Mais elle n’a de signification ici que selon l’art et si l’on a songé à l’héroïsme, c’est uniquement pour les grandes et nobles lignes qui en accompagnent l’idée. […] Au point de vue de la plastique, je citerais vingt pièces de ce genre, et davantage, dans les Sites, les Sonnets et dans les parties de Tel qu’en Songe où M. de Régnier s’est rappelé sa première manière. […] Ce poète eût beaucoup perdu sans doute à ce changement de vision si, — comme le font les sculpteurs, — en rendant plus flottantes les lignes de ses figures, il n’avait préservé sous la vague étoffe la fermeté pure des contours, et s’il n’avait acquis pour elles un lointain favorable au songe qui les fait aimer par-dessus tout. […] La Forêt en sa masse mystérieuse, ou vaste et triste et sœur du Songe par la solitude, est particulièrement aimée de M. de Régnier. […] C’est aussi la différence des décors : l’un de songe, l’autre de vie mouvante.
Et il songea — non, il n’y songea point mais tout se passe comme si… il songea à mettre sa vie dans ses vers. […] mon enfant, ta voix dans le bois de Boulogne… Je ne veux pas ouvrir ses livres, parce que je voudrais tout lire, et tout citer, et qu’on ne songe au dire ici qu’un adieu. […] Loin de songer que Boissier dût l’enterrer, parler, et gauchement parler à ses obsèques, il lui avait lui-même composé cette brève épitaphe : Ci-gît Boissier, ce vieux raseur, Plus connu comme confiseur.
Tant mieux si cela arrange tout le monde, mais nous n’avons songé qu’à nous. […] Personne ne songeait plus à lui, coupe-tête. […] personne ne songe plus à l’abolition de la peine de mort. […] Il est difficile de songer de sang-froid à ce que c’est qu’un procureur royal criminel. […] L’âme de cet homme, y songez-vous ?
Je songe aux races du Nord qui immigrèrent en Orient et en Italie, et qui apportèrent en ces pays un ferment de civilisation nouvelle. […] de songer aux mots qui les auraient grisés Parmi le clair de lune écoutés bouche à bouche ! De songer qu’ils vivront sans que leur main se touche Et que, pour eux, ces nuits passeront sans baisers ! […] Et l’on songe que Marie Dauguet doit, en effet, beaucoup à des Esseintes. […] je dors Et je songe aux choses divines.
Mais il y a loin de ces travaux d’embellissement, qui l’engagèrent plus qu’il n’aurait voulu d’abord, au laborieux tableau tracé par La Bruyère ; et j’aime à penser que, si l’observateur moraliste avait songé à Gourville, ç’aurait été plutôt pour peindre ce personnage naturel et original, par les côtés vraiment singuliers et caractéristiques qui en font un individu-modèle dans son espèce. […] On ne saurait avoir moins de dispositions que lui à être un fat : à la guerre, Gourville ne songe pas non plus à devenir un héros. […] Il va prendre à cette fin des hommes sûrs en Angoumois, aux environs de La Rochefoucauld ; et pour ce qui est de l’argent, nerf de toutes choses, il songe aux moyens de s’en procurer. […] Gourville, qui observait toutes choses, dit au cardinal qu’il ne doutait pas « que, dans le temps que la vendange approcherait, il n’y eût quelque nouveau mouvement à Bordeaux. » Quand venait cette saison des vendanges, Bordeaux songeait toujours à faire sa paix. […] La fortune pourtant lui ménageait de plus grands revers : on le choisit entre tous les gens d’affaires de l’entourage de Fouquet pour servir d’exemple mémorable, et il dut songer à la fuite hors du royaume.
Il ne songe point a être approuvé, mais à se contenter. […] Il n’y a songé de sa vie, et ne veut point le savoir. […] Cette vertu suppose un esprit de réflexion pratique, d’attention à autrui, d’occupation du sort des autres et de détachement de soi, qu’il n’a pas reçu, ce me semble, infus avec la vie, et qu’il a encore moins songé à se donner. […] c’est cette méthode ou plutôt cette pratique qui m’a été de bonne heure comme naturelle et que j’ai instinctivement trouvée dès mes premiers essais de critique, que je n’ai cessé de suivre et de varier selon les sujets durant des années ; dont je n’ai jamais songé, d’ailleurs, à faire un secret ni une découverte ; qui se rapporte sans doute par quelques points à la méthode de M.
Mais l’homme qui écrit par besoin, pour défendre ce qu’il croit ou ce qu’il aime, pour réaliser un idéal d’art, ou même pour satisfaire son ambition, son égoïsme ou ses vices, ne songe qu’à parler juste, et qu’à trouver les mots qui rendent sa pensée et l’approchent de son but : celui-là est aussi éloigné de concerter ses figures que l’homme du peuple, qui, en jurant, ne pense guère à faire une imprécation. […] On le concevra sans peine, si l’on songe que souvent l’expression propre ne rend que l’idée, tandis que dans l’esprit l’idée est doublée d’un sentiment, d’une impression quelconque, qui en sont inséparables, qui doivent se manifester avec elle et par les mots même qui la rendent. […] Et si l’on songe aux facilités qu’offre une langue déjà vieille par la multitude des phrases toutes faites et des figures ajustées d’avance, on concevra comment tant de métaphores ou d’hyperboles, qui naissent spontanément au premier effort de la pensée, ne sont que de vains échappatoires par lesquels on se dispense de faire acte de réflexion en donnant une espèce de satisfaction à la sensibilité.
Ce rêve, et j’en tremblais, c’était une action Ténébreuse entre l’homme et la création ; Des clameurs jaillissaient de dessous les pilastres ; Des bras sortant du mur montraient le poing aux astres ; La chair était Gomorrhe et l’âme était Sion ; Songe énorme ! […] * Tandis que je songeais, l’œil fixé sur ce mur Semé d’âmes, couvert d’un mouvement obscur Et des gestes hagards d’un peuple de fantômes, Une rumeur se fit sous les ténébreux dômes, J’entendis deux fracas profonds, venant du ciel En sens contraire au fond du silence éternel ; Le firmament que nul ne peut ouvrir ni clore Eut l’air de s’écarter. […] Ce n’était plus, parmi les brouillards où l’œil plonge, Que le débris difforme et chancelant d’un songe, Ayant le vague aspect d’un pont intermittent Qui tombe arche par arche et que le gouffre attend, Et de toute une flotte en détresse qui sombre ; Ressemblant à la phrase interrompue et sombre Que l’ouragan, ce bègue errant sur les sommets, Recommence toujours sans l’achever jamais.
C’est que la tapisserie ne demande pas la même vérité que la peinture ; c’est qu’il faut songer à la durée, à la gaieté d’un appartement, à un autre effet. […] Mais le Laocoon a saisi avec ce bras un des serpents dont il cherche à se débarrasser, et le Milon de Bachelier se laisse bêtement dévorer une jambe par un loup qu’il étranglerait avec sa main libre, s’il songeait à s’en servir.
Tout sommeillant, il a un songe. Le songe est un lieu commun et une machine en usage dans les romans de chevalerie : ici la parodie en est heureuse et très spirituelle. […] Beaumanoir s’incline et répond humblement : Songez un autre songe, celui-ci est mal songé.
Un bon moyen de songer à Dieu, c’est précisément de ne pas trop songer à la vie. […] Elle songea à la mort. […] Il me fait sourire, parce que je songe au mince résultat. […] Il ne songeait pas au lendemain seulement, il songeait aux surlendemains les plus éloignés. […] Il ne songe plus qu’à consolider l’édifice si rapidement construit.
Et il a songé à Cervantès. […] Jamais on n’y songea. […] Seulement il faut y songer. […] J’y ai songé ; mais j’étais timide et peu visiteur à cette époque. […] « A quoi précisément songez-vous ?
Ce sont bien des confidences, en effet, ces poèmes où le rythme semble dérouler tout ce qui, dans la nature, souffre, s’effraie et s’atténue : l’automne et les suprêmes parfums passant dans le sillage des départs ailés ; les couchants dont des nuages en fuite pansent la gloire meurtrie ; les yeux stagnants des vieilles résignant, songe à songe, leur vie ; les vaisseaux que cerne la brume marine ; les pleurs que font tinter dans l’air les clochers exhalant l’Angélus ; — et la mélancolie du Désir, nostalgique et toujours inassouvi, qui supplante aux fins de l’étreinte la fougue lassée du déduit.
Commencez, Seigneur, à songer Qu’il importe d’être & de vivre ; Pensez à vous mieux ménager. […] Du moment que la fiere Parque Nous a fait entrer dans la barque Où l’on ne reçoit point les corps, Et la Gloire & la Renommée Ne sont que songe & que fumée, Et ne vont point jusques aux Morts ; Au delà des bords du Cocyte, Il n’est plus parlé de mérite, Ni de vaillance, ni de sang ; L’ombre d’Achille ou de Thersite, La plus grande & la plus petite Vont toutes en un même rang.
Pour ma part, j’ai souvent songé que, si l’on m’offrait un métier manuel qui, au moyen de quatre ou cinq heures d’occupation par jour, pût me suffire, je renoncerais pour ce métier à mon titre d’agrégé de philosophie ; car ce métier, n’occupant que mes mains, détournerait moins ma pensée que la nécessité de parler pendant deux heures de ce qui n’est pas l’objet actuel de mes réflexions. […] L’esclave abruti, qui se sentait inférieur à son maître, supportait les coups comme venant de la fatalité, sans songer à réagir par la colère. […] En vérité, je ne sais si tous les plaisirs ne pourraient subir cette épuration et devenir des exercices de piété, où l’on ne songerait plus à la jouissance. […] Puis, par un côté inférieur, auquel on songerait à peine, on appartiendrait à telle ou telle profession. […] Ne vaudrait-il pas mieux songer à son bien-être et à son plaisir dans la vie présente que de se sacrifier pour le vide ?
L’ancienne Académie française qui compta toujours un si grand nombre d’abbés, d’évêques, de cardinaux, la fleur du clergé séculier, n’aurait jamais songé à choisir un religieux proprement dit, un homme voué à la retraite, enchaîné par des vœux étroits, eut-il été un foudre d’éloquence. […] L’Académie nouvelle n’en a pas tenu compte, et elle a sans doute bien fait de ne songer qu’au talent. On assure qu’en allant choisir à ce moment le père Lacordaire, dont elle aurait pu se souvenir plus tôt, elle a songé à autre chose encore ; je veux dire qu’elle a désiré voir appliquer ce beau talent d’orateur à un sujet qui lui était particulièrement cher, au panégyrique d’un éminent académicien mort avant l’âge et enlevé dans la ferveur de ses œuvres.
