À part l’admiration dont Archiloque frappa les Grecs, nous savons qu’il fut un des modèles d’Horace, et que l’art si studieux et si vif du lyrique romain était tout parsemé de réminiscences d’Archiloque, d’Alcée, de Stésichore, de Sapho. […] Souvent, du milieu des maux, ils relèvent les hommes abattus sur le sol noir de la terre ; souvent ils renversent et courbent, la tête en bas, ceux qui prospéraient ; puis arrivent de nouvelles misères ; et l’homme vague au hasard entre la vie qui lui manque et la raison d’où il s’écarte. » Ailleurs, c’est seulement un éclat d’images qui rappelle la forte poésie d’Horace et ses allégories si courtes et si vives : « Regarde, avait dit Archiloque51 : la mer profonde est soulevée dans ses flots. Sur le sommet des mâts un nuage s’est arrêté tout droit, signe de la tempête ; puis vient la terreur qui suit un danger subit. » Quelquefois encore, ces restes brisés de la couronne du poëte grec ne sont que des traits rapides et simples, une parole délicate et passionnée, un coup de pinceau qui ne s’oublie pas52 : La jeune fille triomphait, tenant à la main une branche de myrte et une fleur de rosier ; et ses cheveux épars lui couvraient le visage et le col » ; ou bien encore, avec moins de simplicité, cette autre peinture qui rappelle celle de Sapho : « Semblable passion d’amour, pénétrant au cœur, répandit un nuage épais sur les yeux et déroba l’âme attendrie. » Horace, dans sa vive étude des Grecs, avait sans doute gardé bien d’autres souvenirs d’Archiloque ; et quelques-unes de ses odes, son dithyrambe à Bacchus et d’autres, ne doivent être qu’une étude d’art et de goût substituée au tumulte des anciennes orgies, où le poëte de Paros se mêlait, en chantant : « Le cerveau foudroyé par le vin, je sais combien il est beau d’entonner le dithyrambe, mélodie du roi Bacchus. » Archiloque, s’il faisait des hymnes, devait être, ce semble, le poëte lyrique des Furies et non des Dieux.
Les plus beaux sentiments n’attendrissent point, quand ils ne sont pas amenés ou préparés par une situation pressante, par quelque coup de théâtre, par quelque trait vif et animé. […] Qu’elle vive ! […] Son style demande encore d’être assaisonné de pensées fines, délicates et d’expressions plus vives qu’éclatantes. […] Ces premières idées, qui naissent dans l’âme lorsqu’elle reçoit une affection vive, et qu’on appelle communément sentiment, touchent toujours, quoiqu’elles soient énoncées par les termes les plus simples. […] Si nos scènes étaient aussi hachées, occasionneraient-elles des morceaux de musique bien pathétiques ou bien agréables, des descriptions vives et animées, des images riantes, des tableaux galants ?
En pareille compagnie, on peut causer ; car causer, c’est amuser autrui en s’amusant soi-même, et il n’y a pas de plus vif plaisir pour un Français221. […] D’ailleurs, il faut bien que tout le monde vive, et il est agréable d’avoir autour de soi des visages obséquieux et contents. — C’est pourquoi les premières maisons du royaume sont au pillage. […] Aucune familiarité n’est permise, sauf sous le voile de l’amitié, et le vocabulaire de l’amour est aussi prohibé que ses rites au premier aspect semblent l’être. » — Même chez Crébillon fils, même chez Laclos, même aux moments les plus vifs, les personnages ne parlent qu’en termes mesurés, irréprochables. […] On sermonne la vieille Mme du Deffand, qui est trop vive et qu’on nomme « la petite fille » ; la jeune duchesse, tendre et sensée, est « sa grand’maman ». […] Voilà pourquoi le plus vif des divertissements est la comédie où l’on est acteur.
