— L’état des esprits en France, écrit-il encore, est le sujet favori de toutes mes méditations, et par conséquent de toutes mes conversations. […] Il ne lui reconnaît pas la marque royale dans le sens où il la conçoit ; il le trouve un homme rare, extraordinaire, épuisant volontiers à son sujet toutes les épithètes et ne lui refusant que celle de grand, « laquelle, dit-il, suppose une moralité qui lui manque ». […] M. de Maistre, à un certain moment, désira voir Bonaparte et s’aboucher avec lui au sujet des intérêts de son maître le roi de Sardaigne, alors si écrasé. […] Je ne passerai pas de meilleures soirées que celles que j’ai passées chez elle, les pieds sur les chenets, le coude sur la table, pensant tout haut, excitant sa pensée et rasant mille sujets à tire-d’aile… Elle est partie, et jamais je ne la remplacerai ! […] Il a dans l’humeur et dans la verve le talent de faire rire en raisonnant ; il en use avec succès, en ce sens que, même dans les sujets les plus graves, il n’est jamais ennuyeux ni triste comme M. de Bonald l’est trop souvent.
Elle surpassa ses espérances par ses progrès dans les sciences et les langues ; et, dans les courtes visites qu’elle fit à quelques-uns de ses parents à Lausanne, l’esprit, la beauté et l’érudition de Mlle Curchod furent le sujet des applaudissements universels. […] Suard lui fait sa cour, etc., etc. » C’était cette foule de beaux esprits plus ou moins galants et mécréants ; c’était l’abbé Arnaud, l’abbé Raynal, c’était l’abbé Morellet à qui elle s’adressait, l’un des premiers, pour fonder son salon : La conversation y était bonne, nous dit Morellet, quoiqu’un peu contrainte par la sévérité de Mme Necker, auprès de laquelle beaucoup de sujets ne pouvaient être touchés, et qui souffrait surtout de la liberté des opinions religieuses. […] Necker, on l’a remarqué, ne figurait guère d’abord dans le salon de sa femme que par son attitude d’observateur, et par un silence dédaigneux, ou peut-être prudent, sur des sujets qu’il ne possédait pas tous au même degré. […] Ce dernier lui écrivit à ce sujet plusieurs lettres plaisantes et même des madrigaux galants. […] En un mot, on sent beaucoup trop que les comparaisons, chez cette femme d’esprit, ne s’offrent point d’elles-mêmes, qu’elles ne naissent point sous ses pas et du sein même du sujet qu’elle traite, qu’elles ne sont point inspirées par l’à-propos du discours, mais qu’elle les tire de quelque magasin plus ancien, de quelque cahier de conversation où elle les avait en réserve.
Venevault Apothéose du prince de Condé . sujet immense, digne de l’imagination grande et féconde et de la hardiesse de Rubens, et sujet fait en miniature par Venevault.
Mais Charles son fils, tout au contraire, bon à ses sujets, non pas à son État (si rarement se rencontre un prince doux et politique tout à la fois !) […] À ce sujet, il parle de ses devanciers, et, sans les trop écraser, il les relègue assez légèrement dans le passé ; il s’empresse pourtant de proclamer que, quoi qu’on puisse tenter de nouveau et quel que soit le nombre et l’émulation des historiens présents et futurs, il y a fort à faire pour atteindre la grandeur et l’immensité d’un tel sujet : Mais qu’il en naisse tous les ans de nouveaux, dit-il ; ils ne mettront jamais ce sujet en sa perfection. […] Elle a eu tant de princes, tant de grands seigneurs et tant de démêlés, soit avec les autres nations de la terre, soit avec ses propres sujets, à raison d’un nombre infini de petites seigneuries qui l’ont divisée cinq cents ans durant, qu’il est impossible à un esprit seul de les pouvoir toutes débrouiller. […] Au commencement de la seconde race, il lui semble, dit-il, passer d’une nuit obscure à un trop grand jour ; il en est trop ébloui pour en jouir ; il sent en même temps que son sujet s’agrandit, et qu’il lui faut sortir avec les descendants de Charles Martel des limites de la France.
Une histoire de la vie et des ouvrages de Massillon nous manque : ce serait un sujet heureux. […] Un de ses biographes (Audin) a raconté à ce sujet des détails qu’il dit tenir de source authentique : il s’ensuivrait que Massillon, dans cette première jeunesse, aurait eu quelques écarts de conduite qui l’auraient brouillé avec ses supérieurs, avec lesquels toutefois il ne tarda point à se réconcilier. […] Il semble être né exprès pour justifier le mot de Cicéron : « Summa autem laus eloquentiae est, amplificare rem ornando… Le comble et la perfection de l’éloquence, c’est d’amplifier le sujet en l’ornant et le décorant. » Il est maître unique dans ce genre d’amplification que Quintilien a défini « un certain amas de pensées et d’expressions qui conspirent à faire sentir la même chose : car, encore que ni ces pensées ni ces expressions ne s’élèvent point par degrés, cependant l’objet se trouve grossi et comme haussé par l’assemblage même ». […] On y voit que le prince de Conti avait écrit de sa main les derniers entretiens qu’il avait eus avec le Grand Condé à Chantilly sur la guerre et les autres sujets. […] Nous les recueillions comme les maximes de la sagesse ; jaloux que son silence nous dérobât trop souvent des trésors qui étaient à nous, et, s’il m’est permis de le dire, qu’il ménageât trop ses paroles à des sujets qui lui prodiguaient leur sang et leur tendresse.
