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677. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre III. Poëtes françois. » pp. 142-215

M. de la Chaussée s’est fait un nom par une espêce particuliére de Drames comiques, ou plûtôt attendrissans, qu’il a adoptée & perfectionnée. […] Il y a eu dans ces derniers tems plusieurs Drames qui n’ont pas été joués ; mais qui méritoient peut-être plus de paroître sur le théatre que tant d’autres piéces froides, ou alambiquées que nous y avons vu. […] C’est un Drame mixte qui tient à la Comédie par le fond, & qui s’approche de l’opéra pour la forme.

678. (1855) Préface des Chants modernes pp. 1-39

Un jour, un homme sérieux, un grand poëte, l’écrivain le plus sincèrement probe peut-être de la littérature moderne ; le frère intelligent qui, dans ses romans, dans ses poésies, dans ses drames, dans ses nouvelles, dans ses préfaces, a toujours tenu haut sa bannière, a toujours combattu pour la race sacrée des poëtes à laquelle il appartient autant que qui que ce soit, M.  […] Ils muselèrent la presse par des lois oppressives, ils arrêtèrent la représentation des pièces de théâtre, ils jetèrent bas de leur chaire des professeurs savants, sages et aimés. — Ceux-là, qui furent de petits journalistes parvenus, qui sortirent de je ne sais quel salon guindé où l’on avait applaudi leurs vaudevilles et leurs égrillardes chansonnettes, ceux-là qui, grimpant d’épaules en épaules et de méprises en méprises, en étaient arrivés à être tout-puissants sur les choses dramatiques, osèrent porter la main sur Balzac ; ils prirent le géant au collet, mirent son drame dans leur souricière, et, sans reconnaissance des gloires nationales, sans foi artistique, sans pudeur littéraire, ils ruinèrent et mirent à néant l’administrateur courageux qui avait le plus aidé à l’éclosion de toute une vaillante génération de poëtes. — D’autres ont fait pis encore. […] Il n’y a là rien qui puisse rappeler le grand drame que jouèrent l’Europe et l’Asie.

679. (1901) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Deuxième série

Il comprenait l’utilité de « faire un bruit du diable. » Il savait la vertu des prospectus, des mirifiques annonces, et l’avant-veille du procès qui suivit la première représentation du drame, Le roi s’amuse, il écrivait à Renduel : « Je crois, mon cher éditeur, qu’il est important pour vous, pour moi, pour le retentissement du drame et de l’affaire, que la chose soit énergiquement annoncée la veille par les journaux. […] La veille de la publication en librairie du drame Le roi s’amuse, Victor Hugo fit annoncer par la presse que mille exemplaires étaient retenus d’avance. […] Le truc du drame anonyme est très honnête, et il est si simple, il a tant de chances de réussir, qu’on s’étonne qu’il ne soif pas plus souvent employé. […] J’ai lu, dans la Revue bleue, que le théâtre de Berlin représenta, je ne sais plus en quelle année, un drame anonyme intitulé Mauvaise graine. […] Quel est l’inventeur de l’espèce de pièce de théâtre appelée comédie sérieuse ou drame bourgeois ?

680. (1895) Le mal d’écrire et le roman contemporain

Je ne sais pourquoi ce Don Juan, un drame en 400 pages, a presque passé inaperçu de la critique. […] Jean Aicard nous a donné le drame de la séduction vu du côté de l’enfant ; dans l’Ibis bleu, il nous a peint le drame de l’adultère vu encore du côté de l’enfant. […] Son drame Smilis, d’une exécution littéraire si difficile, est une œuvre d’art remarquable par la quantité d’idéal qu’elle résume. […] Ce qu’il y a de plus vivant dans les Martyrs, l’épisode de Velléda, est encore un drame d’amour et un suicide. […] Si le théâtre peut se priver d’amour, comme le pensaient Racine et Voltaire, pourquoi le roman, qui n’est qu’un drame bourgeois, ne s’en priverait-il pas ?

681. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « La poésie »

Il ose dire, par exemple, que la tragédie classique est morte et de sa belle mort « de mort naturelle » ; que le drame est désormais la seule forme possible.

682. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mistral, Frédéric (1830-1914) »

Laissons-leur la curiosité, ce viatique des longues routes, dans la lecture comme dans le drame.

683. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vigny, Alfred de (1797-1863) »

Il repousse avec une sorte de pudeur virile la tentation d’amuser les désœuvrés des secrets de sa vie ou des mystères de son cœur… l’art est toujours chez lui, en un sens, philosophique… Chacun de ses poèmes : Moïse, Éloa, n’est, si l’on veut bien le prendre, qu’un admirable symbole… C’est une succession de petits ou de grands drames dont chaque partie se relie par une pensée unique, mais l’artiste, nulle part, ne se sacrifie au penseur ; il garde tous ses droits, nous enivre et s’enivre lui-même de poésie, orne d’une grâce infinie chaque détail.

684. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XII. Lo Ipocrito et Le Tartuffe » pp. 209-224

Molière touche au drame, et produit un effet immense qui traverse les siècles sans s’amoindrir.

685. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XIV. Moralistes à succès : Dumas, Bourget, Prévost » pp. 170-180

. — Sa distinction d’« analyse » et de « drame » est ésotérique et vaine.

686. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre II. Recherche des vérités générales » pp. 113-119

Peut-être des excès antérieurs du drame libre.

687. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre III. Paradis perdu. »

Alors commence ce fameux drame entre Adam et Ève, dans lequel on prétend que Milton a consacré un événement de sa vie, un raccommodement entre lui et sa première femme.

688. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre III. Suite des Époux. — Adam et Ève. »

Tout drame pèche essentiellement par la base, s’il offre des joies sans mélange de chagrins évanouis, ou de chagrins à naître.

689. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XI. Mme Marie-Alexandre Dumas. Les Dauphines littéraires »

… Enfin toute religieuse et pure, et Imitation de Jésus-Christ et Introduction à la vie dévote qu’elle veuille être et se conserver, Mme Marie-Alexandre Dumas finit par ne plus y tenir ; et le tempérament Dumas prenant le mors aux dents, elle saute par-dessus toutes les réserves dans les terres de son père et de son frère, et la voilà qui nous raconte, — ma foi, tout aussi crûment qu’eux, — un horrible drame d’adultère et de meurtre que, pendant qu’elle est au couvent à Passy, son père et son frère, ces forts arrangeurs, pourraient planter à la scène et faire jouer.

690. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Meurice » pp. 231-241

Il veut être tout à la fois un traité de philosophie et un roman, — une métaphysique et un drame.

691. (1868) Curiosités esthétiques « III. Le musée classique du bazar Bonne-Nouvelle » pp. 199-209

Sur le pupitre vert placé devant lui sa main tient encore la lettre perfide : « Citoyen, il suffit que je sois bien malheureuse pour avoir droit à votre bienveillance. » L’eau de la baignoire est rougie de sang, le papier est sanglant ; à terre gît un grand couteau de cuisine trempé de sang ; sur un misérable support de planches qui composait le mobilier de travail de l’infatigable journaliste, on lit : « A Marat, David. » Tous ces détails sont historiques et réels, comme un roman de Balzac ; le drame est là, vivant dans toute sa lamentable horreur, et par un tour de force étrange qui fait de cette peinture le chef-d’œuvre de David et une des grandes curiosités de l’art moderne, elle n’a rien de trivial ni d’ignoble.

