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1771. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Taraval » pp. 282-283

De la manière dont ce sujet est composé, il ne peut guère y avoir que le mérite du technique ; la figure principale tourne le dos, et un dos n’a pas beaucoup d’expression ; voyez pourtant ce dos, car il en vaut la peine, et la manière dont cette figure est assise sur son coussin, la vérité des chairs et du coussin.

1772. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une conspiration sous Abdul-Théo. Vaudeville turc en trois journées, mêlé d’orientales — Deuxième journée. Les conspirateurs » pp. 225-233

Oui, c’est un sujet à tenter le pinceau d’un grand artiste : Prendre huit verres, remplis chacun d’un vin différent, et les peindre avec une telle vérité qu’on puisse dire, au premier coup d’œil jeté sur la toile, le cru de chaque vin et l’année !

1773. (1912) L’art de lire « Chapitre XI. Épilogue »

On a dit qu’il ne trompe pas ; j’ai montré qu’il trompe souvent, puisque, par notre faute, à la vérité, il ne paraît pas du tout le même au bout d’un certain temps et nous déçoit.

1774. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxviiie entretien. Littérature germanique. Les Nibelungen »

Si tu les as vus déjà, Hagene, tu me feras connaître la vérité. […] « Ainsi il vécut auprès des chefs, — telle est la vérité, — dans le pays de Gunther une année tout entière, sans avoir vu la femme si digne d’amour, par qui lui vint ensuite beaucoup de bonheur et beaucoup d’affliction. […] Ils étaient plus de sept cents bien armés, et c’étaient eux qui devaient décider en toute vérité à qui appartiendrait la victoire. […] Il m’est bien égal qu’elle apprenne la vérité, celle qui a affligé le cœur de Brunhilt. […] Il porta dans la chambre le flambeau qu’il tenait à la main ; à sa lueur, dame Kriemhilt allait reconnaître l’affreuse vérité.

1775. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1894 » pp. 185-293

Et quand il est établi, que la qualité de ces peintures, est d’être surtout une reconstitution, il y a ceux qui prétendent, que l’histoire du Christ doit être traitée légendairement, sans s’aider aucunement de la vérité des localités et des races, et nous qui soutenons que l’histoire du Christ est une histoire, comme celle de Jules César, et que la reconstitution de Tissot, est faite en correspondance avec le mouvement historique contemporain. […] Quel malheur, que ces croquis soient condamnés par l’éditeur, à des réductions minuscules, qui vont tuer la vérité naturiste de ces dessins, faits avec une conscience, qu’on rencontre bien rarement chez l’illustrateur d’un livre de maintenant. […] C’est tout de même curieux cet éreintement de tout ce que j’écris, aussi bien ailleurs qu’en France, et cela par ce seul fait, que je mets de la vérité dans ce que j’écris. […] Lundi 15 octobre Trochu causant de la vérité dans l’histoire, disait à M.  […] Il y avait vingt-six morts français, et ce sont ces vingt-six morts, qui ont fait tout le tintamarre de la presse, et le duché du maréchal. » Il ajoutait que, passant un jour à Mazagran, il avait voulu se rendre compte par lui-même, de la vérité.

1776. (1896) Études et portraits littéraires

Mais la vérité abonde dans ce chapitre, qui restera une solide page d’histoire. […] Montaigne n’eut pas trouvé plus de vérité au dessin de la Rome mécanique qu’à celui du Napoléon mécanique. […] Et pourtant quelque chose va prédominer, le goût de la vérité. […] Quels organes de vérité sont parfois les imbéciles ! […] Je crains pourtant qu’il ne reste çà et là une note, un ton qui ne soit pas celui de la pure vérité.

1777. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LA FAYETTE » pp. 249-287