Ainsi le prince de Ligne, vif, brillant, étincelant de traits, rencontrait le mieux, mais ne s’y tenait pas ; il avait plus d’imagination que de mesure et de goût. […] Il est étourdi comme un hanneton au milieu des canonnades les plus vives et les plus fréquentes, bruyant, chanteur impitoyable, me glapissant les plus beaux airs d’opéra, fertile en citations les plus folles au milieu des coups de fusil, et jugeant néanmoins de tout à merveille. […] Une nation si jeune, si vive, si exaltée, qui dans ce moment fait une litière d’épines au-dessus des roses qu’elle veut étouffer, tiendra-t-elle des engagements de manège ? […] Ne prenez tout cela que comme la conversation vive et nourrie d’un homme qu’on trouve au lit le matin et qui pense tout haut, et vous en emporterez de tous côtés des traits, des aiguillons, qui vous feront aussi penser, pester, dire oui et non à la fois ; et c’est ce qu’il a voulu. — Et même lorsqu’on approuve, c’est comme dans la conversation encore : il faut suppléer, à tout moment, à ce qui manque.
Il n’y aurait, au reste, rien que de très simple et de très naturel à cela : Massillon jeune, beau, doué de sensibilité et de tendresse, ayant du Racine en lui par le génie et par le cœur, put avoir en ces vives années quelques égarements, quelques chutes ou rechutes, s’en repentir aussitôt, et c’est à ces premiers orages peut-être et à son effort pour en triompher qu’il faut attribuer sa retraite à l’abbaye pénitente de Sept-Fons. […] L’innovation de Massillon, venant après Bourdaloue, fut d’introduire le pathétique et un sentiment plus vif et plus présent des passions humaines dans l’économie du discours religieux, et d’attendrir légèrement la parole sacrée sans l’amollir encore. […] Les critiques que fait ce lecteur dont j’ignore le nom, un peu minutieuses parfois, sont la plupart d’une grande justesse : il y relève des inexactitudes et des irrégularités d’expression, des phrases embarrassées, des répétitions (le mot de goût, par exemple, répété à satiété) ; il y fait sentir les faiblesses et les incertitudes du plan, surtout vers la fin ; il y reconnaît aussi et y loue les belles parties, le tableau si vif du prince de Conti à la journée de Neerwinden, et surtout la peinture animée des grâces, de l’affabilité et du charme habituel qui le faisaient adorer dans la vie civile. […] [NdA] On trouve cette vive et ingénieuse description dans la réponse de M.
La traduction de l’Iliade par Mme Dacier, publiée en 1711, amena une des guerres littéraires les plus vives et les plus curieuses qu’on ait vues, et comme il s’en produit quelquefois en France quand les esprits sont reposés et qu’on n’a rien de mieux à faire. […] Ce fut la dernière et non pas la moins vive de toutes celles qui avaient signalé le grand règne. […] La Motte vous rejette, de dépit, dans le vrai de la poésie, et Condillac dans le vif de la nature humaine. […] La Motte, en s’exprimant ainsi, parlait comme un homme froid et d’esprit dégagé, qui n’a pas la chaleur d’une conviction, et qu’un sentiment vif ne tourmente pas.
Les principaux de ces poètes, ceux qui avaient le plus d’avenir, se rattachaient à l’ordre d’idées et d’affections inaugurées dès le commencement du siècle par M. de Chateaubriand, et dont la Restauration favorisait le réveil ; et, pour cette autre initiation qui tient plus particulièrement à la forme poétique, ils aimaient à se réclamer d’André Chénier, non pas tant pour l’imiter directement que par instinct de fraîcheur, de renouvellement, et par amour pour cette beauté grecque dont il nous rendait les vives élégances et les grâces. […] On avait échoué, mais, selon moi, en partie seulement ; car il était possible encore, dans l’ensemble confus des poésies oubliées de cette époque, de recueillir à première vue et de faire goûter une certaine quantité de pièces vives, neuves, d’un rythme ferme et varié, d’une couleur charmante, d’une expression imprévue et pourtant bien française. […] Ce n’est pas à dire qu’avec plus de ressources et d’imagination il n’eût pu être un poète de Renaissance tout autrement vif, inventif et léger. […] Quelques pièces vives ou même touchantes, telles que L’Élection de mon sépulcre, des vers à la fontaine Bellerie, une épode impétueuse contre une certaine Jeanne trop cruelle, des strophes éparses, voilà ce qu’on y peut glaner : La jolie pièce : « Mignonne, allons voir si la rose… », n’y était pas d’abord et n’a été introduite que dans des éditions suivantes.
