Ils pourront sauver la gloire Des yeux qui me semblent doux. […] Et puis encore une femme, parlant des yeux d’une autre femme, irait-elle dire que ces yeux lui semblent doux ?
Pourquoi l’autre porte-t-elle dans sa poitrine ce gravier rongeur qui va croître, mûrir, se détacher comme le plus régulier des fruits, et l’enlever à toutes les affections qui l’entourent et aux plus doux des devoirs ? […] Le lit est d’un Spartiate ; l’oreiller n’est pas du tout ce doux oreiller du doute sur lequel Montaigne berçait son Que sais-je ?
Zeller en résume ainsi les préceptes, qui tiennent à la fois de la culture ou de l’hygiène locale et de la morale universelle : « Entretenir avec un soin religieux le feu, chose sacrée, dans le temple et au foyer domestique ; respecter l’eau qui coule et qu’on ne doit jamais souiller par un contact impur, surtout celui d’un cadavre ; couvrir, purifier, embellir la terre en multipliant, par le travail et les arrosages, la moisson jaunissante, la forêt qui tamise les rayons du soleil, et les arbres qui portent les doux fruits ; élever, nourrir les animaux nobles et faire une guerre sans relâche aux impurs, voilà comme le sectateur de Zoroastre combat le mal physique dans la nature. […] Comme médecin moral, comme directeur et conseiller des âmes, il n’était que le plus humble, le plus doux et le mieux morigéné des mortels : l’humanité, pour se guérir, voulait un Dieu.
Didot propose, et qui est aussi ingénieuse que simple, c’est que, de même qu’on met une cédille sous le c pour avertir quand il doit se prononcer avec douceur, on en mette une aussi sous le t dans les cas où il est doux et où il doit se prononcer comme le c : nation, patience, plénipotentiaire, etc. […] Je voudrais autoriser tout terme qui nous manque et qui a un son doux sans danger d’équivoque… J’entends dire que les Anglais ne se refusent aucun des mots qui leur sont commodes : ils les prennent partout où ils les trouvent chez leurs voisins.
Du Fossé, voulant peindre dans le grand Arnauld cette colère de lion pour la vérité qui s’unissait en son cœur avec la douceur de l’agneau, nous dit naïvement : « L’exemple seul de Moïse, que Dieu appelle le plus doux de tous les hommes, quoiqu’il eût tué un Égyptien pour défendre un de ses frères, brisé par une juste colère les Tables de la Loi, et fait passer au fil de l’épée vingt-trois mille hommes pour punir l’idolâtrie de son peuple, fait bien voir qu’on peut allier ensemble la douceur d’une charité sincère envers le prochain avec un zèle plein d’ardeur pour les intérêts de Dieu. » En ne prenant les vingt-trois mille hommes et l’Égyptien tués qu’en manière de figure, comme il convient dans ce qui est de l’ancienne Loi, et en rapportant à l’abbé de La Mennais cette phrase de Du Fossé sur le grand Arnauld, je me rappelais bien que lui-même avait condamné ce dernier, et qu’il avait écrit de lui en le comparant à Tertullien : « Et Tertullien aussi avait des vertus ; il se perdit néanmoins parce qu’il manqua de la plus nécessaire de toutes, d’humilité. […] Et quelle douce vie pour Pasquale !
Si jusqu’à l’âge de quarante ans il en parut moins prodigue que plus tard, c’est que les occasions lui manquaient en province, et que sa paresse avait besoin d’être surmontée par une douce violence. […] Il avait fini évidemment par y voir surtout un cadre commode à pensées, à sentiments, à causerie ; le petit drame qui en fait le fond n’y est plus toujours l’essentiel comme auparavant ; la moralité de quatrain y vient au bout par un reste d’habitude ; mais la fable, plus libre en son cours, tourne et dérive, tantôt à l’élégie et à l’idylle, tantôt à l’épître et au conte : c’est une anecdote, une conversation, une lecture, élevées à la poésie, un mélange d’aveux charmants, de douce philosophie et de plainte rêveuse.
Mallarmé, nous dit Mendès, était chétif avec, sur une face à la fois stricte et plaintive, douce dans l’amertume, des ravages déjà de détresse et de déceptions. […] Mallarmé commençait à parler d’une voix douce, musicale, inoubliable !
Si la science devait rester ce qu’elle est, il faudrait la subir en la maudissant ; car elle a détruit, et elle n’a pas rebâti ; elle a tiré l’homme d’un doux sommeil, sans lui adoucir la réalité. […] Croyez-vous donc qu’il ne nous serait pas plus doux de chanter au temple avec les femmes ou de rêver avec les enfants que de chasser sur ces âpres montagnes une vérité qui fuit toujours.
Celui-ci, d’un air doux et sans effort, répond oui à tout, et fait si bien qu’en un instant son brusque adversaire passe du courroux à la joie, presque à la tendresse. « La parole du roi, dit un contemporain de Commynes, étoit tant douce et vertueuse, qu’elle endormoit comme la Sirène tous ceux qui lui présentoient oreilles. » Homère nous vante les paroles de miel d’Ulysse.
La comparaison qu’on faisait de ce pouvoir tout à coup si ferme, mais non pas terrible, et qui continuait d’être si doux ou même si riant dans l’habitude, avec celui du cardinal de Richelieu, charma pour un temps les esprits et fascina les imaginations. […] Il avait, dans les dernières années, froissé celle-ci par ses duretés et ses négligences, depuis qu’il se voyait à l’abri de toute atteinte ; car, selon le témoignage de sa nièce Hortense, « jamais personne n’eut les manières si douces en public, et si rudes dans le domestique ».
J’ai vécu dans la solitude et dans les cachots… Ce qu’il aurait dû ajouter, c’est qu’au sortir des cachots, il n’avait paru pour la première fois à la tribune politique qu’aux heures de l’arc-en-ciel, dans les intervalles de l’orage encore menaçant, pour y proclamer avec une douce gravité et une abondance persuasive les maximes saines, salutaires, équitables, tout ce qui calme et réconcilie. […] Portalis faisait de cette affreuse époque de la veille un tableau vrai, avec des traits tirés de Tacite ; il ajoutait avec une observation fine qui n’était qu’à lui : On poursuivait les talents, on redoutait la science, on bannissait les arts ; la fortune, l’éducation, les qualités aimables, les manières douces, un tour heureux de physionomie, les grâces du corps, la culture de l’esprit, tous les dons de la nature, étaient autant de causes infaillibles de proscription… Par un genre d’hypocrisie inconnu jusqu’à nos jours, des hommes qui n’étaient pas vicieux se croyaient obligés de le paraître… On craignait même d’être soi ; on changeait de nom ; on se déguisait sous des costumes grossiers et dégoûtants ; chacun redoutait de se ressembler à lui-même.
de la vie qui consiste uniquement dans le repos, et que cette tranquillité d’âme si heureuse se trouve dans une douce profession qui nous arrête, comme l’ancre fait un vaisseau retenu au milieu de la tempête. […] Le couplet qui commence ainsi : Oui-da, l’état de veuve est une douce chose !