« Je n’accepte pas non plus le mot de chinoiserie appliqué à la chambre de Salammbô, malgré l’épithète exquise, qui le relève (comme dévorants fait à chiens dans le fameux Songe), parce que je n’ai pas mis là un seul détail qui ne soit dans la Bible ou que l’on ne rencontre encore en Orient. […] (Songez donc que les sacrifices humains n’étaient pas complètement abolis EN GRÈCE à la bataille de Leuctres ! […] Il était des plus liés alors avec M. de Lamennais et l’on ne songeait point encore à l’en distinguer par aucune nuance. […] « En un mot, les vrais poëtes de cette époque et de ces origines romantiques françaises sentaient et chantaient d’après eux-mêmes, bien plus qu’ils ne songeaient à imiter ou à étudier. […] Mais comme mes yeux se refusaient à toute lecture de longue haleine, surtout à ces dernières heures de la journée, j’ai dû songer à me procurer de bons lecteurs, et j’en ai trouvé.
Le dernier et le plus illustre de ceux qui ont pris La Fontaine ainsi, c’est mon vénéré maître, Hippolyte Taine, qui a fait un livre admirable, et avec lequel je ne songe pas à rivaliser, mais il n’en est pas moins vrai qu’il n’y a chez lui, je crois, qu’une partie de la vérité. […] Pas le moins du monde, et cette fois La Fontaine n’y songe pas. […] je le sais bien, vous ne songez à rien, têtes folles ! […] Par exemple, l’hirondelle qui est l’animal le plus individualiste, le plus domestique qui soit, l’hirondelle qui, dans la saison qu’elle passe chez nous, ne semble songer qu’à son nid et à ses petits, lorsqu’une autre hirondelle est en danger, on l’a remarqué, se précipite à son secours. […] Il commence par nous représenter deux pigeons qui sont des frères, qui sont du même colombier, qui sont des amis d’enfance, enfin qui sont des frères, et puis, peu à peu, il est tellement attendri par son sujet que c’est à des amants qu’il songe et c’est à des amants qu’il s’adresse dans son épilogue.
Angellier, qui s’est tout particulièrement imprégné du génie de nos voisins, une fraîche et mouvante campagne britannique, une de celles qu’emplit le clair de lune du Songe d’une nuit d’été, une de celles qui chantent dans les poètes pénétrants et subtils dont la voix nous arrive d’outre-mer. […] Si l’on songe que, tout en commentant les vers d’un autre, le narrateur de la Vie de Robert Burns a écrit des vers comme ceux-ci : Les caresses des yeux sont les plus adorables ; Elles apportent l’irae aux limites de l’être Et livrent des soi-rets autrement ineffables.
On ne peut nier que le christianisme, en présentant la vie actuelle comme indifférente et détournant par conséquent les hommes de songer à l’améliorer, n’ait fait un tort réel à l’humanité. […] On cesse de l’envisager ainsi quand on songe que toute la civilisation moderne, qui est l’œuvre de la bourgeoisie, eût été sans cela impossible. […] Les jugements que l’on porte sur la vie ascétique partent du même principe : l’ascète se sacrifie à l’inutile ; donc il est absurde ; ou, si l’on essaye d’en faire l’apologie, ce sera uniquement par les services matériels qu’il a pu rendre accidentellement, sans songer que ces services n’étaient nullement son but et que ces travaux dont on lui fait honneur, il n’y attachait de valeur qu’en tant qu’ils servaient son ascèse. […] Quand on compare les œuvres timides que notre âge raisonneur enfante avec tant de peine aux créations sublimes que la spontanéité primitive engendrait, sans avoir même le sentiment de leur difficulté ; quand on songe aux faits étranges qui ont dû se passer dans des consciences d’hommes pour créer une génération d’apôtres et de martyrs, on serait tenté de regretter que l’homme ait cessé d’être instinctif pour devenir rationnel.
— C’est ton père, c’est moi, C’est ma seule prison qui t’a ravi ta foi… Ma fille, tendre objet de mes dernières peines, Songe au moins, songe au sang qui coule dans tes veines : C’est le sang de vingt rois, tous chrétiens comme moi ; C’est le sang des héros, défenseurs de ma loi, C’est le sang des martyrs. — Ô fille encor trop chère !
Il n’y a là d’autre fait que le songe d’un homme éveillé, qui est enlevé au monde réel par sa vision et qui se transporte imaginairement dans les mondes surnaturels : voyage à travers l’infini. […] Ils sont dans ce songe sanglotant des petits enfants endormis qui rêvent la faim avant de la sentir, et qui demandent en songe cette nourriture que la crainte de déchirer le cœur de leur père les empêche de demander éveillés. […] » Il s’endort, un songe le visite. « Il me sembla, dit-il, voir en songe une femme jeune et belle aller et venir dans une lande en cueillant des fleurs et en chantant. […] « Change de pensée », lui dit-elle, « et songe que je m’approche de celui qui soulage de toute iniquité et de toute injure.
Il y a longtemps que si les hommes écrivaient aussi bien qu’ils parlent, ou que si l’on écrivait pour eux ce qu’ils disent dans les circonstances décisives où ils se trouvent, il y aurait quantité d’écrivains qui n’en seraient que plus mémorables pour ne pas être du métier : mais, parmi ceux qui ont songé à écrire ou à dicter après coup ce qu’ils avaient dit ou ce qu’ils avaient fait, la plupart ont perdu, en se mettant dans cette position et comme dans cette attitude nouvelle, une partie de leurs facultés, de leurs ressources ; s’imaginant que c’était une grande affaire qu’ils entreprenaient, et préoccupés de leur effort, ils ont laissé fuir mille détails qui animent et qui donnent du charme ; ils se sont ressouvenus froidement, ou du moins incomplètement ; on n’a eu que l’ombre de leur action ou de leur verve première. […] Henri IV avait songé à épouser Corisandre comme il songea plus tard à épouser Gabrielle : car il y avait en lui de l’homme d’habitude en même temps que de l’inconstant. […] Henri cependant songea sérieusement, dit-on, à l’épouser, ou du moins il en parla comme aiment à faire les amoureux de l’objet qui les occupe. […] Le charme pour elle n’existe plus du tout, et elle prend l’habitude, dans son irritation, d’annoter les lettres qu’elle reçoit de Henri et de les charger dans les interlignes de contradictions piquantes et moqueuses ; par exemple, à cet endroit où il est dit qu’il se propose de faire venir bientôt près de lui Mme Catherine, sa sœur, et qu’il la prie de l’accompagner, elle ajoute ironiquement : « Ce sera lorsque vous m’aurez donné la maison que m’avez promise près de Paris, que je songerai d’en aller prendre la possession, et de vous en dire le grand merci. » Il perce dans ce reproche un coin d’intérêt et de calcul qu’on ne voudrait pas en elle.
À aucun moment, depuis vingt-deux ans, ils n’ont songé à reparaître dans leurs chaires. Quand je dis qu’ils n’y ont pas songé, j’ai peut-être tort. […] Guizot songe toujours à la politique d’à côté : Si j’appliquais aujourd’hui à ces études historiques de 1820, dit-il dans sa préface de 1851, tous les enseignements que, depuis cette époque, la vie politique m’a donnés, je modifierais peut-être quelques-unes des idées qui y sont exprimées sur quelques-unes des conditions et des formes du gouvernement représentatif. […] Il a du talent sur tout et à propos de tout ; soit qu’il reprenne pour la dixième fois ses Pères de l’Église et qu’il en découvre un encore auquel il n’avait point songé, soit qu’en parlant du concile de Nicée, il se ressouvienne un peu trop peut-être de la défunte Assemblée législative, soit surtout qu’il essaie, dans des morceaux d’une littérature exquise, de nous donner une flatteuse idée d’une histoire de l’Académie française pendant les deux derniers siècles, dans tous ces fragments qu’il ne tient qu’à lui de multiplier chaque matin avec fraîcheur, M. […] Nous osons rappeler, au milieu des portions florissantes et triomphantes de la nation industrielle et militaire, qu’il y a aussi un pays moral, littéraire ; et, sans trop imaginer les moyens de le rétablir et de le réconforter, nous désirons que de plus habiles que nous y songent.
Elle jouit de ces charmants tableaux encore plus qu’elle ne songe à les mesurer ou à les classer ; elle en aime l’auteur, elle le reconnaît pour celui qui a le plus reproduit en lui et dans sa poésie toute réelle les traits de la race et du génie de nos pères ; et, si un critique plus hardi que Voltaire vient à dire : « Notre véritable Homère, l’Homère des Français, qui le croirait ? […] Dans ce monde de Fouquet, La Fontaine composa Le Songe de Vaux et des épîtres, ballades, sizains et dizains ; le surintendant lui avait donné une pension, sous cette clause gracieuse qu’il en acquitterait chaque quartier par une pièce de vers. […] Dans cette pièce, comme dans le discours en vers à Mme de La Sablière sur l’idée finale de conversion, comme dans le début de Philémon et Baucis, comme dans Le Songe d’un habitant du Mogol, La Fontaine a trouvé pour l’expression de ses vœux, de ses regrets et de ses goûts, un alexandrin plein et facile qui sait rendre coulamment le naturel, la tendresse, la hauteur de l’âme et l’indulgence, et qui se loge de lui-même dans la mémoire. […] La fable qui clôt le livre VIIe, Un animal dans la Lune, nous révèle chez La Fontaine une faculté philosophique que son ingénuité première ne laisserait pas soupçonner : cet homme simple qu’on croirait crédule quand on raisonne avec lui, parce qu’il a l’air d’écouter vos raisons plutôt que de songer à vous donner les siennes, est un émule de Lucrèce et de cette élite des grands poètes qui ont pensé. […] Cette manière de l’entendre est étroite et bien peu poétique ; et si, parlant auprès des grands et des puissants, il ne retenait pas la leçon qui lui échappait sur eux, il songeait certes encore moins à flatter le peuple, ce peuple d’Athènes qu’il appelle quelque part l’« animal aux têtes frivoles ».
. — Le Songe d’une femme (1899). — Oraisons mauvaises (1900). […] Louis Payen De même que dans la vie ordinaire nous nous plaisons à agrémenter d’un peu de beauté nos actes et nos pensées pour plaire à notre correspondant lointain, ainsi, dans Le Songe d’une femme, les personnages prennent des attitudes et cherchent à embellir mutuellement leur vie.