Elle me plut beaucoup, et la vérité est que je ne lui plus guère, soit qu’elle n’eût pas d’inclination pour moi, soit que la défiance que sa mère et son beau-père lui avoient donnée dès Paris même, avec application, de mes inconstances et de mes différentes amours, la missent en garde contre moi. […] La première lui plaisoit par sa bonté et par une certaine ingénuité à conter tout ce qu’elle avoit dans le cœur, qui ressentoit la simplicité des premiers siècles ; l’autre lui avoit été agréable par son bonheur ; car, bien qu’on lui trouvât du mérite, c’étoit une sorte de mérite si sérieux en apparence, qu’il ne sembloit pas qu’il dût plaire à une princesse aussi jeune que Madame. » A l’âge d’environ trente ans, Mme de La Fayette se trouvait donc au centre de cette politesse et de cette galanterie des plus florissantes années de Louis XIV ; elle était de toutes les parties de Madame à Fontainebleau ou à Saint-Cloud ; spectatrice plutôt qu’agissante ; n’ayant aucune part, comme elle nous dit, à sa confidence sur de certaines affaires, mais, quand elles étaient passées et un peu ébruitées, les entendant de sa bouche, les écrivant pour lui complaire : « Vous écrivez bien, lui disait Madame ; écrivez, je vous fournirai de bons mémoires. » — « C’était un ouvrage assez difficile, avoue Mme de La Fayette, que de tourner la vérité en de certains endroits d’une manière qui la fit connaître et qui ne fût pas néanmoins offensante ni désagréable à la princesse. » Un de ces endroits, entre autres, qui aiguisaient toute la délicatesse de Mme de La Fayette et qui excitaient le badinage de Madame pour la peine que l’aimable écrivain s’y donnait, devait être, j’imagine, celui-ci : « Elle (Madame) se lia avec la comtesse de Soissons… et ne pensa plus qu’à plaire au roi comme belle-sœur ; je crois qu’elle lui plut d’une autre manière, je crois aussi qu’elle pensa qu’il ne lui plaisoit que comme un beau-frère, quoiqu’il lui plût peut-être davantage ; mais enfin, comme ils étoient tous deux infiniment aimables, et tous deux nés avec des dispositions galantes, qu’ils se voyoient tous les jours au milieu des plaisirs et des divertissements, il parut aux yeux de tout le monde qu’ils avoient l’un pour l’autre cet agrément qui précède d’ordinaire les grandes passions. » Madame mourut dans les bras de Mme de La Fayette, qui ne la quitta pas à ses derniers moments. […] La Vérité vous jugera, et vous n’êtes au monde que pour la suivre, et non pour la juger. […] Elle n’aurait pas dit la même chose de Malebranche, et, en digne amie de Huet, elle avouait à Ménage, sur la Recherche de la Vérité, qu’elle n’avait pu y rien comprendre.

1778. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Ampère »

Je m’imagine (que les mathématiciens me pardonnent si je m’égare), je m’imagine qu’il y a dans cet ordre de vérités, comme dans celles de la pensée plus usuelle et plus accessible, une expression unique, la meilleure entre plusieurs, la plus droite, la plus simple, la plus nécessaire. Le grand Arnauld, par exemple, est tout aussi grand logicien que La Bruyère ; il trouve des vérités aussi difficiles, aussi rares, je le crois ; mais La Bruyère exprime d’un mot ce que l’autre étend. […] Or, tout style (la vérité de l’idée étant donnée) est un choix entre plusieurs expressions ; c’est une décision prompte et nette, un coup d’État dans l’exécution. […] Revenez au milieu de vos amis, et mariez-vous dans votre patrie… « … Au risque de vous fâcher, je dois vous dire ici la vérité.

1779. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque (2e partie) » pp. 81-155

… Il faut dire la vérité : Rienzi, à son entrée en ville, n’était ni lié ni garrotté. […] Moi-même, qui ne refuserais pas de mourir pour la vérité, si ma mort pouvait être de quelque profit à la république, je n’ose signer cette lettre ! […] Matière délicate, vous le savez, sur laquelle souvent un faux bruit fait autant d’effet que la vérité même. […] Jamais cette vérité ne fut plus évidente que dans la renommée de Pétrarque, renommée qui ne cessera de rayonner dans le cœur que quand la source de la Sorgues cessera de couler ou quand les pèlerins d’Arquà cesseront d’aller visiter le tombeau et la maison du poète.

1780. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VI »

Mais échauffé des plus nobles chimères, il a rêvé un art complexe de toutes les puissances de l’art ; j’ai dit que c’était l’époque de l’Œuvre d’art de l’avenir, de Drame et Opéra ; le jeune artiste, avant de comprendre que l’œuvre de Beethoven réside majeurement en ses quatuors de cordes, a vu dans le hasard d’un chœur concluant la neuvième symphonie le commencement d’un art nouveau ; il a calculé, le jeune artiste, que l’émotion de ses musiques se doublerait de l’émotion de ses poèmes et se triplerait de l’émotion de ses spectacles ; et — ne serait-ce pas le profond de la vérité ? […] Mais point absente à ces vies n’était la musique, et je jouais par fois d’un violon ; et, tout appliqué disciple que je fusse aux rhétoriques diverses, je me sentais musicien et je composais des airs ; je concevais, aux heures de silence, des symphonies dont les ébauches orchestrales m’enorgueillissent ; et c’était, à la vérité, une lutte, alors de ces quinze ans, entre le démon de la musique et l’ange des lettres bien classiques. […] Amfortas : Tandis que je rêvais à la splendeur de la Promise, dans une ombre de nuit je me suis comme éperdu ; alors j’ai vu un corps, un corps soupçonné de mes songes ; des chairs, des seins, des peaux mollement tressaillantes, un ventre alliciteur des lèvres, et des parfums où se baigner eût été l’exultation ; son visage était grave et riait d’appels aux joies ; elle était folle et manifeste ; ses mamelles se dévoilaient… Et pour avoir touché le sexe d’une advenue aux jours d’erreur, j’aurai les souvenances et les cogitations et des navrances, pendant que se traînera la vérité de mon amour. […] Et vinrent ensuite, au travers des siècles, les renouveleurs de la parole, depuis les Pères de l’Église jusqu’à ces vénérables confesseurs du Port-Royal hardis de toute vérité parmi l’âge des hypocrisies.

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