La correspondance de Franklin, en ces années, est d’une lecture des plus agréables et des plus douces : l’équilibre parfait, la justesse, l’absence de toute mauvaise passion et de toute colère, le bon usage qu’il apprend à tirer de ses ennemis mêmes, un sentiment affectueux qui se mêle à l’exacte appréciation des choses, et qui bannit la sécheresse, un sentiment élevé toutes les fois qu’il le faut, un certain air riant répandu sur tout cela, composent un vrai trésor de moralité et de sagesse. […] Entre divers passages, en voici un que je choisis comme exprimant bien ce mélange de sérénité et de douce ironie, d’expérience humaine et d’espoir, qui fait son caractère habituel.
Trop doux, généreux et clément, il était, à ce qu’il paraît, préoccupé d’imiter notre Henri IV, le glorieux roi du moment ; ce qui devra sembler assez hors de propos en un tel pays et quatre-vingts ans avant Pierre le Grand. […] Ceux qui vivent ensemble n’ont besoin de rien exprimer ; ils sentent en même temps ; ils échangent des regards, ils se serrent la main en marchant ; ils connaissent seuls une jouissance délicieuse, la douce langueur des lendemains ; ils se reposent des transports de l’amour dans l’abandon de l’amitié.
La chevelure de l’adolescent se mêle aux cheveux déroulés de la dame, et la Vénus, comme dit Tahureau : Croisant ses beaux membres nus Sur son Adonis qu’elle baise ; Et lui pressant le doux flanc ; Son cou douillettement blanc, Mordille de trop grande aise. […] La rivière allait en pente très douce, elle y entrait pas à pas, et quand elle avait de l’eau jusqu’aux genoux, elle était entraînée par le courant… mais, à demi noyée, elle ne perdait pas toute connaissance ; à un moment, elle avait parfaitement le sentiment que sa tête cognait contre un câble tendu et que ses cheveux dénoués se répandaient autour d’elle, et, quand elle entendit un chien sauter à l’eau, de la Verberie, elle éprouvait l’appréhension anxieuse qu’il ne l’empoignât par un endroit ridicule.
Un pourboire est doux après un service rendu ; les maîtres là-haut sourient ; on reçoit l’ordre agréable d’injurier qui l’on déteste ; on obéit abondamment ; liberté de mordre à bouche-que-veux-tu ; on s’en donne à cœur-joie ; c’est tout bénéfice, on hait, et l’on plaît. […] leur émotion, qui peut être, s’ils veulent, tremblement de terre, et par instants si cordiale et si douce qu’elle semble le remuement d’un berceau.
Les Écrivains ont répandu des trésors véritables, en nous donnant des idées plus saines, plus douces ; en nous inspirant les vertus faciles & indulgentes qui forment & embellissent la société. […] D’un autre côté cette complaisance amoureuse que Racine prête à tous ses héros, affadit ses Tragédies ; &, avec de l’esprit & une versification douce & coulante, ce Poëte est parvenu à faire des pièces qui attendrissent : mais il n’a que très rarement ces traits qui remuent les âmes & élevent les courages. […] Il n’y a de rire doux & profond que le rire que la morale avoue. […] La science n’est faite que pour nous conduire à la morale qui nous est nécessaire ; à la morale qui nous apprend à être patients, modérés, doux, & qui, en nous parlant de nos semblables, nous enseigne tout ce que nous leur devons. […] Ainsi, grâce à sa perfectibilité, l’homme par des gradations insensibles, peut parvenir à rendre l’état social plus doux & plus désirable que l’état primitif de la Nature même, de quelques couleurs véritables ou romanesques qu’on le pare & qu’on l’environne.
Le voici (portrait de Rigaud) avec sa jolie figure déjà noble, ses traits réguliers et fins, ses yeux brillants et doux, son geste aisé, gracieux et aristocratique. […] Complices, les après-midi alanguissantes ; complices, les soirées douces et berceuses ; complices, les nuits divines aux ombres transparentes et comme diaphanes. […] Marie, après les effusions les plus tendres et qui lui sont douces, tout d’un coup est ailleurs, bien loin, bien haut peut-être, et semble chercher quelque chose. […] L’idéaliste incurable s’est blessée au contact d’une réalité qu’elle avait trouvée douce, pour l’avoir elle-même revêtue d’idéal. […] On était dans le mois où la nature est douce, Les collines ayant des lis sur leur sommet.
Sa conduite, dans la tempête, au milieu des murmures de l’équipage, sa résolution de monter au mât sur le refus du lieutenant, sa volonté ferme de demeurer à bord du vaisseau abandonné tant qu’il en restera une planche à flot, tous ces sentiments énergiques et vrais répandent au milieu de tant de scènes déchirantes une forte teinte de sublimité morale qui rehausse et achève leur effet ; et lorsque, après la tempête, la nuit, sous les rayons de la lune, on voit Wilder, au gouvernail de la chaloupe, se pencher en avant, comme pour entendre la douce respiration de Gertrude endormie, l’âme du lecteur, qui a passé par tous les degrés de l’angoisse, jouit délicieusement de cet instant de pure ivresse, et succombant aux sensations qui l’inondent, elle dirait volontiers avec le poète : C’est assez pour qui doit mourir.
Au fond il ne croit à rien, je ne songe pas à en disconvenir, mais il n’y a jamais eu de négation plus douce, moins insolente et moins agressive. […] Marivaux est doux ; il lui a épargné cette cruauté, en tuant sa femme à propos. […] Il l’était de naissance, d’hérédité et comme de climat, étant né de famille au-dessus de la moyenne, sans être grande, et dans un pays tempéré et doux. […] Le polythéisme a été tolérant et doux. […] Jean Huss a été brûlé. « Quelle différence entre la coupe d’un poison doux, qui, loin de tout appareil infâme et horrible, laisse expirer tranquillement un citoyen au milieu de ses amis, et le supplice épouvantable du feu… !
est doux, est une chose douce. […] Par exemple, pour dire Herum esse semper lenem, mon maître est toûjours doux, Terence a dit heri semper lenitas. […] Il est doux de trouver dans un amant qu’on aime, un époux que l’on doit aimer, Quinault. […] Voilà un sens total, qui est le sujet de la proposition ; on dit de ce sens total, de ce bonheur, de ce il, qu’il est doux ; ainsi est doux, c’est l’attribut. […] Si c’est le goût, le corps est ou doux, ou amer ; ou aigre, ou fade, &c.
Flatterie et caresse de la femme qui reparaît sous l’auteur, qui sait comme avec chacun il convient de s’y prendre, et que nous avons toujours, sur notre douce terre de France, les bras ouverts pour accueillir ceux qui nous viennent de loin. […] Quel geste hospitalier, quels mots sages et doux Répareraient la vie et sa scélératesse ? […] Nul visage créole plus ardent et plus doux à la fois… des yeux qui composaient toute l’âme de ce visage, qui l’emplissaient et le dévoraient tout, et pourtant s’arrêtaient sur vous comme une caresse ! […] C’est la révélation de la grâce, de la beauté féminine, du charme puissant et doux qui se dégage du mundus muliebris, surtout pour l’homme demeuré longtemps chaste. […] Tellement inhérente à notre race que cette douce Terre de France se présente à nos yeux sous l’aspect d’un vaste champ d’entraînement, où concurrents de catégories diverses prennent leur mesure et préparent leur victoire.
