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15. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre dixième. »

Le dramatique était son tour d’esprit. […] L’amour n’est pas forcé d’y affecter la forme passagère qu’il reçoit des mœurs, du tour d’imagination de l’époque, ou de l’exemple du prince ; il n’y est ni pompeux ni raffiné. […] Il en est qui tiennent à son tour d’esprit, à sa langue, au choix de ses modèles, à son goût, par où il semble avoir quelques avantages même sur ses illustres amis. […] Par elle il remonta jusqu’aux poètes du seizième siècle, dont plus d’un excellent tour était passé de mode ; par ces poètes il donnait la main aux auteurs des fabliaux. […] La Fontaine en traduisit en vers toutes les citations, et peut-être sema-t-il la prose de Pintrel de plus d’un tour heureux82.

16. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface et note de « Notre-Dame de Paris » (1831-1832) — Préface (1831) »

Il y a quelques années qu’en visitant, ou, pour mieux dire, en furetant Notre-Dame, l’auteur de ce livre trouva, dans un recoin obscur de l’une des tours, ce mot gravé à la main sur le mur : ἈNΆГKH. […] Ainsi, hormis le fragile souvenir que lui consacre ici l’auteur de ce livre, il ne reste plus rien aujourd’hui du mot mystérieux gravé dans la sombre tour de Notre-Dame, rien de la destinée inconnue qu’il résumait si mélancoliquement. L’homme qui a écrit ce mot sur ce mur s’est effacé, il y a plusieurs siècles, du milieu des générations, le mot s’est à son tour effacé du mur de l’église, l’église elle-même s’effacera bientôt peut-être de la terre.

17. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Essais de politique et de littérature. Par M. Prevost-Paradol. »

Entré à l’École normale au sortir d’études brillantes et où le tour bien français de son talent se marquait déjà, moins latin d’abord et bien moins grec que d’autres, il en vint sans trop d’effort, au bout d’un an, à être le premier de sa volée, comme on disait autrefois, et l’un des princes, unanimement reconnus, de sa génération de jeunesse. […] Il n’était pas permis de tout dire ; il ne se croyait pas en mesure pour critiquer directement : il avait des tours, des finesses, pour faire entendre sa pensée ; l’ironie est sa figure favorite. […] Quel rôle pour de jeunes esprits intelligents, et (j’ose le dire à mon tour) pour des esprits généreux, qui, laissant là les questions secondaires de mécanisme et se dégageant des formules, embrasseraient dans sa vérité leur époque entière, pour étudier, en l’acceptant, tout ce qu’elle contient ! […] Saint-Marc Girardin, qui serait arrivé à son tour et à son heure comme ministre de l’instruction publique, ne le pouvait être que sur la fin, avec et par M.  […] Je laisse de côté sa vocation politique active que j’admets en effet qu’il manque, je lui trouve deux talents de second plan, deux pis aller qui seraient de nature à satisfaire de moins difficiles : talent d’écrivain politique qui trouvera toujours moyen de dire ce qu’il pense, et qui a même intérêt à être gêné un peu ; car il y gagne le tour, et avec le tour l’agrément, ce qui cesse quand il écrit dans les journaux où il ne se gêne pas ; — talent de critique ou de discoureur littéraire des plus sérieux et des plus aimables, qui peut se jouer sur tous sujets anciens ou modernes, et s’exercer même sur des matières de religion, d’un ton de philosophe respectueux à la fois et sceptique.

18. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXVIIIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 65-128

Mais aussitôt que je fus rentrée dans le corridor des cuisines, comme si j’allais y prendre une fiasque neuve à la place de celle que je venais de répandre, je m’élançai en bonds rapides par les marches de l’escalier, jusqu’au sommet de la tour, je pris la zampogne sur mon lit, je la mis sous mon bras et je redescendis, aussi vite que j’étais montée, jusqu’aux cuisines. […] Nous convînmes ensemble que tel ou tel air de ma zampogne, pendant la nuit, du haut de ma tour, voudrait dire telle ou telle chose : peine, consolation, espérance, bonne nouvelle, absence ou présence du bargello et toujours amour ! […] Toutes les fois qu’on frappait du dehors à la porte de fer de la prison, je laissais le piccinino aller tirer le verrou aux étrangers, et, sous un prétexte ou l’autre, je montais dans ma tour pour éviter les regards des sbires ou des curieux. […] vous me croirez si vous voulez, pauvres gens, ajouta-t-il, mais avant que l’Ave Maria eût sonné dans les cloches de Lucques, un air de zampogne est descendu, comme un concert des anges, d’une lucarne grillée tout au haut de la tour du bargello. […] J’ai cru d’abord à un rêve ; j’ai écouté longtemps après que les cloches de l’Ave Maria se taisaient sur la ville, et le même air de l’instrument de votre frère a continué à se faire entendre à demi-son dans la tour, par-dessus les toits de la prison.

