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1568. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rocher, Edmond (1873-1948) »

Rocher, Edmond (1873-1948) [Bibliographie] La Chanson des yeux verts (1897). — Les Édens (1898).

1569. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » p. 507

Le soleil n’est pas toujours à son midi, & ce ne sont pas les rêves d’Homere qu’on doit s’empresser d’offrir aux yeux du Lecteur.

1570. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » p. 325

On lui doit un Recueil précieux de Livres Chinois, & la premiere Traduction des principaux Ouvrages de Confucius, qu'il fit faire sous ses yeux, par un homme de cette Nation, qu'il attira à Paris dans cette vûe.

1571. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface et poème liminaire des « Contemplations » (1856-1859) — Un jour, je vis, debout au bord des flots mouvants (1859) »

Un jour je vis, debout au bord des flots mouvants, Passer, gonflant ses voiles, Un rapide navire enveloppé de vents, De vagues et d’étoiles ; Et j’entendis, penché sur l’abîme des cieux, Que l’autre abîme touche, Me parler à l’oreille une voix dont mes yeux Ne voyaient pas la bouche : — Poëte, tu fais bien !

1572. (1927) Quelques progrès dans l’étude du cœur humain (Freud et Proust)

Puis, dès qu’il était arrivé, sans qu’il s’en rendît compte, ses yeux brillaient d’une telle joie que M.  […] Et Swann aperçut, immobile en face de ce bonheur revécu, un malheureux qui lui fit pitié parce qu’il ne le reconnut pas tout de suite, si bien qu’il dut baisser les yeux pour qu’on ne vît pas qu’ils étaient pleins de larmes. […] Mais à peine eus-je touché le premier bouton de ma bottine, ma poitrine s’enfla, remplie d’une présence inconnue, divine, des sanglots me secouèrent, des larmes ruisselèrent de mes yeux. […] Puis, dès qu’il était arrivé, sans qu’il s’en rendît compte, ses yeux brillaient d’une telle joie que M.  […] Et Swann aperçut, immobile en face de ce bonheur revécu, un malheureux qui lui fit pitié parce qu’il ne le reconnut pas tout de suite, si bien qu’il dût baisser les yeux pour qu’on ne vît pas qu’ils étaient pleins de larmes.

1573. (1925) Comment on devient écrivain

Sentir des yeux ! Et sentir des yeux attendris ! […] J’ai sous les yeux les deux volumes des Mémoires de Gibbon. […] La matière est sous nos yeux : interrogeons-la, décomposons-la. […] « Votre nom est comme une huile qu’on a répandue… Mon bien-aimé est pour moi comme un bouquet de myrrhe… Vos yeux sont comme les yeux des colombes…, Bossuet traduit exactement : « Votre nom est un parfum répandu… Mon bien-aimé est pour moi un bouquet de myrrhe… Vous avez des yeux de colombe… » Le grand orateur ne recule jamais devant l’expression forte.

1574. (1809) Tableau de la littérature française au dix-huitième siècle

Mais il en est peut-être de plus fondamentales qu’on ne peut s’empêcher de regarder d’un œil d’effroi. […] Que de gouvernements, que de constitutions nous avions admirés et considérés comme des modèles, qu’il nous faut maintenant regarder d’un autre œil ! […] Mais comme il y a de la simplicité dans le récit, le lecteur est touché comme si la chose même se passait devant ses yeux. […] Rarement, aux yeux des autres, l’homme ose révéler les mystères de son âme, à moins qu’un mouvement passionné et involontaire ne l’y entraîne. […] On regarda les faits comme des preuves ; et l’important, aux yeux d’un historien, c’étaient ses opinions, et non pas ses récits.

1575. (1907) Propos de théâtre. Quatrième série

Leicester a cru s’apercevoir que la reine Elisabeth, s’il vous plaît, le voit d’un œil fort doux ; il le sait, il y songe, il ne peut pas s’empêcher d’y songer. […] Si bien qu’épouvantant un jour ses propres yeux, Sans avoir été jeune il s’éveillera vieux. […] Elle est un fait vrai, qui se vérifie et qui éclate périodiquement sous nos yeux. […] Ceux-ci sont grands à nos yeux de tout ce qu’ils ont donné et de tout ce qu’ils promettaient. […] Les yeux tournés vers la lumière orientale, Et rentrons au limon de la terre natale.

1576. (1887) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Troisième série pp. 1-326

ou voudra-t-il nous faire croire qu’on la puisse figurer plus aisément aux yeux ? […] L’inégalité des œuvres, on ne la conteste pas ; on ne le pourrait pas d’ailleurs, elle saute aux yeux. […] C’est encore un trait de ressemblance avec la réalité que Le Sage avait sous les yeux. […] S’ils étaient aveugles, ils n’auraient fait que m’entendre, ils m’auraient admiré, car je parlais d’or ; mais ils ont des yeux, ils m’ont vu, et ma mine a tout perdu ; ergo, si leurs yeux n’y voyaient goutte, leur jugement y verrait clair. […] Si d’ailleurs il eût pu s’y méprendre, les circonstances n’eussent pas tardé à lui ouvrir les yeux.

1577. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME GUIZOT (NEE PAULINE DE MEULAN) » pp. 214-248

Quand M. de La Rochefoucauld ne fut plus amoureux ni frondeur, il se surfit sans doute un peu la malice humaine, contre laquelle l’excitaient encore sa goutte et ses mauvais yeux Ceux qui l’ont pris d’abord de très-haut avec les choses, et qui ont été d’âpres stoïciens et des rêveurs sombres avant vingt-cinq ans, se rabattent, au contraire, en continuant de vivre, et deviennent plus indulgents, plus indifférents du moins. […] L’idée qu’il y aurait moyen de se servir de cet esprit un jour, pour subvenir à des gênes sacrées, dut mouiller à l’instant ses yeux de nobles larmes. […] Ses ouvrages sur l’éducation furent donc à ses yeux un acte d’amour et de devoir maternel ; dans la préface des Lettres de Famille, elle n’a pu se contenir sur ce cher intérêt, comme elle l’appelle. […] Ce fruit aride des années, Qu’à nos seules tempes fanées Un œil jaloux découvrirait ; Ce fond de misère et de cendre, Enfants, faut-il donc vous l’apprendre ? […] Ce que j’appelle transaction n’était à ses yeux que la vérité même dans son ménagement humain nécessaire, mais sur sa base inébranlable.

1578. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque. Deuxième partie. » pp. 225-303

« À ces mots, épouvanté, je le regardai en tremblant, et je crois que j’aurais perdu la parole s’il m’avait regardé le premier ; mais j’avais déjà jeté les yeux sur lui, au moment où sa colère éclata par ce discours. […] Il s’approprie l’espace, par la place qu’il y occupe et dont on ne peut le priver qu’en le tuant ; il s’approprie le temps, par la durée plus ou moins prolongée qu’il lui emprunte ; il s’approprie la lumière, par le regard, qui fait entrer tout ce qui est visible dans son âme à travers ses yeux ; il s’approprie les bruits, les sons, les paroles, les significations des paroles, par l’oreille ; il s’approprie l’air nécessaire à sa poitrine, par la respiration ; il s’approprie les fruits et les aliments de la terre indispensables à sa conservation, par la main et par la bouche ; et, quelle que soit l’étendue de ses possessions ou de ses domaines, il ne peut s’approprier réellement et corporellement en effet que la partie de ces éléments ou de ces aliments nécessaires à ses cinq sens : le surplus, sous une forme ou sous une autre, retourne aux autres hommes, qui ont le même droit de vivre que lui. […] Rousseau ce que nous n’oserions répéter ici ; nous voudrions seulement que tous les utopistes radicaux de nos jours eussent sans cesse sous les yeux le miroir des institutions sociales du disciple rhétoricien, mais non philosophe, de Socrate, pour y contempler, avec leur propre image, les monstruosités du sophisme substituant la métaphysique, qui est de l’homme, aux instincts de la nature, qui sont de Dieu ! […] Sa puissance indestructible, aux yeux d’un vrai philosophe, est précisément de savoir se changer. […] XXXIX Xénophon, disciple aussi, mais disciple plus sincère et plus littéral que Platon, parle de Socrate comme d’un philosophe aux yeux duquel les institutions sociales et politiques n’avaient qu’une importance très secondaire, et qui s’occupait infiniment plus d’améliorer les hommes que de les constituer.

1579. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Hugo, Victor (1802-1885) »

On le voit, rôdeur à l’œil dévorant, au sourcil visionnaire, comme Wordsworth a dit de Dante, tour à tour le long des grèves de l’Océan, dans les nefs désertes des églises au tomber du jour, ou gravissant les degrés des lugubres beffrois. […] Le mouvement créé par Victor Hugo se continue encore sous nos yeux. […] Daudet Tout ce que l’enfance a de larmes dans la clarté de ses yeux, de sourires dans la pureté de sa bouche entrouverte, Victor Hugo l’a exprimé, et dans une langue faite pour ce sujet exceptionnel, où son vaste élan se resserre, se maintient, arrive à la précaution d’une étreinte de grand-père, au respect attendri de je ne sais quel saint gigantesque soulevant l’enfant dans ses bras pour lui faire passer un ruisseau. […] Il est de la race, désormais éteinte sans doute, des génies universels, de ceux qui n’ont point de mesure, parce qu’ils voient tout plus grand que nature ; de ceux qui, se dégageant de haute lutte et par bonds des entraves communes, embrassent de jour en jour une plus large sphère par le débordement de leurs qualités natives et de leurs défauts non moins extraordinaires ; de ceux qui cessent parfois d’être aisément compréhensibles, parce que l’envolée de leur imagination les emporte jusqu’à l’inconnaissable, et qu’ils sont possédés par elle plus qu’ils ne la possèdent et ne la dirigent ; parce que leur âme contient une part de toutes les âmes ; parce que les choses, enfin, n’existent et ne valent que par le cerveau qui les conçoit et par les yeux qui les contemplent. […] Dont l’acier clair et les éclairs Foudroient la nuit impure ; Doux chevalier pour les très doux enfants Dont vous baisiez les têtes De cette bouche au loin tonnante aux ouragans Et aux tempêtes ; Noir chevalier songeur par les soirs merveilleux Dont les feux immobiles Brûlaient dans la parole et dans les yeux Des soudaines Sybilles ; Clair chevalier et moissonneur d’azur Tantôt sur terre ou bien là-bas parmi les nues Où vous glaniez des phrases inconnues Pour définir te Dieu futur ; De par ton œuvre ouverte ainsi qu’une arche Devant l’humanité tragique ou triomphante, Poète en qui songeait l’hiérophante, Tu fus le rêve autour d’un monde en marche… [La Plume (1898).]

1580. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre premier »

pourvu que ce ne soit pas le nom de progrès, et que les gains ne nous ferment pas les yeux sur les pertes. […] Ils n’avaient pas sous les yeux, pour peindre l’homme, l’idéal du Clovis, le guerrier sans faiblesse, toujours égal à lui-même, que son courage n’emporte ni ne trahit jamais, un héros dans la langue des romans, un parfait dans la langue de la théologie. […] A ses yeux Démosthènes « a la taille trop droite » ; il faut l’avoir « gracieuse. » Il ne dit que « le nécessaire » ; c’est trop peu. […] C’est ainsi que, sous ses yeux à demi fermés, Lamotte put impunément publier tout un recueil d’odes, des fables, et jusqu’à des églogues imitées des pastorales de Fontenelle, l’oracle et le conseil secret de Perrault. […] On a besoin de croire que les yeux de Boileau vieillissant ne furent pas attristés par cette méchante prose rimée.