692. (1824) Épître aux muses sur les romantiques

Qu’un aveugle, un boiteux, un sourd, un cul-de-jatte, Un héros, dont le cou se perd sous l’omoplate, Dans un drame bien noir s’introduise à propos ; Le parterre attendri poussera des sanglots.

693. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XVII. »

Elle nous explique la mélancolie profonde de quelques accents, le pathétique de quelques pensées, dans ces drames attribués à l’infortuné précepteur de Néron, dans ces œuvres déclamatoires qui certainement ne parurent pas sur le théâtre romain.

694. (1894) Dégénérescence. Fin de siècle, le mysticisme. L’égotisme, le réalisme, le vingtième siècle

Chez Victor Hugo, à côté des seuls Burgraves, dont l’action se passe au xiiie  siècle, il y a tous les autres drames, Cromwell, Marie Tudor, Lucrèce Borgia, Angelo, Ruy Blas, Hernani, Marion Delorme, Le Roi s’amuse, qui se déroulent dans le xvie et le xviie  siècle, et à son unique roman moyen âge, Notre Dame de Paris, on peut opposer tous les autres, depuis Han d’Islande, qui a pour scène une Thulé de rêve, jusqu’aux Misérables, qui se passent dans un Paris apocalyptique, et à Quatre-vingt-treize, histoire de la Révolution à l’usage des fumeurs de haschisch.

695. (1886) Le naturalisme

On connaissait alors, en France, ce drame, et les meilleurs du grand dramaturge anglais, par les adaptations de Ducis. […] Pareil costume, choisi tout exprès pour choquer les bourgeois paisibles et les classiques atterrés, produisit presque autant d’émotion que le drame. […] Tel est le drame simple et terrible, pris dans la réalité, qui immortalise Flaubert. […] Dans quelques-uns de leurs romans comme Sœur Philomène et Renée Mauperin, il y a encore un drame, très simple, mais drame enfin. […] Il n’y a pas d’évènements et le drame intime et profond de la conversion d’une libre-penseuse au catholicisme se joue dans l’âme de l’héroïne.

696. (1890) Les princes de la jeune critique pp. -299

La pièce (quand il en parle) n’est pour lui bien souvent qu’un prétexte à causerie ; il s’échappe en dissertations subtiles sur un cas de morale, en discussions sur un dénouement qui ne le satisfait point, en plaidoyers pour et contre l’idée-mère du drame et de la comédie. […] Qu’importe de savoir qui a eu la première idée d’un conte, d’un roman, d’un drame ? […] Il se peut encore que les drames de M.  […] Coppée lui semblent une épopée qui se relève en drame, le Flibustier de M.  […] Ohnet est à la fois une comédie romanesque et un drame judiciaire.

697. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome I

Mais ces courts morceaux sont si saisissants, si chargés de drame, si riches d’observations, qu’ils laissent au lecteur une impression plus forte que des volumes entiers. […] Il est un maître accompli dans ce talent de créer, autour du drame, une atmosphère de vraisemblance. […] Mon humble avis est qu’il faut remonter jusqu’aux grands drames de Shakespeare, je l’ai déjà indiqué, pour retrouver un génie de cette force. […] Vous entendez des souffles, des voix ; vous devinez des habitudes, des mœurs, des duretés, des tendresses… Un drame de passion va s’engager… Et puis rien ! […] Et pas un dont il n’ait plus ou moins souffert, à l’occasion duquel il ne se soit construit un drame imaginatif, quelquefois d’engouement, le plus souvent de défiance.

698. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (1re partie) » pp. 337-416

Combien un écrivain, qui sait puiser dans la vie familière le pathétique simple des scènes intimes, et fait d’une veillée entre un vieillard, un enfant et le souvenir d’une mère morte, un drame muet qui remue le cœur dans des millions de poitrines, combien, disons-nous, un tel écrivain doit-il être, à son gré, le maître des cœurs, ou l’apôtre des vérités ou le roi des sophismes ! […] Quel drame expiatoire il y aurait à faire entre un fils inconnu de Rousseau, devenu meurtrier par suite de son abandon, assassinant un étranger pour le dépouiller, et reconnaissant son père dans sa victime ! […] Son imagination allumée pour Julie, l’amante pédantesque de son drame, se convertit un instant en amour réel, mais purement sensuel, pour madame d’Houdetot, sa voisine de campagne, femme très séduisante, mais très solidement attachée à Saint-Lambert, ami de Rousseau, et qui se plaisait dans la société de Rousseau par la réminiscence fidèle de Saint-Lambert absent.

699. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque (1re partie) » pp. 145-224

Voilà l’Euthyphron ; la préface, ou plutôt l’exposition du drame philosophique. […] Ce récit a dans la bouche de Phédon toute la poésie de l’épopée, tout le pathétique du drame, toute la sérénité de ton d’une leçon de philosophie. […] Reprenons le drame : XXIV « Voilà pourquoi, mes chers amis, dit Socrate après un moment de recueillement, le vrai philosophe s’exerce à la force et à la tempérance, et nullement par toutes les raisons que s’imagine le peuple. » Les disciples, à ces mots, s’entreregardent en silence et semblent craindre de proposer à Socrate un doute qui lui rappelle sa tragique situation et le peu d’heures qui lui restent à vivre.

700. (1856) Cours familier de littérature. I « IVe entretien. [Philosophie et littérature de l’Inde primitive (suite)]. I » pp. 241-320

XVI Nous savons bien, nous le répétons encore, qu’en dehors de cette supériorité ou de cette infériorité relative des genres dans la poésie, il y a la supériorité ou l’infériorité des poètes, qui dément souvent cette classification par la souveraine exception du talent ; que tel poète épique, comme Homère, par exemple, est égal ou supérieur à tel poète lyrique, comme Orphée ; que tel poète dramatique, comme Shakespeare, par exemple, dépasse tous les poètes épiques des temps modernes, et contient, dans son océan personnel de facultés poétiques, l’hymne, l’ode, le récit, le drame, la tragédie, la comédie, l’élégie, tout ce qui vibre, tout ce qui pense, tout ce qui chante, tout ce qui agit, tout ce qui pleure, tout ce qui rit dans le cœur de l’homme aux prises avec la nature. […] N’y a-t-il pas, en effet, de la religion dans la philosophie, de la philosophie dans l’histoire, du drame dans le récit, du récit dans le drame, de la poésie dans l’éloquence, de l’éloquence dans la poésie ?

701. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIIe entretien » pp. 87-159

… En sorte que toute l’humanité naissante, déchue, gémissante, priante, chancelante, vivante, morte, ressuscitée, est contenue et exprimée dans cette épopée des races hébraïques ; que le prêtre et le poète n’est qu’un seul homme pour les peuples de cette théogonie ; et que toutes les fois que le peuple assiste à ses mystères dans les temples, il entend le pontife réciter ses annales, chanter ses hymnes, commémorer ses drames, et qu’il assiste ainsi à sa propre épopée en action ! […] Ce chef-d’œuvre incomparable de la scène française et de toutes les scènes, que nous analyserons bientôt devant vous, peut soutenir le parallèle avec toutes les épopées et tous les drames, avec toutes les langues de l’Inde, de la Grèce et de Rome. […] Ce n’est plus le récit, c’est le drame ; ce n’est plus la draperie, c’est le nu ; ce n’est plus le portrait, c’est l’homme ; l’homme avec tous ses traits vivants, calqués sur les beautés comme sur les difformités de sa nature ; la photographie du siècle ; un roi, une cour, des flatteurs, des courtisans, des ambitieux, des hypocrites, des hommes de bien, des méchants, des femmes, des pontifes, une nation tout entière saisie au passage dans son mouvement le plus accéléré, et reproduite, non pas seulement par l’art, mais par la passion.

702. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid, (suite.) »

Corneille, qui savait l’espagnol, a eu sous les yeux, quand il composa son Cid, le drame de Guillem de Castro, en trois journées, la Jeunesse du Cid ou plus exactement les Prouesses du Cid, et il l’a imité, il l’a modifié avec goût, il l’a réduit et accommodé selon le génie de notre nation et le sien propre. […] Viguier dans l’édition Hachette, à comparer le drame original espagnol avec la pièce à la fois castillane et française qui en est sortie.

703. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Victor Hugo, Toute la Lyre. »

Dès qu’on essaye de les « réaliser » sur la scène, de donner un corps à ces froides et éclatantes chimères, les drames de Hugo sonnent si faux que c’est une douleur de les entendre. […] Il est facile de prévoir qu’avant la fin du siècle les drames de Victor Hugo ne compteront dans l’histoire du théâtre qu’à titre de documents.

704. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre X. La littérature et la vie de famille » pp. 251-271

Musset avouait que ses pièces étaient faites surtout pour ce qu’il appelait son public de petits nez roses ; et j’ai entendu dire à Alexandre Dumas fils qu’en composant un drame ou une comédie il ne s’occupait pas plus des hommes que s’il ne devait pas y en avoir un seul dans la salle de spectacle. […] Mais une fois que Rousseau, dans l’Emile et dans ses Confessions, a su tantôt montrer l’épanouissement progressif de cette fleur délicate qui s’appelle un enfant, tantôt rajeunir ces souvenirs du premier âge qui gardent pour la plupart d’entre nous la fraîcheur d’une matinée de printemps, c’est à qui s’avisera de regarder et de saisir sur le vif les joies et les douleurs naïves, les drames, les méfaits, les prouesses, les mille et une expériences de la vie enfantine.

705. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIII. La littérature et la morale » pp. 314-335

sans doute il y aura lutte : que serait un drame sans lutte ? […] C’est pourquoi des Sociétés de tempérance n’ont pas hésité à faire jouer le drame tiré de L’Assommoir de M. 

706. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Discours préliminaire, au lecteur citoyen. » pp. 55-106

Condorcet, attribue judicieusement les morceaux de notre Ouvrage sur la Comédie * & contre les Drames bourgeois, à M. […] Fréron, ces mêmes hommes qui prêchent la tolérance, ont eu plusieurs fois le crédit de faire arrêter ses Feuilles, d’obtenir des ordres contre la liberté, de le jouer en plein Théatre, en le couvrant du masque d’un bas scélérat, que l’Auteur du Drame savoit ne pas lui convenir, & dont peut-être lui seul connoissoit le modele.

707. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre VI. Le Bovarysme essentiel de l’humanité »

Mais où le spectacle éclate dans son étrangeté, c’est précisément où la croyance à la liberté humaine semble entrer en composition avec la croyance contraire : à la place de ce défaut de liberté absolu, qui assimile tout homme à l’acteur récitant un drame conformément au texte, exécutant fidèlement les jeux de scène prescrits, et ne pouvant, par aucune intervention personnelle, modifier son personnage, la société, représentée par ses tribunaux, et l’individu, au for de sa conscience, ont imaginé des distinctions et des nuances. […] En sorte que la suite des mensonges que l’on vient de décrire s’achève ou plutôt prend sa source en cette fiction originelle d’un instinct spectateur qui se croit l’auteur et l’acteur unique d’un drame à cent personnages auquel il assiste.

708. (1868) Curiosités esthétiques « IV. Exposition universelle 1855 — Beaux-arts » pp. 211-244

L’Atala de Girodet est, quoi qu’en pensent certains farceurs qui seront tout à l’heure bien vieux, un drame de beaucoup supérieur à une foule de fadaises modernes innommables. […] Car nul, après Shakspeare, n’excelle comme Delacroix à fondre dans une unité mystérieuse le drame et la rêverie.

709. (1874) Premiers lundis. Tome II « Thomas Jefferson. Mélanges politiques et philosophiques, extraits de ses Mémoires et de sa correspondance, avec une introduction par M. Conseil — II »

En 1823, octogénaire, écrivant au général La Fayette avec un poignet perclus, il lui exprime cette forte pensée : « Des alliances saintes ou infernales, dit-il, peuvent se former et retarder l’époque de la délivrance ; elles peuvent gonfler les ruisseaux de sang qui doivent encore couler ; mais leur chute doit terminer ce drame, et laisser au genre humain le droit de se gouverner lui-même. » Comme nous ne voulons rien céler de l’opinion de l’illustre vieillard, et que son autorité ne saurait jamais avoir d’effet accablant pour nous, nous transcrirons ce qu’il ajoute : « Je doutais, vous le savez, dans le temps où je vivais avec vous, si l’état de la société en Europe comportait un gouvernement républicain, et j’en doute encore.

710. (1874) Premiers lundis. Tome II « Quinze ans de haute police sous Napoléon. Témoignages historiques, par M. Desmarest, chef de cette partie pendant tout le Consulat et l’Empire »

Dans un temps où nous sommes affligés de la plaie des Mémoires, où le vrai et le faux, l’authentique et l’apocryphe, se confondent de plus en plus et deviennent presque impossibles à discerner ; quand le moindre contemporain et témoin du drame impérial s’autorise de quelques souvenirs, qui tiendraient en peu de pages, pour recommencer la chronique générale et desserrer volume sur volume ; il est précieux de trouver un homme qui a vu longtemps et de près, qui a manié et surveillé les plus secrets ressorts, et qui raconte avec sobriété les seules portions dont il se juge bien instruit.

711. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre I. Influence de la Révolution sur la littérature »

Je ne sais pas de lecture plus poignante que les lettres écrites de la prison du Luxembourg : ni romancier, ni poète n’ont jamais noté plus minutieusement, plus énergiquement toutes les convulsions, les tumultueuses angoisses, imprécations, effusions, affectations de courage, espérances folles, forcenés désespoirs, révoltes de tout l’être contre le néant entrevu, tout ce qui compose le terrible drame des derniers jours d’un condamné.

712. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XI. Trois bons médanistes : Henry Céard, Joris-Karl Huysmans, Lucien Descaves » pp. 145-156

Tel est le point de vue original de cet écrivain, tel que chacun peut le vérifier dans son œuvre : dans ses chroniques et ses critiques ; dans ses romans : Mal éclos, histoire d’un répétiteur, — Une belle journée, poème des adultères ratés, roman en trois cents pages dont l’action dure six heures, petit chef-d’œuvre de psychologie bourgeoise, — la Saignée, intéressante évocation des laideurs secondaires du Siège de Paris ; dans son théâtre : mise en drame de Renée Mauperin, — La Pêche, une ironique pochade, — Les Résignés, sa maîtresse œuvre, d’une valeur suprascénique, un oratorio philosophique.

713. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Conclusions » pp. 169-178

Cyrano prouve si peu une disposition du public à mordre au lyrisme, que les autres drames de Rostand qui sont loin de lui être inférieurs n’ont obtenu que des succès contestés.

714. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre III. Soubrettes et bonnes à tout faire »

Sachez que, dans le manuscrit d’Hernani, « Victor Hugo a donné à ses actes non pas un numéro mais une lettre spéciale : a, b, c, d, et e. » Apprenez encore que, le titre de ce drame est tracé « en grandes lettres figurant l’imprimerie et séparées les unes des autres » tandis que « le titre de Marion de Lorme est écrit en lettres anglaises ».

715. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Corneille, et le cardinal de Richelieu. » pp. 237-252

Il eut la politique de mettre ce poëte au nombre des cinq qu’il faisoit travailler à des drames sur ses idées & sur ses plans, distribuant à chacun un acte, & finissant, par ce moyen, une pièce en moins d’un mois.

716. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Deltuf » pp. 203-214

Deltuf ne ressemblent pas à La Vieille fille de Balzac, qui est purement et profondément comique, éclairant de son comique un drame sombre.

717. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre VIII. De Platon considéré comme panégyriste de Socrate. »

On peut donc regarder tous les dialogues de Platon ensemble comme une espèce de drame composé en l’honneur de son maître.

718. (1900) La vie et les livres. Cinquième série pp. 1-352

Alexandre Dumas père dédiait à Victor Hugo un drame, intitulé la Conscience. […] Mocquard composait des drames en collaboration avec d’Ennery et Victor Séjour. […] La profession qui consiste à disserter sur les écrits des autres ne doit pas être le pis-aller de ceux qui ne peuvent faire ni des romans, ni des odes, ni des drames. […] Il était aussi trop expert aux péripéties dramatiques pour ne pas discerner ce qu’il y avait de poignant dans le drame réel qui se jouait sous ses yeux. […] Lisez, dans cet admirable poème (décidément impossible à résumer), lisez comment Ramuntcho essaya de lutter contre sa destinée et comment il fut vaincu… La scène de la rencontre, dans le couvent, est un des drames les plus magnifiques et les plus poignants que je connaisse.

719. (1926) La poésie de Stéphane Mallarmé. Étude littéraire

Dites si artifice, préparé mieux et à beaucoup, égalitaire que cette communion, d’abord esthétique, en le héros du Drame divin.

720. (1778) De la littérature et des littérateurs suivi d’un Nouvel examen sur la tragédie françoise pp. -158

Un Poëme, un Drame, un Roman qui peint vivement la vertu, modèle le Lecteur, sans qu’il s’en apperçoive, sur les personnages vertueux qui agissent ; ils intéressent, & l’Auteur a persuadé la morale sans en parler. […] Que, dans une Tragédie, le Poëte fasse peur aux Tyrans(39) ; que, dans un Drame, il intéresse tous les citoyens par des situations qui se rapprochent d’eux ; que, dans une Comédie, il saisisse & immole les ridicules qui fatiguent la société, mais sans bouffonnerie & surtout sans indécence. […] Il faut remarquer que Shakespear est encore dans ce point un parfait modèle des beautés qui sont de l’essence du Drame. […] Que le lecteur le médite avec réflexion ; qu’il compare les Drames de ce Souverain génie avec nos meilleures Tragédies-Françoise, il appercevra combien ce servile esprit d’imitation a égaré le talent ; & si, après cette lecture & cette comparaison, il n’est pas de notre avis nous lui dirons : Quid prodest gregis illius sementia ? […] Jamais d’action accessoire, point de personnages secondaires, si utiles chez les Anglois, à la marche & à la chaleur du Drame ; tout au plus de plats & insipides confidents, dont les rôles sont si mal faits, qu’on ne trouve, pour les remplir, que des Acteurs subalternes, dont le jeu jette du burlesque, sur la scène la plus vigoureuse & la plus intéressante.

721. (1886) Le roman russe pp. -351

» Il faut ajouter aux malchances de l’histoire celles de la terre et du climat où se déroule le drame russe. […] Pouchkine ne se méprend pas sur son œuvre ; il a fait un drame shakespearien sur un sujet moscovite. […] Les faiseurs d’élégies et de ballades se tournèrent vers le drame historique, vers les côtés pittoresques de la vie populaire. […] De tout cela, le romantisme n’a cure ; il gémit et décrit ; il ne légifère que sur l’émancipation du style et sur la constitution du drame. […] L’odieux l’emporte, il n’est pas sauvé par la légèreté de main et la bienséance élégante qui empêchent le Tartuffe d’être le plus noir des drames.

722. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Conclusion » pp. 355-370

Quand vous avez écrit, comme philosophe hégélien, une Méditation sur le drame comique, vos premières et vos dernières lignes ont clairement eu pour but de rassurer sur le compte de votre orthodoxie nos esprits qui prenaient l’alarme ; ce but, elles l’ont atteint, bien qu’assez gauchement, à l’aide de quelques phrases d’ironie qui, sans transition, ont précédé toute une exposition sérieuse, puis d’autres qui lui ont succédé — sans transition.

723. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’Âge héroïque du Symbolisme » pp. 5-17

Madame la Mort, drame cérébral en trois tableaux en prose de Rachilde. — VI.

724. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Préface. de. la premiere édition. » pp. 1-22

N’est-ce pas elle qui a introduit parmi nous ces Drames langoureux qui ne sont propres qu’à assoupir la Nation, & à bannir la bonne Comédie de notre Théatre ?

725. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Japonisme » pp. 261-283

Oui, vraiment, cette écritoire, ce petit objet de la vie usuelle, a été fabriqué par un vassal du prince Akao, par un de ces quarante-sept héros qui se vouèrent à la mort pour venger leur seigneur et maître, par un de ces hommes dont la mémoire est devenue une sorte de religion au Japon, en ce pays, adorateur du sublime, et qui, au dire d’Hayashi, n’accueille et n’aime de toute notre littérature européenne que les drames de Shakespeare et la tragédie du CID, de Corneille.

726. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Marie-Antoinette » pp. 171-184

Il s’agissait de ce sublime de grandeur morale, de pathétique et de beauté, qui, dans le drame de l’Histoire, a précisément commencé par ce joli inconnu à Corneille, — le charme et la grâce de la vie !

727. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XII. Marie-Antoinette, par MM. Jules et Edmond de Goncourt » pp. 283-295

Il s’agissait de ce sublime de grandeur morale, de pathétique et de beauté, qui, dans le drame de l’histoire, a précisément commencé par ce joli, inconnu à Corneille, — le charme et la grâce de la vie !

728. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « W.-H. Prescott » pp. 135-148

le grand Goethe, l’auteur du Comte d’Egmont, pour avoir, dans ce drame, créé une maîtresse comme Clara, quand il avait, tout fait, dans l’Histoire, un type d’épouse comme Sabine.

729. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Maurice Bouchor »

Anglais de mœurs poétiques, Maurice Bouchor est un shakespearien d’une telle préoccupation qu’il a coupé son poème en vers par des couplets en prose, comme le fait quelquefois Shakespeare dans ses drames, ce que j’ose blâmer, même en Shakespeare ; car ce que je respecte plus encore que Shakespeare lui-même, c’est la beauté dans les œuvres et leur unité, sans laquelle la beauté n’est pas !

730. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pécontal. Volberg, poème. — Légendes et Ballades. »

Dans ce poème dont il est facile de constater la faiblesse d’invention et de drame, et où l’homme seulement se promet, il y a un chant intitulé « L’Église », entièrement lyrique de mouvement et de rythme, et dont la simplicité est divine.

731. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Duranty » pp. 228-238

Du reste, voulez-vous pénétrer d’un mot dans le monde de ce livre par sa seule donnée, qui est la donnée de la plupart des comédies, des vaudevilles et des drames qui se jouent à la superficie de nos théâtres et de nos mœurs ?

732. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre V. »

À Pindare seul devait appartenir de faire de son dialecte thébain la langue de la poésie lyrique, comme le théâtre et la tribune d’Athènes feraient de leur dialecte la langue du drame et de l’éloquence.

733. (1902) Propos littéraires. Première série

“On peut donc vivre sans amour les drames les plus violents de l’amour ! […] Drames terribles des grandes âmes ! […] Ce drame ne laisse pas d’être puissant. C’est le drame de la jalousie dans l’amitié. […] les Slaves font surtout du drame historique, à la Shakespeare ; les Allemands font surtout du drame sociologique ; Ibsen fait du drame psychologique tout mêlé de philosophie, de morale novatrice, de problèmes physiologiques.

734. (1930) Le roman français pp. 1-197

Non seulement le drame ne doit pas contenir d’éléments comiques, ni la comédie d’éléments tragiques, mais il y a des genres « nobles », qui sont les vrais, et des genres « vulgaires », qui ne sont pas de la littérature. […] André Cornélis ne lui avait paru qu’une tentative ingénieuse, quoique un peu lourde, pour réintégrer la psychologie dans un drame criminel. […] Cette crise psychologique qui jetait Greslou jusqu’au drame, à un quasi-assassinat, à la cour d’assises, c’était celle que traversait toute la jeunesse d’alors. […] » Cette critique porte moindrement sur Le Démon de midi, qui est un beau drame psychologique. […] Il verrait là un de ces drames de la lutte entre la vie et la mort qui lui étaient chers.

735. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Alfred de Vigny. »

Dans Dolorida, dans cette scène à l’espagnole d’une épouse amante qui se venge et qui verse à son infidèle un poison sûr dont elle s’est réservé le reste pour elle-même, la forme si dramatique est pourtant bien cherchée, bien compliquée, et le dernier vers, qui est tout un drame, a été préparé avec un art infini, mais un peu prétentieux. […] On n’a qu’à lire, si l’on en doutait, la préface qu’il mit au drame de Chatterton, et qui a pour titre : Dernière nuit de travail. — Du 29 au 30 juin 1834. […] Aujourd’hui les choses ont changé de point de vue : les deux acteurs du drame académique ont disparu de la scène du monde.

736. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIe entretien. Balzac et ses œuvres (1re partie) » pp. 273-352

Un Drame au bord de la mer, la Duchesse de Langeais, la Fille aux yeux d’or, le Père Goriot, la Recherche de l’absolu. […] Le drame historique exige de grands effets de scène que je ne connais pas et qu’on ne trouve peut-être que sur place, avec des acteurs intelligents. […] Il écrivit deux drames : Vautrin et Mercadet.

737. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Le Comte Léon Tolstoï »

Dans cette œuvre poursuivie et dilatée au mépris de toutes les convenances du lecteur, anarchique de toutes ses parties, déréglée, informe, grise et vaste comme une nuée, éclate en toute sa force, en ce qui le constitue et le détermine, le génie primordial de Tolstoï : un énorme et montant flux de vie, un large embrassement de tous les êtres, confondant les imaginaires et les historiques, amalgamant en un effort unique, lent et simple, les accidents humains de tout un temps et les grandes catastrophes connues qui roulèrent sur cet humble fond, animant les chœurs de ce grand drame, leurs chefs et la masse obscure de ses victimes et de ses témoins, ce roman est un livre d’humanité, de nombre, de pâle épanouissement dense de vie. […] Dans ce vaste drame, la vie même est jouée ; les spectateurs sont de la pièce ; ils ne sortent pas d’eux-mêmes, mais, pris à la magie de cet art, s’abandonnent à la belle et facile occasion de poursuivre leur existence quotidienne dans le fictif, dans un lieu sans peines, sans dégradants soucis de soi-même, mais baigné d’une atmosphère de rêve et de brume immense, complexe, obscur, fragmentaire, vaste, noire, et si immédiatement connu d’une vue si proche, que le lecteur s’y perd et s’y trouve comme un passant dans le large miroir des eaux profondes ou stagnent le ciel, le site et lui-même qui reconnaît son ombre dans la leur. […] Que l’on grandisse ces facultés au point où leur manifestation devient impérieuse, que l’on y accole les qualités d’élocution et d’arrangement juste nécessaires pour composer des œuvres littéraires de forme médiocre, que l’on fasse prédominer la connaissance, le rappel, l’imagination des personnes, sur celles des actes purs, des drames, des histoires, l’on aura énuméré les causes générales dernières des œuvres de Tolstoï, de leur contenu réaliste, de leur étendue, de leur valeur plus psychologique que dramatique, et la force de ces dons sera mesurée à la grandeur de leur manifestation, à la puissance d’illusion de l’œuvre à la sympathie, au saisissement, à l’attraction qui s’en dégagent.

738. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIe entretien » pp. 5-85

Historien trop parlementaire, selon moi, Macaulay, semblable en cela à l’école dogmatique de la France, discute plus qu’il ne raconte, et instruit plus qu’il n’émeut ; il fait des systèmes dans l’histoire, au lieu de faire des drames ; il s’adresse à l’esprit plus qu’au cœur ; il veut prouver au lieu de témoigner. […] L’Angleterre est digne d’avoir un jour son Shakespeare dans l’histoire comme elle l’a eu dans le drame. […] Attendons, pour le dire, le poème épique de la raison humaine et le drame de la vérité qui se préparent à naître dans ce nouveau monde.

739. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIe entretien. Boileau » pp. 241-326

L’Inde a la supériorité dans la théosophie, cette disposition mystique admirable et sainte qui voit la Divinité avec évidence dans toute la nature, qui fait de toute la nature un miroir de cette Divinité, et qui contemple avec ravissement dans ce miroir le drame divin et humain de la création. […] De tout ce que la Grèce touche, divinité, philosophie, politique, poésie, musique, drame, histoire, architecture, marbre, pierre, pinceau, elle fait un art accompli. […] La morale y est éloquente comme le drame.

740. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIe entretien. Littérature italienne. Dante. » pp. 329-408

Dans les fêtes sacrées, ou même profanes, on donnait aux peuples de l’Italie, au lieu de courses olympiques ou de combats du cirque, des drames de théologie chrétienne. Là les âmes, les démons, les anges, les vierges, les saints, les damnés, les trois personnes de la Divinité elles-mêmes, jouaient des rôles d’acteur dans le drame théogonique de ces mondes surnaturels. […] Chaque scène de ce drame sacré était empruntée à la terre ou aux autres planètes de l’espace, et les décorations poétiques changeaient ainsi, au gré du poète, comme l’époque, les événements, les personnages.

741. (1857) Cours familier de littérature. IV « XIXe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset (suite) » pp. 1-80

Le rideau tombe sur deux cadavres et la moralité est digne du drame. […] C’est un poème dialogué plus qu’un drame. […] La Coupe et les lèvres, drame écrit après le poème du Saule, est une profession de scepticisme dans son début, une imitation très savante, mais trop servile du Manfred, de lord Byron, dans les scènes.

742. (1863) Causeries parisiennes. Première série pp. -419

Toute cette aventure est racontée avec une simplicité parfaite qui en fait un petit drame très émouvant. […] Je ne fais pas allusion à l’avantage qu’il peut y avoir pour le public à étudier dans tous leurs détails ces drames sanglants ou ignobles, car il me paraît fort douteux. […] Les livres d’histoire, aussi, ne me paraissent tout à fait complets qu’accompagnés de portraits authentiques des acteurs dans les grands drames qui y sont racontés. […] Ainsi, dans le drame du Courrier de Lyon, les auteurs, pour expliquer la catastrophe, ont dû inventer des circonstances qui en diminuent l’étrangeté, et par là même l’horreur. […] Connaissez-vous beaucoup de drames, anciens ou modernes, où la fatalité ait joué un plus grand rôle ?

743. (1927) Approximations. Deuxième série

L’ambition du drame le déserte, — de ce Charles Ier pour lequel il s’était proposé Le Roi Lear comme modèle idéal. […] Je n’en fais pas grand cas ; Les Cenci m’ont coûté moins de mal qu’aucune autre œuvre d’égale étendue », Ainsi s’exprimait-il sur le compte du seul drame anglais moderne qui se puisse mettre en regard des drames élizabéthains. […] Le drame de la sensibilité métaphysique, c’est que — le veuillent-ils ou non — pour ceux qui en sont doués, le présent ne saurait jamais être qu’un moyen81. […] » Or la forme du Camarade infidèle est une forme où le « drame » domine, et où la part faite au « tableau » se ramène presque à ces indications scéniques telles que les transforma Bernard Shaw, telles aussi que nous les retrouvons dans Jean Barois. […] « Et, pourtant, son âme a été tentée par son génie… », dit Barrès en une de ses intuitions toujours si sûres des drames de la sensibilité intellectuelle ; et il ajoute : « Ah !

744. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Diderot »

Sans doute sa théorie du drame n’a guère de valeur que comme démenti donné au convenu, au faux goût, à l’éternelle mythologie de l’époque, comme rappel à la vérité des mœurs, à la réalité des sentiments, à l’observation de la nature ; il échoua dès qu’il voulut pratiquer. Sans doute l’idée de morale le préoccupa outre mesure ; il y subordonna le reste, et en général, dans toute son esthétique, il méconnut les limites, les ressources propres et la circonscription des beaux-arts ; il concevait trop le drame en moraliste, la statuaire et la peinture en littérateur ; le style essentiel, l’exécution mystérieuse, la touche sacrée, ce je ne sais quoi d’accompli, d’achevé, qui est à la fois l’indispensable, ce sine qua non de confection dans chaque œuvre d’art pour qu’elle parvienne à l’adresse de la postérité, — sans doute ce coin précieux lui a échappé souvent ; il a tâtonné alentour, et n’y a pas toujours posé le doigt avec justesse ; Falconnet et Sedaine lui ont causé de ces éblouissements d’enthousiasme que nous ne pouvons lui passer que pour Térence, pour Richardson et pour Greuze : voilà les défauts.

745. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVe entretien. Chateaubriand, (suite) »

Le drame de Moïse, par Chateaubriand, ne fut qu’une imitation impuissante de Racine ; il fit admirer, comme le paon, les découpures et les couleurs savantes de ses ailes, mais il ne s’en servit pas. […] Je me souviens d’un passage de lui, moitié plaisant, moitié sérieux, dans une de ses lettres à Condorcet, à propos du drame en prose qu’il avait en mépris, et dont Diderot le menaçait : « Quant aux barbares qui veulent des tragédies en prose, dit-il à Condorcet, ils en méritent : qu’on leur en donne, à ces pauvres Welches, comme on donne des chardons aux ânes !

746. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre septième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie. »

A l’infini, dans les cieux en apparence immobiles, se passent des drames analogues au drame de la vie sur la surface de notre globe.

747. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Octave Feuillet »

L’idée de ses romans ou de ses drames a été quelquefois ingénieuse ; géniale, jamais ! […] Drame, roman, comédie, ils ne sont pas ce qu’ils pourraient être, ils ne sont que des idées, heureuses parfois, qui ont toujours du malheur à l’exécution.

748. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIII. »

De tant de tragédies, il ne s’est conservé que quatre vers des Pélopides, où se rencontre une forte et mélancolique image : « Les infortunés144, quand la mort est loin, l’appellent de leurs vœux ; mais, lorsque vient sur nous le dernier flot de la vie, nous souhaitons de vivre : on n’a jamais satiété de la vie. » Que si, d’après la seule œuvre de ce poëte qui lui ait survécu, on augure mal de son génie ; si la subtile et bizarre emphase du poëme d’Alexandra ne permet de lui attribuer, ni la libre éloquence nécessaire au drame, ni la splendeur lyrique, n’oublions pas cependant qu’il fut, pour les contemporains, l’égal d’Apollonius de Rhodes, d’Aratus et de Théocrite, formant avec eux et d’autres plus obscurs la pléiade poétique du ciel alexandrin. […] Ainsi paraissent dans le drame sacré l’époux, l’épouse, le chœur des compagnes, ou de toutes autres jeunes filles de Jérusalem et des autres contrées. » On conçoit que, parmi les traditions de la poésie hébraïque divulguées en langue grecque, ce chant gracieux, dont la lecture était défendue à la jeunesse israélite, ait attiré surtout la curiosité des païens charmés de ces voluptueuses images, et bien éloignés d’y voir le sens mystique et les allusions pieuses qu’on y a cherchés plus tard.

749. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXI. »

« Ce cirque démoli, jadis offrande sacrilège à des dieux qu’insultent quelques herbes sauvages, représente, théâtre tragique ouvert au drame du temps, quelle fut autrefois sa propre splendeur, et quelle est sa ruine. […] Ces tons élevés et purs, rencontrés par Malherbe, allaient susciter d’autres accents pareils ; Racan, Maynard et d’autres oubliés aujourd’hui trouvaient çà et là, dans quelques vers, la douceur et la majesté du mode lyrique, et cette mélodie, cette voix émue de l’âme solitaire, qui, moins naturelle au dix-septième siècle que l’éloquence du drame, devait cependant s’y mêler, pour jeter parfois sur cette éloquence d’admirables éclairs.

750. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Valentine (1832) »

Quelque saillant en effet que fût ce mérite sous le rapport de l’exécution et du drame, il semblait facile à la critique (la critique aujourd’hui s’étant raffinée à proportion du reste) de discerner dans Indiana la portion des souvenirs et celle de l’invention, de conjecturer jusqu’à quelle page l’auteur était allé avec sa part d’émotions propres et de confidences plus ou moins déguisées.

751. (1874) Premiers lundis. Tome I « Espoir et vœu du mouvement littéraire et poétique après la Révolution de 1830. »

La mission, l’œuvre de l’art aujourd’hui, c’est vraiment l’épopée humaine ; c’est de traduire sous mille formes, et dans le drame, et dans l’ode, et dans le roman, et dans l’élégie, — oui, même dans l’élégie redevenue solennelle et primitive au milieu de ses propres et personnelles émotions, — c’est de réfléchir et de rayonner sans cesse en mille couleurs le sentiment de l’humanité progressive, de la retrouver telle déjà, dans sa lenteur, au fond des spectacles philosophiques du passé, de l’atteindre et de la suivre à travers les âges, de l’encadrer avec ses passions dans une nature harmonique et animée, de lui donner pour dôme un ciel souverain, vaste, intelligent, où la lumière s’aperçoive toujours dans les intervalles des ombres.

752. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre III. Du récit des faits. — Antécédents et conséquents. — Causes et effets »

Nos tragédies classiques — je parle des chefs-d’œuvre — ne présentent guère que des séries de causes et d’effets, qui sont à leur tour des causes, qui enfin aboutissent à un acte nécessaire, par où le drame est conclu.

753. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXII. Machinations des ennemis de Jésus. »

Hanan fut l’acteur principal dans ce drame terrible, et bien plus que Caïphe, bien plus que Pilate, il aurait dû porter le poids des malédictions de l’humanité.

754. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — La synthèse »

Ainsi de toute œuvre d’art, statue, temple, drame, livre didactique ou lyrique.

755. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La révocation de l’Édit de Nantes »

Il ne s’est pas demandé si cette manière de traiter l’histoire ne conduisait pas aux nomenclatures et aux sécheresses des statistiques, et si l’ennui ne naîtrait pas de tous ces noms propres qu’il tire pour la première fois de leur oubli et de leur silence, et qui ne sont, après tout, que ceux de beaucoup de comparses dans ce drame éparpillé de l’exil.

756. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Valmiki »

Le Ramayâna n’a ni action, ni drame, ni individualité, ni génération d’événements, ni rien enfin de ce qui constitue, chez les peuples qui possèdent la notion de l’ordre et de la liberté, une épopée.

757. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Mgr Rudesindo Salvado »

Ni poème inédit de Goethe ou de Byron, ni drame perdu et retrouvé de Calderon ou de Shakespeare, ni roman, ni histoire, ciselés par les maîtres de l’observation et de l’analyse, ni chefs-d’œuvre quelconques, ne sauraient, selon nous, lutter en intérêt et en importance avec ce modeste livre écrit par un moine, traduit par un prêtre, et dans lequel se joue un souffle qui n’est ni le talent ni le génie de l’homme, et qu’il faut bien appeler la force de Dieu pour y comprendre quelque chose !

758. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Charles Baudelaire. Les Fleurs du mal. »

Son livre actuel est un drame anonyme dont il est l’auteur universel, et voilà pourquoi il ne chicane ni avec l’horreur, ni avec le dégoût, ni avec rien de ce que peut produire de hideux la nature humaine corrompue.

759. (1880) Une maladie morale : le mal du siècle pp. 7-419

Il nous reste à parler en quelques mots d’un drame de Gœthe publié en 1790, mais composé un peu avant cette date, et qui appartient à la même inspiration que Werther, sa pièce de Torquato Tasso. […] Cet écrit est une sorte de drame en prose, divisé en trois journées avec des intermèdes poétiques d’un caractère mélancolique. […] » Dédié aux mânes d’un suicidé, ce drame est sinon la glorification, au moins la défense du suicide. […] Au début, dirai-je de ce poème ou de ce drame ? […] De la fenêtre d’une chambre qui faisait face au cachot, sa mère qui l’allaitait le montrait de loin au prisonnier et déjà il jouait un rôle, à son insu, dans ce lugubre drame.

760. (1929) Les livres du Temps. Deuxième série pp. 2-509

Ce n’est point un drame au sens courant du terme, ni même une série de cinq drames à proprement parler. […] Tel est le dénouement pessimiste de ce drame national. […] Cressida n’est pas un drame, mais une suite de scènes, interrompues par quelques récits ou parabases. […] André Gide a écrit aussi des drames : Saül, le Roi Candaule, etc… Ne pouvant être complet, je terminerai en vous recommandant particulièrement ses deux volumes de critique : Prétextes et Nouveaux prétextes. […] Bethsabé, autre petit drame, nous ramène à la poésie de la Bible, dont M. 

761. (1925) Les écrivains. Première série (1884-1894)

Les trois unités de la tragédie classique s’évanouissent, le drame shakespearien, ardent, sublime, renaît. […] On va encore, très peu il est vrai, à ses drames, repris tous les deux ou trois ans. […] La Princesse Maleine est un drame écrit, ainsi que le déclare l’auteur, pour un théâtre de fantoches. Raconter ce drame dans ses détails ? […] Je me contenterai de reproduire la dernière scène qui donnera une idée de ce qu’est ce drame en son entier.

762. (1888) Portraits de maîtres

Ce beau drame, éloquent et pathétique, reprendra faveur quand l’Idéalisme aura sa revanche si désirable pour l’esprit français. […] Mais le chef-d’œuvre d’Alfred de Vigny reste Chatterton, un des drames les plus poignants et les plus délicats de ce temps. […] Mais les Burgraves ne sont-ils pas de l’épopée en même temps que du drame ? […] Welf, castellan d’Osbor, tout un drame en quelques scènes, nous rend, après les Burgraves, l’épopée dialoguée. […] La même grandeur, dépassant l’ode et le drame, ne marque-t-elle point certaines situations de Torquemada ?

763. (1925) Comment on devient écrivain

Si vous voulez vous l’attacher, racontez-lui des histoires comme à un enfant, charpentez solidement votre drame, corsez vos intrigues. […] Trop de description éloigne le public, qui demande avant tout le drame et la vie. […] Tour à tour terroriste, royaliste, peuple, il se mêle au drame, on entend ses cris, on voit ses gestes. […] Le lendemain, il eut à suivre un drame passionnel. […] Pendant sept ans je fis des vers, je fis des contes, je fis des nouvelles, je fis même un drame détestable.

764. (1825) Racine et Shaskpeare, n° II pp. -103

De la censure Tous les poètes comiques à qui l’on dit faites, s’écrient : Dès que nous présentons dans nos drames des détails vrais, la censure nous arrête tout court ; voyez les coups de canne donnés au roi qui n’ont pas pu passer dans le Cid d’Andalousie. […] Il faudrait un directeur assez riche pour acheter l’opinion littéraire du Constitutionnel et de deux ou trois petits journaux ; jusque-là, auquel de nos théâtres conseilleriez-vous de monter un drame romantique en cinq actes et en prose intitulé la Mort du duc de Guise à Blois, ou Jeanne d’Arc et les Anglais, ou Clovis et les évêques ? […] Pour faire des drames romantiques (adaptés aux besoins de l’époque), il faut donc s’écarter beaucoup de la manière de Shakspeare, et par exemple ne pas tomber dans la tirade chez un peuple qui saisit tout à demi-mot et à ravir, tandis qu’il fallait expliquer les choses longuement et par beaucoup d’images fortes aux Anglais de l’an 1600. […] La première condition du drame, c’est que l’action se passe dans une salle dont un des murs a été enlevé par la baguette magique de Melpomène, et remplace par le parterre.