Il y a en lui un peu du meilleur de Verlaine ; il a écrit les plus doux vers d’amour de ce temps et dans une langue souvent parfaite, quoique pas très riche. […] De même qu’Arthur Rimbaud, cerveau étrange, enfant malade, méchant tour à tour et très doux, jadis athée, mort dévot, il fut l’être original dont la mémoire doit être chère à ceux qui, dans l’humanité, n’aiment et ne révèrent que les exceptions. […] Mais, comme il appartient à la parole de précipiter ou de ralentir l’émission des sons, de les rendre lourds ou légers, lents ou brefs, on reconnaîtra encore instinctivement six syllabes, dans les mêmes conditions de ton, à ce demi-vers ainsi modifié : la douce fleur que j’aimais — la douce femme que j’aimais. Entre ses deux groupes de sons la douceur de l’amour et la douce heure de l’amour, où est l’habile qui établira une différence phonétique ? […] — On permettra d’écrire indifféremment : elle a l’air doux ou douce, spirituel ou spirituelle. » J’avoue que j’ai personnellement un penchant pour la féminisation des adjectifs, chaque fois que la tradition ou l’usage le permettent. « Elle a l’air doux », cela me semble une faute prétentieuse ; « elle a l’air joli », une absurdité pédantesque.
Il n’y a pas de fumée sans feu, et comme dit le proverbe du Midi : « Quelque chose il y a, quand le chien aboie. » Nier tout me paraît donc bien difficile ; j’ai cherché l’explication morale, à la fois la plus douce et la plus naturelle.
Je l’ai dit ailleurs : « malgré tout, Atala garde non pas son charme (c’est un mot trop doux et que j’aime mieux laisser à Virginie), mais son ascendant troublant ; au milieu de toutes les réserves qu’une saine critique oppose, la flamme divine y a passé par les lèvres de Chactas ou de l’auteur, qu’importe ?
Les mots heurtent le front comme l’eau le récif : Ils fourmillent, ouvrant dans votre esprit pensif Des griffes ou des mains, et quelques-uns des ailes ; Comme en un âtre noir errent des étincelles, Rêveurs, tristes, joyeux, amers, sinistres, doux, Sombre peuple, les mots vont et viennent en nous : Les mots sont les passants mystérieux de l’âme… Et de même que l’homme est l’animal où vit L’âme, clarté d’en haut par le corps possédée, C’est que Dieu fait du mot la bête de l’idée.
Au reste, un style doux, facile, élégant peut être bref : Racine est concis, malgré l’ampleur de ses périodes.
les doux abîmes du chant Où nos deux cœurs roulent ensemble !
Je sais que de bons nigauds de bourgeois les ont quelquefois comparés aux disciples de Jésus et aux doux Ébionites.
Souriante au pâtre, douce au laboureur, l’Aurore montrait au meurtrier l’œil ardent d’une vengeresse.
Il loue en ces termes insidieux : « il est beau et doux à l’oreille. ».
» Le poète (on nous pardonnera de donner à Bossuet un titre qui fait la gloire de David), le poète continue de se faire entendre ; il ne touche plus la corde inspirée ; mais, baissant sa lyre d’un ton jusqu’à ce mode dont Salomon se servit pour chanter les troupeaux du mont Galaad, il soupire ces paroles paisibles : « Dans la solitude de Sainte-Fare, autant éloignée des voies du siècle, que sa bienheureuse situation la sépare de tout commerce du monde ; dans cette sainte montagne que Dieu avait choisie depuis mille ans ; où les épouses de Jésus-Christ faisaient revivre la beauté des anciens jours ; où les joies de la terre étaient inconnues ; où les vestiges des hommes du monde, des curieux et des vagabonds ne paraissaient pas ; sous la conduite de la sainte Abbesse, qui savait donner le lait aux enfants aussi bien que le pain aux forts, les commencements de la princesse Anne étaient heureux200. » Cette page, qu’on dirait extraite du livre de Ruth, n’a point épuisé le pinceau de Bossuet ; il lui reste encore assez de cette antique et douce couleur pour peindre une mort heureuse.
Il était convenable que la sainte des forêts fît des miracles doux comme les mousses qu’elle habite, charmants comme les eaux qui la voilent.
Si vous étiez bien aimable, ou vous nous précéderiez ou vous nous suivriez au Grand-Val ; mais vous aimerez mieux écrire un billet doux ou même une belle page que de faire une bonne œuvre.
Il n’est pas de plus douce retraite. […] Rien de plus caressant que ces couleurs à la fois très vives et très douces. […] Il risque des rapprochements dont l’audace est faite pour effaroucher le lecteur, même en cet heureux temps et en ce doux pays de déshabillages publics. […] Non loin d’elle brillaient dans la clarté douce du vitrail, une robe blanche et des cheveux blonds. […] C’est un joli mot, doux à prononcer, mais dont le sens est encore indistinct, vague, « flou » comme la première blancheur de l’aube commençante.
Vous pouvez soupçonner mon amour de faiblesse, Et croire qu’engagé par des charmes si doux, Je puisse être jamais à quelque autre qu’à vous ? […] Mais vous êtes désabusé, misanthrope doux et sceptique, et vous avez décidé une fois pour toutes de ne vous émouvoir de rien. […] Chaque jour à l’église il venait, d’un air doux, Tout vis-à-vis de moi se mettre à deux genoux. […] C’est une honnête femme amenée par les circonstances à jouer une scène de coquetterie (et qui par parenthèse, du consentement de Molière, la joue mal), mais c’est une honnête femme, douce, impassionnelle et nonchalante ; c’est l’honnête femme élégante, telle que la comprenait Molière. […] — Qui voulez-vous, mon père, que je dise Qui me touche le cœur, et qu’il me serait doux De voir, par votre choix, devenir mon époux ?
Saint François d’Assise fut un très libre esprit ; il était doux et humble, mais ferme et volontaire. […] Quelles que soient les années futures, les premières sont douces. […] Circumfusa super ; Lucrèce songeait à la mer, pourtant douce, de son Italie quand il décrivait le geste impérieux et câlin de la mère des dieux et des hommes. […] Il y a des nuances vives ou douces, de flamme ou de brouillard. […] Meyer en effet ne se propose pas moins que de remplacer le g doux et le groupe ge par j.
Et il achève tristement une vie qui pouvait être facile et douce. […] Ce sont des choses incohérentes et douces. […] Elle lui sourit en s’éveillant, car elle est accueillante et douce. […] et les syllabes lui en semblent infiniment douces. […] Il nous a été doux d’en saluer l’aurore.
