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1420. (1895) La comédie littéraire. Notes et impressions de littérature pp. 3-379

Il en commença la lecture d’une voix nette… Sous prétexte d’analyser l’Ennemi du Peuple, il partit en guerre contre la littérature contemporaine… Les morts et les vivants, Victor Hugo, Maupassant, Daudet, Goncourt, Leconte de Lisle, Coppée, — j’en passe, et des meilleurs, — furent tour à tour exécutés. […] François Villon ne reçut jamais, que je sache, la visite d’un interviewer, il ne fut point nommé, de son vivant, prince de la jeunesse française. […] Et celui-ci répond d’une voix sépulcrale à ces interrogations : Écoute. — Tu n’as vu jusqu’ici que des songes, Que de vagues lueurs flottant sur des mensonges, Que des aspects confus qui passent dans les vents Ou tremblent dans la nuit pour vous autres vivants. […] Ils sont bien modelés, très vivants, très émus, pleins de pensée. […] C’est lui, l’Empereur, qui assiste, vivant, à l’écroulement de sa dynastie, à la chute de sa gloire, à l’écrasement de son pays.

1421. (1923) Critique et conférences (Œuvres posthumes II)

Comme qui dirait le Faust du second Faust, ingénieur de génie après avoir été l’immense poète vivant de Méphistophélès et possesseur de cette blonde Marguerite ! […] Il commença par le Vers Libre (un vers libre toutefois qui ne courait pas encore le guilledou et ne faisait pas de galipètes, pardon, de galimatias comme d’aucuns plus « modernistes »), continua quelque temps par une prose à lui, belle s’il en fut, claire, celle-là, vivante et sursautante, calme aussi quand il faut. […] Pommier, qui n’est, lui, ni inspiré, ni ému, ni vivant. […] Alfred de Musset a dit cela infiniment mieux que tous mes efforts ne sauraient le faire, et il a laissé une œuvre vivante, l’œuvre vivante par excellence, bien que ne s’étant pas assez donné tout entier.

1422. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. THIERS. » pp. 62-124

Chacun le presse, l’excite, en lui recommandant un objet ; il voit pêle-mêle des tableaux noircis, d’autres tout brillants, mais qui offusquent de leur éclat ; des statues antiques, mais dévorées par le temps ; d’autres conservées et peut-être belles, mais point estimées par un public superstitieux ; des palais immenses, mais non achevés ; des tombeaux qu’on dépouille de leur vénérable dépôt, ou dont on efface les inscriptions ; des plantes, des animaux vivants ou empaillés ; des milliers de volumes poudreux et entassés comme le sable ; des tragédiens, des grimaciers, des danseurs. […] Naturellement passionné pour le grand et le simple, amoureux de ses propres études et vivant dans l’abondance des pensées, il ne s’occupait guère de ces tentatives d’alentour qui remuaient, plus qu’il ne le croyait, des intelligences sérieuses ; et si, à la rencontre, son regard venait à s’y arrêter, il y opposait aussitôt un tel idéal de simplicité et de pureté, que les contemporains le plus souvent n’avaient rien à faire en comparaison. […] Il serait difficile d’ailleurs, dans une œuvre qui ne vise pas aux tableaux et qui forme un tout vivant, de trouver de ces morceaux à citer si fréquents en d’autres histoires.

1423. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « LEOPARDI. » pp. 363-422

les antiques aïeux ressuscitaient de la tombe, et les vivants n’y répondaient pas ! […] … » Et l’un des morts lui apprend que ce réveillon ne tire pas à conséquence, que c’est la première célébration de la grande année mathématique qui s’accomplit en ce moment, et que les morts n’en ont plus de ce rare sabbat périodique que pour un quart d’heure. — Ruysch en profite pour les interroger sur tant de choses qu’ils doivent savoir mieux que les vivants ; et le quart d’heure est bientôt passé, même un peu trop vite pour le philosophe et avant qu’il ait obtenu toutes les réponses satisfaisantes152. — Dans le dialogue intitulé Parini, ou de la Gloire, Leopardi met dans la bouche du sage poëte Parini, sous forme de conseils à un jeune homme, ses propres réflexions, qui sont comme le développement des paroles de l’antique Théophraste. […] Sinon que, pour consolation en ces derniers temps, j’ai acquis des amis tels que vous ; et votre compagnie, qui me tient lieu de l’étude, et de tout plaisir et de toute espérance, serait presque une compensation à mes maux, si la maladie me permettait d’en jouir comme je le voudrais, et si je ne prévoyais que bientôt peut-être ma fortune va m’en priver encore, en me forçant à consumer les années qui me restent, sevré des douceurs de la société, en un lieu beaucoup mieux habité par les morts que par les vivants ; votre amitié me suivra toutefois, et peut-être la conserverai-je même après que mon corps, qui déjà ne vit plus, sera devenu poussière.

