chrétien que panthéiste en cela. […] Villemain, en rapprochant Paul et Virginie de Daphnis et Chloé (préface des romans grecs), M. de Chateaubriand (Génie du Christianisme), en comparant la pastorale moderne avec la Galatée de Théocrite, ont insisté sur la supériorité due aux sentiments de pudeur et de morale chrétienne.
Par exemple, le christianisme et la morale chrétienne. Mais il est patent que bien des gens se disent et se croient chrétiens, qui non seulement ne pratiquent guère la morale chrétienne, mais professent même des principes niant directement les idées morales qu’ils acceptent et invoquent à l’occasion. […] Si une vie future, telle que l’ont comprise les chrétiens et quelques philosophes spiritualistes nous promet réellement l’éternité de ses peines et de ses joies, la vie terrestre devient tout à fait insignifiante et négligeable, sauf en tant que moyen de préparer la vie future, et de nous concilier, par tous les moyens qui lui plaisent, le juge suprême.
Si je voulais parler un langage chrétien je dirais que même pour le péché tout le monde n’est pas bon. […] C’est-à-dire : Il y a une immense tourbe d’hommes qui sentent par sentiments tout faits, dans la même proportion qu’il y a une immense tourbe d’hommes qui pensent par idées toutes faites, et dans la même proportion il y a une immense tourbe d’hommes qui veulent par volontés toutes faites, dans la même proportion qu’il y a une immense tourbe de « chrétiens » qui répètent machinalement les paroles de la prière. […] Il est impossible de ne pas considérer, avec un saisissement, combien cette théorie cartésienne est fidèlement apparentée, combien elle est parallèle à la théorie chrétienne et catholique de la grâce, à ce que nous avons le droit de nommer le mécanisme de la grâce. […] Si je puis le faire un jour je parlerai en chrétien et en catholique.
Il est arrivé enfui à comprendre que l’essence de la théologie chrétienne contenue dans le symbole apostolique est la meilleure source d’énergie et de morale. […] Ce n’est que dans la doctrine chrétienne que le pessimiste et l’optimiste non seulement se confondent dans une certaine mesure, mais qu’ils existent côte à côte à leur plus haute puissance. […] Ce n’est que le christianisme qui a su séparer ces deux notions et en démêler les extrêmes opposés ; sous certains rapports, le chrétien doit être plus fier que ne le fut le païen. […] Le grand fait de la morale chrétienne ne fut point ce principe qui peut être énoncé par n’importe qui : « ne sois ni fier, ni humble », mais cet autre qui fut en même temps une émancipation : « ici, sois fier, là, sois humble ».
« Madame sa mère, dit le Mercure, l’a fait particulièrement instruire des devoirs d’un bon chrétien. » Son père, pendant plusieurs années, allait tous les jours à la Trappe. […] Quoique enfant pour ainsi dire encore, M. de la Trappe eût pour moi des charmes qui m’attachèrent, et la sainteté du lieu m’enchanta. » Chaque année il y fit une retraite, parfois de plusieurs semaines ; il y prit beaucoup d’inclination pour les chrétiens sévères, pour les jansénistes, pour le duc de Beauvilliers, pour ses gendres. Il y prit aussi des scrupules ; lui si prompt a juger, si violent, si libre quand il faut railler « un cuistre violet », transpercer les jésuites ou démasquer la cour de Rome, il s’arrête au seuil de l’histoire, inquiet, n’osant avancer, craignant de blesser la charité chrétienne, ayant presque envie d’imiter les deux ducs « qu’elle tient enfermés dans une bouteille », s’autorisant du Saint-Esprit qui a daigné écrire l’histoire, à peu près comme Pascal qui justifiait ses ironies par l’exemple de Dieu. […] La Fontaine, le plus heureux, fut le plus parfait ; Pascal, chrétien et philosophe, est le plus élevé ; Saint-Simon, tout livré à sa verve, est le plus puissant et le plus vrai.
Le fourbe et fanatique Savonarole, qui voulait prendre pied sur un cadavre pour se montrer plus dévoué au peuple, osa troubler son agonie en venant lui offrir sa bénédiction dans des termes qui semblaient révoquer en doute sa foi chrétienne ; il l’interrogea sur ses sentiments. […] Sa vie fut celle d’un philosophe, sa mort fut celle d’un chrétien. […] Avec sa prévoyance, il comprit son état et n’eut rien de plus à cœur que d’appeler le médecin de l’âme, pour lui faire, en vrai chrétien, la confession générale des manquements et des fautes de toute sa vie.
Ce mot désigne d’abord vers 1400 des représentations figurées, sans dialogue dramatique, des scènes muettes, pantomimes, tableaux vivants, dont les sujets étaient mythologiques, allégoriques ou chrétiens, et qu’on donnait aux fêtes, aux entrées de rois et de princes. […] La farce avec son réalisme trivial et sa cynique bouffonnerie envahit le mystère, et le drame chrétien est étouffé sous l’excessive abondance des scènes populaires. […] Cependant ce même peuple croyait, et les hautes parties du drame chrétien l’eussent touché, s’il y avait eu des auteurs pour les traiter dignement : elles touchaient telles quelles, dans leur platitude et dans leurs diffusions.
Des chrétiens comme des anciens que fit la vogue du Génie du Christianisme, plus d’un a cessé de l’être ; et je sais qu’en pareil cas ceux qui secouent le charme font plus de pas en arrière qu’ils n’en avaient fait en avant. […] Pour moi, le service est si grand, qu’il rachète les défauts justement relevés dans le Génie du Christianisme : la légèreté du savoir ; quelques injustices faites aux anciens, même en les louant ; trop de pompe et d’esprit pour recommander la religion des humbles et des simples ; l’excès de l’apologie, qui fait douter de la foi de l’apologiste ; Massillon cité comme le modèle de l’éloquence chrétienne ; sans compter la langue, qui n’est pas partout aussi bonne que la cause. […] Son admiration pour les beautés de l’architecture gothique a suscité l’archéologie chrétienne.
Il est difficile d’imaginer ce que Napoléon a pu trouver de juste dans une brochure où on lit à chaque page des phrases comme celle-ci : Il a plus corrompu les hommes, plus fait de mal au genre humain dans le court espace de dix années que tous les tyrans de Rome ensemble depuis Néron jusqu’au dernier persécuteur des chrétiens… Encore quelque temps d’un pareil règne, et la France n’eût plus été qu’une caverne de brigands. […] Lui qui affectait le christianisme, il sentait bien qu’il n’y avait rien de parfaitement chrétien dans tout cela : Il serait mieux d’être plus humble, plus prosterné, plus chrétien.
Si je viens à mourir, je mourrai en chrétien et en Français. […] Joseph Cloupeau, mort au Champ d’honneur à dix-neuf ans, disait : « C’est si bon de servir à quelque chose même si l’on en meurt », et découvrant de cette aube la beauté d’une vie harmonieuse, il pouvait affirmer : « Je ne suis pas deux, un chrétien et un soldat ; je suis un soldat chrétien » (Lettres publiées par Dom Hébrard sans adresse d’éditeur). — Le jeune Alfred Eschiman (qui va mourir pour la France), sur le point de quitter le dépôt d’Aubagne se promène un dimanche de février 1915 dans les bois de pin et les champs d’olivier sous le soleil, et murmure : « C’est si dur de se résigner à la mort à vingt ans !
Il était à cet âge dont parle Cicéron, et où l’orateur romain a dit que son éloquence elle-même se sentait blanchir (« quum ipsa oratio jam nostra canesceret ») ; il avait hâte d’en employer toute la maturité et la douceur pour la famille chrétienne qui lui avait été donnée. […] Les jours de sermon, après avoir arrêté ses idées dans son cabinet en relisant l’Écriture ou saint Augustin, le grand et inépuisable réceptacle de doctrine chrétienne, il n’avait plus qu’à se tenir ensuite dans une douce méditation et une prière continuelle, avec recueillement, pendant l’office divin, et, après quelques minutes où il s’enfermait encore avant de monter en chaire, il commençait à proférer son âme par ses lèvres, et le fleuve n’avait plus qu’à couler.
