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426. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXIV. Des panégyriques depuis la fin du règne de Louis XIV jusqu’en 1748 ; d’un éloge funèbre des officiers morts dans la guerre de 1741. »

Je n’en citerai que deux, que le nom seul de leur auteur suffirait pour rendre célèbres ; l’un est le panégyrique de Louis XV, et l’autre l’éloge funèbre des officiers morts dans la guerre de 1741. […] L’officier en deviendrait plus grand, le soldat même n’oserait plus se croire avili dans son obscurité ; il saurait que pour aspirer à la renommée, il suffit d’être brave, et qu’elle n’est plus, comme les honneurs, le patrimoine exclusif de celui qui a de la fortune et des aïeux.

427. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre quatrième. Les émotions proprement dites. L’appétit comme origine des émotions et de leurs signes expressifs. »

Un geste de l’olympien Goethe suffit un jour à calmer, dans un théâtre, le tumulte de la foule. […] Avec la joie et la souffrance, l’aversion et le désir, on a les quatre passions fondamentales dont le mélange suffit à rendre compte de toutes les autres, et dont l’expression engendre également les mimiques les plus complexes. […] Une même cause, agissant sur plusieurs animaux à la fois, leur fait par exemple pousser un même cri d’alarme ; la peur et le cri entendu finissent par s’associer machinalement : cette association même, grâce à la survivance des mieux doués, devient organique et héréditaire : à la fin, la seule audition du bruit d’alarme suffit donc à éveiller machinalement le sentiment de l’alarme elle-même. — Sans nier ici l’influence de l’habitude et de l’hérédité, nous croyons que cette explication de Spencer demeure encore trop extérieure : il y a une liaison intime, à la fois physiologique et psychologique, entre le cri de détresse et la détresse même. […] Si la flamme sensitive a deux pieds de longueur, le moindre son la fait s’affaisser de moitié : un bruit de clés, un froissement de papier, la chute d’une petite pièce de monnaie, suffiront pour altérer sa hauteur et sa symétrie. […] Dans bien des cas, il suffit de ne pouvoir pleurer ou de ne pouvoir rire pour mettre en danger les centres nerveux et, par conséquent, la vie.

428. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre X : De la succession géologique des êtres organisés »

On comprend si peu cette loi, que j’ai vu souvent des gens ne pouvoir revenir de l’étonnement que leur causait l’extinction de géants de l’organisation, tels que le Mastodonte ou le Dinosaure, comme si la seule force physique suffisait à donner la victoire dans la bataille de la vie. […] Enfin, lors même que les quelques espèces fossiles qui sont communes au vieux monde et au nouveau seraient retranchées de l’ensemble, le parallélisme général des autres formes successives de l’organisation, pendant les périodes paléozoïques et tertiaires, serait cependant évident à première vue et suffirait pour établir la corrélation des diverses formations. […] On a vu qu’elles ont dû être séparées les unes des autres par de longs intervalles, pendant lesquels le lit de la mer était ou stationnaire ou en voie de se soulever, ou par d’autres lacunes provenant de ce que la quantité de sédiment accumulée ne suffisait pas à enfouir les débris organiques de manière à les conserver. […] Pour en donner un seul exemple, il suffit de rappeler de quelle manière les fossiles du système devonien furent du premier coup reconnus par les paléontologistes comme intermédiaires en caractères entre ceux des terrains carbonifères qui les suivent et ceux du système silurien qui les précèdent. […] On conçoit qu’un pareil concours de circonstances ne peut se présenter que rarement ; mais il suffit que ce concours soit possible pour que, si le fait de la réapparition d’une espèce perdue était quelque jour bien constaté, il ne puisse fournir une objection valable contre la théorie de descendance modifiée.