1424. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIIIe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (1re partie) » pp. 5-96

Il contribua puissamment à enrichir les sciences naturelles, dont son maître, alors en Perse, lui envoyait les plus beaux modèles vivants ou morts pour être étudiés, ou décrits, ou disséqués, dans son Histoire des animaux. […] « Les Grecs, ajouta Callisthène, ne décernèrent point les honneurs divins à Hercule de son vivant, mais après sa mort, lorsque l’oracle de Delphes, consulté sur ce sujet, l’eut ainsi ordonné. […] L’intérêt de la partie est celui du tout ; l’intérêt du corps est celui de l’âme ; l’esclave est une partie du maître ; c’est comme une partie de son corps, vivante, bien que séparée.

1425. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (3e partie) » pp. 5-96

Si Dieu ne donnait pas à l’oiseau cet instinct pour ses petits, si un instinct pareil n’était pas répandu dans toute la nature vivante, le monde ne se soutiendrait pas ; mais partout est répandue la force divine, partout agit l’amour éternel !  […] Nous ne parlons pas des vivants. […] Celui qui a créé ces trois figures mérite que son nom soit écrit en lettres apologétiques vivantes au frontispice de l’Allemagne.

1426. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Figurines »

D’où il suit que la part la plus vivante de sa gloire est fondée sur un faux-sens, sur un contresens et sur une tradition incertaine. […] Dans le moindre de ses jugements il tient compte d’une chose considérable en effet : le jugement exprimé ou supposé des morts, qui sont plus nombreux que les vivants. […] Vous trouverez sa chromolithographie dans quantité de bureaux de tabac de village ; et là, les receveurs buralistes, vieux médaillés, vous diront ce qu’il fut, ce qu’il obtenait de ses hommes, vivant près d’eux, couchant avec eux sur la paille, refusant le lit des bourgeois.

1427. (1899) Les industriels du roman populaire, suivi de : L’état actuel du roman populaire (enquête) [articles de la Revue des Revues] pp. 1-403

On ne s’imaginerait point, si les exemples ne parlaient sous nos yeux, vivants et flagrants, jusqu’où peut aller l’indifférence esthétique de ceux que nous appelons des fabricateurs de littérature populaire. […] Je pense, comme vous, que le souci de la vérité sociale, dans les œuvres d’imagination, s’impose avec force ; et, comme une littérature vivante ne peut être que l’expression de la vie réelle, d’une société donnée, tout ce qui est d’intérêt social doit occuper une grande place dans le roman contemporain, comme dans les préoccupations à la fois des penseurs et de la grande masse des hommes d’aujourd’hui. […] Les œuvres d’art ne se font pas sur commande : elles naissent, comme les vivants, du milieu moral qui les rend possibles.

1428. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre quatrième. Éléments sensitifs et appétitifs des opérations intellectuelles — Chapitre deuxième. Les opérations intellectuelles. — Leur rapport à l’appétition et à la motion. »

. — La psychologie, en effet, étudie surtout la genèse des états et opérations de la conscience ; la logique étudie les résultats une fois obtenus et leur structure ; elle prend pour ainsi dire les idées à l’état statique de cristallisation au lieu de les étudier dans le processus vivant et dynamique qui les forme. […] Enfin, la portée pratique se ramenant à un système d’actions et de mouvements, on peut dire de nouveau que c’est le rapport au mouvement, la force plus ou moins intensive et effective, qui fait le caractère plus ou moins objectif d’un état de conscience, la vivante vérité d’un jugement. […] En même temps cette mathématique universelle serait une mécanique universelle, où conséquemment les lois des idées se confondraient avec les lois des forces, mais elle n’exprimerait que les rapports nécessaires des choses sans en saisir le fond intuitif et vivant.

1429. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre quatrième. L’idée du temps, sa genèse et son action »

Au lieu de tableaux fixes, ce sont des échos changeants de changements internes ; il y a quelque chose de vivant et de mouvant sous toutes les représentations, et c’est par une fausse métaphore que nous substituons des cadres immobiles à ces représentations qui sont toujours des processus, qui reparaissent toujours dans la mémoire avec le caractère actif du mouvement. […] Un être vivant ne peut pas ne point distinguer son état d’attente et de tension, qui est au fond un état de besoin et de désir, d’avec l’état d’adaptation actuelle et réciproque entre le sujet et l’objet. […] Il pourrait même avoir des affections de plaisir et de douleur uniquement présentes, il pourrait avoir des perceptions spatiales uniquement présentes ; il pourrait se figurer tout sous forme d’étendue tangible ou visible sans mémoire proprement dite, en vivant dans un présent continuel sans passé et sans avenir127.

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