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2343. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre III. La nouvelle langue. » pp. 165-234

» Il va à l’endroit où il l’a vue pour la première fois, puis à un autre où il l’a entendue chanter ; « il n’y a point d’heure du jour ou de la nuit où il ne pense à elle. » Personne n’a depuis trouvé des paroles plus vraies et plus tendres ; voilà les charmantes « branches poétiques » qui avaient poussé à travers l’ignorance grossière et les parades pompeuses ; l’esprit humain au moyen âge avait fleuri du côté où il apercevait le jour. […] Le Hasard, comme une noire fumée, plane au-dessus des choses et bouche la vue du ciel.

2344. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1867 » pp. 99-182

Plus tard la mathématique chasse la femme, mais sans laisser plus reparaître dans le journal l’homme avoisinant l’artiste… La plus étonnante inégalité dans le niveau des idées, les plus grandes vues à côté de balivernes, de calembours, de désossements enfantins de mots. […] Cette force masquée, une force étrange, mystérieuse, différente de toutes les forces que nous avons vues à l’ouvrage, une force qui part comme un ressort et qui, en ses deux petites mains gantées de noir, pétrit un torse et des flancs, comme avec des mains d’acier.

2345. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1895 » pp. 297-383

Et aux politiciens de circonstance, aux Thiers, il oppose Lamartine, un politique aux grandes vues, aux envolées de la pensée à travers l’avenir, et qui fut un prophète miraculeux de tout ce qui est advenu depuis sa mort, dans notre vieille société. […] Maintenant dans le jardin, dans le petit parc, des plantes venues de chez tous les horticulteurs de l’Angleterre, de la Hollande, de la France, des plantes admirables, des plantes amusant la vue par leurs ramifications artistes, par leurs nuances rares, et surtout des iris du Japon, aux fleurs grandes comme des fleurs de magnolia, et aux colorations brisées et fondues des plus beaux flambés.

2346. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Cromwell » (1827) »

Supposons en effet un de ces promoteurs irréfléchis de la nature absolue, de la nature vue hors de l’art, à la représentation d’une pièce romantique, du Cid, par exemple. — Qu’est cela ? […] Le commun est le défaut des poëtes à courte vue et à courte haleine.

2347. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VI : Difficultés de la théorie »

De plus, les mêmes causes que nous avons vues augmenter, diminuer ou modifier la production des courants électriques musculaires et la puissance des organes électriques, agissent en même sens sur la phosphorescence du Lampyre. […] « Voici encore, dit-il, un point d’analogie qu’il ne faut pas perdre de vue ; c’est que la vie des muscles, leurs fonctions, sont accompagnées de dégagement de chaleur et de lumière ; et cependant cette vie, ces fonctions sont immédiatement dépendantes de l’agent nerveux. » (Leçons sur le phénomène physique des corps vivants, VIIIe leçon.)

2348. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre III. L’Âge moderne (1801-1875) » pp. 388-524

Leur préoccupation de leur personne leur dérobait la vue des progrès de la science ; et, il faut bien le dire, jamais poètes au monde, pas même Racine ou Boileau, ne s’étaient montrés moins curieux, plus insouciants de tout ce qui n’était pas leur art, — de mécanique ou d’astronomie, de physique ou de chimie, d’histoire naturelle ou de physiologie, d’histoire et de philosophie, — que les Lamartine, les Hugo, les Musset, les Dumas, les Gautier. […] « Toute littérature qui n’a pas en vue la perfectibilité, la moralisation, l’idéal, l’utile en un mot, est une littérature rachitique et malsaine, née morte. » Et on peut regretter qu’il ne l’ait pas mieux dit, mais il l’a dit ; et finalement, après l’avoir âprement contredit, ce n’est pas les Leconte de Lisle ou les Flaubert que l’on en a cru, mais lui. […] Les Lettres sur Jean-Jacques Rousseau, 1788 ; et le livre de La Littérature, 1800. — En quoi ces deux ouvrages, quoique séparés l’un de l’autre par la tourmente révolutionnaire, — ne laissent pas de procéder de la même inspiration ; — et d’appartenir à l’esprit du xviiie  siècle par la confiance dont ils témoignent dans le pouvoir de la raison ; — dans la suffisance de la religion naturelle ; — et dans la perfectibilité indéfinie de l’espèce humaine. — Originalité du livre de La Littérature ; — et abondance des « vues » de Mme de Staël ; — toujours spirituelles, souvent ingénieuses, parfois profondes. — Théorie de la distinction des littératures du nord et du midi ; — et fécondité de cette théorie. […] Un autre Michelet se dégage alors du premier ; — le Michelet des Jésuites, 1843 ; — l’auteur du Prêtre, de la femme, et de la famille, 1845 ; — celui du Peuple, 1846, — et de son Histoire de la Révolution française, 1847-1853. — Qu’à première vue ce second Michelet ne se distingue pas beaucoup — de ceux de ses contemporains qui combattent le même combat ; — et on dirait que son originalité première se noie — dans la banalité des idées qu’il développe, — avec la violence d’un encyclopédiste. — Mais il y a pourtant en lui quelque chose de plus ; — et notamment la faculté de se mettre tout entier lui-même dans ce qu’il dit ; — et dans ce qu’il écrit. — Il quitte sa chaire du Collège de France, 1852, [Cf.  […] Le Philosophe ; — et d’abord si cette appellation n’est pas bien ambitieuse pour lui ; — en tant du moins qu’avoir une « philosophie » c’est avoir un système lié ; — une vue générale des choses, ou seulement une « doctrine » [Cf. plus loin l’article Taine].