1581. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Lettres de m. l’Abbé Sabatier de Castres ; relatives aux trois siecles de la littérature françoise.ABCD » pp. -641

Il faut espérer, Monsieur, que ce Public ouvrira enfin les yeux sur ses prétendus Maîtres, & que des lumieres plus saines le forceront de reconnoître cette vérité, que jamais notre Siecle n’a eu plus besoin d’être éclairé, que depuis que les Philosophes nous éclairent. […] Après avoir justifié mes motifs aux yeux du Public, serai-je donc obligé de faire mon apologie vis-à-vis de chaque particulier ? […] L’Abrégé historique de la Vie de Charles-Emmanuel n’exposera donc à vos yeux que la peinture de ce que vous pouviez désirer d’être, & de ce que vous êtes en effet. […] Vous jugerez vous-même, Monsieur, s’il est possible de se défendre plus mal, par les détails que vous me demandez & que je vais mettre sous vos yeux. […] Que ne puis-je mettre sous les yeux du Public ces monumens de démence !

1582. (1856) La critique et les critiques en France au XIXe siècle pp. 1-54

Le temps est loin où l’on pouvait dire avec justice : « La critique souvent n’est pas une science, c’est un métier, où il faut plus de santé que d’esprit, plus de travail que de capacité, plus d’habitude que de génie2. » De nos jours elle est devenue non pas une science sans doute3, mais un art tour à tour savant et ingénieux, qui tantôt déroule avec une grandeur imposante les annales de la pensée d’un peuple, tantôt dessine avec finesse le portrait et le caractère d’un homme ; ici, dans une causerie facile, nous fait confidence de toutes ses émotions, et se raconte lui-même avec un charmant égoïsme ; là, dans une brillante improvisation, retrouve en quelque sorte l’image de l’éloquence antique, et tient suspendu à ses lèvres un jeune auditoire charmé de voir la pensée éclore à chaque instant sous ses yeux. […] Je crois voir un de ces jardins royaux du xviie  siècle, aux futaies élevées, aux larges avenues, où l’œil erre librement à travers les spacieux quinconces. […] Il est bien difficile d’être tout à fait indépendant de l’esprit de parti, de regarder du même œil et Troyens et Rutules. […] L’œil pourra trouver la notation un peu basse ; mais la voix du lecteur rétablira l’intonation. […] Pourquoi enfin, en parcourant des yeux les deux mondes, ces hommes n’y trouvent-ils d’intéressant qu’eux-mêmes ?

1583. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Edmond et Jules de Goncourt »

Comme art et comme style, c’est ce qu’ils ont l’habitude de faire : du kaléidoscope dans son tournoiement incohérent et son flamboiement tintamarresque pour l’œil ; mais d’intention, voici qui est nouveau pour MM. de Goncourt et je ne l’aurais jamais cru, d’un assez joli petit machiavélisme et perversité. […] Il ne s’y trouve que l’effet brut, l’effet, à l’œil, de la couleur sans illusion, et l’odieux, le fourmillant détail physique et technique et tout cru, et que l’art — je ne dis pas l’art suprême, mais l’art le plus élémentaire, — devrait cacher. […] « J’en réclame la paternité, la regardant, cette expression, comme la formule définissant le mieux et le plus significativement le mode nouveau de travail de l’école qui a succédé au Romantisme. » Or, ce nom de baptême du document humain, donné après coup au Naturalisme, n’est, en somme et en effet, que le nom du Naturalisme en deux mots, et, en supposant qu’il soit autre chose qu’une Lapalissade que des niais veulent faire prendre pour une idée à des niais plus sots qu’eux, — attendu que tous les romanciers qu’il y ait jamais eu dans le monde se sont nécessairement occupés du document humain, puisqu’ils avaient à peindre l’âme de l’homme en action dans ses vices et dans ses vertus, sans avoir besoin d’employer pour cela une formule si ridiculement pédantesque, — en réclamer la paternité, comme le fait M. de Goncourt, c’est se poser, en termes doux et furtifs, le chef de cette École qui a succédé au Romantisme, et noyer du coup l’auteur de Pot-Bouille dans le bouillon qu’il a inventé, et qu’il est, présentement, en train de boire… Et ce document humain, dont il est fier comme d’une découverte de génie, M. de Goncourt lui sacrifie jusqu’à la fierté de son attitude et de sa pensée ; car, le croirait-on si on n’avait pas sous les yeux l’étonnante préface de son livre ? […] Puisque l’esprit des romanciers de cette heure n’a plus assez d’énergie pour créer sans avoir un modèle sous les yeux ou dans la mémoire, et que les mannequins sont devenus de première nécessité, en littérature ! […] Si le grand acteur tragique du commencement du siècle qui regardait ses pleurs couler et les étudiait derrière le cercueil de son père, pour pleurer de même dans Hamlet, nous paraît d’un génie atroce, il y a plus atroce encore : et c’est la comédienne attendrie que vous croyez compatissante, et qui étudie dans vos yeux, sans que vous puissiez vous en douter, l’expression de l’amour affligé ou jaloux que vous avez pour elle, pour vous la voler, cette détrousseuse d’émotion, et aller au théâtre la jouer le même soir !

1584. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » p. 540

Porcheres fit un Sonnet sur les yeux de la belle Gabrielle d’Estrées, qui lui valut, dit-on, quatorze cents livres de pension.

1585. (1761) Salon de 1761 « Gravure —  Cochin  »

Cette action de montrer du doigt son œil crevé, fût-elle de l’histoire, n’en serait ni moins petite ni moins puérile.

1586. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Jean-Jacques Ampère »

Je vois maintenant ces pièces d’un tout autre œil qu’au temps où je les ai écrites, et il est pour moi bien intéressant de constater l’effet qu’elles produisent sur une nation étrangère et dans une époque dont les idées sont tout autres. […] Quoique Ampère eût de mauvais yeux, et qu’évidemment la nature ne l’eût point formé pour le pittoresque, il s’en tire à force d’esprit et d’intelligence. […] Le volume s’est peu relevé de cette critique aux yeux des gens du métier. […] Il professait particulièrement un tendre respect pour la nuance de catholiques libéraux dont Ozanam était à ses yeux le type. […] Un Recueil de ses Lettres fait avec choix et avec correction serait intéressant et servirait sa mémoire en remettant de près sous les yeux l’homme même.

1587. (1904) Zangwill pp. 7-90

Il y a un mois, en Flandre, surtout en Hollande, ce n’étaient que grands traits mal agencés, osseux, trop saillants ; à mesure qu’on avançait vers les marécages, le corps devenait plus lymphatique, le teint plus pâle, l’œil plus vitreux, plus engorgé dans la chair blafarde. Eu Allemagne, je découvrais dans les regards mie expression de vague mélancolie ou de résignation inerte ; d’autres fois, l’œil bleu gardait jusque dans la vieillesse sa limpidité virginale ; et la joue rose des jeunes hommes, la vaillante pousse des corps superbes annonçait l’intégrité et la vigueur de la sève primitive. […] Ces bourgeois, sur le pas de leur porte, clignent de l’œil derrière vous ; ces apprentis derrière l’établi se montrent du doigt votre ridicule et vont gloser. […] Le ciel et le paysage lui tiennent lieu de conversation ; il n’a point d’autres poëmes ; ce ne sont point les lectures et les entretiens qui remplissent son esprit, mais les formes et les couleurs qui l’entourent ; il y rêve, la main appuyée sur le manche de la charrue ; il en sent la sérénité ou la tristesse quand le soir il rentre assis sur son cheval, les jambes pendantes, et que ses yeux suivent sans réflexion les bandes rouges du couchant. […] Sans doute la fable, le plus humble des genres poétiques, ressemble aux petites plantes perdues dans une grande forêt ; les yeux fixés sur les arbres immenses qui croissent autour d’elle, on l’oublie, ou, si l’on baisse les yeux, elle ne semble qu’un point.

1588. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — J — Jeantet, Félix (1855-1932) »

Toutefois, en quelques poèmes écrits sous la dictée du Souvenir, cette sensualité se tempère d’un sentiment exquis : ainsi dans ces Yeux de velours dont la tristesse mystérieuse enveloppe et fascine comme l’Antonia d’Hoffmann ou la Ligeia d’Edgar Poe.

1589. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lantrac, Daniel »

Et, page par page, j’ai échenillé mon livre jusqu’à le réduire à ces minces feuillets — comme on effeuille une marguerite, — afin qu’il répondît “beaucoup” à celui qui l’interrogera d’un œil bienveillant… » Et certes, il n’est pas besoin de bienveillance spéciale pour que ces pages répondent « beaucoup » à celui qui les lit ; M. 

1590. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Roland de la porte » p. 203

On a placé le tableau de Roland à une assez grande distance ; et les bas-reliefs d’Oudri, placés parmi les sculptures, étaient si vrais qu’il n’y avait que le tact qui pût détromper l’œil.

1591. (1890) Impressions de théâtre. Quatrième série

Et quels beaux yeux ! […] Le verrais-je du même œil que je le vois ? […] Permettez-moi de vous remettre cette prodigieuse poésie sous les yeux. […] Et tes yeux, et ta voix ! […] » Mais elle, sans lever les yeux : « Ne me touche pasl… Ne me touche pas !

1592. (1895) Nouveaux essais sur la littérature contemporaine

Ils ne se font pas sous nos yeux, ils se développent, ou, pour mieux dire, ils développent l’idée que Feuillet nous a donnée d’eux. […] Tout ce qui passe par les yeux, par les oreilles et par l’intelligence de leurs filles se purifie instantanément. […] Leur bienvenue au jour leur rit dans tous les yeux. […] Sa fille l’accompagne, une enfant de neuf ans, dont la ressemblance avec une sœur de Francis Nayrac a frappé d’abord les yeux de mademoiselle Scilly. […] Car jetez seulement les yeux sur les religions de l’antiquité, sur celles de l’Inde, ou de la Grèce, ou de Rome ?

1593. (1902) La politique comparée de Montesquieu, Rousseau et Voltaire

Car, en monarchie, qui est, qui peut être au-dessus des intérêts individuels et n’agir que les yeux fixés sur l’intérêt de tout l’État ? […] C’est lui qui, l’œil fixé sur l’Angleterre, a inventé les droits de l’homme. […] Il « saute pour ainsi dire aux yeux ; il est uniforme partout. […] Or les corps intermédiaires placés sous les yeux du peuple lui donnent l’exemple de l’indépendance. […] Un enfant en ouvrant les yeux doit voir la patrie, et jusqu’à la mort, ne doit plus voir qu’elle.

1594. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Werther. Correspondance de Goethe et de Kestner, traduite par M. L. Poley » pp. 289-315

Quand les vapeurs de la vallée s’élèvent devant moi, qu’au-dessus de ma tête le soleil lance d’aplomb ses feux sur l’impénétrable voûte de l’obscure forêt, et que seulement quelques rayons épars se glissent au fond du sanctuaire ; que couché sur la terre dans les hautes herbes, près d’un ruisseau, je découvre dans l’épaisseur du gazon mille petites plantes inconnues ; que mon cœur sent de plus près l’existence de ce petit monde qui fourmille parmi les herbes, de cette multitude innombrable de vermisseaux et d’insectes de toutes les formes, que je sens la présence du Tout-Puissant qui nous a créés à son image, et le souffle du Tout-Aimant qui nous porte et nous soutient flottants sur une mer d’éternelles délices ; mon ami, quand le monde infini commence ainsi à poindre devant mes yeux et que je réfléchis le ciel dans mon cœur comme l’image d’une bien-aimée, alors je soupire et m’écrie en moi-même : « Ah ! […] Non, aucun langage ne représenterait la tendresse qui animait ses yeux et son maintien ; je ne ferais rien que de gauche et de lourd. […] Ils m’ont donné une joyeuse soirée ; je n’avais pas bu de vin, mon œil était sans trouble pour jouir de la nature. […] Il y a celui de la vie régulière et de la famille, de la morale domestique et sociale, ce qui saute aux yeux tout d’abord pour peu qu’on se place en idée dans la situation.