Kobus, à force de rêver, avait fini par se rendormir, quand le son d’un violon, pénétrant et doux comme la voix d’un ami que vous entendez vous dire après une longue absence : « Me voilà, c’est moi ! […] » Il racontait cet événement au gros percepteur Hâan, qui semblait l’écouter, son ventre arrondi comme un bouvreuil, la face pourpre, la cravate lâchée, ses gros yeux voilés de douces larmes, et qui riait en songeant à la prochaine ouverture de la chasse. […] Tous regardaient avec un véritable plaisir cette jolie fille, si douce et si timide ; Iôsef lui-même souriait. Il y avait en elle comme un parfum des champs, une bonne odeur de printemps et de grand air, quelque chose de riant et de doux, comme le babillement de l’alouette au-dessus des blés ; en la regardant, il vous semblait être en pleine campagne, dans la vieille ferme, après la fonte des neiges. […] Christel, assis au bout, son chapeau sur la nuque, regardait ébahi ; la mère Orchel, avec sa grosse face rouge, se tenait debout sur la porte de la cuisine, la bouche béante : et la petite Sûzel, assise dans le vieux fauteuil de cuir, entre le grand fourneau de fonte et la vieille horloge, qui battait sa cadence éternelle, Sûzel, en manches de chemise et petit corset de toile bleue, était là, sa douce figure cachée dans son tablier sur les genoux.
Si les œuvres de la poésie primitive, non encore arrivées à une culture régulière, peuvent se comparer à des fruits sauvages, assez âpres ou quelquefois fort doux, produits par des arbres francs et détachés au hasard sous la brise ; si, au milieu de cette nature agreste, quelques grands poëmes divins, formés on ne sait d’où, semblent tomber des jardins fabuleux des Hespérides ; si les œuvres de la poésie régulièrement cultivée sont comme ces magnifiques fruits savoureux, mûris et récoltés dans les vergers des nations puissantes et des rois, on peut prétendre que les œuvres de cette poésie des époques encombrées et déjà grêlées ne sont pas des fruits, à vrai dire ; ce sont des produits rares, précieux peut-être, mais non pas nourrissants. […] « Je ne résiste pas à ce besoin que j’ai de vous parler de votre beau livre, et en vérité, comme je ne cesse de causer avec vous tous les jours depuis que je suis à la campagne, je puis aussi bien continuer par écrit cette douce conversation. […] C’est donc lui qui continue de parler : « Après la douce et forte et grave Étude que l’on suit avec vous dans le premier volume, je ne sais rien de plus attachant que de lire les vers de Ronsard et vos réflexions qui les suivent : cela fait qu’on trouve tout de suite à qui parler du plaisir qu’on vient d’avoir.
Les souvenirs les plus doux de la vie sont en effet les souvenirs du cœur. […] C’est un point lumineux dans ce demi-jour des premières années où tout est confondu, plaisirs, espérances, regrets, et où les souvenirs sont brouillés et incertains, parce qu’aucune pensée ne les a gravés dans la mémoire ; amour charmant qui ne sait pas ce qu’il veut, qui se prend aux yeux bleus d’une fille comme le papillon aux roses du jardin par un instinct de nature, par une attraction dont il ne sait point les causes et dont il n’entrevoit pas la portée ; innocent besoin d’aimer, qui plus tard se changera en un désir intéressé de plaire et de se voir aimé ; passion douce et sans violence, rêve en l’air ; première épreuve d’une sensibilité qui se développera plus tard ou qui plutôt s’éteindra dans des passions plus sérieuses ; petite inquiétude de cœur qui tourmente souvent un jeune écolier, un de ces enfants aux joues roses que vous croyez si insouciant, mais qui déjà éprouve des agitations inconnues, qui étouffe, qui languit, qui se sent monter au front des rougeurs auxquelles la conscience n’a point part. » — La grâce facile où se jouera si souvent la plume de Charles Labitte se dessine déjà dans cette page délicate où je n’ai pas changé un mot. […] Si Lucrèce nous rend avec une saveur amère les angoisses des mortels, nul aussi n’a peint plus fermement et plus fièrement que lui la majesté sacrée de la nature, le calme et la sérénité du sage ; à ce titre auguste, le pieux Virgile lui-même, en un passage célèbre, le proclame heureux : Félix qui potuit rerum , etc… Quoi qu’il en soit cependant de l’énigme que le poëte nous propose, et si tant est qu’il y ait vraiment énigme dans son œuvre, c’était aux expressions de trouble et de douleur que s’attachait surtout notre ami ; le livre III, où il est traité à fond de l’âme humaine et de la mort, avait attiré particulièrement son attention ; dans son exemplaire, chaque trait saillant des admirables peintures de la fin est surchargé de coups de crayon et de notes marginales, et il s’arrêtait avec réflexion sur cette dernière et fatale pensée, comme devant l’inévitable perspective : « Que nous ayons vécu peu de jours, ou que nous ayons poussé au-delà d’un siècle, une fois morts, nous n’en sommes pas moins morts pour une éternité ; et celui-là ne sera pas couché moins longtemps désormais, qui a terminé sa vie aujourd’hui même, et celui qui est tombé depuis bien des mois et bien des ans : Mors aeterna tamen nihilominus illa manebit ; Nec minus ille diu jam non erit, ex hodierno Lumine qui finem vitaï fecit, et ille Mensibus atque annis qui multis occidit ante. » Notre ami était donc en train d’attacher ses travaux à des sujets et à des noms déjà éprouvés, et les moins périssables de tous sur cette terre fragile ; il voguait à plein courant dans la vie de l’intelligence ; des pensées plus douces de cœur et d’avenir s’y ajoutaient tout bas, lorsque tout d’un coup il fut saisi d’une indisposition violente, sans siège local bien déterminé, et c’est alors, durant une fièvre orageuse, qu’en deux jours, sans que la science et l’amitié consternées pussent se rendre compte ni avoir prévu, sans aucune cause appréciable suffisante, la vie subitement lui fit faute ; et le vendredi 19 septembre 1845, vers six heures du soir, il était mort quand il ne semblait qu’endormi.
Dans le soupir du prisonnier qui se voudrait chez lui, en sa douce France, bien à l’aise, je ne puis reconnaître un accent de patriotisme. […] Et sa pensée prolonge le spectacle, jusqu’aux torsions de l’agonie, à l’effondrement écœurant de tant de choses ; douces et charmantes. […] » Ce mystère est plus douloureux au cœur que la sécurité de la foi : mais quelle douce et exquise douleur !
Michel-Ange à Raphaël, Bossuet à Fénelon, Hugo à Lamartine, etc…, les forts aux doux, les excessifs ou les dissonants aux harmonieux. […] Soyons équitables et doux pour tous les hommes de génie, et ne leur appliquons pas une mesure plus sévère qu’à nous-mêmes. […] que Racine est bien le poète des femmes, et des plus douces, des plus sages, des plus tendres, aussi bien que des plus folles et des plus détraquées… Après Phèdre, lisez Bérénice, le drame par excellence du sacrifice de l’amour au préjugé social ; sujet éternel comme les autres.