Il refuse aux amers ironiques et aux grands railleurs modernes une qualité qu’il accorde volontiers aux grands railleurs et aux mélancoliques de l’Antiquité, à Aristophane et à Lucrèce, l’élévation : « Tout écrivain parmi les modernes, s’écrie-t-il, que n’anime pas à un degré quelconque le sentiment chrétien, pourra être un déclamateur ; élevé, il ne le sera jamais. » Cet article de M. de Sacy est un de ceux où il se dessine le mieux et le plus au complet dans l’excellence de sa nature mixte, avec ses velléités, ses aspirations et ses répulsions, ses regrets ou ses désirs, son vœu d’alliance de la raison et de la foi, ses préférences païennes ou classiques, et ses adhésions chrétiennes.
Dupanloup, homme d’éloquence et de zèle, mais d’un zèle qui n’est pas toujours sûr, il lui sembla tomber dans un monde tout nouveau : au sortir d’une nourriture chrétienne classique, sévère et sobre, il était mis à un régime bien différent ; il avait affaire pour la première fois à ce catholicisme parisien et mondain, d’une espèce assez singulière, que nous avons vu, dans ses diverses variétés, naître, croître chaque jour et embellir ; catholicisme agité et agitant, superficiel et matériel, fiévreux, ardent à profiter de tous les bruits, de toutes les vogues et de toutes les modes du siècle, de tous les trains de plaisir ou de guerre qui passent, qui vous met à tout propos le feu sous le ventre et vous allume des charbons dans la tête : il en est sorti la belle jeunesse qu’on sait et qu’on voit à l’œuvre. […] Cependant ces doutes naissants laissaient jour encore à bien des modes d’explication, et le jeune sulpicien en voie de transition se trouvait, j’imagine, dans une de ces phases de philosophie chrétienne, à l’une de ces stations intermédiaires que Malebranche, qu’il lisait alors, avait connues, et où le grand oratorien avait su en son temps s’arrêter comme à mi-côte, y dressant ses tentes légères et ses magnifiques pavillons.
. — Cependant, dans ses églises et dans ses couvents, il conservait les anciennes acquisitions du genre humain, la langue latine, la littérature et la théologie chrétiennes, une portion de la littérature et des sciences païennes, l’architecture, la sculpture, la peinture, les arts et les industries qui servent au culte, les industries plus précieuses qui donnent à l’homme le pain, le vêtement et l’habitation, surtout la meilleure de toutes les acquisitions humaines et la plus contraire à l’humeur vagabonde du barbare pillard et paresseux, je veux dire l’habitude et le goût du travail. […] Quel que soit l’établissement, ecclésiastique ou séculier, quel que soit le clergé, bouddhiste ou chrétien, les contemporains qui l’observent pendant quarante générations ne sont pas de mauvais juges ; ils ne lui livrent leurs volontés et leurs biens qu’à proportion de ses services, et l’excès de leur dévouement peut mesurer l’immensité de son bienfait.
Ce sentiment s’oppose, d’une part, à la grossière frivolité gauloise et, de l’autre, à la pensée chrétienne qui attache toujours à l’amour physique une idée de souillure. […] Au fait, il n’est pas nécessaire d’avoir un vieux fond chrétien pour sentir ainsi : le pauvre Maupassant a été un jour soulevé de dégoût en songeant que les organes de l’« amour » sont aussi ceux des plus viles sécrétions.
Je comprends que des écrivains allemands aient regretté à ce point de vue la vieille vie germanique et maudit l’influence romaine et chrétienne qui en altéra la rude sincérité. […] La règle existait bien à l’origine, mais vivifiée par l’esprit, à peu près comme les cérémonies chrétiennes, devenues pure série de mouvements réglés, étaient dans l’origine vraies et sincères.
Ce que son étymologie indique 282 : le baptisme lui-même, c’est-à-dire la religion des baptêmes multipliés, la souche de la secte encore existante qu’on appelle « chrétiens de Saint-Jean » ou Mendaïtes, et que les Arabes appellent el-Mogtasila, « les baptistes 283. » Il est fort difficile de démêler ces vagues analogies. […] Dans les tableaux des églises chrétiennes, on le voit entouré de têtes coupées ; les musulmans ont peur de lui.
Un poëte chrétien doit se passer, disent-ils, de cette multitude de dieux, de déesses & de cérémonies. […] Rollin, en condamnant l’usage des fictions dans un poëte chrétien, n’interdit point certaines figures hardies qui font image, & par lesquelles on donne de la voix, du sentiment, de l’action même aux choses inanimées : « Il sera toujours permis, dit il, d’adresser la parole aux cieux & à la terre ; d’inviter la nature à louer son auteur ; de supposer des aîles aux vents pour en faire les messagers de dieu ; de prêter une voix de tonnerre aux cieux pour publier sa gloire ; de personnifier les vertus & les vices.
Le dogme chrétien de l’incarnation est encore un admirable symbole de l’union du fini et de l’infini : c’est le divin mariage des deux personnalités. […] C’est ce que firent à la fois en Allemagne et en France deux grands penseurs, Fichte et Biran, le premier plus porté au spéculatif suivant le goût et le génie de sa nation, le second plus psychologue, plus observateur, — le premier liant la métaphysique à la politique, passionné pour les idées du xviiie siècle et de la révolution, le second royaliste dans la pratique, assez indifférent pour ces sortes de recherches et occupé d’une manière tout abstraite à l’étude de la vie intérieure, — tous deux enfin, par une rencontre singulière et selon toute apparence par des raisons analogues, ayant terminé leur carrière par le mysticisme, mais le premier par un mysticisme inclinant au panthéisme, le second par le mysticisme chrétien.
Là est ce qui sépare Laforgue de Sully Prudhomme, Verlaine de Baudelaire, ce qui prédestinait celui-là à devenir notre grand poète chrétien. […] Comparez de même avec le poète et sa femme les géorgiques chrétiennes : la trouvaille métrique du poète, et, dans un tableau d’idylle, l’emploi si heureux d’une forme que Chénier avait créée comme la corde inverse de la lyre, est l’invention d’un maître.
« Ma chrétienne & sincere Palinodie, Monsieur, après la satisfaction de ma conscience, ne m'en pouvoit causer une plus sensible que de m'avoir rappelé dans votre souvenir.
On croit communément qu’il étoit Ionien, & qu’il vivoit environ huit cent cinquante ans avant l’ère chrétienne, c’est-à-dire, trois générations après la guerre de Troie.
Il faudrait peut-être d’après ces exemples, être un peu moins prompt à avancer qu’il n’y a que de petits esprits qui puissent être chrétiens.
Chez lui, le chrétien double les forces du penseur, et sur la notion du pouvoir telle qu’il la conçoit et l’explique resplendit toujours cette main divine qui jette la lumière à tout, comme la main de l’homme y jette l’ombre.
Nous ne disons pas du monde chrétien, car le chef-d’œuvre de Gœthe est peut-être son Divan, dont l’inspiration, comme on le sait, est orientale, et qui est un tour de force de cette impersonnalité des grands génies qui les fait s’incarner, par la pensée, dans l’âme la moins semblable à la leur.
Ce pessimisme est bien d’origine chrétienne. […] Et ainsi ce livre si chrétien ne paraît, en somme, que médiocrement évangélique : ce qui est le cas de beaucoup de livres chrétiens. […] Ces préceptes si vigoureusement chrétiens, Vivès continue à les appuyer sur quantité d’exemples presque exclusivement païens. […] Pourtant les deux livres seraient chrétiens. […] Boileau, Racine, qui devaient être des dévots et qui furent toujours des chrétiens pratiquants, étaient ses meilleurs amis.