1595. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Appendice. »

Des gens qui se font appeler fils de Dieu, œil de Dieu (voyez les inscriptions d’Hamaker) ne sont pas simples comme vous l’entendez ! […] « Quant au temple de Tanit, je suis sûr de l’avoir reconstruit tel qu’il était, avec le traité de la Déesse de Syrie, avec les médailles du duc de Luynes, avec ce qu’on sait du temple de Jérusalem, avec un passage de saint Jérôme, cité par Selden (de Diis Syriis), avec le plan du temple de Gozzo qui est bien carthaginois, et mieux que tout cela, avec les ruines du temple de Thugga que j’ai vu moi-même, de mes yeux, et dont aucun voyageur ni antiquaire, que je sache, n’a parlé96. […] Mais comme mes yeux se refusaient à toute lecture de longue haleine, surtout à ces dernières heures de la journée, j’ai dû songer à me procurer de bons lecteurs, et j’en ai trouvé. […] Toutes les traductions d’anglais que j’ai insérées dans mes articles ont passé sous ses yeux et aussi sous les yeux de notre ami commun M. 

1596. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance. »

C’est ainsi qu’ayant eu communication des Mémoires, alors manuscrits, de Mme de La Rochejacquelein, revus et en partie rédigés par M. de Barante, il déclarait y avoir trouvé « la jouissance la plus vive que livre puisse jamais procurer. » Il y voyait tout ce qui constitue un morceau accompli d’histoire, « l’harmonie et la justesse d’un style partout adapté à la chose, l’art pittoresque qui met toujours et la scène et les personnages devant les yeux, l’intérêt le plus vif, le plus enthousiaste, le plus vertueux, qu’aucune période de l’histoire moderne ait jamais présenté, un intérêt qui s’attache aux personnes et qui ne se perd jamais dans les masses et les nombres abstraits, comme il arrive trop souvent. » Les Lettres de Mlle de Lespinasse, nouvellement publiées (1809), lui faisaient un effet bien différent ; c’était, pour lui, une lecture singulière qui lui laissait des impressions contradictoires, et où il se sentait quelquefois rebuté par la monotonie de la passion, souvent blessé d’un manque de délicatesse et de dignité dans la victime, mais attaché en définitive par la vérité et la profondeur de l’étude morale : « Un rapprochement, dit-il, que je faisais à chaque page augmentait pour moi l’intérêt de cette Correspondance. […] Sismondi, tout d’abord, et comme par précaution, le lui avait rendu quand il disait, — avant de le connaître personnellement, il est vrai, et sur la simple annonce de l’Histoire de France que Chateaubriand se proposait d’écrire : « J’ai une grande admiration pour son talent, mais il me semble qu’il n’en est aucun moins propre à écrire l’histoire : il a de l’érudition, il est vrai, mais sans critique, et je dirais presque sans bonne foi ; il n’a ni méthode dans l’esprit, ni justesse dans la pensée, ni simplicité dans le style : son Histoire de France sera le plus bizarre roman du monde ; ce sera une multiplicité d’images qui éblouiront les yeux ; la richesse du coloris fait souvent papilloter les objets, et je me représente son style appliqué aux choses sincères comme le clavecin du Père Castel, qui faisait paraître des couleurs au lieu de sons. » Sismondi ne voyait et ne prédisait là que les défauts. […] Dès qu’on ne l’a plus sous les yeux avec les maux qu’elle engendre et les abus qu’elle éternise, on revient volontiers à une appréciation plus favorable d’une institution qui a eu sa grandeur historique et qui a produit tant de personnages éminents. […] Je crois bien que j’en ressens plus encore, parce que je reconnais l’auteur à chaque page, et que jamais confession n’offrit à mes yeux un portrait plus ressemblant.

1597. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Ce qui avait un tout autre caractère et bien autrement poignant, ce sont les stances suivantes, écrites sous l’impression même de l’atroce spectacle qu’elle avait sous les yeux, et qu’offre dans tous les temps, — à l’époque de la Ligue, comme à la nôtre, — le cynisme des guerres civiles. […] Les hommes… les voilà dans le sang jusqu’aux yeux. […] Les poètes n’y font pas de nids, et les tourterelles mangent comme des ogres… » L’état d’Ondine, à ce second automne passé aux champs, était déjà devenu un sujet d’alarme, et les yeux d’une mère, si crédule qu’elle fût à l’espérance, ne s’y trompaient pas : « … Hors de là, mon cher fils, il faut rentrer dans les détails douloureux, t’avouer que je souffre toujours dans ce même amour de mère, te dire que vingt fois dans un jour une terreur se glisse entre elle et mon regard. […] Je vous remercie d’une larme de pitié qui vous vient aux yeux pour moi, et du serrement de cœur fraternel que sa perte vous cause, je le sens !

1598. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DES MÉMOIRES DE MIRABEAU ET DE L’ÉTUDE DE M. VICTOR HUGO a ce sujet. » pp. 273-306

Cela ne les rapetisse pas à nos yeux, mais nous les explique et les ancre par bien des coins au cœur de la même nature. […] C’est un morceau grandiose, tout à effets et à mouvements, plein de tableaux ; l’orateur y est traduit sous vos yeux entouré de ses mille tonnerres et de quelques fanfares ; c’est un de ces morceaux d’éclat où l’on marche d’imprévu en imprévu, où l’image toujours éblouissante et nouvelle surgit à chaque pas, plus soudaine, plus en armes que les légions de Pompée ; c’est une de ces sorties de talent qui gagnent des victoires, au moins de surprise, sur les plus incrédules ; qui marquent que les lions au gîte (pour parler le langage du sujet) ont des ressources et des bonds qu’on n’attendait pas, et qu’il est des natures invaincues qu’on peut bien vouloir traquer, mais qu’on ne décourage guère. […] Le poëte, en touchant quelques-uns des anneaux, même les plus obscurs, de cette existence inégale, les fait tous luire à nos yeux, et veut les convertir en une chaîne divine. […] Ainsi Gœthe, que je jugeais trop sévèrement tout à l’heure d’après des documents incomplets, s’est dessiné plus ample, plus accueillant et tout à fait meilleur comme génie, à la lumière des nombreux témoignages biographiques familiers qui ont entouré et éclairé à nos yeux sa vieillesse.

1599. (1824) Observations sur la tragédie romantique pp. 5-40

Hâtons-nous pourtant de le confesser : il se rencontre par fois, en Angleterre, des spectateurs qui détournent les yeux, quand Regane et le duc de Cornouailles arrachent ceux de Gloster, et les écrasent sous leurs pieds ; des spectateurs qui n’assistent qu’avec dégoût aux scènes empruntées de Newgate ou de notre place de Grève, et qui se laissent émouvoir par une tragédie sans qu’elle extermine neuf personnages. […] Leur délire appartient à la vraie tragédie, mais l’apparition des furies, des spectres et des ombres, à nos propres yeux, n’est que l’Opéra. […] S’il veut peindre une âme dépravée, il ose en exposer à nos yeux jusqu’à l’ignoble enveloppe ; et, sauf quelques adoucissements, son Richard III vient de se produire, difforme et terrible, infâme et non ridicule, sur notre théâtre même. […] Une simplicité si sublime, et une mélancolie si douce, arrachent des larmes de tous les yeux et captivent l’admiration.

1600. (1892) Boileau « Chapitre V. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » (Fin) » pp. 121-155

Puis, comment le lecteur sentira-t-il la réalité des objets qu’on lui met sous les yeux, si on ne leur conserve pas l’aspect qu’il est accoutumé de voir ? […] Il faut, par suite, en traduisant la nature, avoir l’œil sur l’idée que le public s’en fait ; et ce n’est qu’en ménageant cette idée, pour s’y accommoder ou en faire saillir la fausseté, qu’on pourra y substituer peu à peu celle que l’on a prise dans l’étude directe de la réalité. […] On a peur que ce naturaliste ne se plaise qu’aux imitations enjolivées de la nature, et que la vérité qu’il aime ne soit pas la vérité toute franche, belle de sa nudité vivante et savoureuse, mais un bénin reflet de vérité, doucement tamisée pour les yeux délicats par les voiles coquets du bel esprit. […] Il ne doit y avoir rien d’inutile dans l’ouvrage : mais chaque pièce doit être si bien tournée et ajustée, qu’une grâce libre enveloppe la nécessité, et que ce qui soutient l’édifice ait l’air d’être mis seulement pour réjouir les yeux.

1601. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mendès, Catulle (1841-1909) »

Théodore de Banville Avec son jeune visage apollonien, et son menton ombragé d’un léger duvet frissonnant que n’a jamais touché le rasoir, rien n’empêcherait ce jeune poète d’avoir été le prince Charmant d’un des contes de Mme d’Aulnoy, ou mieux encore d’avoir été dans la Sicile sacrée, à l’ombre des grêles cyprès et du lierre noir, Damoitas ou le bouvier Daphnis, jouant de la Syrinx et chantant une chanson bucolique alternée, si ses yeux perçants et calmes, et sa lèvre féminine, résolue, d’une grâce un peu dédaigneuse, n’indiquaient tous les appétits modernes d’un héros de Balzac. […] Théodore de Banville Quant à l’idée du drame Justice, elle a la gloire et aussi le tort, si je la comprends bien, d’être une idée purement abstraite, que l’auteur a traduite matériellement, cela va sans dire, sans quoi il n’eut pas fait une pièce de théâtre, mais qui, néanmoins, force le spectateur à lever les yeux un peu plus haut que le niveau ordinaire de la vie. […] Catulle Mendès est un artiste merveilleux ; il possède la science du mot élevé et juste et sait toujours maintenir son inspiration à la hauteur où il la place ; il a trouvé, surtout dans les Poèmes épiques, des vers superbes et qui s’imposent à la mémoire, de ces vers qui semblent écrits dans le texte en caractères plus gros, tellement l’œil s’arrête sur eux, attiré par la forme des mots, leur arrangement, tout ce qui fait le dessin d’un beau vers avant que la musique en soit intelligible. […] C’est un tourbillon chatoyant de vigueurs juvéniles, multiples et différentes, mirées aux yeux innombrables des amoureuses.

1602. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre premier »

Cette sévérité, qu’il n’approuvait pas sans réserve, avait, dit-il, « subtilisé son goût de telle façon, et lui avait mis devant les yeux une telle idée de pureté, que les moindres souillures les offensaient, et qu’il ne trouvait pas supportable ce qu’il avait autrefois trouvé excellent. » Il dit ailleurs : « Je m’étais rendu si délicat en français et en latin, qu’il n’y avait rien de si aisé que de me faire rejeter un mauvais livre. » En français tout lui était suspect de gasconisme ; sur chaque mot d’un écrivain de province, il consultait l’oreille d’un habitant de Paris, et « peu s’en fallait, disait-il, que la Touraine, si proche de Paris, ne lui en parût aussi éloignée que le Rouergue. » On reconnaît à ce trait un disciple de Malherbe. […] Son éloquence est la première Qui joint l’éloquence au savoir, Et qui n’a point d’yeux pour la voir, N’en a point pour voir la lumière. […] On voyait avec une curiosité très vive ces nuances qui paraissaient l’enrichir, ces mots qui en grossissaient à vue d‘œil le vocabulaire ; on assistait, comme à un tournoi, à cette lutte entre notre langue et les langues anciennes et modernes, à qui aurait l’avantage des détails et du nombre des mots dans une description. […] C’est Euripide disant de Polyxène qu’en tombant sous le couteau elle prit grand soin que sa chute fût honnête, et ajoutant, par l’effet de ce défaut, « qu’elle cacha les parties qu’il faut couvrir aux yeux des hommes. » C’est Balzac disant au roi, après des paroles plus enflées que solides, « qu’il ne faut plus qu’il parle d’agir puissamment, et de ne faire des coups d’Etat qu’avec la reine. » Il se moque de ses ridicules comparaisons : « Il n’y a de reptiles en mon jardin que des melons. » Il blâme le défaut de variété, la stérilité, le retour des mêmes idées et des mêmes mots.

