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1189. (1882) Types littéraires et fantaisies esthétiques pp. 3-340

Don Quichotte, c’est donc l’Espagne qui est restée chère à l’humanité, celle que nos pères ont admirée et aimée, non celle qu’ils ont combattue et détestée ; c’est l’Espagne sans la fièvre de domination universelle, sans l’esprit de persécution, sans l’Inquisition, sans les bûchers. […] Les poètes n’expriment pas les sentiments ; ils en expriment les expressions, si nous pouvons nous servir de ce terme ; ils en racontent les changements, les situations, les aventures à travers le temps et l’espace, ces deux grands modes universels qui nous ferment l’éternité et nous parquent nous-mêmes dans le fini. […] Là est la poésie et pas ailleurs, et, s’il est vrai que le poète n’est grand que lorsqu’on retrouve au fond de ses œuvres l’humanité universelle, en revanche il n’est poète qu’autant qu’il sait exprimer cette humanité universelle par les circonstances et les particularités de sa nation et de son temps. […] Grâce à lui, nous pouvons nous oublier et nous distraire de nous-mêmes dans la contemplation des douleurs d’autrui et de la vie universelle. […] Le voilà créateur à son tour, il fait partie intégrante de ce vaste système d’activité universelle qui entretient et renouvelle la vie générale.

1190. (1894) La vie et les livres. Première série pp. -348

La mode qui, vers l’année de l’Exposition universelle, semblait favoriser une renaissance d’idéalisme acheva sa conversion. […] C’est du moins ce que démontre, avec un grand luxe de preuves et une terrible âpreté de logique, un apôtre qui partit un jour des faubourgs de Pest, afin de crier sa malédiction sur les routes, de dénoncer les scandales, de fouetter l’universelle infirmité8. […] Seulement, cette « littérature de tout à l’heure », qu’on nous promettait dès l’année de l’Exposition universelle, s’obstine à ne pas venir. […] Il se défendait, quant à lui, contre les entreprises possibles du suffrage universel ; et, comme s’il eût aperçu déjà la silhouette menaçante d’un comité chargé de lui offrir une candidature, il s’écriait avec énergie : « En ce qui me concerne, non, non, non et mille fois non !  […] Si M. le professeur Susemihl a visité, comme ont fait la plupart de ses compatriotes, notre Exposition universelle, il a dû, en regardant à travers ses lunettes le grouillement de la rue du Caire, songer à ces quartiers populeux d’Alexandrie qu’il connaît bien, où il est obligé de suivre ses poètes, et dont il parle avec précaution.

1191. (1896) La vie et les livres. Troisième série pp. 1-336

Cette vision n’aurait pas enchanté nos yeux, si les archéologues n’avaient fouillé les décombres des siècles morts, afin de retrouver, taillée dans le marbre, modelée sur l’or et l’argent des médailles, gravée sur les pierres fines, l’effigie du dieu éternellement jeune, du patron universel des porte-lyre. […] Mais ils auraient tort de considérer comme un symptôme de déchéance nationale et quasi universelle le bouillonnement de surface qui fait pétiller ce monde où l’on s’amuse, écume de ruisseau et mousse de champagne. […] — Certes, on peut aimer ou haïr les « clubmen », c’est affaire de goût ; mais encore faudrait-il s’entendre. — De grâce, Monsieur, prenez les annuaires des quatre cercles de Paris où l’élection se fait au suffrage universel (environ trois mille individus, je pense) et, muni de tous les renseignements possibles, veuillez les examiner avec le même scrupule qu’un texte grec. — Les voilà passés au crible, les affreux clubmen de Gyp, Lavedan et Donnay ! […] Le Suffrage universel peut-il rester un principe de gouvernement sans condamner les hommes à une odieuse barbarie ? […] Il avait conçu un vaste dessein, dont voici les principales étapes : « 1o publier in extenso les chefs-d’œuvre de la littérature universelle ; 2o donner, par des illustrations appropriées, une vision exacte de l’évolution des arts à travers les âges ; 3o accompagner chaque œuvre d’une étude. » Ce programme, extrêmement encyclopédique, fut imprimé sur du papier satiné, que décoraient trois haches de silex, symbole de l’âge de pierre, et un sabre en corne de renne, arme redoutable avec laquelle les contemporains du mastodonte se pourfendaient les uns les autres.

1192. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre second » pp. 200-409

Ils auraient mieux fait encore de réserver tout ce qu’ils en pouvaient avoir pour le vieux philosophe, pour l’historien des deux Indes, et pour l’homme universel qu’on regrette, et qu’on regrettera longtemps encore, si nos regrets ne doivent cesser que quand la perte en sera réparée.