. — Le monde païen (classique) et le monde chrétien (romantique). — L’idéal social et l’idéal humain, ou Corneille et Racine, comparés avec Shakespeare, Dante, Byron etc. — Exposition. […] « Étrange destinée des chrétiens ! […] La mélancolie que Mme de Staël avait découverte comme l’élément chrétien par excellence, fut mise à la mode. […] Vinet a dit admirablement : “Le christianisme, partout où il n’a pas pénétré la vie, a fait un grand vide autour d’elle, et l’homme qui, au sein de la Chrétienté, n’est pourtant pas chrétien, porte partout avec lui le désert.” […] Depuis la Renaissance notre poésie était restée païenne, pour la forme du moins, et même lorsqu’elle prétendait chanter les louanges du Dieu des chrétiens.
Les humanités déistes et particulièrement chrétiennes, ces singulières humanités, qui ne nous paraissent ordinaires et communes que parce que nous y sommes habitués, ces singulières humanités, où l’homme occupe envers Dieu une si singulière situation de grandeur et de misère, si audacieuse au fond, et si surhumaine, — l’homme fait à l’image et à la ressemblance de Dieu, — et Dieu fait homme, — avaient séparément le sens du parfait et de l’imparfait, du fini et de l’infini, du relatif et de l’absolu ; elles connaissaient donc les limitations de l’humanité ; ajouterai-je que généralement ces humanités étaient à la fois intelligentes et profondes, et que la constatation même des contrariétés intérieures, de la grandeur et de la misère, faisait peut-être le principal objet de leurs méditations ; dans ces humanités l’homme était reconnu créature et limité aux limites humaines ; l’historien demeurait un homme. […] En face des dieux de l’Olympe, en face d’un Dieu Tout, en face du Dieu chrétien, l’historien était un homme, demeurait un homme ; en face de rien, en face de zéro Dieu, le vieil orgueil a fait son office ; l’esprit humain a perdu son assiette ; la boussole s’est affolée ; l’historien moderne est devenu un Dieu ; il s’est fait, demi-inconsciemment, demi-complaisamment, lui-même un Dieu ; je ne dis pas un dieu comme nos dieux frivoles, insensibles et sourds, impuissants, mutilés ; il s’est fait Dieu, tout simplement, Dieu éternel, Dieu absolu, Dieu tout puissant, tout juste et omniscient. […] Les prêtres aussi, les petits prêtres, en ce sens, n’occupaient aucune situation dans l’État, n’avaient aucun pouvoir dans l’État ; les prêtres aussi étaient assez maltraités par leurs supérieurs et ne déterminaient aucuns événements ; les prêtres aussi étaient les plus mal rétribués des fonctionnaires, et nul ne les entendait ; et quand ils ne seront plus des fonctionnaires mal rétribués d’État, ils seront des fonctionnaires mal rétribués d’Église ; et nul ne les entendra ; ils poursuivent modestement leur prédication de la vie future ; par situation, par métier, par humilité chrétienne ils n’ont ni vanité ni orgueil, ni présomption ni cupidité de la domination ; un curé de campagne est un petit seigneur ; l’exercice du ministère ecclésiastique est essentiellement un exercice d’humilité chrétienne. Je ne dis pas que cela soit vrai des prêtres ; je dis que, autant et dans le sens que cela est vrai des universitaires, si l’on veut, autant et dans le même sens, mutations faites, cela est vrai des prêtres ; si l’excuse de modestie est valable pour les fonctionnaires de l’enseignement, l’excuse de l’humilité chrétienne est valable pour les fonctionnaires ecclésiastiques. […] Beatam resurrectionem exspectans, voilà, pour l’idéaliste comme pour le chrétien, la vraie formule qui convient au tombeau.
Il y a du vrai chrétien dans une telle pratique.
Dites que notre littérature est sans choix, désordonnée, impure, pleine de scandales, d’opium et d’adultères : et l’on va vous citer des œuvres pures, voilées, idéales même avec symbole et quintessence, des amours adorablement chrétiennes, des poëtes qui ont l’accent et le front des vierges.
Ses Poésies Chrétiennes sont plus dignes de l’oubli dans lequel elles sont tombées depuis longtemps, quoique quelques-unes aient été couronnées par l’Académie Françoise.
On estima sa Relation de la mort chrétienne du duc de Longueville.
D’après la Jérusalem, on sera du moins obligé de convenir qu’on peut faire quelque chose d’excellent sur un sujet chrétien.
Nous changeons de couleurs : l’amour passionné, terrible dans la Phèdre chrétienne, ne fait plus entendre chez la dévote Julie que de mélodieux soupirs : c’est une voix troublée, qui sort d’un sanctuaire de paix, un cri d’amour que prolonge, en l’adoucissant, l’écho religieux des tabernacles.
D’examen en examen et de négation en négation, ils en sont arrivés plus bas que le scepticisme, et ils ont précipité les peuples plus bas que leurs cœurs… Ingrate envers la science suprême d’où elle est sortie dans le monde chrétien, il n’y a plus que la théologie, méprisée par elle, qui puisse la tirer de l’abîme de nihilisme au fond duquel elle gît hébétée.
C’est plutôt un livre de théologie à l’usage des mahométans que des chrétiens. […] Après, on trouve une poulaillerie ; ensuite, des vendeurs de fruits secs, dont il y a de beaucoup de sortes en Perse ; puis, les vendeurs de coton filé ; après, des quincailliers et des cordiers qui débitent des licous et des harnais de revente ; après, se trouvent les vendeurs de bonnets fourrés, les vendeurs de gros feutres, pour couvrir les chevaux et les autres montures ; les vendeurs de harnais neufs, les fourreurs, qui sont séparés en deux quartiers, celui des mahométans et celui des chrétiens: c’est parce que les Persans tiennent, dans leur religion, que la laine, entre toutes les autres choses, contracte de l’impureté en passant par la main des infidèles, parce qu’elle s’imbibe à la manière d’une éponge de ce qui transpire continuellement du corps ; ainsi il ne faut pas que les mahométans puissent se méprendre, en achetant de ces marchandises-là de la main des chrétiens, sans le savoir. […] Je parle de ce logis comme bien instruit, l’ayant tenu l’an 1675 et 1676, par permission du roi ; car les chrétiens ne sauraient loger dans la ville d’Ispahan sans cette permission. […] Tous les chrétiens furent donc mis hors de la ville, à la réserve des missionnaires et des gens des Compagnies d’Europe, qui étant, en quelque façon, personnes publiques, sont sous la protection immédiate du roi. […] On l’appelle communément le pont de Julfa 36, parce qu’il joint la ville au bourg de Julfa, qui est la demeure de tous les chrétiens ; et aussi le pont d’Allaverdy-Kan, lequel en est le fondateur.
Il y a d’abord Richardson, l’imprimeur puritain, avec son chevalier Grandisson, personnage à principes, modèle accompli du gentilhomme chrétien, professeur de décorum et de morale, et qui par-dessus le marché a de l’âme. […] Ce sont presque tous des gens sérieux, spiritualistes, passionnés pour les idées nobles, ayant des aspirations ou des convictions chrétiennes, occupés à méditer sur l’homme, enclins à la mélancolie, aux descriptions, aux invocations, amateurs de l’abstraction et de l’allégorie, et qui, pour atteindre la grandeur, montent volontiers sur des échasses. Un des moins rigides et des plus célèbres fut Young, l’auteur des Nuits, ecclésiastique et courtisan, qui ayant en vain essayé d’être député, puis évêque, se maria, perdit sa femme et les enfants de sa femme, et profita de son malheur pour écrire en vers des méditations « sur la vie, la mort, l’immortalité, le temps, l’amitié, le triomphe du chrétien, la vertu, l’aspect du ciel étoile », et beaucoup d’autres choses semblables. […] Il exagère et déclame, il cherche les effets de style, il mêle les deux garde-robes, la grecque et la chrétienne. […] Mettre en vers la philosophie chrétienne, n’est-ce pas là une des plus grandes idées modernes ?