1603. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre II : Examen critique des méditations chrétiennes de M. Guizot »

Le monde fini seul est à sa portée, et c’est le seul qu’elle puisse sonder… L’homme porte en lui-même des notions et des ambitions qui s’étendent au-delà ; … mais de cet ordre supérieur il n’a que l’instinct et la perspective, il n’en a pas, il n’en peut pas avoir la science… L’esprit sait qu’il y a des espaces au-delà de celui que les yeux parcourent ; mais les yeux n’y pénètrent pas. » Plus je médite ces belles paroles, moins je vois la différence qui les sépare de la pensée de M.  […] « C’est un espace où nos yeux ne pénètrent pas », dit l’autre. […] C’est ici qu’il faut admirer avec quelle facilité les esprits les plus vigoureux et les plus solides arrivent à abonder dans leur propre sens, lorsqu’une fois ils ont pris un parti, et combien il est facile en logique, aussi bien qu’en morale, de voir la paille dans l’œil de son voisin sans voir la poutre qui est dans le sien.

1604. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Michelet » pp. 167-205

À ces yeux-là, il est donc démontré que Michelet, par amour d’un succès qu’il a trouvé diablement bon, a voulu remonter sur l’idée qui le lui avait valu, et, postillon infortuné, qu’il a éreinté son idée, raté son succès, et tué, du même coup, ses deux bêtes. […] Toute cette partie du livre, des mères et des enfants, est touchée avec cette sentimentalité noyante, larmoyante et collante, avec ce picotement de muqueuses nasales, cette larme à l’œil qui en résulte et qui fait toujours son petit coup sur les autres muqueuses nasales des gens sensibles. […] La punition, c’est précisément ce Cours de 1847, qui, s’il l’a relu, a dû lui faire cruellement baisser les yeux, en supposant que les yeux de l’Amour-propre se baissent, même quand ils pleurent ou qu’ils saignent !

1605. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’avenir du naturalisme »

Il considère le tout du même œil impartialement humain. […] Leurs yeux « accoutumés à ne voir que l’invisible », suivant l’expression de Villiers de l’Isle Adam, furent violemment choqués par d’aussi méprisables réalités. […] Les méthodes littéraires de Zola sont celles d’un « parvenu », qui s’est efforcé de pénétrer les choses de l’extérieur, qui ne s’est jamais assis à la table de la vie et qui n’a jamais réellement vécu… »‌ Et le critique ajoute quelques lignes plus loin : « Le jeune homme famélique dont les yeux étaient concentrés avec un désir ardent sur le monde visible a tiré un certain bénéfice de sa chasteté intellectuelle ; il a préservé des choses matérielles sa clarté de vision, une vision avide, insatiable, impartiale… La virginale fraîcheur de sa soif de vie, donne à son œuvre son souffle de vigueur et de jeunesse, son indomptable énergie ». […] Il est vrai, que si nous jetons les yeux à la page suivante, nous sentons chez l’auteur un certain regret — inexplicable — de s’être abandonné à de telles « folies » : « La passion de la nature nous a souvent emportés, et nous avons donné de mauvais exemples, par notre exubérance, par nos griseries du grand air.

1606. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Coran, Charles (1814-1901) »

André Theuriet Son livre (Dernières élégances) vous fait l’impression du château de la Belle au bois dormant ; seulement, ce château est une petite maison de la fin du xviiie  siècle, et la princesse, endormie pendant une lecture des Contes moraux, s’est réveillée en l’an 1869, vêtue à la mode ancienne, avec un œil de poudre et un soupçon de rouge.

1607. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gayda, Joseph »

Paul Bourget et à qui on pardonne tout, même d’avoir fait souffrir un poète : Édel, je vois en toi, Danoise aux yeux si doux, Cette amante qu’en rêve on adore à genoux, Devant qui le désir reste muet et grave, Tant du plus chaste amour on craint de la meurtrir, Et qui semble une fleur exotique et suave Qu’on n’ose point toucher, de peur de la flétrir.

1608. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mathieu, Gustave (1808-1877) »

André Lemoyne Pour résumer en quelques mots l’impression sur les œuvres du poète, nous dirons que sa muse, très française et souvent gauloise, nous apparaît comme une svelte et riche meunière, dont le moulin commande un petit cours d’eau, frais, voisin de la mer ; la belle paysanne peut suivre de l’œil la grande courbe du goéland dans son vol et saluer de regards amis l’émeraude filante du martin-pêcheur sous les saules verts-cendrés.

1609. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — Y — Yann Nibor = Nibor, Yann (1857-1947) »

Yves Hodel Nibor, c’est toute la mer avec ses rires de vagues et ses sanglots de brises, ses galets roulés avec les cadavres et les petits bateaux qui partent, à l’aube, décroissant lentement aux yeux agrandis des mères et des fiancés… Nibor, c’est l’Armorique des « gars » et des « payses ».

1610. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Valentine (1832) »

Chaque auteur, si jeune, si plein d’avenir qu’il soit, du moment qu’il a levé la tête et que son nom a été prononcé dans la cohue, est comme un ambitieux qui, se sentant miné d’une fièvre lente et voulant arriver au ministère, fait œuvre, sur l’heure, de toutes ses ressources, accumule et jette aux yeux tous ses expédients, et blanchit en deux ou trois chétives saisons plus qu’autrefois Sully en quarante ans. […] La beauté d’ Athénaïs est de celles qui réussissent généralement ; mais si les hommes d’une éducation vulgaire, suivant la remarque de l’auteur, aiment les grâces qui attirent, les yeux qui préviennent, le sourire qui encourage, il n’en va pas ainsi de Bénédict : ses observations malignes ont plus d’une fois troublé jusqu’aux larmes la coquetterie naïve et réjouie de sa fiancée.

1611. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre III. Du récit des faits. — Antécédents et conséquents. — Causes et effets »

Les yeux lui roulaient étrangement dans la tête ; il ne connaissait personne, et ne disait mot. […] Mais il s’arrête longtemps à ce qui précède l’accès : il nous fait revoir dans la rêverie du roi toutes les déceptions de son triste règne, les désillusions de son simple cœur ; ce sont les antécédents moraux de la folie ; il remet à deux fois sous nos yeux la température torride, les sables ardents, l’atmosphère étouffante, il note l’étrange apparition, quelque insensé sans doute : ce sont les antécédents physiques.

1612. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre III. Éducation de Jésus. »

Jésus fréquenta peu les écoles plus relevées des scribes ou soferim (Nazareth n’en avait peut-être pas), et il n’eut aucun de ces titres qui donnent aux yeux du vulgaire les droits du savoir 126. […] Chez lui, elle tenait à une notion profonde des rapports familiers de l’homme avec Dieu et à une croyance exagérée dans le pouvoir de l’homme ; belles erreurs qui furent le principe de sa force ; car si elles devaient un jour le mettre en défaut aux yeux du physicien et du chimiste, elles lui donnaient sur son temps une force dont aucun individu n’a disposé avant lui ni depuis.

1613. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XX. Opposition contre Jésus. »

Il y avait le « pharisien bancroche » (Nikfi), qui marchait dans les rues en traînant les pieds et les heurtant contre les cailloux ; le « pharisien front-sanglant » (Kisaï), qui allait les yeux fermés pour ne pas voir les femmes, et se choquait le front contre les murs, si bien qu’il l’avait toujours ensanglanté ; le « pharisien pilon » (Medoukia), qui se tenait plié en deux comme le manche d’un pilon ; le « pharisien fort d’épaules » (Schikmi), qui marchait le dos voûté comme s’il portait sur ses épaules le fardeau entier de la Loi ; le « pharisien Qu’y a-t-il à faire ? […] Je jeûne deux fois la semaine, je donne la dîme de tout ce que je possède. » Le publicain, au contraire, se tenant éloigné, n’osait lever les yeux au ciel ; mais il se frappait la poitrine en disant : « Ô Dieu, sois indulgent pour moi, pauvre pécheur. » Je vous le déclare, celui-ci s’en retourna justifié dans sa maison, mais non l’autre 933. » Une haine qui ne pouvait s’assouvir que par la mort fut la conséquence de ces luttes.

1614. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 22, que le public juge bien des poëmes et des tableaux en general. Du sentiment que nous avons pour connoître le mérite de ces ouvrages » pp. 323-340

C’est l’oeil lorsqu’il s’agit du coloris d’un tableau. […] Son operation prévient donc tous les raisonnemens, ainsi que l’operation de l’oeil et celle de l’oreille les dévancent dans leurs sensations.

1615. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « VII »

Les « semeurs de doute » n’admettent pas l’hypothèse : « On ne devrait jamais raconter que ce qu’on a vu, de ses propres yeux, bien lucidement. Tout le reste est peut-être absurde… S’il est parfois utile de rédiger une description historique, on ne voit pas, loin des romans-feuilletons, la place d’un faux naufrage et d’un faux déraillement… »‌ Oui, sans aucun doute, il serait préférable de ne jamais « raconter que ce qu’on a vu de ses propres yeux », et voilà pourquoi nous ne cachons pas notre prédilection pour la méthode d’observation directe.

1616. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Antoine Campaux » pp. 301-314

Le premier de ces rayons, que du reste il ne vit pas luire, partit de l’œil bleu du plus beau et du plus intelligent des Valois, de ce François Ier qui un jour commanda à Marot une édition royale des poésies de l’échappé de Montfaucon. Et le dernier, de l’œil sévère, mais adouci cette fois, de ce Boileau qu’on a appelé, dans une langue que ne connaissait pas Villon, le législateur du Parnasse.

1617. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Ch. de Barthélémy » pp. 359-372

Il croyait la source des chefs-d’œuvre inépuisable pour le génie humain, et la beauté, comme la vérité, infinie… C’est lui qui a écrit : « Le génie a cent yeux comme Argus. […] On sait qu’à moitié mort, il rouvrit les yeux pour demander qu’on la respectât… Fréron fut l’homme de la famille chrétienne, comme il avait été l’homme de la Société et de la Monarchie chrétiennes.

1618. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Collé »

» Ainsi, on effleure de l’œil qui veut rire le Journal d’un homme qui est timbré chansonnier, et qui ne peut être qu’un chansonnier alors même qu’il écrit l’histoire de son temps avec une gravité mordante et une élévation singulière. […] Bonhomme ne s’est pas senti médiocrement embarrassé quand il a fallu classer l’irrespectueux contempteur de Rousseau et de Voltaire, assez intéressant pourtant à ses yeux pour qu’il ait songé à éditer ses œuvres posthumes.

1619. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Sophie Arnould »

Ces éblouissants éblouis ont gardé dans les yeux l’impression des éclairs de cet esprit qui en avait tant lancé dans sa vie, et ils croient toujours en voir briller, dans ses lettres éteintes, quand, de fait, il n’y en a plus. […] Elle y est représentée les yeux en l’air, pâmés sous un front sans sourcils, la bouche ouverte (chantant probablement), et il est impossible d’être moins que dans ce portrait la Sophie Arnould que l’imagination se figure.