19. (1890) L’avenir de la science « XI »

Dans l’Inde, c’est le sanscrit, avec son admirable richesse de formes grammaticales, ses huit cas, ses six modes, ses désinences nombreuses, sa phrase implexe et si puissamment nouée, qui, en s’altérant, produit le pali, le prakrit et le kawi, dialectes moins riches, plus simples et plus clairs, qui s’analysent à leur tour en dialectes plus populaires encore, l’hindoui, le bengali, le mahratthi et les autres idiomes vulgaires de l’Hindoustan, et deviennent à leur tour langues mortes, savantes et sacrées : le pali dans l’île de Ceylan et l’Indochine, le prakrit chez les djaïns, le kawi dans les îles de Java, Bali et Madoura. […] L’hébreu, leur type le plus ancien, disparaît à une époque reculée pour laisser dominer seuls le chaldéen, le samaritain, le syriaque, dialectes plus analysés, plus longs, plus clairs aussi quelquefois, lesquels vont à leur tour successivement s’absorber dans l’arabe. Mais l’arabe, trop savant à son tour pour l’usage vulgaire d’étrangers, qui ne peuvent observer ses flexions délicates et variées, voit le solécisme devenir de droit commun, et ainsi, à côté de la langue littérale, qui devient le partage exclusif des écoles, l’arabe vulgaire vient d’un système plus simple et moins riche en formes grammaticales. […] Fixée d’ordinaire dans une littérature antique, dépositaire des traditions religieuses et nationales, elle reste le partage des savants, la langue des choses de l’esprit, et il faut d’ordinaire des siècles avant que l’idiome moderne ose à son tour sortir de la vie vulgaire, pour se risquer dans l’ordre des choses intellectuelles.

20. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Fontaine de Boileau »

Guy Patin accourait, et d’un éclat soudain Faisait rire l’écho jusqu’au bout du jardin, Soit que, du vieux Sénat l’âme tout occupée, Il poignardât César en proclamant Pompée, Soit que de l’antimoine il contât quelque tour. […] Fier de suivre à mon tour des hôtes dont le nom N’a rien qui cède en gloire au nom de Lamoignon, J’ai visité les lieux, et la tour, et l’allée Où des fâcheux ta muse épiait la volée ; Le berceau plus couvert qui recueillait tes pas ; La fontaine surtout, chère au vallon d’en bas, La fontaine en tes vers Polycrène épanchée, Que le vieux villageois nomme aussi la Rachée 12, Mais que plus volontiers, pour ennoblir son eau, Chacun salue encor Fontaine de Boileau. […] Est-ce que des talents aussi la gloire s’use, Et que, reverdissant en plus d’une saison, On finit, à son tour, par joncher le gazon, Par tomber de vieillesse, ou de chute plus rude, Sous les coups des neveux dans leur ingratitude ?

21. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre deuxième »

Si les pensées ne sont pas neuves, c’est au tour à l’être. A défaut du tour, cherchez quelque autre manière de les recommander ; mais surtout qu’elles se gardent bien de n’être que vraies. […] Bouhours, fort répandu dans les ruelles, représente ce tour d’esprit, qu’il contribuait de sa personne et de ses succès à faire prendre pour le bon. […] Il le dispute par moments à Marivaux pour le tour énigmatique. […] Elles étaient d’ailleurs liées à d’heureux progrès dans le tour de la phrase française et à des nouveautés durables.

22. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « VI » pp. 22-24

Bref, c’est un tour que Méry leur a joué : impatienté d’entendre louer la pièce, il a dit : Je vais leur en faire ; et en provençal improvisateur, il a broché ce pastiche que nos connaisseurs ont pris au sérieux et ont gobé sans une arête. […] C'est de l’école romantique dont nous sommes, de 1828 à aujourd’hui ; l’auteur, qui a fait le tour du monde en amateur et qui est un homme de près de quarante ans, est artiste dans le vrai sens ; il a médité et mûri ses différentes pièces et descriptions, y mêlant un sentiment moral, et les appropriant par le tour ou le sujet à quelque artiste du jour : L'Etna est dédié à Victor Hugo ; Émile Deschamps a une pièce qui résume heureusement et savamment tout l’art poétique moderne.

23. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Chardin » pp. 128-129

Je n’ignore pas que les modèles de Chardin, les natures inanimées qu’il imite ne changent ni de place, ni de couleur, ni de formes ; et qu’à perfection égale, un portrait de La Tour a plus de mérite qu’un morceau de genre de Chardin. […] On parlera de La Tour, mais on verra Chardin. ô La Tour, memento, homo, … etc.

24. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre cinquième. »

Ce tour n’est guère dans le génie de notre langue, et la grammaire trouverait à chicanner ; mais le sens est si clair que ce vers ne déplaît pas. […] Voici une fable où La Fontaine retrouve ses pinceaux et sa poésie, ce mélange de tours et cette variété de style qui est propre. […] Ce sont de petits tours à dévider le fil. […] Ce tour est très-satyrique, et sa simplicité même ajoute à ce qu’il a de piquant.

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