Laissons ces discussions sujettes à piège, et exposons dans son ensemble le sens désormais évident et la direction incontenable, tant de la théologie que de la philosophie de Charron. […] Qui prendrait la peine de lire plume en main Montaigne et d’y relever tout ce qui est dit sur les divers sujets et titres qui se rencontrent dans La Sagesse de Charron, trouverait non seulement le fond et la substance de ses pensées, mais encore la forme même et le détail de son expression. […] Ainsi, sur le sujet de la faiblesse et de l’inconstance de l’homme, on lit d’une part dans Montaigne, et de l’autre dans Charron : Montaigne Liv. […] Certes, c’est un sujet merveilleusement vain, divers et ondoyant que l’homme ; il est malaisé d’y fonder jugement constant et uniforme. […] L’homme est un sujet merveilleusement divers et ondoyant, sur lequel il est Ilès-malaisé d’y asseoir jugement assuré, jugement, dis-je, universel et entier, etc., etc.
Je vous avoue, monsieur, qu’en ce temps-là, vous voyant tous les jours marcher sur des précipices avec une contenance gaie et assurée, et ne jugeant pas que la constance pût aller jusque-là, je trouvais quelque sujet de croire que vous ne les aperceviez pas tous. […] Il écrivait en prose et en vers fort agréablement, et d’une manière si galante et si peu commune, qu’on pouvait presque dire qu’il l’avait inventée : du moins suis-je bien que je n’ai jamais rien vu qu’il ait pu imiter, et je pense même pouvoir dire que personne ne l’imitera jamais qu’imparfaitement ; car enfin, d’une bagatelle il en faisait une agréable lettre, et si les Phrygiens disent vrai lorsqu’ils assurent que tout ce que Midas touchait devenait or, il est encore plus vrai de dire que tout ce qui passait dans l’esprit de Callicrate devenait diamant, étant certain que du sujet le plus stérile, le plus bas et le moins galant, il en tirait quelque chose de brillant et d’agréable. […] La belle Parthénie le plaignit aussi comme les autres, quelque sujet de plainte qu’il lui eût donné. […] Il n’avait pas un meilleur goût, mais un goût qui, mieux entouré ou portant sur de grands sujets, aurait pu devenir meilleur, et il l’a prouvé. […] Voiture, en écrivant à son familier Costar, a pu d’ailleurs se donner les airs de parler une fois avec aisance sur un sujet qui d’ordinaire lui plaisait moins.
Ce voyage à la recherche du bon goût rappelle forcément Le Temple du goût de Voltaire : les sujets ou du moins les noms sont semblables ; mais à la manière dont ils sont touchés ou traités, quelle différence ! […] Il fit certaine pièce nommée Athalie, dont le sujet est tiré des livres saints, pour récompense de laquelle il fut gratifié d’une charge de gentilhomme ordinaire de la chambre du roi. […] La première, qui est la meilleure, a pour sujet Les Travaux d’Apollon. […] Le sujet, ou du moins la morale, en est à peu près la même que dans la fable de. […] Cette singularité ne serait chose avérée que s’il avait inventé le sujet, ce qui ne paraît pas probable.
» Et puis le voilà qui s’échauffe sur ce sujet ; enfin il nous en a tant parlé, que toutes les duchesses sont à épousseter les vieux bouquins et toutes les histoires de Suisse qu’il y a dans la bibliothèque. […] Trois fois, dans le cours de vingt années, il eut à quitter Berne pour administrer des pays sujets de ce canton. […] Préposé à l’administration et (si ce mot n’était trop pompeux) à la vice-royauté d’un pays sujet, qui voyait dans la Révolution d’un grand pays voisin un signal pour sa propre émancipation, Bonstetten sut, par son ascendant moral, maintenir jusqu’au bout sans violence le régime dont il était le représentant. […] Au sortir de son bailliage de Nyon et revenu à Berne ou fermentaient des passions politiques très animées, Bonstetten y resta le moins qu’il put, et, après quelque temps passé à sa belle terre de Valeyres près d’Orbe, il accepta la mission de syndic dans les pays italiens sujets, dans ce qui forme aujourd’hui le canton du Tessin. […] Cette Suisse italienne, conquise peu à peu et par portions, et sujette de la Suisse libre, mais sujette non d’un seul, mais de plusieurs États souverains, offrait alors l’assemblage monstrueux de toutes les corruptions et de tous les abus.
Il ne serait pas impossible de tirer de cette simplicité, à laquelle il se soumet sans trace d’effort, un sujet d’éloge : n’est-il pas touchant de voir un homme de génie, au comble de la renommée, célèbre par tant de chefs-d’œuvre, continuer d’écrire avec cette modestie et dans cette uniformité de ton à une sœur, ne l’entretenir que de détails de famille, de sollicitudes paternelles, de soins de nourrice ? […] Aussi suis-je resté stupéfait, l’autre jour, d’entendre un homme de goût, qui sait pourtant toutes ces choses aussi bien et mieux que nous15, en venir à qualifier Racine de « prince de l’école réaliste. » Fuyons ces vilains mots que tout le monde se jette à la tête et qui sont sujets à malentendu et à contresens ; c’en est un ici. […] Il l’applique d’abord au plus triste des sujets, à la Grâce. […] Voltaire, de deux ans seulement plus jeune que Racine fils, débutait vers le même temps par les J’ai vu, se faisait mettre à la Bastille, et bientôt s’attaquant au théâtre, le mauvais sujet conquérait d’emblée le beau monde par le succès d’Œdipe. […] Ce bon sujet en effet, qui « ne voulut jamais rien faire imprimer contre les règles », devait trouver, à publier ses vers tout édifiants, bien plus de difficultés que le charmant libertin Voltaire à débiter les siens si profanes : pour leur donner la clef des champs, Voltaire n’avait qu’à entr’ouvrir sa fenêtre ; ils avaient des ailes et s’envolaient d’eux-mêmes.