1620. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Georges Caumont. Jugements d’un mourant sur la vie » pp. 417-429

Ce fossoyeur d’un genre nouveau, qui ne ressemble pas à celui d’Hamlet et qui creuse son propre trou à lui-même ; ce creuseur à bêche sanglante, qui regarde, avec des yeux scientifiques et épouvantés, dans le mal certainement destructeur de sa chair et dans le mystère horriblement incertain de la mort, est, esthétiquement, d’un effet terrible. […] À nos yeux, à nous, c’est cette personnalité acharnée à vivre, quand elle meurt, qui empêche le blasphémateur et sacrilège Georges Caumont d’être tout à fait un impie ; car le blasphème implique la frémissante reconnaissance du Dieu qu’on blasphème : puisqu’on le blasphème !

1621. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Brispot »

Plus d’un courageux esprit a lutté avec elles ; car ce n’est pas une idée d’aujourd’hui ou d’hier, mais un besoin qui date de loin dans l’Église, qu’une concorde lumineuse des Évangiles devant laquelle la mauvaise foi et la mauvaise science fussent obligées de baisser le ton et les yeux. […] L’abbé Brispot accompagne le texte concordé des Évangiles de commentaires, explications et notes, tirés des écrivains les plus illustres de l’Église dans l’ordre de la sainteté ou de la science, et c’est dans le choix de ces annotations, qui viennent ajouter leur lumière à celle du texte souvent d’une trop divine pureté pour tomber dans des yeux charnels sans les offenser, que l’abbé Brispot a montré les richesses d’une forte érudition religieuse et le tact supérieur qui sait s’en servir.

1622. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXI. Des oraisons funèbres de Bourdaloue, de La Rue et de Massillon. »

Le texte de l’orateur semblait être une prédiction de l’événement, et il exprimait le triste spectacle qu’on avait sous les yeux, du père, de la mère et de l’enfant, frappés et ensevelis tous trois ensemble74. […] On n’ignore point qu’il y a un art de disperser les grandes masses pour que l’œil se repose et que l’imagination ait à désirer ; alors les intervalles même sont utiles, et ils préparent la beauté de ce qu’on ne voit point encore.

1623. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

Il ne fut pas circonscrit dans les limites de la France, qui était alors comme un grand théâtre sur lequel tous les peuples avaient les yeux attachés. […] Coup d’œil sur la situation de la littérature pendant l’empire. […] L’idéal de la presse, à ses yeux, c’eût été une indiscrétion disciplinée et un bavardage obéissant. […] Ces deux événements n’obtiennent de sa plume, dans ses lettres à son ami Vignet des Étoiles, que deux courtes mentions, qui constatent en passant son naufrage particulier, perdu à ses yeux dans le naufrage gêneral. […] Il est plein d’estime pour le génie de notre nation ; il la regarde comme l’œil du monde : quand l’œil est obscurci, tout devient obscur ; c’est pour cela qu’il fait reposer toutes ses espérances sur le rétablissement du droit politique et des idées catholiques dans ce pays, dont les vertus sont contagieuses comme les erreurs.

1624. (1857) Causeries du samedi. Deuxième série des Causeries littéraires pp. 1-402

On comprend cette spirituelle gageure du dilettantisme et de l’athéisme s’obstinant au jabot de dentelles, à l’œil de poudre et au carlin, pendant que la carmagnole cherche à percer sous la blouse. […] Ils luttent ; l’ombre emplit lentement leurs yeux d’ange Et de leur bouche froide il sort un râle étrange. […] Hugo s’y déroule en de telles spirales, qu’on est sans cesse suspendu entre le vertige et le cauchemar, et qu’on se frotte les yeux, de temps à autre, pour savoir si l’on est bien éveillé. […] « Tout devint littéraire à mes yeux, même ma propre vie », nous dit-il ; nous le savions déjà, mais l’aveu n’en est pas moins instructif à cette heure et sous cette plume. […] soit en prêchant l’attendrissement d’exemple et portant son mouchoir à ses yeux, etc., etc… » — On voit d’ici toute la scène ; c’était la comédie dans la tragédie.

1625. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Le Bel  » p. 146

Il a de la profondeur ; il s’élève de dessus la toile ; l’œil s’y enfonce ; et celui qui a vu une fois le soleil rougeâtre, obscurci, n’éclairant fortement qu’un endroit, se lever ou se coucher par un temps nébuleux, reconnaîtra ce phénomène dans le morceau de Mr Lebel.

1626. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » p. 305

Les Philosophes qui sont si habiles à rechercher, & si impitoyables à condamner les moindres fautes des Empereurs Chrétiens, prétendent-ils qu’on ferme les yeux sur des extravagances choquantes, parce qu’il leur plaît de déclarer qu’un tel Prince est de leur Secte, & par conséquent absous de tout ce que la raison & le bon sens peuvent lui reprocher ?

1627. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » p. 350

Ce qu’il a avancé sur l’excellence du Gouvernement féodal, prouve qu’il est des Auteurs capables de fermer les yeux au flambeau de la raison & à celui de l’expérience.

1628. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 270-271

Il est facile de juger que l’Auteur a vu de ses propres yeux ; qu’il a examiné & réfléchi avec soin sur la plupart des objets qu’il présente au Lecteur.

1629. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Odes et Ballades » (1822-1853) — Préface de 1822 »

Sous le monde réel, il existe un monde idéal, qui se montre resplendissant à l’œil de ceux que des méditations graves ont accoutumés à voir dans les choses plus que les choses.

1630. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Le Bel » p. 171

Le Bel Plusieurs paysages, sous le même numéro. je les ai tous vus, mais je n’en ai regardé aucun, ou, si je les ai regardés, c’est comme l’homme du bal à qui une femme disait : m’a-t-il de ses gros yeux assez considérée ?

1631. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome IV pp. -328

Le journaliste sembla fermer les yeux sur les principales beautés de l’ouvrage. […] Le voile qui couvroit tous les yeux ne fut levé que par la main la plus intéressée à laisser le public dans l’erreur. […] Éléonore ne le vit point d’un œil indifférent lui rendre des soins. […] Il ne les mit sous les yeux du public que longtemps après son retour de Rome, l’an 1690. […] Son maintien, ses yeux, ses gestes, ses grimaces, tout annonçoit en lui le poëte.

1632. (1881) Le naturalisme au théatre

est-ce que ses figures n’ont pas un nez, une bouche et deux yeux comme les miennes ?  […] Sur cette pente, d’ailleurs, on irait vite à l’exhibition, au plaisir grossier des yeux. […] Tous raconteraient leur fuite en roulant les yeux et en faisant les grands bras. […] Ursule, devant son visage froid, ses yeux mauvais, refuse violemment de lui rendre le petit. […] Il faut toujours se reporter à l’expérience, à ce qui se passe sous nos yeux.

1633. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Pomairols, Charles de (1843-1916) »

Les choses d’alentour lui semblent maintenant tenir fixés sur lui des yeux tendres, profonds, dont les rayons descendent aux entrailles de sa pensée.

1634. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vermenouze, Arsène (1850-1910) »

Il est, au fond des bois, parmi les mousses d’or Qui frangent les contours de sa vasque de pierre — Tel un œil sous les cils d’une blonde paupière — Il y flotte des glands tombés et du bois mort.

1635. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » p. 403

Bruys ouvrit enfin les yeux, & Bossuet eut beaucoup de part à sa conversion.

1636. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — H — article » p. 478

Le plus distingué de ses Ouvrages est la Métamorphose des yeux d’Iris changés en Astres, Poëme d’environ sept cents Vers, digne de figurer à côté des meilleures Métamorphoses d’Ovide, soit pour l’invention, qui en est aussi ingénieuse que féconde, soit pour la Poésie, qui est noble, coulante, pleine de chaleur & de sentiment, mais où le goût de l’antithese & des pointes se montre avec trop d’affectation.

1637. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » p. 281

Il faut remarquer qu'elle étoit tourmentée par un cancer quil ui rendoit la vie insupportable : Bientôt la lumiere des Cieux Ne paroîtra plus à mes yeux.

1638. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « À Monsieur Théophile Silvestre »

Si la Postérité, dont la bouleversante idée ne me donne pas du tout la danse Saint-Guy de l’amour-propre, s’occupe jamais de cet ouvrage que d’aucuns peuvent trouver trop long, mais qui ne finira que quand je n’aurai plus d’yeux à jeter sur mon siècle, je veux qu’elle trouve votre nom l’un des premiers parmi ceux de ce Décaméron d’amis qui ornent le front de mes volumes et qui me font ma vraie gloire de leur amitié.

1639. (1902) Symbolistes et décadents pp. 7-402

Toute idée qui traverse son cerveau est à ses yeux une idée humaine et naturelle : autrement d’où la percevrait il ? […] La figure, soignement rasée, s’éclairait de deux yeux gris-bleu très doux, contemplatifs. […] Elle se frotta les yeux et sortit, pour regarder la façade de la vieille maison qui se répercutait encore, comme en un miroir d’étain poli, dans le calme canal rectiligne et muet. […] L’écrivain est resté fidèle aux voix d’autrefois, aux horizons plaqués sur les yeux de son enfance. […] À ses yeux bleus de violette, Si doux lorsque je l’aimais.

1640. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — I. » pp. 495-512

Cet abbé de Cheminon lui donne l’écharpe et le bourdon, et le voilà parti en pèlerin, pieds nus et en chemise, faisant visite à tous les saints lieux d’alentour, sans plus devoir rentrer à son château jusqu’à ce qu’il revienne de Palestine ; et en passant d’un de ces lieux des environs à l’autre, « pendant que j’allais, dit-il, à Blécourt et à Saint-Urbain, je ne voulus jamais retourner mes yeux vers Joinville, pour que le cœur ne m’attendrît pas trop, du beau château que je laissais et de mes deux enfants ». […] Après divers retards, saint Louis et son armée quittèrent Chypre et firent voile de la pointe de Limesson (Limisso), le samedi 22 mai 1249 : « qui fut très belle chose à voir, car il semblait que toute la mer, tant que l’on pouvait voir à l’œil, fût couverte de toiles des voiles des vaisseaux qui furent comptés au nombre de dix-huit cents tant grands que petits ». […] Meyer, l’œil de lynx le plus perçant, la plume la plus exigeante d’exactitude et qui ne laisse rien passer, et j’y trouve quantité de remarques et nombre de leçons meilleures proposées pour l’avenir.

1641. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « De la poésie de la nature. De la poésie du foyer et de la famille » pp. 121-138

Il a, pour peindre les soins et les vaines agitations des hommes, des images dignes de Lucrèce, mais d’un Lucrèce chrétien : Si nous ouvrons la carte où se déploie le plan étendu du Tout Puissant, nous trouvons une toute petite île, cette vie humaine : l’espace inconnu de l’éternité l’environne et la limite de toutes parts ; la foule empressée explore et fouille chaque crique et chaque rocher du dangereux rivage, y ramasse avec soin tout ce qui lui paraît exceller aux yeux, quelques-uns de brillants cailloux, d’autres des algues et des coquillages ; ainsi chargés, ils rêvent qu’ils sont riches et grands, et le plus heureux est celui qui gémit sous sa charge. […] Un petit nombre abandonne la foule, demande les yeux levés la richesse du ciel, et gagne les seuls biens réels, vérité, sagesse, grâce, et une paix pareille à celle de là-haut… Alors il se met à examiner les différents jeux, ces cailloux de différentes couleurs que s’amusent à ramasser les hommes et qu’ils continuent souvent de rechercher jusque dans la retraite et la solitude : car la plupart ne la désirent que pour s’y plus abandonner à leurs goûts favoris, et pour mieux caresser leur passion secrète. […] Comme le chèvrefeuille enlace l’arbre qu’il peut atteindre, aune rugueux, frêne à l’écorce unie ou hêtre luisant, enroule autour du tronc ses anneaux en spirale, et suspend aux branches feuillues ses glands dorés, mais il cause un dommage là où il prête une grâce, entravant la croissance par un embrassement trop étroit ; de même l’amour, lorsqu’il s’enlace aux plus fiers esprits, empêche le déploiement de l’âme qu’il subjugue : il adoucit, il est vrai, la démarche de l’amant, le forme au goût de celle qu’il aime, enseigne à ses yeux un langage, embellit son parler, et façonne ses manières ; mais adieu toute promesse de plus heureux fruits !