S’il a supposé à tort que Mme de Staël était restée à Paris pendant au moins une partie des Cent-Jours, ce n’est là qu’un point tout secondaire et de médiocre importance ; l’essentiel est dans l’assentiment, ne fût-ce que d’un quart d’heure, arraché à cette femme généreuse et vive. […] Je prendrai, par exemple, la plus célèbre de ses phrases s’il fallait en choisir une, celle dans laquelle on a résumé sa vie : « J’ai toujours été la même, vive et triste ; j’ai aimé Dieu, mon père et la liberté. » C’est ému, cela fait rêver, mais c’est elliptique. […] Elle a été toujours la même, vive et triste ; mais elle a été bien d’autres choses encore, et il y faut suppléer ; elle ne le dit pas. […] J’apprends avec un plaisir fort vif que ses impressions ont été en tout conformes aux miennes.
Jeunes et dans leurs vacances du Palais, ils s’envoyaient de jolis vers, des plus légers et des plus vifs, d’un rivage à l’autre, de l’Hellespont. […] Ménard, qui est peintre et poète, et même chimiste, me dit-on, et aussi un peu polythéiste (c’est évident), a des pages où brillent et respirent la lumière et la flamme qu’il a puisées dans la vive méditation de son sujet. […] Sous un ciel clair où les nuages blancs semblent des éclats de marbre, au milieu d’une mer semée d’îles, s’étend ce petit pays, hérissé de montagnes et de rochers sculptés, coupé de ruisseaux, pénétré de golfes sinueux, bordé de côtes anguleuses, de promontoires aux arêtes vives. […] Que l’admiration de nous à eux, des modernes aux vrais Anciens, à ceux qui ont le mieux connu le beau, s’entretienne de phare en phare, de colline en colline, et ne s’éteigne pas ; que l’enthousiasme de ce côté n’aille pas mourir, — ce serait une diminution du génie humain lui-même ; — non un enthousiasme crédule, aveugle et indigne d’eux comme de nous, mais un enthousiasme léger, clairvoyant, intelligent, divinateur et réparateur, qui n’est que l’émotion la plus délicate et la plus vive en face de tant de belles choses, accomplies une fois en leur juste cercle et à jamais disparues.
La princesse, fort jeune, blonde avec de grands yeux bleus, vifs et doux en même temps, avait la physionomie très spirituelle, le caractère excellent, une très bonne éducation et des principes, des sentiments de piété comme il convenait dans une alliance avec le dauphin, personnage si religieux. […] vive la dauphine ! […] Ne dites mot de cela à âme qui vive. — Adieu, mon cher maréchal, je vous aime autant que je vous admire, et c’est beaucoup dire. » Mme de Pompadour parle de ce brevet du prince de Conti comme elle ferait du bon billet de La Châtre. […] Je suis sûr que toute la France en aura beaucoup aussi, et qu’on ne s’attend pas à lui trouver tant de grâce et une figure aussi aimable. » Et au maréchal, plus gaillardement et en fin connaisseur, il dira, tout compliment à part (27 décembre) : « Je l’ai trouvée réellement charmante ; ce n’est point du tout cependant une beauté, mais c’est toutes les grâces imaginables : un gros nez, de grosses lèvres fraîches, les yeux du monde les plus vifs et les plus spirituels, et enfin je vous assure que, s’il y en avait de pareilles à l’Opéra, il y aurait presse à y mettre l’enchère.