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397. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

Je leur fis entendre en latin que nous venions les visiter, par ordre du roi, comme ses sujets, et pour leur offrir toute protection ; qu’ils avaient pour fondateur un roi de France, et qu’ils n’avaient aucun sujet de rien appréhender pour notre venue. […] Ce bon sous-prieur fit garde toute la nuit à la porte de la chambre où je couchais, qui était la sienne, et où apparemment il avait son trésor. » Le lendemain, après avoir entendu la messe dans l’église de cette abbaye à la Rabelais, où se voyaient les armes de Roland, on se mit en marche dès sept heures du matin pour rentrer en France ; on prit un autre chemin qu’en allant et où il n’y avait pas de neige : « Tous les soldats étaient chargés de jambons et de barricots de vin, que leurs hôtes leur avaient donnés, car c’est le pays des jambons ; et je ne reçus aucune plainte d’exactions des soldats. » Foucault ne manque pas d’écrire aussitôt à M. de Louvois pour rendre compte de l’expédition et assurer le roi du zèle de ses sujets de par-delà les Pyrénées, et de la bonne volonté des Navarrais espagnols à rentrer sous son obéissance comme étant leur prince légitime, successeur de Charlemagne. […] Il avait sous, les yeux, en écrivant, l’original même de la Relation de Foucault faite pour être mise sous les yeux du roi : « Il n’y est parlé ni de violences ni de dragonnades ; on n’y entrevoit pas qu’il y ait un seul soldat en Béarn : la conversion générale paraît produite par la Grâce-divine. » Foucault, dans ses Mémoires, est plus explicite, et je dois dire que tout ce qu’on y lit à ce sujet est fait pour confirmer bien plus que pour réfuter les reproches de ses accusateurs. […] Il est très-probable qu’il n’en souffla mot ; la probité de Louis XIV, on aime à le croire, n’aurait point consenti à une telle supercherie envers ses sujets. […] « Ce pauvre prince, nous dit Foucault parlant du roi Jacques et ne revenant pas de ses airs riants, croit que ses sujets l’aiment encore. » Illusion et forme de consolation propre à ces vieux souverains déchus !

398. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires de Philippe de Commynes, nouvelle édition publiée par Mlle Dupont. (3 vol. in-8º.) » pp. 241-259

Nul homme ne prêta jamais tant l’oreille aux gens, ni ne s’enquit de tant de choses… Il connoissoit toutes gens d’autorité et de valeur qui étoient en Angleterre, Espagne et Portugal, Italie, comme il faisoit ses sujets. […] Il pose en principe qu’il n’y a ni roi ni seigneur qui ait pouvoir de mettre un denier sur ses sujets sans octroi et consentement de ceux qui doivent le payer. Il pense que le délai même que ce consentement entraîne en cas de guerre, est bon et profitable ; que les rois et princes, quand ils n’entreprennent rien que du conseil de leurs sujets, en sont plus forts et plus craints de leurs ennemis. […] Quant au roi de France, Commynes est d’avis qu’il n’est pas plus fondé qu’aucun roi à dire : « J’ai privilège de lever sur mes sujets ce qui me plaît. » Car ce privilège, « ni lui ni autre ne l’a ». […] Des poètes, des romanciers en ont tiré des sujets ; mais ni le roman de Walter Scott, ni la chanson de Béranger, ne rendent la réalité dans toute sa justesse, et avec la parfaite mesure qu’elle nous offre sous cette plume de Commynes, curieuse, attentive, fidèle, et si étrangère à un but littéraire, à un effet dramatique.

399. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — III. Franklin à Passy. (Fin.) » pp. 167-185

