C’est une belle théorie !
Ne vous souvient-il pas que Balzac avait inventé des théories chimiques, une réforme de l’administration, une doctrine philosophique, une explication de l’autre monde, trois cents manières de faire fortune, les ananas à quinze sous pièce, et la manière de gouverner l’État ?
Je le choisis présumant que les genres principaux doivent passer avant les genres moyens et inférieurs, parce que ma théorie reçoit de ceux-là plus d’étendue, qu’elle y intéresse davantage, et qu’elle s’y attache plus positivement. […] Il tenait à ma théorie de vous le signaler comme étant mortel à la haute littérature, puisque cette nouvelle théorie ne tend qu’à démontrer que les bons ouvrages en tous genres ne naissent que des bons sentiments, et que les plus parfaits n’émanent que de ce qu’il y a de plus noble dans le cœur de l’homme. […] sois mon guide, que ta lumière me découvre des aspects neufs et brillants : ne me laisse pas m’écarter de la justesse ; sauve-moi surtout du péril d’ennuyer mon auditoire par les fatigantes redites de la pédagogie qui se répète de jour en jour : que je devienne ta propre voix, et non pas un écho ; prête-moi le pouvoir de rajeunir les documents de la théorie poétique, et de les varier ; ne me permets pas de relire ici les livres des dogmatistes qui s’entrecopient sans cesse, et qu’on a lus mille fois ; révèle par ma bouche des aperçus qu’on ignore ; régularise les principes en les plaçant dans un ordre simple et suivi ; présente les idées, les sentiments que m’ont fait naître les chefs-d’œuvre, plutôt que les jugements secs et froids de tant de scholiastes qui sont dans toutes les mains : donne-moi la noble assurance des anciens qui ne craignaient pas de se citer eux-mêmes, lorsqu’il en était besoin, pour éclaircir les ventes de leurs systèmes par leurs propres ouvrages ; entremêle avec soin les leçons sévères et les leçons agréables ; passe rapidement de l’Olympe de la Grèce aux châteaux des magiciennes d’Italie : redescends avec aisance des hauteurs théologiques du Paradis perdu dans la plaisante chapelle du Lutrin ; touche assez finement ces choses pour éclairer l’erreur en passant, et ne pas blesser les scrupuleux ; puise dans Homère et Virgile des exemples de la fatalité de la guerre sans offenser les guerriers, dont j’approchai de trop près les chefs les plus braves pour ne pas honorer leur vaillance ; ajoute aux éléments de la Henriade quelques passages empruntés du Télémaque de Fénelon, afin de rappeler à tous que la philosophie est tolérante, puisqu’elle a dans son parti un bon roi et un docte évêque. […] Messieurs, J’éviterai le danger d’une digression qui dérangerait la marche de mes analyses, en m’expliquant d’abord sur ce qui concerne mes réfutations de la théorie de La Harpe. […] La théorie reçue ne s’explique-t-elle pas clairement en cette rapide scène ?
Bien entendu, il ne s’agit ici ni d’une théorie absolue, ni d’une démonstration didactique. […] Herder, après Montesquieu, exagéra encore plus la même théorie, dans ses Idées sur la philosophie de l’histoire, « auxquelles, dit M. […] Il y a donc toujours du vrai dans la théorie physiologiste ; mais il ne faut jamais l’exagérer ni s’y enfermer. […] » Ceci dépasse un peu la théorie très légitime de l’état mixte. […] cette théorie de l’âme, opposée par l’empirisme de Galien et d’Aristote à l’idéalisme de Platon, il arrive que Bossuet, dans son spiritualisme à outrance, la reprend pour s’en faire une arme contre l’invasion de la physiologie.
À vrai dire, ceux qui prétendent que l’attrait puissant, irrésistible, est le privilège des seuls audacieux, des auteurs aux théories arrogantes, des romanciers qui choisissent leurs tableaux dans le musée du vice, ont reçu de M. […] En lisant la théorie physiologique exposée par M. […] Dès lors, leurs actes, leurs tendances, leur état physiologique ne sauraient jamais servir de base solide à une théorie scientifique. […] Quand l’obligation de fortifier la théorie émise a pu se concilier avec les inspirations de l’art, on s’est souvenu de la théorie. […] Quelle force apportent-ils à la théorie de M.
C’est faute d’avoir été au fond de sa théorie que des critiques en ont trouvé certaines prescriptions communes et superficielles, et tout au plus bonnes pour les versificateurs de profession. […] Certes, il a bien fait de laisser à ses censeurs ces vues de détail, qui ne sont pas compatibles avec la poésie, et d’avoir mieux aimé écrire de verve un poème vif et frappant, que languir sur un livre de théorie ingénieux et froid.
