Alexis de Tocqueville, dont le genre de talent n’est ni l’abondance, ni l’élan, ni l’ampleur, ni la force active, a consacré, nous dit-il, un an et plus à tel chapitre assez court de son ouvrage. […] Depuis quelque temps, le pamphlet, qui allait droit autrefois, quand il y avait des talents qui savaient l’empenner, le pamphlet n’a plus allure de flèche.
Plus coupable que le public, parce qu’elle devrait le diriger et le conduire, la critique de théâtre a fait au comédien, et surtout à la comédienne, une position exceptionnelle, anarchique et folle, à ne voir même que le théâtre et les intérêts de l’art dramatique ; car, si l’on place dans le ciel le simple interprète d’une œuvre de talent ou de génie, où placera-t-on celui qui l’a faite ? […] Elle imite en cela madame de Staël, dont le talent a bien gardé quelque peu de l’amphigouri de Thomas, qui l’avait bercée, quand elle s’écriait un beau soir, à une représentation de Talma, qu’elle « lui voyait positivement des étoiles autour de la tête ».
Si elle est, en définitive, toujours du côté du talent, comme le Bruit, sa canaille de frère, est toujours du côté de la sottise, la Gloire viendrait plutôt sur la tête que de ne pas venir à Joubert. […] Comment le talent de Joubert ou plutôt son âme, cette opale humaine, s’est-elle formée dans le fond de ce bourgeois du xviiie siècle ?
De son vivant, Montesquieu recouvrait son tuf d’une dignité extérieure due à la gravité de son état et à la beauté d’un talent formidable et grand. […] Montesquieu a été tenu sur les fonts par un pauvre ; Vian a peut-être voulu avoir son pauvre… mais d’esprit, pour le baptiser, La préface de Laboulaye a toutes les platitudes philosophiques et politiques qui font, pour les amateurs du bouillon de poulet libéral, le genre de talent de Laboulaye.
Avec sa chronique, Cénac-Moncaut a évité la difficile alternative imposée à son talent par son sujet, mais il nous a donné le droit de dire de son livre : C’est beaucoup trop, ou pas assez ! […] Cénac-Moncaut avait bien le droit, lui, de se dévouer au service de leur mémoire ; mais, doué de talent et de science comme il l’est, il est fait certainement pour autre chose que pour écrire une histoire provinciale, qui n’est jamais, après tout, que l’équarrissage d’un bloc historique plus considérable et plus beau.
À côté du talent, il a mis la conscience. […] Ainsi, par exemple, à toute page et presque à chaque ligne éclate et rayonne cette capacité formidable d’homme d’affaires, qui était en Voltaire à un bien autre degré que tous ses autres talents, et qui en lui, plus encore qu’en Beaumarchais, son Sosie diminué, commence de briller, comme le caractère de la Bourgeoisie moderne dans l’avenir.
Horace Walpole était le premier épistolier de l’Angleterre, non pas seulement par le talent, mais par l’emploi de son talent… Il a écrit pendant quarante-cinq ans à la même personne, en coupes réglées, et il a dit de lui : « Ma vie n’a été qu’une longue lettre. » Certainement, vous pensez — n’est-ce pas ?
Après les Philosophies, c’est l’Histoire qu’il aborde, l’Histoire, qui s’appelait alors Michelet et Quinet, qui maintenant ne s’appelle plus personne, et n’en dit pas moins, mais sans aucun talent, les mêmes mensonges qu’alors. […] » — Raymond Brucker, qui n’a jamais bénéficié de rien, et pour lequel l’Église, dont il fut le serviteur fidèle et héroïque jusqu’au dernier moment, n’a rien fait, et qu’elle a laissé mourir de faim ou à peu près ; Raymond Brucker, dont les grands hommes littéraires du temps où il fut littéraire comme eux, avec autant de talent qu’eux, diraient peut-être, s’ils vivaient encore : « Je ne connais pas cet homme-là », comme saint Pierre l’a dit de Jésus-Christ, aura-t-il, à propos de ses Docteurs du jour, ce bonheur d’outre-tombe, qui ne sera un bonheur que pour nous qui l’avons aimé, de quelques rumeurs flatteuses autour de son tombeau ?
Fils d’une horrible époque pressée et qui veut vivre à la minute, où tous se ruent sur le petit sou du Savoyard, — le petit sou de la célébrité ou de la monnaie, — il ne s’est mêlé ni aux poussées ni aux culbutes de son temps ; il s’est noblement tenu coi et à l’écart dans son talent, comme l’abeille dans sa ruche d’or. […] Voilà les trois faces qui sont les trois profondeurs du talent de Saint-Maur.
Le talent de Béranger, mêlé activement à la lutte des partis politiques, est toujours demeuré étranger à la lutte des partis littéraires. […] Le talent d’un tel poète est à coup sûr un digne sujet d’étude. […] Quelle que soit la richesse de sa nature, il doit au travail, à l’étude, la meilleure partie de son talent. […] Malgré son goût, malgré son talent pour l’ironie, il n’a pas osé s’aventurer dans la comédie. […] C’est d’ailleurs une occasion toute naturelle de caractériser définitivement le talent poétique de M. de Lamartine, et d’en marquer avec précision les différentes phases, car ce talent si spontané, si abondant, n’est plus aujourd’hui ce qu’il était il y a trente ans.