765. (1907) Le romantisme français. Essai sur la révolution dans les sentiments et dans les idées au XIXe siècle

Le débat de son être devient le drame de l’humanité. […] Ce sujet fut l’unique sujet de ses poèmes, de ses drames et de ses romans. […] Désordre et Génieal est le sous-titre d’un drame romantique. […] Ses aventures deviennent le drame de la malice humaine et de la perversité sociale ; ses attendrissements, de sublimes inspirations de la vertu. […] L’emphase au théatre Si nous avons défini avec exactitude la composition des caractères dans le drame romantique, ce drame ne peut être que de la basse comédie ou du mélodrame déguisés.

766. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Note »

Si nous en valons la peine, on nous nomme, on nous caractérise en deux mots, et voilà la page de notre vie dans un siècle. » Dans les temps d’orage, au contraire, « dans ces drames désordonnés et sanglants qui se remuent à la chute ou à la régénération des empires, quand l’ordre ancien s’est écroulé et que l’ordre nouveau n’est pas encore enfanté, dans ces sublimes et affreux interrègnes de la raison et du droit,… tout change ; la scène est envahie, les hommes ne sont plus des acteurs, ils sont des hommes… Tout a son règne, son influence, son jour ; l’un tombe, parce qu’il porte l’autre ; nul n’est à sa place, ou du moins nul n’y demeure ; le même homme, soulevé par l’instabilité du flot populaire, aborde tour à tour les situations les plus diverses, les emplois les plus opposés ; la fortune se joue des talents comme des caractères ; il faut des harangues pour la place publique, des plans pour le Conseil, des hymnes pour les triomphes… On cherche un homme !

767. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre II. — De la poésie comique. Pensées d’un humoriste ou Mosaïque extraite de la Poétique de Jean-Paul » pp. 97-110

Le démolisseur humoriste doit savoir danser sur la tête au milieu des ruines qu’il entasse ; il doit savoir rêver eu pleine veille, tournoyer à jeun comme s’il était ivre, paraître toujours pris de vertige, écrire en tenant sa plume à l’envers, effacer à mesure chaque trait de son dessin sous l’enchevêtrement des arabesques, jeter la préface au milieu, les réflexions dans le drame, les bêtises dans les réflexions, et l’épilogue avant le titre ; il doit unir Héraclite et Démocrite, et faire le Solon eu démence, pour pouvoir dire au monde la vérité qui rebute, quand elle est servie seule, mais qui s’avale avec le reste dans une olla-putrida 149.

768. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XV. Les jeunes maîtres du roman : Paul Hervieu, Alfred Capus, Jules Renard » pp. 181-195

Peints par eux-mêmes est une comédie qui s’achève en drame.

769. (1889) La critique scientifique. Revue philosophique pp. 83-89

vii de mon livre, la Morale dans le drame, dont la 2e édition est sous presse.

770. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Chamfort »

Les romans de madame Sand, qui ont versé depuis vingt années tant de flots de mépris sur l’institution du mariage, les drames dans lesquels l’illégitimité de la naissance est une poésie de plus sur le front des héros, depuis l’Antony, de Dumas père, jusqu’au Fils naturel, de Dumas fils, ont troublé si bien les têtes qu’ils les ont tournées, et que l’orgueil individuel et solitaire n’a jamais plus été qu’à cette heure « le roi insensé qui s’aveugle avec son diadème sur les yeux ».

771. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Louis XIV. Quinze ans de règne »

Drames, romans, comédies, anecdotes, biographies, et jusqu’aux modes (si souvent le mensonge des mœurs), tout n’a-t-il pas été et n’est-il pas encore rempli des souvenirs et des reflets de cet éternel xviiie  siècle ?

772. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Histoire de la Révolution »

ni à faire flamber au-dessus du drame de l’histoire cette grande illusion de moralité dont il ne sourit même pas, car les mécaniques ne sourient pas, et il est une mécanique historique.

773. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes de la Révolution » pp. 73-87

en spiritualité révolutionnaire ; c’est le peuple qui est le vrai chef dans cette terrible campagne contre les principes éternels des sociétés et contre Dieu ; c’est le peuple qui est le grand, et, de fait, l’unique acteur de ce vaste drame, le bourreau masqué de sa masse même, comme le bourreau de Whitehall l’est de son voile noir !

774. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Th. Carlyle » pp. 243-258

Il s’en fait l’acteur par la pensée, ou du moins le chœur qui épousait l’action même et la vivait dans le drame antique, et cela communique à son récit un accent très particulier, qui n’est pas la particularité d’un faiseur de Mémoires qui raconterait simplement sa vie, et qui donne au sien une passion que n’a pas ordinairement l’Histoire.

775. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « G.-A. Lawrence »

Les deux femmes qui créent, par l’antagonisme de leurs sentiments, le drame de son livre, il en a monté les qualités et les défauts jusqu’à cette note suraiguë qu’il appelle l’outrance, cette outrance que vous retrouvez jusque dans le dénoûment si peu attendu d’un pareil livre, où un colosse de l’énergie et de l’orgueil de Guy Livingstone finit par se transformer jusqu’à subir patiemment et sublimement le plus cruel outrage, sous l’empire des sentiments les plus nobles et les plus doux de la nature humaine : le respect de la parole donnée, le repentir et la fidélité dans l’amour.

776. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Byron »

… J’imagine qu’il serait peu flatté de la chose, et qu’il ressentirait une de ces superbes colères vert-pâle auxquelles il était sujet et comme il en eut une, par exemple, quand les directeurs de Drury-Lane firent le projet de jouer son Marino Faliero : « Je n’ai rien tant à cœur — écrivait-il alors de Ravenne à Murray (c’était en 1821) — que d’empêcher ce drame d’être joué. » Et cependant les directeurs de Drury-Lane ne travestissaient pas l’œuvre du poète ; ils voulaient seulement l’interpréter.

777. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Auguste Barbier »

Quoique le grand Corneille et le plus grand Shakespeare fussent de vigoureux travailleurs, qui se donnaient un mal infini pour tricoter leurs drames dans les conditions du Théâtre et des poétiques de leur temps, ils n’avaient point assez de métier, et quand Voltaire appelait Shakespeare barbare, c’était un reproche que le métier faisait au génie.

778. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Jean Richepin »

Madame André, qu’on pouvait imaginer un livre de passion dramatique à faire pâlir tous les drames connus, et d’événements d’une invention extraordinaire, n’est que l’histoire la plus moralement exemplaire, si elle n’est pas la plus vertueuse en tout, et l’analyse très fine et très poursuivie, poursuivie jusqu’aux imperceptibles, de la situation la plus vulgaire de ce siècle où il y a tant de choses vulgaires, — le concubinage libre, qui est en train de remplacer le mariage pour faire place au concubinage légal du divorce que nous donnera la République !

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