De dix pages en dix pages on croit entendre les phrases de la douce Mme Delobelle ou de Désirée : Monsieur Delobelle ne renonce pas ; Monsieur Delobelle n’a pas le droit de renoncer ; ou : Monsieur Delobelle dit qu’il renonce, qu’on lui en a trop fait. » Le ton, l’accent est le même, à s’y tromper : « Mon mari, dit Marceline, est un homme tout entier, immobile dans ses aversions. […] La trace rêvée qu’il y a laissée de ses pas, de sa voix si jeune alors, si douce toujours, si éternellement puissante sur moi. » C’est elle-même encore qui souligne. « Je ne demanderais à Rome que cette vision ; je ne l’aurai pas. » Il, c’est « l’autre », celui qui est parti et n’est pas revenu. […] Sans être précisément jolie, Ondine était d’une physionomie douce, « avec le regard un peu maladif. » Elle était, comme sa mère, réfractaire à la toilette. « Mme Valmore avait la parole un peu traînante et larmoyante, sa fille avait plus de décision et de netteté dans la repartie ; elle plaisait au premier abord. » En 1842, je pense (elle avait alors vingt et un ans), Ondine entra comme institutrice dans un pensionnat de demoiselles qui était situé rue de Chaillot.
Tel ce poème exquis, la Dame qui tissait, dont j’extrais un fragment ; l’attitude, appuyée sur de douces harmonies, domine encore le geste, mais déjà apparaissent maints rythmes comme des vers libres fondus dans l’alexandrin qui lui-même se désagrège et semble n’avoir plus de raison d’être. […] Printanière, dans l’aube éternelle du rêve Et dans l’aurore assise, Elle tisse en rêvant Des choses qu’Elle sait, et sourit ; et, devant Elle, au gré de sa main agile, court sans trêve La navette laborieuse, et le doux vent D’avril emmêle ses cheveux qu’Elle soulève Et rejette sur son épaule ; et, relevant La tête, Elle fredonne un air qu’Elle n’achève… De l’ombre, Elle apparaît, comme en un cadre d’or : Derrière Elle l’azur et des plaines qu’arrose Un fleuve ; et, sur sa tête, un rameau de laurose Étend ses fleurs contre l’azur clair ; — et l’effort Du métier, comme un chant monotone et morose Se plaint très doucement : — on envierait le sort De celui qui baiserait la main qu’Elle pose Négligemment, parfois, et lasse de l’effort… Mais moi, la voyant rire en rappelant sans doute Quelque doux jour mort de sa joie un soir de mai, Je songeai que, peut-être, pour avoir aimé Son rire, d’autres ont repris la lente route Tristes d’un souvenir et le cœur affamé D’un mets où nulle lèvre impunément ne goûte.
Mais les vraies mœurs démocratiques seraient les plus charmantes, les plus douces, les plus aimables. […] Elles n’ont pas cette prodigieuse subtilité psychologique, cet esprit de limite, d’intolérance, de particularisme, si j’osais dire, cette force d’abstraction, vrai vampire qui est allé absorbant tout ce qu’il y avait dans l’humanité de suave et de doux, depuis qu’il a été donné à la maigre image du Crucifié de fasciner la conscience humaine. […] ne vaudrait-il pas mieux nous asseoir les uns et les autres à côté de la pauvre humanité, assise, morne et silencieuse, sur le bord du chemin poudreux, pour relever ses yeux vers le doux ciel qu’elle ne regarde plus ?
La souillure mortelle aura tout détruit. » Pallas entreprend de les apaiser, et la « Persuasion aux douces lèvres » parle par sa voix. […] Les Érynnies cèdent à la douce influence qui les dompte ; les « Chiennes d’enfer » s’apprivoisent, elles acceptent la niche honorable qui leur est offerte. […] éclairées par la douce lumière de nos torches.
Elle fut douce, mais faible envers la mort. […] Elle repose ici, sous des peupliers, insensible à l’amour et ne jouissant plus des douces fatigues de la veillée. […] Mais n’oublions pas une douce figure, modestement reléguée sur le second plan : celle de Marceline, l’amie de la comtesse, une amie dévouée qui raccompagne et la relève, avec des pudeurs d’ange gardien, dans le sentier glissant de sa perdition.
Mais ce doux empoignement de mes cheveux, avec ce seul mot, quelquefois cela me revient, et d’y penser, ça me rend tout heureux. » Puis on cause de l’état d’âme après la satisfaction amoureuse. […] Lundi 19 août… Cette grande, cette fluette femme, à la taille un peu carrée, à la gorge toute menue, est très brune, avec de grands yeux noirs, tout doux, et dont le regard est comme une caresse. […] Flaubert n’a fait qu’adapter à ces dires énormes — prononcés par Théo de la voix la plus douce — n’a fait qu’adapter un gueuloir à casser les vitres.
Mme Du Deffand, juge des plus sévères, mais aussi des plus clairvoyants, parle de lui comme venant de faire sa connaissance, dans l’été de 1767 ; il avait alors trente-deux ans : Le prince de Ligne, dit-elle dans une lettre à Horace Walpole (3 août), n’est point le beau-fils de la princesse de Ligne du Luxembourg, c’est son cousin ; il est de ma connaissance, je le vois quelquefois ; il est doux, poli, bon enfant, un peu fou ; il voudrait, je crois, ressembler au chevalier de Boufflers, mais il n’a pas, à beaucoup près, autant d’esprit ; il est son Gilles. […] Selon lui, Horace nous a tracé un jardin anglais : son « Qua pinus ingens… » est la meilleure description, la plus douce, la plus riante : « Ce petit ruisseau qui travaille à s’échapper a fait, dit le prince, mon bonheur à exécuter encore plus qu’à le lire. » En lisant tout ce qu’il écrit sur les jardins et cette suite de boutades décousues avec un peu d’indulgence, on en est payé par de charmants passages, par de jolies peintures de sites et comme par des gouaches et des aquarelles légères très vivement enlevées.
Daru fit à son sujet un excellent discours, plein de sens et de nuances : il y appréciait « les plans sages, la gaieté douce, le dialogue naturel, la versification pleine de grâce » de celui qu’on aurait pu indulgemment appeler un demi-Térence, de même qu’on avait dit de Térence que c’était un demi-Ménandre. […] Campenon fait de même : cet homme de lettres, qui resta jusqu’à la fin parfaitement doux et gracieux, écrivait à M.
Né en 1644 d’une noble famille du Vivarais, fils d’un père homme de mérite et qui avait laissé de bons souvenirs, il entra dans le monde à dix-huit ans (1662), l’année même où Louis XIV, affranchi de la tutelle de Mazarin, préludait à sa royauté sérieuse : « Ma figure, dit-il, qui n’était pas déplaisante, quoique je ne fusse pas du premier ordre des gens bien faits, mes manières, mon humeur et mon esprit qui étaient doux, faisaient un tout qui plaisait à tout le monde, et peu de gens en y entrant ont été mieux reçus. » Mme de Montausier, cette personne de considération, lui témoignait de l’amitié en souvenir de son père, et l’appuyait de son crédit. […] C’est un malheur en tout cas pour un homme d’esprit et de talent de prendre ainsi à contresens l’époque dont il est contemporain, et le règne dont il serait un serviteur naturel et distingué ; on le juge, on le critique ce règne qui nous déplaît, mais à la longue on s’y aigrit, ou, si l’on est doux, on s’y relâche et l’on se démoralise.