Je ne m’ennuie que lorsque, averti par la faim, je songe qu’il faut manger. […] Laforgue songe à Pau, à Alger. […] Banville, moins solennel, évoque l’image du clown qui, pour amuser la foule, s’expose à se rompre le cou, et il songe aussi à Pierrot, cet éternel bafoué.
Mais si l’on songe que les histoires d’amour et de tournois — bourdonnées de la sorte — sont enclines à verser le sommeil ; si l’on songe aux nuits de juin où, la chair rose sous la chemise de samit mauve, les nobles dames d’antan prêtaient une chaste oreille aux récits des Violeurs de Villanelles. […] Évoqué quelque paysage aux yeux de l’artiste, vibrée la symphonie de songe à ses oreilles, ou surgie l’Idée pure en son cerveau, les procédés matériels — intuitivement — doivent être choisis ; je dis intuitivement, car le travail formel que j’analyse ici est spontané chez le poète : sinon de la marqueterie.
Quant au reste, je n’y songeais pas. […] Du songe banal de la vie, il a su se faire une extase toujours neuve. […] Il se peut aussi que Schnoudi n’ait pas non plus songé à cela. […] Mais le pauvre Agénor, tout à son veuvage, ne songe point qu’il est père. […] En les observant, je songeais à ce livre que rêve M.
Mais songez au but que je m’étais proposé en vous conduisant près d’elle ». […] Songez donc qu’elle ne peut pas même prononcer un mot français. […] « À quoi songez-vous ? […] Je ne sais à quoi songe la police ; mais il a le diable au corps. […] Non, il ne fallait pas y songer.
Et à propos du prétendu abîme de Pascal il dit de Léonard : « Un abîme le ferait songer à un pont. […] Un serpent l’a mordue en songe — mythe et vérité, mythe qui se vérifie par l’effet. […] de mes pieds nus qui trouvera la trace Cessera-t-il longtemps de ne songer qu’à soi ? Et toute la Jeune Parque n’est en effet qu’un songe de soi, — mais songer à soi, se songer, c’est poser le pied sur une terre trouble et inconsistante. […] Fut-il jamais de sein si dur Qu’on n’y puisse loger un songe ?
Songez à la vie qu’il mène. […] Je n’avais jamais songé à demander qui en était le propriétaire. […] J’avais d’abord songé à la Revue des Deux-Mondes. […] J’étais, je crois, en train de songer : « Ah ! […] Je songe à ce qu’est la pauvreté à Paris.
bien, elle ne songeait guère à cela ! […] Elle n’y a pas songé, ce n’est pas sa faute. […] Alceste, au moins, songe à se faire ermite. […] Je vous dis qu’ils ne songent qu’au bien de l’humanité ! […] Il n’y songe pas plus qu’il n’avait songé, au début, à tempérer par quelque souci de beauté sa soif d’exactitude psychologique.
Et songez donc, ami, songez s’il me la devait ! […] Il n’y faut pas songer… — Ah ! […] Il fait songer, et fort tristement. […] C’est vraiment un beau songe. […] Cela est touchant, quand on y songe.
Mais à l’ordinaire on ne songe guère à cela : la plupart des gens ne sont occupés qu’à dégorger ce qu’ils croient savoir, à tirer la conversation du côté par où ils pensent briller, à faire les honneurs de leur information ou de leur esprit. On ne s’écoute pas réciproquement, chacun songe à ce qu’il va dire et épie le moment de saisir la parole.
— Combien d’autres n’auraient pas songé à ce détail, ou du moins l’auraient rendu d’une autre manière ! […] Mais d’où vient que nul ne songe à jeter quelques fleurs sincères et à tresser quelques loyaux articles en faveur de M. […] Matout songe à M. […] La peinture de mademoiselle Eugénie Gautier n’a aucun rapport avec la peinture de femme, qui, en général, nous fait songer aux préceptes du bonhomme Chrysalde. […] Meissonier nous fait songer malgré nous à M.
Général, consul, empereur, il reste officier de fortune et ne songe qu’à son avancement. […] Quand il passait sur le front de sa grande armée, et qu’il songeait que ces milliers d’hommes étaient prêts à mourir pour son rêve, savons-nous ce qui remuait en lui ? […] Quand vous croyez rêver le bonheur, vous ne rêvez tout au plus que la suppression de la souffrance ; encore vous ne la rêvez pas longtemps : bientôt votre songe vous paraît insignifiant et vain, et vous vous hâtez de rappeler la douleur, d’où naît l’effort et le mérite, et par qui seul se meut vers quel but ? […] Stella nous dit que, dans cette bienheureuse planète, les grands artistes contemplent enfin leur idéal vivant : Ils possèdent leur songe incarné sans effort : C’est aux bras d’Athéné que Phidias s’endort ; Souriante, Aphrodite enlace Praxitèle ; Michel-Ange ose enfin du songe qui la tord Réveiller sa Nuit triste et sinistrement belle. […] Et quant aux autres joies dont je parlais tout à l’heure, songez que ce sont presque toutes des joies spéciales, des aubaines individuelles, et que l’infortuné poète s’était imposé le devoir de décrire le bonheur en général.
Il est vrai que Goethe a prolongé si tard sa vie, que nous le prenons volontiers pour un écrivain de notre génération ; on ne songe guère qu’il avait quarante ans à l’époque de l’Assemblée Constituante, et que son œuvre capitale était achevée dès lors depuis longtemps. […] On dirait, tant il sentait que toute son œuvre était là en germe, qu’il n’a songé à écrire ses Mémoires que pour cette explication, par laquelle il termine une confession qu’il n’a jamais continuée au-delà. […] Ne pouvant les suivre dans leurs utopies, il songeait, dans sa force, ou si l’on veut dans sa faiblesse, à tirer d’eux un utile parti ; avec ces hommes de foi, qu’il avait sous les yeux, il songeait à faire de l’art ; il ne s’abandonnait pas à leurs idées, il voulait seulement, comme un miroir fidèle, réfléchir leur image : il travaillait à son Mahomet 6. […] Quelque peu de responsabilité qu’on ait à traduire maintenant un ouvrage aussi connu, on doit y songer pourtant. […] Il a devant lui des chrétiens pleins d’enthousiasme, qui veulent faire revivre le Christianisme ; et il songe à revêtir Mahomet de leurs couleurs.
Tout cela a disparu et s’est évanoui comme un songe, comme une fleur, comme une ombre. […] Ils se sont retirés : ils ont renoncé à votre amitié : ils ne songent qu’à leur sûreté, à leurs intérêts, aux dépens même des vôtres. […] De les appeler une fleur, une herbe, une fumée, un songe, ce n’est pas encore en dire assez, puisqu’elles sont au-dessous même du néant. […] » Louis XIV songeait à tout ; il protégeait les Académies, et distinguait ceux qui se signalaient ; il ne prodiguait point sa faveur à un genre de mérite, à l’exclusion des autres, comme tant de princes qui favorisent, non ce qui est beau, mais ce qui leur plaît ; la physique et l’étude de l’antiquité attirèrent son attention. […] Songez, Mylord, que, sans le voyage et les expériences de ceux qu’il envoya à Cayenne en 1672, et sans les mesures de M.
C’est alors que le Cid joua au plus fin et se ménagea un jeu à part ; trompant également le roi Mostaïn, dont il était l’allié, et le roi Alphonse appelé l’Empereur dont il continuait de se dire le vassal, il ne songea, à la tête de son armée, qu’à pousser ses propres affaires, comme le plus osé et le plus habile des trois larrons. […] Arrivé à cette hauteur, il eut les visées les plus longues et les plus vastes ; il ne songeait à rien moins qu’à la conquête de toute la partie de l’Espagne encore possédée par les Maures : « Un Rodrigue a perdu cette péninsule, disait-il, un autre Rodrigue la recouvrera. » Mais sa carrière était trop avancée pour de semblables desseins. […] Et n’y eut-il pas même un moment, — sous Philippe II, — où l’on songea à faire de lui un saint et à demander sa canonisation ? […] « Mais quand il vint à Rodrigue, l’espérance du succès qu’il attendait étant presque morte dans son sein, — on trouve souvent là où l’on ne songeait pas, — les yeux enflammés, tel qu’un tigre furieux d’Hyrcanie, plein de rage et d’audace, Rodrigue dit ces paroles : « Lâchez-moi, mon père, dans cette mauvaise heure, lâchez-moi dans cette heure mauvaise ; car, si vous n’étiez mon père, il n’y aurait pas entre nous une satisfaction en paroles. […] D’ailleurs, son revirement est aussi singulier et aussi brusque ; mais le roi ne peut s’empêcher d’en faire la remarque et de s’en étonner, ce à quoi on n’avait pas songé dans la Chronique.
Il va falloir bientôt songer à en faire des résumés analytiques suivis de morceaux choisis. […] Puis ils ne songent point combien serait dure à jouer et de peu de profit (sinon dans les hautes dignités) la comédie qu’ils leur attribuent, et de quels horribles sacrifices les prêtres incroyants payeraient d’assez minces avantages. […] Et si beaucoup, après cet « entraînement », finissent peut-être par exercer le sacerdoce comme un métier, par songer surtout à leur bien-être et à leur avancement temporel, cette médiocrité d’âme n’implique chez eux ni l’absence de foi ni le manquement aux devoirs essentiels de leur état. […] Rien que d’y songer, cela fait froid. […] La Sévéraguette, la Courbezonne et le curé sont délicieux ; le livre est par endroits tout parfumé de prière et tout embaumé de charité, et cela n’a rien de fade et cela fait songer au Vicaire de Vakefield : mais ce clergyman n’est qu’un très digne homme ; l’abbé Courbezon est un prêtre et un saint.
Comme le poilu est un objet qui n’est pas du tout incassable, il faut bien songer à le remplacer. […] Je songe sans cesse à la France de demain, à cette jeune France qui attend son heure. […] Partir vers minuit, suivre dans la nuit sombre, à travers les sapins, un sentier caillouteux et couvert de verglas ; observer un silence absolu, tomber, se relever, s’égarer, retrouver enfin son chemin et, une fois arrivés, placer les sentinelles, faire coucher les hommes, reconnaître, en cas d’attaque, les tranchées de combat ; enfin songer à soi, et se jeter sur la paille, le revolver à la ceinture.., voilà ce que c’est qu’une relève. […] » à cet instant superbement tragique où l’on joue sa vie, je songerai à vous, soyez-en sûre : « En avant, les gars ! […] Dites-lui que quand on va de l’avant on ne peut écrire à ceux que l’on aime ; on se contente de songer à eux.