« Les noms de Philémon et de Baucis, lui dis-je, me transportent sur la côte phrygienne, et je pense à ce couple célèbre de l’antiquité ; cependant la scène se passe dans l’ère chrétienne, et le paysage est moderne. […] Vous devez avouer que cette conclusion, où l’âme sauvée s’élance au ciel, était très difficile à composer ; et au milieu de ces tableaux suprasensibles, dont on a à peine un pressentiment, j’aurais pu très facilement me perdre dans le vague, si, en me servant des personnages et des images de l’Église chrétienne, qui sont nettement dessinés, je n’avais pas donné à mes idées poétiques de la précision et de la fermeté. » XVI À la fin du mois, il parle mal de Victor Hugo, auquel il a rendu avant une enthousiaste justice. […] Elle agit avec beaucoup de savants comme une malicieuse jeune fille, qui nous attire par mille charmes, et qui, au moment où nous croyons la saisir et la posséder, s’échappe de nos bras8. » XVIII La religion chrétienne l’occupait de plus en plus, et il l’admirait d’une affection éclectique. […] L’Église chrétienne croit que, comme héritière du Christ, elle peut remettre aux hommes leurs péchés ; c’est là pour elle une puissance énorme ; maintenir cette puissance et cette croyance, et affermir ainsi l’édifice ecclésiastique, voilà la principale préoccupation du clergé chrétien.
Religieux par principes et chrétien sincère, il se fit des scrupules de conscience, ou du moins il tint à les empêcher de naître et à se mettre en règle contre les remords et les faiblesses qui pourraient un jour lui venir à ses derniers instants. […] Le discours préliminaire qu’il a mis en tête nous témoigne de sa préoccupation de chrétien, qui cherche à se démontrer qu’on a droit historiquement de tout dire sur le compte du prochain, et qui voudrait bien concilier la charité avec la médisance. […] Il n’avait que vingt ans alors, était duc et pair de France, gouverneur de Blaye, gouverneur et grand bailli de Senlis, et commandait un régiment de cavalerie : « Il sait, — disait le Mercure galant dans une longue notice, sur ce mariage et sur ses pompes, envoyée probablement par lui-même —, il sait tout ce qu’un homme des qualité doit savoir, et Mme sa mère, dont le mérite est connu, l’a fait particulièrement instruire des devoirs d’un bon chrétien », — J’oubliois à vous dire, ajoutait le même gazetier en finissant, que la mariée est blonde et d’une taille des plus belles ; qu’elle a le teint d’une finesse extraordinaire et d’une blancheur à éblouir ; les yeux doux, assez grands et bien fendus, le nez un peu long et qui relève sa physionomie, une bouche gracieuse, les joues pleines, le visage ovale, et une gorge qui ne peut être ni mieux taillée ni plus belle. […] La mort subite du régent (1723) vint peu après l’avertir de ce que la mort du duc de Bourgogne lui avait déjà dit si éloquemment au cœur, que les choses du monde sont périssables, et qu’il faut, quand on est chrétien, penser à mieux.
C’est là que je respirais la sainte componction de la douleur de l’âme chrétienne dans la statue de la Madeleine, statue pour ainsi dire d’une âme et non d’une femme, où le corps s’évanouit pour laisser apparaître l’âme, contresens sublime de la sculpture, qui n’exprime ordinairement que des formes et de la beauté. […] C’est là enfin que j’étais saisi à la fois d’admiration et de tristesse en voyant ce sculpteur dessiner les métopes du temple chrétien de Possagno, son pays natal, temple qui devait être bientôt son propre mausolée. […] Autant que les idées chrétiennes de pénitence et d’ascétisme, les formes élancées de l’architecture du moyen âge commandaient aux figures qu’on y associait l’allongement et la maigreur. […] Aux temples massifs, disproportionnés, aux sanctuaires mystérieux de l’Égypte et de l’Asie ancienne où se cachent des idoles bizarres et qu’environnent des colosses monstrueux ; aux églises où le Dieu pur esprit plane invisible sous les voûtes élevées, la Grèce oppose les demeures élégantes et joyeuses, tout éclatantes de beauté et de lumière, de ses dieux à figure humaine, comme elle oppose son génie philosophique et moral au génie symbolique et religieux de l’antique Orient et aux mystiques élans de la pensée chrétienne.
Parmi les travaux spéciaux, relatifs aux langues sémitiques, je n’en vois aucun de plus urgent dans l’état actuel de la science qu’une publication complète et à laquelle on puisse définitivement se fier des livres de la petite secte gnostique qui s’est conservée à Bassora sous le nom de mendaïtes ou chrétiens de Saint-Jean. […] Avec des livres profondément insigni-fiants tels que le Livre d’Hénoch, le Testament des douze patriarches, le Testament de Salomon, et, en général, les apocryphes d’origine juive et chrétienne, les paraphrases chaldaïques, la Mischna, les livres deutérocanoniques, etc. […] Non, cela nous fait dire froidement et comme s’il s’agissait de la constatation d’un fait : « Cet homme avait bien délicatement saisi le goût antique. » Ce qui provoque notre admiration et notre sympathie, c’est précisément ce qu’il y a de moderne dans ce beau livre ; c’est le génie chrétien qui a dicté à Fénelon la description des Champs-Élysées ; c’est cette politique si morale et si rationnelle devinée par miracle au milieu des saturnales du pouvoir absolu. […] Guizot fait observer avec raison que la vraie littérature du Ve et du VIe siècle, ce ne sont pas les pâles essais des derniers rhéteurs des écoles romaines, c’est le travail populaire de la légende chrétienne.
Et c’est cet homme, enchevêtré, il est vrai, par son éducation, par sa naissance, par ses alentours (son Journal en fait foi) et tous ses liens originels de famille, de paroisse, de cléricature, dans l’idée ecclésiastique la plus étroite, c’est cet homme religieux, d’ailleurs, et qui se croit charitable, qui a des pratiques vraiment chrétiennes, qui chaque fois qu’il lui naît un enfant, par exemple, le fait tenir sur les fonts baptismaux « par deux pauvres », c’est lui qui va devenir un persécuteur acharné, subtil, ingénieux, industrieux, impitoyable, de chrétiens plus honnêtes que lui, un tourmenteur du corps et des âmes, et le bourreau du Béarn.
Il voulait plus : à un certain moment il ne visa à rien moins, dit-on, qu’à organiser une révolte générale des esclaves chrétiens, alors si nombreux dans la Régence, et cette terrible Alger, cette aire d’oiseaux de proie, eût été dès lors purgée, reconquise et faite chrétienne.
On se demande d’abord qui sont ceux qui se dévoueraient à une telle œuvre avec le même sentiment qui porte les chrétiens à se dévouer aux œuvres de charité et de prosélytisme qu’ils entreprennent. […] Les chrétiens, ne l’oublions jamais, ont pour mobile un principe surnaturel, et en perspective, après la vie, une éternité de récompenses.
Deux grandes pièces dans le volume donnent une plus haute idée du souffle et de la faculté du poëte dans les sujets extérieurs : le Fragment, qui nous montre les chrétiens aux lions, et surtout le morceau intitulé le Poëte, c’est-à-dire Homère. […] Le Seigneur (au sens spiritualiste et chrétien) n’est dans l’automne plus que dans le printemps que parce qu’on le veut bien.
Il espère et désire, mais comme le chrétien espère ou désire le ciel, sans en faire le motif de sa dévotion. […] Il n’est pas difficile de supposer que, l’identité des mots aidant, l’amour chrétien, aspiration éperdue vers le Dieu infini et parfait, désir affiné et subtilisé parle sentiment du néant de l’âme amoureuse devant l’incompréhensible objet de l’amour, ce sentiment de tendresse mystique a fourni le type de la dévotion galante de l’amant à sa dame.
