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318. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — I. » pp. 343-360

Celui qui venait de développer dans une belle et lumineuse narration la marche et les progrès de la plus parfaite des sciences, cette série et cette gradation ascendante des grands hommes, Hipparque, Copernic, Galilée, Kepler et Newton, celui-là même s’amuse à noter le ton qui différencie les poésies fugitives des divers siècles ; comme quoi Chapelle, plus débauché que délicat, a peint un siècle où les mœurs n’étaient pas déguisées, et où le langage gardait de la grossièreté dans la franchise ; comment Chaulieu, venu après, appartenait à une époque plus polie, où l’on était déjà aimable, où l’on était encore passionné ; comment Gresset, enfin, n’a plus retrouvé ces sources du génie de Chaulieu : Il est venu, dit Bailly, lorsque la galanterie penchait vers son déclin. […] Bailly vient de publier sur l’ancienne astronomie, dans lequel il discute à fond tout ce qui est relatif à l’origine et au progrès de cette science : on verra que ses idées s’accordent avec les miennes ; d’ailleurs il a traité ce sujet important avec une sagacité de génie et une profondeur d’érudition qui méritent des éloges de tous ceux qui s’intéressent au progrès des sciences. […] Ces Gangarides, qui habitaient un si beau climat et à qui la nature prodiguait tous les biens, devaient, ce me semble, avoir plus de loisir pour contempler les astres que n’en avaient les Tartares-Kalcas et les Tartares-Usbecks… Il ne nous est jamais venu de la Scythie européenne et asiatique que des tigres qui ont mangé nos agneaux.

319. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — I » pp. 417-434

Enfin, rencogné dans un coin du salon et au moment où l’autre, se croyant sûr de lui, venait de lâcher le bouton, l’homme d’esprit aux abois, qui vit une fenêtre ouverte (on était à un rez-de-chaussée un peu élevé), n’hésita pas à sauter dans le jardin, malgré ses soixante-dix ans passés. […] Steinlen vient de lui consacrer, et parcourons les principales phases de cette longue carrière, toute semée d’épisodes, et à laquelle il n’a manqué qu’un monument. […] En regard du Bonstetten de vingt-quatre ans que Gray vient de nous montrer dans toute sa fougue et sa gentillesse, et dont il a peur en même temps qu’il en est charmé, représentons-nous celui que Zschokke a dépeint à bien des années de là, « d’une taille un peu au-dessous de la moyenne, mais fortement constitué, trahissant par la grâce et la noblesse de ses manières l’habitude d’une société choisie, le visage plein d’expression, d’un coloris frais et presque féminin, le front élevé et d’un philosophe, les yeux pleins d’une souriante douceur, tout à fait propre à captiver, et tel, en un mot, qu’après l’avoir vu une fois, on ne l’oubliait plus ».

320. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps. Par M. Guizot. »

Nous semblons mal venus de nous ingérer, fût-ce à la dernière heure, de juger des hommes qui ont été nos guides et nos maîtres, ou qui n’ont cessé de l’être que parce qu’à un certain jour nous nous sommes émancipés et séparés. […] C’est bien là l’idée que je me fais de ce prince et dans laquelle me confirment les Mémoires que je viens de lire. […] Le quatrième volume venait de paraître. — Michel Lévy, rue Vivienne, 2 bis.

321. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « M. de Pontmartin. Les Jeudis de Madame Charbonneau » pp. 35-55

M. de Pontmartin vient de même d’introduire toute une révolution dans sa manière : de critique aristocratique, de défenseur des hautes doctrines de la société, de chevalier avoué du trône et de l’autel, il s’est fait pamphlétaire satirique, auteur de Guêpes, diseur de vérités et de malices à tout prix ; les lauriers d’Alphonse Karr l’ont empêché de dormir. […] Et moi, tout flatté que je puisse être de mille douceurs et sucreries qu’il m’adresse par compensation en maint endroit, mais plus jaloux, je l’avoue, d’être honnête homme que de passer pour avoir du goût, je lui dis tout net à propos de ces phrases étranges qu’on vient de lire, et qui atteignent directement et outrageusement mon caractère : « Savez-vous, Monsieur, que si vous n’étiez pas un homme léger qui ne pèse pas ses paroles, vous seriez un calomniateur !  […] Je suis bien sûr que de ces hommes qui viennent de me serrer la main, aucun ne me trahira, n’ira écrire incontinent contre moi (entendez-vous, Monsieur le gentilhomme-propriétaire du Comtal ?)

322. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Etienne-Jean Delécluze »

Je vais justifier et développer ces divers traits avec les propres récits que cet homme estimable vient de publier en dernier lieu et qu’il avait commencé à nous donner déjà dans son livre sur le peintre David et son École18. […] L’étonnement des élèves parut grand ; mais il ne fut exprimé que sur la physionomie de chacun… Maurice était sujet à des colères très vives, mais qui duraient peu ; il avait d’ailleurs du tact, et, en cette occasion, il sentit la nécessité de justifier par quelques paroles la hardiesse de la sortie qu’il venait de faire, « Belle invention vraiment, dit-il en continuant de peindre, que de prendre Jésus-Christ pour sujet de plaisanterie ! […] Leurs figures paraissaient émues, et d’un air timide, mais où perçait un sourire plein de joie, ces deux jeunes artistes remercièrent leur généreux camarade de manière à laisser entendre à tous les assistants qu’ils attachaient plus d’importance encore qu’eux à ce qui venait de se passer.

323. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Daphnis et Chloé. Traduction d’Amyot et de courier »

Si l’on voulait se donner le spectacle de l’incertitude et de la fragilité du goût, même chez les plus savants hommes, et même en ces matières classiques, il suivrait de lire le jugement que porte le docte Huet de ce joli roman ; c’est dans sa Lettre à Segrais, en tête de  ; il vient de parler de deux mauvais romans composés par des Grecs byzantins : « Je fais à peu près le même jugement, dit-il, des Pastorales du sophiste Longus ; car, encore que la plupart des savants des derniers siècles les aient louées pour leur élégance et leur agrément, joint à la simplicité convenable au sujet, néanmoins je n’y trouve rien de tout cela que la simplicité, qui va quelquefois jusqu’à la puérilité et à la niaiserie. […] Dans la seconde édition de la Lettre à Segrais, imprimée à part en 1678, il en arrive, en effet, à modifier tellement son opinion qu’elle ne ressemble plus du tout à la-première ; et par exemple, au lieu de commencer comme on vient de le voir, en disant : Je fais à peu près le même jugement des Pastorales de Longus que des romans précédents… il dit, en retournant sa phrase : Je ne fais pas tout à fait le même jugement. […] Le paysage est tout à fait dans le style du Poussin, et quelques traits ont suffi pour dessiner dans la perfection le fond sur lequel se détachent les personnages. » Ils en reparlèrent encore les jours suivants ; mais ce fut dans la conversation du 20 mars 1831, pendant le dîner, que les idées échangées entre Gœthe et son disciple épuisèrent le sujet ; on y trouve le jugement en quelque sorte définitif sur cette production charmante,    Goethe venait de relire l’ouvrage dans le texte de Courrier-Amyot, et il en était plein ; son imagination tout hellénique s’en était sentie consolée et rajeunie : « Le poème est si beau, disait-il, que l’on ne peut garder, dans le temps misérable où nous vivons, l’impression intérieure qu’il nous donne, et chaque fois qu’on le relit, on éprouve toujours une surprise nouvelle.

324. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite et fin.) »

Luzel, qui vient de publier un recueil de Poésies bretonnes et en pur breton, avec traduction, il est vrai55. […] Je passe à un Breton français et des plus français, à Boulay-Paty, mort il y a juste un an, et dont les Poésies posthumes viennent de paraître réunies par les soins d’un ami60. […] Mais, si l’on veut être initié tout à fait au cénacle même qu’anime et qu’inspire cette fièvre félibrique, et prendre part au festival ou fête de famille de tous ces néo-trouvères venus de tous les points du Midi, il faut absolument voir le recueil des Parpaioun Blu, de M. 

325. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Préface »

Il n’en persista pas moins dans sa résolution d’écrire désormais dans un journal modéré et libre de tout joug, où des amitiés éprouvées lui tendaient la main, et où il savait que les convictions philosophiques, qu’il venait de défendre au Sénat, trouveraient autour de lui non seulement la tolérance avec un peu d’indifférence (comme cela aurait pu lui arriver dans d’autres feuilles amies et libérales), mais aussi une sympathie sûre et de fermes soutiens, des plumes instruites et sérieuses avec lesquelles il se sentait en parfaite communion d’idées. […] Il y défendait, dans un post-scriptum significatif, le programme large et libéral que le cousin de l’Empereur venait de déployer à cette même tribune du Sénat. […] Sainte-Beuve pour mettre obstacle à l’engagement qu’il vient de prendre d’envoyer des articles de littérature au journal le Temps.

326. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXe Entretien. Souvenirs de jeunesse. La marquise de Raigecourt »

La marquise de Raigecourt, dont on vient de publier les Lettres, avait un titre sacré à l’amitié du roi Louis XVIII et au respect de tous les royalistes. […] Ses Lettres, que nous venons de lire, découvrent en elle des qualités de caractère que l’on ne croyait pas jointes à tant d’innocence. […] Je viens de le prouver tout récemment, en refusant de m’y associer par la place de sous-secrétaire d’État des affaires étrangères dans ce ministère.

327. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre IV. L’heure présente (1874) — Chapitre unique. La littérature qui se fait »

Nous sentons bien que quelque chose vient de finir : et par là nous pouvons en quelque mesure distinguer ce qui commence. […] Nous venons de traverser une période, qui peut-être n’est pas achevée, où les littératures étrangères ont versé de toutes parts dans la nôtre leurs œuvres et leurs influences. […] Il a su, comme Renan, retenir la grâce et la force de deux cultures opposées ; et son charme complexe vient de là.

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