Or, si les pédants dont je parle (il y a de pédanterie même dans la bassesse), et qui ont des représentants partout, cette théorie flattant également l’impuissance et la paresse, ne voulaient pas que la chose fût entendue ainsi, croyons simplement qu’ils voulaient dire : « Nous n’avons pas d’imagination, et nous décrétons que personne n’en aura. » Mystérieuse faculté que cette reine des facultés ! […] La seule concession qu’on puisse raisonnablement faire aux partisans de la théorie qui considère la foi comme l’unique source d’inspiration religieuse est que le poëte, le comédien et l’artiste, au moment où ils exécutent l’ouvrage en question, croient à la réalité de ce qu’ils représentent, échauffés qu’ils sont par la nécessité.
Zola enregistre aussi les doctrines de ceux qui veulent renverser le système social actuel, dont tout doit disparaître pour suivre le mouvement indiqué par le socialiste Sigismond Dusch, physionomie étrange d’un réformateur qui, tout en mourant d’épuisement, développe ses théories entre deux quintes. — « Nous n’avons pas besoin, dit Sigismond, de rien démolir, vous vous démolissez bien vous-mêmes ; vous travaillez pour nous, sans vous en douter. […] Vous nous donnez leçon pratique, de même que les grandes propriétés absorbant les lopins de terre, les grands producteurs dévorant les ouvriers en chambre, les grandes maisons de crédit et les grands magasins tuant toute concurrence, s’engraissant de la ruine des petites banques et des petites boutiques sont un acheminement lent, mais certain, vers le nouvel état social. » Heureusement pour l’état social en question que le rêveur expire en balbutiant ses théories, qui seront, dit-il, sûrement reprises par ses successeurs. […] Il fut le contraire d’un idéologue, se défia des principes rigides et des axiomes, et s’appliqua toute sa vie à soumettre les théories au contrôle des résultats. […] C’est du même pas assuré qu’on le voit aller par les rues, qu’il traversa les théories et les systèmes. […] Larroumet dit : Au demeurant, il y a dans la théorie de Platon une part de vérité que les comédiens démontrent tous les jours avec une naïveté amusante et d’où résulte un des traits de leur caractère, par suite un élément de l’opinion qu’on se fait d’eux.
Certaines gens nient que le réalisme soit d’éclosion récente : « Ces théories prétendues nouvelles, qu’on oppose au romantisme et dont on voudrait le renverser, étaient glorifiées, dès 1828, dans les manifestes de ce même romantisme… Dès lors, elles ont reçu leur application ; dès lors, elles ont pris corps dans nombre de romans fameux… » Quasimodo est de conformation triviale, Clopin Trouillefou, le duc d’Égypte et sa bande n’exhalent pas précisément un parfum de distinction, cela est vrai ; le poète saute, sans se faire prier, des splendeurs architecturales de Notre-Dame aux masures lépreuses de la Cour des Miracles, je n’en disconviens pas ; Victor Hugo, enfin, et qui le nie ? […] Peut-on déshonorer par de telles formules cette admirable théorie chrétienne : La purification par la souffrance ! […] « Sans insensibilité, point de chef-d’œuvre. » Comme il arrive pour les plus absurdes et les plus vaines théories, celle-ci part d’un principe d’esthétique tout à fait incontestable, mais faussé, perverti. […] * * * Ce qui rend particulièrement curieux le cas de messieurs les Impassibles, c’est qu’ils appliquent leur théorie justement dans la poésie lyrique, tout à fait passionnée de sa nature et dont on pourrait dire qu’elle est la sensibilité mise en strophes. […] Plus loin, M. de Sacy tue d’un mot la libre recherche et le progrès, au nom de l’ordre, comme il tuait tout à l’heure la critique littéraire au nom de la charité : « Pour établir ce que l’on croit une vérité, vérité de pure théorie souvent ou du moins toujours contestable, faut-il s’exposer à ébranler d’autres vérités, qui sont le fondement même de l’ordre public et de la vie sociale ?
« Rien de moins semblable que l’examen d’un poème en vue de le trouver bon ou mauvais, besogne presque judiciaire et communication confidentielle qui consiste, en beaucoup de périphrases, à porter des arrêts et à avouer des préférences, ou l’analyse de ce poème, en quête de renseignements esthétiques, psychologiques, sociologiques, travail de science pure, où l’on s’applique à démêler des causes sous des faits, des lois sous des phénomènes, étudiés sans partialité et sans choix. » J’ai tenu à reproduire ce passage, inscrit en l’avant-propos de son ouvrage, parce qu’il résume la théorie d’Émile Hennequin en matière de critique, et qu’il définit clairement cette méthode hardie et vaste qu’il applique avec une facilité surprenante à l’étude d’hommes comme Victor Hugo, Wagner, Flaubert, Tolstoï, Dickens. […] Des théories d’hommes passent et repassent en gestes convulsés d’ovations, en belles attitudes martiales de défilés de guerre, en troublants cortèges de religions infâmes, en courses haletantes d’émeutes. […] Les théories littéraires sont de sable, les systèmes d’école, de fumée, et le moindre vent qui passe fait s’écrouler l’instabilité terre à terre des unes, s’évanouir la frivolité aérienne des autres. Mais à la place des théories et des systèmes, quelles puériles haines, quelles imperturbables vanités, quelles poussées de démesurés orgueils !