L’amour sur-tout, considéré comme affection de l’ame, naissant en nous d’elle-même, & précédant toute détermination à la volonté, y est développé dans tous ses mouvemens, & réduit à une théorie aussi lumineuse qu’utile.
Bailly, de l’Académie des Sciences, M. l’Abbé Arnaud, M. l’Abbé Barthelemy, &c. regardent cette savante Production comme la meilleure qu’on ait encore publiée sur la théorie de la Musique.
Il y a un côté par où M. de Mirabeau tomba dans la secte et fut un dévot au docteur Quesnay ; mais, en laissant ce côté particulier et ce coin de paradoxe économique, que d’idées fines et justes dans ses écrits, que de vues justifiées par l’expérience et que ne désavouerait pas le bon sens politique, soit qu’on le prenne dans son mémoire de début sur L’Utilité des États provinciaux (1750), soit dans maint chapitre de L’Ami des hommes (1756), soit dans la Théorie de l’impôt (1760) qui le fit mettre cinq jours au donjon de Vincennes, par un simulacre de châtiment et une concession faite aux puissances financières du temps ! […] Le marquis de Mirabeau a une théorie du mal écrire et de l’incorrect qu’il pratique assidûment. Ne lui demandez pas de se soigner, de se relire : « Mes affaires et mes amis, dit-il, ont besoin de moi, et le peu de temps qu’on me laisse est mieux employé à composer qu’à m’appesantir sur des révisions de style… Si je me contraignais pour me rendre méthodique, je suis certain que je serais moins lu encore que je ne le serai dans toute la pompe de la négligence et des écarts2. » Dans la Théorie de l’impôt, qui est censée une suite à l’entretiens ou discours tenus et prêchés à Louis XIV par Fénelon, cet éloquent prélat parle le plus rébarbatif des langages ; il dira que « l’honneur, ce gage précieux dont le monarque est le principal et presque le seul promoteur, a comme toute autre chose, son acabit ou son aloi nécessaire ».
Voltaire, obligé de vivre à Londres quelques années, en rapporte, entre autre choses, l’incrédulité méthodique de Bolingbroke, la philosophie de Locke, les théories de Newton sur la gravitation, les drames de Shakespeare. […] Les sujets traités, les théories soutenues, les conclusions exprimées ou suggérées, en un mot, l’âme même des livres, se transforment alors en bien ou en mal. […] Pendant que des Français, soucieux de ranimer la sève nationale par d’habiles greffages, importaient des théories, des procédés d’éducation et d’organisation militaire ayant cours en territoire germanique, d’autres Français, patriotes exclusifs et craignant de voir amoindrie la personnalité de leur pays, combattaient à outrance tout ce qui provenait d’une source suspecte et détestée, dénigraient de parti pris les gloires allemandes, sifflaient Wagner coupable d’avoir insulté la France, célébraient par réaction Roland, Jeanne d’Arc et les volontaires de la première République, faisaient des succès exagérés à l’opéra-comique, sous prétexte que c’est un genre éminemment français, ou à des poésies dont le principal mérite était de relever le courage et la confiance des battus de la veille.
C’est à madame Leverdet, la femme d’un vieux savant endormi, que M. de Ryons débite ces théories plus glaciales que les réfrigératifs de la pharmacie monastique. […] Au moment où le public va protester contre une idée trop bizarre, contre une théorie trop aventurée, il entend sa propre objection qui lui revient de la scène, comme par un écho éclatant d’esprit. […] En agissant autrement, madame Aubray ne serait plus une femme, en chair et en os, ce serait une théorie habillée, mue par des ressorts.
On sait la réponse qu’il fit un jour au chimiste Guyton de Morveau, qui voulait passer au creuset un corps, pour s’assurer d’un fait que Buffon déduisait de la théorie : « Le meilleur creuset, c’est l’esprit », lui répondit Buffon. […] Dans un Discours sur la théorie de la terre, il cherchait à déterminer au préalable la structure et le mode de formation de ce globe terrestre, théâtre de la vie des animaux et de la végétation des plantes ; il cherchait, d’après les grands faits géologiques alors connus, à en fixer les révolutions successives dès l’origine jusqu’à son état de consistance et de composition actuelle. […] Il y reprenait les anciennes idées de son premier volume sur la théorie de la terre, et les présentait dans un jour plus complet et avec des combinaisons, je n’ose dire avec des vraisemblances nouvelles.
Si, par exemple, il accordait tant à la constitution municipale des vieilles cités, s’il croyait à la perpétuité de cette constitution depuis les Romains et à travers les diverses conquêtes, s’il en faisait le pivot de sa théorie politique, c’est que cela s’était passé ainsi à Brignoles et aux environs, dans la Provence ; il transportait involontairement au reste de la France cette forme permanente et latente de constitution dont la tradition locale avait tout d’abord frappé son esprit, l’avait imbu et comme affecté d’un premier amour. […] Dans son discours de réception à l’Académie française (24 novembre 1807), on le voit essayer sa théorie. […] En France, ce fut Corneille, Corneille seul, qui releva, comme disait Raynouard, le temple de Melpomène ; de telles locutions, sans propriété et sans goût, dérogeaient à la théorie même qu’on prétendait introniser.
Ces lettres nous donnent toute la théorie politique de Courier. […] Ne demandons point à Courier une théorie politique constitutionnelle un peu élevée et compliquée, qui concilie jusqu’à un certain point les souvenirs anciens avec les intérêts nouveaux, et qui cherche à donner un point d’appui social à toutes les gloires. […] Il le sentait bien au reste ; dans son Pamphlet des pamphlets il a fait sa théorie tout à sa portée et à son usage ; mesurant la carrière à son haleine, il a posé en principe qu’il fallait faire court pour faire bien : La moindre lettre de Pascal, dit-il, était plus malaisée à faire que toute l’Encyclopédie… Il n’y a point de bonne pensée qu’on ne puisse expliquer en une feuille, et développer assez ; qui s’étend davantage, souvent ne s’entend guère, ou manque de loisir, comme dit l’autre, pour méditer et faire court.
Zola, le Ventre de Paris, abonde en passages appliquant cette théorie. […] Ce que nous y aimons, c’est cette Christine si bonne, si douce, sensée, aimante, d’une si belle noblesse d’âme et toute simple ; c’est même cette brute de Lantier, qui, s’il ne mettait une grossièreté de manœuvre à clamer des théories ridicules, serait en somme un être bon, simple et fort, qui eût pu être un brave homme faisant des heureux autour de lui, s’il n’était allé se perdre dans une carrière où il est, malgré son intransigeance, un médiocre et un raté ; c’est Sandoz, d’une si belle fermeté, têtu, paisible et solide, ayant une idée en tête et la réalisant patiemment sans se tourner aux clameurs sur ses talons. […] Le critique anglais Vernon Lee a émis une théorie analogue dans son Euphorion.
J’ai souvent entendu reprocher à la critique moderne, à la mienne en particulier, de n’avoir point de théorie, d’être tout historique, tout individuelle. […] J’ai une méthode pourtant, et quoiqu’elle n’ait point préexisté et ne se soit point produite d’abord l’état de théorie, elle s’est formée chez moi de la pratique même, et une longue suite d’applications n’a fait que la confirmer à mes yeux.