Arrivé sur le soir à Hypate, la première ville qu’il rencontre, et descendu chez le vieil avare auquel on l’a assez maladroitement adressé, il se couche sans souper ; mais le lendemain matin, éveillé avec le jour, il ne songe plus qu’à satisfaire sa soif d’aventures. […] dès que j’eus entendu prononcer ce nom de magicienne qui m’avait toujours séduit, loin de songer à me précautionner contre Pamphile (l’hôtesse elle-même), je me sentis au contraire l’envie d’aller de ce pas la prier de m’initier à son art, quoi qu’il pût m’en coûter, et il me tardait de me jeter à corps perdu dans cet abîme. […] Mais Apulée n’y met pas tant d’intention et se contente d’une malice générale qui circule, et que le lecteur sent ou néglige selon qu’il lui plaît : lui, il ne songe qu’à bien conter avant tout, à donner du mouvement à ses récits et à être plaisant. […] « Psyché, nous dit la fable ingénieuse et naïve, et qui prend un certain air oriental à cet endroit, Psyché ne songe pas même à porter les mains à ce monceau confus et inextricable ; mais consternée de la barbarie d’un tel ordre, elle garde un silence de stupeur. […] C’est dans une fête, dans une cérémonie solennelle, au milieu d’une procession en l’honneur d’Isis, que l’âne, prévenu à l’avance dans un songe, saisit de ses dents la couronne de roses tant désirée, et redevient Lucius comme devant.
elle te trompe, car sa fonction affirme une compétence qu’elle ne peut avoir… (Je songe seulement que la compétence du gouvernement est encore plus contestable sur la même matière… et, comme on m’affirme que M. […] Car enfin, quoi qu’il lui soit arrivé, il reste académicien, secrétaire perpétuel, logé à l’Institut ; et les choses s’oublient, et dans huit jours on ne songera plus à son affaire, ou même sa loyauté et son courage lui auront ramené des défenseurs… Vous me direz que, au moment de son suicide, il est revenu de tout, même des vanités académiques… Mais justement il m’avait donné l’idée d’un homme absolument incapable de revenir jamais de certaines vanités. […] Car, enfin, on avait bien vu des hommes de lettres conspuer l’Académie dans leur jeunesse, quand elle ne songeait pas à eux, et y entrer dans leur âge mûr ; mais on n’avait jamais vu, que je sache, un écrivain, n’ayant qu’un signe à faire pour y entrer, déclarer publiquement qu’il ne voulait pas en être, et, l’Académie lui ayant pardonné, renouveler cette impertinente déclaration. […] Je songe là-dessus : « Croit-il donc avoir fait quelque chose de si héroïque, de si terrible et de si original ? […] Mais songez qu’en voilà trois ou quatre dans la première phrase venue.
Ils ne songent qu’à nous courber davantage vers la terre en nous alourdissant, nous, à qui notre pauvreté permet encore l’habitude droite et les regards dirigés vers le ciel, d’autant de besoins misérables que les riches. […] Vous voulez, vous, que nous songions surtout aux vrais biens. […] C’est que Tailhade ne songe guère au monsieur quelconque qu’il loue. Il songe à Tailhade et, par une illusion facilement explicable, donne comme une seule et même chose ce qu’il voudrait avoir et ce qu’il a réellement. […] Et il reprend ailleurs : « Cheveux plats de sacristain, nez crochu, oreilles telles un rebord de pot de chambre, avec je ne sais quoi de godiche et de constipé qui fait songer à un fœtus en rupture de bocal. » Même quand il s’agit de « Drumont, entrepreneur de mensonges, fauteur d’assassinats et pasteur de solécismes », notre moraliste descriptif lui reproche surtout « sa face d’égoutier » et une barbe « hospitalière » qui, paraît-il « consternera d’envie, parmi les bienheureux, le pédiculaire Benoit Labre ».
Son premier mot est pour consoler le captif, pour le rassurer : « Madame (Louise de Savoie) a senti si grand redoublement de forces que, tant que le jour et soir dure, il n’y a minute perdue pour vos affaires ; en sorte que de votre royaume et enfants ne devez avoir peine ou souci. » Elle se félicite de le savoir aux mains d’un aussi bon et généreux vainqueur que le vice-roi de Naples Charles de Lannoy ; elle le supplie, au nom de sa mère, de songer à sa santé : Elle a entendu que voulez entreprendre de faire ce carême sans manger chair ni œufs, et quelquefois jeûner pour l’honneur de Dieu. […] — Non, madame, répondit-il. — Mais songez-y bien, mon cousin, lui répliqua-t-elle. — Madame, j’y ai bien songé, mais je ne sens rien mouvoir, car je marche sur une pierre bien ferme. — Or je vous advise, dit alors la reine sans le tenir plus en suspens, que vous êtes sur la tombe et le corps de la pauvre Mlle de La Roche, qui est ici dessous vous enterrée, que vous avez tant aimée, et, puisque les âmes ont du sentiment après notre mort, il ne faut pas douter que cette honnête créature, morte de frais, ne se soit émue aussitôt que vous avez été sur elle ; et, si vous ne l’avez senti à cause de l’épaisseur de la tombe, ne faut douter qu’en soi ne se soit émue et ressentie ; et, d’autant que c’est un pieux office d’avoir souvenance des trépassés, et même de ceux que l’on a aimés, je vous prie lui donner un Pater noster et un Ave Maria, et un De profundis, et l’arroser d’eau bénite ; et vous acquerrez le nom de très fidèle amant et d’un bon chrétien. […] On arrive ainsi, à travers le plus grand siècle, à Mme de Caylus, la nièce aisée et souriante de Mme de Maintenon, à cette perfection légère où, sans y songer, l’esprit ne se retranche rien et observe tout. […] De tout temps, les honnêtes femmes ont dû écouter et entendre plus de choses qu’elles n’en disent ; mais le moment décisif et qui est à noter, c’est celui où elles ont cessé de dire elles-mêmes ces choses inconvenantes, et de les dire au point de les fixer ensuite par écrit sans songer qu’elles manquaient à une vertu.
Je crois la voir donner la main à Mme Dacier, cette autre Clorinde de la naïve érudition d’antan Mlle de Montpensier est une héroïne de Corneille, très fière, très bizarre et très pure, sans nul sentiment du ridicule, préservée des souillures par le romanesque et par un immense orgueil de race ; qui nous raconte, tête haute, l’interminable histoire de ses mariages manqués ; touchante enfin dans son inaltérable et superbe ingénuité quand nous la voyons, à quarante-deux ans, aimer le jeune et beau Lauzun (telle Mandane aimant un officier du grand Cyrus) et lui faire la cour, et le vouloir, et le prendre, et le perdre Le sourire discret de la prudente et loyale Mme de Motteville nous accueille au passage Mais voici Mme de Sévigné, cette grosse blonde à la grande bouche et au nez tout rond, cette éternelle réjouie, d’esprit si net et si robuste, de tant de bon sens sous sa préciosité ou parmi les vigoureuses pétarades de son imagination, femme trop bien portante seulement, d’un équilibre trop imperturbable et mère un peu trop bavarde et trop extasiée devant sa désagréable fille (à moins que l’étrange emportement de cette affection n’ait été la rançon de sa belle santé morale et de son calme sur tout le reste) A côté d’elle, son amie Mme de La Fayette, moins épanouie, moins débordante, plus fine, plus réfléchie, d’esprit plus libre, d’orthodoxie déjà plus douteuse, qui, tout en se jouant, crée le roman vrai, et dont le fauteuil de malade, flanqué assidûment de La Rochefoucauld vieilli, fait déjà un peu songer au fauteuil d’aveugle de Mme du Deffand Et voyez-vous, tout près, la mine circonspecte de Mme de Maintenon, cette femme si sage, si sensée et l’on peut dire, je crois, de tant de vertu, et dont on ne saura jamais pourquoi elle est à ce point antipathique, à moins que ce ne soit simplement parce que le triomphe de la vertu adroite et ambitieuse et qui se glisse par des voies non pas injustes ni déloyales, mais cependant obliques et cachées, nous paraît une sorte d’offense à la vertu naïve et malchanceuse : type suprême, infiniment distingué et déplaisant, de la gouvernante avisée qui s’impose au veuf opulent, ou de l’institutrice bien élevée qui se fait épouser par le fils de la maison ! […] Il commet beaucoup d’autres omissions, dont nous devons le remercier pour nos filles Près de Mme d’Épinay, Mme d’Houdetot, si plaisante par son ignorance du mal, par son obéissance prolongée aux bonnes lois de nature, par son indulgence que la Révolution ne put même inquiéter, et par le divin enfantillage d’un optimisme sans limites Et, après cette colombe octogénaire, voici surgir Mme Roland, une fille de Plutarque, une enthousiaste, une envoûtée de la vertu antique, qui, lorsqu’elle écumait le pot chez sa mère, songeait à Philopœmen fendant du bois Voici trois maîtresses d’école, trois enragées de pédagogie : Mme de Genlis, le type de la directrice de pensionnat pour demoiselles, sentimentale et puérile ; Mme Necker de Saussure, esprit solide et supérieur, d’un sérieux un peu funèbre, le modèle des gouvernantes protestantes ; Mme Guizot, très bonne âme, avec quelque chose d’ineffablement gris, écrivant ce que peut écrire une demoiselle qui, à quarante ans, épouse M. […] Et cependant nous songeons qu’elle fut dans son temps une grâce, un charme, un esprit, que cela est vrai, que cela est attesté par de nombreux témoignages ; et nous faisons un mélancolique retour sur nous-mêmes et sur la vanité de toutes choses. […] Jacquinet répond à la première de ces questions dans sa substantielle préface : Peut-être peut-on se demander si la beauté solide et constante de langage des vers, par tout ce qu’il faut au poète, dans l’espace étroit qui l’enserre, de feu, d’imagination, d’énergie de pensée et de vertu d’expression pour y atteindre, ne dépasse pas la mesure des puissances du génie féminin, et si véritablement la prose, par sa liberté d’expression et ses complaisances d’allure, n’est pas l’instrument le plus approprié, le mieux assorti à la trempe des organes intellectuels et au naturel mouvement de l’esprit chez la femme, qui pourtant, si l’on songe à tout ce qu’elle sent et à tout ce qu’elle inspire, est l’être poétique par excellence et la poésie même.