Mais l’allure de bon vieux satire chrétien, aumônier de soi-même, donneur et brocanteur d’eau bénite, que les mauvais larrons de la littérature affectaient de goûter chez Verlaine et de populariser, ne fut qu’une assez récente et assez courte apparence. […] Et aussi longtemps qu’il naîtra des passionnés, des chrétiens, des âmes malades, et qui guérissent et qui retombent, des amoureux de la vie, c’est-à-dire ceux à qui elle donne ses caresses accidentelles et ses contusions chroniques, aussi longtemps il demeurera des confidents et des dévots de Paul Verlaine.
Le dernier jour, le jour suprême de la royauté, au 10 août, elle essaie de donner à Louis XVI un élan qui l’eût fait mourir en roi, en fils de Louis XIV ; mais c’est en chrétien et en fils de saint Louis qu’il devait mourir. […] … Les sentiments les plus vrais de la mère, de l’amie, de la chrétienne soumise, respirent dans cette lettre testamentaire.
Les dynasties chrétiennes ne font qu’un avec les peuples chrétiens, et n’ont qu’une vie avec eux : ceci tient au perfectionnement introduit par le christianisme dans les sociétés humaines comme dans tous les ordres d’idées et de sentiments.
Si elle reproduit tout à fait la mythologie et le fantastique des moralités et des peintures du moyen âge, elle n’en est pas un simple pastiche ; le manque absolu de foi et l’idée de néant qu’y jette l’auteur, en deviennent l’inspiration originale ; après tout, cette image physique de la mort, horrible, détaillée, continuelle, obsédante, ce n’est que celle qu’avaient les chrétiens de ces âges pieusement effrayés ; mais le poète, en prenant les images sans la foi, les éclaire d’une lueur plus livide, et qui les renouvelle suffisamment.
Ici l’air est pur ; nous sommes aux grèves des mers, en Bretagne, dans ce que le poète appelle sa Thébaïde, c’est-à-dire dans le manoir de la famille, et au sein des joies intimes ou des douleurs d’une âme restée simple et chrétienne.
Louis Veuillot Il a, pour servir ses passions, dégradé la langue comme l’âme du peuple… Il a parodié les paroles de la prière pour outrager les sentiments chrétiens ; il a tourné en ridicule la foi, les sacrements, la pudeur et la mort… [Mélanges, tome III, 2e série.]
Ainsi, par exemple, quel illuminé était-ce donc que cet aventurier d’abbé de Bucquoy dont Gérard de Nerval nous raconte la vie, que ce païen Quintus Aucler, plus Grec et plus Romain, à lui seul, que tous les révolutionnaires, et qui voulait, dans un pays chrétien de tradition séculaire, rétablir officiellement le culte de Jupiter ?
il y aurait eu, dans mon amour, de la pitié, du pardon, du chagrin, un retour chrétien sur moi-même : et ainsi, cette fois encore, la critique, loin de « détruire » de la vie, en eût « créé », puisqu’elle eût provoqué en moi des mouvements profitables, en somme, à ma vie morale. […] Puis il entreprend un Clovis, épopée chrétienne en vingt chants. […] Ce fut le mariage d’un idéaliste et d’un chrétien ; mariage non de passion, mais de haute raison, de tendresse et d’estime. […] Il ne serait peut-être pas absurde de dire que notre littérature classique, qui, sauf une petite part du dix-septième siècle et une part notable du dix-huitième, avait été chrétienne, eut en lui, sur le tard, son poète lyrique. […] 2º Beaucoup de ces hymnes sont, sans doute, des hymnes déistes et, par conséquent, dans la pensée du poète, nullement contradictoires au dogme chrétien.
Il s’agit de savoir si Ophélia s’est suicidée, ou non, et si elle est digne ou indigne d’être inhumée en terre chrétienne. […] Ce morceau nous révèle non seulement le chrétien, l’archevêque, mais l’ami de Mme Guyon. […] L’un et l’autre, sans doute, sont admirables, pathétiques, dramatiques ; mais peu chrétiens, et même peu religieux. Catholiques, si vous voulez ; car le catholicisme contient une bonne dose de paganisme ; mais chrétiens, non. […] L’art s’était confondu avec le paganisme : aussi la religion chrétienne ne songea-t-elle d’abord qu’à le proscrire.
Prudence est le roi des poètes chrétiens ; il n’y a pas trace chez lui de mysticisme. […] L’orage passa cependant ; la croix se releva : l’esprit chrétien pénétra comme un souffle bienfaisant dans l’art de ses adorateurs, et même dans celui de ses ennemis. […] Qu’il chante comme le firent ses ancêtres, nettement, en castillan, et en vieux chrétien, sans philosophisme ni nébulosités d’importation étrangère. […] Riche, noble et très chrétienne, il n’est point de rue sans boutique ouverte, point de maison sans un écusson, point de faubourg sans église. […] Hugo, qui n’est plus chrétien, mais qui est encore spiritualiste, ne peut prendre les libertés du matérialiste Jean Richepin et comme lui crier : Le crucifié, c’est nous !
Et pour ce qui est des contradictions, des luttes, des alternatives entre cet esprit chrétien, une fois ressaisi, et le monde avec ses passions, ses doutes et ses combats, qui de nous ne les a éprouvées en son cœur ? […] Dans les pages datées de 1811, comme dans celles de 1833, l’auteur de la grande tentative chrétienne et monarchique se sent toujours, mais il ne se pose pas en travers. […] Un Horace non châtié et le livre des Confessions mal faitestombèrent aux mains du jeune homme ; il entrevoyait d’une part la volupté flatteuse avec ses secrets incompréhensibles, de l’autre la mysticité délirante apprêtant des flammes et des chaînes. « Si j’ai peint plus tard avec vérité, dit-il, les entraînements de cœur mêlés aux syndérèses chrétiennes, je l’ai dû à cette double connaissance simultanée. » Le quatrième livre de l’Énéide, les volumes de Massillon où sont les sermons de l’Enfant prodigue et de la Pécheresse, ne le quittaient pas.
est-il chrétien ? […] Il n’y a rien de proprement chrétien dans les caractères qu’il dessine (Esther et Athalie écartées), sinon en tant que le christianisme est un des éléments principaux de la civilisation dont les types étudiés sont le produit. Mais il est bien certain qu’il y a un parfait accord entre la conception psychologique de Racine et le dogme caractéristique du jansénisme : de là vient la facilité avec laquelle Arnauld accepta Phèdre, lorsqu’on voulut réconcilier Racine avec lui, et de là le mot fameux que la reine incestueuse est « une chrétienne à qui la grâce a manqué ».
Quand l’ouvrage parut, la Sorbonne en approuva solennellement « le style relevé, les paroles choisies, l’éloquence vraiment chrétienne. » Le public resta froid. […] Le défaut général de ces traités, qui furent suivis d’un autre, le Socrate chrétien, où la morale est trop théologique et la théologie trop peu savante, est le même que celui des Lettres. […] Ses dernières années furent d’un chrétien, presque d’un théologien.
. — En face de la porte est suspendue une charge signée Carjat-Bey, qui représente Omer-Dinochau abjurant la foi chrétienne entre les mains de l’iman. — Autour de la salle, des nattes où sont étalés six concombres crus, un morceau de mouton, des boulettes de riz et des crêpes au miel.
Car il est chrétien en dépit de tout et quoiqu’il ait renoncé au dogme. […] Le cœur est resté chrétien pendant que la raison cessait de l’être. […] Ce despote est, au surplus, un bon chrétien. […] Il n’en est, d’ailleurs, pas un autre qui soit plus modeste et d’une plus chrétienne candeur. […] C’est chez nous, je le sais, le désir de beaucoup de chrétiens.