2349. (1864) Histoire anecdotique de l’ancien théâtre en France. Tome I pp. 3-343

Les changements à vue eurent une plus grande précision. […] — Les premières représentations. — Les journaux. — Jodelet. — Première pièce faite en vue d’un acteur. — Auteurs contemporains de Corneille. — Bois-Robert. — Ses pièces des Apparences trompeuses, de l’Amant ridicule et des Orontes, en 1652 et 1655. — Anecdote. — La cathédrale de Bois-Robert. — Ce qui donna lieu à la pièce des Orontes. — L’abbé Boyer, célèbre par ses revers au théâtre. — Épigramme sur une de ses pièces. — Clotilde. […] M. le cardinal de Richelieu a pleuré dans toutes les représentations qu’il a vues de cette pièce. […] « Moi, lui dit le grand critique, je veux vous apprendre à faire avec peine des vers faciles, et vous avez assez de talent pour le savoir bientôt. » On eut, à cette époque, l’idée maligne et fort plaisante d’attribuer à Boileau la pensée d’avoir eu en vue la tragédie d’Alexandre, dans un de ses Dialogues des Morts. […] Toutefois, ayant eu le bonheur de trouver le sujet d’Esther, il se mit au travail, encouragé par Boileau qui, d’abord, avait cherché à le détourner de répondre aux vues de madame de Maintenon.

2350. (1906) L’anticléricalisme pp. 2-381

Instruite, douée de talent et d’éloquence, très en vue, très écoutée, presque organisée, elle a eu l’idée très naturelle d’avoir de l’influence sur les hommes et de les diriger. […] Jaurès dans un discours qui à première vue avait pu paraître étrange, mais qui, intentionnellement ou non, livrait le secret, lequel, du reste, n’était un mystère pour personne. […] Le Syllabus est en germe dans l’Évangile : il fallait que l’homme aveugle recueillît la clarté révélée un jour par le Dieu qui était venu la lui apporter et ne la perdît jamais de vue, dût-on la lui imposer de force, dût-on proscrire tout autre enseignement. […] Et un seul remède serait efficace : l’expropriation et la nationalisation de tout cet enseignement particulier, aux vues égoïstes… » La question, au point de vue socialiste, est très bien posée dans cet article, quoique lourdement. […] Or, depuis ces échanges de vue, la loi de 1905 a été faite.

2351. (1904) En lisant Nietzsche pp. 1-362

Elle donne aux hommes la vue approximative de cette union de l’état apollinien et de l’état dionysiaque que réalisent là-haut les immortels ; et elle leur donne l’exemple de cette union de l’état apollinien et de l’état dionysiaque qu’ils doivent réaliser sur la terre. […] Il faut aller à la recherche vaillamment et avec amour de la connaissance, amour préalable de la connaissance, comme ce prince qui était amoureux d’une princesse lointaine qu’il n’avait jamais vue. […] Il n’a certainement pas été construit en vue d’un but ; en employant le mot machine, nous lui faisons un bien trop grand honneur. […] Cela faisait dire aux étrangers : « Voilà quelque chose qui est très, très lointain pour nous ; nous y perdons la vue, l’ouïe, l’entendement, le sens de la jouissance et de l’évaluation ; mais, malgré tout, cela pourrait bien être des astres. […] Celui-là se trompe, qui s’imagine que l’effet produit par le théâtre de Shakespeare est moral et que la vue de Macbeth éloigne sans retour du mal de l’ambition.

2352. (1916) Les idées et les hommes. Troisième série pp. 1-315

Mais la sagesse de Polybe consiste à dominer la surprise et à ne point permettre qu’un petit fait, qui paraît grand parce qu’il vient de se placer tout juste devant nos yeux, offusque la vue de l’ensemble. […] Notons aussi le mot « manifeste », que Bernhardi souligne ; et l’on voit mieux son intention, quand il ajoute : « La conscience du droit international a acquis dans l’état actuel de la civilisation une telle puissance qu’on ne peut impunément le perdre de vue tout à fait. » Tout à fait, non ; mais, un peu, oui : et le principal est que la violation du droit ne soit pas manifeste. […] D’autres historiens choisissent parmi les faits ceux qu’ils considèrent comme les causes les plus efficaces ; ils négligent le reste et composent l’histoire selon leur vue de la réalité. […] Marmontel l’a vu souffrir et mourir, dans une petite chambre à l’hôtel du Paon, et plus tard disait : « On n’osait pas être malheureux auprès de lui… » La vue d’un animal blessé, d’un cerf qu’on poursuit dans les bois, d’un arbre qui penche et qui traîne ses rameaux dans la poussière, d’un vieux bâtiment qui s’abîme, d’une fleur qui pâlit, d’un pétale qui tombe, lui plongeaient l’esprit « dans une rêverie attendrissante » ; mais il savait résister contre la tentation des larmes et, sans se guinder, il affirmait la beauté de la vie. […] Non : cette vue des événements et des hommes appartient à l’histoire ; elle a eu des conséquences réelles et elle est le testament d’une pensée qui fut active et, vaille que vaille, efficace.

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