Quand je songe que M. […] Et cela ne l’empêche pas, je ne sais comment — par quelque chose de caressant et de félin, par la subtilité et la cruauté de quelques-unes de ses ironies, par la longueur toute féminine et la férocité de certaines de ses rancunes (même contre des femmes) — d’évoquer aussi des idées de stylet caché sous un manteau de pourpre traînante, de vie batailleuse autant que voluptueuse, et de faire songer (avec toutes les atténuations qu’il vous plaira : il en faut dans ces transpositions d’images) à quelque Italien de ce magnifique et terrible XVIe siècle. […] Car, songez-y, l’amour s’en va. […] Il sent en lui quelque chose de supérieur à lui-même, de tout-puissant et de mystérieux ; et son cœur se gonfle d’orgueil à songer qu’il est, quoi qu’il fasse et sans qu’il sache lui-même pourquoi, le rêve réalisé de tant de pauvres et folles et charmantes créatures.
Il y a l’esclave chrétien ; le philosophe stoïcien ; l’épicurien sceptique et tolérant, qui ressemble plus ou moins au Sévère de Polyeucte, et le fonctionnaire romain, qui fait plus ou moins songer à Félix. […] Æmilia et Attale songent un instant à fuir. […] Corneille n’eût pas songé à appliquer cette épithète à Polyeucte. — Enfin, ivresse de publicité, entraînement, anesthésie, — et aussi amour de Dieu et attente d’un bonheur infini, — vous avez le choix entre ces explications, ou vous les pouvez prendre toutes ensemble. […] … Songe que tout sera fini dans un moment.
Vous sentez qu’il vous fait réfléchir, qu’il renouvelle en vous vos sensations et impressions de lecteur, qu’il éveille en vous des curiosités de lecteur, qu’en épousant ou en contrariant vos jugements, il fait que vous les révisez, à quoi sans doute votre goût s’exerce et s’affine ; qu’en vous dirigeant du côté de nouvelles lectures, il vous ouvre des pays nouveaux auxquels vous songiez vaguement, ou ne songiez point, et qui peuvent être d’une grande beauté on d’une étrangeté captivante. […] Il est quelquefois cassant ; il est quelquefois un peu trop admiratif et ami de tout le monde ; il est quelquefois, à votre goût, trop tourné du côté du passé ou au contraire trop attiré vers les nouveautés, et homme qui découvre tous les matins un nouveau chef-d’œuvre, ce qui lui fait oublier celui qu’il a découvert hier ; il est quelquefois l’homme qui n’a que de la mémoire et qui cite presque sans choix, et vous le trouvez monotone ; il est quelquefois l’homme qui, en parlant des autres, songe surtout à lui et qui, dans l’esprit des auteurs, ne trouve presque qu’une occasion de faire admirer celui qu’il a ; mais quels que soient ses défauts vous l’aimez toujours un peu : le lecteur aime celui qui lit et qui lui parle de lectures, et en vient même, par besoin de confidences intellectuelles à faire et à recevoir, à ne pouvoir plus se passer de lui Eh bien ! […] Il vous indique telle particularité qui vous est échappée ; vous rentrez chez vous ; vous ne songez guère qu’à relire le volume, tout au moins à le repasser en revue dans votre mémoire ; d’une façon ou d’une autre, vous le relisez, vous le revoyez sous un nouvel angle.
Ce résultat négatif qui se produit pour la seconde fois, bien qu’à la première plusieurs des auteurs de pièces représentées sur la scène française eussent songé à concourir, n’a rien de si défavorable ni de si désespérant qu’on le pourrait croire, mais il exige pourtant quelque explication. […] Le poète dramatique, s’il est vraiment tel qu’il s’en est vu aux glorieuses époques et qu’on a le droit d’en espérer toujours, ce poète, dans la liberté et le premier feu de ses conceptions, ne songe point à faire directement un ouvrage moral ; il pense à faire un ouvrage vrai puisé dans la nature, dans la vie ou dans l’histoire, et qui sache en exprimer avec puissance les grandeurs, les malheurs, les crimes, les catastrophes et les passions. […] et songeaient-ils à autre chose qu’à donner vie entière par l’imagination à des êtres ambitieux ou chéris ?
Cousin, alors dans sa nouveauté, occupait ces jeunes esprits ; les grands problèmes de la destinée humaine étaient leur passion ; Ossian, Byron, le songe de Jean-Paul, les partageaient tumultueusement. […] Tout cela doit te paraître un songe. […] Je me suis fait dans notre bois une place favorite, où je vais m’asseoir pour songer à mes amis : c’est là que je porte Werther, Ossian, et les lettres qui me viennent de toi.
Songez à la poutre. […] Cela ne veut pas dire : Ne louez pas ; quand vous louez, vous ne songez qu’à vous. Cela veut dire : Cet homme qui vous loue, songez qu’il quête un compliment. […] Mais, du reste, et sans que nous songions à épuiser la matière, il y a des humanistes de bien des sortes. […] Sans songer à en décider, je ne sais si ce n’est pas une excellente manière de travailler que cette façon de perdre son temps.
Un autre livre de Nibelle, mais qui nous a paru très inférieur aux Légendes de la Vallée, est un petit volume de Récits antiques réunis sous le titre collectif et assez mystérieux de la Fin d’un Songe 7… Nous acceptons le titre comme excellent s’il veut dire que ces récits n’ont pas d’autre valeur qu’un rêve de rhétorique, et que l’auteur, éveillé de cette griserie au souper de Nicias, n’y reviendra plus. […] Les Légendes de la Vallée ; Fin d’un songe (Pays, 8 septembre 1853) 5.
Un moment, il songe à se faire chartreux. […] Songez-y : cela ne serait point si invraisemblable, après tout. […] Ce malheur est réel, songez-y bien. […] On peut songer des heures devant son Suicide de Pierrot. […] Je songeais : « Pourquoi Dumas et pas Augier ?
Mais quant aux autres, à ceux-là qu’on répudie aujourd’hui, je ne pense pas que l’avenir s’en soucie beaucoup, et l’avenir, en ce moment, commence, car, excepté moi, parmi les critiques contemporains, qui a songé à signaler cette réimpression des œuvres complètes de Gay, et à dire sur elle ce mot suprême après lequel on ne dit plus rien, et qui est à une renommée ce que le dernier clou, qu’on y plante, est à un cercueil ? […] Elle ne songe pas à examiner le problème posé en passant par Napoléon avec sa brusquerie féconde : « du sublime au ridicule, il n’y a qu’un pas ». […] Quand on songe que c’est ce style-là, et pas un autre, que Mme Sophie Gay nous a donné dans les quatorze volumes de ses Œuvres complètes, on se demande vraiment par quel phénomène d’organisation on peut être à la fois si abondante et si aride.
Je me raille de toi… Je t’échappe… Je suis un songe trop inquiet pour que je le prenne au sérieux. […] Songez aussi que Mme Surgères a commencé par aimer Maurice d’un amour maternel. […] Non, je ne songe pas du tout à mettre M. […] Bergeret y ayant continué de s’appeler un peu Anatole, dont je ne songe qu’à le féliciter. […] Mais comme il a admirablement l’air de ne pas y songer !
Personne mieux que moi ne peut comprendre, ma chère Louise, ce que vous avez dû sentir à Heidelberg ; je ne peux pas y songer sans la plus vive émotion ; mais je ne veux pas en parler ce soir, cela me rend trop triste et m’empêcherait de dormir. […] La dévastation et les incendies célèbres qu’entraînèrent ces luttes d’ambition lui causèrent des peines inexprimables : « Quand je songe aux incendies, il me vient des frissons… Toutes les fois que je voulais m’endormir, je revoyais tout Heidelberg en feu ; cela me faisait lever en sursaut, de sorte que je faillis en tomber malade. » Elle en parle sans cesse, elle en saigne et en pleure après des années ; elle en garda à Louvois une haine éternelle : « J’éprouve une douleur amère, écrivait-elle trente ans après (3 novembre 1718), quand je pense à tout ce que M. […] Quand j’y songe, les larmes me viennent aux yeux, et je suis toute triste. » Elle regrette de voir pourtant des tracasseries ou des persécutions religieuses introduites dans le pays, et de se sentir impuissante à intervenir pour protéger ceux qu’on tourmente. […] Ainsi donc, dans ce mariage si brillant en apparence qu’elle contracta avec le frère de Louis XIV, Madame ne songeait qu’à une chose, servir et protéger son pays allemand auprès de la politique française ; et ce seul côté par où la politique, à laquelle elle resta d’ailleurs toujours étrangère, la touchait au cœur, elle eut le regret de le manquer. […] Un jour qu’elle chantait sans y songer les psaumes calvinistes ou les cantiques luthériens (car elle mêle l’un et l’autre) en se promenant seule dans l’Orangerie de Versailles, un peintre qui était à travailler sur son échafaudage descendit en toute hâte et tomba à ses pieds, en disant avec reconnaissance : « Est-il possible, Madame, que vous vous souveniez encore de nos psaumes ?
N’acceptons que la meilleure part de l’éloge ; et puisqu’il faut qu’aujourd’hui encore nous en soyons, avant de l’oser louer, à devoir excuser en elle ce savoir et à présenter les circonstances atténuantes, qu’on veuille songer que Mme Dacier, Mlle Anne Le Fèvre, fille d’un savant et d’un érudit, ne faisait, en s’adonnant, comme elle fit, à l’Antiquité, qu’obéir à l’esprit de famille et céder à une sorte d’hérédité domestique. […] Après une prose très simple (le grec du Nouveau Testament), il met son enfant aux auteurs plus relevés, aux poètes surtout, et à Homère presque aussitôt : Or, il est à propos, dit-il, de vous avertir d’une chose à laquelle personne ne songe ; peut-être même qu’elle vous paraîtra peu vraisemblable, quoiqu’au reste elle soit très véritable et que mon expérience, la pratique des anciens, l’utilité et la raison le prouvent : cette vérité surprenante, c’est que la lecture d’Homère est plus convenable à l’âge des enfants que la lecture des grands auteurs prosaïques108. […] Dans ce cours d’études de Tanneguy Le Fèvre, il se mêle de la gaieté, une sorte de plaisir qui réjouit le maître et anime l’enfant : « Car ôtez le plaisir des études, je suis fort persuadé qu’un enfant ne saurait les aimer. » C’est ainsi qu’à la lecture d’Homère, de Térence, même d’Aristophane (en y mettant du choix), il jouit de voir la jeune intelligence prendre et se divertir comme à une chose naturelle, et tirer d’elle-même plus d’une conclusion avant qu’on ait besoin de la lui montrer : « On m’a dit souvent, et je l’ai lu aussi, qu’il y a beaucoup de plaisir à voir croître un jeune arbre ; mais je crois qu’il y a plus de plaisir encore à voir croître un bel esprit. » C’est pendant qu’on élevait de la sorte l’un ou l’autre de ses frères que Mme Dacier enfant, et à laquelle on ne songeait pas, écoutait, profitait en silence ; et un jour que son frère interrogé ne répondait pas à une question, elle, sans lever la tête de son ouvrage, lui souffla ce qu’il devait répondre. […] Cependant, comme il avait peu de fortune, il dut modérer ses désirs, et ce ne fut que onze ans après la mort du maître qu’il put contracter avec la fille une union à laquelle il avait toujours songé. […] Tout cela s’est évanoui comme un songe : à ce commerce si plein de charmes succèdent la solitude et l’horreur ; tout se convertit pour nous en amertume ; les lettres mêmes, accoutumées à calmer les plus grandes afflictions, ne font qu’augmenter la nôtre par les cruels souvenirs qu’elles réveillent en nous.
