À la fin de la préface d’un de ses recueils à propos d’un travail sur la Poésie des races celtiques, qu’il y a inséré, il se plaît à revenir en arrière, à repasser sur les souvenirs, les piétés et même les mystiques superstitions de ses pères ; il se met tout à coup à regretter que les humbles marins, ses aïeux, n’aient pas tourné leur gouvernail, n’aient pas laissé dériver leur barque vers d’autres rivages ; il se suppose un moment enfant attardé, fidèle, de la pauvre et poétique Irlande ; écoutez ! […] Livet, il cherche et trouve des raisons subtiles et profondes à une institution et à une durée mémorable dont il ne me convient pas assurément de vouloir amoindrir le prestige ; mais il semble croire qu’il en est de l’Académie comme de Rome, qu’elle est vouée à l’éternité ; « Qu’on essaye, dit-il, de se figurer un pouvoir, quelque autorisé à tout faire qu’on le suppose, qui ose porter atteinte à ce chiffre de quarante, devenu sacramentel en littérature ; on n’y réussira pas. » Grâce à Dieu, l’Académie n’est pas et n’a jamais été bien menacée de nos jours ; mais pour cela je ne crois pas que ce chiffre de quarante ait une telle vertu historique.
Mais cela ferait supposer que vous-même vous n’avez jamais lu Boileau ! […] C’est à regret qu’on signale ces faiblesses et ces fragilités de jugement, dans des écrits d’ailleurs dignes d’estime par les recherches et par le zèle tout littéraire qu’ils supposent chez les honorables auteurs.
Son procédé, entendu ainsi qu’il doit l’être, signifie : « Supposez, pour simplifier, que les choses se soient passées comme on le dit là, et vous ne serez pas très-loin de la vérité. » Cette extrême bonne foi dans l’exposé de ses vues ne sera invoquée contre lui que par ceux qui n’entrent pas dans sa pensée et qui, ayant un parti pris, interdisent toute recherche. […] Il est arrivé ainsi à faire un livre d’art autant et plus que d’histoire, et qui suppose chez l’auteur une réunion, presque unique jusqu’ici, de qualités supérieures, réfléchies, fines et brillantes.
J’accorde que, dans ce qui paraît si redoutable de loin, il y a beaucoup de fantômes qui s’évanouissent si l’on ose s’approcher et souffler dessus ; qu’il n’y a pas un si grand nombre de libertés possibles à donner ; qu’on les a déjà en partie ; qu’il ne s’agirait que d’être conséquent, d’étendre et de consacrer le droit ; sans doute, le principe qui consiste à inoculer le vaccin révolutionnaire pour éviter les révolutions, à donner d’avance et à la fois plus qu’elles ne pourraient conquérir, ce principe est d’une analogie séduisante ; mais ceci suppose déjà une médecine bien hardie, et le corps social n’est point partout le même ni capable de porter toute espèce de traitement. […] Il y a mieux : ce parfait état de société, cet ordre idéal et simple que M. de Girardin a en vue, je le suppose acquis et obtenu, je l’admets tout formé comme par miracle : on a un pouvoir qui réalise le vœu du théoricien ; qui ne se charge que de ce que l’individu lui laisse et de ce que lui seul peut faire : l’armée n’est plus qu’une force publique pour la bonne police ; l’impôt n’est qu’une assurance consentie, réclamée par l’assuré ; l’individu est libre de se développer en tous sens, d’oser, de tenter, de se réunir par groupes et pelotons, de s’associer sous toutes les formes, de se cotiser, d’imprimer, de se choisir des juges pour le juger (ainsi que cela se pratique pour les tribunaux de commerce), d’élire et d’entretenir des ministres du culte pour l’évangéliser ou le mormoniser… ; enfin, on est plus Américain en Europe que la libre Amérique elle-même, on peut être blanc ou noir impunément.
Cependant le parti espagnol qui mettait en avant une infante, sœur de la première, s’agitait beaucoup ; on supposait que le maréchal de Noailles l’appuyait de son crédit. […] Que votre princesse sache bien qu’il ne tiendra qu’à elle de faire notre bonheur et la félicité de mon peuple. » Nous voyons se dessiner, dans toute cette familiarité à laquelle on nous initie, un Louis XV un peu inattendu, un peu différent de ce qu’on se figure, plus affectueux, plus père de famille qu’on ne suppose, un fort aimable beau-père, et tout à l’heure, un grand-père aux petits soins.
Une telle affaire avérée, comme le mensonge dont je parlais l’autre jour, en représente et en suppose des milliers d’autres. […] Talleyrand ne supposait pas que Napoléon en eut perdu le souvenir ; mais l’influence de la société du Manège avait fait renvoyer ce ministre : sa position était une garantie.
M. de Lamartine finit éloquemment sa préface par un appel à Dieu, comme Scipion entraînait les Romains au Capitole ; il suppose le divin Juge mettant au dernier jour dans la balance, d’une part les rimes du poëte, et de l’autre ses actions sociales : on devine ce qui l’emporte. Mais il est toujours très-périlleux de faire parler Dieu ; on pourrait aussi bien, et sans plus de témérité, supposer qu’il vous demandera compte du talent spécial qu’il vous aura confié ; s’il y a diversité de dons parmi les hommes, il peut y avoir diversité de ministères, et cela semble surtout plausible, quand le signe est aussi glorieux et aussi évident que dans le cas de M. de Lamartine.
Dans tout ce qui précède, j’avais supposé, d’après la Notice et l’Édition de M. de Latouche, qu’André Chénier devait être à Londres en décembre 1782, et que les vers et la prose où il en maudissait le séjour étaient du même temps et de sa première jeunesse. J’avais supposé aussi (page 161) qu’il n’était plus attaché à l’ambassade d’Angleterre aux approches de la Révolution et dès 1788.
Loin d’avoir rien à retrancher à la valeur des termes, il semble, au contraire, qu’ils supposent au-delà de ce qu’ils expriment Les Romains donnent beaucoup trop de développements à leurs idées ; mais ce qui appartient aux sentiments est toujours exprimé avec concision. […] Y a-t-il rien dans ces vers qui suppose que les Romains aient eu des pièces de théâtre originales ?
La force est une combinaison du hasard, destructive de tout ce qui tient à la pensée et au raisonnement ; car l’exercice de l’une et de l’autre suppose toujours la liberté. […] En étudiant chacune des parties de la nature, il faut supposer des données antérieures à l’examen de l’homme ; l’impulsion de la vertu doit partir de plus haut que le raisonnement.