429. (1855) Préface des Chants modernes pp. 1-39

S’il se rencontre, par hasard, des hommes qui sachent habilement agencer les nuances, réunir les uns près des autres des tons qui ne se heurtent pas entre eux, cela suffit. […] C’est le musée Curtius de tous les dieux, demi-dieux, héros et hommes célèbres de l’antiquité : on les explique, on les commente ; ils sont en cire et leurs costumes ont été achetés au Temple ; mais cela ne fait rien : on pousse le ressort, ils remuent les yeux, ils baissent la tête, ils lèvent le bras, cela suffit ; on se persuade qu’ils sont vivants. […] Car, en France, nous sommes ainsi faits, que le progrès ne nous suffit pas par lui-même et qu’il faut qu’il paye sa bienvenue en belles espèces sonnantes et trébuchantes. […] La quantité d’écoles qui nous divisent pacifiquement suffirait à le prouver. […] J’ai connu un homme qui, plus que personne, a appartenu à cette école ; pendant ses longues années de surnumérariat et d’apprentissage, pendant qu’il écrivait je ne sais combien de romans et de poésies qui jamais ne verront le jour, pendant qu’il lisait les maîtres de tous pays, pendant qu’il voyageait et qu’il allait demander à la nature les effluves fécondants qu’elle réserve à ceux qui veulent communier avec elle, il avait cru qu’il suffisait de posséder la Forme pour avoir le droit de parler à ses contemporains.

430. (1890) Causeries littéraires (1872-1888)

Ça suffit. […] Ce mot suffit comme le mot d’Iago : « Je n’aime pas cela !  […] Ce dénouement, qui pourrait suffire au jugement du monde, ne satisfait pas Bernard. […] Il suffisait de changer le point de départ, puisque M.  […] Daniel ne s’en émeut pas : il a été convenu qu’on n’irait point à l’église ; il lui suffit.

431. (1884) Les problèmes de l’esthétique contemporaine pp. -257

À défaut de triomphes plus difficiles, tel ou tel jeu d’adresse nous suffit. […] C’est ce mystère qui suffira toujours à entretenir dans l’art, au-dessus du beau pur et simple, le sentiment du sublime. […] Un roc arrondi, strié de déchirures parallèles, suffit pour évoquer aux yeux l’image d’un glacier glissant silencieusement sur lui, il y a un million d’années. […] Ne suffirait-il pas d’ouvrir un livre de prose pour y trouver un certain nombre de bouts de phrases analogues, offrant par hasard douze syllabes ? […] Pourquoi le vers de dix pieds, qui a cessé depuis si longtemps de nous suffire, est-il resté le vers héroïque d’autres peuples ?

432. (1874) Histoire du romantisme pp. -399

Nous voyons dans Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie : « Il n’y eut que l’excentricité des costumes, qui, du reste, suffit amplement à l’horripilation des loges. […] Et d’ailleurs il n’en a pas besoin ; sa volonté suffit pour l’entraîner aussi vite que le vent. […] Le jardin Beaujon, le cabaret de Montsouris, la Mare aux canards, le Moulin de la galette, lui avaient suffi. […] Du reste, il ne cherchait à absorber la gloire de personne, sachant que la sienne se suffisait, et aux expositions il indiquait loyalement le nom de ses collaborateurs, artisans ou artistes. […] Pour se convaincre du contraire, il suffit de regarder, dans les jardins publics, ces grands caniches sculptés, posés sur des piédestaux aux angles des terrasses et des rampes.

433. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Deuxième série

La liberté consiste à pouvoir se suffire à soi-même. […] A chaque jour suffit sa tâche. […] Il suffit de le rendre attrayant. […] — Rien de plus simple : il suffit d’« imprimer attraction ». […] L’exemple suffirait.

434. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Frémine, Charles (1841-1906) »

L’admirable poème des Pommiers, d’une si noble carrure antique et si virilement filial, suffirait à la popularité d’un poète qui n’aurait pas, comme Charles Frémine, conquis depuis longtemps sa gloire de prince des poètes normands : Quand les récoltes sont rentrées Et que l’hiver est revenu, Des arbres en files serrées Se déroulent sur le sol nu.

435. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rambosson, Yvanhoé (1872-1943) »

Une citation ne peut suffire à donner un exemple de cette manière, non plus qu’un fragment de symphonie ne révèle l’intention d’un musicien… Jusqu’ici, j’ai beaucoup plus parlé de la forme que du fond du livre de M. 

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