Ses amis, tout en regrettant pour elle que le cadre fût si étroit, n’auraient jamais songé à la transporter en idée dans la sphère orageuse où elle respira si au large et mourut si triomphante. […] Il faut le dire pourtant, ce n’a pas été tout à fait trahir l’intention de la jeune fille qui les écrivait, que de publier en totalité ces lettres ; en plus d’un passage, il est clair qu’elle songe à l’usage qu’on en peut faire. […] Non, cette folie n’est pas du nombre des miennes ; si nous gardons nos barbouillages, c’est pour nous faire rire quand nous n’aurons plus de dents. » Et encore, au moment des confidences les plus tendres et les plus secrètes d’un cœur qui se croit pris : « Décachète la lettre, fais-en lecture, songe à mes tourments, aux siens… et vois si tu dois l’envoyer. […] Sévère, active, diligente, studieuse tour à tour et ménagère, passant de Plutarque à l’abbé Nollet, et de la géométrie aux devoirs de famille88, la jeune Philipon, aux environs de ses dix-neuf ans, n’échappait pas toujours à une vague mélancolie qu’elle ne songeait point à s’interdire, et qu’elle se plaisait à confondre avec le regret de l’absente amie. […] La jeune héroïne, que j’ai comparée plus haut à un personnage de la Nouvelle Héloïse, était devenue très-semblable à quelque amante de Corneille quand elle songeait au vertueux et sensible absent.
Si une flotte dont on attend le retour montre au coucher du soleil les étages successifs de ses voiles surgissant une à une, comme un troupeau de moutons qui monte une colline au-dessus de la courbe de l’horizon, on songe aux canons qui ont grondé dans ses bordées, aux vaisseaux qui ont sombré sous les boulets des ennemis, aux morts et aux blessés qui ont jonché ses ponts sous la mitraille, toutes les images de la guerre, de la mort pour la patrie, de la gloire et du deuil assiégent la pensée. — Émotion ! Si la mer est peuplée de barques de pêcheurs comme un village flottant, on songe à la joie des chaumières qui attendent le soir le fruit du travail du jour, on voit sur la côte s’allumer une à une les lampes des phares, étoiles terrestres des matelots […] Si la mer est vide, on songe à l’espace qu’aucun compas ne circonscrit, domaine incommensurable du vent qui laboure ses vagues pour on ne sait quelle moisson de vie ou de mort. — Émotion ! Si l’œil cherche à sonder le lit murmurant de ces vagues, on songe à la profondeur des abîmes qu’elles recouvrent, aux monstres qui bondissent, ou rampent, ou nagent dans les mystères de ce monde des eaux. — Émotion ! […] Songe et joie dans la jeunesse ; hymne et piété dans les dernières années.
Victor Duruy, et qui laisse une telle impression de force, de suite et de sécurité dans son développement qu’elle fait songer à quelque très belle Vie de Plutarque, — côté des Romains. […] Duruy, mais il vaut mieux ne pas les rappeler. » L’empereur souffrait ces franchises, et n’en pensait — ou n’en songeait pas moins ; car il me paraît avoir songé sa vie plus qu’il ne l’a vécue. […] Il écrivait en terminant : « Nous ne devons pas oublier que les femmes sont mères deux fois, par l’enfantement et par l’éducation ; songeons donc à organiser aussi l’éducation des filles, car une partie de nos embarras actuels provient de ce que nous avons laissé cette éducation aux mains de gens…3 enfin, de gens qui n’avaient pas toute la confiance de M. […] Il fait songer, par endroits, à un Tite-Live épigraphiste, ou mieux, à un Polybe muni, par le progrès des siècles, de plus sûres méthodes.
Il est de ceux qui n’auraient pas songé à être royalistes, si l’on n’avait pas immolé Louis XVI et la reine, de même qu’il n’eût guère songé à se dire catholique, si l’on n’avait pris les biens du clergé et persécuté les prêtres. […] Songe surtout que tu ne peux désormais t’élever qu’en descendant, et qu’il y a pour toi une place plus belle que la première, c’est la seconde. » Le canon de Marengo se chargea de répondre. […] Combattant, ainsi que nous avons vu faire aux Portalis et aux Rivarol, avec moins de vigueur qu’eux, mais dans le même sens, les philosophes et les sophistes qui avaient décomposé le cœur humain comme le corps social et voulu disséquer toutes choses, il disait : « La société doit avoir son côté mystérieux comme la religion, et j’ai toujours pensé qu’il fallait quelquefois croire aux lois de la patrie comme on croit aux préceptes de Dieu. » Il remarquait que « dans le cours ordinaire de la vie, et même sur la scène politique, il est des choses qu’on fait mieux lorsqu’on ne songe point à la cause qui nous fait agir : l’homme est souvent porté à la vertu et à l’héroïsme par un mouvement irréfléchi […] Il n’est rien de tel pour un homme d’une organisation chancelante, que de franchir ces âges indécis, et de ne plus être tout bonnement et franchement qu’un jeune vieillard qui se sent frêle et qui l’est sans partage, qui renonce aux demi-passions et ne songe plus qu’à vivre par la pensée.
Un instant, il songe à se faire historien, et projette une biographie du duc Bernard de Saxe-Weimar. […] Je me refuse à croire qu’il ait un seul instant songé à imiter Jérusalem. […] Sans y songer, et pourtant belle comme si elle s’appliquait à l’être. […] Cependant, Amour entretient la lampe, et songe au temps où il remplissait le même office pour ses triumvirs. […] Il y songea en Italie : « Tasse croît lentement comme un oranger, écrivait-il quelques mois avant son retour.
C’est à peine si Marius songeait que Cosette avait un père. […] Mais c’est Hugo qui écrit : il y a plus, c’est Hugo qui pense ; il y a plus encore, c’est Hugo qui songe. […] Elle se réveilla avec du soleil dans les yeux, ce qui d’abord lui fit l’effet de la continuation du songe. […] Le fini, qui admet le progrès, le travail sublime, ils n’y songent pas. […] On ne songe pas à Don Quichotte, mais à Léonidas.
Je m’étonne qu’on n’ait pas encore songé à envoyer au chevet des moribonds hostiles à l’ordre de choses actuel des conseillers d’État chargés de les convertir à la vraie politique, c’est-à-dire aux joies pures du pouvoir absolu. […] Mais songez que c’est tout le temps comme cela tout le temps, M. […] Songez donc : si on allait lui prendre sa place ? […] Puis il songe que, si dans un ou plusieurs siècles, la forme actuelle de la société se trouve radicalement changée, à cette distance tous les révoltés d’aujourd’hui, pêle-mêle, passeront pour des précurseurs et sembleront avoir travaillé pour l’avènement de la justice… Décidément le rôle de révolutionnaire artiste comporte des plaisirs si distingués qu’on est presque excusable d’y sacrifier un peu de sa conscience.
Il songeait à passer en Angleterre ; il apprenait même la langue anglaise, lorsque les bienfaits de M. le duc de Bourgogne le retinrent en France, et sauvèrent à sa vieillesse les désagrémens de ce voyage. […] Il ne songeait point à une vérité triste qu’un autre poète a, depuis La Fontaine, exprimée dans un vers très-heureux ; la voici : Quand on n’a que son cœur, il faut s’aller cacher. […] A quoi La Fontaine songeait-il en écrivant cela ? […] Il faut revenir à son ami sans y penser et sans l’y faire songer lui-même.
(Qu’on songe au livre curieux de M. […] S’étreindre, c’est se jeter à deux dans la mort-mais avec la faculté d’en revenir et de s’en souvenir… ceux qui accomplissent le rite sans croire, l’acte sans aimer, ne songent qu’à l’agrément de cette névrose et non à la conséquence métaphysique et tragique de l’étreinte. « Mais l’acte d’amour vrai » cette seconde de la projection vitale n’étant qu’un éclair entre deux infinis, qu’est-ce donc que l’idée de possession ? […] Je n’en veux rien contester, mais je songe à la chaudière d’huile bouillante de Stendhal. […] L’une et l’autre caste sont lentement et sournoisement éliminées par la société qui les déteste, les jalouse, s’irrite de les deviner rétives à toute assimilation et libérées de sa morale conventionnelle, et ne songe qu’à les reléguer comme indésirables hors de ses frontières. " c’est exact.
Il m’a rapatrié dans le monde antique, il m’a ramené aux sources sacrées ; j’y ai puisé les plus pures joies qui puissent rafraîchir et ravir l’esprit. « Les Grecs » — a dit Goethe dans un mot célèbre — « ont fait le plus beau songe de la vie. » Ce songe, je l’ai refait avec eux ; et il me semble que je m’en réveille en écrivant les dernières lignes de ces pages pleines de leur gloire et de leur génie.
Je veux le voir derrière les barreaux d’une geôle, comme François Villon, non pour s’être fait, par amour de la libre vie, complice des voleurs et des malandrins, mais plutôt pour une erreur de sensibilité, pour avoir mal gouverné son corps et, si vous voulez, pour avoir vengé, d’un coup de couteau involontaire et donné comme en songe, un amour réprouvé par les lois et coutumes de l’Occident moderne. […] La réalité a toujours pour lui le décousu et l’inexpliqué d’un songe… Il a bien pu subir un instant l’influence de quelques poètes contemporains ; mais ils n’ont servi qu’à éveiller en lui et à lui révéler l’extrême et douloureuse sensibilité, qui est son tout. […] C’est l’impression d’un monsieur qui se promène dans une rue de Paris la nuit, et qui songe à Platon et à Salamine, et qui trouve drôle de songer à Salamine et à Platon « sous l’œil des becs de gaz » Pourquoi est-ce drôle Je ne sais pas. […] C’est la poésie du crépuscule exprimée dans le songe encore, avant la réflexion, avant que les images et les sentiments que le crépuscule éveille n’aient été ordonnés et liés par le jugement. […] Sentiment singulier quand on y songe, difficile à comprendre, difficile à éprouver dans sa plénitude.