Malherbe, homme de forme, de style, esprit caustique, cynique même, comme M. de Buffon l’était dans l’intervalle de ses nobles phrases, Malherbe, esprit fort au fond, n’a de chrétien dans ses odes que les dehors ; mais le génie de Corneille, du père de Polyeucte et de Pauline, est déjà profondément chrétien. […] En un mot, plus on avance dans le siècle dit de Louis XIV, et plus la littérature, la poésie, la chaire, le théâtre, toutes les facultés mémorables de la pensée, revêtent un caractère religieux, chrétien, plus elles accusent, même dans les sentiments généraux qu’elles expriment, ce retour de croyance à la révélation, à l’humanité vue dans et par Jésus-Christ ; c’est là un des traits les plus caractéristiques et profonds de cette littérature immortelle. […] » Jamais homme de Port-Royal ou du voisinage (qu’on le remarque bien) n’aurait eu pareille pensée, et c’eût été plutôt le contraire qui eût paru naturel, le pauvre étant aux yeux du chrétien l’objet de grâces et de vertus singulières. […] Elles lui donnèrent à ce dernier moment de sa vie tout le secours édifiant que l’on pouvoit attendre de leur charité, et il leur fit paroître tous les sentiments d’un bon chrétien et toute la résignation qu’il devoit à la volonté, du Seigneur. […] La Bruyère a dit : « Un homme né chrétien et François se trouve contraint dans la satire : les grands sujets lui sont défendus, il les entame quelquefois et se détourne ensuite sur de petites choses qu’il relève par la beauté de son génie et de son style. » — Molière n’a pas du tout fait ainsi, il ne s’est beaucoup contraint ni devant l’Église ni à l’égard de Versailles, et ne s’est pas épargné les grands sujets.
III Sous le Directoire la proscription avait cessé, les différents clergés professaient librement chacun leur foi, et, se faisant une libre concurrence par la persuasion dans l’esprit des populations chrétiennes, étaient également inviolables dans l’exercice purement spirituel de leur ministère. […] Thiers lui fait gloire comme s’il eût été inspiré dans son œuvre de Charlemagne par l’esprit même du christianisme, n’avait donc nullement la religion du chrétien ; il avait la religion de l’homme d’État. […] Les prétendus chrétiens qui se déclarent satisfaits de pareilles théories religieuses ne sont pas exigeants en profession de foi ni même en politesses de paroles envers la divinité des cultes. […] Ce n’était pas un des moindres triomphes de notre Révolution, que de voir ce soldat sorti de son propre sein, sacré par le pape, qui avait quitté tout exprès la capitale du monde chrétien.
Fénelon est un démagogue chrétien et doux, qui sème des vertus, et qui se trouve n’avoir semé que des passions affamées qu’il ne peut nourrir que d’ivraie. […] Une seule page de ce livre est d’un philosophe, d’un poète et d’un sage ; c’est celle où, au commencement d’un chapitre, véritable vestibule d’un panthéon moderne, Rousseau décrit l’horizon, la vie, la pensée d’un pauvre prêtre chrétien enseignant à un village, où il est exilé, le culte et la charité d’une communion universelle. […] Le législateur des chrétiens, lui-même, ne voulut révéler ses doctrines qu’après avoir vécu pendant trente ans dans l’obscurité, à l’étranger, et quarante jours dans la sainteté du désert. […] Mahomet, le législateur de l’Arabie, voyagea dix ans, recueillit sa religion et ses lois chez les juifs et les chrétiens, en leur vendant ses chameaux et ses épices, et ne commença à prophétiser qu’après avoir souffert la persécution, première vertu de l’homme qui s’immole à sa patrie et à son Dieu.
Le son des trompettes guidait les guerriers aux combats : le son des trompettes, rythme, mélodie, timbre, devint expressif des émotions guerrières ; quand fut institué le rite chrétien, les mélodies religieuses intimement liées au sens des paroles qu’elles accompagnaient, devinrent expressives des émotions suggérées par ces paroles ; les chansons populaires au moyen-âge devinrent également des motifs d’expression musicale ; et le langage de la musique s’accroissait de formes expressives de sentimentalités ; ce fut l’époque du moyen-âge finissant où s’épanouissait cet art nouveau si riche de promesses, de promesses hélas chûtées ! […] X Le Gral fut mis par les anges à la garde de Titurel ; Titurel, afin de le défendre, ordonna de bons chevaliers dans le domaine du Mont-Salvat ; Amfortas, fils unique de Titurel, hérita le royaume de son père devenu vieillard ; et cela était en Espagne, de l’époque où s’y heurtaient Chrétiens et Infidèles. […] Mais celui qui en l’Incarnation chrétienne fit la Révélation et le Mystère, voulut qu’à intervalles une plus grande lumière illuminât sa parole ; et il permit des prophètes et des apôtres. […] A la naissance de l’ère chrétienne, parmi le flux des erreurs invétérées, ce fut la plus grande clarté qui jamais pouvait être.
. — Il serait plus arbitraire de prétendre retrouver le caractère « épique » dans la Vie de saint Louis, du sire de Joinville, 1275 ; — et cependant, si saint Louis en est le héros, ne peut-on pas dire que l’hagiographie est la véritable épopée chrétienne ? […] Ce sont des contes d’animaux moralises ; — ci d’où l’on tire tantôt, comme Philippe de Thaon, des enseignements chrétiens — ou, comme Richard de Fournival, des enseignements d’amour ; C. — Les Dits et surtout, les Débats — comme la Bataille de Carême et de Chantage ; — dont Rabelais a repris le thème dans son récit épique de la lutte de la Reine des Andouilles et de Quaresme prenant ; — ou comme la Bataille des Sept Arts d’Henri d’Andeli ; D. — Les Arts d’Amour, parmi lesquels on cite le De arte honeste amandi, d’André le Chapelain, traduit en français par Drouart la Vache ; — La Clef d’Amours, de Jacques d’Amiens ; — Le Conseil d’Amour, de Richard de Fournival ; — et par l’intermédiaire desquels la poésie courtoise s’insinue dans le Roman de la Rose. […] VIII. — Les Mystères 1º Les Sources. — Onésime Leroy, Études sur les mystères, Paris, 1837 ; — Charles Magnin, « Les origines du théâtre moderne », Paris, 1846, 1847, 1858, Journal des savants ; — Édelestand du Méril, Les Origines latines du théâtre moderne, Paris, 1849 ; — Coussemaker, Drames liturgiques, Rennes, 1860 ; — Léon Gautier, « Les origines du théâtre moderne », dans le journal Le Monde, 1873 ; et Les Tropes, Paris, 1887 ; — Marius Sepet, Le Drame chrétien au Moyen Âge, Paris, 1877 ; — et Les Prophètes du Christ, 1878 ; — Petit de Julleville, Les Mystères, Paris, 1880 ; — A. d’Ancona, Origini del teatro in Italia, Florence, 1872 ; — W. […] La valeur des Mystères, — et qu’en général, au point de vue littéraire, ils sont la médiocrité même ; — ce qui s’explique aisément si le théâtre vit de son fonds, comme un art indépendant ; — et que l’histoire n’en coïncide qu’accidentellement avec celle de la littérature. — Mais les Mystères ne sont même pas du théâtre : ils ne sont que du « spectacle », — et leurs auteurs ne les ont traités que comme tel. — Que cette opinion est prouvée par les conditions mêmes de la représentation des Mystères. — Et cela ne veut pas dire qu’ils ne contiennent parfois des « aventures » intéressantes, comme quelques Mystères du Cycle des saints ; — des scènes où se retrouve quelque chose de la grandeur du modèle, comme les Mystères du Cycle de l’Ancien Testament ; — et des « épisodes » curieux, d’un caractère plus ou moins réaliste, comme les Mystères du Cycle du Nouveau Testament ; — mais cela veut dire qu’ils n’ont aucune valeur littéraire ; — que l’on n’a pas à regretter leur décadence ni leur mort, — et qu’il n’a rien passé d’eux, même dans le théâtre « chrétien » de l’époque classique.