Aussi les beaux esprits eurent-ils fort à faire lorsqu’il fut question pour eux de reconquérir à la littérature et à la poésie la nature. « Les esprits doux, amateurs de belles-lettres, disait Mme de Rambouillet, ne trouvent jamais leur compte à la campagne. » Esprit doux (mite ingenium) était un terme qui correspondait en éloge pour les hommes à ce qu’était primitivement le nom de précieuse pour les femmes.
N’oublions pas non plus l’ironie, la malice, une raillerie fine et douce comme elle paraît dans les lettres que j’ai citées. […] Le printemps le dissipait trop pour qu’il pût beaucoup s’y recueillir ; il aimait mieux en profiter avec l’abeille et avec l’oiseau : mais les soirs d’hiver, près de son intelligente et silencieuse amie, dans ce doux confort domestique qu’il a si bien exprimé, ayant là près de lui la bouilloire qui chante, et la tasse pleine de cette liqueur « qui égaye et qui n’enivre pas », il s’appliqua pour la première fois à traiter en vers d’assez longs sujets, tout sérieux d’abord et presque théologiques, qui montrent, à leur titre seul, le fond de ses pensées : Le Progrès de l’erreur, La Vérité, L’Espérance, etc.
Douée de la plus heureuse intelligence, d’un esprit plein de lumière et de saillies, d’une mémoire merveilleuse, de bons et droits sentiments, d’une belle âme faite pour la vertu, jolie dans sa jeunesse avant que le mal l’eût détruite, et ornée de grâces naturelles, elle fut pourtant dès l’enfance une des personnes les plus malheureuses, les plus cruellement maltraitées qui se puissent voir dans aucune classe de la société (je n’excepte pas la plus inférieure), et elle eut de tout temps une existence souffrante et tourmentée, avec bien peu de doux moments. […] Rien ne me fait plus de plaisir qu’un bel opéra, mes oreilles communiquent les doux accents de la voix jusqu’au fond de mon cœur ; un beau jardin, de magnifiques bâtiments charment mes yeux ; mais si de pareils plaisirs pouvaient faire tort à mon honneur, je m’en priverais.
Je ne sais rien même de si faible et de si vain que de fuir devant les vices, ou de les haïr sans mesure ; car on ne les hait jamais que parce qu’on les craint, par représailles ; ou par vengeance, parce qu’on en est mal traité ; mais un peu de grandeur d’âme, quelque connaissance du cœur, une humeur douce et tacite, empêchent qu’on en soit surpris ou blessé si vivement. […] Vous n’êtes donc pas fait pour vivre comme lui ; le repos vous est dangereux ; il vous faut tenir loin de vous ; votre cœur ne peut vous verser que le fiel dont il est pétri… Dans ce qui suit, et à dessein de détourner son impétueux ami de quitter le service, Vauvenargues le raille avec une légère ironie sur ce plan un peu trop doux de vie heureuse et toute privée, sur cette félicité tempérée et dans le goût d’Horace, qu’il se promet trop complaisamment.
— Et plus tard à Paris, et ensuite à Cantorbéry ou à Londres, ne croyez pas que Casaubon puisse se livrer en paix et selon son cœur à ses études chéries ; non, ce qu’on demande de lui, ce que désirent les puissants du siècle, c’est autre chose : et qui donc, en aucun temps, excepté quelques esprits atteints d’une douce manie, va s’occuper uniquement des morts, des livres d’autrefois, des chastes et pures belles-lettres ? Non, ce qu’on veut de Casaubon, c’est de l’amener sur le terrain de la théologie, qui est alors le terrain de la passion brûlante, de l’intérêt en jeu, de la politique ; ce que lui veut le cardinal du Perron dans ces fréquents entretiens qu’il a avec lui et pour lesquels il le mande sans cesse, ce n’est pas de causer avec désintéressement des belles choses inutiles, d’un sens de Virgile ou d’Homère, ou d’un usage transmis par Athénée, de ces doux riens qui occupent pendant des journées les âmes innocentes : ce qu’il veut, c’est de l’ébranler, de le convaincre à l’aide de passages des Pères, et, s’il se peut, de le convertir.
» — et Charles Magnin, esprit doux, fin, progressif, écouteur ingénieux, plume excellente ; et le baron de Mareste, homme du monde très-spirituel, comme il en faut entre les gens de lettres pour les dédoubler, pour les espacer un peu ; un de ces amateurs qui de bonne heure ont vu le spectacle dans une bonne stalle, témoin assidu, bien informé, et qui, lui aussi, a dû écrire ; — tous ceux-là, et bien d’autres encore, y étaient, et dans cette espèce de galetas plafonné bruissaient comme abeilles en ruche et faisaient tourbillon. […] Viollet-le-Duc était devenue, les vendredis soirs, un lieu de réunion et de conversation douce, agréable, instructive, mais sans rien des vivacités et des orages que l’étage supérieur assemblait le dimanche.
Le cardinal, le voyant entrer dans sa chambre, s’avança vers lui « avec cette majesté douce et riante » qui raccompagnait toutes les fois qu’il le voulait bien, et lui dit : « Eh bien ! […] Dessinant toujours son programme, et voulant donner idée de ce qu’un homme éloquent aurait pu faire et dire en sa place dans cette Rhétorique supérieure qu’il décrit : « Il eut encore fait voir, dit-il, qu’il n’y a jamais eu de langue où l’on ait écrit plus purement et plus” nettement qu’en la nôtre ; qui soit plus ennemie des équivoques et de toute sorte d’obscurité ; plus grave et plus douce tout ensemble, plus propre pour toutes sortes de styles ; plus chaste en ses locutions, plus judicieuse en ses figures ; qui aime plus l’élégance et l’ornement, mais qui craigne plus l’affectation.
Chaque forme de dune a son appellation propre : celle qui est en pente douce, en dos d’âne, s’appelle autrement que la dune, véritable montagne, et qui atteint parfois les dimensions des montagnes ordinaires ; celle qu’on a comparée à la lame d’un sabre, et dont l’une des parois est verticale, à pic, ne se désigne pas comme celle qui a deux pentes normales. […] — Ces hommes, les Touareg, tu les prends pour des lâches ; — cependant ils savent voyager et même guerroyer ; — ils savent partir de bon matin et marcher le soir ; — ils savent surprendre dans son lit tel homme couché ; — surtout le riche qui dort au milieu de ses troupeaux agenouillés ; — celui qui a orgueilleusement étendu sa large tente ; — celui qui a déployé en leur entier et ses tapis et ses doux lainages ; — celui dont le ventre est plein de blé cuit avec de la viande, — et arrosé de beurre fondu et de lait chaud sortant du pis des chamelles ; — ils le clouent de leur lance, pointue comme une épine, — et lui se met à crier, jusqu’à ce que son âme s’envole
Pendant qu’il parle ainsi sans discontinuer, d’une voix claire, les yeux baissés, une espèce de sourire vague à sa bouche (assez gracieux dans son dédain) annonce cette profonde et douce satisfaction, cette intime et parfaite certitude qu’il a de lui-même. […] Je n’y ai rien trouvé que de vrai je dois et je puis, il me semble, oser en toute simplicité vous le dire, monsieur ; mais cette impression ne diminue en rien celle que j’ai reçue de la bienveillance si bien sentie et si visible qui accompagne tout un portrait qui m’a été si doux à lire.