Avance sans rien craindre ; et si ta route est semée d’obstacles, songe qu’il n’en est point d’autre pour toi. Songe que la prédilection marquée de la nature pour les hommes qu’elle a créés supérieurs aux autres, ne va pas jusqu’à leur prodiguer ses plus beaux dons sans les leur faire acheter. […] Mais quant au premier reproche, on ne songe pas assez combien il est dur, après les sacrifices que la culture des lettres exige de l’homme né pour elles, et qui les préfère à tout, de ne pas trouver dans toutes les ames la récompense qu’il trouve dans la sienne. […] Les barbares approchent, l’invasion vous menace ; songez que les déclamateurs en vers et en prose ont succédé jadis chez les latins aux poëtes et aux orateurs. […] N’en croyez pas surtout ces esprits impérieux et exaltés qui trouvent la littérature du dernier siècle timide et pusillanime ; qui, sous prétexte de nous délivrer de ces utiles entraves qui ne donnent que plus de ressort aux talens et plus de mérite aux beaux arts, ne songent qu’à se délivrer eux-mêmes des règles du bon sens qui les importunent.
Lasserre, me fait songer au Rat de la Fontaine. […] Je songe à son enterrement par une matinée d’hiver. […] Et songez que les Athéniens ne sont pas tellement expansifs. […] Mais j’y songe ! […] Je viens de te revoir comme en un songe rapide, et de nouveau je te quitte !
Ce sont parfois des poursuites, des entraînements singuliers dont les hommes positifs, les esprits judicieux et qui ne songent qu’à arriver ne se rendent pas bien compte, et auxquels ils sourient non sans quelque pitié. […] Ou si la mort était ce que mon cœur envie, Quelque sommeil bien long, d’un long rêve charmé, La nuit des jours passés, le songe de la vie ! […] Le souvenir, la réminiscence, le songe, venaient donc à son aide, et lui obéissaient au moindre signe, comme des esprits familiers et consolants.
Le beau leur apparaît par lueurs, et les lueurs une fois passées, ils n’y songent plus. […] Quel autre encore aurait songé à s’introduire dans l’ombre au sabbat de minuit, pour y psalmodier en chœur et y danser en ronde avec les démons ? […] Hugo n’a songé que plus tard à lui rappeler, au lieu de ces descriptions un peu superficielles de flammes ondoyantes, de fleuves de bronze, etc., etc., où l’auteur a pris insensiblement la place de son personnage, c’était l’âme du tyran qu’il s’agissait surtout de nous révéler dans toutes ses profondeurs, avec ses joies dépravées et ses cuisantes tortures, telle en un mot que l’éclairait l’incendie criminel où elle trouvait à la fois un supplice et une fête.
Oüi sans doute cela eût été plus raisonnable : mais son inflexibilité a l’air plus grand : on admire qu’il ne plie pas, sans songer qu’il devroit plier. […] Me devrois-je inquieter d’un songe ! […] Un songe donne d’abord l’idée d’un esprit foible ; et s’il n’y avoit point de correctif, ce seroit une tache dans le caractere d’Athalie : mais cette réflexion, me devrois-je inquiéter d’un songe ! […] Je songe d’abord à ce que nous promet cette chaleur à les défendre. […] Y avez-vous bien songé, monsieur ?
Là encore il s’en tient à la trempe originelle première, et ne songe pas à s’en donner une autre. […] On a besoin pour les admirer, dit-il, de songer aux difficultés qu’ont coûtées à construire ces énormes monuments et aux quarante siècles dont l’éloquence de Bonaparte les a couronnés ; mais « il y a derrière eux ce grand coquin de désert qui est autrement imposant. » Il ne se pique pas, depuis douze jours qu’il est arrivé, d’avoir une idée faite sur le pays ; son premier coup d’œil pourtant ne le trompe guère, et ce Méhémet-Ali tant vanté ne lui paraît que ce qu’il était en effet, un administrateur-exacteur mieux entendu, un pressureur de peuple plus habile : « Les gens qui en attendent des progrès comme civilisation se trompent lourdement. […] Il ne songe point à se le demander. […] Il songea tout d’un coup que peut-être, à travers la suite des âges et les vicissitudes des révolutions, les mêmes usages, les mêmes coutumes et costumes, transmis dans la race ou imposés par le climat, avaient pu se perpétuer presque invariables. […] Vous allez rire de voir Gribeauval et Habacuc contemporanisés par moi : riez tant qu’il vous plaira, puis songez qu’il y avait des curieux autour de moi, ries femmes, des enfants regardant avec attention aussi, mais ne voyant dans ce que nous admirions de mécanisme dans ces machines de guerre, qu’une nouvelle volonté de Dieu, qu’un fléau d’une autre forme envoyé par lui pour les éprouver de nouveau.
Pour elle, elle ne songeait qu’à obtenir, à force de démarches, la grâce de son mari, ou du moins le maintien des biens en vue de sa fille ; car elle avait, de la première année de son mariage, une fille qu’elle chérissait avec une passion singulière, telle que M. de Pontivy n’en avait jamais excité en elle, et qui donnait à entrevoir la puissance de tendresse de cette âme encore confuse. […] Il faut dire encore que la figure et la situation de Mme de Pontivy commençaient à faire bruit ; que ce dévouement, si naturel chez elle et si simple, allait lui composer, sans qu’elle y songeât, une existence à la mode, et que Mme de Noyon, d’abord indifférente ou contrariée, s’accommodait déjà mieux, dans sa vanité de tante, d’une nièce à réputation d’Alceste. […] Elle était entourée de femmes, assez proche de la cheminée, dont la séparait un seul fauteuil occupé ; et elle semblait elle-même assez émue pour ne pas songer à se prêter à un entretien avec lui. […] madame, ajoutait-il, en élevant de temps en temps la voix sur ce mot (car il fallait aussi songer au monde d’alentour), cette amitié, cette affection que vous m’offrez à toujours et avec fidélité, avec une fidélité à laquelle je crois tout aussi fermement que jamais, oh ! […] Sa fille d’ailleurs avait grandi ; et c’était elle plutôt qu’il fallait songer à marier.
C’est perdre sa peine que de prouver sa sainteté ; car ceux-là seuls peuvent songer à la nier pour lesquels il n’y a rien de saint. […] Les habitudes de la vie pratique affaiblissent l’instinct de curiosité pure ; mais c’est une consolation pour l’amant de la science de songer que rien ne pourra le détruire, que le monument auquel il a ajouté une pierre est éternel, qu’il a sa garantie, comme la morale, dans les instincts mêmes de la nature humaine. […] En Orient, des milliers d’hommes meurent de faim ou de misère sans avoir jamais songé à se révolter contre le pouvoir établi. […] Eh bien, songez que l’humanité ne s’est jamais attachée à une façon d’envisager les choses pour la lâcher ensuite. […] Qu’il me suffise de dire que rien ne doit étonner quand on songe que tout le progrès accompli jusqu’ici n’est peut-être que la première page de la préface d’une œuvre infinie.
Songez à moi, monsieur, dans ce temps qui, si j’en crois ce qu’annonçaient les derniers mois où je vivais avec les vivants, doit être fécond en événements (la Guerre d’Amérique) ; songez à moi, dis-je, ou plutôt (car j’ai assez de preuves que vous daignez vous occuper de ma triste existence) rappelez-la à d’autres. […] Mirabeau, sans y songer, aime et affecte naturellement l’expression large et pleine, un peu grosse. […] Mais les idées philosophiques du siècle l’avaient peu à peu refroidi de cette ardeur de la guerre ; voyant son père d’ailleurs ne songer qu’à lui fermer toutes les carrières régulièrement tracées, il s’était replié sur lui-même, et son esprit « affamé de toutes sortes de connaissances » s’était jeté sur d’autres études qu’il avait approfondies. […] C’est un amateur empressé, curieux, qui traverse le pays, interroge chacun au passage, ne dédaigne personne et ne songe évidemment qu’à s’instruire.
J’avais songé à Silhouettes, au lieu de Visages. […] Cependant, il lisait et songeait. […] Songe d’amour et rêve de la mort ! […] Il fut un peu surpris, cligna des yeux et puis se remit à songer. […] Ses personnages ne songent pas à être des symboles.
C’est à la postérité que l’on songe en prenant ce soin. […] Claretie y avait jadis songé ? […] Songez simplement à l’épuisement nerveux. […] Elle songe à l’un en regardant l’autre. […] On frémit un peu à songer à cela.
Si la mer est vide, on songe à l’espace qu’aucun compas ne circonscrit, domaine incommensurable du vent qui laboure ses vagues pour on ne sait quelle moisson de vie ou de mort. — Émotion ! Si l’œil cherche à sonder le lit murmurant de ces vagues, on songe à la profondeur des abîmes qu’elles recouvrent, aux monstres qui bondissent, ou rampent, ou nagent dans les mystères de ce monde des eaux. — Émotion ! […] Dépouillé de ton empire, dépouillé de ta fortune, sans vêtements, sans nourriture, dévoré par la faim, par la soif, tu veux que je t’abandonne dans ce dénuement, au milieu de ce désert, et que je songe à mon propre salut ? […] Un serpent l’enlace comme le Laocoon ; serrée dans les replis du monstre, elle s’oublie encore elle-même pour ne songer qu’à son époux. […] Nala reproche à son épouse d’avoir songé à se choisir un autre époux.
Elle est bien surprenante au premier abord ; car, songez un peu à ce que doit être un livre de Pensées ! […] Je prends mélancolie et tristesse ; je songe tout de suite à rire et gaieté, et j’écris : La mélancolie n’est pas plus de la tristesse que le rire n’est de la gaieté. […] Or, le ciel a doué Mme Sarah Bernhardt de dons singuliers : il l’a faite étrange, d’une sveltesse et d’une souplesse surprenantes, et il a répandu sur son maigre visage une grâce inquiétante de bohémienne, de gypsy, de touranienne, je ne sais quoi qui fait songer à Salomé, à Salammbô, à la reine de Saba. […] Elle n’ose pas et elle ne peut pas, car elle songe à son rôle.
