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589. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre II. Les Normands. » pp. 72-164

Et, en vérité, ce prétexte était aussi une raison, car ils haïssaient d’instinct la lourdeur stupide. […] Les poëtes saxons la peignaient comme une fureur meurtrière, comme une folie aveugle qui ébranlait la chair et le sang et réveillait les instincts de la bête de proie ; les poëtes normands la décrivent comme un tournoi. […] La grâce est ici chose nationale, et vient de cette délicatesse native qui a horreur des disparates : point de chocs violents, leur instinct y répugne ; ils les évitent dans les œuvres de goût comme dans les œuvres de raisonnement ; ils veulent que les sentiments comme les idées se lient et ne se choquent pas. […] Ainsi percent, jusque dans les récits chevaleresques, les instincts farouches et débridés de la brute sanguinaire. […] Entendez ici le courage brutal, l’instinct batailleur et indépendant.

590. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre VI. La parole intérieure et la pensée. — Second problème leurs différences aux points de vue de l’essence et de l’intensité »

Mais, de ces deux lois, la première seule paraît être constante, uniforme et universelle dans son action ; si la perfection esthétique est, elle aussi, un principe directeur de l’esprit humain, les faits semblent prouver que son énergie est variable et son application capricieuse ; une partie seulement de l’humanité révèle par ses créations cette tendance à représenter les genres par des types individuels parfaits, et ce langage de l’art n’est pas compris par tous les hommes ; même aux époques et dans les pays où il éclate avec évidence, l’instinct esthétique n’est pas satisfait par des créations identiques ; il n’est pas de type idéal sur lequel tous les hommes puissent s’accorder. […] IY, § 7] est un fait universel ; mais cette universalité n’est pas la preuve d’une absolue nécessité ; pour l’expliquer, il suffit de prouver, — ce que nous pensons avoir fait, — qu’il est à la fois naturel et commode à la pensée de partager la masse des images qui la composent en deux séries parallèles, les images les plus vives étant chargées de représenter les autres ; en se constituant ainsi, la pensée n’obéit pas à une inéluctable fatalité, de nature immanente ou transcendante, mais à un instinct juste, à une loi vaguement pressentie de bonne économie domestique : parcourant plus vite la masse toujours croissante des images qui constituent son expérience, elle ménage ses forces sans diminuer sa production ; elle produit avec le minimum de peine le maximum de travail ; c’est la même tendance qui, manifestée dans le langage extérieur, a été appelée par les linguistes modernes la loi du moindre effort. […] lxv) ; elle ne comprend que les onomatopées véritablement françaises, c’est-à-dire les mots nouveaux formés directement par l’instinct populaire à l’imitation de bruits naturels ou humains ; M.  […] L’instinct populaire n’a-t-il pas souvent transformé des mots à signification arbitraire de façon à les rapprocher du son propre de la chose qu’ils signifiaient ? […] En résumé, l’instinct populaire a dû être guidé souvent par l’analogie : 1° dans le choix des modifications internes qu’il faisait subir aux mots usuels, 2° dans le choix des mots qu’il faisait entrer dans les locutions complexes, ou, pour les mots isolés, dans les changements de signification qu’il leur imposait ; et l’imitation des sons naturels par les mots paraît avoir quatre procédés : l’onomatopée directe, l’onomatopée a posteriori ou par attraction, l’harmonie imitative populaire, l’harmonie imitative savante.

591. (1910) Victor-Marie, comte Hugo pp. 4-265

C’était mon instinct, je n’ai eu qu’à revenir à mon instinct profond. Moi aussi mon instinct, mon malheureux instinct est de me méfier. […] C’est l’instinct du paysan que de respecter le monsieur. […] Il avait trop d’instinct, et même trop d’intelligence, surtout trop de main pour ne pas avoir senti, pour ne pas savoir toutes les fois qu’il manquait, qu’il avait manqué. […] On ne querelle souvent aussi bien, à ce point d’âcreté, à ce point de cruauté, à ce point de volonté, et en même temps d’instinct, à ce point de pénétration, à ce point de sûreté, à ce point de pointe, que ce que l’on est (demeuré) soi-même.

592. (1897) Aspects pp. -215

Ce n’est pas celui en qui l’instinct de l’espèce incarna sa révolte contre l’Adonaï stupide et rancuneux : une poussée de nature tentant vers leur épanouissement normal les individus dévoyés à force de souffrances et de mysticisme imposé. […] Selon un instinct très sûr, M.  […] Son style est compact, presque vulgaire, sans nuances et sans imprévu… Mais quelle science des ensembles, quel instinct de l’espace, quelle ampleur dans le rendu des foules, quel exposé frémissant des sursauts tragiques de l’homme en lutte contre les forces extérieures. […] C’était de justice que les misérables avaient faim, un acte de justice pouvait seul balayer l’ancien monde, pour reconstruire le nouveau… Le grand mouvement des nationalités était l’instinct, le besoin même que les peuples avaient de revenir à l’unité. […] Les instincts qu’il nous ont légués se contrarient.

593. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre septième »

Contredire le roi sur la propriété des mots, où, d’instinct, et sans qu’il s’en doutât, il ne s’entendait guère moins bien que Boileau, c’était s’exposer à ne pas plaire. […] Et c’est ainsi qu’en un temps de pouvoir absolu, il put jouir de la douceur de penser tout haut, parce que, d’humeur comme de principe, par instinct comme par réflexion, il s’était rendu comme incapable de ne pas penser juste. […] Malgré ces inégalités de la faveur de Louis XIV pour les lettres et les écrivains, c’est à la fois d’instinct, et par un sentiment d’équité, que la France a rapporté à ce prince la grandeur littéraire de son temps. Le titre de Siècle de Louis XIV s’entend surtout de la gloire des lettres ; car, pour la politique, outre qu’il y a là matière à contester, l’appréciation en appartient plus à l’histoire qu’à l’instinct populaire.

594. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VI : Difficultés de la théorie »

Troisièmement, les instincts peuvent-ils s’acquérir et se modifier au moyen de la sélection naturelle ? Que dirons-nous de cet instinct merveilleux qui porte l’Abeille à construire ses cellules, instinct par lequel elle semble avoir devancé les découvertes de profonds mathématiciens ? […] Nous discuterons dans ce chapitre les deux premières de ces objections, réservant les instincts et l’hybridité pour deux chapitres spéciaux.

595. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers, Tome xix. (L’île d’Elbe, — L’acte additionnel. — Le champ de mai.) » pp. 275-284

L’activité impérieuse de ce génie va procéder avec la régularité d’un instinct, et sans être plus libre de se comporter autrement.

596. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Indiana (1832) »

Nous consentirions volontiers à cette créature refoulée, contrainte, silencieuse, qui cache les débris d’une âme trop sensible sous un vermillon de santé bienheureuse, la délicatesse des sentiments sous une gaucherie épaisse ; qui a tout fait pour s’égoïser et qui ne l’a pu qu’en apparence ; qui épie, devine, sait tout et n’en laisse rien voir, mais veille à chaque minute sur l’objet de son dévouement avec l’instinct d’un animal domestique.

597. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « en tête de quelque bulletin littéraire .  » pp. 525-535

Par instinct de cette situation diffuse, et pour y porter remède, j’ai de bonne heure désiré que, parmi nos poëtes de talent, il s’élevât, je l’avoue, une sorte de dictature ; que les deux plus grands, par exemple, et que chacun nomme, prissent le sceptre par les œuvres et, sans avoir l’air de rien régenter, remissent chaque chose à sa place par de beaux modèles.

598. (1875) Premiers lundis. Tome III « L’Ouvrier littéraire : Extrait des Papiers et Correspondance de la famille impériale »

Et quant à la direction morale à indiquer aux travaux de l’esprit, il suffirait peut-être d’une fondation annuelle par laquelle on proposerait des sujets à traiter soit pour la poésie, soit pour la prose, des sujets nationaux, actuels, pas trop curieux ni trop érudits, mais conformes à la vie et aux instincts de la société moderne.

599. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre II. Jean Calvin »

Dieu a créé les instincts et les fonctions pour l’usage : c’est égal abus de faire ce qu’il défend, et de défendre ce qu’il permet, de pervertir et d’abolir ses dons.

600. (1890) L’avenir de la science « IX »

La morale et la théodicée ne sont pas des sciences à part ; elles deviennent lourdes et ridicules, quand on veut les traiter suivant un cadre scientifique et défini : elles ne devraient être que le son divin résultant de toute chose, ou tout au plus l’éducation esthétique des instincts purs de l’âme, dont l’analyse rentre dans la psychologie.

601. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Odes et Ballades » (1822-1853) — Préface de 1824 »

De même que les écrits sophistiques et déréglés des Voltaire, des Diderot et des Helvétius ont été d’avance l’expression des innovations sociales écloses dans la décrépitude du dernier siècle, la littérature actuelle, que l’on attaque avec tant d’instinct d’un côté, et si peu de sagacité de l’autre, est l’expression anticipée de la société religieuse et monarchique qui sortira sans doute du milieu de tant d’anciens débris, de tant de ruines récentes.

602. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Baudouin » pp. 198-202

Il n’entend rien à la convenance, il ne sait pas qu’il faut que tout tienne ; il ignore ce que les autres savent sans l’avoir appris, et pratiquent de jugement naturel et d’instinct.

603. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre X. Seconde partie. Émancipation de la pensée » pp. 300-314

Beaucoup de philosophes qui, dans leurs méditations, sont partis de ces termes, se sont imaginé créer ce que l’âme humaine y avait placé sans le savoir, et en cédant à une espèce d’instinct de vérité ; tandis que, dans la réalité, ils n’ont fait que découvrir ce qui reposait dans les langues, et révéler aux yeux de l’âme surprise les trésors qu’elle-même y avait cachés ! 

604. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Camille Desmoulins » pp. 31-44

Il adorait sa petite femme, il pourléchait son enfant, et il vota la mort de Louis XVI ; et, tout homme d’esprit qu’il fût dans un temps où il n’y avait plus d’hommes d’esprit en France, il ne se contenta pas de voter cette mort, mais il écrivit ces mots d’imbécile : « Louis XVI avait les instincts du tigre ».

605. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Francis Lacombe »

Entraîné vers les études historiques par tous les instincts de sa pensée, Francis Lacombe, qui prépare depuis longtemps un grand ouvrage sur la bourgeoisie, a dû nécessairement se préoccuper de cette question qui n’est pas d’hier, quoi qu’elle envahisse tout aujourd’hui.

606. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Chastel, Doisy, Mézières »

Menteur comme le serait un bâtard qui voudrait cacher sa naissance, ce Communisme, on ne l’ignore pas, se vante d’une origine chrétienne, tandis qu’il est païen de naissance et d’instinct, et pour justifier ses théories il a coutume de s’appuyer sur l’exemple de la primitive Église, dans laquelle la communauté des biens existait.

607. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Gérard de Nerval  »

Son érudition, ses goûts d’antiquaire, son instinct de connaisseur et d’artiste, ses souvenirs rapportés de voyage, tout était le bois sculpté, comme un autel, du lit dressé par lui à la grande Inspiration qu’il attendait, et qu’on ne vit jamais y monter ni en descendre !

608. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Auguste de Chatillon. À la Grand’Pinte ! »

Nous, qui avons toujours accueilli avec joie et même avec tressaillement toute personnalité de poète qui a cherché à se dégager de la prose du temps, nous savons trop combien cette prose, qui monte toujours, a été puissante contre l’énergie des plus fiers instincts, révoltés pour lui échapper.

609. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — L’arbitrage et l’élite »

Grotius établit « qu’il y a un droit naturel des nations fondé sur l’instinct de sociabilité ». « C’est à lui qu’il faut attribuer l’honneur d’avoir le premier émis la grande pensée humanitaire d’une commission de tous les peuples s’entendant pour proscrire la guerre. » La science du droit international existait désormais encore humble et restreinte, mais contenant en germe toutes les larges idées de l’avenir.‌

610. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre VII. Dernières preuves à l’appui de nos principes sur la marche des sociétés » pp. 342-354

Les mœurs devenant moins farouches avec le temps, les violences particulières commençant à être réprimées par les lois judiciaires, enfin la réunion des forces particulières ayant formé la force publique, les premiers peuples, par un effet de l’instinct poétique que leur avait donné la nature, durent imiter cette force réelle par laquelle ils avaient auparavant défendu leurs droits.

611. (1930) Le roman français pp. 1-197

Pierre Abraham appelle cela — ne le prenant pas d’ailleurs en mauvaise part — « servilité », de même qu’il qualifie sa mythomanie, tout bonnement, d’instinct du mensonge. […] Enfin, son instinct de malice, son besoin de liberté, lui inspiraient le désir de rester dans l’opposition. […] Donc, au début de la vie intellectuelle et sensible, refoulement ou contrainte de ses instincts les plus naturels et les plus impérieux. […] Gide, avec cet instinct de prosélytisme qu’on a signalé, répondrait : « Eh oui, pourquoi pas ? » Si je me borne au seul point de vue littéraire, je lui répondrais : « Parce qu’ici votre instinct de prosélytisme n’a pas servi votre talent.

612. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Alfred de Vigny. »

Élevé à l’institution Hix, d’où il suivait le lycée Bonaparte, le jeune de Vigny eut de bonne heure les instincts militaires et poétiques. […] Éloa, cette créature d’amour et de pitié, cette âme née d’une larme, se sent le besoin d’aimer un affligé, de consoler un inconsolable et, parmi tous les anges, son instinct est de choisir celui précisément qui a failli, celui qu’on n’ose nommer dans le ciel, Lucifer lui-même. […] 1° Il était, par goût et par instinct primitif, le poète catholique des mystères, le chantre d’Éloa, de Moïse, du Déluge, des grandes scènes sacrées, et au fond il ne croyait pas.

613. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque » pp. 2-79

Tous les deux sont dans l’ordre de la nature, puisque la perpétuité de la race humaine a été attachée à cet instinct dans les êtres vulgaires, et ce sentiment dans les êtres d’élite. […] On pourrait attribuer à cette origine cet instinct de grandeur et de souveraineté qui se révéla en lui dès son enfance. […] Airs dont mes longs soupirs attiédissent l’haleine, Sentier jadis de joie, aujourd’hui de douleurs, Coteau cher à mes pas, plus cher à mes langueurs, Où l’amour cependant par instinct me ramène : Je reconnais en vous l’aspect accoutumé, Non en moi, pour jamais à tout plaisir fermé, Et qui nourris au cœur un chagrin solitaire.

614. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (1re partie) » pp. 397-476

Les instincts de Léopold répugnaient à cette profession d’un honnête et laborieux égoïsme ; il avait trop d’imagination pour aimer le chiffre, qui n’exprime que des quantités et qui résume toute une vie d’homme dans un seul mot : l’épargne. […] Et d’abord remarquez avec quel instinct de la vérité dans les sensations Léopold Robert, dans son Improvisateur napolitain, dispose les lieux selon la scène. […] C’est ici encore qu’il faut admirer l’instinct naturel réfléchi ou irréfléchi du peintre.

615. (1890) L’avenir de la science « XVII » p. 357

Leurs formules, quoique inférieures, suffisent pour leur faire mener une noble vie, et le peuple surtout a dans ses grands instincts et sa puissante spontanéité une ample compensation de ce qui lui est refusé en fait de science et de réflexion. […] La curiosité spontanée, l’instinct des belles choses y suffisaient. […] Le peuple, qui a un instinct très délicat du comique, en rira.

616. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre onzième. La littérature des décadents et des déséquilibrés ; son caractère généralement insociable. Rôle moral et social de l’art. »

— « C’est cet admirable, cet immortel instinct du beau, continue Baudelaire, qui nous fait considérer la terre et ses spectacles comme un aperçu, comme une correspondance du ciel. […] En définitive, c’est la dissolution vitale qui est le caractère commun de la décadence dans la société et dans l’art : la littérature des décadents, comme celle des déséquilibres, a pour caractéristique la prédominance des instincts qui tendent à dissoudre la société même, et c’est au nom des lois de la vie individuelle ou collective qu’on a le droit de la juger. […] Il y a, en effet, une certaine antinomie entre l’élargissement trop rapide de la sociabilité et le maintien en leur pureté de tous les instincts sociaux.

617. (1912) Pages de critique et de doctrine. Vol I, « I. Notes de rhétorique contemporaine », « II. Notes de critique psychologique »

Vous l’avez dit vous-même un jour. « Désenchanté des jeux de la littérature, je m’abandonne avec foi à un instinct que je crois sain et bienfaisant. » Il y a dans cette phrase un mot injuste. […] C’est à travers elle, parce que vous l’avez aimée avec passion, avec religion, que vous avez dégagé en vous cet instinct. […] Il ne voulut ni du mensonge qui répugnait à sa scrupuleuse probité d’artiste, ni de cette confession qui offensait en lui un profond instinct. […] Or, c’est un des instincts les plus puissants de la jeunesse actuelle de s’attacher, parmi les maîtres, à ceux qui eurent ce caractère-là. […] Mais, avec votre instinct de la vie, vous l’avez reconstitué tout entier, rien qu’en visitant cette maison d’Honfleur où il a grandi, où il a travaillé, où il eût souhaité de reposer son automne.

618. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Mémoires »

Ses instincts de voyageur se déploient et s’irritent en présence de cette mer naufrageuse, son idole, dit-il, et son image. […] C’est en cette année pourtant que le jeune homme, assez indifférent à la politique, dévoré de l’instinct des voyages, voulant visiter la scène naturelle de ce poëme des Natchez qu’il médite déjà, rêvant aussi la découverte du passage polaire, part pour l’Amérique, muni des conseils et des instructions de M. de Malesherbes dont son frère aîné est le petit-gendre.

619. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre premier »

Mais l’idiome se forme par les tentatives de quelques clercs pour communiquer à la foule dans la langue vulgaire ce qu’ils ont appris d’idées générales dans la langue savante, et par cet instinct de l’art à venir qui se révèle dans la vaine rhétorique et les grossiers latinismes de quelques écrivains. […] La science compare laborieusement l’original à ces divers portraits, et donne en détail les raisons du jugement souverain que la France en a porté d’instinct.

620. (1863) Le réalisme épique dans le roman pp. 840-860

N’est-elle pas victime, la pauvre femme, de sa curiosité d’Ève, de ses instincts d’élégance, de ses aspirations continuelles à des sphères plus élevées, de la vulgarité immorale et niaise de son mari, de la stupidité du prêtre à qui elle demande secours contre ses mauvais penchants ? […] Dans l’exaltation de sa douleur, poussée par les conseils d’un prêtre-eunuque et aussi par un mystérieux instinct qui la trouble, Salammbô va trouver Mâtho sous sa tente, comme Judith a visité Holopherne, et lui reprend, on devine à quel prix, le zaïmph étincelant.

621. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre III. Le théâtre est l’Église du diable » pp. 113-135

Encore une fois, c’est un mensonge, cette morale en pleine bouffonnerie, en pleine licence, en plein exercice de l’amour, de la colère, de la tromperie, de la gourmandise et des plus mauvais instincts du cœur humain. […] Ils savent trop bien leur métier, les poètes dramatiques surtout, qui sont obligés de plaire aux instincts, aux passions, aux penchants de la multitude, et qui savent que, surtout dans l’art de la comédie, il arrive souvent que celui-là ne prouve rien, qui veut trop prouver.

622. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Μ. Ε. Renan » pp. 109-147

Pour dire simplement, comme tout le monde : l’instinct religieux des peuples, M.  […] des instincts inconscients !

623. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Appendice — Mémoires du comte d’Alton-Shée »

Cependant un sentiment de solidarité s’y développe chez lui ; opprimé, il prendra aussitôt parti pour les opprimés : « Ces souffrances de l’éducation universitaire ont laissé dans mon âme des traces ineffaçables ; elles y ont développé de bonne heure les instincts de solidarité au point que je n’ai jamais été témoin, que jamais je n’ai entendu le simple récit d’une injustice sans en ressentir le contre-coup ; je leur dois encore d’avoir été, dans toute l’étendue du mot, un excellent camarade. » La lecture de Gibbon commença de bonne heure son émancipation en matière de croyances.

624. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « BRIZEUX et AUGUSTE BARBIER, Marie. — Iambes. » pp. 222-234

Si je l’osais dire, je trouverais dans ces comparaisons de l’artiste quelque secret rapport de conformité avec sa propre et intime organisation, avec ses sauvageries bretonnes, sa pureté un peu farouche, et cette ombrageuse vigilance qu’il nous a lui-même si délicatement accusée : J’aime dans tout esprit l’orgueil de la pensée Qui n’accepte aucun frein, aucune loi tracée, Par delà le réel s’élance et cherche à voir, Et de rien ne s’effraye, et sait tout concevoir : Mais avec cet esprit j’aime une âme ingénue, Pleine de bons instincts, de sage retenue, Qui s’ombrage de peu, surveille son honneur, De scrupules sans fin tourmente son bonheur, Suit, même en ses écarts, sa droiture pour guide, Et, pour autrui facile, est pour elle timide.

625. (1874) Premiers lundis. Tome II « Alexis de Tocqueville. De la démocratie en Amérique. »

Le second volume nous montre cette démocratie et la souveraineté populaire qui en est l’âme, dans son influence continue et dans son esprit en dehors des lois écrites ; ici trouvent leur place les mœurs, les instincts, les passions politiques et publiques des gouvernés, des gouvernants ; ce qui résulte en bien et en mal de cette omnipotence de la majorité, les vices et les dangers qu’elle entraîne, en même temps que ce qui la tempère.

626. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Édouard Rod »

Je crois que tous les hommes sont réellement solidaires ; je crois aussi (ceci est de Pascal) que nous aimons les autres (ou d’autres que nous) aussi « naturellement » que nous nous aimons nous-même ; et que, de cette vérité sentie et de cet instinct développé peut découler toute une morale.

627. (1890) L’avenir de la science « Sommaire »

De ceux qui prétendent les tirer : 1° de la spéculation abstraite ; 2° des instincts poétiques ; 3° d’une autorité révélée.

628. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XX. Opposition contre Jésus. »

Le peuple, dont l’instinct est toujours droit, même quand il s’égare le plus fortement sur les questions de personnes, est très facilement trompé par les faux dévots.

629. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre II. Le Bovarysme comme fait de conscience son moyen : la notion »

Sollicitée en deux sens contraires, d’un côté par l’instinct, de l’autre par l’exemple, elle va hésiter, elle va pâtir, quelle que soit d’ailleurs l’issue du conflit qui dépend de la force plus ou moins grande de la personnalité héréditaire, en même temps que de l’assaut plus ou moins grave qu’elle subit du fait des images étrangères enfermées dans la notion.

630. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — La synthèse »

Cette identification de « l’analyse » et de la mise à mort du réel, topos au moins aussi vieux que le Faust de Goethe, trouve une nouvelle expression à l’époque de la « décadence », décrite par exemple selon Bourget dans ses Essais de psychologie contemporaine comme un abus de « l’esprit d’analyse », inséparable de toutes ces « maladies de la volonté » (Ribot) caractérisées par le primat de « l’intelligence » sur « l’instinct ».

631. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre neuvième. »

La providence a établi les lois qui dirigent la végétation des arbres et des blés, qui gouvernent l’instinct des animaux, qui forcent les moutons à manger les herbes, et les loups à manger les moutons.

632. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VIII. Suite du chapitre précédent. De la parole traditionnelle. De la parole écrite. De la lettre. Magistrature de la pensée dans ces trois âges de l’esprit humain » pp. 179-193

Il faut prendre l’opinion dans une région élevée, et seulement pour les choses générales ; car si l’on descend terre à terre, ou que l’on veuille la consulter dans chaque cas particulier et interroger toutes les sortes d’instincts de la multitude, on risque de faire de grandes fautes.

633. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXIII. Henry Gréville »

Au souffle chaste de ses écrits, je lui crois, à cette femme qui s’est risquée sur la lame à rasoir du bas-bleuisme, des instincts d’une moralité supérieure.

634. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Joseph de Maistre »

» On a le mérite des âmes bien faites et profondes ; mais de mérite acquis, pénible, arraché aux instincts et tout saignant des cruautés du sacrifice, il n’y en a point, c’est la vérité !

635. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Maintenon » pp. 27-40

Du reste, on laisserait de côté cette explication inattendue du xviie  siècle, trop fine peut-être pour frapper et pour attirer la majorité des esprits, qu’on ne pourrait pas oublier la grande personnalité historique qui remplit le livre, et qui, à elle seule, aurait suffi pour appeler et justifier, dans l’esprit d’un homme ayant l’instinct des grandes choses humaines, l’idée d’une histoire de l’institution de Saint-Cyr.

636. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Lettres d’une mère à son fils » pp. 157-170

Qui n’est qu’une mère n’est qu’une sentimentalité sublime, et il faut plus que des sentiments et des instincts pour élever un homme ; il faut de ces toutes-puissantes notions que nous ne trouvons pas uniquement dans les divinations de nos cœurs.

637. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Vauvenargues » pp. 185-198

Il n’a aucune conclusion arrêtée et ferme dans l’esprit sur les grands problèmes de la destinée spirituelle ; mais il a des impressions d’enfance et des instincts.

638. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XV. Vauvenargues »

Mais il a des impressions d’enfance et des instincts.

639. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Brispot »

Il fait le siège du cœur de l’homme avec tous les arts qui répondent aux nobles instincts de la créature de Dieu.

640. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. J. Autran. Laboureurs et Soldats, — Milianah. »

Il avait l’instinct du sujet, mais avait-il le détail ?

641. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Milton »

L’instinct voyageur d’oiseau marin qui est dans tout Anglais, mais qui n’y dort pas, le fît aller un jour en Italie ; mais cet Oswald anticipé, plus sévère que celui du roman, n’y rencontra pas de Corinne.

642. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « L’Abbé *** »

Sans valoir la millième partie du bruit qu’on lui a fait, Renan a bien ce qu’il faut, semble-t-il, pour illusionner, je ne dis pas les évêques, dont les mains calmes et consacrées doivent savoir exactement le poids ou la légèreté de l’erreur, mais du moins ce gros public, dont l’instinct est faillible, — mauvais juge d’une science assez grande pour tromper et d’un style assez travaillé pour paraître beau.