De se donner ou de se garder Plus probablement ceci que cela, car une charmante figure mâle, ornée de fines moustaches et de grands yeux noirs à cils ombreux, couronnée de cheveux bruns coupés ras et poussant dru, passait dans la glace à chaque instant, montrant, dans un sourire très doux, des dents juvéniles, toutes blanches et au grand complet… Un dîner, une visite, cela suffit. […] Rabusson : … Et leur causerie était joyeuse, intime et douce comme un simple bavardage d’amoureux.
Le doux Hubert va à Paris, à la recherche des parents d’Angélique. […] Qu’il nous abandonne les petits contes, les doux enfantillages, les petites bergères, les petites saintes, les princes charmants, les jolis riens du rêve… Qu’il n’y touche pas avec ses gros doigts.
Mme Sand, même quand elle se complaît à des images douces, a en elle le puissant et le plantureux. […] La marquise de Rambouillet avait coutume de dire : « Les esprits doux et amateurs des belles-lettres ne trouvent jamais leur compte à la campagne. » Cette impression a duré longtemps ; tout le xviie siècle et une partie du xviiie en sont restés plus ou moins sur cette idée de Mme de Rambouillet, qui est celle de toute société polie et, avant tout, spirituelle.
Le grand cardinal de Richelieu était de même : faire une belle tragédie eût été une chose presque aussi douce à son cœur et lui eût paru une œuvre presque aussi glorieuse que de triompher des Espagnols et de maintenir les alliés de la France en Allemagne : les lauriers du Cid l’empêchaient de dormir. […] Vers la fin, et tout en lui souhaitant des sentiment plus doux, il le saluait encore « comme le plus bel organe de la raison et de la vérité ».
Il était impossible qu’une conversation dont elle était tombât dans le nul ou dans le commun ; toujours elle la relevait par une saillie, une gaieté, un trait d’ironie ou de satire, ou même un mot d’une douce philosophie. […] Comme un doux souvenir, accepte cet ouvrage.
Mais la paternité l’avait ramené d’instinct et en idée au drame moral et vertueux, et il répétait souvent dans sa vieillesse « que tout homme qui n’est pas né un épouvantable méchant, finit toujours par être bon quand l’âge des passions s’éloigne, et surtout quand il a goûté le bonheur si doux d’être père ! […] Il était plus fidèle à sa nature quand il écrivait à Collin d’Harleville qui lui avait envoyé un poème allégorique sur Melpomène et sur Thalie : Pour lire un joli poème, s’amuser d’un charmant ouvrage, il faut, mon cher citoyen, avoir le cœur serein, la tête libre ; et bien peu de ces doux moments sont réservés à la vieillesse.
Après Buffon, Bernardin de Saint-Pierre paraissait dans ces avenues de la nature comme un grand prêtre plus doux, plus attrayant, et qui faisait entrer dans ses explications spécieuses quelque chose de l’onction et du sourire de Fénelon. […] Les lettres qu’on a de lui jusqu’à la fin attestent son imagination riante : « Je suis un vieux arbre, disait-il, qui porte de jeunes rameaux. » il avait échangé son ermitage d’Essonne pour une autre retraite à Éragny, sur les bords de l’Oise : il s’y livrait aux douces spéculations dont il a rempli ses Harmonies.
Vieux, arrivé au terme d’une existence jusque-là des plus favorisées et des plus également douces, l’abbé Barthélemy se vit tout d’un coup privé par la Révolution de la fortune, de l’aisance et de la liberté ; dans ces instants d’ennui et de retraite, il eut l’idée d’écrire des Mémoires sur sa vie, restés inachevés, mais suffisants, et qui sont la source où l’on apprend le mieux à le connaître. […] Il a de jolies et douces pensées à ce sujet.
Elle a le nez légèrement aquilin et très long, l’œil long, doux et fin, la bouche également longue, fine et souriante. […] Dans ces châteaux du Midi, où s’égayaient les troubadours et d’où il nous est venu de si doux chants, lorsque l’on composait d’exquises et ravissantes histoires comme celle d’Aucassin et Nicolette, il dut y avoir aussi toutes les délicatesses et toutes les grâces qu’on peut désirer en causant.
Les personnes que l’harmonie douce de Lamartine requiert ne pouvaient, en bonne justice, ne point admirer les beaux vers publiés dans le premier Parnasse, et la chuchotante, magique, illuminée harmonie de l’Après-midi d’un Faune. […] Les objections contre le vers libre La première consiste à dire : « Le vers libre n’est pas une nouveauté dans la poésie française ; on s’étonne des étonnements accueillant une chose si ancienne ; ce fut le vers de La Fontaine, et Molière l’utilisa à merveille. » Il serait doux de pouvoir se réclamer de si glorieux patrons, mais malheureusement la chose est de tous points inexacte ; les poètes le savent trop, pour qu’on le leur développe, ils l’ont toujours pressenti d’instinct.
Elles sont des hommes par la pensée » ; mais le temps, qui est un galant homme aussi, et plus homme qu’elles, les a prises sous son bras et, comme on fait à l’enfant qu’on va fouetter, il leur a, d’une main patiente et douce, mais irrésistible, ôté simplement leurs culottes. […] Il est de femme, par le manque d’aperçu, de profondeur, d’originalité, de vigueur enflammée ; qualités viriles que les femmes n’ont pas, parce qu’elles en ont d’autres, la grâce, l’élégance, la finesse, le coloris doux, la tendresse, l’inattendu, la sensation vive que.
Et voilà pourquoi, né délicat et difficile, il est devenu, au contact des choses grossières de ce Carnaval que voilà fini, plus délicat et plus difficile que jamais, Voilà pourquoi cet esprit doux a revêtu, comme l’orange, qui est douce aussi quand elle est ce qu’elle doit être, une écorce amère, mais salubre.
Mais Saint-Bonnet est un Samson doux. […] Cet homme, plus vraiment doux que Fénelon, plus cygne que ce cygne, car Fénelon n’avait que la coquetterie de la douceur, n’était point organisé pour la guerre des idées telle que les besoins de notre temps nous l’imposent, à nous autres ferrailleurs !