Un jour, après un songe d’avril qui lui a parlé clairement de sa voisine la belle Louison, il s’est décidé enfin à se déclarer à elle et à ne plus se contenter de la regarder en silence. […] Ils sont partis, ce semble, pour une promenade au bois ; mais, à eux comme à l’auteur, l’idée vient en marchant, et ils vont plus loin sans songer seulement à se retourner et sans s’être dit qu’ils iraient plus loin. […] Ce livre auquel il songe tant, il le fait chaque jour sans y songer, ou plutôt le livre se fait, bon gré mal gré, de lui-même.
On y songe peu parce que son génie rejette dans l’ombre ses qualités secondaires. […] qu’un chrétien, voyant la mort brusquement face à face, songe au tribunal de Dieu ? […] Il n’y songeait aucunement autrefois. […] La chouette morte, clouée à une porte, songe au Christ crucifié aussi par les hommes. […] Il songe à sa destinée, et il regarde la mer.
Si, à certains moments, il est triste et découragé jusqu’à songer au suicide (du moins il le dit), c’est par accident et pour des motifs précis : un manque d’argent, un espoir déçu ; mais ce n’est point par l’effet d’une mélancolie générale ; d’une lassitude de lymphatique ou d’une imagination de névropathe. […] « Si, après cela, vous m’accusez d’être fils dénaturé, vous ne raisonnez pas, votre opinion n’est qu’un vain bruit et périra avec vous. » Et il y revient encore avec un acharnement maladif : « Ou vous niez la vertu, ou mon père a été un vilain scélérat à mon égard ; quelque faiblesse que j’aie encore pour cet homme, voilà la vérité, et je suis prêt à, vous le prouver par écrit à la première réquisition. » Or, il paraît bien que ce père était un homme assez rude et désagréable ; mais, si vous songez que ce tyran, n’ayant lui-même que dix mille francs de rente, faisait à son fils, alors âgé de vingt-deux ans, une pension de deux mille quatre cents francs qui en vaudraient plus de cinq mille aujourd’hui ; que Stendhal avait, en outre, une rente de mille francs qui lui venait de sa mère et que, si l’argent lui avait manqué pour se soigner, c’est qu’il en dépensait beaucoup pour ses habits et pour le théâtre, vous verrez peut-être autre chose que de l’indépendance d’esprit dans cette furieuse impiété filiale. […] Et chose admirable ce qu’il n’a pu conquérir par toute une année de soins assidus et savants trop savants il l’obtient trois ans après, à l’improviste, quand il n’y songe presque plus.
On songe à la devise de Mérimée : « Méfie-toi ! […] On songe aux propos de la Libre Parole sur M. […] On n’y songe plus. […] On songe aux experts de la Société des Nations. […] Je songe à Mme Merriman et au père Hyacinthe.
Il songe : «Ô femmes ! […] Il songe que, il y a vingt ans, un autre exilé faisait ainsi… Une voix mystérieuse, qu’il voudrait bien ne pas entendre, lui murmure à l’oreille : — Celui-là portait sous son front les Contemplations, la Légende des Siècles et les Misérables.
Beaucoup en célébrant la naissance de l’Enfant Dieu songeaient à leur dernier-né. […] Chacun y peut songer, s’attendrir, s’enchanter à sa guise, et quand le prêtre entame le Pater noster, qui donc fermerait son cœur ?
Et lorsqu’elle laisse à découvert sa gorge brune et nue, qui donc songerait à ses vêtements disparates ou à son geste incorrect. […] Il aima Ivelaine, Priscilla, Oriane, les princesses fabuleuses aux yeux doux, les sorcières, les chevaliers, les nuits d’enchantement, les palais de songe, l’Orient miraculeux aux fruits de pierreries. […] André Rivoire a pour lui la tendresse presque féminine et les états d’âme extrêmement nuancés de les Heures pensives, le Songe de l’Amour, les Cendres des Heures : Regarde, la pitié des choses nous accueille, Et, comme nous dolente, en ce pâle décor, La sensibilité d’un lac frisonne encore Le long des bois flétris qui meurent feuille à feuille. […] Antigone sévère et douce, je te suis, Devinant ta beauté sans la voir, car je suis, L’Œdipe étrange de mon songe. […] Peu de poètes ont atteint comme elle aux limites exaspérées du songe et de la sensation.
Quant à la fécondité des générations successives des animaux hybrides les plus féconds, je ne sais si une seule fois on a songé à élever en même temps deux familles d’hybrides provenant de deux croisements entre différents individus des deux souches pures, pour éviter pendant les quelques premières générations les fâcheux effets des croisements entre proches parents. […] Il semble encore plus frappant, lorsqu’on songe qu’il y a un nombre considérable d’espèces dont les croisements sont complétement stériles, bien qu’elles aient les unes avec les autres les plus étroites ressemblances. […] Sur cette dernière question, je n’ai pu énumérer tous les faits remarquables que j’ai recueillis ; et, quant à la stérilité des croisements, qu’on songe à la différence des résultats obtenus lorsqu’ils sont réciproques, qu’on songe surtout à ce fait étrange qu’une plante puisse être plus aisément fécondée par un pollen étranger que par son propre pollen126. […] Si l’on songe à ces différences entre les procédés sélectifs de l’homme et ceux de la nature, on ne peut s’étonner le moins du monde de la différence des résultats. […] Qu’on songe encore à ce fait si remarquable des variétés diversement colorées de Molènes (Verbascum), et aux autres exemples que l’auteur cite un peu plus loin.
Dans nos moments de contemplation poétique ou d’inspiration, nous ne songeons guère à nous analyser. […] Les images du songe, au contraire, nous font complètement illusion. […] Chacun songe en veillant : il n’est rien de plus doux. […] Songeons-y d’ailleurs. […] En ce sens nous devenons pratiques, songeant au principal avant de songer au superflu.
Elle ne parlait à personne, personne ne songeait à elle, son histoire était évidemment oubliée. […] J’entretenais par mes questions cette rêverie qui lui plaisait et l’empêchait de songer à son mal. […] Si le sens moral n’avait pas été chez elle aussi oblitéré qu’il l’était, elle n’eût pensé qu’à délivrer la sacristine ; mais elle n’y songeait guère. […] Il ne demanda pas son changement, l’évêque ne songea pas à le lui proposer. […] Ce devoir professionnel, auquel il avait tout sacrifié, devenait sans objet, il ne regretta pas de s’être attaché à une idée trop haute du devoir ; il ne songea pas qu’il aurait pu s’enrichir comme les autres ; mais il douta de tout, excepté de Dieu.
La Notice nous représente Victorin Fabre né à Jaujac, en Vivarais, en 1785, d’une honorable famille très-considérée dans le pays, et qui n’avait jamais songé à demander des titres de noblesse ni à se prévaloir de ceux que lui conférait la possession de certains fiefs. […] Après de premières études, qu’il doit presque tout entières à lui-même, Victorin Fabre nous est présenté, vers la fin de 1799 (il avait quatorze ou quinze ans), comme un esprit dont le coup d’œil politique était dès lors aussi juste qu’étendu : « La manière dont s’était opérée la révolution du 18 brumaire, et surtout quelques dispositions captieuses placées dans la Constitution de l’an viii comme pierres d’attente, avaient excité son mécontentement, éveillé ses soupçons. » Voilà un Solon bien précoce qui nous arrive ; en conséquence de ses prévisions, Victorin Fabre, qui avait un moment songé, nous dit-on, à prendre la carrière des armes, s’en détourne et ne songe plus qu’aux lettres et à la philosophie ; nous concevons cette préférence ; qu’on nous permette seulement de croire, sans faire injure à tout ce puritanisme, que cela ne l’eût aucunement compromis de se trouver à Marengo.
Quand l’auteur octogénaire de Tancrède et de Zaïre recevait en plein théâtre une couronne et un triomphe, qui songeait à censurer Irène ? qui songeait à l’écouter ? […] Qu’on ne croie pas, au reste, que nous songions à épuiser la matière.
On croirait à la lire être à la veille des événements qui se firent attendre les uns plus de trois siècles, et les autres près de six, surtout si l’on songe que de toutes parts, dès le xiiie siècle, la même clameur s’élève. […] Maître Adam de la Halle n’était pas lépreux, et des querelles locales le contraignaient à partir : aussi prend-il congé avec plus de colère que de tristesse, et lançant contre Arras quelques invectives qui — de fort loin — font songer aux amères salutations que Dante exilé envoyait à sa patrie. […] Rutebeuf fut, dans cette chaude dispute, aux côtés de Guillaume de Saint-Amour : le théologien dans ses sermons et ses écrits, le poète dans ses vers firent des charges également vigoureuses et inutiles contre les jacobins envahisseurs : et quand on songe que parmi ceux qu’ils voulaient renfermer dans leurs couvents, il y avait un saint Thomas, ou ne peut qu’applaudir à leur défaite.
Il y a longtemps que personne ne songe plus à devancer l’expérience, ou à construire le monde de toutes pièces sur quelques hypothèses hâtives. […] Ce n’est pas lui qui aurait songé à rapprocher par exemple la lumière de la chaleur rayonnante. […] L’histoire le prouve, la physique ne nous a pas seulement forcés de choisir entre les problèmes qui se présentaient en foule ; elle nous en a imposé auxquels nous n’aurions jamais songé sans elle.
« Mais je ne vois rien qui nous défende de songer à notre repos et à nous tirer d’un état qui nous trouble à tout moment. Je me suis mal expliquée si vous avez compris que je songeais à être religieuse. Je suis trop vieille pour changer de condition ; et selon le bien que j’aurai, je songerai à m’établir en pleine tranquillité.
Ce travailleur âpre et lent mérite d’ailleurs un salaire et je ne songe pas au ramasseur de mégots antiques sans me rappeler une anecdote lue, je crois, dans Quinte-Curce : On vanta à Alexandre un homme très habile : à une distance considérable, cet homme faisait passer par un trou minuscule une lentille. […] Et je songe, avide, à ce que Lamartine aurait pu dire à propos de la catastrophe du Zénith. […] Le songe fameux aurait dû conduire logiquement au mépris des inutiles, à la haine des nuisibles, à un socialisme aussi bilieux que celui de Guesde.
La Fontaine a raison d’arrêter l’attention de son lecteur sur le bon esprit de cette jeune personne, qui a songé à tout ; mais que de grâces dans cette précision : notez ces deux points-ci ! […] Ce mot est employé si naturellement qu’on ne songe pas qu’il est nouveau, et peut-être de l’invention de La Fontaine. […] La Fontaine emploie près de vingt vers à peindre les travaux de la mouche, et son sérieux est très-plaisant ; mais peut-être fallait-il être La Fontaine pour songer air moine qui dit son bréviaire.