Le peintre en lui et le chrétien se sont rencontrés : Oh ! […] Et ne croyez pas que ce dernier mot soit une épigramme ; car tout aussitôt, dans une page très belle et pleine d’onction, tout en réservant son principe de foi, il va rendre hommage à ce trait d’ingénue et d’absolue soumission qui est obtenue plus facilement par la religion catholique et qui procède du dogme établi de l’autorité même ; il y reconnaît un vrai signe de l’esprit religieux sincère : Et en effet, dit-il, être chrétien, être vrai disciple de Jésus-Christ, c’est bien moins, à l’en croire lui-même, admettre ou ne pas admettre telle doctrine théologique, entendre dans tel ou tel sens un dogme ou un passage, que ce n’est assujettir son âme tout entière, ignorante ou docte, intelligente ou simple, à la parole d’en haut, pas toujours comprise, mais toujours révérée.
Il y a une trace de respect humain : vers la fin, dans la première version, le chevalier Des Grieux était montré comme sur la voie de la pénitence dans le sens chrétien et dans l’idée de grâce, et comme se livrant entièrement aux exercices de la piété. […] Combien de fois ne s’est-il pas dit dans sa jeunesse comme son chevalier Des Grieux, en rêvant aux moyens de fixer son âme et d’apaiser ses inquiétudes : « Je mènerai une vie sainte et chrétienne ; je m’occuperai de l’étude et de la religion, qui ne me permettront point de penser aux dangereux plaisirs… !
Il y avait plus de dix ans que Jérusalem, possédée et gouvernée depuis Godefroi de Bouillon (1099) par des princes chrétiens, avait été reconquise par Saladin (1187). […] Cette armée de pèlerins, formée en vue de conquérir la Palestine, va se trouver subsidiairement engagée à des expéditions d’un autre ordre et qui la détourneront de son but : il semble donc qu’il y a une raison morale, et peut-être un devoir chrétien, de se dérober à ces incidents successifs qui allongent le chemin et qui profanent l’épée.
Ces vendeuses de pommes dont il parle de ce ton de mépris sur l’article de la conversion, n’ont-elles donc pas des âmes, et des âmes respectables aux yeux du chrétien, autant que d’autres ? […] Cet écrivain qui a le catholicisme le plus affichant et le moins chrétien, se croit, en effet, des droits sur de Maistre.
À défaut d’une grande originalité, Turretin eut donc de l’à-propos, de la sagesse pratique, de la persuasion, une influence salutaire, et il contribua à fixer pour un long temps cette température religieuse et morale dans laquelle on respira désormais plus librement, et qui permettait d’être à la fois, dans une certaine mesure, chrétien, philosophe, géomètre et physicien, homme d’expérience, d’examen, de doute respectueux et de foi. […] Savant en toute chose, nullement inventeur, possédant les mathématiques, la physique, l’histoire, bon critique, théologien moraliste, peu soucieux de métaphysique ou de dogmes, pratique avant tout, chrétien comme Channing ou comme Locke, le bibliothécaire de Genève, était un sage aimable, discret, nullement ennuyeux.
Je ne crois pas que la lecture du morceau dans toute son étendue autorise cette dernière conclusion ; il est cependant certain qu’on a droit, après l’avoir lu, de se prononcer plus fortement que jamais en faveur des tendances religieuses du philosophe, et qu’on peut le compter sans exagération parmi ceux qui, toute orthodoxie mise à part, ont été chrétiens d’instinct, de sentiment et de désir. Ce n’est pas jouer sur les mots que de dire qu’au milieu de son siècle et entre les philosophes ses contemporains, Rousseau a été relativement chrétien.
Mais le poète se garde de tomber dans le panthéisme à la mode aujourd’hui ; il grave au seuil de son poème le nom du Seigneur et du Créateur, et dans le cours de ses récits et de ses peintures on le voit aimer à retracer le culte de la Vierge, toutes les croyances populaires et les chrétiennes espérances. […] C. de Lafayette dit quelque part : Moi, je rêve une France agricole et chrétienne ; beau rêve et utopie aussi, je le crois.
Serait-ce un poème qu’il a voulu faire, une œuvre d’imagination, de mélodie, de description, de peinture harmonieuse, de féerie à demi chrétienne, un chant imité de Spencer ou de Tennyson ? […] Mais, aux yeux du chrétien sévère, c’est là une énormité.
Loyson, spiritualiste et même expressément chrétien, est tout voisin de cette muse prochaine des Méditations ; il l’est par l’élévation de la pensée, par le sentiment ; mais l’imagination n’est pas à la hauteur, et trop nourri de l’ancien goût, trop plein des formes classiques un peu usées, il n’atteint pas à l’expression puissante. […] On me crée une réputation dont je me passerais bien volontiers : je ne sais que faire de cela. » Cet article de Loyson, dans lequel il saluait avec joie l’avénement d’un esprit éminent, d’un talent nouveau du premier ordre, comme il le fera plus tard pour Lamartine, contenait plus d’une réserve prévoyante et se terminait par une véritable profession de foi de christianisme libéral et de libéralisme chrétien.
Mais Lamartine, en introduisant le sentiment chrétien dans l’élégie, remonta à des hauteurs inconnues depuis Pétrarque. […] Si l’on pouvait apporter de la précision dans de semblables aperçus, je m’exprimerais ainsi : Pour les sentiments naturels, pour la rêverie, pour l’amour filial, pour la mélodie, pour les instincts du goût, l’âme, le talent de Millevoye est comme la légère esquisse, encore épicurienne, dont le génie de Lamartine est l’exemplaire platonique et chrétien.
Un esprit commun, qui n’a qu’une première vue, peut en être choqué, et quelque déclamateur vulgaire y verra des injures contre la nature humaine, mais quiconque sait lire au fond de son cœur, sans crainte d’y apercevoir, sur les indications si sûres de la philosophie chrétienne, ce fond de corruption où sont les tentations et tout le prix de l’innocence, reconnaîtra dans les plus sévères de ces maximes un avertissement menaçant donné par un des penseurs qui ont le mieux connu ce fond. […] Il s’en trouve enfin de préventives : celles-là sont propres à la philosophie chrétienne ; elles nous avertissent et nous font peur de nous-mêmes.
Une pareille idée d’opposition ne se présentera jamais, je puis l’assurer, à celui qui viendra de relire le simple récit chrétien et humain de Madame Royale au Temple. […] Rien de solennel, aucun apparat ; elle était toute en humble chrétienne à l’acte religieux ; elle faisait discrètement et secrètement les choses saintes.
À Versailles, à deux pas de la Cour, Ducis resta de tout temps un homme de la Savoie, au cœur d’or, aux vertus de famille, sans un jour de désordre ni d’oubli dans les mœurs, chrétien, catholique, pratiquant, aimant à faire des tournées de campagne dans les presbytères des bons curés des environs, et passant de là sans discordance au théâtre, se souvenant de son pays originaire, du village de Hauteluce (Alta lux) voisin du ciel, et, les jours de fête, s’inspirant, dans sa pieuse vision, du désert de la Grande-Chartreuse et des abeilles de la montagne. […] Un sentiment de famille se mêlait sans cesse à cette joie chrétienne du solitaire, et venait la tempérer par quelques regrets : il se reportait à son enfance, aux années meilleures, à ses jouissances de fils, de père et d’époux : Les mœurs ne s’apprennent pas, c’est la famille qui les inspire.
C’est en vertu de ce principe, et parce qu’elles étaient pourvues d’une organisation sociale toute rudimentaire, que les hordes barbares ont tiré un bénéfice du fait d’avoir adopté pour modèle un idéal étranger, l’idéal chrétien. […] De même, ainsi qu’on l’a déjà noté, la civilisation romaine a servi de corset utile à celles de ces masses humaines qui se fixèrent dans le sud de l’Europe : agissant d’une façon plus directe que l’idéal chrétien, elle a été pour elles un puissant moyen d’organiser le droit de propriété, hase et moyen à son tour de toute civilisation supérieure.