Un caporal-prêtre, malgré deux blessures successives a pris le commandement de deux sections privées de leurs officiers : on s’étonne autour de lui : « Vous, si doux ! […] Et à l’endroit même, je suis encore, car, par une ressemblance vraiment très indigne avec mon doux Sauveur Jésus sur la Croix, je suis vraiment cloué à ma croix, n’ayant pu bouger ma jambe d’un seul millimètre.
— Madame Dorval disait l’autre jour à l’auteur assez tranquille et qui a la voix plus douce que son succès : « Remuez-vous donc, vous avez l’air d’une poule qui aurait couvé un œuf d’aigle. » — Mais assez de ces bribes, je passe à l’autre intérêt réel de la quinzaine, car chaque quinzaine ici a son changement de direction et son unité.
mon doux Éden éphémère ?
Quelque opinion qu’on garde après la lecture du livre sur la réalité de ces divisions qu’une philosophie plus forte trouverait sans doute moyen de simplifier et de réduire, ce qu’il faut reconnaître, c’est l’agréable et instructif chemin par lequel le philosophe nous a menés ; c’est cette multitude de remarques fines, judicieuses et ingénieuses, tempérées, qu’il a semées sous nos pas ; c’est ce jour si indulgent et si doux qu’il sait jeter sur la nature humaine en y pénétrant ; c’est l’émotion honnête qu’il excite en nous, tout en nous apprenant à décomposer et à observer ; ce sont les heureuses applications morales et pratiques, le choix et l’atticisme des exemples, et les fleurs d’une littérature si délicatement cultivée à travers les recherches de la philosophie.
Ce poète, aussi peu « homme de lettres qu’Homère, ce qu’il exprimait sans effort, c’était tous les beaux sentiments tristes et doux accumulés dans l’âme humaine depuis trois mille ans : l’amour chaste et rêveur, la sympathie pour la vie universelle, un désir de communion avec la nature, l’inquiétude devant son mystère, l’espoir en la bonté du Dieu qu’elle révèle confusément ; je ne sais quoi encore, un suave mélange de piété chrétienne, de songe platonicien, de voluptueuse et grave langueur.
Alors on tirait de l’armoire une bouteille de fignolette, liqueur fabriquée avec des vins doux et des épices, et l’on mangeait des marrons rôtis sous la cendre.
Il fit à l’abbé la douce violence qu’il attendait, le décida à publier ses Pensées, et nous présenta l’auteur.
Le doux et pieux autocrate que je me figure rendrait à ces hommes leur patrie, ou, du moins, leur indépendance.
Certes elle l’est : mais qu’elle est douce aussi, et facile à séduire !
C’est une autre face de l’énigme des saisons si douces et si lourdes, si profondément sévères, de quels pampres ou de quelles corbeilles de fleurs qu’elles se parent extérieurement.
Aussi, dans la Quenouille et la Besace s’y exprimera-t-il avec moins de pessimisme que dans les Serres chaudes, avec moins de poésie artificielle et avec des refrains de complaintes plus délicates, plus douces, plus émouvantes.
Dans les murmures de la création, il écoute le chant des morts, dont il sent passer l’âme dans l’air qu’il respire, dans la lumière si douce et pure, par les matins où se fleurissent les prés de toutes les couleurs du printemps.
On chercherait en vain un confident plus noble et plus doux des fautes du cœur et de l’esprit, un consolateur plus austère et plus tendre, un meilleur ami.
Il est si doux, quand les fenêtres se ferment d’un côté, de les voir s’ouvrir de l’autre !
On proscriroit sur-tout ces Bureaux d’esprit où l’on anathématise les meilleurs Ouvrages, quoiqu’on ne puisse s’en dissimuler le mérite ; où l’on encense la médiocrité, parce qu’elle est en état de protéger ou de nuire ; où l’on n’admet tant d’adorateurs stupides, que pour en faire des écho, dont la voix ira d’oreille en oreille déifier tous les Membres du tyrannique Sénat, & promulguer ses intrépides Arrêts ; nous aurions la douce joie de voir couler le lait & le miel à côté de l’Hipocrene, de pouvoir cueillir les fruits du sacré Vallon, sans redouter ceux de la Discorde, de dormir sur le Parnasse sans craindre de réveils fâcheux ; nous verrions renaître en un mot l’âge d’or de la Poésie, & le Monde savant retraceroit le modele de cette République, dont M.
« Les feux de l’aurore sont moins doux que les premiers regards de la gloire. » Ces paroles modernes d’une grâce attique, peuvent s’appliquer à cette jeune bataille, aube d’un jour rayonnant, fleur de pourpre d’un printemps sacré.
Eschine est un ruisseau qui coule entre des rivages enchantés ; c’est une lumière plus douce que forte.
Virgile, le plus doux, le plus modeste des hommes, ne put échapper aux traits de l’envie.
Autant ses satyres respirent le fiel & la haine, autant il étoit doux, enjoué, liant dans la société.
Addisson & lui sont parvenus à réduite ses siflemens aigres & désagréables à des sons un peu plus doux & plus harmonieux.
Il eût trouvé parmi nos saintes des puissances aussi grandes que celles des déesses antiques, et des noms aussi doux que ceux des Grâces.
l’imitation du parler suit incontinent… etc. les leçons d’un maître de musique habile développent nos organes, et nous apprennent à chanter méthodiquement ; mais ces leçons ne peuvent changer que très-peu de choses dans le son et dans l’étenduë de notre voix naturelle, quoiqu’elles la fassent paroître plus douce et tant soit peu plus étenduë.
Dès qu’on a jeté les yeux sur cette période de notre histoire, le xvie siècle apparaît comme un coup mortel porté par l’effort des temps et des esprits au Christianisme et à l’austère et douce civilisation chrétienne, ou comme l’impuissance démontrée de les frapper mortellement l’un et l’autre avec des armes empruntées à l’Antiquité.
Encore une fois, c’est là le caractère du talent et du livre de Nicolas : une grande bonté et une grande lumière, un attendrissement éloquent avec une larme qui perle dans chaque mot et qui fait étinceler son style des lueurs les plus douces.
Quelques vers grecs, d’une date inconnue mais ancienne, consacrent par de touchants détails la fin du poëte dans les fêtes d’Argos32 : « Protomaque et Eumétis33 aux douces voix pleuraient, filles ingénieuses de Pindare, alors qu’elles revenaient d’Argos, rapportant dans une urne ses cendres retirées des flammes d’un bûcher étranger. » La gloire du poëte grandit sur sa tombe, placée dans le lieu le plus remarquable de Thèbes, près de l’amphithéâtre des jeux publics.
Ô douce et belle femme, joyeuse et toujours active ! […] Les douces relations qui se sont établies entre nous m’imposent le devoir religieux de confondre votre cause avec la mienne. […] Nous nous retrouvâmes ; nous avions de doux souvenirs : il nous fut agréable de les cultiver, et nous pouvions vivre ensemble sans obstacles. […] Quant à Ottilie, elle est douce, modeste, un peu passive, délicatement dévouée, d’une sensibilité vite inquiète, sous des dehors presque toujours tranquilles. […] C’est ainsi que, pour nous initier aux doux mystères de son âme, il a imaginé de lui faire tenir un journal.