Dieu, Providence, immortalité, autant de bons vieux mots un peu lourds que la philosophie interprétera dans des sens de plus en plus raffinés, mais qu’elle ne remplacera pas avec avantage. » L’aveu est toujours bon à enregistrer ; mais qu’importent les simples ! […] Renan, qui l’a continuée avec acharnement dans ses Études d’histoire religieuse, dans son Histoire comparée des langues sémitiques, dans ses Essais de critique et de morale ; et quoique dans ce premier livre, plus peut-être que dans les suivants, ce jeune serpent de la sagesse ait eu les précautions d’un vieux et les préoccupations de sa spécialité, cependant il est aisé de voir que la chimère philologique, le passage de la pensée au langage ou du langage à la pensée, les épluchettes des premières syllabes que l’homme-enfant ait jetées dans ses premiers cris, ne sont, en définitive, que des prétextes ou des manières particulières d’arriver à la question vraiment importante, la question du fond et du tout, qui est de biffer insolemment Moïse et de se passer désormais parfaitement de Dieu !
Il a su braver également le rire édenté des vieux voltairiens et le scepticisme, sans rire, des libres penseurs qui sont sortis de Voltaire. […] L’auteur de la Physionomie de Saints a la simplicité charmante des temps naïfs et la profondeur psychologique des vieux temps.
Le vieux Michaud, l’auteur de l’Histoire des Croisades, ne parlait jamais de lui que comme d’un bel esprit de collége, ce qui, dans ces termes brefs, était souverainement injuste.
Avec de telles ressources, on devient presque le contemporain des hommes dont on fait l’histoire, et plus d’une fois, aux Archives, en suivant sur le papier jauni leurs vieilles écritures, j’étais tenté de leur parler tout haut.
Et si l’on songe aux facilités qu’offre une langue déjà vieille par la multitude des phrases toutes faites et des figures ajustées d’avance, on concevra comment tant de métaphores ou d’hyperboles, qui naissent spontanément au premier effort de la pensée, ne sont que de vains échappatoires par lesquels on se dispense de faire acte de réflexion en donnant une espèce de satisfaction à la sensibilité.
Et, d’autre part, vous pouvez constater que cet esprit est celui de son œuvre entière et que, dans les trente volumes qui la composent, il n’y a pas une seule idée d’importance qui ne soit au moins en germe dans ce livre qu’il appelle plaisamment « son vieux pourana ».
Ce primitif avait reçu de la nature le don de l’expression, qu’il perfectionna, auprès de son vieux maître, par une discipline de dix années.
Mais nous aussi, les vieux, soyons tolérants pour les jeunes.
Et pour traduire le frémissement intime du rêve, au lieu de la vulgaire élocution banale, il se réserva le droit de refondre, en un alliage neuf, inouï, absolu, les vieux vocables discrédités.
Laissons les gens du vieux temps dire petitement pour l’apologie de la science : « Elle est nécessaire comme toute autre chose ; elle orne, elle donne du lustre à un pays, etc. » Niaiserie que tout cela !