Celui qui, dans ce temps-là, sur les ruines des temples du christianisme, en rappelait l’ancienne gloire, eût-il pu deviner qu’à peine arrivé au terme de son travail, il verrait se rouvrir ces mêmes temples sous les auspices d’un grand homme ?
Adenet, Jean Bodel, Jendeus de Brie, Bertrand de Bar-sur-Aube ne veulent pas perdre le bénéfice de leur travail ; s’ils tiennent au profit, ils aiment aussi la gloire, dont la recherche est un des symptômes caractéristiques de l’individualisme : cela seul nous avertirait que les temps épiques sont passés.
L’artiste, habitué à regarder, et pour qui toutes choses semblent « se transposer » et n’être plus, à un certain moment, « qu’une illusion à décrire »36, observe malgré lui ce qu’il sent, n’en est pas possédé, démêle et se définit son propre état, trouve peut-être quelque « divertissement »37 dans cette étude, et tantôt accueille la pensée que tout est nuance et spectacle et que tout, par conséquent, est vanité, tantôt songe qu’il y a dans son cas quelque chose de commun à tous les hommes et aussi quelque chose d’original et de particulier qui, traduit, transformé par le travail de l’art, pourrait intéresser les autres comme un curieux échantillon d’humanité.
J’ai maintes fois admiré quelle somme d’énergie inepte ils ont dépensée, à quelle longue et patiente dissimulation ils se sont astreints ; et, mettant en balance l’énorme travail des préparations et l’insignifiance du résultat, il me semblait que, dans le fond, ces laborieux mystificateurs étaient peut-être les vrais mystifiés.
Pallas la fit à son image, active et pensive, créatrice et industrieuse en toutes choses, aussi prompte aux œuvres de l’intelligence qu’aux travaux et qu’aux exploits de la guerre.
L’amour vrai, s’il était entré dans son cœur, lui aurait inspiré d’autres dévouements, aussi sûrs et moins équivoques : la fuite, l’expatriation, l’isolement dans une mansarde, le déguisement de sa vie vouée au travail et à la retraite… Tout, plutôt que ce faux martyre drapé de dentelles, et qui court au supplice dans un huit-ressorts.
Gutenberg est à jamais l’auxiliaire de la vie ; il est le collaborateur permanent de la civilisation en travail.
Il était peut-être né léger, dans l’acception française et spirituelle du mot, mais l’étude, le travail acharné, l’ambition scientifique, l’ont fait lourd.
Dorénavant, « nul marchand ne sera privé de sa marchandise, nul vilain de ses instruments de travail ; nul homme libre, marchand ou vilain, ne sera taxé déraisonnablement pour un petit délit. […] On se souvient que, dans les ballades, le héros populaire, Robin Hood, ordonne à ses gens d’épargner les yeomen, les gens de travail, même les chevaliers, s’ils sont « bons garçons », mais de ne jamais faire grâce aux abbés ni aux évêques.
Autour de lui, comme une hécatombe, gisent les autres, blessés aussi par la grandeur de leurs facultés et l’intempérance de leurs désirs, les uns éteints dans la stupeur ou l’ivresse, les autres usés par le plaisir ou le travail, ceux-ci précipités dans la folie ou le suicide, ceux-là rabattus dans l’impuissance ou couchés dans la maladie, tous secoués par leurs nerfs exaspérés ou endoloris, les plus forts portant leur plaie saignante jusqu’à la vieillesse, les plus heureux ayant souffert autant que les autres, et gardant leurs cicatrices, quoique guéris. […] Il y en a une autre plus profonde que Goëthe a faite le premier, que nous commençons à soupçonner, où aboutissent tout le travail et toute l’expérience du siècle, et qui sera peut-être la matière de la littérature prochaine : « Tâche de te comprendre et de comprendre les choses. » Réponse étrange, qui ne semble guère neuve, et dont on ne connaîtra la portée que plus tard.