Lorsque Franklin arrivait à Paris à la fin de décembre 1776, et que son voyage, qui allait devenir un séjour de huit années et demie, faisait à l’instant le sujet de tous les commentaires, ce n’était pas la première fois qu’il voyait la France : il y était venu déjà passer quelques semaines en septembre 1767 et en juillet 1769. […] Lui qui n’est guère porté à abuser des paroles ni à les exagérer, il va sur ce sujet jusqu’à dire : Quand cet article (de continuer de faire la guerre conjointement avec la France, et de ne point faire de paix séparée) n’existerait point dans le traité, un honnête Américain se couperait la main droite plutôt que de signer un arrangement avec l’Angleterre, qui fût contraire à l’esprit d’un tel article. […] Tout ce qu’il dit à ce sujet dans ses lettres (et il y revient à plusieurs reprises) est de pur bon sens, d’un ton plus digne encore que moqueur, et sans fausse modestie. […] Pour le moment, je vous donnerai seulement mon opinion, c’est que, bien que vos raisonnements soient subtils et puissent prévaloir auprès de quelques lecteurs, vous ne réussirez pas au point de changer les sentiments généraux de l’humanité sur ce sujet ; et, si vous faites imprimer cet ouvrage, la conséquence sera beaucoup d’odieux amassé sur vous-même, du dommage pour vous, et aucun profit pour les autres. […] Vous pourriez aisément déployer vos excellents talents de raisonnement sur un moins hasardeux sujet, et par là obtenir un rang parmi nos auteurs les plus distingués : car parmi nous, il n’est pas nécessaire, comme chez les Hottentots, qu’un jeune homme, pour être admis dans la compagnie des hommes, donne des preuves de sa virilité en battant sa mère.

400. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Les Faux Démétrius. Épisode de l’histoire de Russie, par M. Mérimée » pp. 371-388

Mérimée a conservé le goût des épisodes et des sujets distincts, caractéristiques. […] Mérimée, ayant toujours en vue son grand sujet de César, veut exercer et aguerrir ses troupes dans les montagnes avant de les faire descendre dans la plaine. […] Dans le premier sujet, plein d’actions coupées et de guerres, il a trouvé des caractères comme il les aime, il a exhumé et peint quelques-uns des défenseurs énergiques des nationalités italiennes : dans le second sujet, où il fallait entrer dans le Sénat et descendre dans le Forum, il a rencontré, en première ligne, le personnage de Cicéron, et c’est ici que, repoussé par le dégoût des lieux communs, il n’a pas rendu assez de justice à cet homme dont on a dit magnifiquement qu’il était le « seul génie que le peuple romain ait eu d’égal à son empire ». […] Il est curieux de lire les deux petits romans en regard l’un de l’autre, quand on s’est une fois bien rendu compte, sous la différence des mœurs et des costumes, de l’identité du sujet. […] Il compose peu ses sujets à l’avance ; il se fie à sa grâce, en les laissant aller devant lui.

401. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Fervaques et Bachaumont(1) » pp. 219-245

… C’était audacieux de la peindre, mais, puisqu’on en avait l’audacieuse fantaisie, il fallait la peindre avec l’intelligence des grands peintres, qui sauvent tout des sujets les plus dangereux par la passion et par l’accent de leur peinture. […] Ils ont trop épousé leur sujet, quand il fallait le dominer. Ils ne sont pas montés plus haut que ce sujet pour le traiter de plus haut ; car c’était un de ces sujets terribles, à fond de corruption, qu’il fallait peindre le pinceau levé comme la cravache du dompteur ou l’épée d’un homme énergique qui mène un peuple corrompu. […] Un mariage dans le monde, d’Octave Feuillet, et Les Femmes du monde, par Bachaumont, parus en même temps, voici deux livres qui s’adossent bien… faits sur le même sujet, quoique différents par la forme. […] Dans les Chroniques de Bachaumont qu’il a intitulées : Les Femmes du monde, ce sont en effet les femmes, si puissantes en France sur l’opinion, et qui, selon ce qu’elles sont, l’élèvent ou l’abaissent, ce sont les femmes qui sont en jeu, ou plutôt en représentation, dans tous les détails de leur vie mondaine ; — et dans le roman d’Octave Feuillet, ce sont les femmes encore, puisque le sujet du livre est un mariage dans le monde.

402. (1899) Musiciens et philosophes pp. 3-371

Le sujet est la chose accessoire ; la manière dont il est traité, voilà ce qui fait l’œuvre d’art. […] Où prendre les « sujets nouveaux » les « sentiments nouveaux » ? […] Une œuvre d’art a beau se distinguer par la nouveauté du sujet et des sentiments, si ce sujet et ces sentiments ne sont pas rigoureusement logiques et conformes au sentiment humain, l’œuvre d’art sera sans valeur. […] On ne peut concevoir une tragédie sur un sujet moderne. […] Voir à ce sujet le curieux récit publié en 1893 par le Guide Musical.