1642. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Instruction générale sur l’exécution du plan d’études des lycées, adressée à MM. les recteurs, par M. Fortoul, ministre de l’Instruction publique » pp. 271-288

à quinze ans ou à dix-huit, vous comprendriez Virgile, Homère et Tacite, et vous ne sauriez point ces choses qui de toutes parts viennent piquer votre curiosité et tenter vos yeux ! […] Or, tout en s’occupant, il est vrai, de l’Amérique, mais en pensant aussi beaucoup à l’Europe, Franklin a porté les jugements les plus irrévérencieux et les plus moqueurs sur le système d’éducation qui continuait de prévaloir sous ses yeux. […] Il acquiert pour toute la vie l’habitude de raisonner en chimiste, au lieu de se borner à savoir par cœur, pour quelques mois, le texte de son cours… Aussi, pour la parfaite exécution du nouveau plan d’études, les professeurs trouveront-ils bien plus de profit à préparer leur leçon dans le laboratoire même, au milieu des appareils, en prenant part à la disposition matérielle des expériences, qu’à l’étudier dans leur cabinet, abstraction faite des objets qu’ils vont avoir à manier et à faire passer sous les yeux des élèves.

1643. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Une Réception Académique en 1694, d’après Dangeau (tome V) » pp. 333-350

Il dut attendre que l’archevêque de Paris, M. de Harlay, qui tenait à lui être désagréable, l’éclairât là-dessus, et lui fit tomber les écailles des yeux. […] III, p. 206) : « Les sous-gouverneurs eurent des métiers différents, aux yeux du duc de Beauvilliers qui les choisit », mais il a dit « des mérites différents. » Il n’a pas dû dire, malgré ses gaietés de style, parlant de la vie débauchée que menait le chevalier de Bouillon (t. […] Molé, qui s’est passée sous nos yeux, a offert un parfait pendant à la réception de M. de Noyon, mais avec moins de gaieté et plus d’amertume.

1644. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — I » pp. 395-413

Rien ne me fait plus de plaisir qu’un bel opéra, mes oreilles communiquent les doux accents de la voix jusqu’au fond de mon cœur ; un beau jardin, de magnifiques bâtiments charment mes yeux ; mais si de pareils plaisirs pouvaient faire tort à mon honneur, je m’en priverais. […] Il lui a rendu cette justice, qu’elle fit tout pour l’en tirer : Le vice à son aspect n’osait jamais paraître : De mes sens mutinés elle m’a rendu maître ; C’était par la vertu qu’on plaisait à ses yeux. […] J’y vais en me frottant les yeux.

1645. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — II » pp. 18-34

Féli pour ce même labeur ; — les heures d’étude et d’épanchement poétique, qui nous mènent jusqu’au souper ; ce repas qui nous rappelle avec la même douce voix et se passe dans les mêmes joies que le dîner, seulement un peu moins éclatantes parce que le soir voile tout, tempère tout ; — la soirée qui s’ouvre par l’éclat d’un feu joyeux, et de lectures en lectures, de causeries en causeries, va expirer dans le sommeil ; — et à tous les charmes d’une telle journée ajoutez je ne sais quel rayonnement angélique, je ne sais quel prestige de paix, de fraîcheur et d’innocence qu’y répandent la tête blonde, les yeux bleus, la voix argentine, les petits pieds, les petits pas, les rires, les petites moues pleines d’intelligence d’une enfant qui, j’en suis sûr, fait envie à plus d’un ange ; qui vous enchante, vous séduit, vous fait raffoler avec un léger mouvement de ses lèvres, tant il y a de puissance dans la faiblesse ? […] Il se méfie de lui, il a peur des hommes : Paris, 1er février 1834. — Mon Dieu, fermez mes yeux, gardez-moi de voir toute cette multitude dont la vue soulève en moi des pensées si amères, si décourageantes. Faites qu’en la traversant je sois sourd au bruit, inaccessible à ces impressions qui m’accablent quand je passe parmi la foule ; et pour cela mettez devant mes yeux une image, une vision des choses que j’aime, un champ, un vallon, une lande, le Cayla, le Val, quelque chose de la nature.

1646. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Histoire du roman dans l’Antiquité »

De tout ce que j’apercevais dans la ville, je me figurais que rien n’était tel que mes yeux me le montraient. […] Après les formules et les cérémonies d’usage, elle se frotte le corpsd’une certaine pommade et se change à vue d’œil en oiseau. […] Psyché a désobéi à l’Amour, elle a cédé aux conseils perfides de ses deux méchantes sœurs jalouses ; elle a voulu voir de ses yeux le monstre qui était son époux ; elle l’a vu, elle l’aime de ce moment plus que jamais, mais au même instant elle l’éveille par la goutte d’huile brûlante qui tombe de sa lampe, et elle le perd.

1647. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Charles-Quint après son abdication, au monastère de Saint-Just »

Même dans l’état d’exténuation où il était réduit quelques années avant son abdication, et tel qu’un ambassadeur de Henri II nous l’a décrit pendant une de ses attaques de goutte, « l’œil abattu, la bouche pâle, le visage plus d’homme mort que vif, le col exténué et grêle, la parole faible, l’haleine courte, le dos fort courbé, et les jambes si faibles qu’à grand’peine il pouvait aller avec un bâton de sa chambre jusqu’à sa garde-robe » ; même dans ce piteux état, il ne cessait de se gorger de viandes indigestes, de poissons, de saumures, de bières glacées : « Jusqu’à son départ des Pays-Bas pour l’Espagne, disait un ambassadeur vénitien, il avait l’habitude de prendre le matin à son réveil une écuelle de jus de chapon, avec du lait, du sucre et des épices ; après quoi il se rendormait. […] Elle a le front large, les yeux bleus et qui témoignent d’une grande vigueur d’âme, le nez aquilin, un peu de travers, la mâchoire inférieure longue et large, ce qui fait qu’elle ne peut joindre les dents et qu’on ne l’entend pas très bien à la fin des mots. […] Les affaires sont si accoutumées à lui qu’elles le cherchent partout où il est et le poursuivent : il ne peut, quoi qu’il fasse, boucher ses yeux et ses oreilles ; il s’impatiente dès le premier jour d’apprendre que le duc d’Albe qui, au nom de Philippe II, faisait la guerre au Pape, a conclu trop vite une suspension d’armes désavantageuse ; il en est si contrarié qu’il ne veut pas même entendre lire les articles de la trêve.

1648. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Les quatre moments religieux au XIXe siècle, (suite et fin.) »

Liautard qui était jusqu’au cou dans toute cette manigance, ou plutôt on se figure sans peine « combien il fallut de soins et de minutieuses attentions pour dépouiller le roi de ses propres idées, pour refaire en quelque sorte son cerveau, sa mémoire, son cœur, toutes ses facultés, toutes ses affections. » Ce qu’il y a de plus certain, c’est que Louis XVIII, ainsi travaillé, faiblit à vue d’œil et baissa. […] Avec cette célérité de communication, on n’a plus le temps, quand on est catholique, de ne pas être immédiatement romain, Quoi qu’il en soit des complications passageres ou des causes durables, il s’est créé et il se crée tous les jours, sous nos yeux, un danger. […] Ce qui éclate aux yeux, c’est qu’il a déjà réveillé bien des haines ; il a produit de ces violents effets de répulsion que les excès de ce genre ont suscités de tout temps en France ; il vient de provoquer au théâtre un type vengeur et populaire qui s’est répété et représenté sur toutes les scènes des villes de province, et jusque dans des granges où la comédie ne s’était pas jouée depuis des années95.

1649. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame, secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. »

L’abbé Legendre, qui a écrit jusqu’à quatre Éloges de M. de Harlay, sans compter ce qu’il en dit dans ses Mémoires ; qui l’a loué une première fois en français, mais un peu brièvement40, une seconde fois en français encore41 et en s’attachant à ne mettre dans ce second morceau ni faits, ni pensées, ni expressions qui fussent déjà dans le premier ; qui l’a reloué une troisième fois en latin42, puis une quatrième et dernière fois en latin encore43, mais pour le coup avec toute l’ampleur d’un juste volume, Legendre a commencé ce quatrième et suprême panégyrique qui englobe et surpasse tous les précédents par un magnifique portrait de son héros ; je le traduis ; mais on ne se douterait pas à ce début qu’il s’agit d’un archevêque, on croirait plutôt qu’il va être question d’un héros de roman : « Harlay était d’une taille élevée, juste, élégante, d’une démarche aisée, le front ouvert, le visage parfaitement beau empreint de douceur et de dignité, le teint fleuri, l’œil d’un bleu clair et vif, le nez assez fort, la bouche petite, les lèvres vermeilles, les dents très bien rangées et bien conservées jusque dans sa vieillesse, la chevelure épaisse et d’un blond hardi avant qu’il eût adopté la perruque ; agréable à tous et d’une politesse accomplie, rarement chagrin dans son particulier, mangeant peu et vite ; maître de son sommeil au point de le prendre ou de l’interrompre à volonté ; d’une santé excellente et ignorant la maladie, jusqu’au jour où un médecin maladroit, voulant faire le chirurgien, lui pratiqua mal la saignée ; depuis lors, s’il voyait couler du sang, ou si un grave souci l’occupait, il était sujet à des défaillances ou pertes de connaissance, d’abord assez courtes, mais qui, peu à peu, devinrent plus longues en avançant : c’est ce mal qui, négligé et caché pendant plus de vingt ans, mais se répétant et s’aggravant avec l’âge, causa enfin sa mort. » L’explication que l’abbé Legendre essaye de donner des défaillances du prélat par suite d’une saignée mal faite est peu rationnelle : M. de Harlay était sujet à des attaques soit nerveuses, soit d’apoplexie plus probablement, dont une l’emporta. […] Rancé, si agréable et si poli à lire, était, nous dit-on, plus froid à entendre ; Clermont-Tonnerre avait du geste, un certain éclat aux yeux du peuple, mais plus de fracas que de fonds. […] Le roi tenait les Sceaux comme suspendus, et Harlay y avait l’œil.