1193. (1924) Critiques et romanciers

Le romantisme, avec tous ses penseurs, qui sont — philosophes ou orateurs — des poètes, modifie le désir universel, modifie la notion de l’individu, celle de l’État et, en d’autres termes, crée de la révolution. […] Il n’y a pas non plus de biologie… » « À défaut de biologie, pour fonder une sociologie, sur laquelle vous appuieriez une éthique, et puis une esthétique, vous parlez de tradition, de consentement universel ? […] Le doute universel nous invite à la plus tranquille sagesse. […] On dirait que le mensonge et l’hypocrisie l’entourent, l’assiègent : le mensonge et l’hypocrisie universels, conséquences de la pusillanimité universelle. […] Ou bien l’hypocrisie de Terburg est l’hypocrisie universelle : toute âme a une vie secrète, et qui peut être pire ou meilleure que sa vie évidente, et qui n’a presque pas d’analogie avec sa vie évidente, et qu’elle-même ignore quelquefois.

1194. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome I

À travers toutes, circule une philosophie de la guerre qui se raccorde à l’utopie chère aux illuminés de la démocratie universelle. […] Ce patriciat et cette haute bourgeoisie, ces classes trop comblées, dont le blasement se complaît dans une universelle ironie, vont s’abîmer pour toujours. […] Autant de voyages, et je n’ai mentionné que les principaux, autant de croisades contre les deux hérésies, que vous considérez comme les deux grandes erreurs pseudo-scientifiques : l’hypothèse de l’universel mécanisme et le naturalisme irréligieux. […] Une loi, aussi mystérieuse qu’universelle, veut que la guerre, cette sanglante épreuve, soit la forme inévitable de cette contrainte. […] Le service universel jette au champ de bataille, avec la mobilisation, un immense afflux d’hommes pour lesquels la servitude militaire n’a été qu’un épisode passager, et qui ont grandi, qui se sont développés dans toutes les libertés du travail civil.

1195. (1910) Études littéraires : dix-huitième siècle

Il est partout ; et la continuité, l’embrassement, la vaste étreinte lui manquent pour être, ou pour paraître, universel. […] Pour curieux, éternel et universel curieux, c’est la définition même de Voltaire. […] La même à Rome qu’à Athènes, comme dit Cicéron, universelle et constante dans l’humanité. […] — ou croit-il qu’il s’y mêle, ou plutôt que les embrasse une intelligence universelle, les guidant vers un but connu d’elle, inconnu d’eux ? […] Le polythéisme a été tolérant, le christianisme oppresseur, la philosophie sera bienfaisante, et voilà l’histoire universelle.

1196. (1769) Les deux âges du goût et du génie français sous Louis XIV et sous Louis XV pp. -532

On voit de ce dernier un tableau du jugement universel placé dans la Sacristie des Minimes du Bois de Vincennes. […] Il le fut davantage de la chaleur, de la rapidité avec laquelle un Philosophe moderne lui expliquait son systême, lui développait ses idées sur le langage universel de la nature, sur l’interprétation qu’elle-même nous donne tacitement de ses principes & de ses loix, sur les facultés de l’ame dans un homme né aveugle & sourd ….. […] Il discutait & mettait dans un nouveau jour différens points du systême de l’Univers, & regrettait de n’avoir plus de systême universel à imaginer.

1197. (1875) Premiers lundis. Tome III « Du point de départ et des origines de la langue et de la littérature française »

Aujourd’hui, c’est bien à l’origine, c’est à son vrai commencement, à ses racines et dans toute sa continuité qu’il nous convient d’étudier cette littérature et cette langue qui sont nôtres depuis près de huit cents ans, et qui ont été deux fois universelles, — au moyen âge et aux deux derniers siècles. […] Ou, si vous me permettez une autre image, il y aurait eu, à un certain moment, vers le ixe  siècle (et en ce qui est de la langue), un grand lac commun universel, couvrant toute l’Europe méridionale et presque toute la France ; et ce ne serait que par une sorte de dessèchement graduel que se seraient formés ensuite les différents lacs séparés, c’est-à-dire les idiomes distincts.

1198. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque » pp. 2-79

Pétrarque, par cette décence naturelle qui est la noblesse de l’esprit et par ce goût du beau dans les sentiments qui est le préservatif du vice, se maintint chaste, pieux et pur dans ce relâchement universel des mœurs. Il se fit connaître par ses vers, langue sacrée et universelle alors de cette société italienne raffinée.

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