403. (1875) Premiers lundis. Tome III « Eugène-Scribe. La Tutrice »

— Survient M. le comte Léopold de Vurzbourg, étourdi, prodigue, mauvais sujet, qui a appris la mort de son oncle le feld-maréchal, et qui arrive bon train, à grandes guides, pour venir recueillir une succession immense, dont il doit déjà une bonne part à de gracieux usuriers qui lui ont prêté, au denier vingt, par avancement d’horie. […] Il n’est pas vrai, comme on se plaît à le répéter, que la comédie ne soit plus possible, que Molière et le XVIIe siècle aient épuisé le champ des faiblesses, des sottises et des vices de l’homme, et que, les maîtres s’étant emparés des principaux sujets, il ne reste plus qu’à glaner. Si vieille que soit une littérature, si vieux même que soit le monde, les sujets ne manqueront jamais au génie, qui est précisément la faculté de voir et de faire voir les choses sous des points de vue nouveaux.

404. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Introduction »

En 1858, il m’envoya un mémoire à ce sujet, en me priant de le communiquer à sir Ch. […] Je passerai ensuite à la variabilité des espèces à l’état de nature ; mais je serai malheureusement forcé de glisser beaucoup trop rapidement sur ce sujet, qui ne peut être traité comme il le faudrait, qu’à l’aide de longs catalogues de faits. […] Comme il naît beaucoup plus d’individus qu’il n’en peut vivre, et comme, en conséquence, la lutte se renouvelle souvent entre eux au sujet des moyens d’existence, il s’ensuit que, si quelque être varie, si légèrement que ce puisse être, d’une manière qui lui soit personnellement utile sous des conditions de vie complexes, et quelquefois variables, il aura toute chance de survivre et sera ainsi naturellement élu ou choisi.

405. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIe Entretien. Marie Stuart, (Reine d’Écosse). (Suite et fin.) »

Elle lui répondit qu’elle ne pourrait convenablement traiter Marie en reine d’Écosse et en sœur, qu’après qu’elle se serait lavée des crimes que lui imputaient ses sujets d’Écosse. […] Tout ce pays où je suis est entièrement dédié à la foi catholique, et à cause de cela et de mon droit que j’ai, à moi, sur ce royaume, il faudrait peu de chose pour apprendre à cette reine d’Angleterre de se mêler d’aider les sujets rebelles contre leurs princes ! […] On ouvrit à Hamptoncourt, palais de Henri VIII, des conférences pour juger le procès de Marie Stuart avec ses sujets. […] « C’est donc ainsi, s’écria-t-elle en comparaissant devant les commissaires, que la reine Élisabeth fait juger les rois par leurs sujets ! […] Aurait-on jamais cru qu’elle osât en venir à ces extrémités avec moi qui suis sa sœur, son égale, et qui ne saurais être sa sujette ?

406. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « III »

Mais si l’auteur de Lohengrin, au point de vue général, a reçu le sujet de son œuvre des poèmes déjà écrits en langue française il en a eu également le résumé dans les chants des autres minnesinger germains, eux-mêmes inspirés de nos trouvères. […] Nous nous adressons ici, est-il besoin de le dire, à ces personnes qui ont été à Bayreuth, ou qui connaissent au moins le sujet des drames wagnériens. — Il nous est en effet impossible, à cause du peu de place dont nous disposons, d’expliquer ici le sujet de Parsifal, qui a d’ailleurs été en général suffisamment analysé par Mme Judith Gautier et M.  […] Schuré et Ernst ont adressé à Wagner à ce sujet, il n’était pas nécessaire de plus développer ce caractère et cette attitude de magie, dont l’influence doit être vague et surtout se comprendre d’après les effets qu’elle produit sur la sainteté du Gral. […] de drames lyriques, dont les sujets sont empruntés, comme on sait, aux anciennes légendes germaniques et scandinaves. […] Maus, contenant d’intéressantes remarques sur les évolutions de la critique au sujet des œuvres de Wagner et citant l’ouvrage récemment paru de MM. 

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