1650. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Oeuvres inédites de la Rochefoucauld publiées d’après les manuscrits et précédées de l’histoire de sa vie, par M. Édouard de Barthélémy. »

Décidément, à ses yeux, « La Rochefoucauld, depuis la découverte du Mémoire de 1649, prend place avant Pascal dans l’histoire de la langue. » On avait dit, à propos du livre des Maximes publié en 1665, que l’auteur avait « cette netteté et cette concision de tour que Pascal seul, dans ce siècle, avait eues avant lui. » M. de Barthélémy s’empare de cet éloge : « C’est donc au duc à qui en revient désormais tout l’honneur, dit-il ; la date du Mémoire ne peut le lui laisser contester. » Mais la difficulté n’est pas dans la date ; le Mémoire de 1649, si on le lit de sang-froid et sans se monter la tête, n’offre pas précisément cette netteté et cette concision de tour, ou du moins ne l’offre pas à un haut degré : il a d’autres qualités, mais pas celles-là éminemment. […] Et n’y a-t-il pas tous les jours, sous nos yeux, de ces amours-propres qui se déguisent en charité ? […] L’amour-propre, s’il est fin, change de ton et de voix ; il a des gémissements et des soupirs ; il se fait inquiet sur le sort de ses frères, sur le danger que courent des âmes fidèles et simples ; il faut, à tout prix, préserver les faibles : et l’amour-propre agit et s’en donne alors en toute sûreté de conscience et, comme on dit, à cœur joie : il accuse l’adversaire, il le dénonce, il le conspue, il le qualifie dans les termes les plus outrageux, les plus humiliants ; et comme il ne veut point cependant paraître, même à ses propres yeux, de l’amour-propre, il se retourne, quand il a fini, et se fait humble aussitôt ; il demande pardon à son semblable d’en avoir agi de la sorte : il n’a voulu que le toucher, le convertir ; on assure même qu’il est de force à lui proposer en secret (après l’avoir insulté en public) de lui donner le baiser de paix et de l’embrasser.

1651. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite et fin.) »

Dans la préface de ses Nouvelles, supposant qu’un de ses amis aurait bien pu faire graver son portrait pour le placer en tête du livre, il donne de lui-même, et de ce portrait absent, la description suivante, quand il avait soixante-six ans (1613) : « Celui que vous voyez ici à la mine d’aigle, les cheveux châtains, le front uni et ouvert, les yeux gais, le nez courbé, quoique bien proportionné, la barbe d’argent (il n’y a pas vingt ans qu’elle était d’or), la moustache grande, la bouche petite, les dents pas plus qu’il n’en faut, puisqu’il n’en a que six, et celles-ci en mauvais état et encore plus mal placées, puisqu’elles ne correspondent pas les unes aux autres ; la taille entre les deux, ni grande ni petite, le teint vif, plutôt blanc que brun ; un peu haut des épaules sans en être plus léger des pieds ; celui-là, je dis que c’est l’auteur de la Galatée, de Don Quichotte de la Manche, le même qui a fait le Voyage du Parnasse et d’autres ouvrages qui courent le monde de çà de là, peut-être sans le nom de leur maître. […] Arnauld, et j’ai sous les yeux une édition de Hollande où elle est donnée positivement comme l’ouvrage de Lancelot, l’un des maîtres de Port-Royal. […] Quand Natoire et Coypel peignaient pour le château de Compiègne une suite de scènes de Don Quichotte, c’était dans le ton simplement riant, et leur pinceau spirituel ne pensait qu’au plaisir des yeux et à la grâce.

1652. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite et fin.) »

Bowles, un des précurseurs du mouvement romantique anglais, a fait à son auteur bien des querelles et lui a reproché bien des infériorités : « Le vrai poète, disait Bowles, doit avoir un œil attentif et familier à chaque changement de saison, à chaque variation de lumière et d’ombre dans la nature, à chaque rocher, à chaque arbre, — que dis-je ? […] Celui qui n’a pas l’œil fait pour observer toutes ces choses, et qui ne peut d’un seul regard distinguer chaque nuance et chaque teinte dans sa variété, sera d’autant insuffisant par là même dans une des plus essentielles qualités du poète. » Pope n’est certes pas dénué de pittoresque ; il sentait la nature, il l’a aimée et décrite dans sa forêt de Windsor ; condamné par sa santé à une vie sédentaire et ne pouvant voyager vers les grands sites, il avait le goût de la nature champêtre, telle qu’elle s’offrait riante et fraîche autour de lui : il dessinait même et peignait le paysage, il avait pris des leçons, pendant une année et demie, de son ami Jervas ; et comme on lui demandait un jour : « Lequel des deux arts vous donne le plus de plaisir, la poésie ou la peinture ?  […] Taine nous entretenait l’autre jour27, — occupés, dis-je, à rechercher uniquement et scrupuleusement la vérité dans de vieux livres, dans des textes ingrats ou par des expériences difficiles ; des hommes qui voués à la culture de leur entendement, se sevrant de toute autre passion, attentifs aux lois générales du monde et de l’univers, et puisque dans cet univers la nature est vivante aussi bien que l’histoire, attentifs nécessairement dès lors à écouter et à étudier dans les parties par où elle se manifeste à eux la pensée et l’âme du monde ; des hommes qui sont stoïciens par le cœur, qui cherchent à pratiquer le bien, à faire et à penser le mieux et le plus exactement qu’ils peuvent, même sans l’attrait futur d’une récompense individuelle, mais qui se trouvent satisfaits et contents de se sentir en règle avec eux-mêmes, en accord et en harmonie avec l’ordre général, comme l’a si bien exprimé le divin Marc-Aurèle en son temps et comme le sentait Spinosa aussi ; — ces hommes-là, je vous le demande (et en dehors de tout symbole particulier, de toute profession de foi philosophique), convient-il donc de les flétrir au préalable d’une appellation odieuse, de les écarter à ce titre, ou du moins de ne les tolérer que comme on tolère et l’on amnistie par grâce des errants et des coupables reconnus ; n’ont-ils pas enfin gagné chez nous leur place et leur coin au soleil ; n’ont-ils pas droit, ô généreux Éclectiques que je me plais à comparer avec eux, vous dont tout le monde sait le parfait désintéressement moral habituel et la perpétuelle grandeur d’âme sous l’œil de Dieu, d’être traités au moins sur le même pied que vous et honorés à l’égal des vôtres pour la pureté de leur doctrine, pour la droiture de leurs intentions et l’innocence de leur vie ?

1653. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Idées et sensations : par MM. Edmond et Jules de Goncourt. »

A un endroit ils nous montrent une entrée de bal, un défilé de femmes au moment où elles arrivent dans le salon : il y en a six, six profils de suite décrits par eux avec un art, un soin, une ciselure, une miniature des plus achevées ; mais les peintres écrivains ont beau faire, ils ont beau dire, ils ont beau multiplier et différencier les comparaisons de médaillons et de camées, je ne me fais pas une idée distincte de ces six têtes, je les confonds malgré moi : six, c’est trop pour mon imagination un peu faible ; la prose n’y suffit pas : j’aurais besoin d’avoir les objets mêmes sous les yeux, ici la confusion des moyens d’expression entre un art et l’autre est sensible. […] La page de MM. de Goncourt vient précisément de me faire relire le tableau de Lucrèce, nous montrant la génisse à qui l’on a enlevé son jeune veau pour l’immoler aux autels : elle cherche partout et regarde également le ciel, l’horizon, l’immensité, d’un œil vague, mais dans un sentiment désolé indéfinissable, Omnia convisens oculis loca… Oh ! […] Voici un petit rêve d’élégie bien française, bien moderne, qui vaut certes toutes les réminiscences des Ovide et des Tibulle : c’est léger, délicat, d’une tendresse de dilettante, d’un regret de xviiie  siècle dans le xixe  ; un idéal rapide de bonheur d’après Fragonard et Denon : « J’ai toujours rêvé ceci, — et ceci ne m’arrivera jamais : Je voudrais, la nuit, entrer par une petite porte que je vois, à serrure rouillée, collée, cachée dans un mur ; je voudrais entrer dans un parc que je ne connaîtrais pas, petit, étroit, mystérieux ; peu ou point de lune ; un petit pavillon ; dedans, une femme que je n’aurais jamais vue et qui ressemblerait à un portrait que j’aurais vu ; un souper froid, point d’embarras, une causerie où l’on ne parlerait d’aucune des choses du moment, ni de l’année présente, un sourire de Belle au bois dormant, point de domestique… Et s’en aller, sans rien savoir, comme d’un bonheur où l’on a été mené les yeux bandés, et ne pas même chercher la femme, la maison, la porte, parce qu’il faut être discret avec un rêve… Mais jamais, jamais cela ne m’arrivera !

1654. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SÉVIGNÉ » pp. 2-21

Aujourd’hui qu’en s’éloignant de nous, la société, dont elle représente la face la plus brillante, se dessine nettement à nos yeux dans son ensemble, il est plus aisé, en même temps que cela devient plus nécessaire, d’assigner à Mme de Sévigné son rang, son importance et ses rapports. […] Mme de Sévigné loue continuellement sa fille sur ce chapitre des lettres : « Vous avez des pensées et des tirades incomparables. » Et elle raconte qu’elle en lit par-ci par-là certains endroits choisis aux gens qui en sont dignes : « quelquefois j’en donne aussi une petite part à Mme de Villars, mais elle s’attache aux tendresses, et les larmes lui en viennent aux yeux. » Si on a contesté à Mme de Sévigné la naïveté de ses lettres, on ne lui a pas moins contesté la sincérité de son amour pour sa fille ; et en cela on a encore oublié le temps où elle vivait, et combien dans cette vie de luxe et de désœuvrement les passions peuvent ressembler à des fantaisies, de même que les manies y deviennent souvent des passions. […] On a souvent discuté sur les mérites de Mme de Grignan, et sa mère lui a fait quelque tort à nos yeux en la louant trop ; c’est un rôle embarrassant à soutenir devant les indifférents, que d’être tant aimée.

1655. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. L’Histoire »

Il ne fallait pas non plus s’arrêter aux surfaces, au décor de l’histoire : un imagier, comme M. de Barante, qui ne s’attache qu’à reproduire l’éclat extérieur de la narration des vieux chroniqueurs et qui étale aux yeux comme une suite magnifique de tapisseries à sujets historiques, manque au devoir essentiel de l’historien. […] Depuis l’invasion barbare jusqu’à la révolution française, il nous donne moins l’histoire objective, impersonnelle, scientifique de la France, que les émotions de Jules Michelet lisant les documents originaux qui peuvent servira écrire cette histoire : on entend ses cris de joie, de douleur, d’amour, de haine, d’espérance, de dégoût, tandis que les pièces qu’il dépouille font passer sous ses yeux les passions, les désirs, les actes de nos ancêtres. […] Les descriptions qu’ils renferment, paysages, ou phénomènes naturels, ou bien actes des êtres vivants, nous aident aussi à reconnaître la singulière acuité de sa vision : son œil reçoit l’impression des plus fines modifications de la nature sensible, et sa mémoire les rend en leur fraîcheur première.

1656. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Discours sur l’histoire de la révolution d’Angleterre, par M. Guizot (1850) » pp. 311-331

Dans cet âge de sophistes où nous sommes, c’est au nom de la philosophie de l’histoire que chaque école (car chaque école a la sienne) vient réclamer impérieusement l’innovation qui, à ses yeux, n’est plus qu’une conclusion rigoureuse et légitime. […] Ce qui s’est passé sous nos yeux en février est un grand exemple. […] Même lorsqu’il raconte, comme dans sa Vie de Washington, c’est d’une certaine beauté abstraite qu’il donne l’idée, non d’une beauté extérieure et faite pour le plaisir des yeux.

1657. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le Livre des rois, par le poète persan Firdousi, publié et traduit par M. Jules Mohl. (3 vol. in-folio.) » pp. 332-350

Le temps fanera la joue de rose et obscurcira l’œil de l’âme brillante. […] Mon cœur te communiquera son amour, et je ferai couler de tes yeux des larmes de honte. […] … Je voyais les signes que ma mère m’avait indiqués, mais je n’en croyais pas mes yeux.