Mais les chrétiens aiment leurs enfants d’une autre manière ; mais je dis que ce n’est là encore que la moitié de l’amour paternel, — cette moitié que les écrivains de ce temps-ci, matérialiste jusqu’à l’axe, ont peint avec le plus de talent et d’intensité : Balzac dans Le Père Goriot, par exemple, et Victor Hugo dans Le Roi s’amuse et dans Notre-Dame de Paris ! […] jusqu’au chrétien.
J’ai essayé de démontrer comment la démocratie de la Grèce, l’aristocratie de Rome, le paganisme des deux nations donnèrent un caractère différent aux beaux-arts et à la philosophie, comment la férocité du Nord se mêlant à l’avilissement du Midi, l’un et l’autre, modifiés par la religion chrétienne, ont été les principales causes de l’état des esprits dans le moyen âge.
La doctrine de la perfection chrétienne est remplacée par celle de l’“asseze” platonique, méthode d’orgueil et d’entraînement, destinée à faire naître le disciple à la personnalité, à le revêtir de cette puissance d’“ipsité” qui sera pour lui comme une armure adamantine.
Le temps des grandes vengeances chrétiennes était, du reste, bien éloigné.
Le respect du roi très chrétien pour la religion et le soin de sa gloire que Bossuet avait réveillés, s’accroissaient à mesure que l’ardeur de l’amant satisfait diminuait ; et ce qu’écrit à ce sujet madame Scarron à madame de Saint-Géran, indique qu’elle connaissait le point par où le crédit de son ennemie était attaquable et peut-être le cœur du roi accessible.
Il n’y a point de merveilleux chrétien dans cet ouvrage ; c’est une narration historique de quelques faits arrivés dans les montagnes du Chili.
Il nous est singulièrement agréable de trouver parmi les poètes chrétiens quelque chose qui balance, et qui peut-être surpasse ce songe : poésie, religion, intérêt dramatique, tout est égal dans l’une et l’autre peinture, et Virgile s’est encore une fois reproduit dans Racine.
car les satiriques ne manquent pas à la littérature française, mais aucun de ceux-là qui l’ont illustrée n’ont le caractère de force douce, comme l’est la vraie force, qui distingue la poésie satirique de ce chrétien qui trempe son fouet dans l’huile de la charité avant de frapper, et qui n’en frappe que plus fort après.
Celles des Hébreux et des Chrétiens qui attribuent à la Divinité un esprit libre et infini ; celle des idolâtres qui la partagent entre plusieurs dieux composés d’un corps et d’un esprit libre ; enfin celle des Mahométans, pour lesquels Dieu est un esprit infini et libre dans un corps infini ; ce qui fait qu’ils placent les récompenses de l’autre vie dans les plaisirs des sens.
C’est dans la foule chrétienne que naissent les écrivains les plus originaux. […] Comment la religion chrétienne s’accommode-t-elle d’un art réaliste ? […] Le peuple chrétien a la même conviction. […] Leur imagination devient païenne, tandis que leur cœur reste chrétien. […] Sans doute le romantisme a aimé l’Église chrétienne, mais il a aimé toutes les églises comme toutes les philosophies.
Sur ces vingt-sept neveux ou nièces du Père Léonce, cinq prêtres, dont un missionnaire au Pérou, et quatre religieuses, achèvent d’attester l’intensité de vie religieuse dans ces foyers chrétiens. […] On est tenté de le supposer quand on apprend que la confédération que formait l’Étrurie au sixième siècle avant l’ère chrétienne, n’a pu durer faute d’unité. […] — illustrent par le ciseau ou le pinceau des centaines de scènes prises à l’Écriture ou à la légende chrétienne, avec une égale ferveur. […] La piété de la chrétienne a été la plus forte. […] La République française a prêté trop d’argent à la Turquie, le gouvernement impérial, l’Autriche et la Roumanie ne peuvent pas embrasser le parti de l’Islam contre des nations chrétiennes.
Chaque genre se personnifie dans un nom : la tragédie dans Racine ; la comédie dans Molière ; la fable dans La Fontaine ; la philosophie morale dans La Rochefoucauld d’abord, puis dans La Bruyère ; l’éloquence chrétienne dans Bossuet, Bourdaloue et Fénelon ; le genre épistolaire dans Mme de Sévigné ; les Mémoires dans Saint-Simon. […] Elle est chrétienne ; mais Sévère est bien près de n’être plus païen. N’est-ce pas lui qui dit des chrétiens : Je les aimai toujours, quoi qu’on m’en ait pu dire ; Je n’en vois point mourir que mon cœur n’en soupire ; Et peut-être qu’un jour je les connaîtrai mieux20…. […] Pour moi, je ne souffrirais pas sur la scène un rôle de femme qui ne réunirait pas tout ce que l’esprit chrétien et l’esprit français, cultivés par les siècles, ont donné de profondeur à la sensibilité des femmes, de force et de grâce à leur raison. […] On est sous le charme quand on lit ces beaux vers que Voltaire admira soixante ans, jusqu’au jour où il eut la faiblesse d’en vouloir à Athalie d’être un sujet chrétien ; mais on est saisi d’étonnement lorsque, dépouillant la pièce de ce magnifique vêtement, on l’étudie dans son plan, dans son nœud, dans les entrées et les sorties, dans la convenance et l’à-propos du langage de chacun, dans le rapport de l’action au temps et au lieu ; en un mot, quand on compare l’art à la vie.
C’était donc un batailleur mercenaire, se mettant indifféremment à la solde des princes chrétiens ou des petits chefs arabes, les combattant ou les servant tour à tour ; appartenant au plus offrant ; fléau des pays par où il passait ; battant, pillant, rançonnant tout le monde, musulmans et chrétiens. […] » Cette plaisanterie provoque le rire des assistants. — « Insensés, leur dit alors Genès, je désire mourir chrétien. » On appelle un prêtre ; les cérémonies du culte des chrétiens s’accomplissent sur la scène, comme c’était alors l’usage, dit la légende, pour railler la religion nouvelle. […] Toutes les fois que j’ai entendu seulement prononcer le nom de chrétien, j’en ai eu horreur, et j’ai insulté ceux qui étaient de cette religion. […] Genest est chargé du rôle d’Adrien qui, comme saint Paul, après avoir persécuté les chrétiens pour l’empereur, était devenu chrétien lui-même ; l’excellent comédien païen, en étudiant son personnage de chrétien, s’en pénètre tellement, qu’il se convertit. […] Ce qui appartient bien en propre à Rotrou dans Saint Genest, et ce que Corneille n’avait pas osé risquer dans Polyeucte, c’est de faire parler non seulement les chrétiens en chrétiens, mais les païens en païens, et plaider le pour et le contre du christianisme en plein théâtre.
Ce fut là tout son art, toute sa préoccupation ; elle était grande : « Ma vie s’écriait-elle, est comme celle du chrétien, un combat perpétuel. » La petite maréchale de Mirepoix lui disait : « C’est votre escalier que le roi aime, il est habitué à le monter et à le descendre ; mais s’il trouvait une autre femme à qui il parlerait de sa chasse et de ses affaires, cela lui serait égal au « bout de trois jours. » Aussi, quand l’éclat de ses charmes baissa et que l’âge commença de les glacer, quand on en fut réduit aux pauvres expédients, au chocolat à triple vanille et au régime du docteur Quesnay, quand enfin il fallut opter entre des rivales ou des suppléantes, la noble amante n’hésita pas : sa tendresse désintéressée n’en voulait qu’au cœur du roi ; en le conservant, elle lui remit tout le reste ; elle fit mieux, et, dans son abnégation platonique, elle ne dédaigna pas de condescendre aux soins les plus prévoyants et les plus intimes.
Nous avons aussi cru remarquer en certains endroits une teinte de mysticisme religieux, dont la cause des Grecs, tout éminemment chrétienne qu’elle est, n’a pas besoin de se couvrir.
[Chrétien — François de] 67 Lancelot, [Dom Claude] Bénédictin.