643. (1886) Le naturalisme

La chute d’une nature originairement pure et libre peut seule donner la clé de ce mélange de nobles aspirations et d’instincts bas, de besoins intellectuels et d’appétits sensuels, de ce combat que tous les moralistes, tous les psychologues, tous les artistes se sont plu à surprendre, à analyser et à peindre. […] D’après les Classiques, l’école romantique recherchait tout spécialement le laid, remplaçait le pathétique par le répugnant, la passion par l’instinct, fouillait les égouts, mettait en lumière les plaies et les ulcères les plus dégoûtants, corrompait la langue et employait des termes bas et populaires. […] Que servit à Lamartine son onction, sa douceur, son instinct de compositeur mélodiste, son imagination de poète, tant de qualités éminentes ? […] Seulement Flaubert n’obéissait pas à un système, il agissait par instinct. […] Par bonheur, ou plutôt grâce à l’instinct qui guide le génie, Galdos fit un pas en arrière pour fuir cette impasse sans issue possible.

644. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre premier. Aperçu descriptif. — Histoire de la question »

Sans cesse nous pensons, et, à mesure que se déroule notre pensée, nous la parlons en silence ; mais presque toujours nous la parlons ainsi sans le savoir, comme nous ignorons nos habitudes, nos instincts, les principes directeurs de notre pensée : car nous nous livrons à notre nature sans la réfléchir ; allant à nos fins, nous nous projetons au dehors sur les choses extérieures ou sur les objets abstraits que nous présente notre entendement, sans savoir ou sans vouloir nous replier sur nous-mêmes, acte difficile, pénible et surtout sans profit pour la vie pratique. […] Après les nominalistes et tous les philosophes qu’avait frappés l’association des termes généraux avec les notions générales, Condillac avait insisté sur le même fait, mais en logicien plutôt qu’en psychologue, et sans songer à distinguer la parole intérieure de la parole extérieure : « Tout l’art de raisonner se réduit à l’art de bien parler ; — une science bien traitée n’est qu’une langue bien faite ; — toute méthode analytique de la pensée est une langue ; — nous pensons par les langues » tels sont ses principaux aphorismes ; Rousseau, lui, envisageant la pensée et ses expressions comme deux successions parallèles, esquissait une vraie description psychologique quand il disait : « L’esprit ne saisit (les idées dont l’objet n’est pas sensible) que par des propositions : car sitôt que l’imagination s’arrête, l’esprit ne marche plus qu’à l’aide du discours. » Sur la question des origines, Condillac avait soutenu, après l’oratorien Richard Simon29 3 et avec la grande majorité des philosophes du xviiie  siècle et des idéologues, l’invention humaine de la parole, ou, en d’autres termes, la création de l’expression de la pensée par les seules forces naturelles de la pensée : à quoi Rousseau répondait : « La parole paraît avoir été fort nécessaire pour établir l’usage de la parole. » D’autre part, et dès avant ses recherches sur le langage, de Bonald était d’instinct partisan des vérités immuables ; et, disposé comme il l’était à voir dans le progrès une illusion coupable, dans le devenir une forme inférieure de la réalité, une déchéance de l’être, il avait été facilement mis par le P. […] L’habitude de parler intérieurement serait donc une synthèse de deux habitudes, l’habitude de la parole et l’habitude du silence, et celle-ci serait une conquête de la volonté sur la nature, tandis que la première serait un instinct confirmé par la volonté. — Faut-il croire que l’action seule est naturelle à l’homme et qu’il crée son imagination, sa mémoire des sensations ? […] Alfred Maury (1817-1892), Le Sommeil et les rêves : études psychologiques sur ces phénomènes et les divers états qui s’y rattachent, suivies de recherches sur le développement de l’instinct et de l’intelligence dans leurs rapports avec le phénomène du sommeil (Paris, Didier, 1861).

645. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) «  Poésies inédites de Mme Desbordes-Valmore  » pp. 405-416

Elle ne songeait pas à être une héroïne politique quand elle allait ainsi les chercher à travers les barreaux, pas plus qu’elle n’était une théologienne quand elle épanchait avec confiance ses pleurs et ses parfums devant Dieu ; elle n’avait que des instincts de miséricorde et de fraternité humaine, mais elle les avait pressants, irrésistibles.

646. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « quelque temps après avoir parlé de casanova, et en abordant le livre des « pèlerins polonais » de mickiewicz. » pp. 512-524

Les poëtes savent les sentiers par instinct ; ils en découvrent sans cesse d’inconnus dans leurs courses buissonnières : per avia solus.

647. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre I. Malherbe »

Mais s’il satisfaisait par tant de côtés l’esprit de son temps, il l’enrichissait aussi, et, par un juste instinct de la grande poésie, il imposait au rationalisme le respect de la forme d’art, que celui-ci n’aurait eu que trop de pente à méconnaître.

648. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXV. Mort de Jésus. »

» Mais son instinct divin l’emporta encore.

649. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Renou » pp. 301-307

Voilà ce que les grands génies ont exécuté d’instinct, et ce qu’aucun de nos feseurs de poétique n’a vu ; et que Dieu les bénisse. à nos peintres : certes, messieurs, l’idée qu’on prend de l’ange du livre de la sagesse n’est pas celle de vos petites têtes jouflues et soufflant des bouteilles, dont vous garnissez vos petits tableaux, que je dis petits parce qu’ils seraient toujours petits, quand ils auraient cinquante pieds de long.

650. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 45, de la musique proprement dite » pp. 444-463

La musique ne s’est pas contentée d’imiter dans ses chants le langage inarticulé de l’homme, et tous les sons naturels dont il se sert par instinct.

651. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Louis XVI et sa cour »

L’auteur de Louis XVI et sa Cour 38, qui fut aussi le traducteur de Chesterfield et de Cantu, est d’instinct, d’éducation et d’étude, un esprit vraiment littéraire, qu’on aime à retrouver présent dans l’historien alors qu’il manie avec le plus de préoccupation les choses de l’histoire, et dans un temps surtout où, comme dans le nôtre, la Spécialité est entrain d’assassiner, avec un si grand succès, la littérature !

652. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Chamfort »

XI Le christianisme voit la faute et en suit la trace dans l’instinct, dans l’âme, dans tout, dans le génie, mais jamais il ne vous la montre que pour vous dire de l’effacer.

653. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Édouard Fournier »

Ils sont plus vrais que la réalité même, car s’ils n’ont pas été prononcés tels que l’histoire les a gravés sur son marbre éternel, ineffaçables à tous les regrattiers de bonne volonté ou d’instinct, ils ont dû l’être, et ce n’est pas seulement la patrie qui les tient pour authentiques, comme dit Chateaubriand, c’est l’âme même de l’humanité !

654. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Histoire de la Révolution »

Il a des sensations qui valent mieux que ses idées, et l’on se trouve, comme il se trouve lui-même, toujours du côté de ses instincts contre ses raisonnements.

655. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Sixte-Quint et Henri IV »

Mais si Segretain, comme je le crois, a bien vu dans Henri, par-dessous les gasconnades du protestant, le catholique par le tempérament, par le sens pratique, par la connaissance qu’il avait des instincts du génie et du passé de la France, sa faute, que Segretain et les catholiques absolus lui reprochent, est d’autant plus grande et devient à peu près incompréhensible !

656. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes de la Révolution » pp. 73-87

Selon Michelet, c’est la masse acéphale, c’est le peuple obscur, qui l’emporte sur tous les états-majors de la Révolution, en instincts, en vertus, en dévouements, et, qu’on nous passe le mot !

657. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Oscar de Vallée » pp. 275-289

plus fort qu’elle, comme l’instinct est plus fort que la réflexion.

658. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Xavier Eyma » pp. 351-366

, un germe destructeur introduit dans les institutions dont elles n’ont ni les instincts, ni l’expérience, lorsqu’une ligne plus bas il dit que l’esprit conservateur réduit ces recrues.

659. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Armand Carrel » pp. 15-29

Militaire par l’éducation et l’instinct, il était, par l’indiscipline, antimilitaire.

660. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame de Créqui »

Le critique qui va, tout à l’heure, tuer la Critique sous une indulgence que ne connaissait pas Madame de Créqui, admirable critique d’instinct sur place et dans la causerie, n’ajoute-t-il pas cet incroyable précepte : « Le mieux est de ne pas désespérer, même en causant, les talents incomplets qui ont un coin d’infirmité ? 

661. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Hoffmann »

Henri Heine, ce poète charmant et si digne d’être regretté, Henri Heine a pris acte de cette réaction en termes imposants que nous rappellerons, parce qu’allemand, poète et critique d’instinct, il est sur Hoffmann plus compétent que personne : « Les véritables penseurs — dit-il — et les natures poétiques, ne veulent plus entendre parler d’Hoffmann.

662. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXVIII. M. Flourens »

Après cette Histoire de la circulation du sang, vous avez l’Instinct et l’intelligence des animaux, une question qu’un fils de Buffon, comme M. 

663. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Maynard »

Il a imposé silence à ses instincts, à ses facultés, et jusqu’aux tendresses de son âme.

664. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Le Marquis Eudes de M*** »

Car voilà le côté par lequel, à cette époque de discussion et d’analyse, le livre des Esprits s’imposera à ceux-mêmes qui, d’instinct ou de philosophie, seraient les plus disposés à le rejeter : la science, et, ajoutons-y encore, la loyauté dans la méthode.

665. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Alfred de Musset »

Les éditeurs, qui ont l’instinct de la bêtise avec laquelle on gagne de l’argent, croyaient — et ne se trompaient pas !

666. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « La Fontaine »

Il fallait avoir l’instinct profond des choses poétiques, vibrer en accord parfait avec elles et surtout n’être pas enterré sous ce gazon qui fleurissait l’estimable crâne de Walckenaer comme une tombe, et M. 

667. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Amédée Pommier »

Amédée Pommier, ce redoutable classique, bâti par l’instinct et l’étude pour tous les travaux d’Académie, aurait pu aisément, s’il l’avait voulu, se constituer, comme La Harpe, une rente perpétuelle de ces prix, qu’il eût relevés par son talent de l’abaissement dans lequel ils sont depuis longtemps tombés ; car ils sont tombés jusque dans des jupes !!

668. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Jean Richepin »

L’auteur de La Chanson des gueux, qui se chauffe avec les ossements des tombes et des têtes de morts tant il est affamé de flamme et de tableaux d’un tragique effréné, l’écrivain moins puissant, mais non moins ardemment épris de choses physiques, qui a écrit Les Morts bizarres et Les Caresses, et qui couve, en ce moment, comme le Chaos et la Nuit couvèrent l’Amour dans une terrible mythologie, l’œuf monstrueux de ses Blasphèmes, vient de nous faire, en Madame André, le livre le plus retenu, le plus contenu, le plus rassis, le plus didactique, le plus sage de la sagesse humaine, et le plus en dissonance et en contraste avec ce qu’il nous avait donné le droit de croire ses incoercibles instincts.

669. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXX. De Fléchier. »

L’une a l’empreinte de la fierté, et semble l’ouvrage d’un instinct sublime ; l’autre dans son élévation même, paraît le fruit d’un art perfectionné par l’expérience et par l’étude.

670. (1906) L’anticléricalisme pp. 2-381

La véritable cause des guerres civiles, c’était l’amour de la guerre civile elle-même et l’instinct même, impérieux et impatient, de guerre civile. […] J’entends par là qu’il a confiance dans les instincts humains non rectifiés, dans les instincts humains à leur état naturel ; et « naturel » ne signifie rien, puisqu’il est sans doute dans notre nature aussi de rectifier nos instincts ; mais enfin dans les instincts humains moins la civilisation qui les a modifiés. […] La nature, c’est-à-dire les instincts, sont bons et l’on a eu tort de tant lutter contre eux pour détruire quelque chose qui était salutaire et pour le remplacer par quelque chose qui est funeste. […] Ils y mettent moins de dialectique ; mais l’instinct a sa logique qui, pour être confuse, n’en est pas moins sûre. Le congréganiste est, de par un instinct qui ne se trompe aucunement, un être monstrueux et redoutable pour le démocrate.

671. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre VI. Milton. » pp. 411-519

Il croyait au sublime de tout l’élan de sa nature et de toute l’autorité de sa logique ; et, chez lui, la raison cultivée fortifiait de ses preuves les suggestions de l’instinct primitif. […] Ceux-là, par confiance et par sociabilité, avec un instinct d’artiste et une subite compréhension imitative, prennent involontairement le ton et la disposition des hommes et des choses qui les environnent, et leur dedans se met tout de suite en équilibre avec le dehors. Ceux-ci, par défiance, par rigidité, avec un instinct de combattants et un prompt regard jeté sur la règle, se replient naturellement sur eux-mêmes, et dans l’enceinte close où ils s’enferment, ils ne sentent plus les sollicitations ni les contradictions de leurs alentours. […] Il est né avec l’instinct des choses nobles, et cet instinct fortifié en lui par la méditation solitaire, par l’accumulation du savoir, par la rigidité de la logique, s’est changé en un corps de maximes et de croyances que nulle tentation ne pourra dissoudre et que nul revers ne pourra ébranler.

672. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre III. Ben Jonson. » pp. 98-162

III Aussi bien, quoi qu’il fasse, quels que soient ses défauts, sa morgue, sa dureté de touche, sa préoccupation de la morale et du passé, ses instincts d’antiquaire et de censeur, il n’est jamais petit ni plat. […] Comment y a-t-il réussi, et par quel instinct extraordinaire est-il parvenu à deviner les extrêmes conclusions, les plus profondes percées des physiologistes et des psychologues ? […] Figurez-vous, au lieu de cette pauvre idée sèche, étayée par cette misérable logique d’arpenteur, une image complète, c’est-à-dire une représentation intérieure, si abondante et si pleine qu’elle épuise toutes les propriétés et toutes les attaches de l’objet, tous ses dedans et tous ses dehors ; qu’elle les épuise en un instant ; qu’elle figure l’animal entier, sa couleur, le jeu de la lumière sur son poil, sa forme, le tressaillement de ses membres tendus, l’éclair de ses yeux, et en même temps sa passion présente, son agitation, son élan, puis par-dessous tout cela ses instincts, leur structure, leurs causes, leur passé, en telle sorte que les cent mille caractères qui composent son état et sa nature trouvent leurs correspondants dans l’imagination qui les concentre et les réfléchit : voilà la conception de l’artiste, du poëte, de Shakspeare, si supérieure à celle du logicien, du simple savant ou de l’homme du monde, seule capable de pénétrer jusqu’au fond des êtres, de démêler l’homme intérieur sous l’homme extérieur, de sentir par sympathie et d’imiter sans effort le va-et-vient désordonné des imaginations et des impressions humaines, de reproduire la vie avec ses ondoiements infinis, avec ses contradictions apparentes, avec sa logique cachée, bref de créer comme la nature.

673. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVe entretien. Alfred de Vigny (2e partie) » pp. 321-411

Voilà l’instinct des peuples, voilà la loi des lois, l’unité de l’armée et sa discipline. […] L’étourderie brutale est le caractère de ces enfants de la rue qui n’ont d’autre morale que leur instinct railleur à tout prix, et qui se croient des héros parce qu’ils ont entendu dire qu’il suffisait pour cela de tuer ou d’être tué. […] « Ce n’est pas une foi neuve, un culte de nouvelle invention, une pensée confuse ; c’est un sentiment né avec nous, indépendant des temps, des lieux, et même des religions ; un sentiment fier, inflexible, un instinct d’une incomparable beauté, qui n’a trouvé que dans les temps modernes un nom digne de lui, mais qui déjà produisait de sublimes grandeurs dans l’antiquité, et la fécondait comme ces beaux fleuves qui, dans leur source et leurs premiers détours, n’ont pas encore d’appellation.

674. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (3e partie) » pp. 5-96

Si Dieu ne donnait pas à l’oiseau cet instinct pour ses petits, si un instinct pareil n’était pas répandu dans toute la nature vivante, le monde ne se soutiendrait pas ; mais partout est répandue la force divine, partout agit l’amour éternel !  […] Son prince et son ami paraît favoriser ces instincts d’une liberté régénératrice.

675. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Granier de Cassagnac » pp. 277-345

Malgré son instinct et une sagacité assez aiguisée, à, ce qu’il semblait, aux questions et aux choses, pour à l’occasion savoir les résoudre et les pénétrer, Granier de Cassagnac, qu’il nous permette de le lui dire ! […] Devenu militant et journaliste, jeté par sa fonction — et aussi parle plus fort des instincts de sa pensée, qui l’emporte vers les choses actuelles comme tous les esprits politiques, — dans cette histoire de tous les jours qui se fait sous nos yeux, dont nous sommes une partie vivante et qui, tant on la voit et tant on la touche, empêche de rêver, Granier de Cassagnac remonta du fait qu’il avait sous les pieds et qu’il y foula longtemps à la tradition de ce fait, à son origine, et il écrivit les Causes de la Révolution française, laquelle est l’histoire, hélas ! […] Esprit profondément historique d’instinct, de connaissances et d’études, le jeune Granier trouva devant lui, après 1830, un pays si opiniâtrement monarchique encore qu’il avait refait immédiatement un trône avec les débris du trône qu’il avait renversé ; et le polémiste qui, jusque-là, n’avait été que littéraire, se dévoua à défendre ces quatre planches qui sont un trône, — disait Napoléon, — mais qui n’avait plus son velours fleurdelisé, usé par les siècles et déchiré par la Révolution !

676. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite et fin.) »

Il faut, en effet, qu’un ministre des affaires étrangères soit doué d’une sorte d’instinct qui, l’avertissant promptement, l’empêche, avant toute discussion, de jamais se compromettre. […] M. de Talleyrand avait eu beau se mêler à la Révolution, il était resté, lui, un homme de race, gardant au fond beaucoup des idées ou des instincts aristocratiques.

677. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Jocelyn (1836) »

Mais la difliculté d’une double langue en ce pays, et aussi la sévérité des habitudes catholiques, dans lesquelles l’amour humain chez le prêtre n’a point d’expression permise, n’ont pas laissé naître et grandir jusqu’à l’état de littérature ces instincts poétiques étouffés des pauvres clercs. […] Dieu seul sait la distance entre nous, Seul il sait quel degré de l’échelle de l’être  Sépare ton instinct de l’âme de ton maître, etc.

678. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. VILLEMAIN. » pp. 358-396

non, répondait-il ; nous aurons la liberté anglaise. » Il aimait dès lors et pressentait le genre d’éloquence anglaise, parlementaire, par instinct d’orateur et par besoin d’une honnête liberté dans la parole. […] Devant tous l’instinct l’emporte, la verve s’en mêle, le mot jaillit.

679. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « LOUISE LABÉ. » pp. 1-38

Des Florentins en grand nombre, à chaque trouble survenu dans la république des Médicis, avaient émigré sur ce point et y avaient fondé une espèce de colonie qui continuait d’associer, comme dans la patrie première, l’instinct et le génie du négoce au noble goût des arts et des lettres. […] C’est qu’aussi Louise Labé, telle qu’on la rêve de loin et telle que nous l’avons devinée d’après ses aveux, demeure, par plus d’un aspect, le type poétique et brillant de la race des femmes lyonnaises, éprises qu’elles sont de certaines fêtes naturelles de la vie, se visitant volontiers entre elles avec des bouquets à la main, et goûtant d’instinct les vives élégances, les fleurs et les parfums.

680. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE KRÜDNER » pp. 382-410

Il existe peu de méchants ; ceux qui ne sont pas retenus par la conscience le sont par la société ; l’honneur, cette fière et délicate production de la vertu, l’honneur garde les avenues du cœur et repousse les actions viles et basses, comme l’instinct naturel repousse les actions atroces. […] écrit-elle naïvement ; il a été fait avec le Ciel ; voilà pourquoi j’ose dire qu’il y a des beautés. » En se replaçant ainsi au moyen-âge, aux horizons de la croisade teutonique et chrétienne, il semblait que Mme de Krüdner revenait par instinct à ses origines naturelles.

681. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « George Farcy »

Une grande timidité, beaucoup de réserve, une sorte de sauvagerie ; une douceur habituelle qu’interrompait parfois quelque chose de nerveux, de pétulant, de fugitif ; le commerce très-agréable et assez prompt, l’intimité très-difficile et jamais absolue ; une répugnance marquée à vous entretenir de lui-même, de sa propre vie, de ses propres sensations, à remonter en causant et à se complaire familièrement dans ses souvenirs, comme si, lui, il n’avait pas de souvenirs, comme s’il n’avait jamais été apprivoisé au sein de la famille, comme s’il n’y avait rien eu d’aimé et de choyé, de doré et de fleuri dans son enfance ; une ardeur inquiète, déjà fatiguée, se manifestant par du mouvement plutôt que par des rayons ; l’instinct voyageur à un haut degré ; l’humeur libre, franche, indépendante, élancée, un peu fauve, comme qui dirait d’un chamois ou d’un oiseau73 ; mais avec cela un cœur d’homme ouvert à l’attendrissement et capable au besoin de stoïcisme : un front pudique comme celui d’une jeune fille, et d’abord rougissant aisément ; l’adoration du beau, de l’honnête ; l’indignation généreuse contre le mal ; sa narine s’enflant alors et sa lèvre se relevant, pleine de dédain ; puis un coup d’œil rapide et sûr, une parole droite et concise, un nerf philosophique très-perfectionné : tel nous apparaît Farcy au sortir de l’École normale ; il avait donc, du sein de sa vie monotone, beaucoup senti déjà et beaucoup vu ; il s’était donné à lui-même, à côté de l’éducation classique qu’il avait reçue, une éducation morale plus intérieure et toute solitaire. […] Nous extrayons religieusement ici les dernières pensées écrites sur son journal ; elles sont empreintes d’un instinct inexplicable et d’un pressentiment sublime : « Chacun de nous est un artiste qui a été chargé de sculpter lui-même sa statue pour son tombeau, et chacun de nos actes est un des traits dont se forme notre image.

682. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (3e partie) » pp. 365-427

puis, poussé de nouveau par l’instinct de l’infini qui est en moi, je me relève et je célèbre en balbutiant les miracles de ta nature. […] Sa nature est de l’ignorer, son instinct est de le découvrir toujours ! 

683. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre V. Le roman romantique »

C’est l’avarice chez Grandet, la débauche chez Hulot, la jalousie chez la cousine Bette, l’amour paternel chez Goriot, la tyrannie d’une invention chez Balthazar Claës ; partout un irrésistible instinct, noble ou bas, vertueux ou pervers ; le jeu est le même dans tous les cas, et la régularité toute-puissante de l’impulsion interne fait du personnage un monstre de bouté ou de vice. […] Il distingue très bien aussi les groupes sociaux, monde élégant, bourgeoisie riche, petit commerce, peuple de Paris, aristocratie et bourgeoisie provinciales ou campagnardes, paysans, fonctionnaires, employés, journalistes, toutes les coteries, toutes les professions, toutes les conditions : dans chaque groupe, les individus-types, qui accusent un des travers, un des instincts, un des manèges spéciaux du groupe.

684. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre sixième. »

Pendant que Ronsard disputait à Saint-Gelais le titre de prince des poètes au temps même de cette furie d’imitation antique, un traducteur de génie, Amyot devinant d’instinct ce qui avait échappé aux poètes réformateurs, comprenait que les langues ne s’enrichissent que par les idées, et versait pour ainsi dire, dans la nôtre, le recueil le plus complet des idées, des mœurs, des hommes et des choses de l’antiquité, les ouvrages de Plutarque (1559-1574). […] Sans grammaires, sans règles, guidé par son instinct et par l’analogie, il osa tout pour exprimer sa pensée, et il traita la langue non comme l’héritage de tous, mais comme sa propriété personnelle.

685. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VII. Repos »

Dès le premier jour, un instinct sûr a éloigné Boissier du vers-formule, du vers frappé comme une médaille. […] Presque toujours son instinct lui fait éviter les fanfares, et les violences, et les mouvements brusques ou rapides.

686. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre X »

Mais elle a tous les instincts du rang et de la naissance, l’aplomb d’une comédienne qui pourrait jouer un rôle de duchesse ; le demi-monde la reconnaît déjà pour sa reine, et elle a mis dans sa petite tête ferme et pensive, d’entrer dans le vrai monde, et par la grande porte, au bras d’un mari. […] Les génies de cette sphère obéissent à un plus noble aiguillon ; ils créent par instinct et par vocation, sans plus se soucier de la rétribution de leurs œuvres que l’arbre ne s’inquiète du prix de ses fruits.

687. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — La déformation  »

Il ajoute, ce qui me dispense d’un plus long commentaire : « Le peuple, toujours fidèle à l’instinct, continue cette transformation euphonique et dit castrole pour casserole. » Eléxir, Gérofle. […] C’est tout simplement la règle de la chute du t médial ; avec encore un effort, on aurait un mot pareil à tant de vieux mots français138 Abba-t-ia Ini-t-iation Inia-t-ion Abba — ye Ini — iation Iniai — son Cette manifestation de l’instinct est une grande leçon.

688. (1857) Cours familier de littérature. III « XVe entretien. Épisode » pp. 161-239

Moi, le triste instinct m’y ramène : Rien n’a changé là que le temps ; Des lieux où notre œil se promène, Rien n’a fui que les habitants. […] Non plus grand, non plus beau, mais pareil, mais le même, Où l’instinct serre un cœur contre les cœurs qu’il aime, Où le chaume et la tuile abritent tout l’essaim, Où le père gouverne, où la mère aime et prie, Où dans ses petits-fils l’aïeule est réjouie         De voir multiplier son sein !

689. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La princesse Mathilde » pp. 389-400

Tout ce qui est duplicité, tortuosité, faux-fuyants, manège, tout ce qui ressemble de près ou de loin à de l’astuce ou à de la perfidie la révolte d’instinct, aujourd’hui comme au premier jour ; l’expérience ne l’a pas corrigée : elle s’étonne du mal, de tout ce qui n’est pas honorable ; elle a la faculté de l’indignation.

690. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — I » pp. 219-230

Capables de raisonner très loin et très haut, par malheur nous manquons de base : « Ce n’est pas tant le raisonnement qui nous manque que la prise du raisonnement. » L’instinct de certains animaux est à faire envie à la raison de l’homme.

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