1658. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « La Mare au diable, La Petite Fadette, François le Champi, par George Sand. (1846-1850.) » pp. 351-370

Cependant l’enfant fait sa prière, que lui souffle mot à mot la petite Marie, et, comme il est arrivé à un certain endroit de l’oraison où il s’endort régulièrement chaque soir, il ferme les yeux déjà ; mais ses idées à lui-même s’embrouillent un peu à ce moment de s’endormir, et, mêlant vaguement tout ce qu’il a vu et entendu durant cette soirée : « “Mon petit père, dit-il, si tu veux me donner une autre mère, je veux que ce soit la petite Marie.” — Et sans attendre de réponse, il ferma les yeux et s’endormit. » Touchante délicatesse que ce soit le petit Pierre, l’ange d’innocence, qui, le premier, exprime, en s’endormant, cette idée qui n’a été que vague et flottante jusque-là ! […] Ils étaient blonds ; ils avaient tout à fait bonne mine, de grands yeux bleus, les épaules bien avalées, le corps droit et bien planté.

1659. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mme du Châtelet. Suite de Voltaire à Cirey. » pp. 266-285

Voltaire se trompait peut-être et avait le bandeau sur les yeux quand il écrivait : Jamais personne ne fut si savante qu’elle, et jamais personne ne mérita moins qu’on dît d’elle : C’est une femme savante… Les dames qui jouaient avec elle chez la reine étaient bien loin de se douter qu’elles fussent à côté du Commentateur de Newton : on la prenait pour une personne ordinaire. […] S’il vous reste encore quelque pitié pour moi, écrivez-lui ; il ne voudra point rougir à vos yeux : je vous le demande à genoux… Si vous aviez vu sa dernière lettre, vous ne me condamneriez pas ; elle est signée, et il m’appelle Madame ! […] J’en avais ôté Richelieu, Saint-Lambert m’en a chassé ; cela est dans l’ordre ; un clou chasse l’autre : ainsi vont les choses de ce monde. » Mme du Châtelet avait à peine fermé les yeux, que Voltaire écrivait à Mme Du Deffand, avant toute autre personne, pour lui annoncer cette mort : « C’est à la sensibilité de votre cœur que j’ai recours dans le désespoir où je suis. » Rappelons-nous le portrait satirique ; en vérité, l’ami au désespoir s’adressait bien !

1660. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Vauvenargues. (Collection Lefèvre.) » pp. 123-143

Il me semble qu’en ayant sous les yeux ce premier petit volume sans les additions incohérentes et un peu confuses qu’on a faites depuis, on saisit mieux dans ses justes lignes la génération des idées et la formation du talent. […] Pascal fait porter en effet tout son raisonnement sur la contradiction intérieure, inhérente à la nature de l’homme, qui, selon lui, n’est qu’un assemblage monstrueux de grandeur et de bassesse, de puissance et d’infirmité, et qu’il veut convaincre à ses propres yeux d’être, sans la foi, une énigme inexplicable. […] On ne voit pas qu’il ait été occupé des femmes dans les années où il écrit, et le peu qu’il en dit nous montre un homme revenu : « Les femmes ne peuvent comprendre, dit-il, qu’il y ait des hommes désintéressés à leur égard. » Il semble que, brisé avant l’âge par les maladies, il se soit retranché sur ce point jusqu’aux regrets stériles : « Ceux qui ne sont plus en état de plaire aux femmes et qui le savent, s’en corrigent. » Sans être insensible aux lumières de son temps et sans y fermer les yeux, il était loin de s’en exagérer l’importance, et il se préoccupait du perfectionnement moral intérieur, bien plus que de cette perfectibilité générale à laquelle il est si commode de croire et de s’abandonner.

1661. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Frédéric le Grand littérateur. » pp. 185-205

Pourtant Frédéric se forma vite ; il se forme à vue d’œil dans cette correspondance, et il vient un moment où il possède et manie sa prose française de manière à tenir tête vraiment à Voltaire. […] Quoique je sois venu trop tôt, je ne le regrette pas : j’ai vu Voltaire ; et, si je ne le vois plus, je le lis et il m’écrit. » À de tels accents on devinerait, quand il ne le dirait pas, la passion qui était encore la plus profonde et la plus fondamentale chez Frédéric, celle que Voltaire vivant personnifiait à ses yeux : « Ma dernière passion sera celle des lettres !  […] J’ai sous les yeux le recueil manuscrit et inédit des lettres écrites par d’Alembert à Mlle de Lespinasse pendant son séjour auprès du roi de Prusse24.

1662. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Florian. (Fables illustrées.) » pp. 229-248

Voltaire fut enchanté de sa gentillesse, de ses grands yeux spirituels, de ses reparties vives, de sa gaieté naturelle, et ce grand donneur de sobriquets le baptisa du premier jour Florianet, nom qui était tout un horoscope. […] Et il nous représente Florian, non pas du tout en doux Abel au teint blanc, avec des yeux bleus, mais au teint basané, avec une physionomie très peu sentimentale, animée par des yeux noirs et scintillants : « Ce n’étaient pas ceux du loup devenu berger, mais peut-être ceux du renard ; la malice y dominait… » Dans sa première jeunesse, Florian s’était livré à ce goût de contrefaire dans le rôle d’Arlequin, sa vraie création.

1663. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Histoire du chancelier d’Aguesseau, par M. Boullée. (1848.) » pp. 407-427

Son père, le plus pacifique, le plus prudent et le moins novateur des hommes, était pourtant attaché, par des affinités de vertu et de mœurs comme de pensée, à cette école qu’on désignait alors sous le nom de Port-Royal, et son fils en devint sous ses yeux comme un élève extérieur et libre, et tout littéraire, au moins par les méthodes qu’on lui fit suivre, et par l’esprit général qui présida à son éducation. […] Cette paresse a besoin d’explication quand le mot s’applique à un homme aussi constamment et aussi diversement laborieux que l’était d’Aguesseau ; mais je crois qu’il la faut prendre dans le sens de lenteur de tempérament, d’absence de verve et de longueur de phrases, ce qui est incontestable quand on lit d’Aguesseau ; on sent qu’il a dû passer bien du temps à limer, à polir ce qui paraît encore un peu traînant à la lecture, et qu’aussi il s’est amusé à bien des études d’inclination et de fantaisie qui peuvent ressembler à de la paresse aux yeux des hommes d’action et d’affaires. […] De la modération, du ménagement en toutes choses, une intelligence vaste et tempérée, un sincère et ingénu désir de conciliation, une mémoire prodigieuse, immense, une expression pure, élégante et soignée, cette politesse affectueuse qui naît d’un fonds d’honnêteté et de candeur, c’est ce que témoignent tous ses écrits, et ce qu’on lirait aussi, jusqu’à un certain point, dans les traits de son noble et beau visage, dans ce sourire discret, dans cet œil fin, bienveillant et doux, et jusque dans ces contours si ronds et sensiblement amollis, où rien n’accuse la vigueur.

1664. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La Harpe. » pp. 103-122

La Harpe n’eut point le bon esprit de ne se point choquer des critiques modérées, ni de fermer les yeux sur les injures et les méchants procédés que l’envie oppose à tout succès, à toute célébrité naissante ; et sa vie dès lors se composa de deux parties qui se mêlèrent sans cesse, et dans la confusion desquelles sa dignité d’homme et d’écrivain reçut de cruelles et irréparables blessures. […] Sur l’Antiquité, il ne fait que courir sans doute, il est léger ; pour un homme aussi instruit et dont c’est le métier de l’être, il a des ignorances singulières et des oublis ; il n’en a pas de moins fortes et de moins frappantes à nos yeux sur les époques intermédiaires qu’il franchit rapidement, et où son auditoire ne lui demandait du reste que des esquisses, très suffisantes alors. […] Le voile alors tomba de ses yeux, et la violence générale lui apparut dans tout ce qu’elle avait d’odieux et de criminel.

1665. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « L’abbé Barthélemy. — I. » pp. 186-205

Au xviiie  siècle, dans chaque maison riche, il y avait l’abbé, personnage accessoire et pourtant comme indispensable, commode au maître, à la maîtresse de la maison, répondant aux questions des enfants et des mères, ayant l’œil sur le précepteur, instruit, actif, familier, assidu, amusant, un meuble nécessaire à la campagne. […] L’abbé Barthélemy, par son mérite et par la nature du sentiment qui le liait à M. et à Mme de Choiseul, s’élève au-dessus de cette classe, ou plutôt il la personnifie à nos yeux dans un exemple supérieur et comme idéal. […] Walpole renouvelle à tout propos ces portraits de la jolie duchesse, et, puisque j’en suis à ces échantillons divers de son pinceau, j’ajouterai celui-ci encore, comme le plus complet et le plus ravissant de tous : La duchesse de Choiseul n’est pas fort jolie, mais elle a de beaux yeux, et c’est un petit modèle en cire qui, pendant quelque temps, n’ayant pas eu la permission de parler, comme en étant incapable, a contracté une modestie dont elle ne s’est point guérie à la Cour, et une hésitation qui est compensée par le plus séduisant son de voix, et que fait oublier le tour d’expression le plus élégant et le plus propre.

1666. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Saint François de Sales. Son portrait littéraire au tome Ier de l’Histoire de la littérature française à l’étranger par M. Sayous. 1853. » pp. 266-286

Le duc de Savoie (Charles-Emmanuel), politique habile et rusé, lui sut toujours mauvais gré de ces liaisons intimes qu’il avait contractées à la cour de France, et des distinctions singulières dont il avait été l’objet ; il en conçut de la méfiance contre celui qui n’avait pourtant aucune vue d’ambition mondaine, et qui disait en son gracieux langage : « Je suis en visite bien avant parmi nos montagnes, en espérance de me retirer pour l’hiver dans mon petit Annecy où j’ai appris à me plaire, puisque c’est la barque dans laquelle il faut que je vogue pour passer de cette vie à l’autre. » Henri IV, de son côté, ne cessa d’avoir l’œil sur l’évêque de Genève. […] … Considérez qu’alors le monde finira pour ce qui vous regarde ; il n’y en aura plus pour vous ; il renversera sens dessus dessous devant vos yeux… Considérez les grands et langoureux adieux que votre âme dira à ce bas monde, etc. […] Aujourd’hui les défauts qui sautent aux yeux dans son style sont voisins des qualités qui charment et qui sourient.

1667. (1889) Émile Augier (dossier nécrologique du Gaulois) pp. 1-2

S’il n’a point l’œil assez vaste, le regard assez puissant, pour voir, d’ensemble, la société qui s’agite à ses pieds, il s’attachera à en étudier la fraction qui, par son importance sociale, son intelligence, son éducation, le rôle qu’elle a joué a le plus d’affinités avec lui-même. […] Tout l’œuvre du poète qui vient de mourir est inspiré par cette double pensée : relever, à ses propres yeux, le bourgeois défaillant et décadent par l’exemple des hautes vertus bourgeoises ; flétrir, comme on flétrissait la forfaiture d’un gentilhomme, les défaillances des bourgeois indignes d’être inscrits au livre d’or de la bourgeoisie. […] Depuis la veille au matin, le malade, immobile, les yeux fermés, semblait dormir.

1668. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VI. Daniel Stern »

Ce pseudonyme n’a-t-il pas toujours été le secret de la comédie et d’ailleurs, à la fin du volume que nous avons là sous nos yeux (édition de 1849), le front de la femme n’a-t-il pas fini par trouer le masque de dentelle noire à travers lequel on le voyait ; et Daniel Stern, ce cerveau sans sexe jusque-là, n’a-t-il pas avoué modestement et franchement qu’il en a un ? […] Les métaphysiciens aux yeux retournés en dedans, ces marbres pesants sans prunelle et sans rayon visuel, rougissent-ils jamais de leurs bévues en histoire ? […] … Et comme à, ses yeux parmi les hommes, les plus mâles dans l’ordre intellectuel et moral sont les plus savants, les plus philosophes, les plus puritains, elle se fait, à bras raccourci, savante, philosophe, puritaine.

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